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De la protection du mineur délinquant face au principe de la présomption d'innocence en droit burundais

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par Basile BIZIMANA
Université de Nantes - Master en droit international et européen des droits fondamentaux 2015
  

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CHAPITRE II. LA PROTECTION JURIDIQUE DES DROITS DES ENFANTS

Nous venons d'analyser, au chapitre précédent, le phénomène de délinquance des mineurs ainsi que ses principales causes. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu'un mineur délinquant est une victime d'une société déséquilibrée et d'un manque d'éducation adéquate depuis la tendre enfance. Le droit international des droits de l'homme place l'enfant au centre de la protection des droits humains. Les systèmes juridiques internationaux, régionaux et nationaux prévoient tout un arsenal des normes de protection de l'enfant, en tant qu'être humain encore fragile, qui ne possède pas encore toutes les facultés physiques et mentales.

Nous allons, au cours de ce deuxième chapitre, nous appesantir sur la protection réservée par ces systèmes au mineur en conflit avec la loi pénale sur le plan international et dans quelques systèmes régionaux. Cela fera l'objet de la première section. Dans la deuxième section, il sera question d'analyser ce que le droit interne burundais offre comme protection juridique, aux mineurs en conflit avec la loi. Dans la troisième section, nous parlerons du régime carcéral des mineurs afin de dégager les principes de protection prévus par le droit burundais. Enfin, nous analyserons le principe de la présomption d'innocence et son applicabilité en faveur des mineurs.

Section 1. Les droits de l'enfant dans le concert de la protection internationale des droits de l'homme

Au niveau international, nous distinguons des textes généraux relatifs aux droits de l'enfant comme l'une des catégories d'êtres humains à protéger et plusieurs textes spécifiques consacrés à la protection des mineurs adoptés par les Nations Unies et les organisations spécialisées. Il s'agit, pour les textes généraux, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, des deux pactes de New York et des différents textes régionaux comme la Convention Africaine des droits de l'homme et des peuples, etc.

La protection spécifique des mineurs est, quant à elle, codifiée dans la Convention relative aux droits de l'enfant (texte fondamental en la matière), dans les Règles de Beijing, dans les principes directeurs des Nations Unies pour la protection de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) ainsi que dans les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Elle l'est, sur le plan régional africain également à travers la Charte africaine sur les droits et le Bien-être de l'Enfant.

§1. Les textes généraux

Parmi les instruments des droits de l'homme qui traitent des droits des enfants comme une catégorie d'êtres humains qui nécessitent une protection, nous distinguons ceux ayant un caractère universel des instruments régionaux.

A. Les instruments universels

a) La Déclaration Universelle des droits de l'homme52(*)

La Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, est le texte fondateur du droit international des droits de l'homme. Avec elle, l'homme (la femme) est reconnu comme un être sacré, qui a des droits fondamentaux inhérents à sa personne.

Ce texte proclame sans ambages la dignité et la valeur de la personne humaine dans son préambule ainsi que le principe de non-discrimination (art.2). Il reconnaît par conséquent la même dignité et la même valeur aussi bien à l'adulte qu'à l'enfant puisque ce dernier fait partie entière de la famille humaine. L'article 5 qui interdit l'esclavage et la servitude est particulièrement applicable aux enfants en ces temps où l'esclavage domestique n'a pas encore disparu mais prend plutôt une grave ampleur dans certains pays dont le Burundi.

Concernant les enfants justement, l'article 26 de la DUDH pose le principe du droit à l'éducation. Il est fait obligation aux Etats membres pour rendre l'éducation gratuite et obligatoire au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental mais aussi de généraliser l'enseignement technique et professionnel.

Les mineurs en conflit avec la loi trouvent, dans la DUDH, une esquisse de protection, qui sera concrétisée par les pactes et les autres conventions internationales des droits de l'homme.

Il s'agit notamment de l'interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels inhumains et dégradants (article 4), le droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux (article 8), l'interdiction de l'arrestation et de la détention arbitraire (article 9) , le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial (article 10) mais principalement du droit à la présomption d'innocence (voir infra, section 4) ,du droit à la défense et à la non-rétroactivité de la loi pénale (article 11).

b) Les Pactes de New York

Il s'agit du Pacte International relatif aux droits civils et politiques et du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adoptés à New York le 16 décembre 1966 et ratifiés par le Burundi en date du 9 mai 1990.

1. Le PIDCP53(*)

Le PIDCP comprend les droits et libertés classiques qui protègent les particuliers contre les ingérences de l'Etat, comme par exemple le droit à la vie, l'interdiction de la torture, de l'esclavage et du travail forcé, le droit à la liberté, etc. Selon l'article 9, la liberté est la règle et la privation de liberté est une exception qui ne peut être ordonnée que de manière très restrictive. La privation de liberté doit être une mesure exceptionnelle et décidée par une autorité compétente.

Ainsi, toute personne y compris l'enfant a droit à la liberté. La privation de liberté ne peut intervenir que dans des situations limitées, pour des motifs prévus par la loi, conformément à la procédure prévue par celle-ci et elle doit être décidée par les autorités compétentes54(*).

L'article 10 énonce qu'en cas de détention, les personnes privées de liberté doivent être traitées avec humanité. Ainsi, il doit y avoir une séparation entre les personnes condamnées et celles qui attendent leur jugement. Dans cette logique par ailleurs, en cas de détention préventive ou en cas de condamnation, les jeunes doivent être séparés des adultes et soumis à un régime approprié à leur âge et à leur statut légal. Selon la même disposition, le régime pénitentiaire doit comporter un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social.

Outre les droits et libertés d'ordre général, c'est-à-dire, applicables aussi bien à l'adulte qu'à l'enfant, ce dernier dispose d'une protection particulière selon le PIDCP. Ainsi, l'article 24.1.dispose : «Tout enfant, sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance, a droit, de la part de sa famille, de la société et de l'Etat, aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur ».

2. Le PIDESC55(*)

Le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels contient également quelques dispositions en rapport avec la protection de l'enfance. Ainsi, l'article 10 prévoit une obligation pour les Etats parties de reconnaître qu'une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille. Celle-ci est considérée comme l'élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu'elle a la responsabilité de l'entretien et de l'éducation d'enfants à charge.

Cette disposition ne doit pas, à notre avis, être interprétée dans le sens d'une appropriation de l'enfant par sa famille comme semble le comprendre encore certaines sociétés africaines. Il ne s'agit pas d'un droit qu'ont les parents sur l'enfant, mais plutôt d'un devoir assigné à ces derniers de prodiguer à l'enfant l'éducation et l'entretien que sa condition exige.

Outre le rôle reconnu à la famille dans l'éducation des enfants, le même article prévoit également que des mesures spéciales de protection et d'assistance doivent être prises par les Etats Parties en faveur de tous les enfants et adolescents, sans discrimination aucune pour des raisons de filiation ou autres. Aussi, les enfants et adolescents doivent être protégés contre l'exploitation économique et sociale. Le fait de les employer à des travaux de nature à compromettre leur moralité ou leur santé, à mettre leur vie en danger ou à nuire à leur développement normal doit être sanctionné par la loi.

Certains mineurs incarcérés à la Prison Centrale de MPIMBA à Bujumbura nous ont avoué avoir été fait emprisonner par des gens qui leur faisaient travailler comme employés de maison. C'est le cas par exemple de H.R, 16 ans, originaire de KARUSI (au centre du Burundi). Cet adolescent nous a affirmé avoir quitté l'école suite au décès de son père et au remariage de sa mère, laissant les cinq enfants du premier mariage sans assistance. Ne trouvant rien pour assister ses petits frères et soeurs, lui, l'aîné de la fratrie, décide alors de descendre à Bujumbura pour chercher du travail. Ayant trouvé le travail d'employé de maison dans le quartier de NGAGARA, au nord de la capitale burundaise, le jeune garçon passa trois mois sans recevoir un sou de la part de son patron. Au moment où il commençait à réclamer son dû, le pauvre garçon vit, un certain après-midi, son «boss» rentrer accompagné de policiers qui le saisirent l'accusant d'avoir volé à son patron une somme de 100.000 Francs Burundais (moins de 70 dollars américains). Depuis ce jour de mars 2014, H.R. était, au moment de notre entretien, en février 2015, encore sous les verrous56(*). On peut sans risque de se tromper affirmer que cet enfant a été victime de l'exploitation économique et sociale prohibées par le PIDESC, en plus de la cupidité des gens qui l'ont fait incarcérer.

Le droit à l'éducation est, quant à lui, mentionné à l'article 13 dudit pacte. Cette disposition prévoit que l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Les dispositions précitées du PIDESC sont très pertinentes dans la protection des droits des mineurs. En effet, le bien-être social et l'éducation fondamentale de qualité ont un caractère préventif très efficace contre la délinquance des mineurs comme nous l'avons souligné ci-haut57(*).

* 52 Le texte de la DUDH est disponible sur le site http://www.un.org/fr/documents/udhr/, consulté le 18 novembre 2014.

* 53 Texte disponible sur http://www.humanrights.ch/fr/droits-humains-international/onu-traites/pacte-ii, consulté le 18 novembre 2015

* 54 CHRISTIAENS J., DE FRAENS D. et DELENS-RAVIERS I., Protection de la jeunesse: Formes et réformes, BRUYLANT, Bruxelles, 2005, p .100.

* 55 Le texte intégral est disponible sur http://www.adequations.org/spip.php?article1189, consulté le 18 novembre 2014.

* 56 Propos recueillis lors de notre visite à la Prison de MPIMBA, le 27 février 2015.

* 57 Voir supra, pp. 14 et 15.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault