WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

De l'efficacité des limites du pouvoir de révision constitutionnelle en droit positif congolais

( Télécharger le fichier original )
par Aaron DJENGO
Université de Kinshasa - Licence 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.2. Objet de la recherche

Malgré son image flétrie21(*), la révision constitutionnelle participe de la longévité de la Constitution. Julien LAFERRIERE écrivait à ce propos :

« La notion même de la Constitution implique la possibilité de sa révision. Juridiquement la Constitution est une loi ; or, de par sa nature, la loi est un acte perpétuellement modifiable. Politiquement, la Constitution fixe l'organisation de l'Etat en fonction des données politiques et sociales existant à un moment déterminé ; ces données étant destinées à se modifier, on ne peut prétendre fixer l'organisation de l'Etat par une formule invariable. Enfin, là où la Constitution procède du principe de la souveraineté nationale, son immutabilité serait inconciliable avec ce principe. S'interdire de modifier sa Constitution serait, de la part de la nation, renoncer à l'élément essentiel de sa souveraineté »22(*)

Plus d'un demi-siècle plus tard, Philippe ARDANT émet sur la même longueur d'ondes en notant : « il n'est pas de Constitution qui puisse être définitive. Il faudra donc lui apporter des retouches, des compléments, des adaptations. Les constituants eux-mêmes devront avoir la sagesse de prévoir et d'insérer dans leur oeuvre les procédures qui permettront de réparer ses imperfections et l'usure du temps23(*) ». Francis DELPEREE constate avec enthousiasme que sur cette question, la Constitution parle d'elle-même24(*).Elle établit son propre statut en déterminant de manière précise qui révise la Constitution, ce qui peut être révisé et quelle est la procédure à observer de manière impérative. Personne, gouvernement ou gouverné, ne peut méconnaitre ce message25(*).

A l'instar de la Constitution française de 1958, la Constitution du 18 février 2006 organise une procédure de révision plus exigeante que la procédure législative ordinaire et fixe certaines limites à son usage26(*). Diversifiées, les limites prévues sont formelles, temporelles et matérielles. Les matières prévues à l'article 220 et les dispositions auxquelles ce dernier renvoie, sont dites par la doctrine des limites explicites et implicites, et constituent ce que L. HAMON appelle à juste titre « les éléments essentiels de l'ordre établi par la loi fondamentale, c'est-à-dire ceux qui font son identité27(*) » ; le pivot, le socle et l'armature de toute l'architecture constitutionnelle28(*).

Aussi convient-il de noter que toutes ces limites ne sont pas le fruit d'une invention intellectuelle aléatoire. Elles résultent du compromis historique matérialisé par l'accord global et inclusif de SUN CITY, et constituent des réponses que le constituant tente d'apporter à tous les dérapages qui ont jalonné l'évolution constitutionnelle du pays. Tels sont les cas des récurrentes crises politiques, et même du détournement du rôle des textes constitutionnels qui, selon J-L ESAMBO, était désormais la protection des dirigeants au pouvoir ou de ceux qui aspirent29(*). Leur consécration laisse indubitablement penser que la Constitution de 2006 porte l'empreinte de son temps. Ces limites répondent donc à un défi majeur, celui de la protection juridique de la Constitution du 18 février 2006, mieux le respect de la souveraineté du peuple.

Cependant, l'opinion émise par Jacques DJOLI30(*) sur l'Afrique postcoloniale ne laisse indifférente la RDC sous l'empire de l'actuelle Constitution. Celle-ci est, dès l'année suivante de sa promulgation bousculée par les appétits voraces des acteurs politiques, dont les agissements sont venus mettre en doute sa capacité de résistance. C'est ainsi que J-L ESAMBO, l'un de Ses rédacteurs, arborait déjà son scepticisme quand il écrivait : « on peut en effet douter de la capacité de la Constitution de 2006 à résister aux épreuves du temps. En quatre années d'existence, cette Constitution est déjà manipulée par les gouvernants qui semblent s'y soumettre difficilement 31(*) ». En neuf ans d'existence, elle connait plusieurs tentatives de révision et une initiative réussie. Toutes ces péripéties révisionnistes laissent planer le doute sur sa capacité de résistance face à certaines manipulations pré-électorales32(*).

Il s'ensuit que la simple existence de ces limites ne garantit pas une telle protection. Encore faut-il que les dispositions constitutionnelles qui les renferment soient appliquées ou efficaces. KEMAL GOZLER écrit : «  l'efficacité de la norme se détermine par la correspondance entre la norme et les comportements de ses destinataires. Elle s'apprécie par le fait qu'elle est suivie ou obéie par les sujets qui en sont destinataires. Sa recherche implique une comparaison entre le contenu de la norme et les comportements effectifs de ses destinataires 33(*)». Et DEBBASCH de renchérir : « non appliquée, la meilleure des Constitutions serait un exercice de style inutile, voire une tromperie vis-à-vis du peuple qui en est le destinataire34(*)».

S'il faut par simple connivence affirmer que les limites consacrées par le constituant de 2006 sont efficaces, il faut néanmoins reconnaitre que cette efficacité ne dispose d'aucune garantie. Ce qui justifie l'interrogation suivante : Les limites imposées au pouvoir de révision par le constituant de 2006 sont-elles efficaces en l'absence d'une quelconque garantie ? C'est ce qu'il convient de démontrer.

En réalité, une Constitution ne prend son sens et sa valeur que par l'application qui en est faite35(*). C'est le gage de son efficacité. Or, l'assurance d'une telle application implique l'existence des sanctions qu'encourt l'emprunt d'une démarche contraire. Donc, si en l'absence d'une quelconque sanction, la Constitution du 18 février 2006 est l'objet des tentatives révisionnistes ou des révisions qui violent les limites qu'elle a prescrites, et brisent le subtil équilibre qu'elle a consacré, elle n'est donc pas efficace, encore moins dans les dispositions qui restreignent l'action du pouvoir de révision. Dans ces conditions, sans toutefois éluder la question de la justification d'une telle inefficacité, n'est-il pas permis d'envisager un autre mécanisme de protection de la constitution dans le contexte de sa révision ?

* 21Actuellement en Afrique, la révision constitutionnelle est dépouillée de toutes ses vertus d'adaptation. Elle n'est plus un moyen de prise en compte du dynamisme de la vie politique et sociale, de rectification des erreurs et insuffisances relevées au cours de la mise en application du texte constitutionnel et d' amélioration des mécanismes institutionnels. Elle n'est encore moins initiée dans la rationalité. Elle traduit plutôt l'émergence des intérêts politiques des uns et des autres ne laissant aucune place à une révision innocente de la Constitution. En ce sens DANELCIUC-COLODROVSCHI (N.), « Retour sur la question des limites aux révisions constitutionnelles. De la portée de leur contrôle durant la période de reconstruction étatique (l'exemple de la Moldavie et de l'Ukraine) in Revue française de droit constitutionnel, 2012, pp.757-775.

* 22 LAFERRIERE (J.), Manuel de droit constitutionnel, Paris, Montchrestien, 1943, p.279.

* 23ARDANT (PH.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 2004, p. 75.

* 24 DELPERRE (F.), « Le processus de modification de la Constitution belge », La révision de la Constitution. Journées d'études des 20 mars et 16 décembre 1992, PUAM, 1993, p.67.

* 25 DANELCIUC-COLODROVSCHI (N.), op.cit., pp. 757-775.

* 26 LASCOMBE (M.), Le droit constitutionnel de la Vème République, Paris, 8ème édition, L'harmattan, 2002, p. 275.

* 27 HAMON (L.), La Constitution et l'Europe, Journée d'étude du 25 mars 1992, Paris, Montchrestien, p. 222.

* 28 KENGO WA DONDO, Allocution à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire de septembre 2014, p. 6.

* 29ESAMBO (J-L.), « La Constitution congolaise du 18 février 2006: Valeurs, élaboration et utilité. » in Congo-Afrique, 2014, pp. 671-675.

* 30 Il pense qu'« Il s'observe en Afrique postcoloniale une volonté de perversion du pouvoir souverain du peuple par la production protéiforme des textes, mais également par des révisions intempestives et chaotiques de ces textes fondamentaux...Cette perversion ou l'abus du pouvoir souverain...donne naissance à des coups constitutionnels. Il s'agit, en somme, des opérations des fraudes constitutionnelles ». Lire en ce sens DJOLI (J.), « La mobilité constitutionnelle en Afrique postcoloniale : dimension structurelle et opportunisme conjoncturel », op.cit., pp. 676-699.

* 31 ESAMBO (J-L.), La Constitution du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives,Bruylant, 2010, p. 317.

* 32 C'est le cas de la révision de 2011. Elle a réduit l'élection du président de la République à un seul tour et à la majorité simple, soi-disant pour en réduire le cout, mais elle a simultanément élargi les pouvoirs du président en lui conférant le droit de dissoudre une Assemblée Provinciale (art. 197) et de relever de ses fonctions un Gouverneur de province (art. 198). Elle a aussi réduit l'indépendance du pouvoir judiciaire en excluant les parquets des institutions auxquelles ce pouvoir est dévolu (art. 149). Simultanément, elle a accordé aux parlementaires tant nationaux que provinciaux de pouvoir reprendre leur mandat de plein droit au terme de l'exercice d'une fonction politique incompatible avec ce mandat (art. 110 et 197). Ces modifications sont donc un élargissement des prérogatives des personnes au pouvoir. Lire en ce sens Léon de SAINT MOULIN, «  l'instabilité constitutionnelle, un voile trompeur pour les vrais problèmes de la RD Congo » in Congo-Afrique, 2014, pp. 700-708.

* 33 GOZLER (K.),Le pouvoir de révision constitutionnelle, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997, p. 250.

* 34 DEBBASH (R.), Droit constitutionnel, Paris, Litec, 2000, p. 27.

* 35Idem.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite