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L'intervention de l'état constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente ?

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par François VOIRON
Paris II Panthéon Assas - Master II Droit européen des affaires 2010
  

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L'intervention de l'État

constitue-t-elle un fait

justificatif de l'entente?

Mémoire de François VOIRON

Master II Droit Européen des Affaires

Année universitaire 2010/2011

Table des matières

RÉSUMÉ 1

INTRODUCTION 3

PARTIE I : L'APPLICABILITÉ DE LA PROHIBITION DES ENTENTES Ë L'ÉTAT 7

SECTION 1 : LA NOTION D'ENTREPRISE EN DROIT COMMUNAUTAIRE 7

§1 : L'appréciation fonctionnelle de l'existence d'une activité économique 8

§2 : L'exclusion de certains types d'activités 10

SECTION 2 : LA SOUMISSION DE L'ÉTAT AU DROIT NATIONAL DE LA CONCURRENCE 12

§1 : Une définition fonctionnelle proche du droit communautaire 12

§2 : Les difficultés spécifiques liées au principe de séparation des ordres juridictionnels 14

SECTION 3 : L'OBLIGATION DE COOPÉRATION LOYALE DES ÉTATS ET L'APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE AU POUVOIR NORMATIF 17

SECTION 4 : LE RÉGIME PARTICULIER DE L'ARTICLE 106 DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE 20

PARTIE II: LA JUSTIFICATION D'ENTENTES ANTICONCURRENTIELLES PAR UNE INTERVENTION DE L'ÉTAT 25

SECTION 1 : L'ADMISSION DE LA JUSTIFICATION EN DROIT NATIONAL 25

§1 : L'article L.420--4 II du Code de Commerce: l'exemption préalable par décret 26

A. L'exemption collective 27

B. L'exemption individuelle 29

§2 : L'article L.420--4 I 1° du Code de Commerce: l'ordre de la loi 31

A. Le principe d'inapplication de la prohibition aux ententes résultant d'un texte législatif 31

B. Le caractère limité de l'exemption 32

1 . L'interprétation stricte des textes à l'origine de l'exception 32

2 . L'exigence d'un lien de causalité entre le texte et la pratique 35

3 . L'influence restrictive du droit communautaire 37

SECTION 2 : LA PRISE EN COMPTE DE L'INTERVENTION DE L'ÉTAT EN DROIT COMMUNAUTAIRE 40

§1 : La justification d'une entente imposée par une intervention de l'État 40

§2 : La difficulté d'obtention d'une inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne 43

BIBLIOGRAPHIE 46

OUVRAGE S 46

ARTICLES 46

SITES INTERNET 47

TEXTES 47

JURISPRUDENCES 48

Résumé

L'interaction entre l'action étatique et le droit prohibant les ententes anticoncurrentielles est susceptible de poser deux types de questions qui seront traitées par l'analyse qui suit.

En premier lieu, il convient de se demander si l'État peut être considéré comme destinataire du droit de la concurrence et y être soumis. Cette première problématique nous amènera à dissocier les règles applicables selon les différents types d'activités étatiques.

Pour les activités étatiques pouvant être qualifiées d'économiques car exercées par une entreprise au sens fonctionnel du droit de la concurrence, la prohibition des ententes s'applique sans distinction selon la nature publique ou privée de l'entité à l'origine de la pratique. Le pouvoir normatif de l'État est également soumis au droit communautaire de la concurrence en vertu du principe de coopération loyale : l'État doit respecter l'interdiction des ententes faute de commettre un manquement et d'engager sa responsabilité. Certaines exceptions sont néanmoins prévues en ce qui concerne les activités ayant un objectif purement social et celles faisant intervenir des prérogatives de puissance publique. Une inapplication du droit de la concurrence est également envisagée pour les services d'intérêt économique général dans la mesure oü l'irrespect des règles de concurrence est indispensable à leur fonctionnement.

L'implication de l'État dans une activité n'est donc en elle-même pas exonératoire du respect du droit de la concurrence, même si des dispositifs spécifiques sont prévus pour tenir compte des objectifs particuliers que peut revêtir l'action étatique.

En second lieu, il est nécessaire de s'interroger sur la possibilité pour les entreprises participant à une entente anticoncurrentielle de justifier leur comportement par une intervention étatique. Des mécanismes particuliers sont prévus en droit national et en droit communautaire pour tenir compte de ces cas particuliers. L'objectif commun de ces règles est de tenir compte de l'absence d'autonomie des entreprises du fait de l'intervention étatique et de garantir leur sécurité juridique.

En droit national, deux types d'exceptions textuelles sont prévus. Il s'agit tout d'abord d'exempter préalablement, de facon individuelle ou collective, les ententes anticoncurrentielles, par le biais d'un décret. Le Code de Commerce prévoit également une exception tirée de l 'ordre de la loi permettant la non-application de la prohibition des ententes si elles résultent d'un texte législatif.

En droit communautaire, faute d'exception prévue dans les textes, la jurisprudence a défini les modalités dans lesquelles une entreprise peut se voir exemptée de sanctions lorsque l'entente à laquelle elle a participé résulte d'une intervention de l'État.

Les conditions de ces mécanismes sont donc similaires mais possèdent cependant certaines différences. Leur application reste en tout état de cause difficile à obtenir afin de ne pas créer d'exemption trop large à la faveur des entreprises et de l'interventionnisme étatique.

Introduction

Confronter un objectif de concurrence libre et non-faussée avec l'intervention étatique conduit de prime abord à identifier une contradiction de principe.

Cette apparente opposition trouve à s'exprimer principalement en ce qui concerne les aides d'État, domaine oü l'empire du droit de la concurrence dans le giron de l'État s'exerce à plein. En effet, l'État peut, par son intervention sous forme d 'aides, fausser le jeu de la concurrence existant sur un marché en accordant un avantage à une ou plusieurs entreprises par rapports à leurs concurrents. Ainsi, des dispositions spécifiques c réant des obligations à la charge des États membres existent dans le Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et conditionnent la légalité des aides accordées par les États à l'octroi préalable d'une autorisation par la Commission Européenne.

L'opposition entre l'objectif de libre concurrence et la politique étatique trouve également à exister en matière d'interdiction des abus de position dominante, notamment pour les secteurs économiques faisant l'objet d'un monopole national, mais elle existe aussi en ce qui concerne les problématique d'ententes.

L'entente anticoncurrentielle est concue comme une action collective ayant pour objet de fausser ou d'entraver le jeu de la concurrence, formalisée dans un accord ou résultant seulement d'une pratique de concertation. Ce type de pratiques est prohibé à la fois dans l'ordre juridique communautaire et dans l'ordre juridique interne. L 'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne dispose ainsi que Ç Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d 'associations d 'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l 'intérieur du marché intérieur È. Quoique rédigé différemment, l'article L.420-1 du Code de Commerce contient la méme prohibition: Ç Sont prohibées même par l 'intermédiaire direct ou indirect d 'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu 'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions È.

Les interconnexions entre l'interdiction des ententes anticoncurrentielles et l'intervention de l'État paraissent moins évidentes: elles sont pourtant importantes. Le principal problème posé par ces interconnexions concerne la justification d 'une entente anticoncurrentielle par une intervention étatique. Se pose donc la question de savoir si

l'État peut, dans l'exercice de son autorité, affranchir les entreprises du respect de leurs obligations de respect du droit de la concurrence en général, et de la prohibition des ententes en particulier.

En premier lieu, se pose le problème de l'applicabilité de la prohibition des ententes aux activités de l'État (entendu largement comme l'État et ses démembrements et l'ensemble des autorités publiques). Il n'est en effet pas possible de conclure à l'absence de relations entre l'État et le droit des ententes, seulement du fait que la section du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne contenant les normes relatives aux ententes et abus de position dominante soit intitulée ÇLes règles applicables aux entreprises È, par opposition au droit des aides d'État destiné aux organes de la puissance publique. En effet, les dispositions aussi bien nationales que communautaires prohibant les ententes s'adressent à l'entreprise définie par la jurisprudence communautaire comme une Ç entité exercant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement È1. L'activité économique consiste à offrir des biens et services sur un marché, et subsiste méme en l'absence de but lucratif.

Cette définition fonctionnelle et économique n'accorde aucune importance à la forme de l'entreprise ou à son statut juridique (il ne s'agit pas obligatoirement d'une société commerciale ou d'un commercant). Dès lors, il est possible que l'action de l'État, par le biais de différents types de démembrements, soit considérée comme une activité économique d'entreprise soumise en tant que tel au droit de la concurrence, dès lors qu'elle ne fait pas appel à des prérogatives de puissance publique. Il existe donc bel et bien des rapports entre la prohibition des ententes et l 'intervention étatique, dont la complexité résulte principalement de la place ambiguë qu'occupe le droit de la concurrence.

En effet, au sein de l'organisation juridique classique sous forme de branches, le droit de la concurrence n'est jamais concu ni comme un pur droit privé ni comme un pur droit public, mais davantage comme un droit économique empruntant des aspects à chacune des branches, publique et privée. Ce manque de clarté dans le positionnement de la matière est dü à plusieurs facteurs. Tout d'abord, le droit de la concurrence s'adresse à la fois aux entreprises et aux

États. Il gouverne donc à la fois des rapports entre personnes privées et des rapports entre personnes privées et publiques. En second lieu, le droit de la concurrence possède un double aspect de sanction et de réparation. En effet, l'objectif des sanctions

1 Cour de Justice des Communautés Européennes, 23 avril 1991, Klaus Hfner et Fritz Elser contre Macrotron GmbH, C-41/90.

2 Cour Européenne des Droits de l'Homme, 21 février 1984, Oztürk contre RFA.

L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente? (dont le pénal reconnu par Cour des 'Homme 2

caractère est la Européenne Droits de l , tout

comme l 'Union Européenne 3

la Cour de Justice de et la Cour de Cassation4) n'est pas de

protéger des personnes privées (concurrents, clients, consommateursÉ) mais bien de sauvegarder une forme d'intérêt général, l'ordre public économique. A l'inverse, le versant civiliste du droit de la concurrence permet à des entreprises et/ou des consommateurs de demander réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait des pratiques anticoncurrentielles de leurs concurrents ou fournisseurs.

En conséquence, le droit de la concurrence entretient des rapports complexes avec les différentes formes que peut emprunter l'intervention de l'État puisqu'il ne les gouverne pas complètement mais n 'y est pas non plus totalement étranger. La complexité de ces rapports est particulièrement topique en ce qui concerne les ententes anticoncurrentielles ou cartels.

En second lieu, un problème parallèle se pose lorsque l'État met en Ïuvre des dispositions de politique économique allant à l'encontre des règles de concurrence et de l'interdiction des ententes anticoncurrentielles.

L'entreprise soumise à une norme nationale anticoncurrentielle se retrouve dans une position extrêmement délicate puisqu'elle doit appliquer ladite norme mais reste soumis e à la prohibition des ententes. Dès lors, quelque soit son attitude, elle se trouvera en infraction vis-à-vis de l'une des deux normes.

De plus, la qualification du comportement anticoncurrentiel d'entente nécessite un élément intentionnel caractérisé par un concours de volontés entre entreprises indépendantes (par le biais d'un accord, d'une décision expresse ou taciteÉ). Est-il toujours possible de qualifier un tel comportement si l'entreprise est contrainte de l'adopter du fait d'une norme nationale ? L'autonomie de l 'entreprise dans la décision d'enfreindre le droit de la concurrence n'est-elle alors tout simplement annihilée? Cette circonstance particulière oblige à ce que ce type de situations soit pris en compte de facon spécifique par les législations et les autorités de concurrence.

La question de savoir si l'intervention de l'État constitue un fait justificatif de l'entente soulève donc deux types de problématiques.

2 Cour Européenne des Droits de l'Homme, 21 février 1984, Oztürk contre RFA.

3 Cour de Justice des Communautés Européennes, 17 décembre 1998, Baustahhlgewebe GmbH contre Commission, C-185/95.

4 Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 5 octobre 1999, SNC Campenon Bernard et autres.

Tout d'abord, l'État est-il soumis, dans l'exercice de ses différentes activités, au respect de la prohibition des ententes anticoncurrentielles? L'État est-il destinataire des normes de droit de la concurrence dans le cadre de ses activités?

D'autre part, l'intervention de l'État à l'encontre de la libre concurrence fait-elle échapper les comportements des entreprises à la prohibition des ententes anticoncurrentielles ? Existe-t-il une forme d'exemption tirée de l'action étatique ?

Afin de répondre à ces interrogations, ii convient de déterminer de quelle manière l'interdiction des ententes constitue une contrainte de l'action étatique (Partie I) avant d'analyser la facon dont l'intervention étatique peut constituer un fait justificatif d'une entente anticoncurrentielle pour les entreprises, à la fois en droit interne et en droit communautaire (Partie II).

Partie I : L'applicabilité de la prohibition des ententes à l'État

La première question à se poser pour déterminer si l'intervention de l'État constitue un fait justificatif de l'entente est celle de savoir si le fait que l'État intervienne dans un domaine contredit l'application normale de la prohibition des ententes.

Pour y répondre, il est indispensable de s'interroger sur les modalités de détermination du champ d'application de la prohibition des ententes et donc plus largement du droit de la concurrence, à la fois d'un point de vue communautaire (Section 1) et d'un point de vue national (Section 2), pour déterminer si l'État peut être un sujet de droit de la concurrence.

De plus, il convient de déterminer si l'État, même lorsque ses activités échappent à l'interdiction des ententes, n'est pas tenu d'une obligation générale de respect du droit de la concurrence communautaire en vertu de son obligation de coopération loyale vis -à-vis de l'Union Européenne (Section 3).

Enfin, il semble nécessaire de vérifier si les conditions spécifiques applicables aux services d'intérêt économique général permettent de faire échapper à la stricte application du droit de la concurrence certaines activités particuliéres identifiées par l'État (Section 4).

Section 1 : La notion d'entreprise en droit communautaire

L'applicabilité de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne est conditionnée à l'existence d'une entreprise. Néanmoins, la notion d'entreprise revêt une acceptation autonome en droit communautaire, détachée des conceptions nationales5 pouvant exister en droit des sociétés ou en droit fiscal. La Cour de Justice de l'Union Européenne estime en effet qu'une entreprise est une « organisation unitaire d'éléments personnels, ma tériels et immatériels rattachée à un sujet juridiquement autonome et poursuivant de façon durable un but économique déterminé »6.

Cette définition particuliére de l'entreprise ne s'attache donc pas aux critéres liés à la structure de l'entité mais bien à l'existence d'un but ou d'une activité économique

5

Cour de Justice des Communautés Européennes, 30 janvier 1985, BNIC contre Clair, 123/83.

6 Cour de Justice des Communautés Européennes, 13 juillet 1962, Mannesmann AG contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, 19/61.

7

exercée au sein de l'entité en cause , et possède en cela un caractère fonctionnel. Du fait de ce caractère fonctionnel, les activités de l'État et de ses démembrements ne sont pas par principe exonérées du respect du droit de la concurrence.

L'existence d'une entreprise est subordonnée à l'exercice d'une activité économique. Cette notion a été définie par la jurisprudence communautaire comme une << activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné >>8. Le caractère général de cette définition a obligé les juges de Luxembourg à préciser les contours de la notion et à en définir les modalités d'appréciation (§1) ainsi qu'à exclure certains types d'activités liés à l'intervention de l'État du champ d'action du droit de la concurrence ( §2).

§1 : L'appréciation fonctionnelle de l'existence d'une activité
économique

En raison de son caractère fonctionnel, la notion d 'activité économique ne tient pas

9

compte de l 'existence d'une personnalité juridiqueet s'applique aussi bien aux personnes

10

morales qu 'aux personnes physiques . De plus, le statut de droit public d'une entité ne

11

permet pas en tant que tel d e lui faire échapper au droit de la concurrence . Il n'existe donc pas d'exemption automatique dès lors qu'une entité est liée à l'État.

Le premier problème d'application concerne l'activité à prendre en compte pour identifier une activité économique. S'agit-il de l'activité <<aval >> ou de l'activité << amont>> ? Le problème des activités d'achat est l'illustration parfaite de cette problématique : une entité n'exercant pas une activité économique en aval est-elle soumise au droit de la concurrence lorsqu'elle effectue des achats sur un marché concurrentiel oü s'exerce une activité économique ?

7 Cour de Justice des Communautés Européennes, 23 avril 1991, Klaus Hfner et Fritz Elser contre Macrotron GmbH, C-41/90: << la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statutjuridique de cette entité et de son mode de financement >>.

8 Cour de Justice des Communautés Européennes, 16 juin 1987, Commission contre Italie, 118/85 (de manière implicite) puis Cour de Justice des Communautés Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie, C-35/96.

9 Cour de Justice des Communautés Européennes, 28 juin 2005, Dansk Rrindustri A/S et autres, C-189/02, C-202/02, C-205/02 à C-208/02 et C-213/02.

10 Cour de Justice des Communautés Européennes, 12 septembre 2000, Pavel Pavlov et autres contre Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten, C-180/98.

11 Cour de Justice des Communautés Européennes, 16 juin 1987, Commission contre Italie, 118/85.

Le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes est venu répondre à cette question, à propos d'organismes chargés de la gestion du système de santé espagnol, en indiquant que l 'applicabilité du droit de la concurrence aux achats était subordonnée à

12

l'exercice d 'une activité économique en aval par l 'entité acheteuse . Par la suite, le Tribunal a affirmé le caractère général de cette jurisprudence (au-delà des organismes sanitaires ou sociaux) en précisant qu'il n'était pas possible de déduire de la nature économique de l'activité d'achat la nature de l'activité << aval >> en indiquant à l 'inverse que << le caractère économique ou non de l 'utilisation ultérieure du produit détermine nécessairement le caractère de l 'activité d'achat >>13. La Cour a confirmé cette analyse suite au recours effectué dans cette même affaire14. Il appartient donc de vérifier le caractère économique de l'activité << aval >> pour décider de soumettre ou non l'activité <<amont>> au droit de la concurrence.

Pour déterminer ensuite si l'activité <<aval >> d'achat de l'entreprise constitue une activité économique, il est nécessaire d'effectuer une analyse multicritères et adaptative selon les particularités de chaque cas d'espèce.

Tout d'abord, il convient de s'attacher à la présence ou l'absence de but lucratif pour l'entité en question. Ce critère n'est pas déterminant en lui-même : l'absence de but lucratif ne permet pas de préjuger de l'absence d'activité économique. L'absence de recherche de profits peut néanmoins constituer un indice sur la nature de l'activité en cause. Ainsi, une association effectuant une activité non-lucrative peut tout de même être soumise au droit de la concurrence si son activité entre en concurrence avec l'activité exercée par des organismes lucratifs15. En conséquence, l'absence de but lucratif est un critère

pertinent

mais non suffisant pour écarter l'existence d'une activité économique.

Pour identifier une activité économique, la jurisprudence analyse également la nature de cette activité. Pour ce faire, elle utilise le critère de l'exercice de la même activité

12 Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, 4 mars 2003, Federación Nacional de Empresas de Instrumentación Cient'fica, Médica Técnica y Dental (FENIN) contre Commission, T-319/99.

13 Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, 12 décembre 2006, Selex Sistemi Integrati SpA contre Commission, T-155/04.

14 Cour de Justice des Communautés Européennes, 26 mars 2009, Selex Sistemi Integrati SpA contre Commission, C-113/07.

15 Cour de Justice des Communautés Européennes, 1er juillet 2008, Motosykletistiki Omospondia Ellados NPID (MOTOE) contre Elliniko Dimosio, C-49/07.

par une entité privée. Il s'agit alors de vérifier si l'activité exercée par une entité pourrait être exercée de la même manière par un opérateur privé. Si tel est le cas, l'existence d'un marché de biens ou de services est donc démontrée, ce qui permet de caractériser une activité économique. Ainsi, la Cour a jugé que l'activité de placement de main d'Ïuvre pouvait être exercée par des entités privées et donc qu'elle constituait une activité

16

économique, même si elle était en l'occurrence exercée par une personne publique . Il en fut de même pour l'organisation de compétitions sportives par une association sans but lucratif17, mais à l'inverse pas de l 'élaboration de normes techniques par un organisme de contrôle18.

Ce critère n'est cependant pas utilisé de facon autonome, faute de quoi il conduirait à faire une application trop extensive du droit de la concurrence, notamment pour des activités étatiques (maintien de l'ordre ou éducation).

Il est donc combiné avec d'autres critères permettant de circonscrire utilement la notion d'activité économique et de limiter le champ d'application de l'interdiction des ententes.

§2 : L'exclusion de certains types d'activités

Deux exceptions permettent d'écarter la notion d'activité économique lorsque l'activité en cause présente certaines particularités tenant à son caractère social ou à l'utilisation de prérogatives de puissance publique.

En premier lieu, la jurisprudence Poucet & Pistre a permis d'écarter l'application du droit communautaire lorsque un organisme a une fonction exclusivement sociale et n'a pas de but lucratif19. Un tel organisme ne peut alors être considéré comme une entreprise au sens du droit de la concurrence. Cette exclusion trouve une application importante en ce qui concerne les assurances sociales (risques du travail, maladies professionnellesÉ) qui

16 Cour de Justice des Communautés Européennes, 23 avril 1991, Klaus Hfner et Fritz Elser contre Macrotron GmbH, C-41/90.

17 Cour de Justice Européennes, 1 er

des Communautés juillet 2008, Motosykletistiki Omospondia Ellados

NPID (MOTOE) contre Elliniko Dimosio, C-49/07.

18 Cour de Justice des Communautés Européennes, 26 mars 2009, Selex Sistemi Integrati SpA contre Commission, C-113/07.

19 Cour de Justice des Communautés Européennes, 17 février 1993, Christian Poucet contre Assurances générales de France et Caisse mutuelle régionale du Languedoc-Roussillon, C-159/91 et C-160/91.

ressortissent en principe de la compétence des États dans la gestion de leurs systemes de sécurité sociale20. Néanmoins, cette exclusion a été conditionnée par la jurisprudence à la réunion de deux conditions cumulatives21. L'organisme doit tout d'abord être gouverné par le principe de solidarité. Cette condition est remplie notamment lorsque le cofit n'est pas proportionnel au service (particulierement en ce qui concerne l'inadéquation entre le montant des cotisations et le risque assuré). L'organisme doit également subir un certain degré de contrTMle de la part de l'État, notamment par le biais de la fixation des tarifs, même si l'organisme peut disposer d'une certaine marge de manoeuvre.

En second lieu, la notion d'activité économique est incompatible avec l'exercice par un organisme de prérogatives de puissance publique, c'est-à-dire avec l'exercice de la «mission d'intérêt général qui reléve des fonctions essentielles de l'État »22. Cette notion , extérieure aux analyses de droit interne, est assez restreinte et beaucoup moins large que celle de service public. La Cour a précisé que l'existence de prérogatives de puissance publique n'était pas incompatible avec la recherche de bénéfices, mais qu'il était possible de faire une application distributive de cette exclusion en soumettant au droit de la concurrence les seules activités ne faisant pas intervenir de prérogatives de puissance publique (distinction entre les activités de gestion d'aéroports et les activités de police du trafic aérien)23. Le critere de l'exercice de la même activité par une entité privée est également utilisé pour juger de l'existence de réelles prérogatives de puissance publique. Cette exclusion a été principalement appliquée à des activités de contrTMle anti-pollution ou de police de l'air.

Il est possible de déduire de ce qui précede que l 'implication de l'État dans une activité ne constitue pas en elle-même une cause d'inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne. Des lors que l'activité de l'État est exercée par une entité pouvant être qualifiée d'entreprise, elle est soumise au droit de la concurrence comme n'importe quelle activité exercée par une personne privée.

20 Cour de Justice des Communautés Européennes, 5 mars 2009, Kattner Stahlbau GmbH contre Maschinenbau - und Metall Ð Berufsgenossenschaft , C-350/07.

21 Cour de Justice des Communautés Européennes, 21 septembre 1999, Albany International BV contre Stichting Bedrijfspensioenfonds textielindustrie, C-67/96.

22 Cour de Justice des Communautés Européennes, 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl contre Servizi ecologici porto di Genova SpA, C-343/95.

23 Cour de J ustice des Communautés Européennes, 24 octobre 2002, Aéroports de Paris, C-82/01.

Néanmoins, la jurisprudence a su tenir compte des particularités de certains types d'activités pour ne pas les soumettre à cette prohibition. Il n'en reste pas moins que le champ de ces exceptions est relativement limité et ne couvre en aucun cas l'ensemble du spectre de l'activité étatique. Qu'en est-il en droit interne ?

Section 2 : La soumission de l'État au droit national de la
concurrence

Le champ d'application du droit interne de la concurrence est défini à l'article L.410-1 du Code de Commerce qui dispose que l'ensemble des régles relatives à la concurrence s'applique à « toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de delegation de service public ».

Cette définition du champ d'application de la prohibition des ententes peut sembler différente de celle envisagée en droit communautaire, notamment parce qu'elle est écrite mais surtout du fait qu'elle ne fasse pas appel à la notion d'entreprise. Néanmoins, les deux définitions sont assez proches d'une part car elles sont basées sur un critére fonctionnel, la notion d'activité économique, et d'autre part du fait de la jurisprudence des autorités nationales qui a rapproché le droit francais du droit communautaire et a conduit à une large application du droit de la concurrence aux activités des personnes publiques (§1). La problématique présente toutefois des aspects spécifiques liés à la séparation entre les juridictions administratives et judiciaires (§2).

§1 : Une définition fonctionnelle proche du droit communautaire

Le Code de Commerce envisage les « activités de production, de distribution et de services » pour délimiter le champ d'application des normes nationales de concurrence.

L'application du droit de la concurrence est donc subordonnée à l'identification de telles activités mais ne tient pas compte de la forme d'exercice de cette activité ou de la nature juridique de l'organisme exercant cette activité. Ainsi que le rappelle la Cour d'Appel de Paris, « cÕest la nature économique de lÕactivité affectee et non la qualité de lÕopérateur ou la forme selon laquelle il intervient qui determine l'application des regles de

concurrence »24. La définition du champ d'application du droit de la concurrence interne est donc exclusivement fonctionnelle, tout comme en droit communautaire.

De plus, cette définition recoupe celle d'activité économique envisagée par le droit communautaire. Même si le droit francais des ententes ne fait pas

référence à la notion d'entreprise, il retient la nature économique de l'activité pour déterminer son application. L'existence d'une entreprise au sens du droit communautaire étant subordonnée à l'identification d'une activité économique, les deux définitions concordent donc en pratique. L'analyse nationale est donc tres proche de celle existante en droit communautaire. Ainsi, le Conseil de la Concurrence n'hésite pas à affirmer qu' « en droit communautaire comme en droit national, l'application des regles de concurrence est fonction de la nature de lÕactivité exercée, la nature juridique des entités en cause étant indifférente à l Õappreciation portée »25.

Cette recherche de cohérence de la part des autorités et juridictions nationales a conduit à un rapprochement entre les ordres communautaire et national, de sorte que les délimitations effectuées par la Cour de Justice de l'Union Européenne sont également opérantes en droit interne, notamment en ce qui concerne l'activité des personnes publiques.

Cependant, le droit interne, à l'inverse du droit communautaire, mentionne explicitement l'application du droit de la concurrence aux personnes publiques, puisque l'article L.410-1 du Code de Commerce indique que le droit de la concurrence s'applique aux activités économiques « qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de delegation de service public ».

En conséquence, les activités publiques ont été largement soumises aux exigences du droit national de la concurrence.

Tout d'abord, l'application concerne logiquement les activités exercées sur un marché concurrentiel, éloigné du champ des compétences régaliennes. Des lors que les personnes publiques peuvent être regardées comme exercant une activité de production, de distribution ou de services sur un marché, leurs pratiques sont logiquement soumises au contrTMle des autorités de la concurrence26. Il ne s'agit ici que d'une application classique de

24

Cour d'Appel de Paris, 8 fevrier 2000, Academie d'architecture.

25 Conseil de la Concurrence, avis n°98-A-07 du 19 mai 1998 relatif à une demande d'avis sur l'application des regles de concurrence, tant nationales que communautaires, aux opérations de fouilles archéologiques préventives.

26 Conseil de la Concurrence, decision n°05-D-75 du 22 decembre 2005 relative à des pratiques mises en oeuvre par la Monnaie de Paris.

la notion fonctionnelle d'activité économique qui ne tient pas compte de la nature publique ou privée de l'opérateur.

D'autre part, sont également concernés par le droit de la concurrence les services publics industriels et commerciaux et les services publics administratifs, dans la mesure oü ils exercent une activité économique. En effet, Çle droit de la concurrence s 'applique à toute activité économique, indépendamment du statut et des conditions de financement d'un opérateur, ce qui conduit à ne pas exclure par principe qu 'un service public administratif puisse intervenir comme opérateur économique sur un marché È27.

En revanche, lorsque l'activité de la personne publique passe par un acte administratif, dans le cadre de l'organisation d'un service public ou de prérogatives de puissance publique, une difficulté appara»t, liée à la séparation des ordres de juridictions judiciaire et administratif.

§2 : Les difficultés spécifiques liées au principe de séparation des
ordres juridictionnels

En vertu du principe de séparation entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire, l'ensemble des actes administratifs émis par des personnes publiques doit être soumis au juge administratif. Se pose donc le problème de l'articulation entre cette compétence exclusive et l'application du droit de la concurrence. Cette question ancienne a subi d'importantes évolutions depuis une vingtaine d'années.

La question s'est en premier lieu posée à propos d'un acte de délégation de service public de l'eau de la Ville de Pamiers, qui avait entrainé l'éviction d'un concurrent . Ce dernier porta l'affaire devant le Conseil de la Concurrence, qui refusa néanmoins sa compétence, estimant que l'acte en question ne pouvait constituer une activité économique28. La Cour d'Appel de Paris rendit un arrêt en sens inverse, estimant que la

29

commune était intervenue sur le marché par le biais du choix d 'un prestataire(ce qui
aurait pour effet d'élargir considérablement le champ d'application du droit de la
concurrence). Le Tribunal des Conflits est venu calmer les ardeurs de la Cour d'Appel de

27 Conseil de la Concurrence, avis n°08-A-13 du 10 juillet 2008 relatif à une saisine du syndicat professionnel UniCiné portant sur l'intervention des collectivités locales dans le domaine des salles de cinéma.

28 Conseil de la Concurrence, décision n°88-D-24 du 17 mai 1988 relative à une saisine et à une demande de mesures conservatoires émanant de la Société d'exploitation et de distribution d'eau (SAEDE).

29 Cour d'Appel de Paris, 30 juin 1988, Ville de Pamiers .

Paris en estimant que l'organisation d'un service public n'était pas constitutif d'une activité économique et donc que le choix d'un prestataire n'était pas en mesure de jouer sur la concurrence30. En effet, pour le Tribunal des Conflits, l'organisation du service public concerne à la fois le choix du mode de réalisation (délégation, gestion directeÉ) et le choix du prestataire lorsqu'une délégation est retenue. Dès lors, le contrôle de l'acte administratif ressort de la compétence des juridictions administratives et non pas du Conseil de la Concurrence. Néanmoins, de manière assez ambiguë, le Tribunal des Conflits a décidé que le juge administratif saisi de la légalité d'un tel acte pouvait effectuer son contrôle en vertu des normes nationales de concurrence. C'est donc davantage la compétence du Conseil de la Concurrence qui est écartée plutôt que l'application du droit de la concurrence en elle- même (qui doit se faire par le biais des juridictions administratives).

Néanmoins, le Conseil d'État a refusé dans un premier temps d'intégrer le droit de la concurrence au bloc de légalité servant de référence dans le contrôle des actes

32

administratifs 31. Cette solution a été abandonnée en 1997 . Le Conseil d'État n'a toutefois pas reconnu ni l 'applicabilité du droit de la concurrence aux actes administratifs ni l'existence d'une activité économique. Il est donc préférable de parler d'opposabilité du droit de la concurrence plutôt que d'applicabilité. Il ne s'agit en effet pas de soumettre l'acte administratif en lui-même au droit de la concurrence mais bien d'obliger la personne publique à prendre en compte les effets sur le marché de sa décision. Le juge administratif a donc pour rôle de veiller à l'effet utile des règles de concurrence en analysant concrètement les effets des décisions des personnes publiques.

Cette jurisprudence a donné naissance aux concepts d 'abus de position dominante automatique et d'entente automatique qui permettent de sanctionner un acte administratif induisant un e pratique anticoncurrentielle pour les entreprises auxquelles il s'adresse. La notion d'entente automatique dégagée par le Conseil d'État33 est donc particulière. En effet, l'acte en cause ne doit pas rendre automatique l'entente, faute de quoi l'autonomie des entreprises est anéantie et la pratique n'est pas sanctionnable, mais doit induire une entente mise en Ïuvre par les entreprises, favoriser sa conclusion ou renforcer ses effets. Ainsi, cette notion a permis d 'annuler des décisions d'organismes professionnels auxquels l'État

30 Tribunal des Conflits, 6 juin 1989, Société d'exploitation et de distribution d'eau (SAEDE) dit Ç Ville de Pamiers È.

31 Conseil d'État, Sous-sections réunies, 23 juillet 1993, Compagnie générale des eaux.

32 Conseil d'État, Section, 3 novembre 1997, Société Million et Marais.

33 Conseil d'État, Assemblée, 24 mars 2006, KPMG.

prenait 34, 35

part mais également des contrats publics ou des décisions de police

administrative.36

En matière de gestion du domaine public, le Conseil d 'État est même allé plus loin en reconnaissant l'applicabilité complète du droit de la concurrence37. En ce cas, l'illégalité de la décision administrative ne provient pas du fait qu'elle puisse encourager à une pratique anticoncurrentielle mais bien de l'existence d'une pratique anticoncurrentielle mise en Ïuvre par le gestionnaire du domaine public par le biais de la décision administrative en cause. En effet, il semble que le Conseil d'État considère que le gestionnaire du domaine public puisse être en position d'offreur sur un marché économique dès lors que les entreprises exercent une activité économique sur le domaine public. Il existerait dès lors un marché des concessions d'occupation du domaine public oü le droit de la concurrence a vocation à s'appliquer, comme l'a reconnu le Conseil de la Concurrence38.

De son côté, le Conseil de la Concurrence a dégagé le concept particulier de détachabilité pour s 'intéresser aux comportements des personnes publiques détachables

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d'un acte administratif même si elles y sont liées . Les comportements des personnes publiques, dès lors qu'ils sont détachables des prérogatives de puissance publique qu'elles exercent, sont soumis au droit de la concurrence et de ce fait au contrôle du Conseil de la Concurrence. Le Tribunal des Conflits 40 a accepté une notion restreinte de détachabilité en envisageant largement les activités indissociables des prérogatives de puissance publique et donc soumises à la simple opposabilité du droit de la concurrence devant le juge administratif. La détachabilité permet donc de maintenir un contrôle des activités économiques des opérateurs disposant de prérogatives de puissance publique, dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne n'appliquant le droit de la

34 Conseil d'État, Section, 27 juillet 2001, CAMIF.

35 Tribunal administratif de Nice, 9 novembre 1998, Préfet des Alpes-Maritimes contre ville de Nice (pour constitution d'un lot unique lors d'un marché public) et Tribunal administratif de N»mes, 21 avril 2008, Société Durand et autres (même problème pour une délégation de service public).

36 Conseil d'État, 7 décembre 2005, Société Ryanair.

37 Conseil d'État, Section, 26 mars 1999, Société EDA.

38 Conseil de la Concurrence, décision n° 03-D-09 du 14 février 2003 relative à la saisine de la société Tuxedo relative à des pratiques constatées sur le marché de la diffusion de la presse sur le domaine public aéroportuaire.

39 Conseil de la Concurrence, décision n°90-D-20 du 12 juin 1990 relative à des pratiques relevées sur le marché de la banane.

40 Tribunal des Conflits, 18 octobre 1999, Aéroports de Paris.

concurrence qu'aux activités ne faisant pas intervenir de prérogatives de puissance publique41.

La séparation des ordres de juridiction fait donc obstacle à l'apparition d'une définition claire du champ d'application des dispositions nationales relatives à la concurrence. Néanmoins, il est possible de voir que le droit de la concurrence étend au maximum son champ d'application, et que les domaines échappant à son empire sont restreints et tendent à s'amenuiser.

A l'instar du droit communautaire, l'intervention de l'État ou plus largement d'une personne publique n'est donc pas en elle-même un obstacle à la soumission aux règles de concurrence. Ainsi, le Conseil d'État, dans son rapport pour 2002, indique que Çdroit communautaire et droit interne convergent pour soumettre les activités économiques des personnes publiques au droit de la concurrence È.

Section 3 : L'obligation de coopération loyale des États et
l'application du droit de la concurrence au pouvoir normatif

Si l'activité de l'État et de ses démembrements peut être soumise au droit de la concurrence, selon l es modalités particulières que nous venons d'étudier, il n'en reste pas moins que l'État est redevable, à l'égard des institutions communautaires, d'une obligation de respect du droit communautaire et donc des dispositions communautaires relatives à la concurrence lorsque celles-ci sont applicables.

En effet, l'État est tenu de respecter le droit communautaire. En conséquence, même si une activité n'est pas en elle-même soumise au droit de la concurrence, il n'en reste pas moins que l'État (et les personnes publiques) doit respecter le droit de la concurrence communautaire, notamment dans les actes qu'il édicte.

La Cour de Justice a développé une analyse consistant à rendre opposable le droit communautaire de la concurrence à la loi de tout État membre42. En effet, même si les dispositions pertinentes du traité contiennent des obligations à la charge des personnes participant à une activité économique, la Cour indique qu'Ç il n'en est pas moins vrai aussi

41 Cour de Justice des Communautés Européennes, 24 octobre 2002, Aéroports de Paris, C-82/01.

42 Cour de Justice des Communautés Européennes, 16 novembre 1977, SA G.B. -Inno-B.M. contre Association des détaillants en tabac (ATAB), 13/77.

que le traité impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l 'effet utile>> de ces dispositions. Méme si le droit de la concurrence n'est pas applicable en tant que tel, l'État est donc tenu de le respecter dans les normes qu'il édicte.

La justification de cette obligation s 'est tout d'abord appuyée sur l'ancien article 10 du Traité instituant la Communauté Européenne qui obligeait les États à <<s'abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des buts>> du traité, lu en combinaison avec les articles prohibant les ententes et les abus de position dominante. Cet article n'a pas survécu à la naissance du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne. Néanmoins, l'actuel article 4.3 du Traité sur l'Union Européenne est rédigé comme suit: << En vertu du principe de coopération loyale, l 'Union et les États membres se respectent et s 'assistent mutuellement dans l 'accomplissement des missions découlant des traités. Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union. Les États membres facilitent l 'accomplissement par l 'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union >>. Des lors, il semble possible de se baser sur ce principe de coopération loyale, combiné avec la prohibition communautaire des ententes (article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne) pour opposer le droit de la concurrence communautaire aux normes contraires des États. Ainsi, l'État est tenu de respecter le droit de la concurrence communautaire dans l'édiction de sa législation au sens large.

L'opposabilité aux États des normes communautaires de concurrence a permis à la Cour de Justice de l'Union Européenne de sanctionner un certain nombre de législations allant à l'encontre de l'interdiction des ententes anticoncurrentielles. Une telle sanction est néanmoins soumise à la réunion de deux conditions: une entente doit exister au sens de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et cette entente doit

43

avoir été créée ou ses effets renforcés par une disposition du droit national . Ainsi, la Cour a sanctionné la législation italienne imposant à une organisation professionnelle un tarif unique aux expéditeurs en douane44.

43 Cour de Justice des Communautés Européennes, 1er octobre 1987, ASBL Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, 311/85.

44 Cour de Justice des Communautés Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie, C-35/96.

L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente? une autre affaire concernant l 'Italie 45

Dans , la Cour a développé un véritable mode

d'emploi à l'attention des autorités de concurrence et des juridictions nationales pour appréhender une législation créant une entente ou renforcant ses effets. Outre les aspects concernant la possibilité de sanctionner les entreprises soumises à ce type de législation, la Cour indique clairement aux autorités nationales qu'elles ont <<l'obligation de laisser inappliquéeÈ toute norme nationale contraire au droit de la concurrence communautaire. Cette obligation a été très bien acceptée en droit interne, notamment par la Cour d'Appel de Paris qui en faisait déjà application46, et par le Conseil de la Concurrence qui en a tenu compte la même année dans le cadre du prononcé mesures conservatoires 47

de .

Cette obligation trouve même à s'appliquer lorsque l'État délègue son pouvoir normatif à une institution, notamment à un organisme professionnel ou directement aux entreprises elles-mêmes48. La Cour indique à cet effet que l'opposabilité du droit de la concurrence s'applique également lorsque l'État <<retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention en matière économique È.

Faute de respecter cette exigence, l'État s'expose à deux types de procédures.

Tout d'abord, il peut faire l'objet d'une procédure de manquement devant les juridictions communautaires, afin de le contraindre à se mettre en conformité avec le droit de la concurrence communautaire. Le premier arrêt de manquement pour violation du droit

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communautaire de la concurrence a été rendu par la Cour en 1996. Si l'État persiste dans sa violation, il peut être soumis à des sanctions pécuniaires.

D'autre part, l'État peut voir sa responsabilité extracontractuelle engagée en vertu de la jurisprudence Francovich50. Il s'agira alors pour des personnes privées s 'estimant lésées par la violation du droit communautaire de la concurrence commise par l'État de réclamer réparation civile devant les juridictions nationales compétentes.

45 Cour de Justice des Communautés Européennes, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), C-198/01.

46 Cour d'Appel de Paris, 7 février 1994, CMS contre France Télécom.

47 Conseil décision n°03 -MC-03 1 er

de la Concurrence, du décembre 2003 relative à une demande de mesures

conservatoires présentée par la société Towercast à l'encontre de pratiques mises en Ïuvre par la société TéléDiffusion de France (TDF).

48 Cour de Justice des Communautés Européennes, 21 septembre 1988, Van Eycke, C-267/86.

49 Cour de Justice des Communautés Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie, C-35/96.

50 Cour de Justice des Communautés Européennes, 19 novembre 1991, Andrea Francovich et Danila Bonifaci et autres contre Italie, C-6/90 et C-9/90.

Loin d'être absout du respect du droit de la concurrence, l'État est donc au contraire fortement contraint au respect des exigences communautaires en termes de concurrence. Non seulement les dispositions contraires qu'il édicte peuvent être laissées inappliquées mais il encourt également la sanction des autorités de l'Union Européenne et sa responsabilité peut être mise en jeu. Le droit de la concurrence est donc fortement contraignant pour l'État, même si une exception est envisagée par le traité en ce qui concerne les services d'intérêt économique général.

Section 4 : Le régime particulier de l'article 106 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne

L'article 106§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne oblige les États à ne pas enfreindre le traité dans l'édiction des normes destinées aux entreprises auxquelles il accorde des droits spéciaux ou exclusifs (monopoles nationaux). Le droit communautaire ne condamne donc pas par principe l'existence de monopoles nationaux mais il permet le contrTMle par les autorités communautaires de la nécessité des droits spéciaux ou exclusifs qui leur sont accordés, et du respect des dispositions du traité, notamment l'article 101§1 prohibant les ententes anticoncurrentielles.

L'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne apporte un tempérament au principe posé au §1 et reconna»t la priorité de l 'intérêt général sur les normes de concurrence. En effet, il dispose que « Les entreprises chargees de la gestion de services dÕinteret economique general ou presentant le caractere dÕun monopole fiscal sont soumises aux regles des traites, notamment aux regles de concurrence, dans les limites ou l'application de ces règles ne fait pas echec à lÕaccomplissement en droit ou en fait de la mission particuliere qui leur a été impartie. Le developpement des echanges ne doit pas 'etre affecté dans une mesure contraire à lÕinteret de l'Union ». La place des services d'intérêt économique général est donc bien prise en compte dans le traité, d'autant plus depuis que l'article 14 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne reconna»t que ces services sont une « valeur commune » de l'Union Européenne.

Les États gardent donc une certaine emprise sur les services d'intérêt économique général et peuvent adopter dans ce domaine des dispositions contraires au droit communautaire de la concurrence, y compris à l'interdiction des ententes

anticoncurrentielles. En effet, les services d'intérêt économique général ont été définis par la Commission comme des « services, tant économiques que non économiques, que les autorités publiques classent comme étant d'intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public »51. La définition de ces services et des dérogations possibles semble donc du complet ressort des États, de l'aveu même de la Commission.

Néanmoins, il existe des conditions précises pour bénéficier de telles dérogations. L'interprétation de ces conditions par la Cour de Justice de l'Union Européenne est gouvernée par trois grands principes qui ont toujours été rappelés par la jurisprudence : la neutralité quant à la forme publique ou privée de la propriété (garantie par l'article 345 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne), la liberté des États dans la définition des services devant être considérés comme d'intérêt général (sous réserve de l'erreur manifeste et d'un acte précis précisant les taches du service) et enfin la proportionnalité. Depuis 198952, la Cour a reconnu la possibilité pour les juridictions et autorités de concurrence nationales d'apprécier la satisfaction de ces

conditions et d'appliquer l'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.

En premier lieu, la mission du gestionnaire du service d'intérêt général doit lui avoir été confiée par un acte de la puissance publique. Un tel acte est une condition nécessaire pour bénéficier de l'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne53. La jurisprudence exigeait au départ un acte de nature législative ou réglementaire mais elle s'est depuis assouplie et accepte que la mission soit confiée par le biais d'une simple concession54. L'existence d'un acte n'est cependant pas suffisante. Cet acte doit définir de façon précise les missions confiées à l'entreprise, faute de quoi l'existence même du service d'intérêt économique général est remise en cause.

En second lieu, la mission de l'entreprise doit être, au moins partiellement, une mission d'intérêt économique général. Faute de définition précise de cette notion, les États disposent d'une certaine latitude dans l'appréciation de cette condition.

51 Communication de la Commission Européenne du 21 novembre 2007, Un marché unique pour l'Europe du XXIèmesiècle - Les services d'intérêt général, y compris les services sociaux d'intérêt général: un nouvel engagement européen.

52 Cour de Justice des Communautés Européennes, 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro GmbH contre Zentrale zur Bekmpfung unlauteren Wettbewerbs e. V., C-66/86.

53 Cour de Justice des Communautés Européennes, 14 juillet 1981, Gerhard Züchner contre Bayerische Vereinsbank AG, 172/80.

54 Cour de Justice des Communautés Européennes, 23 octobre 1997, Commission contre France, C-159/94.

Les missions d'intérêt général peuvent être ou non économiques: néanmoins, dans la mesure oü elles ne sont pas de nature économique (ou non marchandes selon la terminologie employée par la Commission), elles échappent totalement aux règles communautaires de concurrence et l'article 106§2 n'a alors pas vocation à s'appliquer.

En ce qui concerne les services de nature économique, la ligne de partage co
·ncide avec l'existence d'obligations particulières liées à la nécessité d'assurer le service même si le fonctionnement normal du marché n'est pas à même d'y parvenir. L'obligation principalement imposée par les États est celle de service universel. Il existe en effet des situations dans lesquelles l'accès équitable à un service est conditionné à l'existence de droits spéciaux pour une ou plusieurs entreprises, notamment en raison de l'absence de viabilité économique du service. Dans ce cas, une procédure d'appel d'offres permet de désigner une entreprise qui se verra attribuer des droits spéciaux pour remplir sa mission. Dans certains autres cas, l'obligation spécifique peut être mise à la charge d'une seule entreprise, en échange d'une redevance des autres acteurs du marché en question non - soumis aux mêmes obligations (sous réserve de la correspondance entre le surcoüt imposé par l'obligation et la redevance).

En troisième lieu, et c'est ici que s'exerce le plus fort contrôle de la part des institutions communautaires, l'infraction aux règles du traité doit être indispensable à l'exercice par l'entreprise de sa mission d 'intérêt général. La Cour de Justice, confrontée à cette question, vérifie que l'exercice de la mission serait en pratique impossible en l'absence de telles infractions (et ne serait pas simplement rendu moins aisé). L'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne ne crée donc pas une dérogation générale pour les entreprises chargées d'une mission d'intérêt général: seules les règles faisant échec à leur mission peuvent être écartées. Le contrôle de proportionnalité effectué par la Cour lui a permis d'affiner sa jurisprudence. Elle a ainsi jugé que l'article 106§2 était applicable pour des compagnies aériennes à qui l'on impose de desservir des destinations non-rentables55 mais dont le maintien constitue un objectif d'intérêt général. Néanmoins, la non-soumission aux règles de concurrence doit être limitée aux seules missions d'intérêt général. Si une entreprise est titulaire de telles missions mais exerce également d'autres missions dissociables, le droit de la concurrence s'applique à ces

55 Cour de Justice des Communautés Européennes, 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro GmbH contre Zentrale zur Bekmpfung unlauteren Wettbewerbs e. V., C-66/86.

dernières56. Cette jurisprudence a également assoupli la condition de nécessité en jugeant qu'elle était applicable afin de permettre à l'entreprise d'exercer sa mission Çdans des conditions économiquement acceptables È. Le caractère nécessaire de la restriction de concurrence est donc envisagé de manière relative, sans que l'existence même de l'entreprise ne soit forcément menacée en l 'absence de restriction. Ainsi, la Cour a accepté une contribution devant être payée par les entreprises italiennes de transport express à la poste italienne pour palier à ses obligations de service universel, dès lors que la contribution est limitée au coüt supplémentaire induit par le service universel.

Enfin, en dernier lieu, les restrictions de concurrence en cause ne doivent pas affecter outre mesure les échanges intracommunautaires. Comme l'indique la Cour, la pratique ne doit pas Ç exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d 'échanges entre États membres È57. Si les échanges intracommunautaires sont affectés, l'article 106§2 est tout simplement rendu inapplicable et ne permet pas de déroger au droit de la concurrence.

L'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, s'il est reconnu applicable, permet de déroger à l'ensemble des règles du traité, et notamment à l'article 101§1 prohibant les ententes anticoncurrentielles, tel fut le cas dans l'affaire Commune d'Almelo58.

Dès lors, l'intervention de l'État par un acte confiant des missions de service d'intérêt économique général à une entreprise peut constituer un fait justificatif de l'entente, du moins permettre qu'une entente ne soit pas illicite d'un point de vue communautaire. Cependant, ce n'est pas tant l'intervention de l'État qui est à l'origine de cette possibilité de dérogation à l'interdiction de l 'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, que l'existence d'une mission de service d'intérêt économique général. Ce mécanisme reste donc restreint et spécifique et ne constitue en aucun cas une possibilité générale de dérogation à la prohibition des ententes.

56 Cour de Justice des Communautés Européennes, 19 mai 1993, Procédure pénale contre Paul Corbeau, C- 3 2 0/9 1 .

57 Cour de Justice des Communautés Européennes, 25 octobre 2001, Firma Ambulanz Glöckner contre Landkreis S·dwestpfalz, C-475/99.

58 Cour de Justice des Communautés Européennes, 27 avril 1994, Commune d'Almelo et autres contre NV Energiebedrijf Ijsselmij , C-393/92.

A l'issue de cette première partie de l'analyse, il est possible de conclure que la seule participation de l'État à une activité n'est pas suffisante pour exonérer du respect du droit de la concurrence en général, et de l'interdiction des ententes en droit communautaire et national, en particulier, sauf dans les cas très particuliers oü il existe un service d'intérêt économique général.

Si l'intervention de l'État ne justifie pas en elle-même l'irrespect du droit de la concurrence, il convient de se placer du point de vue des entreprises pouvant être amenées à participer à une entente, pour vérifier comment l'intervention de l'État peut constituer pour elles un fait justificatif de l'entente ou les exonérer de la responsabilité découlant de leur participation à une entente.

Partie II: La justification d'ententes anticoncurrentielles par une
intervention de l'État

Outre la question de l'applicabilité du droit de la concurrence aux activités étatiques, un problème connexe se pose en ce qui concerne les conséquences, du point de vue des entreprises, de l'intervention de l'État en faveur d'une entente anticoncurrentielle.

En effet, l'État, lorsqu'il adopte des actes normatifs, est susceptible de donner naissance à des ententes anticoncurrentielles , de favoriser leur conclusion ou de renforcer leur efficacité. Ces ententes sont-elles toujours prohibées? La norme anticoncurrentielle constitue-t-elle un motif de justification pour les entreprises participant à ces ententes?

Suivant le point de vue que l'on adopte, les perspectives sur ces questions sont différentes. Il convient donc d'observer en premier lieu la situation d'un point de vue interne (Section 1) oü l'influence du droit communautaire se fait cependant sentir, avant d'envisager la spécificité que revêt cette question du point de vue du droit communautaire (Section 2).

Section 1: L'admission de la justification en droit national

L'intervention de l'État est susceptible de constituer une justification de l'entente anticoncurrentielle selon deux fondements dont les critères et les objectifs divergent.

En premier lieu, l'État peut reconna»tre par décret qu'un accord anticoncurrentiel ne doit pas être soumis à la prohibition de l'article L.420-1 du Code de Commerce en raison de sa contribution au progrès économique, et prendre, pour assurer sa viabilité et sa licéité, un décret d'exemption individuel ou collectif en vertu de l'article L.420-4 II du Code de Commerce ( 1).

En second lieu, l'intervention de l'État par le biais d'un acte législatif est susceptible de constituer une exemption des pratiques anticoncurrentielles si elle satisfait aux conditions textuelles et jurisprudentielles permettant de caractériser un ordre de la loi ( 2).

§1 : L'article L.420-4 II du Code de Commerce : l'exemption
préalable par décret

La justification d'un accord anticoncurrentiel peut intervenir en raison de sa contribution au progrès économique. Cette contribution, reconnue également en droit communautaire (article 101§3 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne), est soumise à des conditions définies à l'article L.420-4 I 2° du Code de Commerce : l'accord doit assurer un progrès économique, réserver une partie équitable du profit dégagé aux utilisateurs, ne pas donner aux intéressés la possibilité de supprimer la concurrence pour une partie substantielle du marché concerné et les restrictions engendrées doivent être indispensables à la réalisation des objectifs de l'accord.

La reconnaissance de cette contribution au progrès économique peut se faire ex ante ou ex post. Dans la majeure partie des cas, les entreprises parties à un accord présentant des aspects anticoncurrentiels sont invitées à apprécier par elles-mêmes la satisfaction des conditions ci-dessus énumérées, d'autant plus depuis que la Commission Européenne n'accorde plus d'exemption individuelle après contrTMle de l'accord59. La confirmation de la satisfaction à ces conditions intervient dans la majeure partie des cas, ex post, lors de l'examen de l'accord en cause par le juge national ou par l'Autorité de la Concurrence, dans le cadre d'une procédure contentieuse.

Il existe en droit francais une possibilité de délivrer par décret une exemption a priori de la conclusion d'un accord contenant des dispositions anticoncurrentielles puisque l'article L.420-4 II du Code de Commerce dispose que « Certaines categories d'accords ou certains accords, notamment lorsqu Õils ont pour objet dÕaméliorer la gestion des entreprises moyennes ou petites, peuvent etre reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris apres avis conforme de lÕAutorité de la Concurrence ».

Cette faculté d'exemption peut se faire, ainsi que le texte l'indique, de deux manières : collectivement, pour un ensemble d'accords (A) ou individuellement, pour un accord en particulier (B).

59 Cette faculté a néanmoins été transmise aux autorités nationales de concurrence depuis le règlement (CE) n°1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, qui leur permet d'examiner la satisfaction d'un accord aux conditions de l'article 101§3 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.

A. L'exemption collective

Depuis 'ordonnance de 1986 60

l , les dispositions du droit francais permettent au Ministre de l'Économie de légitimer, par le biais d'un décret, une catégorie d'accords restrictifs de concurrence mais présentant néanmoins une contribution au progrès économique au sens de l'article L.420-I 2° du Code de Commerce.

Cette faculté possède son pendant en droit communautaire puisque la Commission Européenne peut, par le biais de règlements d'exemption, définir précisément les conditions dans lesquelles une catégorie d'accords peut bénéficier de l'exemption pour contribution au progrès économique.

Les mécanismes aussi bien national que communautaire ont pour but de préserver la sécurité juridique des entreprises en substituant à la généralité des conditions d'exemption du Code de Commerce ou du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, des critères précis et adaptés à la catégorie d'accords visée par le décret ou le règlement. Du fait de ces interventions, les entreprises souhaitant mettre en place ce type d'accords disposent d'une grille de lecture précise permettant de s'assurer que leur comportement ne sera pas considéré par la suite comme prohibé et sanctionné dans le cadre d'une procédure contentieuse.

Une procédure spécifique à ce type de décrets est prévue par les dispositions du Code Commerce 61

réglementaires de . Un projet de décret est tout d'abord réalisé par les

services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. Il doit obligatoirement être publié au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au moins un mois avant sa transmission à l'Autorité de la Concurrence. Cette publication permet aux personnes intéressées (organismes professionnels, associations de concurrence...) de formuler leurs observations pour transmission à l'Autorité.

La saisine de l'Autorité de la Concurrence pour avis n'est absolument pas formelle puisqu'un avis conforme de sa part est nécessaire pour que le décret puisse être effectivement adopté . Cette exigence de validation par une autorité administrative indépendante est nécessaire puisqu'elle permet de se préserver d'exemptions pour des motifs politiques, au détriment du respect de la préservation d 'une concurrence effective.

60 er

Article 10§2 de l'ordonnance n°86 -1243 1

du décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la

concurrence.

61 Article R.420-2 du Code de Commerce.

Alors que cette procédure existe depuis vingt cinq ans, il est nécessaire de constater qu'il n'en a été fait qu'un usage fort parcimonieux. En effet, seuls deux décrets ont vu le jour à la faveur de cette procédure. Témoignant de l'attention particulière apportée au

62

milieu agricole , les deux textes de 1996 concernent des accords intéressant l'agriculture.

Le premier décret concerne les accords de développement de productions de qualité63. Il prévoit une exemption des ententes entre producteurs agricoles ou avec des entreprises bénéficiant d'une même appellation d'origine ou d'un même label s'ils sont notifiés au Ministre de l'Économie et qu'ils visent à adapter l'offre à la demande. L'exemption est néanmoins soumise à plusieurs exigences. Les accords ne doivent tout d'abord pas être conclus pour une durée supérieure à trois ans. D'autre part, ils ne peuvent contenir que les cinq cas de restrictions de concurrence prévues par le décret (programmation de la production, limitation des capacités de production...). Enfin, ils ne peuvent être conclus par des entreprises en situation de position dominante sur un marché. Sous réserve de la satisfaction à ces conditions, ces accords sont réputés exemptés à compter de leur notification au Ministre de l'Économie.

64

Le second décret concerne les accords de crise, toujours dans le domaine agricole . Il envisage les accords de crise passés entre producteurs agricoles (non vinicoles), ou avec des entreprises d'approvisionnement ou de transformation pour prendre des mesures d'adaptation aux situations de crise, c'est-à-dire aux situations d'inadaptation de l'offre à la demande constituant une perturbation grave du marché. Des conditions précises sont également prévues puisque ces accords, d'une durée maximale d'un an, peuvent seulement limiter les capacités

de production ou augmenter les exigences de qualité pour retrouver un équilibre entre l'offre et la demande. Enfin, ils ne peuvent comporter de dispositions concernant les prix.

Le champ d'application de ces décrets est donc limité et leurs conditions d'application strictement définies, à l'inverse des règlements d'exemption de la Commission Européenne qui s'appliquent à des domaines beaucoup plus vastes.

62 Comme l'indique l'insertion à l'article L.420-4 I 2° du Code de Commerce la loi n°96-588 du 1 er

par juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales d'une mention spécifique destinée aux accords sur des produits agricoles ou d'origine agricole.

63 Décret n°96-499 du 7 juin 1996 relatif aux accords entre producteurs bénéficiant de signes de qualité dans le domaine agricole.

64 Décret n°96-500 du 7 juin 1996 relatif aux accords entre producteurs agricoles ou entre producteurs agricoles et entreprises concernant des mesures d'adaptation à des situations de crise.

Pour surmonter cette lacune, les juridictions nationales font application, dans leur appréciation des ententes anticoncurrentielles au regard du droit national, des critères développés par les règlements d'exemption communautaire. Ainsi, l'Autorité de la Concurrence65 consent volontiers à appliquer les critères d'exemption des accords verticaux développés par le règlement d'exemption communautaire66, notamment la zone de sécurité existante en deçà d'une part de marché de 30% du fournisseur.

Néanmoins, pour les accords n'entrant pas dans le champ d'application des décrets de 1996 et dont les parties prenantes souhaitent s'assurer de la légalité au regard du droit de la concurrence, une exemption individuelle est toujours envisageable.

B. L'exemption individuelle

Ce procédé d'exemption se rapproche de la notification

préalable qui était pratiquée

par la Européenne 2004 67

Commission avant . Il a été introduit dans l'ordonnancement

68

juridique français à la suite la loi de 1996

de qui a étendu la possibilité valable pour les

Çcategories d'accordsÈ (exemption collective).

L'objectif de cette procédure est, pour une entreprise, de faire valider par une autorité administrative le fait qu 'un accord remplit les conditions de l'article L.420-4 I 2° du Code de Commerce et contribue effectivement au progrès économique. Ce dispositif permet de se prémunir a priori des conséquences fâcheuses qui pourraient résulter de la prohibition d'un accord en cours d'application alors que les parties concernées estimaient qu'il bénéficiait de l'exemption. L'objectif est donc ici encore de garantir une forme de sécurité juridique.

La procédure d'exemption individuelle est proche de celle valable pour les exemptions collectives, si ce n'est que l'initiative provient nécessairement des parties à

65 Conseil de la Concurrence, décision n°01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à la saisine présentée par la Société Casino France.

66 Règlement (UE) n°330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées.

67 La procédure a été supprimée par le règlement (CE) n°1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002 relatif à la mise en Ïuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité.

68 Loi n°96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.

l'accord et non de l'administration. Les entreprises souhaitant obtenir un décret d'exemption pour leur accord doivent déposer un dossier contenant un certain nombre d'éléments69 permettant de situer l 'accord dans son environnement juridique et commercial, d'envisager ses objectifs et ses conséquences. La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes est ensuite à même d'instruire la demande.

Elle peut décider de refuser l'exemption en considérant que l'accord ne contribue pas au progrès économique, par une décision explicite ou implicite (suite à un silence de quatre mois à compter de la demande). Cette décision peut néanmoins être attaquée par les parties à l'accord devant le Tribunal administratif.

A l'inverse, si la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes considère que l'accord peut obtenir l'exemption, elle transmettra la demande pour avis à l'Autorité de la Concurrence avec publication au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au moins un mois avant cette transmission, pour observations, selon la procédure exposée ci-dessus pour les décrets d'exemption collectifs. Si le décret est finalement adopté, les personnes pour lesquelles il fait grief pourront toutefois le contester devant le Conseil d'État.

Cette procédure de sécurisation juridique des accords restrictifs de concurrence, malgré son utilité potentielle, n'a pas connu le succès escompté. Peu d'accords ont en effet été présentés au Ministère de l'Économie pour recevoir son approbation, notamment en raison du caractère relativement incertain de son issue. Le seul décret d'exemption notable qui ait été adopté paiement dans l omobile 70

concerne les délais de 'industrie aut . En effet, ce

décret a permis de délivrer une exemption à un accord conclu entre des comités et fédérations professionnelles du secteur automobile pour réduire les délais de paiement entre clients et sous-traitants. L'inutilité de l'article L.420 -4 II du Code de Commerce n'est donc pas totale, même si ce type d'accords est aujourd'hui adopté à la faveur d'une disposition législative de la Loi de Modernisation de l'Économie71 prévoyant une exemption pour ordre de la loi.

69 Ces éléments sont détaillés à l'article R.420-1 du Code de Commerce et concernent l'identification des entreprises concernées et de leur pouvoir de marché, les produits ou services en cause et l'impact sur la concurrence.

70 Décret n°2007-1884 du 26 décembre 2007 pris en application de l'article L. 420-4 II du Code de Commerce, concernant un accord relatif aux délais de paiement dans la filière automobile.

71 Loi n°2008-776 du 4 aoüt 2008 de modernisation de l'économie.

§2 : L'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce : l'ordre de la loi

L'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce envisage une dérogation particulière, introduite 'ordonnance 1986 72

par l de , prévoyant l'exonération de certaines pratiques

anticoncurrentielles liées à une intervention normative de l'État (A). Il s'agit de tenir compte de l'absence d'autonomie des entreprises dans l'adoption de leur comportement anticoncurrentiel, lorsque celui-ci a été dicté par une disposition normative. Cependant, cette dérogation possède un caractère limité du fait de la jurisprudence des juridictions nationales qui en font une interprétation stricte , notamment au regard des limites posées par le droit communautaire (B).

A. Le principe d'inapplication de la prohibition aux ententes
résultant d'un texte législatif

L'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce contient une exception de principe à la soumission de l'ensemble des activités économiques à l'empire des articles L.420-1 (entente anticoncurrentielle) et L.420-2 (abus de position dominante) du Code de Commerce. Cette exception concerne les cas oü ces pratiques anticoncurrentielles normalement interdites et sanctionnées Çrésultent de l 'application d 'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application È.

Cette disposition fait totalement échapper les pratiques en cause à l'application de la prohibition du Code de Commerce. Il ne s'agit donc pas de tolérer les pratiques anticoncurrentielles résultant de l'application d'une loi ou méme de ne pas sanctionner les entreprises qui y participent, mais bien de décider que les pratiques anticoncurrentielles induites par un texte législatif ne seront pas soumises à l'interdiction. Cette disposition est en réalité une transcription en droit de la concurrence de la théorie pénale des faits justificatifs: le caractère anticoncurrentiel du comportement n'est pas remis en cause mais le comportement n'est pas sanctionné.

Du point de vue de l'entreprise ayant recours à des pratiques anticoncurrentielles, en l'occurrence une entente, il s'agit donc d'un fait justificatif basé sur l'ordre de la loi.

72 er

Article 10 de l 'ordonnance n86 -1243 du 1décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

Du point de vue de la puissance publique, cet article donne un pouvoir de légitimer une entente et de la faire échapper aux mécanismes classiques de prohibition, par le biais d'un texte soumis à la repré sentation nationale.

Si cette exception peut sembler créer une brèche importante dans l'interdiction des ententes anticoncurrentielles, il faut bien voir que son interprétation par les juridictions l'a rendu très difficile à mettre concrètement en Ïuvre.

B. Le caractère limité de l'exemption

L'exception de l'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce peut sembler très large en ce qu'elle permet à l'État de légitimer n'importe quelle entente. Néanmoins, la jurisprudence a toujours procédé à une interprétation limitative de cette exception en se basant sur le texte méme de l'article (1), en exigeant un lien de causalité très prononcé (2) et enfin en s'appuyant sur les exigences du droit communautaire (3).

1. L'interprétation stricte des textes à l'origine de l'exception

L'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce indique clairement que le fait justificatif des ententes pour intervention de l'État est limité aux cas oü ces comportements Ç résultent de l 'application d 'un texte législatif ou d 'un texte réglementaire pris pour son application È. Cette rédaction est issue de l'ordonnance de 1986, puisqu'auparavant, et ce depuis l 'ordonnance de 1945 73, l'exception pouvait provenir d 'un texte législatif ou d'un texte réglementaire.

Depuis 1986, l'exception doit donc trouver obligatoirement sa source dans un texte de nature législative, méme si un acte réglementaire pris pour son application peut venir s'interposer entre la pratique et la loi.

Le Conseil, puis l'Autorité de la Concurrence, ont toujours procédé, à l'unisson des autres juridictions civiles ou administratives, à une interprétation stricte de cette exigence.

Cette condition a tout d'abord conduit à écarter du champ d'application de l'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce l'ensemble des actes extérieur s à l'administration. Tel est le cas notamment des conventions ou accords signés entre des fédérations sportives, des

73 Article 51 de l'ordonnance n45 -1483 du 30 juin 1945.

74

syndicats professionnels même si le Ministre de la Jeunesse et des Sports y est partie , des

75

contrats signés entre personnes privées , ou des usages professionnels même s'ils sont reconnus dans un code de déontologie édité par le syndicat professionnel d'une profession76. Toute norme ou pratique extérieure a l'administration ne peut donc en aucun cas permettre de procéder a la justification d'une entente.

Les exigences de la jurisprudence ne s'arrêtent cependant pas a l'exigence d'un acte propre a l'administration. L'interprétation stricte dégagée par la jurisprudence a ainsi conduit a respecter la lettre de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce qui exige un acte législatif ou un acte réglementaire appliquant un acte législatif. L e texte a l 'origine de la pratique doit donc être matériellement et formellement une loi ou un acte réglementaire d'application d'une loi.

La fermeté du Conseil de la Concurrence l'a conduit a refuser que cette exception soit appliquée pour un acte réglementaire autonome relevant de l'article 37 de la Constitution. Une exigence supplémentaire a été posée en ce qui concerne le rattachement de l'acte réglementaire a la loi, même si elle est plus ambiguë selon les décisions. Ainsi, le Conseil a refusé d'appliquer l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce sur la base d'un

77

arrêté ministériel pris en vertu d 'un décret d 'application d 'une loi , considérant que l'exigence de rattachement direct de l'acte réglementaire en cause a la loi n'était pas satisfaite. Le Conseil de la Concurrence a également exigé que la loi mise en Ïuvre par un acte réglementaire contienne le principe de l'exemption et ne se contente pas de renvoyer a l'adoption du règlement pour décider de l'exemption78. Dans le cas contraire, le Conseil considère que l'acte réglementaire n'a pas été pris en application de la loi et donc que l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce ne peut s 'appliquer. A l'inverse, d'autres décisions se montrent plus souples dans l'appréciation de ce lien de rattachement,

74 Conseil de la Concurrence, décision n°94-D-40 du 28 juin 1994 relative a la situation de la concurrence dans le secteur de l'assurance ski.

75 Conseil de la Concurrence, décision n°97-D-71 du 7 octobre 1997 relative a une saisine présentée par les sociétés Asics France et autres.

76 Conseil de la Concurrence, décision n°95-D-39 du 30 mai 1995 relative a des pratiques relevées dans le secteur de la location d'emplacements publicitaires destinés a l'affichage de grand format.

77 Conseil de la Concurrence, décision n°94-D-41 du 5 juillet 1994 relative a des pratiques relevées dans le secteur des volailles sous label.

78 Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-41 du 28 novembre 2007 relative a des pratique s s'opposant a la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé a l'occasion d'appels d'offres en matière d'examens anatomo-cyto-pathologiques.

notamment en faisant application de l'exemption pour un arrété ministériel sans vérifier le caractère immédiat de son rattachement à un texte législatif79.

De méme, l 'application de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce a toujours été refusée en ce qui concerne l'ensemble des comportements que peut adopter l'administration face à certaines pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, les incitations ou encouragements80, les tolérances81 approbations 82

ou données par des autorités

administratives n'ont jamais pu constituer une base pour exempter un comportement anticoncurrentiel. Selon cette logique, la Cour de Cassation indique que Çla compromission des ma»tres de l'ouvrage avec les entreprises (...) ne fait pas échec à l 'application des textes invoqués È83.

La sévérité de la jurisprudence fait qu'il est donc préférable de parler d'exemption par ordre de la loi que d'exemption du fait de l'intervention de l'État puisqu'un acte législatif doit obligatoirement intervenir en amont du processus d'exemption pour que l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce soit applicable et entraine effectivement l'exonération d'une entente anticoncurrentielle.

En outre, la jurisprudence a indiqué l'appréciation temporelle qu'elle faisait de l'exemption en précisant qu'il n'était possible de justifier une pratique que par le biais d'un

84

texte entré en vigueur après le commencement des pratiques anticoncurrentielles . De méme, la Cour d'Appel de Paris a toujours refusé de légitimer une pratique selon un texte postérieur mais a néanmoins accepté de réduire le montant de l'amende en se basant sur le fait qu 'un texte légitimant une telle pratique soit intervenu peu après le comportement

79 Conseil de la Concurrence, décision n°04-D-49 du 28 octobre 2004 relative à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de l 'insémination artificielle bovine.

80 Conseil de la Concurrence, décision n°05-D-10 du 15 mars 2005 relative à des pratiques mises en Ïuvre sur le marché du chou fleur de Bretagne et Conseil de la Concurrence, décision n°96-D-14 du 12 mars 1996 relative à des

pratiques constatées lors des marchés de fourniture de fioul domestique à la ville de Lavelanet.

81 Conseil de la Concurrence, décision n°90-D-20 du 12 juin 1990 relative à des pratiques relevées sur le marché de la banane et Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 30 mai 1995, Société Bedel.

82 Conseil de la Concurrence, décision n°92-D-44 du 7 juillet 1992 relative à des pratiques relevées lors de la XXème foire exposition de Velay-Auvergne.

83 Cour de cassation, 6 octobre 1992, SA Entreprise Jean Lefebvre et autres.

84 Conseil de la Concurrence, décision n°93-D-27 du 30 juin 1993 relative à des pratiques constatées dans le secteur du déménagement.

incriminé85. Si la loi postérieure n'est pas une cause d'exonération, elle peut donc constituer une circonstance atténuante au regard de la détermination du montant de la sanction de la pratique anticoncurrentielle.

2. L'exigence d'un lien de causalité entre le texte et la pratique

Ainsi que la lettre de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce l'indique, la pratique anticoncurrentielle doit résulter du texte invoqué pour la justifier. Cette exigence impose à l'auteur des pratiques qui entend se prévaloir d'une exemption pour ordre de la loi de démontrer en quoi son comportement était la conséquence immédiate et nécessaire de l'application du texte en question. En l'absence d'une telle démonstration, l'exemption est tout simplement inapplicable86.

Tout d'abord, la démonstration de ce lien de causalité exige que le texte justificatif ait été concu spécialement comme une dérogation au principe de libre concurrence. Cette dérogation doit être l'objet du texte et en ce sens, le texte en question doit revêtir un véritable objet anticoncurrentiel. Ainsi, si une disposition n'a pas été concue comme une dérogation explicite aux regles normales de concurrence interdisant les ententes, en aucun cas elle ne peut servir de base à une exemption, même si le comportement anticoncurrentiel

87

a été adopté par les entreprises afin de faire application de cette disposition . Cette exigence implique encore que le comportement adopté par l'entreprise ait été spécialement prévu par le texte invoqué. Ainsi, l'interdiction de vente à perte n'oblige en aucun cas un groupement de producteurs à mettre en Ïuvre une entente sur les prix: tel n'est pas

88

l'objectif du texte qui n 'a, au surplus, pas prévu de légitimer un tel comportement . Il en est de même lorsque le comportement adopté dépasse le champ d'application de l'exemption prévue par le texte 89 .

85 Cour d'Appel de Paris, 4 février 1997, Conseil regional de l 'ordre des architectes d 'Auvergne et de M. Dragoljub Pavlovic.

86 Conseil de la Concurrence, décision n°01-D-07 du 11 avril 2001 relative à des pratiques mises en Ïuvre sur le marché de la répartition pharmaceutique.

87 Conseil de la Concurrence, décision n°91-D-45 du 29 octobre 1991 relative à la situation de la concurrence sur le marché de l'exploitation des films dans les salles de cinéma.

88 Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en Ïuvre dans le secteur de la distribution de jouets.

89 Conseil de la Concurrence, décision n°87-D-53 du 1er décembre 1987 relative à la situation de concurrence dans le domaine des honoraires d'architectes.

DÕautre part, le comportement anticoncurrentiel doit etre la consequence directe et nécessaire du texte invoqué comme justification. En d Õautres termes, le texte ne doit laisser aucune latitude à lÕentreprise pour decider de commettre ou non une pratique anticoncurrentielle : lÕautonomie de decision de lÕentreprise doit etre anéantie. Le comportement incriminé doit donc etre la seule solution pour appliquer le texte en cause. Il ne doit donc pas exister de comportement non-incriminé permettant de répondre efficacement aux exigences du texte. Dans le cas contraire, le comportement litigieux trouve son origine à la fois dans le texte en question mais également dans la decision de lÕentreprise et l'exception ne peut alors fonctionner.

Ainsi, le Conseil de la Concurrence a rendu un nombre important de decisions à propos des mesures spécifiques imposées aux pharmaciens en matiére de sante publique, considérant que les obligations imposées ne rendaient pas obligatoires et automatiques les ententes mises en Ïuvre entre les officines. Le Conseil

a par exemple considéré que le plafonnement des remises pouvant etre consenties par les grossistes aux officines nÕétait pas une cause directe et nécessaire de lÕentente visant à geler les parts de marché ou à entraver l'entrée dÕun nouveau concurrent90. De même, le Conseil de la Concurrence a jugs que l'obligation de garde le dimanche ne légitimait en rien les ententes entre officines afin que seule la pharmacie de garde soit effectivement ouverte91.

LÕexigence dÕun lien de causalité nécessaire et ineluctable est donc trés difficile

à

surmonter pour les entreprises qui souhaitent se prévaloir de l'exemption de l'article L.420-

4 I 1 du Code de Commerce, particuliérement devant les autorités de concurrence.

Même si elles parviennent à effectuer la demonstration de l'existence du lien de causalité direct et nécessaire, leurs efforts sont parfois anéantis par lÕinterprétation que font les juridictions nationales du droit communautaire.

90 Conseil de la Concurrence, decision n01-D-07 du 11 avril 2001 relative à des pratiques mises en Ïuvre sur le march& de la repartition pharmaceutique.

91 Conseil de la Concurrence, decision n90-D-08 du 23 janvier 1990 relative à des pratiques constatées en matière de fixation de la durée dÕouverture des pharmacies libérales.

L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente?

3. L'influence restrictive du droit communautaire

92 93

Depuis les arrêts Jacques Vabre et Nicolo , les deux ordres de juridictions français reconnaissent la possibilité pour le juge d'écarter l'application d'une législation nationale en vertu d'une norme contraire de droit communautaire.

En vertu du principe de primauté, l'autorité nationale de concurrence doit laisser inappliquée toute disposition nationale contraire au droit communautaire , notamment les dispositions contraires à l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l 'Union Européenne94. Cette contrariété n'est pas seulement appréciée au regard du traité mais également de l'ensemble des normes communautaires, y compris les directives dont le délai de transposition est dépassé. Appliquant en cela les exigences communautaires, le Conseil de la Concurrence a refusé de faire application du droit national en raison de sa contrariété avec une directive non-transposée par la France et a enjoint des mesures conservatoires au regard des obligations suffisamment claires, précises et inconditionnelles dictées par cette directive95.

En conséquence, même lorsque l'application de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce est possible, son effet peut être contrarié par une norme communautaire contraire lorsque le droit de la concurrence communautaire est applicable au litige.

Le problème de la justification d'une pratique anticoncurrentielle pour intervention de l'État par la loi étant envisagé différemment en droit communautaire, il peut en résulter une inadéquation des conditions entre droit interne et droit communautaire. Il est donc possible qu'une entreprise parvienne à démontrer qu 'elle a agi de manière anticoncurrentielle en vertu de la loi française, mais que sa situation ne satisfasse pas aux conditions posées par le droit communautaire pour bénéficier d'une telle exemption. Dès lors, l'applicabilité de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce peut être remise en cause en vertu du droit communautaire.

92 Cour de Cassation, Chambre mixte, 24 mai 1975, Société Jacques Vabre.

93 Conseil d'État, Assemblée, 20 octobre 1989, Nicolo.

94 Cour de Justice des Communautés Européennes, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), C-198/01.

95 Conseil de la Concurrence, décision n°03-MC-03 1 er

du décembre 2003 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Towercast à l'encontre de pratiques mises en Ïuvre par la société TéléDiffusion de France (TDF).

L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente? Ainsi, le Conseil de la con currence refuse d 'exonérer des pratiques au regard du

96

droit national lorsque le droit communautaire est applicable au cas d 'espèce . En effet, en vertu de la primauté du droit communautaire, il est inenvisageable de ne pas appliquer l'article 101§1 du Trai té sur le Fonctionnement de l'Union Européenne en vertu d'exemptions régies par le droit national. Il doit alors être fait application des dispositions exonératoires communautaires pertinentes.

De même, en matière d'abus de position dominante (mais cette solution est également valable pour les ententes), la Cour d'Appel de Paris a déclaré l'article L.420 -4 I 1° du Code de Commerce Çsans portéeÈ à propos du refus par France Télécom de communiquer sa liste d'abonnés, refus basé sur une disposition législative prohibant cette communication97.

Du fait de ces critères très exigeants, les applications du fait justificatif pour ordre de la loi de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce sont très rares. Le cas le plus significatif concerne les avocats, à propos de leur obligation d'assurance civile professionnelle imposée par la loi et un décret d'application. Certains barreaux avaient obligé leurs membres à souscrire des assurances collectives de responsabilité professionnelle. Dès lors, la concurrence était atteinte puisque les avocats étaient privés de leur liberté de choix et ne pouvaient faire jouer la concurrence. Néanmoins le Conseil de la Concurrence a considéré que le système d'adhésion obligatoire était le plus performant pour répartir les risques et les coüts entre les avocats et donc que l'exception tirée de l'action étatique devait s'appliquer en ce qu'elle engendrait comme conséquence directe et

98

nécessaire l 'adhésion collective obligatoire à l 'assurance professionnelle .

De plus, les textes de lois se basant explicitement sur l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce pour déroger à l'interdiction des ententes sont assez rares, si ce n'est en ce qui concerne le domaine agricole. Néanmoins, le mécanisme pourrait retrouver un intérêt depuis que la LME a autorisé les organisations professionnelles à négocier des accords pour mettre en Ïuvre des délais de paiement dérogatoires par rapport aux délais de principe. Ces accords susceptibles d'être contraires à la prohibition de l'article L.420-1 du Code de Commerce échapperont à cette incrimination en vertu de l'ordre de la loi. Au regard des

96 Conseil de la Concurrence, décision n°06-D-21 du 21 juillet 2006 relative à des pratiques mises en Ïuvre dans le secteur des eaux-de-vie de cognac par le BNIC.

97 Cour d'Appel de Paris, 7 février 1994, CMS contre France Télécom.

98 Conseil de la Concurrence, décisions n°03-D-03 et 03-D-04 du 16 janvier 2003 relatives à des pratiques mises en Ïuvre par le barreau des avocats de Marseille et d'Albertville en matière d'assurances.

domaines dans lesquels ils ont déjà été adoptés (bâtiment et travaux publics, bricolage, jouet, sanitaire, chauffage et matériel électriqueÉ), le rTMle de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce pourrait être renforcé.

Le fait justificatif prévu par l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce est donc en réalité une exemption classique prévue pour l'ensemble des types de responsabilité consistant à ne pouvoir sanctionner un comportement qui a été dicté par la puissance publique. Néanmoins, ses conditions d'application et l'appréciation qui en est faite par la jurisprudence conduisent à restreindre son champ d'application.

Au niveau international, la plupart des États développés prévoient ce type d'exemptions pour Çconduite réglementée È99. Ainsi, le droit antitrust fédéral américain envisage une immunité en vertu de l'action de l'État si le comportement anticoncurrentiel est clairement défini comme une politique de l' État fédéré et si ce dernier surveille activement son application. De même, l'exemption est prévue par la législation turque: elle y est concue comme une dérogation à la loi générale par la loi spéciale. Enfin, le droit hongrois est assez original puisqu'il prévoit, outre une exemption pour ordre exprès de la loi, une exemption pour autorisation implicite, considérant que cette dernière entrave l'autonomie des entreprises. Bien qu'envisagées de manières différentes, ces exemptions sont donc largement répandues.

Au niveau communautaire, ce type d'exemption existe mais il n'intervient pas au même stade du raisonnement. Alors que le droit interne concoit l'intervention de l'État comme une cause justificative du comportement anticoncurrentiel, la jurisprudence communautaire tire les conséquences de l'intervention de l'État au regard de l'autonomie de décision de l'entreprise ayant adopté un comportement anticoncurrentiel.

99 Compte rendu de la table ronde sur les moyens de défense fondés sur une conduite réglementée, OCDE, Comité de la concurrence, Groupe de travail n°2 sur la concurrence et la réglementation, février 2011.

Section 2 : La prise en compte de l'intervention de l'État en droit
communautaire

L'existence d'une entente suppose un accord de volontés entre au moins deux entreprises indépendantes conduisant à une coordination plus ou moins planifiée de leurs comportements et allant à l'encontre du principe d'incertitude.

Dès lors, si une entente existe entre deux entités non-autonomes, le droit de la concurrence ne peut trouver à s'appliquer en raison de l'absence de rencontre de volontés entre entreprises. Ainsi, l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne ne permet pas de sanctionner des accords intra -groupe (entre une société mère et des filiales ou entre filiales) méme s 'ils présentent des éléments anticoncurrentiels.

De la méme facon, il convient de tirer les conséquences de l'absence d'autonomie des entreprises participant à une entente dès lors que celle-ci leur a été imposée par l'État.

Le droit communautaire ne prévoit pas textuellement une exception tirée de l'intervention de l'État, faute de quoi il donnerait un blanc

seing à l'ensemble des États membres pour aller à l'encontre du droit communautaire. Néanmoins, la jurisprudence communautaire a tiré les conséquences d'un défaut d'autonomie des entreprises du fait d'une intervention de l 'État ( §1) méme si cette inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne est en pratique soumise à des critères strictes et donc difficile à obtenir ( §2).

§1 : La justification d'une entente imposée par une intervention de
l'État

Alors que l'exemption pour ordre de la loi prévue à l'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce consiste à empécher l'application de la prohibition des ententes aux comportements dictés par un texte législatif, le mécanisme d'exemption pour intervention de l'État existant en droit communautaire intervient à un stade différent. L'objectif de ces deux mécanismes reste tout de même identique: garantir un certain degré de sécurité juridique aux entreprises et ne pas aller à l'encontre du principe d'interdiction de la Ç pénalisation retroactive des comportements (nulla poena sine lege) È100, autrement dit de la légalité des délits et des peines.

100 Conclusions de l'avocat général M. F.G. Jacobs, présentées le 30 janvier 2003 dans l'affaire C-198/01.

101

En effet, le droit communautaire a rapidement

su très tirer les conséquences du

défaut d 'autonomie des entreprises du fait de l'intervention de l'État. Il ne s 'agit pas d'exonérer la pratique mais de considérer qu'elle n'est tout simplement pas constituée. Du point de vue communautaire, lorsque des entreprises se sont entendues conformément à une disposition normative étatique, le comportement anticoncurrentiel ne leur est plus imputable du fait de leur défaut d'autonomie. Dès lors, la pratique trouve son origine non pas dans le comportement des entreprises mais bien dans l'intervention de l'État, ainsi que

102

l'indique clairement la jurisprudence communautaire . En conséquence, il ne s'agira plus de mettre en jeu la responsabilité des entreprises participant à l'entente mais éventuellement de rechercher la responsabilité de l'État pour violation du droit communautaire.

La jurisprudence communautaire a précisé que l'inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne à des comportements imposés par l'État devait être maintenue même si la disposition nationale en cause était contraire au droit communautaire (et devait en conséquence être écartée en vertu du principe de primauté). En effet, quelque soit la légalité communautaire de la norme nationale, non seulement il n'est pas normal de faire supporter aux entreprises concernées la méconnaissance par l'État de ses obligations communautaires, mais le défaut d'autonomie reste toujours constitué même si la réglementation est illégitime d u point de vue communautaire.

La jurisprudence CIF103 a permis de clarifier la grille de lecture de la Cour de Justice sur le problème de la justification d'une entente du fait d'une intervention de l'État. Elle laisse le soin aux autorités nationales de concurrence d'appliquer cette jurisprudence aux cas d 'espèce, même si la Cour précise rigoureusement les critères qu'elles doivent mettre en Ïuvre, en distinguant deux cas.

Dans le premier cas, la législation nationale en cause impose la conclusion d'une entente ou élimine toute possibilité de concurrence, empêchant ainsi les entreprises

101 Cour de Justice des Communautés Européennes, 29 octobre 1980, Van Landewyck et autres contre Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78.

102 Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, 18 septembre 1996, Asia Motors et autres contre Commission , T-387/94 et Cour de Justice des Communautés Européennes, 11 novembre 1997, Commission et France contre Ladbroke, C-359/95 et C-379/95: Ç Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l 'impliquent ces dispositions, dans des comportements autonomes des entreprises È.

103 Cour de Justice des Communautés Européennes, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), C-198/01.

d'adopter un comportement respectueux de la concurrence, faute d'enfreindre la norme nationale en cause. Alors, l'autonomie des entreprises est inexistante dans l'adoption d'un comportement répréhensible au regard du droit de la concurrence et ce comportement ne peut etre sanctionné sur la base de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne. La Cour tire logiquement les conséquences du défaut d'autonomie et du commandement de la loi, selon un mécanisme proche de celui existant en droit national. Néanmoins, cette exonération est limitée aux comportements qui ont été adoptés avant toute décision d'une autorité de concurrence déclarant la norme nationale inapplicable en raison de sa contrariété avec le droit communautaire. En effet, une telle décision s'impose aux entreprises qui retrouvent alors leur autonomie, n'étant plus contraintes par la norme dont l'applicabilité a été écartée par une autorité compétente.

A l'inverse, si la législation « laisse subsister la possibilité d 'une concurrence qui serait encore susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes desdites entreprises »104, l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne reste applicable. En ce cas, l'autonomie des entreprises est sauvegardée, puisqu'elles n'ont été qu'incitées ou encouragées à adopter un comportement anticoncurrentiel. Des lors, la décision d'adopter ce comportement leur est imputable et elles peuvent en conséquences etre sanctionnées. Néanmoins, la Cour précise que le fait qu'une entente anticoncurrentielle ait été encouragée ou facilitée par des dispositions nationales est susceptible de constituer une circonstance atténuante dans la détermination du montant des sanctions.

La Cour de Justice reconna»t la liberté pour la Commission Européenne dans le choix des voies de droit appropriées suivant l'appréciation qu'elle effectue des pratiques en cause105.

Si la Commission Européenne considere que l'autonomie des entreprises est maintenue malgré l'intervention de l'État, elle peut décider de poursuivre les entreprises sur la base de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (et éventuellement d'engager une procédure de manquement contre l'État).

En revanche, si elle estime que la réglementation nationale TMtait toute autonomie aux entreprises dans la décision d'adopter un comportement anticoncurrentiel, la

104 Considérant n°80 de la jurisprudence CIF.

105 Cour de Justice des Communautés Européennes, 19 octobre 1995, Rendo et autres contre Commission, C- 1 9/93 : « la Commission pouvait, à bon droit, considérer que la procédure la plus appropriée, pour examiner la question de la compatibilité de la loi sur l'électricité avec le traité, était celle du recours en manquement ».

Commission Européenne ne peut que poursuive l'État en cause selon la procédure de manquement prévue à l'article 258 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.

La Cour de Justice précise à cet égard que la constatation d'un manquement de l'État n'est pas nécessaire pour juger de l'absence d'autonomie des entreprises parties à une entente106. Il peut donc exister une exonération des comportements pour intervention de l'État sans que la responsabilité de cet É tat ne soit engagée.

Le principe de l'inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne aux comportements imposés par l'État est donc clairement posé par la jurisprudence communautaire. Néanmoins, le caractère strict des conditions d'appréciation de cette exonération rend difficile la reconnaissance d'une réelle absence d'autonomie.

§2 : La difficulté d'obtention d'une inapplication de l'article 101§1
du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne

Les juridictio ns communautaires font une interprétation très stricte des conditions d'inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne pour intervention de l'État. En vertu de cette ligne de conduite, clairement affirmée et assumée par le juge communautaire107, les cas oü une entreprise parvient à se dédouaner en vertu d'une législation nationale sont rares.

Tout d'abord, la jurisprudence communautaire refuse toute justification fondée sur l'information préalable de l'État voire méme sur son consentement à la pratique, dès lors que la pratique n'a pas été réellement imposée par l'État108. En effet, dans ce cas, l'autonomie des entreprises existe et c'est leur décision qui est à l'origine de la pratique et

106 Cour de Justice des Communautés Européennes, 11 novembre 1997, Commission et France contre Ladbroke, C-359/95 et C-379/95.

107 Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services Unlimited contre Commission, T-168/01 : l'exception doit ôtre Ç appliquée de manière restrictive par le juge communautaire È.

108 Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, 30 septembre 2003, Manufacture francaise des pneumatiques Michelin contre Commission, T-203/01 : la validation d'une pratique anticoncurrentielle par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ne permet pas à l 'entreprise d'échapper à sa responsabilité.

L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente ? non pas l'intervention d'une autorité publique. Ainsi, le Tribunal a refusé l'inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne à une entreprise dont la pratique anticoncurrentielle avait fait l'objet d'une approbation par une autorité de régulation sectorielle, estimant que cette validation ne remettait pas en cause l'autonomie de l'entreprise de en pratique 109

dans le choix mettre oeuvre ladite . Il a été jugé de la même

façon en ce qui concerne l'encouragement de l'État, ou sa participation à la créati on et au

110

maintien de l 'efficacité d 'une entente . En conséquence, des lors qu'il subsiste une certaine marge de manoeuvre pour l'entreprise, les juridictions communautaires considerent que la pratique anticoncurrentielle leur est imputable, même si l'État les a fortement incitées à la mettre en oeuvre111 ou que la pratique a été inspirée par la réglementation nationale.

Par contre, la jurisprudence communautaire n'exige pas qu'il existe un texte pour imposer un comportement anticoncurrentiel aux entreprises. Ainsi, la Cour a pu juger que l'autonomie de l'entreprise était anéantie « s'il appara»t sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants que ce comportement leur a été unilatéralement imposé par les autorités nationales par l'exercice de pressions irrésistibles, telles que la menace d'adoption de mesures étatiques susceptibles de leur faire subir des pertes importantes »112. Par la suite, le Conseil de la Concurrence a repris cette analyse à son compte pour examiner l'autonomie d'entreprises participant à une entente113.

D'autre part, la mesure nationale doit imposer la pratique en amont de sa réalisation, et non pas venir légitimer a posteriori par une disposition normative une pratique déjà mise en oeuvre, faute de quoi l'intervention normative de l'État est assimilée à un simple consentement. Ainsi, la Cour de Justice estime que « si une mesure étatique reprend les éléments d'une entente intervenue entre les opérateurs économiques d'un secteur ou est prise apres consultation et avec l'accord des opérateurs économiques concernés, ces

109 Commission Européenne, décision n°2003/707/CE du 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG, COMP/C1/37.451.

110 Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank ...sterreich AG et autres contre Commission, T-259/02 à T-264/02 et T-271/02.

111 Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, 30 mars 2000, Consiglio Nazionale degli Spedizionieri Doganali contre Commission , T-513/93.

112 Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, 18 septembre 1996, Asia Motors et autres contre Commission , T-387/94.

113

Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-15 du 9 mai 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les marchés publics relatifs aux lycées d'Ile-de-France.

opérateurs ne pourraient se fonder sur la nature contraignante de la réglementation, pour échapper à l 'application>> de ententes 114

la

prohibition des . Ce refus subsiste même si la

mesure en question est de nature législative115.

Enfin, la licéité du comportement au regard du droit national ne présume en rien de sa licéité au niveau communautaire. Ainsi, pour les États dans lesquels il existe une exonération pour ordre de la loi plus souple qu'en droit communautaire, le fait que les pratiques en cause ne puissent être sanctionnées en droit national ne permet pas de leur faire bénéficier automatiquement de l 'exonération reconnue par la Cour de Justice. Tel peut notamment être le cas lorsque les exigences nationales sont moins élevées que les standards communautaires, même si les autorités nationales de concurrence et les juridictions nationales ont tendance à aligner leurs exigences sur celles des institutions communautaires afin que les exemptions qu'elles accordent au regard du droit national ne soient pas annihilées par le droit communautaire. Ainsi, le Conseil de la Concurrence a indiqué que du fait Çde la primauté du droit communautaire, un accord ne peut pas échapper à l'interdiction stipulée à l 'article 81 CE, s 'il en réunit les conditions, au motif qu 'il serait autorisé sur le fondement du droit national >>116.

Même si le fondement de l'exemption est différent entre le droit interne et le droit communautaire, les méthodes employées et les effets restent similaires : tirer conséquence du défaut d'autonomie en exonérant les entreprises de leur responsabilité pour les comportements imposés par l'autorité publique, tout en limitant cette exonération aux cas oü leur autonomie de décision était réellement anéantie, et non seulement réduite.

114 Cour de Justice des Communautés Européennes, 30 janvier 1985, BNIC contre Clair, 123/83.

115 er

Cour de Justice des Communau tés Européennes, 1octobre 1987, ASBL Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, 311/85.

116 Conseil de la Concurrence, décision n°06-D-21 du 21 juillet 2006 relative à des pratiques mises en Ïuvre dans le secteur des eaux-de-vie de cognac par le BNIC.

Bibliographie

Ouvrages

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Articles

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· Site du Sénat francais : www.senat.fr

· Site de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes : www.dgccrf.bercy.gouv.fr

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· Site d'informations juridiques : www .legalnews.fr

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L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente? Cour Européenne des Droits de l'Homme

Cour Européenne des Droits de l'Homme, 21 février 1984, Oztürk contre RFA.

Cour de Cassation

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Bernard et autres.

Conseil d'État

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Tribunal des Conflits

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Cour d'Appel de Paris

Cour d'Appel de Paris, 30 juin 1988, Ville de Pamiers.

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Cour d'Appel de Paris, 4 février 1997, Conseil régional de l 'ordre des architectes d'Auvergne et de M. Dragoljub Pavlovic.

L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente? Cour d'Appel de Paris, 8 février 2000, Académie d'architecture.

Tribunaux administratifs

Tribunal administratif de Nice, 9 novembre 1998, Préfet des Alpes-Maritimes contre yille de Nice.

Tribunal administratif de N»mes, 21 avril 2008, Société Durand et autres.

Conseil de la Concurrence

er

Conseil de la Concurrence, décision n°87 -D-53 du 1décembre 1987 relative à la situation de concurrence dans le domaine des honoraires d'architectes.

Conseil de la Concurrence, décision n°88-D-24, du 17 mai 1988 relative à une saisine et à une demande de mesures conservatoires émanant de la Société d'exploitation et de distribution d 'eau (SAEDE).

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Conseil de la Concurrence, décision n°92-D-44 du 7 juillet 1992 relative à des

pratiques relevées lors de la XXème foire exposition de Velay-Auvergne.

Conseil de la Concurrence, décision n°93-D-27 du 30 juin 1993 relative à des

pratiques constatées dans le secteur du déménagement.

Conseil de la Concurrence, décision n°94-D-40 du 28 juin 1994 relative à la situation de la concurrence dans le secteur de l 'assurance ski.

Conseil de la Concurrence, décision n°94-D-41 du 5 juillet 1994 relative à des pratiques relevées dans le secteur des volailles sous label.

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· Conseil de la Concurrence, décision n°97-D-71 du 7 octobre 1997 relative a une saisine présentée par les sociétés Asics France et autres.

· Conseil de la Concurrence, avis n°98-A-07 du 19 mai 1998 relatif a une demande d'avis sur l'application des règles de concurrence, tant nationales que communautaires, aux opérations de fouilles archéologiques préventives.

· Conseil de la Concurrence, décision n°01-D-07 du 11 avril 2001 relative au marché de la répartition pharmaceutique.

· Conseil de la Concurrence, décision n°01-D-45 du 19 juillet 2001 relative a la saisine présentée par la Société Casino France.

· Conseil de la Concurrence, décisions n°03-D-03 et 03-D-04 du 16 janvier 2003 relatives a des pratiques mises en Ïuvre par le barreau des avocats de Marseille et d'Albertville en matière d'assurances.

· Conseil de la Concurrence, décision n° 03-D-09 du 14 février 2003 relative a la saisine de la société Tuxedo relative a des pratiques constatées sur le marché de la diffusion de la presse sur le domaine public aéroportuaire.

· Conseil de la Concurrence, décision -MC-03 du 1 er

n°03 décembre 2003 relative a

une demande de mesures conservatoires présentée par la société Towercast a l'encontre de pratiques mises en Ïuvre par la so ciété TéléDiffusion de France (TDF).

· Conseil de la Concurrence, décision n°04-D-49 du 28 octobre 2004 relative a des
pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de l'insémination artificielle bovine.

· Conseil de la Concurrence, décision n°05-D-10 du 15 mars 2005 relative a des pratiques mises en Ïuvre sur le marché du chou fleur de Bretagne.

· Conseil de la Concurrence, décision n°05-D-75 du 22 décembre 2005 relative a des pratiques mises en Ïuvre par la Monnaie de Paris.

· Conseil de la Concurrence, décision n°06-D-21 du 21 juillet 2006 relative a des
pratiques mises en Ïuvre dans le secteur des eaux-de-vie de cognac par le BNIC.

· Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-15 du 9 mai 2007 relative a des pratiques mises en Ïuvre dans les marchés publics relatifs aux lycées d' Ile-de- France .

· Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-41 du 28 novembre 2007 relative a des pratiques s'opposant a la liberté des prix des services proposés aux établissements

de santé à l'occasion d'appels d'offres en matière d'examens anatomo-cyto- pathologiques.

· Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en Ïuvre dans le secteur de la distribution de jouets.

· Conseil de la Concurrence, avis n°08-A-13 du 10 juillet 2008 relatif à une saisine du syndicat professionnel UniCiné portant sur l'intervention des collectivités locales dans le domaine des salles de cinéma.






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote