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Justice constitutionnelle en France et démocratie

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par Jean- Baptiste KLEBERSON
Université de Bretagne occidentale de France - Master 2 en droit public 2011
  

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B. Les vertus intrinsèques de la loi

Le long légicentrisme français, loin s'en faut, n'a pas été exclusivement dû à des considérations d'ordre historico-politique. La loi comporte dans son code génétique des caractéristiques qui l'ont rendu éligibles à la vénération. Sa place sinon prééminente du moins privilégiée dans tous les systèmes juridiques explique, si besoin est, qu'elle pourrait rayonner en France peut être d'un éclat moindre sans une approche instrumentale de l'article 6 de la DDHC. Les raisons objectives de la sacralisation de la règle législative doivent être d'abord recherchées dans ses caractéristiques traditionnelles (1). Il faut ensuite puiser dans sa fonction de régulation sociale son incontestable autorité (2).

1. La généralité et l'impersonnalité de la loi

La généralité et l`impersonnalité ne sont pas des exclusivités des dispositions législatives. L'acte administratif peut également remplir ces critères. Mais, il existe à côté des actes règlementaires des actes administratifs individuels qui n'ont pas ces vertus transcendantales

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L'apparente antinomie entre la justice constitutionnelle et la démocratie

en ce sens qu'ils ont comme vocation de régir directement et même certaines fois nommément des cas individuels ou particuliers. Quant à la loi, elle ne se mêle jamais, pourrait-on dire, des individualités. Elle ne formule que des principes universellement valables. L'office de la loi, énonçait Portalis, dans son discours préliminaire au projet de Code civil est

« De fixer par de grandes vues les maximes générales du droit, d'établir des principes féconds en conséquence et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière »

Oeuvre de raison selon l'Encyclopédie des Lumières, la loi n'est pas édictée pour résoudre des cas particuliers prédéterminés. Elle est formulée de manière abstraite et en termes généraux et est au-dessus de la mêlée engendrée par les cas particuliers. La loi règle ces derniers seulement « a posteriori » s'ils entrent dans le cadre et les limites tracés par ses termes généraux. Contrairement à la coutume au sens juridique du terme, la loi a comme qualité subsidiaire la fixité. Elle ne prend pas la couleur du temps et des croyances populaires au point d'avoir une signification dans chaque contrée ou dans chaque province. Elle est une et indivisible afin de permettre à chacun de régler sa conduite selon ses termes et pour assurer la sécurité juridique des citoyens ou justiciables.

L'impersonnalité de la loi comme source du droit la permet d'assurer l'égalité entre les membres de la collectivité. Sans être interdit de régler de façon différente des situations objectivement et raisonnablement différentes, le législateur n'a pas le droit de transformer son travail en un catalogue de privilèges pour une fraction de la société ou en la promotion du favoritisme. L'objectif primordial de la révolution à laquelle la loi doit partiellement sa majesté fut d'abolir toutes distinctions n'ayant pas pour fondement le service rendu à la collectivité. La constitution de 1791 s'y attarde longuement dès son introduction en ces termes :

« L'Assemblée nationale voulant établir la Constitution française sur les principes qu'elle vient de reconnaître et de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits. Il n'y a plus ni noblesse, ni prairie, ni distinctions héréditaires, ni distinctions d'ordres, ni régime féodal, ni justices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient, ni aucun ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations, pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse ,ou qui supposaient des distinctions de naissance ,ni aucune supériorité, que celle des fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions. Il n'y a plus, pour aucune partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilège, ni exception au droit commun de tous les Français. Il n'y a plus jurande, ni corporations de professions, arts et métiers. La loi ne reconnaît plus ni voeux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la constitution ».

En d'autres termes, l'impersonnalité des destinataires de la loi est le gage de son statut égalitaire. Elle est la même pour tous et toutes. Cela renvoie au symbole de la justice qui est

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L'apparente antinomie entre la justice constitutionnelle et la démocratie

cette femme aux yeux bandés ne sachant pas qui elle sert à cause de son aveuglement .Par conséquent, la loi parce qu'elle doit être mise au service de la justice est par définition impartiale. D'où son caractère impersonnel dépassant ou même ignorant les clivages se basant sur l'appartenance raciale, familiale ou sur toutes considérations n'ayant pas pour but la gestion de la « res publica » ou le progrès de la collectivité.

Voilà une brochette de caractères intrinsèques à la loi qui à eux seuls pourraient justifier la vénération de celle-ci. Là ne s'arrête pas pourtant l'utilité de la règle législative. A côté des autres ordres normatifs comme la morale et la religion, la loi est l'instrument duquel se sert le droit pour contribuer à l'apaisement ou à la régulation de la société au sens le plus complet du terme.

2. La loi : outil de régulation sociale

Si le droit défini comme un ensemble de règles et d'institutions a pour fonction de pacifier les relations sociales, la loi est la règle par excellence servant à atteindre cet objectif. En effet, quasiment aucun type de rapports interindividuels ou sociaux n'échappe à la régulation de la loi. La loi irrigue tous les compartiments sociaux pour concilier les différentes activités des millions d'individus ayant des intérêts sinon divergents du moins différents. Elle constitue l'un des liens qui unit cette multitude. De sa naissance à sa mort, l'individu en tant que membre du corps social doit moduler son comportement en fonction des différentes normes dont la loi. Emile Durkheim, le précurseur de la sociologie du droit a enseigné que le « droit est la contrainte sociale spécialement organisée ».

Les conflits et la déviance semblent inéluctables. Si l'homme cesse d'être un loup pour l'homme depuis la conclusion du contrat social de Hobbes, en revanche, le paradis providentiel où règneraient la paix et l'harmonie les plus totales, n'est pas terrestre. En d'autres termes, les rapports sociaux finissent souvent par engendrer des mésententes pour une raison ou une autre. Sous peine de sombrer dans la violence et la barbarie la plus abjecte, la loi doit prévoir des moyens et mécanismes de résolution de toutes ces mésententes. Elle assure ainsi une fonction de pacification sociale en utilisant dans certains cas le monopole de la violence légitime dont dispose l'état. Nous avons par conséquent besoin des lois pour assurer une société pacifique, apaisée et sécuritaire au sein de laquelle le plus fort ou le plus riche ne peuvent pas tout se permettre. Ce paramètre est amplement renforcé depuis l'émancipation de la justice constitutionnelle en France car le Conseil constitutionnel veille à « ce que le législateur ne prive pas de garanties légales les exigence constitutionnelles » selon sa jurisprudence constamment réaffirmée.

La loi ne vise pas uniquement à pacifier et à concilier les intérêts des individus. Elle est également l'outil par lequel les dirigeants enchaînent les réformes et traduisent leur

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programme politique ayant reçu la bénédiction électorale dans les sociétés démocratiques. Georges Burdeau se demande dans une étude exhaustive sur le concept « loi » :

« Comment d'ailleurs le Pouvoir pourrait-il répondre aux pressions qu'exerce sur lui l'opinion dont il émane, s'il n'utilisait ce prodigieux moyen d'action sur le milieu social qu'est l'instrument législatif ? »32.

Indépendamment des opinions et de l'idéologie des détenteurs du pouvoir, ils doivent recourir à la loi soit pour assurer la continuité la plus totale de la politique de leur prédécesseur soit pour modifier l'ordre social ou pour répéter un terme affectionné des hommes politiques : « assurer le changement ».François Hollande, le président socialiste récemment élu et sa majorité parlementaire sont accusés par la droite de « défaire les unes après les autres les courageuses décisions prises » par son prédécesseur par les nouvelles lois adoptées. La nouvelle opposition politique fait allusion, entre autres mesures, à la défiscalisation des heures supplémentaires. Notre objectif n'est pas d'opiner sur un débat idéologique et politicien. Nous tentons de démontrer l'utilisation que les gouvernements successifs font de la loi pour mettre en oeuvre leur politique publique sans la moindre intention de nous immiscer dans un contentieux entre hommes politiques et encore moins de nous prononcer sur l'authenticité et l'opportunité des positions.

Il faut joindre au légicentrisme le suffrage universel pour expliquer complètement la perpétuation de l'idée française opposant « la démocratie » avec la justice constitutionnelle. En effet, de manière générale, le système représentatif et particulièrement celui orchestré en 1789 ne saurait vivre aussi longtemps sans la légitimité électorale comme autre soubassement.

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