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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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Paragraphe 2 : Le problème de détermination de la nature des actes bénéficiant de l'immunité juridictionnelle

La question de détermination de la nature juridique des actes bénéficiant de l'immunité juridictionnelle est très cruciale, ce d'autant plus qu'elle a toujours embarrassé de nombreux juristes camerounais286(*). Pendant que les uns les assimilent aux actes de gouvernement, d'autres par contre estiment que ce ne sont que des actes administratifs pour lesquels le législateur a consacré un régime contentieux particulier. Quoiqu'il en soit, le débat reste ouvert. Ainsi, les actes de l'Administration bénéficiant de l'immunité juridictionnelle sont-ils des actes de gouvernement? (A) ou des actes administratifs? (B)

A- Actes de gouvernement?

Par définition, l'acte de gouvernement est une « qualification à prétention explicative donnée à certains actes émanant d'autorités de l'Etat, dont les juridictions tant administratives que judiciaires se refusent à connaître et qui en général, soit concernent les relations du Gouvernement et du Parlement, soit mettent directement en cause l'appréciation de la conduite des relations internationales par l'Etat »287(*). C'est la « dénomination appliquée à un certain nombre d'actes émanant des autorités administratives et dont la caractéristique commune est de bénéficier d'une immunité juridictionnelle absolue »288(*). La genèse des actes de gouvernement trouve sa justification dans le fait que certains actes de l'Administration, notamment ceux portant sur les relations entre le Gouvernement et le Parlement, et ceux concernant la conduite des relations internationales par l'Etat au regard de leur délicatesse ne sauraient être justiciables devant le juge (administratif ou judiciaire), car ils sont pris non pas en vertu du pouvoir règlementaire mais plutôt en vertu des pouvoirs de gouvernement289(*). Mais, à l'analyse, il n'existe pas d'explication valable à la non-justiciabilité des actes de gouvernement dans leur ensemble. Nous ne reviendrons pas de façon approfondie sur cette genèse, nous nous contenterons d'analyser si tous les actes auxquels le législateur confère une immunité juridictionnelle sont des actes de gouvernement. Ainsi, l'étude de la consécration de la notion d'acte de gouvernement (1) précèdera celle de ses conséquences (2).

1- La notion d'actes de gouvernement en droit camerounais

La notion d'acte de gouvernement est consacrée par le droit positif camerounais. En reprenant en effet le principe de l'exclusion contentieuse les caractérisant, le législateur camerounais fixe qu'aucun recours n'est possible à l'encontre des actes de gouvernement290(*). Force est de constater que malgré cette consécration législative, aucune définition n'est donnée à cette catégorie d'actes, ce qui a posé et pose encore le problème de leur véritable nature. Leur principale caractéristique est l'immunité absolue dont ils bénéficient. De sa consécration française291(*) jusqu'à sa réception camerounaise, il convient de préciser que la notion d'acte de gouvernement a connu une évolution significative.

Au départ, les actes de gouvernement étaient considérés comme des actes dictés par une « pensée politique »292(*), ce qui justifiait leur soustraction du champ du contentieux administratif et judiciaire. Une tentative du rejet du mobile politique est consacrée par l'arrêt de principe du Conseil d'Etat français Prince Napoléon293(*). Cette tentative bien que progressive aboutit à la juridictionnalisation294(*) des actes de gouvernement qui rompt ainsi avec le mobile politique, l'immunité juridictionnelle qui le caractérise n'étant plus un point de départ mais un résultat, c'est-à-dire que l'immunité juridictionnelle n'est pas le fondement de l'acte de gouvernement mais la conséquence295(*). Le Cameroun a emboité le pas en rejetant le mobile politique comme définissant les actes de gouvernement, cela va de soi car le droit administratif camerounais est essentiellement textuel (même si aucune définition normative n'est donnée à la notion). C'est à l'occasion de trois litiges relatifs à la désignation des chefs traditionnels que le juge administratif camerounais a eu à établir sa position296(*). Mais cette prise de position sera de courte durée puisque ce dernier va revenir sur le mobile politique déjà abandonné quelque temps plus tôt, ce que la doctrine a qualifié de « revirement malheureux »297(*). On croyait la jurisprudence camerounaise définitivement fixée sur la définition de l'acte de gouvernement, mais tel n'était pas le cas, car l'affaire ESSOUGOU Benoît298(*) marque ce retour en arrière lamentable du juge administratif camerounais.

Ainsi, la conception camerounaise de l'acte de gouvernement montre que le mobile politique constitue encore l'élément de définition, ce qui est regrettable ; mais constatons que depuis lors c'est un cas isolé qui n'a pas été entériné jusque-là. On peut donc espérer que le juge administratif revienne sur cette position avec le temps. Mais est-ce que les actes découlant des lois précitées sont effectivement des actes de gouvernement?

2- La dénaturation de certains actes de l'Administration en actes de gouvernement

La définition donnée à certains actes de l'Administration qualifiés d'actes de gouvernement laisse entendre le caractère absolu de l'immunité juridictionnelle dont bénéficient ces actes. Cette même définition établit clairement les domaines ou tout au moins le cadre des actes de gouvernement à savoir les rapports entre le Gouvernement et le Parlement d'une part, et d'autre part les actes à caractère international ou diplomatique299(*). Il convient de ce fait de remarquer que le domaine des actes de gouvernement est bien circonscrit. Mais la question que l'on se pose est celle de savoir est-ce que les actes liés à la répression du terrorisme, à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives rentrent dans les domaines suscités (rapports Gouvernement- Parlement et actes à caractère international ou diplomatique notamment)?

Au regard de la définition des actes de gouvernement consacrée par la jurisprudence, les actes pris en vertu des lois précitées ne sauraient être considérés comme des actes de gouvernement, ce d'autant plus que « l'acte de gouvernement est une notion proprement juridique consacrée par les textes et ayant un contenu qui n'a cessé de se préciser »300(*). On peut se demander si l'intention du législateur est de passer outre cette définition pour élargir le champ et le contenu des actes de gouvernement. Cela ne saurait être établit, puisque le législateur ne qualifie pas expressément ces actes d'actes de gouvernement. Par conséquent, on peut déduire que, en l'absence d'une définition normative des actes de gouvernement, son domaine peut être étendu à d'autres actes consacrés par le législateur. Mais cette déduction n'est pas sans risque, ce d'autant plus que le juge administratif dans l'affaire KOUANG Guillaume Charles affirmait que « c'est la matière à laquelle ils sont relatifs qui déterminent les actes de gouvernement » : matière qui n'a jamais cessé d'être précisée.

En effet, si le législateur camerounais avait voulu faire des actes liés à la répression du terrorisme, à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives des actes de gouvernement, « il avait la possibilité de viser les dispositions pertinentes qui les consacrent »301(*). Mais il s'est acharné plutôt sur les dispositions qui donnent compétence au juge de connaître de tels actes. « C'est pourquoi il dit : « Est irrecevable nonobstant toute disposition législative contraire... », pour reconnaître en l'occurrence que dans les conditions normales ces matières sont justiciables, (...) mais qu'il décide qu'il devra en être autrement dans l'avenir »302(*). Ces actes sont donc justiciables par nature et injusticiables par accident pour reprendre les propos du Professeur FAVOREU303(*). Nous convenons donc que l'idée selon laquelle les actes liés à la répression du terrorisme, à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives constituent des « actes de gouvernement d'un type nouveau »304(*)est fortement contestable car le domaine des actes de gouvernement est suffisamment précis et ne saurait être élargi au gré du législateur, tant on sait que c'est dans le but de neutraliser le juge administratif camerounais.

Si ces actes ne sont pas donc des actes de gouvernement, sont-ils des actes administratifs ordinaires bénéficiant de l'immunité juridictionnelle?

* 286 Par exemple le Professeur Joseph OWONA sur la question de savoir si la décision du Président de la République concernant la répression du terrorisme ne constitue pas un « acte de gouvernement de type nouveau ». Cf. Droit administratif spécial de la République du Cameroun, Yaoundé (séries manuels et travaux de l'Université de Yaoundé), EDICEF, 1985, p.

* 287 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op.cit.

* 288 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op.cit.

* 289 BILONG (S.), article précité, p.52.

* 290 Premièrement consacré par la loi fédérale du 19 novembre 1965 relative aux modalités de saisine de la Cour Fédérale de justice statuant en matière administrative, l'immunité juridictionnelle liée aux actes de gouvernement sera réitérée après l'avènement de l'Etat unitaire dans l'ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême du Cameroun (article 9 alinéa 5) modifiée par la loi n°76/28 du 14 décembre 1976. Cette exigence sera enfin reprise dans la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs (article 4).

* 291 Essentiellement jurisprudentiel, la théorie des actes de gouvernement est consacrée par le Conseil d'Etat français dans un arrêt rendu le 9 mai 1867, Duc d'Aumale.

* 292 D'après le juge de l'affaire Duc d'Aumale précitée, c'est précisément parce qu'ils sont pris sous la base de considérations politiques qu'ils sont soustraits du champ des contentieux administratif et judiciaire, l'acte de gouvernement n'étant justiciable ni de son opportunité politique, ni de sa régularité juridique. Voir ATEMENGUE (J. de N.), article précité.

* 293 C.E. 19 février 1875, Prince Napoléon.

* 294 Voir KAMTO (M.), article précité, lorsqu'il affirme que l'acte de gouvernement est une notion purement juridique.

* 295 BILONG (S.), article précité, p.55.

* 296 Il s'agit des affaires KOUANG Guillaume Charles, ESSOMBA Marc Antoine et MONKAM TIENTCHEU David précitées.

* 297 Notamment KAMTO (M.), article précité.

* 298 Jugement n°34/CS/CA/79-80 du 24 avril 1980 ESSOUGOU Benoît c/ Cameroun.

* 299 Définition donnée par la jurisprudence Duc d'Aumale.

* 300 KAMTO (M.), article précité, p.10.

* 301 BILONG (S.), article précité, p.56.

* 302 Ibidem. p.56.

* 303 FAVOREU (L.), Du déni de justice en droit public, op.cit. p.232 et suivants.

* 304 C'est le point de vue d'une bonne partie de la doctrine camerounaise. ATEMENGUE (J. de N.), article précité; OWONA (J.), notamment.

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