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L'intervention de l'état constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente ?

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par François VOIRON
Paris II Panthéon Assas - Master II Droit européen des affaires 2010
  

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Section 4 : Le régime particulier de l'article 106 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne

L'article 106§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne oblige les États à ne pas enfreindre le traité dans l'édiction des normes destinées aux entreprises auxquelles il accorde des droits spéciaux ou exclusifs (monopoles nationaux). Le droit communautaire ne condamne donc pas par principe l'existence de monopoles nationaux mais il permet le contrTMle par les autorités communautaires de la nécessité des droits spéciaux ou exclusifs qui leur sont accordés, et du respect des dispositions du traité, notamment l'article 101§1 prohibant les ententes anticoncurrentielles.

L'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne apporte un tempérament au principe posé au §1 et reconna»t la priorité de l 'intérêt général sur les normes de concurrence. En effet, il dispose que « Les entreprises chargees de la gestion de services dÕinteret economique general ou presentant le caractere dÕun monopole fiscal sont soumises aux regles des traites, notamment aux regles de concurrence, dans les limites ou l'application de ces règles ne fait pas echec à lÕaccomplissement en droit ou en fait de la mission particuliere qui leur a été impartie. Le developpement des echanges ne doit pas 'etre affecté dans une mesure contraire à lÕinteret de l'Union ». La place des services d'intérêt économique général est donc bien prise en compte dans le traité, d'autant plus depuis que l'article 14 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne reconna»t que ces services sont une « valeur commune » de l'Union Européenne.

Les États gardent donc une certaine emprise sur les services d'intérêt économique général et peuvent adopter dans ce domaine des dispositions contraires au droit communautaire de la concurrence, y compris à l'interdiction des ententes

anticoncurrentielles. En effet, les services d'intérêt économique général ont été définis par la Commission comme des « services, tant économiques que non économiques, que les autorités publiques classent comme étant d'intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public »51. La définition de ces services et des dérogations possibles semble donc du complet ressort des États, de l'aveu même de la Commission.

Néanmoins, il existe des conditions précises pour bénéficier de telles dérogations. L'interprétation de ces conditions par la Cour de Justice de l'Union Européenne est gouvernée par trois grands principes qui ont toujours été rappelés par la jurisprudence : la neutralité quant à la forme publique ou privée de la propriété (garantie par l'article 345 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne), la liberté des États dans la définition des services devant être considérés comme d'intérêt général (sous réserve de l'erreur manifeste et d'un acte précis précisant les taches du service) et enfin la proportionnalité. Depuis 198952, la Cour a reconnu la possibilité pour les juridictions et autorités de concurrence nationales d'apprécier la satisfaction de ces

conditions et d'appliquer l'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.

En premier lieu, la mission du gestionnaire du service d'intérêt général doit lui avoir été confiée par un acte de la puissance publique. Un tel acte est une condition nécessaire pour bénéficier de l'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne53. La jurisprudence exigeait au départ un acte de nature législative ou réglementaire mais elle s'est depuis assouplie et accepte que la mission soit confiée par le biais d'une simple concession54. L'existence d'un acte n'est cependant pas suffisante. Cet acte doit définir de façon précise les missions confiées à l'entreprise, faute de quoi l'existence même du service d'intérêt économique général est remise en cause.

En second lieu, la mission de l'entreprise doit être, au moins partiellement, une mission d'intérêt économique général. Faute de définition précise de cette notion, les États disposent d'une certaine latitude dans l'appréciation de cette condition.

51 Communication de la Commission Européenne du 21 novembre 2007, Un marché unique pour l'Europe du XXIèmesiècle - Les services d'intérêt général, y compris les services sociaux d'intérêt général: un nouvel engagement européen.

52 Cour de Justice des Communautés Européennes, 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro GmbH contre Zentrale zur Bekmpfung unlauteren Wettbewerbs e. V., C-66/86.

53 Cour de Justice des Communautés Européennes, 14 juillet 1981, Gerhard Züchner contre Bayerische Vereinsbank AG, 172/80.

54 Cour de Justice des Communautés Européennes, 23 octobre 1997, Commission contre France, C-159/94.

Les missions d'intérêt général peuvent être ou non économiques: néanmoins, dans la mesure oü elles ne sont pas de nature économique (ou non marchandes selon la terminologie employée par la Commission), elles échappent totalement aux règles communautaires de concurrence et l'article 106§2 n'a alors pas vocation à s'appliquer.

En ce qui concerne les services de nature économique, la ligne de partage co
·ncide avec l'existence d'obligations particulières liées à la nécessité d'assurer le service même si le fonctionnement normal du marché n'est pas à même d'y parvenir. L'obligation principalement imposée par les États est celle de service universel. Il existe en effet des situations dans lesquelles l'accès équitable à un service est conditionné à l'existence de droits spéciaux pour une ou plusieurs entreprises, notamment en raison de l'absence de viabilité économique du service. Dans ce cas, une procédure d'appel d'offres permet de désigner une entreprise qui se verra attribuer des droits spéciaux pour remplir sa mission. Dans certains autres cas, l'obligation spécifique peut être mise à la charge d'une seule entreprise, en échange d'une redevance des autres acteurs du marché en question non - soumis aux mêmes obligations (sous réserve de la correspondance entre le surcoüt imposé par l'obligation et la redevance).

En troisième lieu, et c'est ici que s'exerce le plus fort contrôle de la part des institutions communautaires, l'infraction aux règles du traité doit être indispensable à l'exercice par l'entreprise de sa mission d 'intérêt général. La Cour de Justice, confrontée à cette question, vérifie que l'exercice de la mission serait en pratique impossible en l'absence de telles infractions (et ne serait pas simplement rendu moins aisé). L'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne ne crée donc pas une dérogation générale pour les entreprises chargées d'une mission d'intérêt général: seules les règles faisant échec à leur mission peuvent être écartées. Le contrôle de proportionnalité effectué par la Cour lui a permis d'affiner sa jurisprudence. Elle a ainsi jugé que l'article 106§2 était applicable pour des compagnies aériennes à qui l'on impose de desservir des destinations non-rentables55 mais dont le maintien constitue un objectif d'intérêt général. Néanmoins, la non-soumission aux règles de concurrence doit être limitée aux seules missions d'intérêt général. Si une entreprise est titulaire de telles missions mais exerce également d'autres missions dissociables, le droit de la concurrence s'applique à ces

55 Cour de Justice des Communautés Européennes, 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro GmbH contre Zentrale zur Bekmpfung unlauteren Wettbewerbs e. V., C-66/86.

dernières56. Cette jurisprudence a également assoupli la condition de nécessité en jugeant qu'elle était applicable afin de permettre à l'entreprise d'exercer sa mission Çdans des conditions économiquement acceptables È. Le caractère nécessaire de la restriction de concurrence est donc envisagé de manière relative, sans que l'existence même de l'entreprise ne soit forcément menacée en l 'absence de restriction. Ainsi, la Cour a accepté une contribution devant être payée par les entreprises italiennes de transport express à la poste italienne pour palier à ses obligations de service universel, dès lors que la contribution est limitée au coüt supplémentaire induit par le service universel.

Enfin, en dernier lieu, les restrictions de concurrence en cause ne doivent pas affecter outre mesure les échanges intracommunautaires. Comme l'indique la Cour, la pratique ne doit pas Ç exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d 'échanges entre États membres È57. Si les échanges intracommunautaires sont affectés, l'article 106§2 est tout simplement rendu inapplicable et ne permet pas de déroger au droit de la concurrence.

L'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, s'il est reconnu applicable, permet de déroger à l'ensemble des règles du traité, et notamment à l'article 101§1 prohibant les ententes anticoncurrentielles, tel fut le cas dans l'affaire Commune d'Almelo58.

Dès lors, l'intervention de l'État par un acte confiant des missions de service d'intérêt économique général à une entreprise peut constituer un fait justificatif de l'entente, du moins permettre qu'une entente ne soit pas illicite d'un point de vue communautaire. Cependant, ce n'est pas tant l'intervention de l'État qui est à l'origine de cette possibilité de dérogation à l'interdiction de l 'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, que l'existence d'une mission de service d'intérêt économique général. Ce mécanisme reste donc restreint et spécifique et ne constitue en aucun cas une possibilité générale de dérogation à la prohibition des ententes.

56 Cour de Justice des Communautés Européennes, 19 mai 1993, Procédure pénale contre Paul Corbeau, C- 3 2 0/9 1 .

57 Cour de Justice des Communautés Européennes, 25 octobre 2001, Firma Ambulanz Glöckner contre Landkreis S·dwestpfalz, C-475/99.

58 Cour de Justice des Communautés Européennes, 27 avril 1994, Commune d'Almelo et autres contre NV Energiebedrijf Ijsselmij , C-393/92.

A l'issue de cette première partie de l'analyse, il est possible de conclure que la seule participation de l'État à une activité n'est pas suffisante pour exonérer du respect du droit de la concurrence en général, et de l'interdiction des ententes en droit communautaire et national, en particulier, sauf dans les cas très particuliers oü il existe un service d'intérêt économique général.

Si l'intervention de l'État ne justifie pas en elle-même l'irrespect du droit de la concurrence, il convient de se placer du point de vue des entreprises pouvant être amenées à participer à une entente, pour vérifier comment l'intervention de l'État peut constituer pour elles un fait justificatif de l'entente ou les exonérer de la responsabilité découlant de leur participation à une entente.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore