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Résolution extra-judiciaire des conflits fonciers en territoire de Masisi.

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par Didier KAKULE PILIPILI
Université de Kisangani - Licencié en droit 2010
  

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B. Les causes tenant aux lacunes des règles de forme

Il ne s'agira pas ici que des lacunes manifeste du point de vue de simples règles de forme au sens de la procédure judiciaire, mais aussi sinon avant tout des lacunes qui se cristalliseraient à un niveau plus fondamental, celui de la procédure conduisant à la naissance des textes de loi régissant la matière foncière.

1° Problèmes liés à la genèse des textes légaux

Au-delà des lacunes du droit substantiel, la non-implication des communautés locales dans la production des textes légaux fonciers en milieu rural, spécialement en RDC et en territoires de Masisi paraît bien reposer sur cet autre facteur qui consiste en une traduction imparfaite du droit non seulement sur le plan processuel ou judiciaire, mais d'une manière plus fondamentale sur le plan de la genèse de la règle du droit positif, en l'occurrence celui qui s'applique au domaine foncier. Il est vrai qu'un droit mal posé ne peut être que mal traduit par les tribunaux au point de ne pas obtenir l'adhésion du sujet du droit. Le droit deviendrait alors un facteur criminogène si l'on prend en compte non seulement l'exigence de conformité à la norme positive dans un processus de gestion préventive de conflit, mais aussi et surtout l'inclination à un ordre normatif non légitime aux yeux des justiciables. Un droit qui ne traduit pas les valeurs intrinsèques de la population qu'elle est sensée régir, tombe dans l'illégitimité et est source de boycott entrainent une opposition entre la population34(*).

Opérant un juste diagnostic à propos, des praticiens congolais bien avisés notent avec raison que si le problème foncier du Kivu peut s'analyser en un problème de l'histoire politique et sociale de cette partie du pays, « il est aussi le problème de l'enchevêtrement des textes régissant la propriété foncière dans notre pays, textes à bien d'égards mal diffusés, incompris et inaccessibles à la masse laborieuse à laquelle ils sont destinés »35(*).

En effet la loi foncière N° 73-021 du 20/7/1973 portant régime général des biens, régimes fonciers, et régimes de sûretés, illustre bien le phénomène d'une oeuvre législative congolaise dont la publication par voie classique du journal officiel n'est que théorique au point de faire mériter à la règle « Nemo censetur ignorare legem » tout le ridicule que le commun des mortels lui réserverait dans le domaine qui intéresse la présente analyse. Alors que la loi précitée n'a guère fait l'objet de consultations ou de sensibilisations suffisantes dans la phase précédent son adoption au Parlement, cette importante oeuvre législative congolaise post indépendance ne semble pas avoir bénéficié d'une publicité efficiente, encore moins d'une vulgarisation suffisante. Il serait superflu de souligner le risque que cette passivité emporte sur le double plan de la prévention comme de la résolution des conflits fonciers : un phénomène de rébellion aux lois ne peut que s'alimenter de cette ignorance à laquelle sont tristement abandonnées les populations destinataires de ces lois.

Quand bien même on trouverait une quelconque prise en compte de l'intérêt des communautés rurales, ne serait-ce que par le processus d'intégration du droit coutumier, il reste fort regrettable qu'en cette matière importante l'élaboration du droit n'ait pas suffisamment capitalisé les multiples bénéfices des méthodes participatives et de concertation vivement recommandées dans tout projet de développement. In fine, cette profonde sagesse de Ghandi selon qui « Tout ce que vous faites pour moi mais sans moi, vous le faites contre moi », pourrait se vérifier en l'occurrence. La clé de tout est la participation : il ne devrait y avoir de projet qui n'implique pas un certain degré de participation de la part des destinataires. Les conclusions ne doivent pas surprendre : presque toutes les enquêtes sur les composantes des projets réussis soulignent l'importance capitale de la participation36(*). La participation devra être effective dès les premières phases de la conception des projets des lois. On pourra ainsi être sûr que ses objectifs sont fondés autant que possible sur les besoins ressentis par les gens, sur leurs priorités, sur l'intérêt porté à ce qu'ils considèrent comme des problèmes importants.

Au plan législatif, la participation doit être perçue également comme un moyen de s'assurer que les projets sont montés en tenant compte des conditions ou réalités locales. Dans l'environnement africain, bien plus que sur les autres continents, la culture et l'économie peuvent varier de façon spectaculaire d'un village à l'autre. Les paysans sont ex officio les plus grands experts du monde dans le domaine de leurs conditions de vie. La vérité s'impose et est le plus souvent invoquée en dehors du domaine juridique : des technologies qui paraissent adéquates sur la station de recherche doivent être testées en tenant compte de la complexité et des contraintes de la vie des cultivateurs : leurs priorités, leur calendrier de travail journalier et saisonnier, l'argent, la force de trait, le fumier et les autres ressources dont ils disposent, l'ensemble des pressions contradictoires qui pèsent sur leur emploi du temps et leurs intrants.

Des technologies qui semblent prometteuses au niveau national doivent parfois être très soigneusement ajustées pour s'adapter aux diverses conditions du niveau local. Mais sur le plan judiciaire, un système juridique, aussi respectueux des impératifs du développement soit-il, serait une oeuvre mal greffée et aussi inutile qu'une étoffe neuve rapiécée sur un haillon s'il ne se ravisait de déblayer le terrain en s'assurant de la réception de ses règles par une optique de participation et de concertation a priori et a posteriori de la phase législative.

* 34 C. PALUKU MASTAKI et C. KIBAMBI VAKE Etudes juridiques N°3, op. cit., p. 42.

* 35 NAWEZA KATOK'-A-NAKAMBOL, KATUALA KABA KASHALA, TSIMANGA N'TOLO et ZINGA-ZINGA, Le problème foncier du Nord-Kivu : De ses causes et de celles de l'inexécution des décisions de justice y relatives, Kinshasa, 1981, p.3.cité par C. PALUKU MASTAKI et C. KIBAMBI VAKE, Etudes juridiques N°3, op. cit., p.42.

* 36 P.HARRISON, Une Afrique verte, Paris, éd. KARTALA, 1991, p.365.

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