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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Section III. Le Procureur établit l'acte d'accusation

La notion de l'acte d'accusation (§ 1), son contenu (§ 2) et ses différentes métamorphoses (§ 3) forment l'ossature de cette section.

Paragraphe I. La notion de l'acte d'accusation

Absence de définition légale.- Aucune disposition des Statuts des juridictions pénales internationales ne définit ce qu'il faut entendre par acte d'accusation (Indictment). Le Règlement de procédure et de preuve de ces juridictions ne le définit pas non plus. Les articles 18 du Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et 17 de celui du Tribunal pénal international pour le Rwanda se contentent uniquement d'utiliser les mots « acte d'accusation » sans pour autant les définir968(*). Il nous semble même que cette notion est ostensiblement méconnue par le Statut de Rome969(*), encore que dans la pratique certains participants à la procédure d'enquête devant la Cour pénale internationale en viennent à s'y référer970(*), non sans manquer d'altérer le fond de leur pensée971(*). Quand bien même il y recourt, les juges des tribunaux ad hoc s'arrêtent à en donner le contenu sans dire précisément et effectivement ce qu'il en est. Néanmoins, il faut avouer que l'absence de définition de l'acte d'accusation n'enlève ni n'entame les propriétés juridiques de celui-ci, tant ses effets s'en font sentir dans le concret.

Matrice et notification des charges criminelles.- Comme le mot l'indique, l'acte d'accusation est une pièce maîtresse du procès pénal international dont la vocation est de présenter la substance et le degré de complexité de chaque affaire soumise au juge pénal international, aussi bien sur le plan de fait que sur le plan de droit. Il serait, selon la doctrine, « (...) [t]he official notification given to an individual by the competent authority of an allegation that he has committed a criminal offence (...) »972(*) ou « une pièce par laquelle le Procureur, ayant réalisé les enquêtes, saisit le tribunal compétent et dans laquelle il décrit succinctement mais de façon claire et exhaustive les faits reprochés à la personne poursuivie, les dispositions légales violées par celle-ci et les qualifications retenues contre elle »973(*). Si la première définition met en évidence la fonction de notification des charges retenues contre la personne accusée974(*), la deuxième définition a l'avantage de présenter l'acte d'accusation comme « la matrice des faits et des incriminations à prouver »975(*). Cette dernière définition pèche cependant par cette confusion qui consiste à regarder l'acte d'accusation tout à la fois comme un acte de saisine du juge pénal international et un acte contenant des charges ou chefs d'accusation et de qualification. En réalité, l'acte d'accusation ne saisit pas le tribunal pénal international, mais plutôt la Chambre de première instance dans une procédure tendant à obtenir de ce juge la décision d'entérinement -ou de confirmation-976(*) et de sollicitation d'une demande d'arrestation aux fins de remise du délinquant. L'acte d'accusation permet au Procureur, alors que le tribunal est déjà saisi -soit d'office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l'Organisation des Nations Unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales- d'accuser le délinquant en décrivant les faits de la cause ou les chefs d'accusation et en apportant la preuve irréversible de sa participation aux actes  criminels977(*), engageant du coup sa responsabilité pénale individuelle. Le Statut de la Cour pénale internationale a apporté de la clarté et de la précision à propos de la saisine du juge pénal international. En effet, l'article 13 dispose que la Cour exerce sa compétence lorsqu'une situation dans laquelle un crime de sa compétence lui est déférée par un Etat Partie ou par le Conseil de sécurité (art. 13, a et b)978(*). Dans ces deux cas, la Cour n'est pas saisie d'un crime précis contre un délinquant déterminé, mais plutôt d'une situation, à priori vague et imprécise, à laquelle le Procureur donnera un corpus juris à l'occasion de ses enquêtes. Mais le Procureur peut, de sa propre initiative et au vu de renseignements obtenus, ouvrir une enquête pour un crime précis et contre un délinquant déterminé (art. 13, c)979(*), pourvu qu'il y ait une « base raisonnable » et des « motifs suffisants » d'ouvrir une enquête ou d'engager des poursuites. C'est la saisine d'office.

Il doit cependant être admis que l'acte d'accusation est un acte qui contient une déclaration concise des faits et une indication des charges retenues contre la personne du suspect980(*). Le Procureur a d'une part l'obligation d'exposer tous les faits importants étayant les accusations retenues contre l'accusé d'une façon suffisamment claire et détaillée et, d'autre part, l'obligation de dire ce qu'il en est en droit afin de permettre à l'accusé de préparer sa défense981(*). Il en découle que l'acte d'accusation est dressé à l'issue d'une information : le Procureur peut interroger les suspects, les victimes et les témoins, réunir des preuves et procéder sur place à des mesures d'instruction avec, selon que de besoin, le concours des autorités de l'Etat concerné982(*). Il est donc nécessaire que le Procureur démontre sans équivoque l'existence des éléments de preuve suffisants afin de convaincre raisonnablement le juge que le suspect a commis les infractions qui lui sont reprochées983(*). Par ailleurs, l'acte d'accusation est toujours dressé avant toute mise en branle d'un procès, il en détermine désormais la ligne directrice -auquel il donne d'ailleurs naissance-, permettant ainsi à la personne accusée d'adopter une ligne de défense telle à balayer tous les arguments soutenant l'hypothèse de la commission des faits contenus dans l'acte d'accusation.

La confirmation de l'acte d'accusation et ses conséquences.- De tout ce qui précède, il apparaît que l'autorité compétente pour dresser un acte d'accusation demeure sans nul doute le Procureur. Il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire qui lui revient conformément aux Statuts984(*). Cependant, l'acte du Procureur n'est que provisoire et mériterait un supplément de pouvoir pour lier le tribunal pénal international. C'est ainsi que la phase de confirmation de l'acte d'accusation existe, phase au cours de laquelle le Procureur sollicite du juge l'aval ou, plus exactement, l'entérinement de son acte985(*). Cette procédure de confirmation de l'acte d'accusation se déroule en une audience non contradictoire (le suspect n'est pas présent). Le juge saisi peut prononcer la confirmation ou le rejet partiel ou total de l'acte d'accusation.

La confirmation de l'acte d'accusation constitue une autre façon et une autre occasion pour le juge d'intervenir dans l'action du Procureur en vue d'en assurer le contrôle986(*). Elle entraîne sans nul doute un changement de nature juridique de la personne suspecte : elle devient désormais « accusé », peut faire l'objet d'un mandat d'arrêt987(*) et, par dessus tout, se présenter en créancier des droits appartenant à la Défense. En principe, un acte d'accusation confirmé est porté publiquement à la connaissance de la personne accusée par voie de signification à personne988(*). La personne accusée doit recevoir l'exploit de signification ainsi que la copie de dispositions pertinentes du Statut et Règlement de procédure et de preuve dans une langue qu'elle comprend et parle parfaitement. A l'occasion, elle est informée des droits que le Statut et le Règlement de procédure et de preuve lui reconnaissent. Il va en effet de l'intérêt de la défense et de l'administration de la justice que la personne accusée sache à l'avance ce que la justice lui reproche de manière à préparer en connaissance de cause sa défense. Cependant, lorsque les circonstances exceptionnelles l'exigent et pour faciliter les recherches, la non-divulgation de l'acte d'accusation peut être ordonnée, dans l'intérêt de la justice et sur avis motivé du Procureur, par le juge saisi à cet effet989(*). La non-divulgation de l'acte d'accusation présente en effet un intérêt certain, elle permet d'aller à la recherche de la personne accusée sans qu'elle ne soupçonne qu'elle fait l'objet de poursuites990(*). C'est le cas de la procédure de scellé qui a aussi été pratiquée par la Cour pénale internationale dans le cadre de la situation criminelle qui se déroule en Ouganda991(*).

* 968 « (...) [l]e Procureur établit un acte d'accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l'accusé en vertu du Statut (...) ».

* 969 En lieu et place, le Procureur de la Cour pénale internationale recourt à la requête aux fins du mandat d'arrêt ou de la citation à comparaître qu'il adresse à la Chambre préliminaire et dans laquelle il dresse tous les chefs d'accusation retenus contre la personne suspecte ; LAUCCI Cyril, « L'accusation », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 759.

* 970 C.P.I., Ch. prél. II, ICC-01/05-01/08, le Procureur c/ Jean-Pierre BEMBA GOMBO, Conclusions de la défense en réponse à l'acte d'accusation amendé du 30 mars 2009, 24 avril 2009, § 1 : « (...) Il ressort de l'acte d'accusation émanant du bureau du Procureur que (...) ».

* 971 C.P.I., Ch. prél. II, ICC-01/05-01/08, le Procureur c/ Jean-Pierre BEMBA GOMBO, Conclusions de la défense en réponse à l'acte d'accusation amendé du 30 mars 2009, 24 avril 2009, § 14 : « (...) [l]a défense de Mr BEMBA (« La défense ») soutient que le « document modifié de notification des charges » (« DCC ») du 30 mars 2009 est attentatoire au droit à un procès équitable (...) ».

* 972 NTANDA NSEREKO Daniel D., « Commentary. Indictment », KLIP André & SLUITER Göran (eds.), Annotated Leading Cases of International Criminal Tribunals, vol. 4, The International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia 1999-2000, Antwerp, Intersentia, 2002, p. 58.

* 973 FOFE DJOFIA MALEWA Jean-Pierre, La question de la preuve devant le tribunal pénal international pour le Rwanda, Paris, L'Harmattan, 2006, p. 27.

* 974 NTANDA NSEREKO Daniel D., « Commentary. Indictment », KLIP André & SLUITER Göran (eds.), op. cit., p. 59.

* 975 FOFE DJOFIA MALEWA Jean-Pierre, op.cit., p. 25.

* 976 CASSESE Antonio, op. cit., p. 404; GUSTAFSON Katrina, «ICTY and ICTR (Indictment)», CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 363.

* 977 CASSESE Antonio, loc. cit.; GUSTAFSON Katrina, «ICTY and ICTR (Indictment)», CASSESE Antonio (ed.), loc. cit.

* 978 Voir supra, pp. 46 et s.

* 979 Voir supra, pp. 60 et s.

* 980 CASSESE antonio, ibid.

* 981 T.P.I.R., 1ère Inst. III, ICTR-97-20-T, le Procureur c/ Laurent SEMANZA, 15 mai 2003, §42 et 44; T.P.I.Y., App., IT-97-25, le Procureur c/ KMOJELAC, l7 septembre 2003, § 130-l3l; T.P.I.Y., App., IT-95-16, le Procureur c/ KUPRESKIC et csrts, 23 octobre 2001, § 88 et 92; T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-01-47-PT, le Procureur c/ HADZIBASANOVIC et csrts, Décision relative à la forme de l'acte d'accusation, 7 décembre 2001, § 8

* 982 LAUCCI Cyril, « L'accusation », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 758

* 983 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-12-I, le Procureur c/ RAJIC, 29 août 1995 [LAUCCI Cyril, « L'accusation », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), loc. cit.]

* 984 Art. 18, Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ; art. 17, Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

* 985 CASSESE Antonio, op. cit., p. 406; NTANDA NSEREKO Daniel D., « Indictment. Commentary », KLIP André & SLUITER Göran (eds.), op. cit., p. 65 ; T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-13-I, le Procureur c/ M. MRKSIC, M. RADIC, V. SLJIVANVANIN, Examen de l'acte d'accusation, 7 novembre 1995 ; T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-18-I, le Procureur c/ Radovan KARADZIC et Ratko MLADIC, Examen de l'acte d'accusation, 16 novembre 1995.

* 986 ASCENSIO Hervé et PELLET Alain, « L'activité du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (1993-1995) », Annuaire Français de Droit International, XLI-1995, p. 109.

* 987 CASSESE Antonio, op. cit., p. 406 ; LAUCCI Cyril, op. cit., p. 760.

* 988 Art. 52, Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc ; GAYNOR Fergal, « ICTY and ICTR (Pre-Trial Proceedings) », CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 364.

* 989 Art. 53, Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc.

* 990 Cyril LAUCCI, « L'accusation », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 760.

* 991 C.P.I., ICC-02/04-01/05, 7 octobre 2005.

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