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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Chapitre II. Les mesures de protection et de sécurité prises en faveur des victimes et témoins

L'importance des mesures de protection pendant l'enquête.- Les mesures de protection prises pendant l'enquête et avant le début d'un procès ne sont pas à proprement parler des actes qui permettent ou facilitent la recherche de la preuve. Il s'agit plutôt des mesures destinées à assurer la protection de la vie privée des victimes et témoins et à sécuriser leur intégrité physique. Ce que recherche le Procureur en ordonnant ou en sollicitant du Juge des mesures de protection c'est obtenir la garantie que les éléments de preuve qu'il a récoltés tout au long de son enquête seront préservés et conservés de manière intacte. Ainsi conservés, les éléments de preuve cristallisent les moyens du Procureur dans le soutien de son accusation et assurent en même temps une bonne administration de la justice1460(*). Les témoins qui ont déposé au cours de l'audition du Procureur ne vont plus, par crainte de représailles pour eux-mêmes ou pour leurs proches, se dédire ni se raviser.

L'article 22 du Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et l'article 21 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda se rapportent à la protection des victimes et témoins. Ils disposent que les mesures de protection comprennent, sans y être limitées, la tenue d'audiences à huis clos et la protection de l'identité des victimes. Ces deux dispositions sont du reste complétées par les articles 69 et 75 du Règlement de procédure et de preuve. L'on peut y lire :

« (...) Dans des cas exceptionnels, le Procureur peut demander à un juge ou à la Chambre de première instance d'ordonner la non divulgation de l'identité d'une victime ou d'un témoin pour empêcher qu'ils ne courent un danger ou des risques, et ce jusqu'au moment où ils seront placés sous la protection du Tribunal (...) » (Article 69)

« (...) Un Juge ou une Chambre peut, d'office ou à la demande d'une des parties, de la victime, du témoin intéressé ou de la Section d'aide aux victimes et aux témoins, ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité de victimes ou de témoins, à condition toutefois que lesdites mesures ne portent pas atteinte aux droits de l'accusé (...) » (Article 75).

Les mesures de protection prises par le Procureur.- À la première lecture de ces dispositions, l'on ne peut se méprendre à l'idée que seul le Juge dispose du droit d'adopter des mesures de protection en faveur des victimes et témoins dont la présence est requise dans une audience. L'article 68 du Statut de Rome, qui se consacre à la protection et à la participation au procès des victimes et témoins, reconnaît au Procureur le pouvoir de prendre des mesures propres qui sont destinées à assurer la protection des victimes et témoins au stade de l'enquête et des poursuites1461(*). Cette disposition, loin de se limiter uniquement à la fonction de la protection, présente une autre particularité en ceci qu'elle enrichit l'intervention des victimes et témoins dans le cadre du procès. Désormais, les victimes et témoins n'ont pas seulement le droit d'exiger protection et sécurité de leur vie privée, mais aussi le droit d'accéder à la procédure et d'y participer, au point de se présenter, pour les victimes, en parties civiles réclamant réparation pour le préjudice subi. Néanmoins, ce deuxième aspect qui se consacre au droit d'accès à la procédure ne sera pas examiné dans le cadre de cette étude. Il sera donc question ici d'énumérer de manière exhaustive les mesures de protection et de sécurité en faveur des victimes et témoins (section I), d'examiner les conditions d'octroi de ces mesures de protection et de sécurité (section II) et les sanctions qui en découlent en cas d'inobservance avérée des prescrits du Juge (section III).

Section I. L'énumération des mesures de protection et de sécurité

Le régime relatif à la protection de la vie privée des victimes et témoins, ainsi que la sécurité de leur intégrité physique et/ou de leurs proches est organisé par les différentes dispositions légales ci-dessus mises en évidence. Le Procureur y recourt dans le cadre de ses enquêtes et poursuites, parfois il en exige application en saisissant le Juge de la Chambre préliminaire ou celui de la Chambre de première instance selon le cas. De façon tout à fait rigoureuse, la jurisprudence internationale a encadré la politique judiciaire d'octroi des mesures de protection. Un juge de la Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie s'était exprimé en profondeur à ce propos. Il a constaté avec regret que « (...) [l]'octroi de telles mesures de protection, d'abord conçu comme une pratique exceptionnelle, est presque devenu la norme dans les affaires portées devant le Tribunal (...) »1462(*). Pour le juge, les demandes de mesures de protection doivent viser des cas particuliers et non des situations générales qui empêcheraient l'accusé de prendre connaissance de l'identité des témoins. En effet, poursuit-il, « (...) Le droit de l'accusé à un procès équitable impose à la Chambre de première instance de n'accorder de mesures de protection que lorsqu'il est dûment prouvé, pour chacun des témoins concernés, que lesdites mesures sollicitées répondent aux critères établis (...) »1463(*)

Le Juge encadre donc les mesures de protection de la vie privée des victimes et témoins ainsi que la sécurité de leur intégrité physique et/ou de leurs proches. L'énumération exhaustive de ces différentes mesures résulte des statuts et règlements de procédure et de preuve des juridictions pénales internationales. Chaque fois qu'il est saisi pour ce faire, le Juge adapte sa décision selon les besoins qui sont nécessaires à la protection des éléments de preuve ou la bonne administration de la justice. Ainsi, les mesures suivantes sont prises au cas par cas : l'audition du témoin à huis clos (c'est d'ailleurs la règle au cours d'une enquête)1464(*) ; l'interdiction de communiquer aux tiers la teneur de la déposition d'un témoin ; l'usage du pseudonyme en lieu et place du véritable nom d'un témoin1465(*) ; l'altération ou la déformation de l'image et de la voix d'un témoin ; l'interdiction de divulguer des informations qui permettent de révéler ou d'identifier un témoin, y compris ses coordonnées et autres éléments d'identification ; l'interdiction de photographier un témoin ou d'enregistrer sa déposition1466(*).

* 1460 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-13/1-PT, le Procureur c/ Mile MRKSIC et csrts, Décision relative aux demandes confidentielles de mesures de protection et de non divulgation présentées par l'accusation, avec annexe A confidentielle, 9 mars 2005. 

* 1461 ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 771.

* 1462 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-02-54-T, le Procureur c/ Slobodan MILOSEVIC, Décision relative à la requête de l'accusation aux fins de mesures de protection provisoires en application de l'article 69 du règlement, 19 février 2002, § 28.

* 1463 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-02-54-T, le Procureur c/ Slobodan MILOSEVIC, Décision relative à la requête de l'accusation aux fins de mesures de protection provisoires en application de l'article 69 du règlement, 19 février 2002, § 28.

* 1464 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-97-24, le Procureur c/ KOVACEVIC et DRLJACA, Décision relative à la requête de l'Accusation aux fins de mesures de protection pour le témoin `P', 13 mai 1998 ; T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-8, le Procureur c/ SIKIRICA et csrts, Ordonnance relative à une requête aux fins de mesures de protection, 10 avril 2001.

* 1465 T.P.I.Y., 1ère Inst. III, IT-04-74, le Procureur c/ PRLIC et csrts, Décision portant lignes directrices pour les demandes de mesures de protection des témoins de la Défense, 22 février 2008.

* 1466 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-8, le Procureur c/ KULUNDZIJA, Ordonnance aux fins de mesures de protection, 24 juin 1999 ; T.P.I.Y., 1ère Inst. III, IT-05-87, le Procureur c/ MILITUNOVIC et csrts, Décision relative à la demande de mesures de protection présentée par l'Accusation en faveur du témoin K90, 23 janvier 2007.

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