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Justice constitutionnelle en France et démocratie

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par Jean- Baptiste KLEBERSON
Université de Bretagne occidentale de France - Master 2 en droit public 2011
  

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B. Le renforcement du pouvoir réglementaire

Le pouvoir réglementaire est le champ dont dispose les autorités exécutives pour édicter des règlements ayant les mêmes caractères que la loi c'est-à-dire dire des actes exécutoires, de portée générale et impersonnelle. La Constitution de 1958 a considérablement élargi ce pouvoir au détriment du pouvoir législatif. Le premier ministre, chef de l'action gouvernementale, est le codétenteur du pouvoir réglementaire. Toutes choses égales par ailleurs, son rôle ne consistait qu'à prendre des mesures d'application des lois, à l'instar des autres pouvoirs étatiques, selon la culture politique diffusée par le régime parlementaire. La 5ème république a encore été le signe d'une rupture sur ce point. Il a été adjoint au pouvoir réglementaire d'exécution des lois une autre façon d'exercer ce type de compétence. La constitution de 1958, à l'alinéa premier de son article 37, prévoit un pouvoir réglementaire autonome sous l'égide du chef du gouvernement c'est-à-dire qui « couvre les matières » totalement ravies au législateur. Aux termes de l'article 41 de la constitution, le Conseil constitutionnel statue en cas de désaccord entre le gouvernement et le président de l'assemblée parlementaire « s'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ». Cette article s'inscrit dans l'optique de ne laisser aucune marge de manoeuvre au parlement ou de l'empêcher de s'auto-procurer des prérogatives imprévues par les prescriptions constitutionnelles. Il va de soi que l'autre dépositaire du pouvoir réglementaire, en l'occurrence le président de la république, dispose d'un droit de regard quand il ne contresigne pas les décrets et autres délibérations gouvernementales.

Kléberson JEAN BAPTISTE 38

L'apparente antinomie entre la justice constitutionnelle et la démocratie

L'une des autres mesures et non la moindre visant à renforcer le gouvernement est la procédure de délégalisation tracée à l'article 37, alinéa 2 de la constitution. Aux termes de cette disposition, « les textes de forme législative » s'immisçant dans le domaine réglementaire feront l'objet de déclassement par le Conseil constitutionnel si le premier ministre y tient car les juges de la rue Montpensier ne disposent pas du droit d'autosaisine. Il s'agit d'empêcher la concrétisation de toutes velléités de « l'ancien souverain » de recourir à des pouvoirs qui lui ont été enlevés par la Constitution. De fait, la procédure de délégalisation est susceptible d'être mise en oeuvre que pendant les périodes de cohabitation. La bipolarisation de la vie politique ou le jeu politicien s'agençant le plus souvent d'une façon que l'exécutif dans sa dimension bicéphale et la majorité parlementaire soient de même appartenance politique en sont les causes. En 1998, soit après quarante ans d'existence, le Conseil n'avait rendu que 220 décisions sous le fondement de l'alinéa 2 de l'article 37.

Il faut ajouter à cette autonomisation du pouvoir réglementaire le fait que différentes autorités administratives indépendantes disposent d'un pouvoir réglementaire sectoriel sous la surveillance du Conseil d'état ou en général de l'ordre juridictionnel administratif en général. L'autorité réglementaire, sous la direction du chef de l'exécutif et du chef du gouvernement, a investi les domaines où la loi et le parlement ont été « expulsés » par la Constitution de 1958. Cette forme de défense des prérogatives de l'exécutif contre le parlement illustre parfaitement l'esprit antiparlementariste de la Constitution française de 1958.

La justice constitutionnelle en général et celle de la France particulièrement essuie dès leur naissance les accusations ayant à voir à leur supposé caractère antidémocratique. Le Chief justice Jhon Marshall préconise deux solutions alternatives à ce qui est considéré comme un « dilemme » pour plus d'un en France et ailleurs. L'éminent juge constitutionnel écrit :

« Ou la constitution est un droit supérieur, suprême, inaltérable par des moyens ordinaires ; ou elle est sur le même plan que la loi ordinaire et, à l'instar des autres lois, elle est modifiable selon la volonté de la législature. »51

Hans Kelsen, le concepteur du « modèle » européen de justice constitutionnelle a esquivé vigoureusement cette soi-disant contradiction en ces termes :

« Si, contrairement à ces vues, on continue d'affirmer l'incompatibilité de la justice constitutionnelle avec la souveraineté du législateur, c'est simplement pour dissimuler le désir de la puissance politique qui s'exprime dans l'organe législatif de ne pas se laisser -en contradiction patente avec le droit positif -limiter par les normes de la Constitution. Mais, même si on approuve cette tendance pour des raisons d'opportunité, il n'est d'argument juridique dont elle puisse s'autoriser »52

51 E ZOLLER, « Les grands arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis », 1ère édition, Paris, Dalloz, 2010, p.11

52 H. KELSEN, « la garantie juridictionnelle de la Constitution », op.cit., p.224

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L'apparente antinomie entre la justice constitutionnelle et la démocratie

Ces deux personnalités auxquelles sont attribuées à juste titre la paternité des deux traditionnelles « typologies de justice constitutionnelle » rejettent presque d'un revers de main l'opposition entre celle-ci et une vie démocratique.

Kelsen comme nul autre a prouvé que l'alliance entre le contrôle judicaire de constitutionnalité des lois et la démocratie n'est pas contrenature en la concrétisant sans remous dès 1920 dans l'Autriche républicaine.53Sans prétendre prendre le contrepied du maitre de Viennes et du juge Marshall, deux hommes ayant marqué la science juridique de leur empreinte, nous pensons quant à nous que cette question est loin d'être épuisée et encore moins dans un pays qui fut aussi longtemps sous le joug du parlementarisme et du légicentrisme les plus extrémistes et acerbes comme la République française. En effet, la forme de démocratie adoptée et léguée par la révolution française est difficilement conciliable avec le mécanisme de justice constitutionnelle. La démocratie telle que pratiquée et diffusée par les révolutionnaires aboutit à un état légal et à un régime d'assemblée faisant fi de la théorie « checks and balances » de Montesquieu. Le parlement transfiguré de « manière mythique » en unique représentant du peuple s'accommode très mal d'une instance judiciaire qui assure l'effectivité des normes constitutionnelles au point d'écarter les lois votées conformément à la procédure parlementaire. Pour paraphraser le docteur en droit, Philippe Pichot, l'on dira que « la mise en oeuvre d'un contrôle de constitutionnalité se heurte au primat de la volonté de la nation souveraine et au légicentrisme qui en est l'expression. » Cependant l'importance pour le monde contemporain et l'acuité de la question suivante sont tout aussi indéniables :

« La démocratie en tant que concept polysémique et vivant peut-elle sous l'une de ses diverses formes d'opérationnalisation être subsumée sous le mécanisme procédural qu'est la justice constitutionnelle ? ».

53 La Haute Cour constitutionnelle d'Autriche est la 1ère Cour constitutionnelle du « modèle » européen de justice constitutionnelle

L'apparente antinomie entre la justice constitutionnelle et la démocratie

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La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

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