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Investissement socialement responsable et devoirs fiduciaires

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par SERRES Diane et CLUZEAU Anna
Université Laval - Maîtrise Droit de l'entreprise 2008
  

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B. L'intégration des fiduciary duties en droit civil

Peu à peu, les pays de tradition civiliste ont intégré le concept de fiduciary duties dans leurs legislations. Toutefois, les devoirs fiduciaires ne portent pas le même nom partout et ne revêtent pas tous les mêmes obligations. Ainsi en droit français, le Code Civil parle seulement de mandat :

Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.13(*)

Par ailleurs, la fiducie, introduite récemment (loi du 19 février 2007), n'est une possibilité ouverte qu'aux personnes morales soumises de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés14(*).

Au Québec, on retrouve les dispositions concernant les gestionnaires de portefeuille dans le Code civil du Québec (compétence provinciale). Les devoirs fiduciaires se retrouvent dans la gestion de portefeuilles, dans la gestion d'actifs dans le cadre de régimes de retraite, mais aussi et avant tout dans la structure de la fiducie. L'étendue de la fiducie est définie par l'article 1278 du Code civil :

Le fiduciaire a la maîtrise et l'administration exclusive du patrimoine fiduciaire et les titres relatifs aux biens qui le composent sont établis à son nom; il exerce tous les droits afférents au patrimoine et peut prendre toute mesure propre à en assurer l'affectation.15(*)

Le fiduciaire se voit donc investi de larges pouvoirs, qui se trouvent compensés par certains devoirs, et notamment l'arrêt Montréal Trust Co. / Kiervanteed-Raymond rappelle que :

Le devoir premier des fiduciaires est d'investir l'argent de la fiducie conformément aux volontés du disposant telles qu'exprimées à l'acte. À défaut de telles volontés, les fiduciaires doivent se référer aux dispositions des articles 1339 et 1340 du Code civil du Québec.16(*)

On voit ici l'importance de la volonté des parties, puisque l'acte prévaut sur les dispositions supplétives de la loi. En effet les articles 1339 et 1340 du Code Civil ne sont pas d'ordre public, ils ne s'appliquent qu'en l'absence de stipulations contractuelles17(*). Le contrat établissant la fiducie est donc la source première d'obligations pour le fiduciaire, puisqu'il devra s'y conformer, notamment en ce qui concerne le niveau de risque ou le rendement des investissements effectués.

Le Code civil distingue ensuite entre la simple administration, qui ne vise qu'à la protection du bien confié, et la pleine administration, qui vise à rentabiliser le bien.

Pour ce qui concerne la simple administration, l'article 1304 renvoie lui aussi aux articles 1339 et suivants du Code Civil, relatifs aux placements présumés sûrs. L'article 1339 établit la liste des placements présumés sûrs, et prévoit notamment pour les actions ordinaires que la société réponde à une obligation d'information continue, que ces actions soient cotées en Bourse18(*). L'article 1340 quant à lui dispose que :

L'administrateur décide des placements à faire en fonction du rendement et de la plus-value espérée; dans la mesure du possible, il tend à composer un portefeuille diversifié, assurant, dans une proportion établie en fonction de la conjoncture, des revenus fixes et des revenus variables.19(*)

Toutefois, comme nous l'avons noté précédemment, ces articles ne sont pas d'ordre public20(*), ils n'ont donc vocation à s'appliquer qu'en cas de silence du contrat.

L'article 1306 définit quant à lui les obligations attachées à la pleine administration :

Celui qui est chargé de la pleine administration doit conserver et faire fructifier le bien, accroître le patrimoine ou en réaliser l'affectation, lorsque l'intérêt du bénéficiaire ou la poursuite du but de la fiducie l'exigent.21(*)

On trouve ici l'obligation pour l'administrateur non seulement de conserver le bien, mais également d'en accroître la valeur, ce qui suppose des investissements rentables.

Plus généralement, l'article 1309 recouvre tous ces cas de figure et pose la règle générale en matière d'administration, règle dans laquelle on retrouve dans une large mesure l'influence de la Common Law :

L'administrateur doit agir avec prudence et diligence.

Il doit aussi agir avec honnêteté et loyauté, dans le meilleur intérêt du bénéficiaire ou de la fin poursuivie.22(*)

Cet article est fondamental, il pose le cadre des devoirs fiduciaires dans le droit civil québécois, et l'on retrouve dans ce devoir de prudence et de diligence une norme de conduite appréciable in abstracto, c'est-à-dire en se référant au comportement de la personne normalement avisée qui serait placée dans des circonstances semblables. Le devoir d'honnêteté et de loyauté recouvre d'abord le devoir de respecter les stipulations contractuelles et les dispositions légales, mais aussi le devoir d'information et de transparence quant aux investissements réalisés. Enfin cet article impose à l'administrateur la prise en considération du "meilleur intérêt", notion large s'il en est et à travers laquelle on retrouve l'impératif de rendement des placements.

L'émergence des devoirs fiduciaires en droit civil étant constatée, nous nous sommes ensuite demandées si la conciliation de ces devoirs fiduciaires avec l'ISR était possible, et pour celà nous avons choisi l'exemple des régimes complémentaires de retraite. En effet, la question se pose de savoir si un comité de retraite, agissant à titre de fiduciaire, viole sa responsabilité de fiduciaire ou non en choisissant d'investir dans l'ISR23(*). En d'autres termes, la prise en compte de critères autres que des critères purement économiques, par exemple les critères dits Economiques, Sociaux et de Gouvernance (critères ESG) rentre-t-elle dans cette notion de "meilleur intérêt" dont la prise en compte est rendue obligatoire par l'article 1309 du Code civil? La Loi sur les régimes complémentaires de retraite reprend les orientations du Code civil en posant le devoir d'agir avec "prudence, diligence et compétence, comme le ferait en pareilles circonstances une personne raisonnable", ainsi que le devoir d'agir avec "honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt des participants ou des bénéficiaires"24(*). Il nous semble particulièrement important pour un régime de retraite d'apporter des garanties de placement sécuritaires, puisque les cotisants accordent leur entière confiance aux gestionnaires, c'est pourquoi il ne nous apparaît pas que ces obligations soient contraignantes outre mesure pour ces derniers. Ceci nous amène à nous demander comment est mise en oeuvre la responsabilité des gestionnaires

* 13 article 1984, alinéa 1, Code Civil français

* 14 article 2014, Code Civil français

* 15 article 1278, CcQ

* 16 Arret Montréal Trust Co. c. Kiervanteed-Raymond

* 17 Arret Hotel Bord du Lac Inc./ Lakeshore Hotel Inc. c. Pointe-Claire (Ville de)

* 18 Article 1339, CcQ

* 19 Article 1340, CcQ

* 20 voir note 17

* 21 Article 1306, CcQ

* 22 Article 1309, CcQ

* 23 Alexandre CLOUTIER, L'investissement responsable par les comités de retraite, RGD 32, pp 383-402, 2002

* 24 Loi sur les régimes complémentaires de retraite, L.R.Q., c. R-15.1, article 151

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote