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La sécurité juridique en droit administratif sénégalais

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par Abdou Ka
Université Gaston berger de saint Louis - DEA droit public 2015
  

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Paragraphe 2 : Une dimension subjective de la sécurité juridique relativement négligée

Selon P. CASSIA, la confiance légitime renvoie à « la confiance que les destinataires de règles ou de décisions de l'Etat sont normalement en droit d'avoir dans la stabilité, du moins pour un certain temps, des situations établies sur la base de ces règles ou de ces décisions »147(*). La confiance légitime appelle ainsi nécessairement la prise en compte d'un élément subjectif à savoir le sentiment du destinataire de la règle de droit. Dimension subjective de la sécurité juridique, la confiance légitime, notion héritée du droit allemand, a fait irruption en droit administratif français par le prisme du droit communautaire. Faisant des droits publics subjectifs, un élément fondamental de son droit public, le système juridique allemand reconnaît une place privilégiée au principe de confiance légitime.

En France, le principe de confiance légitime n'est pas formellement reconnu. Le juge administratif français ne l'applique que dans l'hypothèse où le litige en question est régi par le droit communautaire. Dans le cas contraire, il rejette le moyen comme inopérant. Cette réticence du juge pour une pleine reconnaissance du principe de confiance légitime s'explique largement par des raisons d'identité juridique.

Dans sa dimension subjective, la sécurité juridique implique le respect des droits acquis et des croyances que l'administration a fait naître chez les administrés. Autrement, elle consiste en la reconnaissance de droits subjectifs à la stabilité de leur situation juridique pour les administrés. L'administration ne pourra même pas opposer la légalité objective pour anéantir des situations juridiques jugées définitivement consolidées. Le principe de légalité s'en trouverait dès lors infléchi. Fondé essentiellement sur l'idée de l'institution, le droit administratif d'inspiration française ne pourrait souffrir une avancée trop poussée des droits publics subjectifs. Les rapports entre l'administration et les administrés sont supposés être des rapports objectifs. Ainsi, une subjectivisation de ces rapports bouleverserait largement l'équilibre du système juridique français. C'est ce que semble dire B. MATHIEU en affirmant que la réticence du juge constitutionnel « à parfaire la pleine reconnaissance du principe de sécurité juridique, au travers du principe de confiance légitime s'explique probablement par le fait que la protection des contrats légalement conclus et des situations légalement acquises présente un caractère objectif, alors que la confiance légitime renvoie à des considérations plus subjectives, celles relatives à l'appréhension du droit par les acteurs juridiques »148(*).

La méfiance à l'égard de la dimension subjective de la sécurité juridique se manifeste largement dans l'office du juge. En France, le juge administratif reste catégorique sur la place de la confiance légitime dans l'ordre juridique. Pour lui, le moyen tiré de la violation de la confiance légitime ne trouve à s'appliquer que dans les cas où le litige est régi par le droit communautaire. C'est ainsi qu'il a eu à désavouer le juge de première instance qui avait statué en faveur de l'application du principe de confiance légitime149(*) en droit interne. Sans doute, le refus d'admettre le principe de confiance légitime est justifié par des raisons liées à l'identité juridique française. Malgré les sollicitations du juge communautaire, les juges du Palais Royal restent intransigeants sur leur position.

Entrainé dans cet élan de conservatisme juridique, le juge administratif a eu à décider, dans un cas d'espèce150(*), du caractère inopérant du moyen tiré de la violation du principe de confiance légitime tout en appliquant l'un de ses avatars à savoir l'exigence de régime transitoire. En effet, l'exigence de dispositions transitoires rentre dans une logique de protection de la confiance que les administrés ont placée dans la stabilité de la norme en cause. Dans l'affaire considérée, les sociétés requérantes avaient placé leur confiance dans la stabilité de l'acte administratif et avaient agi en conséquence en passant des contrats de recrutement de commissaires aux comptes sur la base de celui-ci. Donc, l'application immédiate du nouveaucode de déontologie était de nature à remettre brutalement en cause ces conventions et, partant, violer leur confiance légitime. Toutefois, le juge s'est refusé à retenir l'application du principe de confiance légitime, il s'est plutôt prononcé en faveur du principe de sécurité juridique, ce qui témoigne à suffisance d'une certaine méfiance à l'égard de la dimension subjective de la sécurité juridique.

Toutefois, ce chauvinisme outrancier du juge français ne saurait persister au regard de l'emprise grandissante des instances communautaires sur les Etats membres, mais aussi de la subjectivisation progressive du droit administratif. L'influence du droit communautaire sur le droit français devient de plus en plus prégnante. De même, du fait du développement de l'individualisme, le caractère objectif du litige administratif s'étiole peu à peu au profit d'une meilleure prise en considération des intérêts subjectifs des administrés dans le procès administratif.

Au Sénégal, la méfiance à l'égard de la dimension subjective de la sécurité juridique est encore plus accentuée. En effet, le contexte juridique sénégalais est marqué par un déséquilibre institutionnel en faveur de l'administration, ce qui ne favorise pas l'émergence des droits publics subjectifs. Toutefois, la donne est en passe de changer au grand profit des administrés. La reconnaissance du principe de confiance légitime rencontre certes des obstacles d'ordre structurel, mais du fait des avancées perceptibles de la sécurité juridique en droit communautaire, le juge est appelé au tournant dans sa politique jurisprudentielle pour une meilleure garantie du volet subjectif de la sécurité juridique.

Aussi, un développement de la dimension subjective de la sécurité juridique se heurte naturellement à la question du rôle du juge. Il est évident que la sécurité juridique, dans sa dimension subjective, appelle une certaine marge de manoeuvre de la part du juge qui doit procéder à un arbitrage entre l'intérêt public et les intérêts individuels. Or dans le système juridique d'inspiration française, le juge a, par essence, un pouvoir limité à une stricte application de la loi. La technique des précédents lui est, par principe, interdite. Dès lors, admettre le principe de confiance légitime en droit positif était difficilement envisageable dans la mesure où il implique une certaine reconsidération de l'office du juge.

En droit administratif français, malgré les constatables progrès jurisprudentiels, le pouvoir normatif semble toujours dénié au juge, du moins dans le discours officiel. Sous ce rapport, l'introduction du principe de confiance légitime dans le droit positif du fait qu'il appelle une certaine liberté d'appréciation pour le juge, notamment avec le principe de proportionnalité qu'il implique semble difficilement admissible151(*). Cependant, au regard des avancées de la sécurité juridique tant en droit communautaire qu'en droit interne, cette position du juge administratif ne saurait être viable152(*).

En droit positif sénégalais, l'office du juge semble conçu de manière encore plus restrictive. Le juge sénégalais de l'administration reste souvent même en deçà de sa fonction naturelle qui est de rééquilibrer la balance entre les droits des administrés et l'intérêt général. Ainsi, les chances d'une réception du principe de confiance légitime en droit sénégalais restent relativement minces.

Somme toute, il semble que le volet subjectif de la sécurité juridique est reçu de manière parcimonieuse dans le contexte sénégalais. Le droit administratif sénégalais semble plus ouvert à la dimension objective de la sécurité juridique. Dans tous les cas, il reste que la sécurité juridique est substantiellement garantie en droit positif sénégalais. D'ailleurs, elle est même en constante progression.

* 147 P. CASSIA, « La sécurité juridique, un nouveau principe général aux multiples facettes », Dalloz 2006, Chroniques, p.841

* 148 B. MATHIEU, « Le respect de la légitime confiance des citoyens s'impose au législateur », LaSemainejuridique éd. Générale, n°4 2014, p.170

* 149 CE, 09 Mai 2001, Entreprises personnelle TransportsFreymuth, op. cit

* 150 CE,Ass., 24 Mars 2006, Sté KPMG et autres,op. cit

* 151 F. MELLERAY, « La revanche d'Emmanuel Levy ? L'introduction du principe de protection de la confiance légitime en droit public français », Revue Droit et Société 2004 p.143

* 152 J. M. WOEHRLING, « La France peut-elle se passer du principe de confiance légitime », in Gouverner, administrer et juger Mélanges JEAN WALINE, Paris, Dalloz, 2002, p.749

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius