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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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B- La perspective d'une reconsidération du contrôle de constitutionnalité des lois

La soumission du pouvoir politique à la norme fondamentale n'est pas encore réalisée au Cameroun. Cela est la conséquence de multiples hésitations, méfiances et craintes des pouvoirs publics. Le constituant camerounais de 1996 a essayé de limiter cette soumission du pouvoir au droit, malgré la consécration d'un Conseil constitutionnel445(*), et par ricochet d'un contrôle de conformité de ses actes à la norme fondamentale. Mais au regard des lois inconstitutionnelles sans cesse croissant, parmi lesquelles les ingérences du législateur dans l'administration de la justice, et au regard de l'échec actuel du contrôle de constitutionnalité des lois, il serait indispensable d'envisager une reconsidération de ce contrôle au Cameroun ; cela dans le but, non seulement d'exercer un contrôle efficient de l'activité législative, mais aussi de protéger l'Etat de droit.

Ainsi, la mise en place effective du Conseil constitutionnel (1) et la consécration de l'exception d'inconstitutionnalité (2) contribueront à l'émergence du contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun.

1- La mise en place d'une justice constitutionnelle autonome

Contrairement à d'autres systèmes africains, le Cameroun est resté au statuquo en matière de contrôle de constitutionnalité. La transition vers le pluralisme politique n'a pas semblé entrainer avec elle les démons du passé. L'importante mutation constitutionnelle du 18 janvier 1996 a permis un changement considérable, mais ce changement se trouve biaisé par la volonté des pouvoirs publics de retarder au maximum la mise en place des institutions telles le Conseil constitutionnel446(*).

En 2004, le législateur camerounais a voté deux lois447(*) relatives au Conseil constitutionnel, promulguées par le Président de la République, qui consacrent définitivement le statut du Conseil constitutionnel. Mais des difficultés se sont présentées quant au statut des membres du Conseil448(*). On peut encore s'étonner de ce laps de temps qui s'est écoulé depuis l'entrée en vigueur de la Constitution de 1996 et les lois fixant l'organisation, le fonctionnement et le statut des membres du Conseil constitutionnel ; et entre la promulgation de ces lois jusqu'à l'heure actuelle.

La mise en place effective du Conseil constitutionnel nécessite donc une prise en compte de certains paramètres : Le juge constitutionnel bénéficie d'un ensemble de garanties dans l'exercice de ses fonctions. Ces garanties sont à la fois personnelles et organiques. Il s'agit des garanties statutaires organisant l'indépendance et la dignité dans l'exercice des fonctions au sein de la juridiction constitutionnelle449(*). Le juge constitutionnel camerounais se trouve placé face aux pouvoirs politiques. Son action dépend des garanties statutaires conférées tant à l'organe qu'aux membres.

Au surplus, l'effectivité de l'Etat de droit se mesure au sort quotidien réservé aux décisions du juge constitutionnel450(*). Dans le souci de construire un Etat de droit, il convient d'assurer au Conseil constitutionnel, ainsi qu'à ses membres des garanties d'indépendance451(*). On espère que lorsque les pouvoirs publics vont enfin se décider de mettre sur pied véritablement le Conseil constitutionnel, toutes ces garanties leur seront retenues ; mais le plus tôt sera le mieux, car l'ordre juridique camerounais pullule des lois inconstitutionnelles, parmi lesquelles certains interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice qualifiées de contraires à l'Etat de droit, qu'il conviendrait d'encadrer. Mais la mise en place d'un Conseil constitutionnel autonome ne suffit pas, il faudrait l'accompagner des règles de procédure souples qui permettront une limitation des lois inconstitutionnelles452(*).

2- La reconsidération des règles de procédure devant le juge constitutionnel

La difficile gestation d'une justice constitutionnelle au Cameroun est due à la rigueur de la procédure devant le juge constitutionnel. « il ne suffit pas de proclamer la suprématie du droit dans un texte constitutionnel pour que le droit joue un rôle effectif dans la régulation des pouvoirs publics et la protection des citoyens vis-à-vis de ces pouvoirs »453(*), il faut y consacré des règles pouvant être en mesure d'assurer cette régulation. Ainsi, en introduisant le cumul d'un contrôle a priori avant la promulgation de la loi avec un contrôle a posteriori, cela constituerait un progrès notable. Le contrôle a priori aura l'avantage d'empêcher qu'une loi inconstitutionnelle ne pénètre dans l'ordre juridique, alors que le contrôle a posteriori, par le biais des questions préjudicielles, fera rouvrir le débat454(*).

Par ailleurs, en l'absence de toute disposition constitutionnelle leur accordant le droit de contrôle, les tribunaux camerounais ne se sont pas crus autorisés à instituer ce contrôle par voie jurisprudentielle, « ils ont affirmé de façon implicite que le contrôle de constitutionnalité est interdit aux citoyens au Cameroun »455(*). Cela exclut l'exception d'inconstitutionnalité au Cameroun. Sous l'empire de la Constitution de 1961, la Cour Fédérale de Justice avait eu à prendre position sur le contrôle de constitutionnalité des lois456(*). Sous la Constitution du 2 juin 1972, la Cour d'appel de Garoua a eu aussi à prendre position sur le contrôle de constitutionnalité des lois dans un arrêt du 5 mai 1973457(*). Malgré le fait la Cour Suprême refuse de contrôler par voie d'exception la constitutionnalité des lois, elle a, dans certains cas458(*), amorcé une évolution vers un contrôle indirect de la Constitution459(*). De même le juge des référés460(*), par une démarche audacieuse, « consacre une captation du pouvoir d'interprétation de la Constitution par le juge administratif à des fins d'application au contentieux »461(*).

Cette prise de position hardie du juge camerounais en matière de contrôle de constitutionnalité par voie d'exception pose les bases d'une future consécration de ce type de contrôle. On espère comme en France462(*), le Cameroun malgré les réticences actuelles en faveur de ce type de contrôle pourra faire une avancé considérable vers la consolidation d'Etat de droit au Cameroun. La consécration de l'exception d'inconstitutionnalité constituerait une garantie pour tout justiciable de ses droits et libertés fondamentaux. Mais cela devrait, pour éviter que la Constitution ne devienne entre les mains des justiciables un instrument banal463(*), contenu dans un certain nombre de conditions.

Le contrôle de constitutionnalité des lois permet au juge constitutionnel de veiller au respect de la Constitution par le législateur, lorsque ce dernier intervient dans le fonctionnement de la justice administrative. Ses actes doivent donc être soumis à un contrôle rigoureux de la part du juge constitutionnel, même si celui-ci, avec l'aide de l'exécutif, retarde au maximum l'effectivité d'un contrôle de constitutionnalité au Cameroun. Mais la possibilité peut aussi être donnée au juge administratif pour contrecarrer les élans du législateur à travers la responsabilité de l'Etat législateur.

* 445 Au sens organique du terme.

* 446 Comme nous l'avons dit plus haut, le recours aux dispositions transitoires met à mal l'application des dispositions constitutionnelles pour une durée limitée ou illimitée. Ainsi, « le rédhibitionnisme constitutionnel (pour reprendre l'expression du Professeur OWONA) a justifié jusqu'à une date récente l'absence de mise en place d'un véritable juge constitutionnel, la Cour Suprême continuant à suppléer l'absence d'un conseil constitutionnel, cela s'explique par la coexistence de deux constitutions ». Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.51.

* 447 Loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel et loi n°2004/005 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel.

* 448 Etant donné que ces derniers ne sont même pas encore nommés, la doctrine a posé ce problème, cela dû à la procédure de nomination. Le problème de l'intervention de l'exécutif dans la désignation de ses membres pose le problème des garanties d'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.

* 449 NGUELE ABADA (M.), article précité.

* 450 Ibidem.

* 451 Il est vrai que la Constitution (voir article 47 alinéa 1), entérinée par la loi n°2004/004 garantie l'indépendance du Conseil constitutionnel, et reconnait à ses décisions leur caractère insusceptible d'être contesté.

* 452 Notamment celles qui portent atteinte à l'indépendance de la justice et par ricochet à l'Etat de droit.

* 453 Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.54.

* 454 La norme inconstitutionnelle a pénétré dans un système de droit qu'elle a infecté, l'insécurité juridique est entretenue. Pour éviter de tels inconvénients, il ne faudrait recourir au mécanisme de la question préjudicielle qu'en lui assignant les limites précises dans le temps. Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.53.

* 455 MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.55.

* 456 Arrêt n°4 du 28 octobre 1970, Société des grands travaux de l'Est agence de Yaoundé c/ Etat fédéré du Cameroun oriental. La haute juridiction avait été appelé à se prononcer par voie d'exception sur un recours introduite par la Société des grands travaux de l'Est en annulation partielle d'une imposition. Celle-ci soutenait que la loi du 30 juin 1966 qui donne un effet rétroactif aux dispositions nouvelles de l'article 43 du code général des impôts, a violé le principe fondamental de la non-rétroactivité des lois inscrit dans le préambule de la Constitution du Cameroun du 4 mars 1960. Elle est déboutée aux motifs qu' « aucun contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d'exception n'est prévu par le droit camerounais ». Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité.

* 457 Cour d'appel de Garoua, Arrêt n°9/Criminel du 5 mai 1973 ; la juridiction avait également été appelé à se prononcer par voie d'exception. Le requérant étant accusé pour vol à main armée, simple délit sous l'empire d'une législation pénale plus douce, mais rendue plus rigoureuse par l'article 3 de l'ordonnance n°72/16 du 28 septembre 1972 portant modification de certaines dispositions du code pénal (rétroactivité d'une loi pénale plus sévère). La Cour rappelle que : « en tout état de cause, la juridiction répressive n'est pas au Cameroun juge de la constitutionnalité des lois »

* 458 CS/AP 15 août 1993, NOUGA André c/ Etat du Cameroun : « considérant que la loi du 27 novembre 1980 dessaisi toutes les juridictions des affaires pendantes devant elles concernant la désignation des chefs traditionnels ; mais considérant que l'article 39 de la Constitution du 2 juin 1972 donne compétence à la Cour suprême pour statuer sur les recours en annulation dirigés contre les actes administratifs ; qu'il échet par conséquent de statuer sur la demande d'annulation de l'arrêté portant la désignation du chef du 2è degré du canton Etouha, et qu'au demeurant, cette demande est fondée ;.. ».

* 459 MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.56.

* 460 Ordonnance de référé n°30/OR/PCA/CS 2001-2002 Recours n°135/2001-2002 du 10 avril 2002. Affaire : Union des populations du Cameroun (UPC) (tendance KODOCK) contre Etat du Cameroun (MINAT) & UPC (tendance HOGBE NLEND). Note OLINGA Alain Didier ; Juridis-périodique. Octobre-novembre-décembre 2002. Ord/PCA/CS du 7 décembre 2002. Affaire MAMA BILOA Sandrine c/ Université de Ngaoundéré.

* 461 Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité. Le juge mentionne une disposition constitutionnelle pour écarter de sa propre autorité l'application d'une disposition processuelle législative qui nuit à l'idée qu'il se fait de son nouveau statut institutionnel, et avant une modification en bonne et due forme de la loi. Il déclare caduque les dispositions législatives et règlementaires relatives à l'exigence d'avis conforme du ministère public en matière de référé administratif, car contraire à la Constitution.

* 462 Après deux décennies d'hésitations et d'atermoiements, la France va enfin mettre en place un contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois appelée la question prioritaire de constitutionnalité dont le mécanisme est entré en vigueur le 1er mars 2010, permettant ainsi à tout justiciable d'invoquer l'inconstitutionnalité d'une disposition législative. Voir BENETTI Julie, « La question prioritaire de constitutionnalité : la genèse d'une réforme, de 1990 à 2009 » in AJDA du 25 janvier 2010, pp.74-79; ROBLOT-TROIZIER Agnès, « La question prioritaire de constitutionnalité devant les juridictions ordinaires : entre méfiance et prudence », in AJDA du 25 janvier 2010, pp.80-87 ; VERPEAUX Michel, « Le Conseil constitutionnel, juge de la question prioritaire de constitutionnalité », in AJDA du 25 janvier 2010, pp.88-93.

* 463 C'est l'une des critiques que les détracteurs de l'exception d'inconstitutionnalité invoquent le plus souvent pour contrecarrer sa consécration. Dans tous les cas, que ce soit le contrôle a priori ou le contrôle a posteriori, chaque type a des avantages et des inconvénients, il conviendrait juste d'en faire un usage rationnel et les concilier tous les deux.

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