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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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B- Actes administratifs?

Nous sommes tenté de répondre directement par l'affirmative, mais notre réponse sera limitée car dépourvue de tout argument. Ainsi, il apparaît nettement que les actes liés à la répression du terrorisme, à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives sont des actes administratifs (1) qui bénéficient d'une injusticiabilité consacrée par le législateur (2).

1- La détermination du caractère administratif desdits actes

L'acte administratif est un acte qui, considéré sous l'angle de ses caractères propres, du point de vue formel est toute décision prise par une autorité administrative ; et du point de vue matériel est un acte visant un individu ou des individus identifiés ou identifiables305(*). Considéré sous l'angle de son régime juridique, l'acte administratif est tout acte relevant du droit administratif et de la compétence de la juridiction administrative, que cet acte soit unilatéral ou conventionnel, qu'il émane ou non d'une autorité administrative306(*). Nous remarquons donc que d'après cette dernière définition, les actes administratifs sont des actes faisant grief, c'est-à-dire susceptibles d'être contestés devant le juge administratif, soit par un recours pour excès de pouvoir, soit par un recours de plein contentieux lorsque ceux-ci portent atteinte aux droits des individus.

Nul doute que les actes de répression du terrorisme, de désignation des chefs traditionnels ou relatifs aux limites des circonscriptions administratives sont purement des actes administratifs faisant grief. L'explication en est simple : c'est en puisant dans les ressources du recours pour excès de pouvoir, voie ouverte devant le juge administratif par la Constitution contre tout acte administratif faisant grief que le juge administratif allait statuer sur le contentieux relatif à ces actes307(*). De plus, comme on l'a si bien précisé la position du juge administratif camerounais était fort louable lorsqu'il affirmait ou décidait que « même dans l'hypothèse où une loi dispose qu'un acte donné ne peut faire l'objet d'un recours administratif ou judiciaire, cette disposition ne saurait être interprétée comme excluant le recours pour excès de pouvoir qui est ouvert sans texte contre tout acte administratif faisant grief et qui a pour effet d'assurer conformément aux principes généraux, le respect de la légalité »308(*). Force est donc de remarquer que les actes pris en vertu des lois de 1964, de 1980 et de 2003 sont effectivement des actes administratifs à qui le législateur a choisi délibérément de consacrer un régime contentieux particulier. Mais la question qui nous vient à l'esprit est la suivante : Au regard de tout cela, ne peut-on pas tomber sous le coup d'une injusticiabilité générale et totale des actes administratifs au Cameroun? Comment justifier cet acharnement du législateur à s'ingérer intempestivement dans le domaine de compétence du juge administratif?

En somme, on ne saurait affirmer que les actes liés aux trois domaines précités constituent des actes de gouvernement de type nouveau parce que leur contenu est suffisamment précis. Ces actes sont de nature administrative, leur immunité procède tout simplement des lois inconstitutionnelles.

2- L'injusticiabilité desdits actes consacrée par le législateur

La Constitution camerounaise a ouvert et consacré un recours pour excès de pouvoir contre tout acte administratif faisant grief. Et comme on vient de le montrer, les actes découlant des lois de 1964, de 1980 et de 2003 sont des actes administratifs. La consécration par le législateur d'un régime contentieux particulier à leur profit, c'est-à-dire leur injusticiabilité frise au drame309(*), car constitue une atteinte flagrante à l'Etat de droit. Ces lois brillent par leur inconstitutionnalité et dans cet imbroglio juridique, on doit pointer du doigt le manque de hardiesse du juge administratif dont la ténacité à revendiquer son domaine d'intervention reste bien lâche310(*). Ce d'autant plus qu'il ne prend aucune position ferme et se hisse en victime résignée. On se demande donc s'il survivra à toutes ces lois d'immunité qui excluent sa compétence dans des domaines qui lui sont propres.

L'injusticiabilité de tels actes tient au fait que la justice administrative camerounaise est affectée par le phénomène d'une constitutionnalité extrêmement lâche311(*) dont la solidité des principes qui la régissent laisse encore à désirer. Et le juge administratif lui-même hanté par ce manque d'audace qui le caractérise surtout dans ce domaine précis, n'a pas la délicatesse à changer d'attitude. On peut penser qu'il se laisse manipuler dans son propre terrain (nous ne faisons pas ici le procès du juge administratif loin s'en faut). Nous pouvons donc penser avec Charles EISENMANN312(*) que l'injusticiabilité dont bénéficient ces actes serait imputable à l'organisation juridictionnelle administrative camerounaise : la compétence limitée du juge administratif et la quasi-absence d'un juge compétent, le juge constitutionnel.

L'article 40 de la Constitution du 18 janvier 1996313(*) qui se contente d'affirmer que la Chambre administrative connait de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques, laisse ainsi au législateur, bien subjugué à l'exécutif, le soin de donner un contenu au contentieux administratif314(*).

En conséquence de tout ce qui précède, remarquons l'inconstitutionnalité de l'injusticiabilité des actes précités, car cette injusticiabilité ne saurait trouver un fondement légal et légitime car cela entraverait la stabilité déjà fragile du contentieux administratif camerounais, et on pourra se retrouver dans une situation où, au gré du législateur, certains actes, administratifs par nature, seront purement et simplement exclus du contentieux administratif. Le juge administratif gagnerait à protéger son champ de compétence qui lui est constitutionnellement reconnu et consacré.

En définitive, retenons que l'infaillibilité du législateur camerounais a poussé ce dernier à se donner plus de pouvoir (avec la bénédiction du pouvoir exécutif) allant jusqu'à s'ingérer dans le domaine du juge administratif en consacrant des lois d'immunité juridictionnelle qui se sont rapidement développés au fil du temps. Ce développement tient au fait que le statut et le domaine d'intervention du juge administratif ne sont pas sécurisés, et également de l'inconstitutionnalité qui caractérise ces lois du fait de l'absence d'un contrôle adéquat. Cette infaillibilité caractérisée du législateur porte atteinte à l'Etat de droit ce qui engendre des conséquences juridiques importantes.

* 305 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op.cit.

* 306 Ibidem.

* 307 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « Du nouveau pour la coutume en droit administratif camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses conséquences », article précité, p.151.

* 308 Voir jugement n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 MONKAM TIENTCHEU David. Recueil MBOME, p.80. Voir aussi jugement n°63/CS/CA du 25 septembre 1980, Collectivité Deido-douala c/Etat du Cameroun.

* 309 Car, « un acte n'est juridique que s'il offre la virtualité d'une contestation de sa juridicité par un organe juridictionnel », GOYARD Claude, Etat de droit et démocratie, Mélanges René CHAPUS, Paris, Montchrestien, 1992, p.303.

* 310 BILONG (S.), article précité, p.56.

* 311 Ibidem.

* 312 EISENMANN Charles, Actes d'autorité soustraits à tout contrôle juridictionnel dans le droit français d'aujourd'hui, 1953.

* 313 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

* 314 Loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs. Commentaire KEUTCHA TCHAPNGA Célestin, « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », in Juridis Périodique n°70, avril-mai-juin 2007, pp.3-29.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore