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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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Paragraphe 2 : La perspective d'une reconsidération de la responsabilité du fait des lois par le juge administratif

La responsabilité du fait des lois ou responsabilité à l'occasion de la fonction législative464(*), ou tout simplement responsabilité de l'Etat législateur rentre dans la catégorie « responsabilité de l'Etat du fait d'activités autres qu'administratives »465(*). Au nombre de ces activités, on en identifie trois : législatives, internationales ou juridictionnelles, que seul l'Etat parmi les personnes publiques peut exercer. La question de la responsabilité de l'Etat à l'occasion de la fonction législative est classique. Elle concerne les dommages causés par les lois formelles mais aussi, d'une manière plus générale, par tout acte ayant valeur législative, tel que les ordonnances, et même indirectement les dommages causés par les mesures d'exécution des lois466(*). La caractéristique non administrative de l'activité législative de l'Etat soulève des interrogations quant à la responsabilité : tout d'abord, peut-on admettre que l'Etat engage sa responsabilité dans l'exercice d'activités qui concernent au premier chef sa souveraineté? Certains auteurs, à l'instar de VEDEL et DELVOLVE467(*) pensent que « l'argument de la souveraineté ne saurait constituer un argument dirimant à la reconnaissance de la responsabilité »468(*). Ensuite, le juge administratif peut-il statuer sur des activités qui ne sont pas administratives? Bien qu'il ne s'agisse pas de la responsabilité administrative au sens strict, les principes applicables à la responsabilité administrative leur sont applicables et c'est au juge administratif qu'il revient de les appliquer469(*).

Le principe qui a longtemps prévalu était celui de l'irresponsabilité absolue de l'Etat pour les dommages causés par la législation. Les dommages causés par une loi n'ouvraient pas de droit à indemnité. Cette irresponsabilité était fondée sur des arguments divers entre autres la souveraineté du législateur470(*) et la portée générale des actes législatifs471(*). La responsabilité de l'Etat législateur trouve sa consécration dans la jurisprudence à travers un arrêt de principe du Conseil d'Etat français, La Fleurette472(*). D'autres arrêts viennent entériner de façon on ne peut plus convaincante l'espèce La Fleurette473(*).

En tant que tel, la responsabilité du fait des lois peut être engagée s'il s'avère qu'il y a violation du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques474(*). Au regard de sa particularité, la responsabilité de l'Etat législateur pour être engagée est soumise à un certain nombre de conditions (A). Après l'analyse de ces conditions, nous envisagerons la question de la responsabilité de l'Etat législateur relativement aux interventions contraires à l'Etat de droit (B).

A- Les conditions d'existence de la responsabilité du fait des lois en général

Elles ont été élaborées par la jurisprudence du Conseil d'Etat français des espèces La Fleurette, Lacombe et Secrétaire d'Etat à la jeunesse, et théorisées par la doctrine. La responsabilité de l'Etat législateur demeure difficile à mettre en jeu de sorte que ses applications possibles sont relativement rares. Ainsi, plusieurs conditions sont donc strictement exigées par la jurisprudence. La doctrine les a regroupées en conditions négatives (1) et en conditions positives (2).

1- Les conditions négatives de la responsabilité de l'Etat législateur

Certaines circonstances excluent la responsabilité de l'Etat législateur, c'est en cela qu'elles sont dites négatives. La responsabilité de l'Etat législateur peut se trouver exclue par le législateur lui-même, soit à raison des caractères de l'activité à laquelle il a porté atteinte, soit à raison du but poursuivi. En effet, le législateur écarterait tout droit à indemnité lorsque l'activité en cause est elle-même anormale ou lorsqu'elle est limitée ou supprimée dans un but d'intérêt général.

Dans le premier cas, la volonté du législateur s'impose au juge, il ne pourra condamner l'Etat à réparer le dommage causé par la loi, à moins qu'avant sa promulgation les dispositions écartant la responsabilité aient été déclarées contraires à la Constitution par le juge constitutionnel475(*). Le législateur peut rédiger la loi de trois manières : soit en écartant purement et simplement la responsabilité de l'Etat476(*), soit en édictant des dispositions qui écartent implicitement mais nécessairement cette responsabilité, soit enfin en aménageant un régime particulier d'indemnisation477(*).

Dans le second cas, le but d'intérêt général poursuivi par la loi exclut l'octroi d'une indemnité pour préjudice causé par la loi ; mais elle n'est pas absolue. La jurisprudence fait donc référence à l'intérêt général pour justifier la réparation des conséquences dommageables de la loi. Dans d'autres cas, l'intérêt général constitue un obstacle à la responsabilité spécialement en matière économique478(*). S'il est démontré que le législateur a entendu satisfaire des intérêts particuliers aux détriments d'autres intérêts, l'indemnisation des seconds devient une nécessité. D'un autre côté, le principe d'égalité peut être écarté dans un but d'intérêt général, à condition qu'il existe un lien de causalité entre le but d'intérêt poursuivi par une loi et les dommages qu'elle entraîne. Ainsi, le principe de l'égalité devant les charges publiques commande l'octroi d'une indemnité, si les conditions dites positives sont remplies.

2- Les conditions positives de la responsabilité de l'Etat législateur

Elles sont qualifiées de positives parce qu'elles n'excluent pas la responsabilité et par ricochet l'indemnisation, puisqu'elles doivent être remplies pour l'octroi de l'indemnisation. Pour cela, il faut que le préjudice soit spécial et d'une gravité suffisante.

Pour ce qui est de la spécialité, c'est cette exigence qui a longtemps fait considérer que, par définition, la loi ne pouvait donner lieu à responsabilité479(*). Le caractère spécial signifie que la loi ne touche qu'une catégorie de personnes, c'est-à-dire spéciale à celles-ci. C'est à cette condition que s'ouvrira le droit à réparation. Dans les espèces précitées480(*), il s'agissait effectivement d'entreprises spécialisées dans des productions très particulières. La jurisprudence a évolué en consacrant cette application à des cas où il y a une pluralité de victimes à condition notamment que celles-ci constituent une catégorie limitée d'individus481(*).

Pour la gravité et l'anormalité, il faut préciser que la notion de préjudice anormal intervient généralement en matière de responsabilité pour risque, elle entretient une relation avec la gravité. Précisons également que certains préjugés nés de la loi ne sont jamais anormaux, car les activités auxquelles la loi porte atteinte sont elles-mêmes anormales (activités à caractère immoral, illicite ou dangereux). Lorsque les activités n'ont rien d'anormal l'anormalité du préjudice résultant de la loi, les restreignant ou les limitant, n'est atteinte que s'il est grave482(*).

* 464 DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J. C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif, op.cit., p.955.

* 465 VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), Droit administratif, Paris, Presses Universitaires de France (PUF), Tome 1, 12ième édition, 1992, p.635.

* 466 Ibidem.

* 467 VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.

* 468 Ibidem. p.635.

* 469 La conséquence qui découle de cette déduction est qu'en principe les activités sont incontestables devant le juge administratif. Ce dernier ne statue pas sur les lois, mais plutôt sur les conséquences dommageables qui en découlent, compétence qui se limite uniquement à l'appréciation de la responsabilité.

* 470 La loi étant l'expression de la volonté générale, on ne pouvait concevoir l'idée de faute commise par le législateur.

* 471 Les lois ne peuvent causer que des dommages communs à tous les individus, dommages constituant ainsi des charges publiques.

* 472 CE, Ass 14 janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette », GAJA n°58.

* 473 CE 21 janvier 1944 Caucheteux ; 1er décembre 1961 Lacombe et 24 octobre 1973 Secrétaire d'Etat à la jeunesse. Pour les deux espèces, admission du principe du droit à indemnisation d'un administré privé par l'effet d'une loi de validation du bénéfice qu'il pouvait attendre d'une annulation pour excès de pouvoir prononcée à sa requête.

* 474 Depuis l'espèce La Fleurette, l'idée du risque a été exclue du fondement de la responsabilité au profit de l'égalité devant les charges publiques qui constitue le seul fondement possible de la responsabilité de l'Etat législateur, car il faut exclure totalement la faute comme fondement de la responsabilité : car la loi promulguée ne pouvant être fautive puisqu'elle est la règle de droit hors de toute critique directe ou indirecte. Cf. VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit., p.638.

* 475 VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.

* 476 C'est le cas de la loi n°64/LF/16 du 26 juin1964 sur la répression du terrorisme précitée.

* 477 Pour ce troisième cas, les solutions relèveront des régimes de responsabilité déterminés par des textes particuliers, le juge ne peut qu'appliquer les dispositions législatives réglant le problème de l'indemnité. Voir VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.

* 478 Cela semble paradoxal, puisque l'espèce La Fleurette qui constitue l'espèce de principe en matière de responsabilité de l'Etat législateur concernait des dispositions économiques.

* 479 DE LAUBADERE (A.), VENEZIA Jean (C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif, op.cit., p.957.

* 480 La Fleurette et Caucheteux notamment.

* 481 C'est ce que décide le juge dans l'espèce Bovero du Conseil d'Etat français rendu en date du 25 janvier 1963. Voir DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J.C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif, op.cit., p.957.

* 482 Voir VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.

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