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La sécurité juridique en droit administratif sénégalais

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par Abdou Ka
Université Gaston berger de saint Louis - DEA droit public 2015
  

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Section 2 : Une garantie de la sécurité juridique à géométrie variable

La sécurité juridique, dans sa dimension objective, est essentiellement privilégiée (Par. 1) dans le cadre du droit sénégalais tandis que sa dimension subjective y reste relativement négligée (Par. 2).

Paragraphe 1 : Une dimension objective de la sécurité juridique essentiellement privilégiée

La sécurité juridique objective renvoie à l'idée selon laquelle la règle de droit ne devrait renfermer aucune forme d'arbitraire. MARCEL WALINE, dans sa note sur l'arrêt Barel, disait que « l'administration n'a le droit d'être ni fantaisiste, ni capricieuse »140(*). Autrement, le droit doit rassurer les justiciables quant à la part du permis et du défendu. Un droit qui laisserait place au tâtonnement et à l'aléatoire serait tyrannique pour le corps social.

Ainsi, la norme juridique doit être accessible dans sa forme, compréhensible dans son contenu et prévisible dans son application. Dans ces conditions seulement, elle permet aux justiciables de se situer par rapport à ses effets dans leurs actions quotidiennes. Dans le cas contraire, ils sont livrés à l'arbitraire du pouvoir normatif. Sous ce rapport, BERNARD PACTEAU dira que « la première sécurité juridique, c'est finalement un droit qui ne laisserait place ni à la fantaisie, ni à l'arbitraire »141(*).

Le droit administratif d'inspiration française, du fait de sa tradition légaliste, garantit a priori la sécurité juridique objective. En effet, l'existence de normes écrites et objectivées permet de connaître la règle juridique, au moins au plan principiel, et d'en prévoir normalement l'application aux cas d'espèce. Dans cette logique, il est possible de dire que la sécurité juridique n'a jamais été absente des préoccupations juridiques en droit administratif de tradition française. Le principe de légalité a toujours rempli cette fonction de sécurisation de l'ordre juridique. L'existence d'un mécanisme formel de régulation des rapports sociaux a permis, dans une certaine mesure, de juguler les aléas possibles de la vie juridique.

Toutefois, avec l'apparition de nouvelles sources de droit, le maniement publicitaire de la norme, l'inflation normative et l'accélération du rythme de rotation des normes, il est apparu nécessaire de scruter d'autres horizons afin de juguler l'insécurité juridique ressentie par les justiciables. Il était nécessaire de forger des remparts efficaces contre les dérives du droit. L'idée de sécurité juridique s'est ainsi déployée jusque dans les confins du système juridique.

D'abord, l'accessibilité formelle du droit ne suffisait plus, il fallait en plus promouvoir une accessibilité matérielle de la règle de droit afin de dissiper toutes les craintes des justiciables sur leurs rapports à la norme. De même, l'intelligibilité de la règle de droit est promue au rang de principe auquel doit se soumettre le jurislateur dans ses activités normatives quotidiennes. C'est dans cette perspective que le Conseil Constitutionnel a consacré un principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi142(*). Certes, en droit positif Sénégalais, une telle consécration du principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi n'existe pas encore, mais il reste que le juge épiant les pas de géant de son homologue et inspirateur français est de plus en plus acquis à cette idée. L'avenir de la jurisprudence constitutionnelle sénégalaise augure de belles promesses en ce domaine.

Ensuite, afin de garantir la prévisibilité de la norme, le principe de non rétroactivité de la règle de droit a connu des avancées spectaculaires en droit positif. Longtemps resté au rang de principe législatif suivant la tradition du code civil, le principe de non rétroactivité a vu son statut constitutionnel qui était cantonné au domaine répressif évoluer vers une constitutionnalisation aboutie. Suivant les recommandations du Conseil d'Etat dans son rapport de 1991 qui invitait à ce que la valeur constitutionnelle du principe de non rétroactivité soit étendue à d'autres domaines notamment fiscal, le juge constitutionnel a fait évoluer sa position en décidant qu'une disposition législative ne pourra rétroagir que si cette rétroactivité est justifiée par un motif d'intérêt général suffisant et qu'elle ne méconnaît pas des décisions de justice ayant force de chose jugée143(*). Au Sénégal, le principe de non rétroactivité n'a de valeur constitutionnelle qu'en matière pénale144(*), mais il n'en demeure pas moins que, face aux dérives incessantes du législateur, le juge constitutionnel ne saurait rester dans une telle logique d'autant plus que la question revêt des aspects politiques évidents145(*).

Tout compte fait, il est possible de dire que la sécurité juridique objective est essentiellement garantie en ce sens qu'elle reçoit des applications substantielles en droit positif sénégalais. En effet, considéré comme plus conforme à l'esprit du droit administratif sénégalais qui s'est largement structuré autour du principe de légalité, le volet objectif de la sécurité juridique connaît des avancées perceptibles en droit positif. La sécurité juridique vue dans sa dimension objective serait plus adaptée à la conception française du droit administratif. Certes, elle renvoie quelque part à l'idée de contrainte imposée à la puissance publique, mais il reste qu'elle ne remet pas fondamentalement en cause la nature objectiviste du droit administratif à la française. En un mot, le principe de légalité en serait même l'incarnation en ce sens qu'il limite l'arbitraire et permet,par-là, une parfaite exécution des obligations juridiques.

De même, la sécurité juridique objective n'appelle pas de la part du juge un pouvoir d'arbitrage exorbitant, ce qui est en phase avec la conception française et, partant, sénégalaise du rôle du juge. Son office se limitera juste à une application de la règle de droit au cas d'espèce sans possibilité pour lui de fonder sa décision sur d'autres considérations liées notamment à l'équité. Même si, en droit administratif, le juge dispose d'une certaine marge de manoeuvre dans l'exécution de sa mission, il n'en demeure pas moins qu'il est et reste la bouche de la loi au sens de MONTESQUIEU146(*).

Pour toutes ces raisons, la sécurité juridique objective a reçu des applications spectaculaires en droit administratif sénégalais. Une constitutionnalisation de ses éléments essentiels est enclenchée et aboutira sûrement à un ancrage juridique encore plus fort de celle-ci dans le système normatif. La dimension subjective de la sécurité juridique reste, pour sa part, relativement négligée.

* 140 CE,28 Mai 1954, Barel,RDP 1954, p.509

* 141 B. PACTEAU, « La sécurité juridique, un principe qui nous manque », op.cit

* 142 CC DC 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnance, à l'adoption de la partielégislative de certains Codes, JORF 22 Décembre 1999, p.19041

* 143 CC, n°2011-166 QPC, 23 septembre 2011, Validations législatives de procédures fiscales, op. cit, Cons. 4

* 144 CC,Décision n°02-93 DC, 23 Juin 1993, Loi organique n°92-25 du 30 Mai 1992

* 145 CC DC 12 Février 2005, Loi d'amnistie du 07 Janvier 2005 (affaire EZZAN), op. cit

* 146 MONTESQUIEU, De l'Esprit des lois, Op. cit

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