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Résolution extra-judiciaire des conflits fonciers en territoire de Masisi.

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par Didier KAKULE PILIPILI
Université de Kisangani - Licencié en droit 2010
  

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2° Lacunes tenant à l'inadaptation du régime du droit écrit aux réalités locales

Il faut brièvement se rappeler de l'importance du vieux fond rural de l'éternel paysan africain, qui, au Kivu comme sur le reste du continent noir, est marqué par les mécanismes d'une vie paysanne faite d'un rapport au temps rythmé par le calendrier agricole et d'une contraignante auto-régulation imposée par les structures lignagères soucieuses de protéger la famille en tant qu'unité rurale de production. Et c'est encore sur la terre source de survie des vivants et lieu de repos des ancêtres, que se boucle cette solidarité indéfectible reposant sur le patrimoine foncier31(*).

Face à cette double solidarité de l'homme à l'homme et de l'homme à la terre englobant certains aspects de la législation, le système foncier en milieu rural africain présente une telle complexité qu'il n'est pas aisé de le saisir dans une législation rigide et écrite. Articulant promiscuité et proximité, la solidarité de la société traditionnelle africaine qui survit encore à la modernité au sein des communautés rurales entraîne un enchevêtrement des droits qu'il n'est pas facile de démêler. A titre d'exemple, une personne ne détient pas forcément tous les droits sur une parcelle de terrain et sur les ressources que l'on peut en tirer, car le « faisceau des droits » portant sur ledit terrain est divisé : la division peut se faire en fonction des ressources, la terre étant la propriété de l'un, les arbres d'un deuxième et l'eau d'un troisième. Le système d'exploitation peut aussi être un critère de division : un individu peut être considéré comme le propriétaire d'un arbre et être l'unique personne à pouvoir l'abattre ou à ramasser du bois de feu, mais nombreux sont ceux qui ont le droit de ramasser ses fruits ou ses feuilles. Le facteur saisonnier peut encore intervenir : une parcelle appartient à un paysan pendant la saison des pluies et lui seul la cultive, mais en saison sèche l'accès en sera moins restreint, car cette terre se transforme en pâturage. Ces systèmes fonciers coutumiers se caractérisent par leur possibilité d'adaptation, car avec le temps ils évoluent en fonction de l'évolution des conditions écologiques et/ou socio-économiques32(*).

Malheureusement, cet ensemble est de nos jours en proie à un processus de perturbation et de bouleversement par l'intrusion « modernisante » de l'Occident qui importa la monétarisation de l'économie de marché et de propriété privée, et inspire encore de nos jours un droit foncier national congolais qui pérennise bon gré mal gré l'esprit capitaliste et individualiste à travers notamment la subordination du titre foncier à la mise en valeur. Ce que ne saurait satisfaire aisément le paysan moyen mais favorise l'élite des prédateurs des terres rurales.

En même temps que le paysan est dangereusement privé de tout recours aux mécanismes de solidarité traditionnelle qui lui permettaient, par exemple, de faire paitre ne serait-ce que saisonnièrement son bétail dans la concession agricole du membre de sa communauté en période de jachère. On se doute bien du grand risque qu'il y a ici, celui pour le paysan de s'opposer au droit acquis même en dépit de la contrepartie que lui ou le sien aurait tiré de la cession, puisque privé de tout droit de jouissance sur un espace terrien prétendue encore « communautaire ». Ceci est à la base des certains conflits dans le Masisi avec certains concessionnaires qui ne permettaient pas aux populations locales d'accéder à leurs concessions. Ceci entraine les conflits pour ceux-là qui y exercent certaines activités.

Si l'on admet que dès la genèse du conflit, à l'étape de l'exécution de la sentence judiciaire, la logique du droit écrit ne saurait convaincre jusqu'à vaincre une résistance mentale quasi insurmontable fondée sur un besoin de survie, l'on comprend que l'on ne serait pas alors loin des débordements conflictuels impliquant désespérément l'ensemble d'un groupe familial jusqu'à tourner à des règlements de compte à travers des actes criminels du genre destruction méchante de cultures ou habitations, voire atteintes à l'intégrité physique des envahisseurs de l'espace cultural du monde rural.

Le fait a pour conséquence l'incorporation progressive des ressources naturelles et humaines du monde rural dans un contexte d'exploitation mondiale voire d'une extraversion économique locale.

A Masisi par exemple, ceci se vérifie par l'insécurité alimentaire provoquée entre autres par la prédominance des activités pastorales sur les cultures vivrières tournées directement vers la satisfaction des besoins en nature des communautés locales, sans parler de la réduction de l'espace agricole. Ce qui ne peut tourner que vers une criminalité de subsistance dont la victime de prédilection pourra encore être le non-originaire dont les richesses excitent autant d'envie, de jalousie que de rancoeurs.

De ce fait, les pratiques foncières locales, parfois qualifiées d'informelles expriment les capacités d'adaptation et de créativité juridique des acteurs locaux en matière foncière. Elles révèlent la création d'un droit foncier syncrétique, rudimentaire, non reconnu par l'Etat, mais observé par les acteurs agissant sur terrain33(*).

* 31 Idem, p.37.

* 32 SCHOONMAKER FREUDENBERGER, K., Droits fonciers et propriété de l'arbre et de la terre, Rome, éd. de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture, 1995, p.5 cité par PALUKU MASTAKI C. et KIBAMBI VAKE C. Etudes juridiques N°3, op. cit., p.38.

* 33 H. OUEDRAOGO, op. cit., p.7.

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