WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Application du droit international au plan interne: examen de la mise en oeuvre du principe de précaution au Burkina Faso

( Télécharger le fichier original )
par Sà¢abèsèlè Jean Augustin SOMDA
Université de Limoges - Master II droit international et comparé de l'environnement 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre II : exemple illustratif de l'application du principe de précaution : les biotechnologies modernes au BURKINA FASO

Le Burkina Faso est un pays essentiellement agricole où environ 85% de la population tirent ses moyens de subsistance de l'exploitation de la terre et des autres ressources naturelles. L'agriculture est le moteur de l'économie en contribuant pour 35,4% au produit national brut (PNB). Le pays a donc opté d'améliorer la production agricole en entrant dans les biotechnologies modernes.

Le Burkina Faso utilise trois générations de biotechnologies58 avec une importance marquée pour les biotechnologies traditionnelles, reflétant ainsi le faible niveau de maîtrise des biotechnologies modernes. Cependant depuis maintenant une dizaine d'années, le pays a fait une entrée remarquable dans les biotechnologies modernes notamment en matière agricole.

L'article 3,§1 du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, définit les biotechnologies modernes comme étant « ...de l'application de techniques in vitro aux acides nucléiques y compris la recombinaison de l'acide désoxyribonucléique (ADN) et l'introduction directe d'acides nucléiques dans des cellules ou organites (ainsi que) la fusion cellulaire d'organismes n'appartenant pas à une mrme famille taxonomiquekqui surmontent les barrières naturelles de la physiologie de la reproduction et la sélection de type classique ». les biotechnologies sont également définies comme « l'application de techniques de recombinaison de l'acide nucléique et la fusion cellulaire in vitro qui franchissent les barrières physiologiques naturelles de la reproduction ou de la recombinaison, autrement que par la reproduction et la sélection naturelles ». Les biotechnologies modernes constituent pour le Burkina Faso, un progrès incontestable, un immense espoir au regard de leurs nombreuses applications. Mais elles peuvent constituer une menace sérieuse pour la santé humaine, l'environnement et en particulier la diversité biologique, si leurs effets ne sont pas bien maîtrisés. C'est pourquoi, un cri d'alarme a été lancé par la communauté internationale dès l'avènement des

58 Biotechnologies traditionnelles, biotechnologies conventionnelles et biotechnologies modernes.

46

SOMDA Sâabèsèlè Jean Augustin Master DICE Limoges 2010

Application du droit international au plan interne : examen de la mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.

biotechnologies modernes, invitant les Etats à mettre en place une biosécurité pour la gestion des risques réels ou potentiels susceptibles de survenir de par ces biotechnologies modernes.

Ces risques sont très souvent inconnus ou incertains au regard des connaissances scientifiques et techniques. L'état des connaissances scientifiques et techniques des Etats sous-développés ne leur permet pas d'agir avec promptitude, de quantifier le degré de gravité et la probabilité de survenance des risques. C'est pourquoi, il a été recommandé, l'utilisation du principe de précaution pour anticiper sur les risques. Ce principe est contenu le droit interne burkinabè de l'environnement ainsi que dans les instruments internationaux ratifié par le pays comme la convention sur la diversité biologique (RIO 1992) et son protocole additionnel sur la prévention des risques biotechnologiques (Montréal, 29 janvier 2000). On remarque donc, avec l'avènement des biotechnologies modernes au Burkina Faso, d'énormes préoccupations sur la nécessité de préserver la diversité biologique et la santé humaine. Est-ce à dire, que le Burkina Faso ne dispose pas de l'encadrement juridique, institutionnel et technique suffisant pour une saine application de ces technologies (section I) ? Le principe de précaution a-t-il reçu application dans le contexte des biotechnologies modernes au Burkina Faso ? Comment l'application du principe est t'elle perçue aussi bien par le gouvernement que par les organisations de la société civile (section II).

Section I : l'avènement des biotechnologies modernes au Burkina Faso

Le Burkina Faso est entré dans les biotechnologies modernes autour des années 2000, avec l'autorisation de l'expérimentation du coton transgénique. L'Etat a conclue en juillet 2003, une convention avec deux firmes américaines, Monsanto (pour le coton Bt Bollgard II) et Syngenta (pour Vegetativ insecticidal proteine coton)59. La signature de ces conventions a constitué le point de départ de l'expérimentation du coton transgénique pour une période de cinq (5) ans. Cette expérimentation a débuté en milieu confiné dans deux stations de l'Institut National

59 Institut du sahel. Etat des lieux de la règlementation, des directives, de l'autorisation et de la circulation des OGM dans le sahel, mai 2004, p. 10.

Application du droit international au plan interne : examen de la mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.

de l'Environnement et de Recherche Agricole (INERA) que sont : Faraoba, près de la ville de Bobo-Dioulasso et Kouaré, près de la ville de Fada N'Gourma.

Cette technologie qui a attiré l'attention des autorités burkinabè compte tenu des prévisions de rendements plus élevés et de résistance à la prédation, a néanmoins suscité dès son entrée, des interrogations. Ces interrogations sont justifiées d'une part, par l'absence ou l'insuffisance d'un cadre juridique (paragraphe I) et d'autre part, par la non intégration de la population et des acteurs de la société civile à la prise de la décision d'autorisation des expérimentations (paragraphe II).

Paragraphe I : l'absence d'un cadre juridique et institutionnel préalable

Le Burkina Faso est entré dans les biotechnologies modernes pour trois raisons essentielles. Il y a tout d'abord le récurrent problème de sécurité alimentaire compte tenu des déficits constants de la production céréalière nationale. On a ensuite, une forte tendance à l'adoption de système moderne de production et enfin le désir des autorités de ne pas rester en marge de la mondialisation. Le Burkina Faso a donc opté de rendre compétitifs les produits d'exportations pour ainsi pallier le déficit céréalier. Cette noble idée s'est traduite par une entrée hasardeuse dans les biotechnologies modernes en raison de l'absence de cadre juridique préalable pour une meilleure application de cette technologie (A) mais aussi, de l'absence d'institutions adéquates pour la gestion des risques probables de ces biotechnologies (B).

A) L'absence de textes juridiques internes

L'introduction des biotechnologies et notamment du coton transgénique s'est faite dans un contexte particulier, un contexte de vide juridique. En effet, les autorisations d'expérimentation en milieu confiné ont été accordées aux firmes américaines sans que le Burkina Faso ne se dote d'un cadre juridique national de prévention des risques biotechnologiques. Or, ce cadre est, pour les principes internationaux et les conventions internationales en matière de biotechnologies (d'ailleurs ratifiés par le Burkina Faso), un préalable indispensable à toute

48

SOMDA Sâabèsèlè Jean Augustin Master DICE Limoges 2010

Application du droit international au plan interne : examen de la mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.

introduction, utilisation et diffusion des biotechnologies. C'est bien plus tard que se mettra en place le cadre juridique de la gestion des biotechnologies au Burkina Faso.

Cette construction juridique a connu des insuffisances. La première tentative d'encadrement juridique s'est opérée en juin 2004 par l'adoption d'un décret portant sur les règles nationales en matière de sécurité en biotechnologie60. Ce décret a été adopté à la veille de la conférence internationale sur les sciences et les technologies tenue à Ouagadougou en juin 200461. Cette conjugaison des dates laisse entrevoir donc une volonté des autorités de prouver à la communauté internationale, l'existence d'un cadre de gestion des biotechnologies au Burkina Faso. La deuxième limite de ce décret liée à la valeur de la forme juridique utilisée dans la hiérarchie des normes compte tenu de l'importance de la question des biotechnologies. Du point de vue politique et social, les organismes Génétiquement modifiés (OGM) posent une cruciale question de choix de société en raison de ses conséquences potentielles sur l'environnement, la santé humaine et même la sécurité alimentaire. En bonne démocratie, il appartient au peuple d'opérer de tel choix par une loi à travers ses représentants qui siègent à l'Assemblée Nationale (AN). D'ailleurs, la constitution du Burkina Faso du 11 juin 1991, par son article 101 fait entrer la détermination des principes fondamentaux de la protection de l'environnement, dans les compétences du pouvoir législatif. La troisième limite de ce cadre juridique est liée à la compétence même du pouvoir règlementaire. Ce pouvoir ne peut édicter des sanctions pourtant nécessaires pour assurer le respect des procédures établies par le décret. De telles sanctions relèvent du pouvoir législatif.

Les insuffisances de ce décret ont conduit à la mise en place d'un véritable cadre juridique de gestion des risques biotechnologies à travers l'adoption de la loi n° 005-2006/AN du 17 mars 2006 portant régime de sécurité en matière de biotechnologie au Burkina Faso. Cette loi au champ d'application vaste62, est venue combler le déficit juridique en règlementant l'utilisation des biotechnologies pour ainsi

60 Décret n° 2004-262/PRES/PM/MECV/MAHRH/MS du 18 juin 2004 portant adoption de règles nationales en matière de sécurité en biotechnologie.

61 Conférence internationale sur « l'exploitation de la science et de la technologie pour accroître la productivité en Afrique : perspectives ouest africaines » Ouagadougou, 21-23 juin 2004.

62 La loi couvre les produits issus des biotechnologies modernes ainsi que, toutes les opérations ou utilisation des OGM (mise au point, expérimentation, diffusion, stockage, élimination, destruction, mouvements transfrontières et transit.

Application du droit international au plan interne : examen de la mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.

minimiser leur impact négatif éventuel63. La loi soumet les opérations relatives aux OGM, à une autorisation préalable mais également au respect des mesures de biosécurité une fois l'autorisation acquise. Elle institue également, une double responsabilité, civile et pénale, pour ainsi contraindre à plus de respect des mesures édictées. La loi de 2006 se présente comme une réponse aux inquiétudes émises quant aux dangers réels ou potentiels des biotechnologies au Burkina Faso. Cette loi est l'une des rares, à prendre en compte le principe de précaution explicitement64

« l'absence de connaissances scientifiques ne doit pas être interprétée comme un indicateur de linexistence de risque ». La loi impose une évaluation des risques pour toute activité relative aux OGM pour identifier les risques probables et évaluer les probabilités que ces risques se produisent. Aussi il faut gérer les risques identifiés, analyser les coûts et bénéfices liés aux risques identifiés en considérant les alternatives à l'introduction des OGM. Cette prise en considération du principe de précaution a conduit à la mise en place des institutions de gestions des biotechnologies.

Au-delà de cette loi, d'autres textes juridiques viennent compléter le dispositif national. Ce sont entre autres :

- La loi portant ratification du plan d'action mondiale sur les ressources phytogénetiques pour l'alimentation et l'agriculture ;

- La loi de 2OO4, portant ratification des statuts de l'Agence Africaine de Biotechnologies (AAB) ;

- La loi sur les semences (2005) ;

- Les conventions de recherche pour l'expérimentation du coton Bt et Vip, signées avec MOSANTO et SYNGENTA en 2003 ;

- La loi sur les contaminations des champs etc.

B) L'absence d'institutions adéquates

L'entrée du Burkina Faso dans l'ère des biotechnologies modernes s'est opérée en l'absence d'un cadre scientifique et technique adéquat65.

63 Garané. A et Zakané. V, droit de l'environnement burkinabè, précité, p.152.

64 Voir articles 15-16 de la loi de 2006

65 Garané. A et Zakané. V, droit de l'environnement burkinabè, précité, p.150

50

SOMDA Sâabèsèlè Jean Augustin Master DICE Limoges 2010

Application du droit international au plan interne : examen de la mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.

Cette absence d'organes spécialisés dans le domaine des biotechnologies n'occulte pas l'existence dans le pays de nombreux cadres de recherches scientifiques. En effet, depuis longtemps le Burkina Faso s'est inscrit dans une dynamique de programme action dans ses politiques de développement endogène. De nombreux laboratoires sont mis en place ainsi que des centres de recherche comme le CNRST et l'INERA. Ce dernier institut a d'ailleurs beaucoup contribué à l'application des biotechnologies conventionnelles à travers le système de l'amélioration des semences et des embryons. Il a aussi servi de cadre de lancement des biotechnologies modernes car c'est sur deux de ses stations que cette expérimentation a débuté. Mais, malgré l'existence de nombreux laboratoire travaillant dans le domaine des technologies, force est de reconnaitre qu'il ressort d'une évaluation de l'état des lieux en 2004 que « la capacité en biotechnologie du Burkina Faso reste globalement faible en raison de l'absence d'activités de recherches susceptibles de rendre opérationnel le personnel »66. Cette lacune institutionnelle constitue une grosse faiblesse dans l'application des biotechnologies dans la mesure où cette technologie nécessite de grandes capacités scientifiques. L'évaluation des risques potentiels avérés et ceux non avérés, l'étude comparative des rapports coûts/avantages, doivent être une routine dans l'utilisation des biotechnologies modernes, pour impulser un développement propre, respectueuse des valeurs sociales des populations et prenant en compte la conservation de la diversité biologique et la protection de la santé humaine.

Cependant, avec l'avènement de la loi de 2006 portant régime de sécurité en matière de biotechnologie au Burkina Faso, le déficit institutionnel a quelque peu été corrigé. En effet, le décret a consacré la création de plusieurs organes en matière de sécurité en biotechnologie. Conformément à l'article 19 du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, la loi a mis en place un cadre institutionnel avec un organe délibérant à savoir l'Agence Nationale de Biosécurité (ANB). Cet organe fait office d'autorité compétente en matière de biosécurité. Il collabore avec des organes consultatifs à savoir ; l'Observatoire National de

66 Institut du sahel. Etat des lieux de la règlementation, des directives, de l'autorisation et de la circulation des OGM dans le Sahel, mai 2004, p.13.

Application du droit international au plan interne : examen de la mise en ~uvre du principe de précaution au BURKINA FASO.

Biosécurité (ONB) chargé de la veille et de l'éducation en matière de biosécurité67 ; le Comité Scientifique National de Biosécurité (CSNB) chargé de l'évaluation des risques et enfin le Comité Scientifique Interne de Biosécurité (CSIB) institué au sein des départements ministériels concernés par la question.

Il y a donc à partir de la loi de 2006, une floraison d'institutions à telle enseigne que la question de leur effectivité se fait de plus en plus présente. Cette loi corrige également les errements législatifs des années 2003-2004, ce qui laisse croire à l'application de procédures plus démocratiques que par le passé.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery