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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Paragraphe II. Procédure de désignation d'un expert

A. Nomination de l'expert

Il ne fait l'ombre d'aucun doute que l'expertise constitue un moyen de preuve en matière pénale. Le magistrat y fait recours dans le cadre de l'accomplissement des actes nécessaires à son information. L'article 54 du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale dispose en effet que le Procureur, pour établir la vérité, étend son enquête à tous les faits et éléments de preuve qui peuvent être utiles pour déterminer la responsabilité pénale de la personne accusée. Ce pouvoir d'enquête du Procureur peut le déterminer à procéder à des investigations sur le territoire d'un Etat quelconque avec lequel il a conclu un accord de coopération ou sur autorisation du juge de la Chambre préliminaire. Il peut donc, dans le cadre de son enquête, recueillir et examiner les éléments de preuve qui lui sont soumis, convoquer et interroger des personnes faisant l'objet d'une enquête, des victimes et des témoins. Ce faisant, les enquêtes du Procureur ont un effet absolu et général, c'est-à-dire elles portent sur tout fait et tout élément de preuve, à charge ou à décharge, pour l'établissement ou non de la responsabilité pénale.

Normalement, et en l'absence des textes appropriés en droit international pénal, la réglementation de l'expertise suit ce que l'on pourrait appeler le plerum que fit en matière judiciaire. De la sorte, toute autorité judiciaire qui se trouve en présence d'une question d'ordre technique, peut recourir spontanément à une expertise958(*). Ainsi, le Procureur qui mène les enquêtes peut recourir à cette faculté en ordonnant d'office une expertise dans le but d'éclairer sa propre religion. Le Procureur pourra même exiger la présence de son témoin expert devant les juges en audience publique pendant le procès :

« (...) [t]he Prosecution informs the Trial Chamber that it considers it appropriate to call its expert on background and context immediately after the testimony of the Court's expert. The prosecution proposes calling first the former child soldier witnesses in order to understand the particular conditions of the alleged crimes; subsequently the expert witnesses, in order to fully understand the context and to allow the Parties, Participants and the Trial Chamber to refine their questions; and finally those witnesses who establish the internal functioning of the UPC/FPLC and the role of Thomas Lubanga (...) »959(*)

L'expertise peut également être sollicitée par toutes les autres parties au procès, lesquelles en évaluent et en apprécient librement l'opportunité et l'utilité960(*). Ces experts ont le droit d'examiner le travail accompli par l'expert commis par le Procureur et présenter leurs observations techniques. Rien n'interdit en effet au Procureur de procéder à la confrontation de tous les experts désignés par les parties ou d'en nommer un troisième, surtout lorsqu'il se dégage entre les rapports de ces experts des couplets antagonistes961(*).

En principe, la nomination d'un expert se fait en se conformant à une liste préétablie au niveau d'un tribunal962(*). L'autorité judiciaire peut s'en passer, en motivant sa décision. Dans sa décision de nomination d'expert, l'autorité judiciaire doit préciser la mission qu'elle attribue à un expert. Ainsi par exemple, un expert psychiatre pourra recevoir comme mission, conformément à son art, de donner des indications concernant les facultés physiques et mentales passées et présentes de l'accusé, de formuler toutes observations utiles pour l'évaluation de l'état mental de l'accusé lors de la commission des crimes allégués et pour l'interprétation des résultats ainsi obtenus, de fournir des informations sur l'état psychologique actuel de l'accusé et sur ses capacités éventuelles de réinsertion, et formuler toute recommandation utile à ce sujet963(*). Les recommandations formulées par l'expert seront présentées dans un rapport écrit964(*).

B. Rapport fourni par l'expert

Après avoir exécuté la mission que le Procureur lui a confiée, l'expert rédige un rapport dans lequel il précise les opérations accomplies, les résultats recueillis et les conclusions retenues. Ce rapport est signé de la main propre de l'expert, en mentionnant aussi les noms et qualités des personnes qui l'ont assisté965(*). Dans l'hypothèse d'une dualité d'experts ou d'expertise contradictoire, les avis peuvent diverger. Dans ce cas, chacun des experts exprime son opinion et ses réserves de manière séparée. Le rapport d'expert est déposé dans le délai exigé par le Procureur. Les conclusions auxquelles aboutit un expert ne lient pas le Procureur, lequel apprécie souverainement la valeur qu'il conviendrait d'attribuer à l'expertise à la lumière de l'ensemble des éléments du dossier.

Par ailleurs, certains rapports d'expert peuvent fournir des renseignements relevant de la vie privée des personnes impliquées dans une procédure d'enquête. Il peut s'agir par exemple des rapports médicaux qui contiennent des données relatives à l'état de santé actuel -tant physique que psychologique- des victimes et témoins, au détail des blessures et traumatismes qu'ils ont subis, ainsi qu'aux indications précises sur leurs antécédents médicaux966(*). Il s'agit donc des renseignements qui n'ont pas vocation à être connus de tous et dont la communication ou la divulgation peut effectivement entamer la dignité et le bien-être psychologique de ces victimes et témoins. Dans ce cas, et comme le souligne la jurisprudence, ces renseignements seront traités avec prudence compte tenu de l'importance de la protection du droit à la vie privée et à la dignité de la personne967(*). La prudence exigerait donc en l'occurrence de limiter l'accès aux conclusions de l'expert à quelques personnes.

* 958 GUINCHARD Serge et BUISSON Jacques, loc. cit. ; BOULOC Bernard, op. cit., p. 733.

* 959 C.P.I., Ch. prél., ICC-01/04-01/06, le Procureur c/ Thomas LUBANGA DYILO, Prosecutions's submission of questions to the Court's expert on background and context and on further matters concerning the Court's and the Prosecution's experts on background and context, 3 décembre 2008, § 4-5.

* 960 T.P.I.Y., 1ère Inst., le Procureur c/ Miroslav KVOCKA et csrts, Décision relative à la requête de la défense aux fins de commettre des experts pour l'accusé Miroslav KVOCKA, 12 mai 2000.

* 961 PETROVIC Vladimir, « Les historiens comme témoins experts au TPIY », DELPLA Isabelle & BESSONE Magali (dir.), op. cit., p. 126 ; T.P.I.Y., 1ère Inst. II, IT-94-1-T, le Procureur c/ Dusko TADIC, Jugement, 7 mai 1997.

* 962 Norme 44, § 1er, Règlement de la cour pénale internationale : « Le greffier dresse et tient à jour une liste d'experts qui est mise à la disposition permanente des organes de la cour et de l'ensemble des participants... ».

* 963 T.P.I.Y., Aff. Miroslav KVOCKA.

* 964 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-98-30/1-T, le Procureur c/ Miroslav KVOCKA et csrts, « Le crime de viol en droit pénal yougoslave et dans la pratique judiciaire de ce pays », Déclaration d'un témoin expert, Professeur Stanko BEJATOVIC, 29 décembre 2000, 12 pages.

* 965 GUINCHARD Serge et BUISSON Jacques, op. cit., p. 969 ; BOULOC Bernard, op. cit., p. 739.

* 966 C.P.I., 1ère Inst. II, ICC-01/04-01/07-898, le Procureur c/ Germain KATANGA et Matthieu NGUDJOLO CHUI, Requête du Bureau du Procureur aux fins d'obtention de mesures de protection à l'égard des tiers et du public concernant trois rapports d'expertise médico-légale, 13 février 2009, § 5.

* 967 C.P.I., 1ère Inst. II, ICC-01/04-01/07, le Procureur c/ Germain KATANGA et Matthieu NGUDJOLO CHUI, Décision relative à la requête du Procureur concernant trois rapports d'expertise médico-légale, 25 mars 2009.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand