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Le respect des droits de l'homme dans la procédure d'extradition

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par Rachid Mahamane Oumarou
Université catholiquede l'Afrique de l'ouest - Master en sciences juridiques et politiques option droit public 2012
  

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Conclusion...............................................................................................p.39

INTRODUCTION GENERALE

La « main de l'Etat » à l'étranger. C'est ainsi qu'on pourrait concevoir l'extradition au regard de ses implications pratiques dans la lutte contre la délinquance. Cette dernière n'est pas un phénomène national. Elle a pris, à notre époque surtout, une dimension internationale1(*). En l'absence d'un espace judiciaire international2(*), et en raison du principe de l'exclusivité de chaque Etat sur son territoire3(*),il apparait impérieux de procéder à la mise en oeuvre de cette technique juridique institutionnalisée4(*)permettant à l'Etat d'exercer sa compétence pénale sur ses justiciables5(*) en fuite à l'étranger.

Ainsi conceptualisée, l'extradition est « une procédure par laquelle un Etat(requis) remet l'auteur d'une infraction à un autre Etat (requérant) qui le réclame, pour que celui-ci le juge ou lui fasse exécuter une peine à laquelle il a déjà été condamné6(*).

Elle ne doit pas être confondue avec d'autres mécanismes qui, conduisent aux mêmes effets pratiques, mais qui sont d'une nature et d'un régime juridiques différents7(*). Sont de ceux-ci, l'expulsion qui est « une mesure de police administrative enjoignant à un étranger de quitter le territoire »8(*).La reconduite à la frontière qui est « une mesure de police administrative consistant à ordonner à un étranger de quitter le territoire, avec possibilité d'exécution forcée »9(*).Le refoulement,qui est une mesure consistant soit à empêcher l'accès au territoire à un étranger, soit à conduire celui-ci vers un autre Etat10(*). Le rapatriement, qui est une mesure consistant à organiser le retour d'une personne vers son pays d'origine11(*).Le transfert ou transfèrement, qui « se réfère à la remise par un Etat, d'une personne inculpée ou condamnée à une juridiction supranationale »12(*). La remise telle que développée dans l'union Européenne dans le cadre du mandat d'arrêt Européen.

Sous ce cliché, la procédure d'extradition se révèle être un instrument de coopération interétatique, dont l'usage éminemment politique rendrait potentiels les risques d'arbitraires. Eu égard à ce qu'elle atteint au premier plan l'individu dans ce qu'il a de plus essentiel, notamment ses droits et sa liberté, celle-ci doit s'opérer et être organisée autour du respect des droits de l'homme.

Encensés ou critiqués, ceux-ci constituent un concept au contenu variable13(*), aussi fréquemment usité que diversement défini14(*). Pour notre part, nous retenons la synthétique définition du professeur Soma Abdoulaye qui estime que ce sont« l'ensemble des prérogatives et facultés assurant sans discrimination la liberté et la dignité de la personne humaine et bénéficiant de garanties normatives et institutionnelles »15(*).

C'est dans cette dynamique de protection de l'individu que s'inscrira la démarche de la présente étude.

C'est égalementà cette dynamique que concourt la diversité des normes règlementant et caractérisant la matière de l'extradition. Le régime juridique de celle-ci résulte ainsi, de la combinaison de la législation nationale16(*), de traités bilatéraux17(*), et éventuellement de conventions multilatérales18(*). L'application de ces normes, lorsqu'elles ne contiennent pas elles-mêmes de garanties spécifiques, est conjuguée, avec celles relatives aux droits de l'homme19(*).

Cependant, relevons que la pratique de l'extradition en cette ère, à l'aune des droits humains, n'a été que le résultat d'une perpétuelle évolution. Des solutions du XIXe siècle qui préconisèrent qu'il ne pouvait y avoir de contrôle juridictionnel sur les décrets d'extradition, au motif qu'il s'agissait d'actes de gouvernement faits en vertu d'un traité diplomatique20(*), on en est actuellement à la possibilité du contrôle juridictionnel21(*). Cette évolution a départi donc l'extradition de sa pratique historique. En effet, celle-ci n'est pas une technique juridique nouvelle.Les athéniens et les romains l'utilisaient déjà22(*). Originellement, on remonte la première clause d'extradition dans l'histoire des traités à 1268 av-JC23(*).

Ainsi,pendant longtemps l'extradition n'a fonctionné que dans un but politique24(*). C'était un moyen pour les souverains de se rendre service en se livrant leurs ennemis. Ce n'est qu'à partir du XVIIe siècle qu'elle commença à être utilisée à l'égard des malfaiteurs de droit commun25(*). De nos jours la garantie des droits humains dans la mise en oeuvre de l'extradition est bien une réalité. Elle constitue un acte de souveraineté mu par les espérances de l'Etat requérant et les appréciations de l'Etat requis26(*), et soumise au droit.

Au cours de la présente étude nous entendons aller dans le sens d'une analyse du mécanisme extraditionnel dans sa pratique, au regard de sa nature intrinsèquement politique et des droits de l'homme qui constituent le rempart juridique pour les personnes à l'encontre desquelles est enclenchée la procédure. L'enjeu pour nous ici, sera donc de démontrer que même si elle constitue une menace potentielle pour l'individu, elle constitue aussi une procédure garante des libertés fondamentales27(*), par laquelle la machine judiciaire de l'Etat trouve à fonctionner normalement.

A cet égard, quelles sont les garanties accordées à l'individu dans cette procédure et comment les lui assure-t-on ? Comment assure-t-on à l'individu une protection en amont? Quelles sont les règles protectrices de l'individu en aval?

Telles sont les interrogations qui impulseront notre réflexion. La procédure d'extradition qui est tant controversée, est d'une actualité permanente et même brûlante. En effet, il est patent de constater que celle-ci sur le plan diplomatique fait l'objet de moult rapports acerbes entre les Etats. C'est par exemple le cas entre la République de Côte d'ivoire et celle du Ghana (Affaire des réfugiés ivoiriens tels que J. Koné Katinan), ou encore entre l'Equateur et la Grande-Bretagne (Affaire Julien Assanges).

Heuristique ou empirique, traiter de l'articulation entre les droits de l'homme et la procédure d'extradition présente au plan de l'analyse scientifique un intérêt à la fois théorique et pratique indéniable, tant le sujet est complexe. D'un point de vue théorique, il nous sera donné de voir comment sont protégés les individus dans les relations internationales, en l'occurrence dans les rapports judiciaires interétatiques, sous l'empire des droits de l'homme. D'un point de vue pratique il nous permet de façon pragmatique d'examiner sa mise en oeuvre, qui se fait dans la recherche de l'équilibre entre les dangers qu'elle représente pour l'individu, et la nécessité pour l'Etat d'exercer sa compétence pénale, mais surtout de savoir enclencher les moyens légaux lorsqu'on en vient à être victime de procédure irrégulière.

Dans l'optique d'étayer ce propos, il nous apparait judicieux de mettre en exergue les règles conditionnant le traitement de l'individu sous les auspices d'une protection croisée et stratifiée de celui-ci28(*) avant son extradition, d'où l'examen de la protection a priori de l'individu (chapitre I) et après son extradition, d'où l'examen de la protection a posteriori de l'individu (chapitre II).

* 1 Marie- Elizabeth CARTIER et Geneviève COUFFINO, Droit pénal général, Paris, Montchrestien, 4e éd., p.55.

* 2 Philippe RICHARD, « droit de l'extradition et terrorisme, risques d'une pratique incertaine : Du droit vers le non droit ? » in AFDI, Paris, éd. CNRS, vol 34, 1988, p. 655.

* 3 V. à ce sujet, la sentence de Max Huber du 4 avril 1928 dans le cadre de la cour permanente d'arbitrage, rendue à propos d'un différend entre les Etats- Unis et les pays- Bas sur l'île Palmas, dans le pacifique.

* 4 Abdoulaye SOMA, le principe de la spécialité de l'extradition au regard des droits humains, mémoire de maitrise en droit public, U.F.R SJP Ouagadougou, 2004, p. 1.

* 5V. Sur les détails de cet élément Pierre BOUZAT etjean PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, Paris, Montchrestien, tome II, 1963, § 1736- 1737, p. 1324; Henri OBERDOFF et Jacques ROBERT , libertés fondamentales et droits de l'homme, textes français et internationaux, article 5 de la loi française du 10 Mars 1927, 6e éd, Paris, Montchrestien, P. 515.

* 6 David RUZIE, Droit international public. Paris, Dalloz, 18e éd, 2006, n°2, p. 70.

* 7 Patrick DAILLIER, Mathias FORTEAU et Alain PELLET, Droit international public. Paris, L.G.D.J, 8e éd., 2009, n°337, p.572.

* 8 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique. Paris, PUF, Quadrige dicos poche, 2011, p. 438.

* 9 Remi ROUQUETTE, Dictionnaire du droit administratif. Paris, le moniteur, 2002, p. 370.

* 10 La définition subséquente est inspirée par Le lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 17e éd.2010, p.608.

* 11 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit, p.839.

* 12 Henri-D BOISLY et Damien VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Brugge, La charte, 1999, p.632.

* 13 En référence aux controverses doctrinales entre jus naturalistes et positivistes sur l'existence et les modalités de ces droits. V. Pour un approfondissement sur ces théories, Augustin LOADA et Luc Marius IBRIGA, Droit constitutionnel et institutions politiques, Ouagadougou, PADEG, 2007.

* 14 Jacques MOURGEON cité par Abdoulaye SOMA, « l'applicabilité des traités internationaux de protection des droits de l'homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso », in AfricanYearbook of international Law, Vol 16, 2008, p.315.

* 15 Cf. Abdoulaye Soma, Droits de l'homme et sécurité alimentaire en Afrique, Bruxelles, Zurich, Bruylant, schulthess, éd Romandes, 2001, p.1.

* 16C'est l'exemple notamment de la loi française portant sur l'extradition des étrangers, du 10mars 1927 et qui fait encore partie de l'ordonnancement juridique de nos pays (notamment le Burkina Faso et le Niger), de la loi fédérale suisse du 20 Mars 1981 portant sur l'entraide internationale en matière pénale.

* 17 Nous avons en exemples la convention générale de coopération en matière de justice entre la république du Mali et la République du Niger du 22 avril 1960,  ou celle entre la République du Mali et le Burkina Faso du 23 novembre 1963.

* 18 V. C'est l'exemple des conventions d'extradition de la CEDEAO(Abuja) du 6 août 1994, ou Européenne(Paris) du 13décembre1957.

* 19 Par exemple la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui bien que ne contenant pas de disposition spécifique sur l'extradition est prise en compte par le juge, par ricochet (selon le terme de Frédéric Sudre), ou encore la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés,la DUDH, le PIDCP de 1966.

* 20 C.E 2 juillet 1836, arrêt Boidron, Rec. Sirey 1836.2.443 ; Cass. crim 2 et 21 juillet 1867, Rec. Sirey 1867.1.287.

* 21 Ceci a été rendu possible depuis l'arrêt Decerf du conseil d'Etat français du 28 mai 1937.

* 22 M. Philippe RICHARD, « Droit de l'extradition et terrorisme,  Risques d'une pratique incertaine : du droit vers le non droit ? », in AFDI, op. cit, p. 654.

* 23 Cherif BASSIOUNI, Préface de la RIDP. Toulouse, érès, 1991, p. 15.

* 24 A en juger par la conclusion de certains traités notamment celui de 1174 entre l'Angleterre et l'Ecosse, le traité de 1303 entre Philippe Le Bel, roi de France de l'époque, et Edouard III, roi d'Angleterre

* 25 Pierre BOUZAT et Jean PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, op. Cit, § 1731, p. 1323

* 26 Ce constat est patent dans la position adoptée par le Niger à l'égard de la Libye dans l'affaire El Saadi Kadhafi.

* 27 Joël ADRIANTSIMBAZOVIA, Dictionnaire des droits de l'homme, Paris, Puf, coll. QUADRIGE,.2008, p. 418.

* 28 Il s'agit pour nous de la protection de l'individu rendu effective à tous les niveaux de la procédure tant par l'Etat requis que l'Etat requérant, aussi bien par les normes internes qu'internationales.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery