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La Cour de Justice de la CEDEAO à  l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme

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par Thierno KANE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques  2012
  

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B. L'absence d'un mécanisme de filtrage approprié

Nous sommes convaincus que la voie la plus parfaite pour assurer la protection des droits l'homme est constituée par la possibilité reconnue aux individus de recourir directement à un juge. Le système institué par la CEDEAO pour la garantie de ces droits est à bien des égards salutaire. Néanmoins, l'absence d'une structures spécifique chargée du filtrage des requêtes individuelles risque de handicaper lourdement la tâche des juges de la CEDEAO ; si elle ne l'est pas déjà ! En effet, le système judicaire de la CEDEAO tel qu'il est structuré ne donne à la Cour de se prononcer à la fois sur la recevabilité et l'examen des requêtes individuelles (on rappelle que les requérants n'ont pas besoin d'épuiser les voies de recours internes pour saisir la Cour). Cette structuration actuelle peut entrainer deux effets pervers majeurs, nuisibles à toute garantie juridictionnelle des droits de l'homme ; une croissance exponentielle des requêtes fondée à tort ou à raison sur une violation des droits de l'homme et une lenteur dans l'examen des requêtes déposées au prétoire de la Cour. Depuis la réforme intervenue en 2005 qui a permis aux personnes physiques de saisir la justice communautaire pour faire constater qu'un Etat membre a violé un ou des droits de l'homme, la Cour d'Abuja est submergée de requêtes ayant essentiellement trait à ce nouveau titre de compétence119(*). Le contentieux massif auquel la Cour doit faire face soulève une appréhension justifiée, d'autant plus que l'extension légitime de la compétence rationeloci et ratione materiae de la Cour confère au juge d'Abuja la responsabilité de Juge suprême pour l'ensemble des Etats membres de la CEDEAO.

Juge de première instance de 15 Etats en matière de violation des droits de l'homme, en ce sens que l'Etat ne fait plus écran et l'épuisement des voies de recours internes n'étant pas une condition exigée pour faire valoir ses prétentions, il est de plus en plus sollicité par les citoyens ouest africains. Ces derniers ne sont pas dupes ; ils en profitent eu égard au manque de confiance des juges internes et à la complexité de saisine du juge régional. L'ouverture de cette brèche dénote, on l'imagine sans aucun doute un usage chicanier et frivole du droit de recours individuel. On ne peut manquer à la lecture de la jurisprudence communautaire de relever la carence, l'incurie et la mauvaise foi de certains requérants ; des requêtes fantaisistes ou fantoches fondées à tort sur une violation des droits de l'homme. Des personnes privées sont attrait à la Cour alors que le Protocole ne vise que les Etats membres. Parfois c'est le système judicaire interne qui est mis en cause120(*). Un litige relatif au mode de rémunération a été qualifié de violation de droits humains121(*). Il en est ainsi du contentieux électoral122(*). Il revient à la Cour de justice de la CEDEAO, seule, de statuer sur des cas de violations des droits de l'homme présentées devant elle. La Cour est, faut-il le rappeler, submergée de requêtes individuelles. Ce faisant, l'efficacité recherchée par ce contrôle juridictionnel des droits de l'homme se trouve ainsi compromis. Les requêtes individuelles fantaisistes risquent d'asphyxier le contrôle juridictionnel des droits de l'homme.

Par ricochet donc, la croissance exponentielle des requêtes relatives aux cas de violation des droits de l'homme présentées au juge d'Abuja aura certainement des incidences négatives. Il s'agit en effet d'une lenteur dans l'examen des requêtes ; l'appareil institutionnel fonctionnerait au ralenti à raison du nombre de requêtes à traiter. La consécration d'un droit de saisine des particuliers comporte un risque d'asphyxier la Cour et un risque d'allongement des délais de règlement des litiges. La notion de délai raisonnable risque ainsi d'être vidée de ton son sens. Ce qui obère l'action de la Cour dans sa mission de protection des droits de l'homme.Victime de son propre succès, la Cour ne risque-t-elle d'être inadaptée face à ce flot de requêtes individuelles à traiter ? C'est dans cette perspective de tarir le flot de requêtes présentées dans la Cour Européenne des Droits de l'Homme en vue de garantir une protection juridictionnelle des droits de l'homme que fut adoptée le Protocole n° 14123(*).

Le problème des retards judiciaires est en effet de nature à entrainer un discrédit sur l'institution judiciaire et érode la foi des citoyens sur le pouvoir judiciaire. La Cour doit donc s'assurer que les allégations de violations des droits humains soient traitées efficacement et avec diligence. Il y va de la crédibilité de l'institution judiciaire qui cherche à asseoir son autorité aux yeux des Etats et des particuliers. La célérité dans le traitement des affaires est gage d'une efficacité certaine de la protection des droits de l'homme.

Il y a cependant d'autres problèmes qui, s'ils ne sont pas correctement traités peuvent conduire à des retards dans la poursuite des requêtes. Un d'eux est le problème de la traduction des documents déposés à la Cour. L'article 32 (2) prévoit la traduction de pièces de procédure déposées par les institutions. Aucune disposition similaire n'a été faite à l'égard de pièces de procédure déposées par des personnes privées et morales. La Cour a donc la lourde responsabilité de traduire des documents déposés dans les langues de travail de la Cour (anglais, français et portugais). Le résultat de ceci est que la poursuite des cas peut être ajournée si les documents n'ont pas été traduits en raison de la charge de travail sur les traducteurs. Il est donc nécessaire de revoir la prestation de cet article.

Eu égard à ces considérations qui précédent, il apparait clairement que la protection des droits de l'homme par la Cour de justice communautaire est limitée du fait des insuffisances d'ordre juridico-institutionnel. Au-delà de ces entraves, il existe également des contraintes d'ordre politico-opérationnel.

* 119 La Cour de justice de la CEDEAO, a reçu entre 2005 et 2011, 81 requêtes avec 76 arrêts dont 46 qui concernent la violation des Droits humains. ( www.loffice.net consulté le 10 janvier 2012)

* 120Dans l'affaire du 2 novembre 2007 Chief Frank C.Ukor c/ Sieur Rachad Laleye Gouvernement de la République du Bénin le requérant a saisi la Cour car Lalayé aurait méconnu ses engagements contractuels et que l'Etat du Bénin serait complice de cette escroquerie. Une ordonnance du tribunal avait autorisé la saisie des marchandises et l'immobilisation de la remorque. On sait que la Cour n'étant pas un troisième degré de juridiction n'a pa compétence pour se prononcer sur des décisions rendues par les juridictions nationales des Etats membres.

* 121 CJ CEDEAO 29 octobre 2007 Etim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université de Gambie

* 122 CJ CEDEAO 7 octobre 2005 Hon.Dr.JerryUgokwe c/ République Fédérale du Nigeria

* 123Celui-ci vise à garantir l'efficacité à long terme de la Cour en optimisant le filtrage et le traitement des requêtes, prévoit notamment la création de nouvelles formations judiciaires pour les affaires les plus simples et un nouveau critère de recevabilité (l'existence d'un «préjudice important »), et porte le mandat des juges à neuf ans, non renouvelable. Il est entré en vigueur le 1er juin 2010

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci