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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoire


par Arsène NENI BI
Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018
  

Disponible en mode multipage

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N°d'ordre NNT : 2018LYSE3034

THÈSE de DOCTORAT DE L'UNIVERSITÉ DE LYON

Opérée au sein de

l'Université Jean Moulin Lyon 3

École Doctorale de Droit-ED 492

Discipline de doctorat : Droit international et relations internationales
Soutenue publiquement le 06/07/2018, par :

Arsène Désiré NENE BI

L~())(&7,9,7(~'(6~'52,76~'(E/~ENFANT EN COTE D'IVOIRE : ENTRE NORMES INTERNATIONALES ET REALITES LOCALES

Devant le jury composé de :

Monsieur DOUMBE-BILLE Stéphane, Professeur des Universités, Université Jean Moulin Lyon 3

Monsieur BARRIERE Louis-Augustin, Professeur des Universités, Université Jean Moulin Lyon 3, Directeur de thèse

Monsieur LAGHMANI Slim, Professeur, Université de Carthage (Tunis)

Madame BOUCAUD Pascale, Professeur, Université Catholique de Lyon

Madame N'DRI-TEHOUA Pélagie, Maître de Conférences, Agrégée de droit public, Vice-Présidente de l'Université Alassane Ouattara (Bouaké-Côte d'Ivoire), Rapporteur Monsieur MARTIAL Mathieu, Professeur des Universités, Université de Grenoble Alpes, Rapporteur

À mon fils Eliakim Enzo Noah NENE BI À tous les enfants de Côte d'Ivoire, d'Afrique et du monde entier

Remerciements

Mes premiers remerciements vont à Monsieur le Professeur Louis-Augustin BARRIERE, mon directeur de recherche ; Merci Monsieur Le Professeur pour votre patience et votre encouragement. Votre oeil critique m'a été très précieux pour structurer le travail et pour améliorer la qualité de la réflexion. Merci également à Mme Sandrine CORTEMBERT qui m'a initié au monde de la recherche en acceptant la direction de mon mémoire de recherches de Master 2. Avec votre distance bienveillante, vous n'avez cessé d'être une conseillère, un soutien et un appui pour moi. Puissiez-vous ici trouver l'expression de ma sincère gratitude.

À ces rencontres du premier jour, répondent les rencontres du dernier jour : celles avec le jury de thèse ; Je remercie les membres du Jury et les rapporteurs qui ont consacré beaucoup de leur temps et de leur énergie à la lecture et à l'évaluation de ce travail universitaire permettant d'accéder au titre de docteur en droit public. Je tiens à vous remercier chaleureusement.

Je remercie également les membres du Centre Lyonnais d'Histoire et de la pensée politique et ceux du centre de droit international pour leur soutien durant ces années. Par ailleurs, mes gratitudes sont aussi envers l'Université Jean Moulin Lyon 3 et l'Institut des droits de l'Homme de Lyon. Ma reconnaissance est profonde pour la France qui m'a adoptée et m'a donné une opportunité de participer à l'oeuvre du rapprochement franco-ivoirien ; Mention spéciale à la Fondation de France qui m'a permis de réaliser mon projet de spécialisation en droits humains.

Je remercie mes amis et ma famille pour ce qu'ils sont, tout simplement. En particulier, je veux exprimer à mes parents toute la reconnaissance qui est la mienne pour leur confiance et leur présence à mes côtés, discrètement mais profondément.

Enfin, il y a la rencontre de ma vie, mon épouse, Salimatou DIARRA épouse NENE. Mes sentiments s'adressent aujourd'hui principalement à toi. Il est rare de rencontrer une personne si généreuse, si compréhensive et il est encore plus rare de partager sa vie avec elle. J'ai cette chance extraordinaire. Puisse le Seigneur te bénir davantage.

LISTE DES ABREVIATIONS

SIGLE Libellé

Aff. Affaire

AFDI Annuaire Français de droit international

Al Alinéa

ANE. Acteur Non Etatique

Art. Article

Ass. Plén. Assemblée Plénière de la Cour de Cassation

Bull Bulletin

C/ Contre

CADBE Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant

CADHP Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

C.civ Code civil

CEDH. .Cour Européenne des droits de l'homme

CIDE Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant

CE Conseil d'Etat français

Chron. Chronique

C.I.J. Cour Internationale de Justice

Civ Chambre civile de la Cour de Cassation

Coll. Collection

CP Code Pénal

CPI. Cour pénale internationale

CPP Code de Procédure Pénale

CRDF Cahier de la recherche sur les droits fondamentaux

Crim Chambre criminelle

CS Cour Suprême

D. Dalloz

DDHC. Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

DUDH. Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

Éd. Editions

FANCI. Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire

FLGO. Front de Libération du Grand Ouest

FPI. Front Populaire Ivoirien

GAJA. Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative

GAJC Grands Arrêts de la Jurisprudence Civile

Gaz. Pal. Gazette du palais

Idem. Dans le même ouvrage cité

Ibid. / Ibidem. Le même

In Publié dans, paru dans

J.O. Journal Officiel

J.O.R.C.I. Journal Officiel de la République de Côte d'Ivoire

L.I.D.J. Librairie Ivoirienne de Droit et de Jurisprudence

L.G.D.J Librairie Générale de droit et de jurisprudence

MP. Ministère Public

MPCI Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire

MPIGO. Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest

NEI. Nouvelles Editions Ivoiriennes

N° Numéro

Obs. Observations

OIT. Organisations Internationale du Travail

ONG Organisation Non Gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

Op. cit. Opere citato ; cité plus haut.

OUA. Organisation de l'Unité Africaine

P. Page

PDCI. Parti Démocratique de Côte d'Ivoire

PIT. Parti Ivoirien des Travailleurs

Pp. Pages

PIDCP Pacte International des Droits Civils et Politiques

PIDESC Pacte International des Droits Economiques et Sociaux Culturels

PUCI. Presses Universitaires de Côte d'Ivoire

PUF Presses universitaires de France

R.A.D.H Recueil africain des droits humains

R.A.D.I.C Revue africaine de droit international comparé

R.C.A.D.I. Recueil des cours de l'académie de droit international de la Haye

R.D.L.F. Revue des droits et libertés fondamentaux

RDR. Rassemblement des Républicains

R.F.D.C Revue française de droit constitutionnel

R.F.S.P Revue Française de Science Politique

R.G.D.I.P Revue Générale de droit international Public

R.J.P.I.C. Revue Juridique et politique, indépendance et coopération

RPDP. Revue Pénitentiaire et de droit pénal

R.Q.D.I. Revue québécoise de droit international

RCJCS. Répertoire Chronologique de la Jurisprudence Cour Suprême

RTDC. Revue trimestrielle de droit civil

R.T.D.H. Revue Trimestrielle des droits de l'Homme

R.U.D.H. Revue Universelle des droits de l'Homme

S. Suivants

S/dir. Sous la direction de

SFDI Société Française de droit international

Sp. Spécialement, précisément

T. Tome

TGI. Tribunal de Grande Instance

TPD. Tribunal de Premier Degré

TPI. Tribunal de Première Instance

UA Union Africaine

UNESCO Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la

culture

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

V Voir

Vol. Volume

Sommaire

INTRODUCTION GENERALE 13

PREMIÈRE PARTIE : L'INTEGRATION EN DROIT IVOIRIEN DES NORMES

INTERNATIONALES DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT 55

Titre I : UN DISPOSITIF JURIDIQUE AU CONTENU REEL 59

Chapitre I : UNE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DES INSTRUMENTS

PROTEGEANT LES DROITS DE L'ENFANT 62

Chapitre II : LA RECEPTION NATIONALE DES DROITS INTERNATIONAUX DE

L'ENFANT 125

Titre II : DES MECANISMES INSTITUTIONNELS DE GARANTIE A EFFECTIVITE

LIMITEE 199

Chapitre I : LE ROLE LIMITE DES MECANISMES GOUVERNEMENTAUX 201

Chapitre II : L'IMPORTANCE VARIABLE DES INSTITUTIONS D'APPUI ET DE

CONTROLE 259

SECONDE PARTIE : L'EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DES DROITS DE

L'ENFANT A L'EPREUVE DES REALITES LOCALES 341

Titre I : DES MANIFESTATIONS PREOCCUPANTES DE L'INEFFECTIVITE 343

Chapitre I : LES ATTEINTES AUX DROITS DE L'ENFANT EN PERIODE DE PAIX

346

Chapitre II : DES ATTEINTES D'UNE GRAVITE PARTICULIERE EN SITUATION

DE GUERRE OU D'URGENCE 420

Titre II : LES CONDITIONS D'UNE EFFECTIVITE AMELIOREE 492

Chapitre I : L'IDENTIFICATION DES CAUSES D'INEFFECTIVITE DES DROITS

FONDAMENTAUX DE L'ENFANT 494

Chapitre II : LES MESURES PRECONISEES EN FAVEUR D'UNE EFFECTIVITE

AMELIOREE 570

CONCLUSION GENERALE 633

ANNEXES : 637

BIBLIOGRAPHIE 650

INDEX 725

13

INTRODUCTION GENERALE

« Pour interroger l'avenir, nous n'avons pas besoin des projections des super ordinateurs. Pour une grande part, le prochain millénaire est déjà visible à la façon dont nous nous occupons de nos enfants aujourd'hui. Le monde de demain pourra bien être influencé par la science et la technologie, mais nous pouvons l'entrevoir considérant, avant toute chose, la façon dont nous prenons soin du corps et de l'esprit de nos enfants1 ».

Cette assertion de l'ancien Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Kofi ANAN, qui place l'enfant au centre de la vie sociale et du développement d'un pays, indique également qu'il est un être vulnérable qui doit nécessairement être protégé. Ainsi, dans ce monde en pleine mutation, l'une des questions qui se pose avec acuité est celle de savoir s'il y a réellement un avenir réservé aux droits de l'enfant ?

Faisant un parallèle entre la création du moteur à explosion et l'idée des droits de l'homme, Monsieur Kenneth MINOGUE affirme : « Le moteur à explosion permet de se déplacer rapidement tandis que les droits de l'homme représentent un système de protection destiné à nous préserver de la violence arbitraire et à éviter que nos besoins fondamentaux ne soient négligés »2. Poursuivant sa réflexion visant à mettre en exergue la faiblesse humaine, il ajoute : « créatures extrêmement vulnérables, les êtres humains ont besoin d'une certaine protection. L'escargot est protégé par sa coquille, le caméléon par son mimétisme, le lion est fort et rapide, l'homme, lui est lent et fragile »3.

Pour être symbolique, cette analyse interpelle sur la nécessité qu'il y a pour la société de garantir à l'espèce humaine ses droits essentiels. En ce qui concerne l'enfant, il en faut davantage au regard de son extrême vulnérabilité.4 Dans le même registre, des auteurs

1 www.unicef.org/french/CRC/Special.htm (consulté le 15/10/2012).

2 MBANDJI-MBENA (E.), Les droits fondamentaux de l'enfant en droit camerounais, Thèse de doctorat, Thèse de doctorat, Université de Toulouse, 2013, p.2.

3 MINOGUE (K.), « L'histoire de la notion des droits de l'homme », in Anthologie des droits de l'homme, New York, éd. Nouveaux Horizons, 1989, p.7. ; MBANDJI-MBENA (E.), Op.cit. p.2.

4 FERNAND-LAURENT (J.), « Les droits de l'homme, fondement de toute éthique et de toute idéologie : De la déclaration française à la déclaration universelle », in Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme, Les droits de l'homme en questions, Paris, La documentation française, 1989, pp.213-219, p.215.

14

soutiennent que, « contrairement à l'animal, le petit de l'homme ne naît pas mature. Le nourrisson est entièrement dépendant et nécessite la proximité maternelle. Ainsi, l'être humain va voir son évolution dépendre de la maturation neurologique, mais également, c'est tout à fait singulier, de ses relations à l'environnement. De cette particularité, vient la fragilité mais également la richesse de l'être humain compte tenu de l'indispensable et très longue exposition au monde ambiant »5. Dans ces conditions, la protection de l'enfant devient alors une impérieuse nécessité, notamment dans tout Etat de droit6. Tout Etat partie aux Conventions relatives aux droits de l'homme en général et spécifiquement, des droits de l'enfant7, adhère à cette approche et démontre par-là, sa préoccupation envers leur citoyen en devenir, et du devenir du monde8. La Côte d'Ivoire n'est pas en marge de cette mouvance. Arrimé à cette redéfinition de la protection juridique de l'enfance depuis des décennies, cet « enthousiasme9 » de la Côte d'Ivoire10 , pays côtier situé en Afrique de l'Ouest, s'est-il réellement traduit dans son droit et dans les faits ?

Mais tout bien considéré, on ne saurait traiter la question centrale de ce sujet sans avoir au préalable, fourni la définition des notions essentielles qu'appelle le sujet. Il convient alors, pour cerner les contours de ce sujet, de l'aborder sous l'angle notionnel, avant de dégager l'intérêt et la problématique en découlant.

5 BEAUVALLET (O.) et SUN YUNG (L.), Justice des mineurs, (s/dir.), BERGER LEVRAULT, Paris, 2012, n°399. ; MBANDJI-MBENA (E.), Les droits fondamentaux de l'enfant en droit camerounais, Thèse de doctorat, Thèse de doctorat, Université de Toulouse, 2013, p.2.

6 CHEVALLIER, « L'État de droit », Revue de droit public, n°2, Mars-avril 1988, pp.313-380, spéc.pp.314-315. ; Voir HAMON (L.), « L'État de droit et son essence », Revue française de droit constitutionnel, n°4, 1990, pp.699-712.

7 Engagement renouvelé dans le préambule de la Convention de New York de 1989 ; UNICEF, Un monde digne des enfants, juillet 2002, pp.67-69. ; HARDY (A.), BOURSERIE (J.) et DELBARD (D.), « La Convention internationale des droits de l'enfant et le principe fondamental de protection en droit français » RRJ Droit positif, Aix-Marseille, PUAM, Vol.2, 2001, pp.907-940, p.907.

8 MBANDJI-MBENA (E.), Les droits fondamentaux de l'enfant en droit camerounais, Thèse de doctorat, Thèse de doctorat, Université de Toulouse, 2013, p.2.

9 PICARD (E.), « L'émergence des droits fondamentaux en France », AJDA, n° spéc., 20 juillet -20 aout 1998, p. 6. MBANDJI-MBENA (E.), Les droits fondamentaux de l'enfant en droit camerounais, Thèse de doctorat, Thèse de doctorat, Université de Toulouse, 2013, p.2.

10 Pour une présentation de la Côte d'Ivoire, voir : http://www.presidence.ci/la-cote-divoire/ (consulté le 16 /03 /2015).

15

§ 1. LA DEFINITION DES NOTIONS ESSENTIELLES DU SUJET

A travers quelques millénaires, l'ancienne Chine nous a laissé une parole de sage qui s'énonce, in extenso, comme suit : « s'il me fallait, un jour être empereur de Chine, je commencerais par écrire un dictionnaire ; le malheur des Hommes, c'est qu'ils ne s'entendent pas sur le sens des mots »11. De même, Michel TROPER démontrait que l'auteur de toute définition en droit n'échappait pas à la spéculation car, ainsi qu'il l'écrit, « les définitions sont l'équivalent de conventions de langage qui ne sont jamais indépendantes du contexte et de la doctrine desquels s'inspire le chercheur »12.

Cette précieuse parole du sage chinois et cette pensée de Michèle TROPER nous imposent de procéder à une opération définitoire des termes essentiels de ce sujet. A titre liminaire, nous rappellerons donc quelques truismes, ferons des précisions terminologiques pour situer le sujet et fixer les idées.

A. DROITS DE L'ENFANT

Pour une meilleure compréhension de la notion « droits de l'enfant », nous envisagerons successivement la notion d'enfant avant d'en arriver à ses droits à proprement parler.

a. Définition du terme enfant

Il importe de préciser la notion d'enfant. Qui, en effet, est considéré comme enfant ? La question est importante ; elle comporte des aspects juridiques et non juridiques. La réponse à cette question procède d'une certaine perception du développement de l'être humain, du moment à partir duquel il peut s'assumer, répondre de lui-même, être responsable. Un séjour dans le droit romain apparait inévitable pour toute recherche sur le droit de l'enfant. Dans la Rome antique, l'infantus est étymologiquement Qui fari no possunt, « celui qui ne parle

11 GUIE (H.), Cours d'Histoire des Idées politiques, Maitrise de Droit, carrières publiques, 1998.

12 Michel TROPER, « Pour une définition spéculative du droit », Droits, n° 10, 1989, pp.101-104, spéc. p.103.

16

pas »13 ». Pour Duclos, c'est aussi celui qui ne « comprend pas la portée de ses actes »14. Partant, naît la non-imputabilité de l'enfant en bas âge. En droit romain, le pater familias a théoriquement droit de vie et mort sur ses enfants. Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ affirme que : « le droit romain comme l'ancien droit français voyaient dans l'enfant, l'objet de la puissance paternelle...L'enfant n'était pas considéré comme titulaire de droits15». Il est donc à la fois sa protection et sa loi selon l'âge de l'enfant. Trois périodes sont généralement prises en compte : de la naissance à sept ans, de sept ans à douze ou quatorze ans selon qu'il s'agisse d'un garçon ou d'une fille et de quatorze ans à vingt-cinq ans. A sa naissance, le nouveau-né est étendu sur le sol, si le père le relève et ordonne de le nourrir16, il le reconnaît. Dans le cas contraire, il est abandonné, exposé. Le père pouvait tuer son fils en cas de difformité, le vendre selon son bon vouloir17.

Au deuxième siècle, l'empereur Constantin abroge le droit de vie et de mort du père sur l'enfant. L'enfant reste soumis à la puissance du père de famille. Il est alienis juris persona, c'est-à-dire soumis au droit d'un autre, soumis à la puissance du père18. Jusqu'à l'âge de quatorze ans, on parlera d'Impubes, c'est-à-dire qui n'est pas encore pubère. L'enfant romain devient alors, à cet âge, sui juris, sujet autonome de droit. En réalité, l'enfant romain pubère pouvait dans certains cas et selon les époques, bénéficier d'une protection légale importante19. Le droit romain n'apporte pas de définition stricte de ce qu'est l'enfant. Il est défini par le concept de minorité ou bien par celui de filiation. Il en va de même en Côte

13 Roy (A.) (dir), Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, Paris, Tome 1, 1992, p. 1239. « Le mot signifie proprement `qui ne parle pas' ; il est formé de in, préfixe négatif, et du participe présent de fari `parler' » ; en grec, phemi.

14 DUCLOS (M.), Rome et le droit, Le Livre de Poche, Paris, 1996, p. 57. ; Concernant les différents stades de la condition juridique de l'enfant, voir le chapitre « la famille et le droit familial » pp. 50- 68.

15 DEKEUWER-DEFOSSEZ ( F.), Les droits de l'enfant, Paris, PUF, 2010, p.4.

16 De là vient l'expression « élever un enfant ».

17 La loi romaine des XII tables a été rédigée en 451 et en 450 av. J.C. Il s'agit de la première édification de droit privé depuis la création de la cité, table IV relative à la famille. ; GAUDEMET (J.), Droit privé romain, Paris, Montchretien, 1998, p.71.

18 CASTALDO (A.) et LEVY (J-P.), Histoire du droit civil, Dalloz, 2e ed., 2010, n°49 et sq.

19 La Lex Laetoria de circumscriptione adulescentium protégeait le mineur de ceux qui voulaient le tromper (-191 AC), Le Senatus Consulte Macedonianum interdisait les prêts d'argent à un fils de famille et permettait à celui qui avait bénéficié d'un prêt de ne pas le rembourser, (69-79 AC sous Vespasien.). De même, le Senatus Consulte Oratio Severi (195 apr. J.C) interdisait à un tuteur de bénéficier des biens de l'enfant dont il avait la charge in Duclos (1996), p. 59.

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d'Ivoire où le concept de mineur est abondamment utilisé dans la législation nationale pour désigner l'enfant20.

La puissance du père de famille, immense en droit Romain, est reprise par le Code napoléonien en France et par nombre de codes de droit civil des pays d'Afrique francophone au vingtième siècle. Paradoxalement l'autonomie et la responsabilité, précoces pour les enfants, sont limitées par le droit de la Convention de 1989, pour sa plus grande protection. L'historien, plus que le juriste, peut relever la place et le rôle de l'enfance au Moyen-âge et comprendre ses rapports avec le régime juridique en vigueur. C'est en partant de la condition de vie des enfants et de la place qu'ils ont dans la société à travers l'étude de l'iconographie médiévale que PHILIPPE ARIES21 nous montre que le mot « enfant » revêt une signification différente de celle communément acceptée aujourd'hui. La thèse principale d'Ariès consiste à signaler que l'enfance n'était pas représentée jusqu'au dix-huitième siècle. Les enfants étaient des « adultes en miniature » et l'enfance, une époque de transition. Pour lui, la « conscience de la particularité enfantine »22 était inexistante au Moyen-âge. Si les travaux de l'historien ne font pas l'unanimité aujourd'hui23, leur apport principal est de relativiser une notion atemporelle de l'enfance. La psychanalyste Françoise DOLTO, commentant le texte d'Ariès repris dans le premier chapitre de la Cause des Enfants, affirme que « dans le langage écrit, l'enfant reste un objet. Il faudra beaucoup de temps pour qu'il soit reconnu comme sujet »24. Il s'agissait de cacher les traits de l'enfant, indignes d'être représentés. Peu à peu, ont été, signale la psychanalyste, introduit dans les oeuvres, des objets, au second plan,

20 Article 14 alinéa 3 du code pénal ivoirien « ...Est mineur au sens de la loi pénale, toute personne âgée de moins de 18 ans lors de la commission de l'infraction. Les mineurs de 10, 13 et 16 ans sont ceux qui n'ont pas atteint ces âges lors de la commission de l'infraction. ».

Article 1er de la loi ivoirienne n° 70-483 du 3 aout 1970, sur la minorité : « Le mineur est l'individu de l'un ou de 1'autre sexe, qui n'a pas encore atteint l'âge de vingt et un ans accomplis. ».

21 ARIES (P.), L'Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Seuil, collection «Points-Histoire » 1975, 316p.

22 ARIES (P.), L'Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Seuil, collection «Points-Histoire » 1975 (P.) (1975), p.177.

23 RENAULT (A.), La libération des enfants, Calmann-Lévy, 2002. L'auteur expose les thèses d'Ariès ainsi que les nuances qu'ont apportées sociologues et historiens de la famille. Il reconnaît toutefois que l'ouvrage d'Ariès « marqua l'émergence, pour ainsi dire, ex nihilo, d'une nouvelle discipline ». p. 41. ; De même, l'historien américain Lloyd de Mause signale qu'Ariès a laissé de côté de nombreuses preuves montrant que les artistes médiévaux pouvaient peindre les enfants avec réalisme. Il s'oppose également au concept « d'invention de l'enfance ». De Mause, La evolución de la infancia, Historia de la infancia, LI, Madrid, 1991 p. 15 à 92.

24 DOLTO (F.), La cause des enfants, Le Livre de Poche, Paris, 1985, p. 16.

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comme des jouets, prémices de l'acceptation d'une pensée propre. Sans représentation, l'enfant n'existe pas comme sujet.

La particularité de l'enfance en tant qu'étape spécifique de la vie, et non plus comme antichambre de l'âge adulte, sera pensée par Locke puis par Rousseau. « En pensant l'homme démocratique, ils ont rendu philosophiquement possible les droits de l'enfant25». Telle est la thèse de Dominique YOUF, philosophe, spécialiste de la question des droits de l'enfant. Pour que les individus puissent jouir de droits, il fallait atténuer la toute-puissance du « souverain » entendu symboliquement comme père de famille.

L'avènement des droits de l'enfant sera sans conteste une défaite pour la puissance du père de famille, une défaite souhaitée par les premiers promoteurs des droits de l'enfant. Déjà, à l'époque de la déclaration française des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, l'autorité paternelle est remise en question. L'enfant appartient d'abord à la patrie, disent les révolutionnaires, remodelant ainsi la filiation et la conjugalité. « C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la restauration partielle de la puissance paternelle par le Code civil napoléonien26 ». L'introduction progressive de limites à cette autorité se fera, concernant les enfants, d'abord au nom de leur protection, puis, presque un siècle plus tard, au nom de leurs droits. S'opère alors un rééquilibrage du triptyque enfant, père (famille) et Etat. En étudiant la famille des 18e et 19e siècles, Jacques DONZELOT met en évidence cette intervention progressive de l'Etat sur l'enfance. La société s'adapte à la révolution industrielle qui cherche une main-d'oeuvre toujours plus nombreuse, plus disciplinée, plus contrôlée. L'enfant devient une « denrée » qu'il faut « conserver » parce qu'il devient utile et parce que, démographie oblige, il y en a moins. L'école publique voit le jour, l'apprentissage diminue. La famille quitte la rue et la place publique pour se resserrer sur elle-même. Au moment où l'Etat accroît son contrôle sur les enfants, ceux-ci n'ont plus d'autres horizons que leur propre famille. L'histoire de l'enfance27, nous dit Jacques DONZELOT, est celle

25 YOUF (D.), Penser les droits de l'enfant, PUF, Paris, 2002, p. 26.

26 YOUF (D.), Penser les droits de l'enfant, Paris, 2002, p. 31.

27 Ecrire l'histoire de l'enfance est une tâche compliquée. Salazar (G.), « Infancia en Chile durante los siglo XIX y XX », Conférence pour les Institutions liées à l'Enfance dans la Cinquième région du Chili, San Felipe, Chili, 28 et 29 juin 2001. Pour l'historien chilien, « les enfants ne laissent pas beaucoup de trace pour reproduire leur histoire. Les enfants ne font pas les choses que font les grands. Ils ne font pas de coups d'Etat, ils ne mettent pas en place des politiques publiques (...) Faire l'histoire des enfants est très compliqué ». De fait, l'enfant fait partie de l'histoire lorsqu'il devient adulte. Cette difficulté de faire l'histoire de l'enfant est souvent évoquée, voir : Alzate Piedrahita (M.V), « El ` descubrimiento' de la infancia : historia de un

19

de son contrôle. Il rejoint en cela Michel FOUCAULT qui parlera du collège comme un lieu d'enfermement : « il y eut le grand renfermement des vagabonds et des misérables, il y en a eu d'autres plus discrets, mais insidieux et efficaces »28. Ce curieux mélange entre des institutions soucieuses d'éduquer, de contrôler comme le dit Foucault et l'arrivée massive des enfants dans le monde du travail, marquera, en droit, une reconnaissance de la spécificité juridique des enfants. Il est à craindre que la notion juridique d'enfant soit selon les contextes, opposée à la notion ethno-anthropologique de l'enfant, voire à la psychologie personnelle de l'individu considéré. L'enfant du droit international des droits de l'homme n'est pas un personnage monolithique. L'enfant est un personnage éclaté et son concept est autonome. La Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), suivie en cela par d'autres textes, retient le critère de l'âge, du nombre de jours passés sur la terre : est enfant, au sens de la convention de New York, « tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plutôt en vertu de la législation qui lui est applicable »29. Il faut donc distinguer l'enfance et la majorité. Dix-huit (18) ans, c'est l'âge de la majorité pour tous les Etats qui ratifient la convention. Mais cette majorité peut fluctuer en fonction des lois nationales. En d'autres termes, la Convention des Nations Unies, à la différence de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, abandonne une bonne part de la définition de la notion même d'enfant aux ordres juridiques nationaux et d'autres réglementations internationales. Les différences sont, à ce sujet, particulièrement importantes d'un Etat à un autre. En matière de conflits armés, l'âge de 18 ans émerge dans le consensus de la communauté internationale, au regard du protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés adopté le 25 mai 2000. Comment comprendre que, le terme de l'enfance étant déjà échu, un individu soit toujours traité comme un enfant notamment en matière matrimoniale ou électorale ? Prenons l'exemple de la notion même d'enfant, selon la législation qui lui est applicable. La Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (CADBE) est plus stricte : l'enfant désigne ici aux termes de l'article 2 de ladite convention

sentimiento », Revista de ciencias humanas, n°30, Universidad tecnologica de Pereira, Colombie, décembre 2002. Pour l'auteur, l'histoire de l'enfance débute avec Ariès (1973) qui a montré justement le caractère invisible des conceptions de l'enfance. Dans ce sens, Salinas Meza (R.), « La historia de la infancia, una historia por hacer », Revista de historia social y de las mentalidades n° 5, Santiago, 2001, p. 11. « La présence de l'enfant dans l'histoire a été une authentique présence occulte ce qui rend très difficile la tâche de l'historien quand il veut identifier ces traces car elles se confondent presque toujours avec celles de la vie des adultes ».

28 FOUCAULT (M.), Surveiller et punir, Gallimard, 1987, p. 143.

29 Article 1er Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989.

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« tout être humain âgé de moins de 18 ans ». Si l'on s'en tient à la situation actuelle du droit positif ivoirien, elle assimile l'enfant au mineur ; elle semble aussi s'aligner sur la flexibilité de la CIDE. La difficulté concernant ce concept, est qu'en droit ivoirien, il existe diverses acceptions de minorité : la minorité pénale fixée à moins de 18 ans30, la minorité civile à moins de 21 ans31; le code électoral ivoirien retient aujourd'hui l'âge de 18 ans pour la majorité électorale32 alors qu'avant cette période , elle était fixée à 21 ans; Aux termes de l'article 23.8 du code du travail ivoirien , les enfants ne peuvent être employés dans une entreprise, même comme apprentis, avant l'âge de quatorze ans, sauf dérogation édictée par voie réglementaire. L'enfant en Côte d'Ivoire moderne n'est donc pas une réalité juridique monolithique. Pire, en Côte d'Ivoire, diverses considérations d'ordre socio-culturel, exercent encore aujourd'hui une certaine influence sur la conception de la notion d'enfant ainsi que des droits à lui reconnus.

Dans le cadre de la présente étude, l'enfant sera défini au regard de la définition de cette notion en droit international des droits de l'homme. Par enfant, nous viserons donc, tout être humain âgé de moins de 18 ans conformément à la CIDE ratifiée par la Côte d'Ivoire.

Au regard de la vulnérabilité de l'enfant, la communauté internationale en est arrivé, à lui concéder au-delà des droits partagés avec les adultes, une protection particulière à travers ce qu'il est convenu d'appeler droits de l'enfant. Mais que recouvre cette notion de droits de l'enfant ?

b. Droits de l'enfant

Traiter des droits de l'enfant revient d'abord, en réalité, à poser la problématique générale de la démarche juridique internationale relative à l'enfant, ses déterminants, ses acteurs, son contenu et son effectivité. Les instruments, normatifs ou institutionnels, évoluent en effet en rapport avec un milieu, une époque, dont ils traduisent et reflètent les idées et les préjugés. Cela est vrai en général (ubi societas ibi jus) pour le droit, cela l'est encore plus particulièrement pour le domaine des droits de l'homme, indépendamment de toute

30 Article 14 du code pénal ivoirien.

31 Article 1er de la loi de 1970 sur la minorité.

32 Article 3 de la loi N°2000-514 du 1er Août 2000 portant code électoral.

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perspective de relativisme culturel33. Le droit des droits de l'homme, et spécifiquement le droit international des droits de l'homme, est fondamentalement un droit idéologique34,un droit subversif sur le plan juridique, politique, économique, social et aussi culturel. Il bouscule, avec la question des femmes et des enfants, des logiques culturelles et de civilisation longtemps ancrées, des équilibres sociaux dont l'origine relève parfois du mythe, des arbitraires intériorisés dont l'objectivation ne va pas sans résistances et déchirements. Parler des droits de l'enfant, dire que l'enfant est une personne pourvue de sa dignité propre et de son autonomie, ne va pas de soi. Que le droit international énonce que « l'enfant n'est pas la propriété de ses parents, ni de l'Etat, ni d'une église quelconque, ni de qui que ce soit »35 est une attitude révolutionnaire. Elle l'est d'autant plus que, par le principe de l'universalité qui l'imprègne ou, en tout cas, par la prétention à l'universalité qui le soutend, le droit international des droits de l'homme a une dynamique d'harmonisation, de rapprochement des politiques étatiques et de convergence des logiques culturelles vers l'idéal commun à atteindre, vers une conception commune des droits et libertés de l'homme, selon les termes de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. La sanctuarisation de la personne de l'enfant sur le plan international est un élément important de la conscience juridique internationale de notre époque, une conscience qu'il faut traduire en actes concrets, constants et quotidiens.

Il importe, à titre liminaire, de retracer brièvement l'historique de la protection de l'enfant en droit international et de présenter brièvement les principaux textes pertinents, d'exposer ensuite les déterminants fondamentaux de cette protection.

i. Evolution historique et données fondamentales de la protection internationale des droits de l'enfant

33 MBONDA(E-M) « Les droits de l'homme à l'épreuve du droit à la différence »In Cahier de l'UCAC, n°2,1997, Yaoundé, pp.33-52.

34 SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'homme, Paris, PUF, 2016, pp.30 et ss;MEGRET (F.), « L'étatisme spécifique du droit international », Revue québécoise de droit international, 24.1 (2011) p125-127.

35 LOPATKA (A), « Le droit de l'enfant fait apparaître la complexité du noyau intangible » in Meyer-Bisch, P. Le noyau intangible des droits de l'homme, Fribourg, suisse, 1991, p.77.

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L'enfant n'intègre pas les préoccupations de la société internationale seulement aujourd'hui36. Au début du 20ème siècle déjà, dans le prolongement de la lutte contre l'esclavage37 et la traite, est signé le 18 mars 1904, l'Arrangement international pour la répression de la traite des femmes et des enfants38 ; il faut mentionner ensuite la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui du 02 décembre 194939. Toutefois, il est universellement admis, non sans raison, de considérer que le premier texte portant spécifiquement sur les droits de l'enfant est la Déclaration sur les droits de l'enfant adoptée à Genève le 26 septembre 1924, à l'initiative de l'Union internationale des secours aux enfants, une organisation britannique, et ce bien que depuis 1919, existait déjà dans le cadre de la SDN, un comité de protection de l'enfant. Cette déclaration de 1924 sera révisée en 1948. Sur la base de ces précédents et grâce au travail du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) créée le 11 Décembre 194640, sera adoptée le 20 Novembre 1959, une nouvelle déclaration des droits de l'enfant.

Le 20 Novembre 1989, est adoptée la Convention internationale sur les droits de l'enfant (CIDE)41, malgré la réticence de certains Etats soucieux de limiter l'inflation normative en matière de droits de l'homme. Cela ne signifie pas cependant que, avant la CIDE, les droits de l'enfant n'étaient pas protégés au plan universel et qu'ils ne relevaient que du droit déclaratoire, du droit mou. Non seulement les droits fondamentaux de l'homme et donc ceux de l'enfant font partie de ce bloc d'obligations qui s'imposent aux Etats, même en dehors de

36 KAMGA (B.K), « La codification internationale des normes relatives aux droits de l'enfant » in Les petites affiches, 30 Novembre 1990, n° 144, pp.13-19. ; CLERGERIE (J.-C.) « L'adoption d'une Convention internationale sur les droits de l'enfant » in RDP, 1990, pp.435 et ss.

37 Pour messieurs Ibrahima Baba KAKE et ELIKIA M'BOKOLO, « parmi les faits les plus répréhensibles de l'histoire de l'humanité, l'esclave tient la première place. Il est l'acte le plus attentatoire à l'égard des droits de l'homme puisqu'il nie la dignité humaine, fondement de ces droits, à une catégorie d'individus » Ibrahima Baba KAKE (I-B) et M'BOKOLO (E.), Histoire générale de l'Afrique, ABC, Paris, 1977, p.9. ; MEMEL-FOTE (H.), L'esclavage lignager africain et l'anthropologie des droits de l'homme, Leçon inaugurale au Collège de France, Lundi 18 décembre 1995, p.28.

38 GARCIA (L.), La traite des femmes pour les fins de prostitution : les conventions internationales et la législation canadienne sur le sujet, mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en droit international, Université de Québec à Montréal, Octobre 2009, pp.44-48.

39 NATIONS UNIES, Recueil des traités, vol.96, p.271.

40 https://www.unicef.org/french/about/who/index_history.html (Consulté le 02 mai 2018).

41 http://www2.ohchr.org/french/law/crc.htm (consulté le 23/09/2013).

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tout lien conventionnel42, mais en plus, des instruments à portée obligatoire incluaient les droits de l'enfant. Il en est ainsi de la Convention du 10 Décembre 1962 sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages43, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l'article 2444 est remarquable de clarté, le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 10), les conventions du 12 Août 1949 relatives au droit humanitaire des conflits armés ainsi que les protocoles additionnels de 1977 ( articles 77 et 78 du Protocole additionnel n°I45), les conventions de l'OIT dont l'une des plus importantes, adoptée le 17 Juin 1999 à Genève, sous le numéro 182 des instruments de l'OIT, concerne l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination.

A côté des conventions universelles, il existe des textes régionaux, soit généraux avec des dispositions spécifiques sur les enfants, soit des conventions spécifiques sur les droits de l'enfant. Il en est ainsi de la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant46, de la Convention européenne sur le statut juridique des enfants nés hors mariage du 15 Octobre 1975, de la Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants du 26 janvier 1996. Cette panoplie de textes s'est enrichie depuis le 25 mai 2000 de deux protocoles facultatifs à la CIDE : l'un concernant l'implication des enfants dans les conflits armés, l'autre concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Les instruments ne sont pas seulement conventionnels ou résolutoires : il faut mentionner, dans ce panorama, des stratégies telles que l'année internationale de l'enfance déclarée en 1979 par les Nations Unies, les Règles de Beijing de 1985 relatives à la justice pour mineurs, la Déclaration et le Plan d'Actions issus du Sommet mondial des enfants en 1990.

42 C.I.J, « Réserves à la convention sur la présentation et la répression du crime de génocide» Avis consultatif du 28 mai 1951, Recueil 1951, pp.15 et ss.

43 RAYOU (Y.) « Les enfants nés hors mariage en Algérie : la vulnérabilité par la négation du droit ». in Otis, G. (Dir.) Démocratie, droits fondamentaux et vulnérabilité. Actes des troisièmes journées scientifiques du réseau « droits fondamentaux »tenues au Caire du 12 au 14 novembre 2005, .Presa Universitara Clujeanana, Cluj Napoca, 2006, pp.309-320.

44 http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm (consulté le 23/09/2013).

45 http://www2.ohchr.org/french/law/protocole1.htm (consulté le 20 octobre 2013).

46 http://www.achpr.org/fr/instruments/child/ (consulté le 20 octobre 2013).

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Ces nombreux textes et documents de portée juridique fort diverses, révèlent néanmoins de manière globale, une approche des droits de l'enfant sur le plan international, assise sur un certain nombre de déterminants, de principes cardinaux. Sans les développer en profondeur ici, il y a lieu cependant de les mentionner :

- Le principe de non-discrimination entre enfants, qui traduit le mieux l'universalité de leur protection. Aucune distinction de sexe, de situation sociale, de filiation47 ne doit être faite entre les enfants dans la jouissance de leurs droits ;

- Le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel doit être une considération primordiale pour tous ceux qui abordent les problèmes qui le concernent (voir article 3-1,18 -1 et 21-1 de la CIDE)48 ; En France, l'utilisation de l'expression « l'intérêt supérieur de l'enfant » a longtemps fait l'objet d'une grande hésitation. La Cour de cassation semble (...) ne l'avoir employé que deux fois avant 198949 dans son arrêt du 18 juin 197550 (...) et dans son arrêt du 10 mai 197751. Après cette date et particulièrement après le revirement de 2005, la Cour de cassation a pris l'habitude de recourir à cette expression, sans pour autant écarter le seul intérêt de l'enfant. En effet, la jurisprudence française manifeste une certaine réticence à substituer totalement « « l'intérêt supérieur » à « l'intérêt » de l'enfant52». Soutenue par une grande partie de la doctrine qui critique ce recours inflationniste à la notion d'intérêt supérieur de l'enfant, Adeline GOUTTENOIRE affirme : « Intérêt supérieur de l'enfant : point trop n'en faut53 ». Jean HAUSER renchérit, à son tour, qu' « on sait, qu'après avoir beaucoup hésité, la Cour de cassation a fini par accepter l'effet direct de la Convention internationale sur les droits de l'enfant et notamment le critère du fameux

47 RAYOU (Y.) « Les enfants nés hors mariage en Algérie : la vulnérabilité par la négation du droit ».in Otis, G. (Dir.) Démocratie, droits fondamentaux et vulnérabilité. Actes des troisièmes journées scientifiques du réseau « droits fondamentaux »tenues au Caire du 12 au 14 novembre 2005.Presa Universitara Clujeanana, Cluj Napoca, 2006, pp.309-320.

48 Voir RUBELLIN-DEVICHI (J.), « Le principe de l'intérêt de l'enfant dans la loi et la jurisprudence françaises » in Revue française des affaires sociales, n°4, oct.-déc. 1994, 28 novembre 1994, p.159.

49 LEBRETON (G.), « Le droit de l'enfant au respect de son intérêt supérieur. Critique républicaine de la dérive individualiste du droit civil français », CRDF n° 3, 2003, p.80.

50 Cass. Civ. 2ème ,18 juin 1975, Yamani, arrêt n°462.

51 Cass. Civ. 1re, 10 mai 1977, Ballesteros arrêt n°386.

52 LEBRETON (G.), op. cit. p.80.

53 GOUTTENOIRE (A.), Droit de la famille, comm. 28, février 2006, p.22.

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« intérêt supérieur de l'enfant »54 ». Les confusions qui peuvent être suscitées par cela ne sont pas minimes.

En effet, l'affrontement sémantique de ces deux expressions n'est que « l'arbre qui cache la forêt » étant donné que le qualificatif « supérieur » n'est pas le premier problème. La formule simple de l'intérêt de l'enfant, elle-même, est « parfaitement fuyante (...) propre à favoriser l'arbitraire judiciaire55 ».

- Le droit pour tout enfant de faire entendre ses points de vue ou opinions dans toutes les questions qui le concernent, dès lors qu'il a l'âge du discernement. Il s'agit là d'une véritable révolution puisqu'on est loin de l'infans latin, celui « qui ne parle pas ». Comme le dit Michel MANCIAUX, le droit à la parole « est un droit fondateur qui fait sortir l'enfant de son statut d'objet sans voix »56 ;

- Le rôle fondamental de la famille (famille nucléaire, élargie ou même la communauté) dans l'éducation de l'enfant57;

- Le principe de la prise en compte de l'importance des traditions et valeurs culturelles de chaque peuple dans la protection et le développement harmonieux de l'enfant58;

- Le principe de l'application de la règle la plus favorable à l'enfant. Le droit international des droits de l'homme est un standard minimum commun et ne saurait interdire que les Etats soient plus généreux pour les enfants dans leurs législations nationales respectives.

Ces considérations exposées, il importe d'évoquer tour à tour l'énoncé des droits et devoirs de l'enfant d'une part, et la mise en oeuvre des droits de l'enfant, d'autre part.

54 HAUSER (J.), « L'intérêt supérieur de l'enfant et le fait accompli : une filiation quand je veux et avec qui je veux, par n'importe quel moyen », RTD Civ. 2008, p.93. ; Voir aussi du même auteur « Ordre public de direction : le retour ou le chant du cygne ? Adoption plénière, reconnaissance et mère porteuse, adoptions simples et père incestueux », RTD Civ. 2004, p.75.

55 GOBERT (M.), Le droit de la famille dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Conférence, Cycle Droit et technique de cassation 2005-2006, Neuvième conférence, 11 décembre 2006, publiée sur le site de la Cour de Cassation. (Consulté le 02/05/2013).

56 MANCIAUX (M.), « Les droits de l'enfant : leur évolution au regard de la protection et de la promotion de la santé de l'enfant, de la famille et de la communauté ».In RILS, 1998, vol.49-1, p.250. ; Voir l'Observation générale n°12(2009) du Comité des droits de l'enfant, Le droit de l'enfant d'être entendu, .CRC/C/GC/12 du 20 juillet 2009.

57 Article 5 CIDE.

58 12ème considérant du préambule de la CIDE.

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ii. L'énoncé des droits et devoirs de l'enfant

Suivant l'article 29-1 de la déclaration universelle des droits de l'homme, « l'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible ». L'énoncé des droits de l'enfant est allé de pair, surtout dans le contexte africain, avec celui corrélatif de devoirs.

Bien que ce soit « un raccourci peu facile »59, on a coutume de ramener les droits de l'enfant au triptyque suivant : protection, prestations, participation. L'enfant s'est vu reconnaitre presque toutes les catégories de droits (droits civils, droits économiques et sociaux, droits culturels), à l'exclusion peut être des droits de la troisième génération. Sans vouloir rentrer dans le détail de tous ces droits, l'on peut les regrouper, en suivant le Professeur Pascale BOUCAUD60, en cinq rubriques : le droit à la vie, le droit à l'identité et aux attributs de la personnalité, les libertés fondamentales, la protection contre toute forme de violence, le droit aux prestations économiques, sociales et culturelles :

- L'enfant a droit à la vie et à la survie : Le droit à la vie ne signifie pas seulement le droit de n'être pas tué, de n'être pas de manière arbitraire privé de sa vie ; il implique aussi le droit de ne pas être placé dans les conditions d'existence telles que la mort apparaisse comme l'horizon inévitable et immédiat61. La question la plus complexe en rapport avec le droit à la vie de l'enfant est celle de savoir si la vie avant la naissance est aussi protégée par le droit international, comme l'est sans conteste la vie après la naissance. Mettant sur la sellette la question de l'avortement et la diversité des régimes juridiques de cette pratique à travers le monde, cette question n'obtient aucune réponse ferme et unanime. En fait, il règne une troublante indécision du droit international en la matière, à l'exception de la Convention américaine des droits de l'homme qui proclame que le droit à la vie « doit être protégé par la loi, et en général à partir de la conception ». On regrettera la fâcheuse expression « en général » qui affaiblit la proclamation. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples est muette sur la question. Peut-être, faut-il voir une expression discrète de la

59 MANCIAUX (M.) « La convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant : que changera-t-elle ? ». in R. I..L.S., 1991, vol.42-1p.177.

60 BOUCAUD (P.) « Peut-on parler d'un noyau intangible des droits de l'enfant ? ». In. Meyer Bisch, op.cit. pp.81-96.

61 OLINGA (A.D.) «le droit à des conditions matérielles d'existence minimales en tant qu'élément de la dignité humaine ».In Marin, J.Y (Dir.).Les droits fondamentaux, Bruylant, Bruxelles, 1997, pp.91-103.

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position africaine dans l'article 14 du Protocole de Maputo à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples62, relatif aux droits de la femme, lequel article prévoit que l'avortement médicalisé peut être autorisé par les Etats dans les circonstances bien précises, y compris « lorsque la grossesse met en danger (...) la vie de la mère ou du foetus ». En évoquant « la vie du foetus », le Protocole de Maputo du 11 juillet 2003 reconnait dans le foetus une vie humaine, une vie à protéger, une vie qui ne peut être interrompue que si la grossesse la met, en tout état de cause, en danger ; c'est-à-dire, semble-t-il, si cette vie naissante n'a aucune chance plausible d'être viable à la naissance. Le foetus n'aurait donc pas dans ce cadre un droit à la vie de caractère absolu. Lorsque la vie de la mère est en jeu, « l'avortement se trouve couvert par une limitation implicite du droit à la vie du foetus pour, à ce stade, protéger la vie et la santé de la femme »63. En somme, pour beaucoup d'auteurs, « le droit à la vie ne paraît intangible que pour l'enfant déjà né, à compter du jour de sa naissance, jusqu'à sa majorité »64 ; tout au plus, consent-on à admettre que « la protection juridique de l'enfant avant la naissance est une question toujours ouverte dans le droit international »65.

Pourtant, une disposition pourrait, non pas résoudre les problèmes, mais fixer une ligne de conduite, le 9è paragraphe du préambule de la CIDE, reprenant en cela les termes de la Déclaration de 1959 : l'enfant a besoin d'une protection juridique appropriée « avant comme après la naissance ». Le Saint-Siège, au moment de ratifier ce texte, a fait une déclaration exprimant sa conviction que ce passage du préambule « guidera l'interprétation de l'ensemble de la convention »66. L'attitude des Etats reste contrastée. Au moment de sa ratification de la CIDE, le Royaume-Uni déclare que selon son interprétation, « la convention n'est applicable qu'en cas de naissance vivante »67 alors que pour l'Argentine, « le mot enfant doit s'entendre de tout être humain du moment de la conception jusqu'à l'âge de 18 ans »68 ;

62 http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr/ (consulté le 22 octobre 2013).

63 Commission Européenne des droits de l'homme, Xème. Royaume-Uni, 13 Mai 1980, Décisions et Rapports n°19, p.244.

64 BOUCAUD (P.) op.cit.

65 LOKPATA (A.)op.Cit.p.76.

66 Doc.CRC/C/2/Rev.5 du 30 juillet 1996, p.32.

67 Idem, p.31.

68 Idem, p.13.

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- S'agissant de la protection de l'identité et des attributs de la personnalité de l'enfant, il faut également évoquer un ensemble de droits : le droit d'être enregistré aussitôt après la naissance, de recevoir un nom, d'acquérir une nationalité, de connaître une vie familiale normale, c'est-à-dire connaître autant qu'il est possible ses deux parents, lesquels ont une responsabilité commune pour l'élever, ne pas être séparé d'eux autant que se faire se peut, sauf pour l'Etat à suppléer l'absence de famille. L'adoption de l'enfant est réglementée, encore qu'elle soit très souvent proscrite par certaines cultures, notamment islamiques. L'enfant a droit au respect de sa vie privée, de son domicile et de sa correspondance. Le Mali a clairement fait savoir qu'une telle disposition était inapplicable, compte tenu du code de la famille de ce pays69 ;

- S'agissant des libertés fondamentales, l'enfant jouit de la liberté d'expression ;
en particulier, il a le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, dès qu'il est capable de discernement. Ce droit de l'enfant à la parole, qui est un droit d'être entendu et écouté et non pas un droit d'être suivi, un droit qui risque de se heurter à des difficultés culturelles qui ne conçoivent pas que les cadets sociaux, et, a fortiori, des enfants, puissent prendre la parole au milieu des aînés ou adultes, quelques fois même pour des questions qui les concernent directement. Ce droit à la parole peut aboutir à conférer à l'enfant un locus standi devant les instances judiciaires, lorsqu'il y va de ses intérêts. L'enfant jouit de la liberté de pensée, de conscience, de religion, d'association, de réunion ; il jouit du droit à un procès équitable ;

- L'enfant est protégé contre toute forme de violence, de mauvais traitements
ou d'exploitation. Il doit être mis à l'abri de la torture, des traitements cruels, inhumains ou dégradants, au sein de la famille ou en dehors de celle-ci, il doit être mis à l'abri des combats armés, de l'exploitation économique, de l'usage des stupéfiants, de l'exploitation sexuelle, des enlèvements, de la vente ou de la traite. La Charte africaine des droits et le bien-être de l'enfant précise, à son article 1er, que « toute coutume, tradition, pratique culturelle ou religieuse incompatible avec les droits, devoirs et obligations énoncées dans la présente Charte doit être découragée dans la mesure de cette incompatibilité ». Pour être une formule

69 Doc.CRC/C/2/Rev.5 du 30.7.1996, p.25.

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pudique, cette expression indique incontestablement les pratiques telles que l'excision et l'infibulation, pratiques pouvant être rangées parmi les tortures psychologiques ;

- S'agissant des droits économiques, sociaux et culturels, l'enfant a droit à la santé, à la sécurité sociale, à un niveau de vie suffisant, aux loisirs et la vie culturelle ; les enfants en situation de handicap ont droit à une protection spéciale, de même que les enfants réfugiés ou des enfants appartenant à des minorités ou des populations autochtones. Il convient d'insister sur le droit à l'éducation. L'Etat doit offrir l'infrastructure de base pour l'éducation des enfants, l'enseignement primaire étant obligatoire et, progressivement, gratuit70. Tout en reconnaissant et préservant le droit des parents de choisir le type d'éducation à dispenser à leurs enfants, le droit international précise le but visé par l'éducation donnée aux enfants. Quel que soit le type d'éducation choisi, il doit tendre à l'épanouissement de la personnalité de l'enfant, du développement de ses capacités et potentialités, du respect des droits de l'homme et libertés, du milieu naturel, à préparer l'enfant à vivre dans une société libre, tolérante et humaine71. Toutefois, il est difficile de juger la légitimité d'un système d'éducation, dès lors que l'enfant doit aussi être instruit du respect de ses valeurs culturelles et des valeurs nationales du pays dans lequel il vit. Ces valeurs sont-elles toujours compatibles avec les droits de l'homme, et particulièrement des droits de l'enfant ? La question mérite d'être posée.

Après cet exposé des droits, il convient de préciser que leur universalité est très loin d'être acquise. Bien que la CIDE soit aujourd'hui ratifiée par plus de 190 sujets de droit international susceptibles de rentrer dans un lien conventionnel72, les ratifications sont grevées de très nombreuses et non moins dangereuses réserves qui fragilisent en fin de compte le consensus dont la convention se veut le reflet. Par exemple, la quasi-totalité des Etats ayant l'islam pour religion ont déclaré que les dispositions de la convention incompatibles avec l'islam et la charia sont inapplicables. En fait, ces Etats ne s'engagent à respecter que ce qui existe dans leur droit national respectif.

70 Il faut rappeler que l'article 26 de la Déclaration Universelle des droits de l'homme énonce que « l'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental » et que cette Déclaration est intégrée dans la Constitution ivoirienne du 1er Aout 2000.

71 Voir l'observation générale n°1 du Comité des Droits de l'enfant intitulée « Les buts de l'éducation ». Doc.CRC/GC/2001/1 du 17 avril 2001.

72 Seuls les USA, la Somalie et le Sud Soudan n'ont pas ratifié la CIDE.

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Outre les droits reconnus à l'enfant, la problématique des devoirs de l'enfant se retrouve principalement dans le cadre africain, lequel met un point d'honneur à exhiber la consécration des devoirs comme un élément de spécificité. C'est l'article 31 de la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant qui traite de ces devoirs. Tout enfant a des responsabilités envers sa famille, la société, l'Etat et toute autre communauté légalement reconnue ainsi qu'envers la communauté internationale. Plus précisément, l'enfant doit : - OEuvrer à la cohésion de sa famille, respecter ses supérieurs et les personnes âgées en toutes circonstances et les assister en cas de besoin ;

- Servir sa communauté nationale, renforcer la solidarité de la société et de la nation ;

- Préserver le bien être moral de la société ;

- Contribuer à la réalisation de l'unité africaine.

La remarque que l'on peut faire est celle selon laquelle, compte tenu de leurs formulations mêmes, les devoirs imposés à l'enfant ont une portée limitée et foncièrement abstraite, notamment ceux qui débordent la sphère familiale et scolaire et qui semblent concerner plus les adultes que les enfants. Certes, l'enfant doit être éduqué en ce sens que les droits ne sont pas absolus ou illimités, mais il ne faudrait pas oublier que le but du droit international des droits de l'homme est de le protéger d'abord et non de l'obliger ou de le contraindre. Aussi, ne traiterons-nous que des droits de l'enfant à l'exclusion de ces devoirs.

3. La mise en oeuvre des droits de l'enfant

La mise en oeuvre des droits de l'enfant ne présente pas d'originalité particulière par rapport aux autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. L'effectivité des droits de l'enfant doit être assurée à la fois sur les plans international que national.

a. La mise en oeuvre des droits de l'enfant sur le plan international

Au plan international, l'effectivité des droits de l'enfant est promue tant par des mécanismes non conventionnels que par des procédures conventionnelles. Sur le plan non conventionnel, mention doit d'abord être faite de l'UNICEF, mise en place en 1946 et dont l'action en faveur de l'enfant, en dépit des difficultés inévitables, doit être saluée et encouragée. Il faut mettre également en évidence l'action d'autres institutions internationales

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telles que l'UNESCO, l'OMS ou l'OIT dont l'action en ce qui concerne le travail des enfants est aujourd'hui considérable.

Par ailleurs le Conseil des Droits de l'homme, à la suite de la Commission des Droits de l'homme des Nations Unies, peut recevoir des cas, diligenter des enquêtes en rapport avec les droits de l'enfant, initier des études, examiner la situation des enfants dans tel ou tel pays. Une attention particulière doit être portée sur les mécanismes de suivi de la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement des enfants, de même que le plan d'actions qui lui est annexé, lequel était valable jusqu'à l'an 2000 et comprenait un certain nombre d'objectifs à atteindre en termes de taux de mortalité, de taux de malnutrition, d'accès à l'eau potable, à l'éducation de base, de protection de l'enfant en situation de conflit armé. La conférence de 1990 a élaboré une stratégie de financement qui vise à assurer la disponibilité des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins essentiels et combattre les pires aspects de la pauvreté : c'est la fameuse initiative 20/20. L'idée est que les pays en développement consacrent au moins 20% de leurs budgets nationaux aux services sociaux de base et que les pays industrialisés affectent 20% de leur aide au développement au même but. L'initiative a été examinée en 1996 et réexaminée depuis lors.

Sur le plan conventionnel, il faut dire que les conventions générales comportant des dispositions relatives aux enfants possèdent des mécanismes de contrôle qui peuvent être utilement actionnés au profit des enfants : d'abord la procédure d'examen des rapports périodiques, puis celles des communications, devant le comité des Droits de l'homme ou la commission africaine de Banjul. Plus spécifiquement, la CIDE est suivie dans son application par un comité des droits de l'enfant qui compte 10 membres élus pour 4 ans et siège à New York. Son rôle se limite à examiner les rapports que les Etats parties à la convention doivent lui faire parvenir, d'abord deux ans après sa ratification, puis tous les cinq ans. L'action de cet organe est aujourd'hui particulièrement consistante et constitue une mine d'informations sur les politiques nationales en faveur des enfants. En Afrique, la Charte relative au droit et au bien-être de l'enfant a mis sur pied, un comité d'experts fonctionnels depuis que la Charte est entrée en vigueur. Le comité d'experts africains non seulement reçoit des rapports périodiques des Etats, mais aussi, reçoit et examine des plaintes individuelles, procédant de la mauvaise ou de la non-application des textes sur le plan national.

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b. La mise en oeuvre des droits de l'enfant sur le plan national

Par leur proximité, leur connaissance du milieu, les instances nationales sont en première ligne pour la protection des droits de l'enfant. Le niveau international pour les rouages conventionnels, est toujours subsidiaire. L'essentiel des dispositions des instruments internationaux placent l'Etat au coeur du système international de protection des droits de l'enfant. Pèsent sur lui, à la fois des obligations négatives mais surtout des obligations positives. Le fait que l'Etat soit partout dans la convention des Nations Unies a abouti à d'inextricables problèmes juridiques, notamment sur le terrain de l'applicabilité directe de l'instrument. En France, la Cour de cassation a estimé qu'il résulte du texte même de la convention du 26 janvier 1990 que, conformément à l'article 4 de celle-ci, ces dispositions ne créent d'obligations qu'à la charge des Etats parties, de sortes qu'elles ne peuvent être directement invoquées devant les juridictions73. Le Canada, pays dualiste, n'admet pas l'applicabilité directe de la CIDE74. Le gouvernement allemand, lors de la ratification de la convention, a déclaré que celle-ci « ne s'applique pas directement sur le plan intérieur. Elle impose aux Etats des obligations de droit international (...) »75. C'est à dire qu'au-delà de la ratification formelle, le destin de la règle internationale relative au droit de l'enfant connaît des (in) fortunes diverses d'un Etat à un autre.

S'agissant de la Côte d'Ivoire, il faut dire que ce pays a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant. En particulier, elle a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant (CIDE) le 04 Février 1991. De même, la Côte d'Ivoire a ratifié,

73 Cass.Fr.1ere Civ., 15 juillet 1993 XC. A.S.E du val de Marne. Voir sur cette jurisprudence OLINGA (AD), « L'applicabilité directe de la convention internationale sur les droits de l'enfant devant le juge français », R.T.D.H., 1995, N°24, pp.678-714.

74 Voir LA VALLEE (C.) « La convention internationale relative aux droits de l'enfant et son application au Canada » in RIDC, 3-1996, pp.65-630. ; De la même auteure, voir « L'actualisation des droits de l'enfant dans une perspective globale. Entre l'universalité de la convention relative aux droits de l'enfant et les particularismes de la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant ». In Otis G. (Dir.).Démocratie, droits fondamentaux et vulnérabilité. Actes de troisièmes journées scientifiques du réseau « droits fondamentaux » tenues au Caire du 12 au 14 novembre 2005. Presa Universitara Clujeana, Cluj Napoca, 2006, pp. 267-290. ; dans le même ouvrage, voir l'article de MARTIN-CHENUT (K.) « le modèle d'intervention à l'égard de l'enfance délinquante prôné par le droit international des droits de l'homme comme hybridation des modèles existants en droit comparé », pp.291-307. ; Voir aussi Nations Unies, Doc.HRI/Core/1/Add.91 du 12 janvier 1998, p.31.

75 Doc.CRC/C/2 REV.5 du 30.7.1996, p.11.

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par le biais du décret n° 2002-47, la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant(CADBE), puis, en 2003, la Convention 182 de l'OIT sur l'âge minimum ainsi que la convention 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants. Il ne semble pas, suivant une pratique ivoirienne longtemps dénoncée, et qui, souhaitons-le, s'estompera à brève échéance, qu'il ait eu une réflexion préparatoire sérieuse avant la ratification de ces instruments, notamment quant aux conséquences normatives, institutionnelles, politiques et financières qu'ils comportent. Se pose aussi le problème de l'introduction des normes relatives aux droits de l'homme en droit interne. En principe, les traités régulièrement ratifiés sont automatiquement intégrés dans l'ordre juridique ivoirien et bénéficient d'une autorité supérieure aux lois ordinaires76 ; les normes internes qui leur sont contraires, à défaut d'être formellement annulées ou exclues de l'ordre juridique par les procédures consacrées, doivent rester inappliquées. Point n'est besoin d'une loi ou d'un texte quelconque supplémentaire pour permettre au texte ratifié de déployer ses effets, sauf si ses dispositions exigent absolument des mesures juridiques complémentaires. Toutes les dispositions autosuffisantes sont directement invocables devant les tribunaux. La Côte d'Ivoire est un pays dont l'ordre juridique interne est de tendance moniste vis-à-vis de l'ordre juridique international. Exiger qu'une loi soit adoptée avant que les dispositions d'un traité soient invocables serait créer une procédure de « réception » des traités que la Constitution de ce pays ne connaît pas, exception faite des traités de paix, des traités relatifs à l'organisation internationale ou des traités modifiant les lois internes de l'Etat ivoirien77.

Reste un problème de conciliation d'instruments internationaux portant sur le même objet, dans le même ordre juridique. Prenons l'exemple de la notion même d'enfant, selon la législation interne qui lui est applicable. La Charte africaine est plus stricte : l'enfant désigne ici « tout être humain âgé de moins de 18 ans » (art. 2). Si l'on s'en tient à la situation actuelle du droit positif ivoirien, elle assimile l'enfant au mineur ; elle semble aussi s'aligner sur la flexibilité de la CIDE. Pourtant, on peut penser qu'en cas de contradiction entre les

76 Article 87 de la Loi N°2000-513 du 01er Aout 2000 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire, reprise à l'article123 de la Constitution du 08 novembre 2016 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque traité ou Accord, de son application par l'autre partie. ».

77 Article 85 de la Loi N°2000-513 du 01er Aout 2000 portant constitution de la Côte d'Ivoire, reprise à l'article 120 de la loi n° 2016-886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire : « Les traités de paix, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui modifient les lois internes de l'Etat ne peuvent être ratifiés qu'à la suite d'une loi. ».

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dispositions de la CIDE et celles de la Charte africaine, ces dernières doivent l'emporter, non seulement du fait de leur postériorité aux dispositions onusiennes, mais aussi du fait de leur spécialité régionale, les signataires de la Charte africaine étant aussi signataires de la CIDE, dont ils connaissaient les prescriptions au moment de leurs discussions. Les dispositions plus contraignantes de la Charte africaine l'emportent sur celles plus souples de la CIDE. C'est la règle en matière d'interprétation de traités successifs78.

Outre la notion de « droits de l'enfant », notre opération définitoire s'attachera à présent à analyser celle relative à notion de « norme ».

B. NORME

Du latin norma, qui exprime l'idée de « règle », le terme « norme »79 peut être rapproché d'un ordre, d'une prescription. Dans le cadre de cette étude, on considérera tout d'abord à la suite de Hans Kelsen qu'une norme est la « signification d'un acte de volonté »80. Cet acte est celui « par lequel une conduite est ou prescrite, ou permise et en particulier habilitée »81. Cette définition de la norme en tant que signification d'un acte de volonté semble pouvoir recueillir l'accord des deux principaux courants du positivisme juridique, le courant normativiste comme le courant réaliste82, même si ses implications théoriques varient selon le point de vue à partir duquel on se place. A ce stade de l'analyse, on peut se limiter à retenir que le point de divergence entre ces deux courants porte sur le véritable titulaire du pouvoir normatif83. Dans une optique normativiste, l'acte de volonté est en principe accompli par le législateur et le rôle des juges se limite à appliquer la norme qui résulte de cet acte. Au

78 Article 30 convention de Viennes sur le droit des traités.

79 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, pp.12-13.

80 KELSEN (H.), Théorie générale des normes, (1979), Léviathan, PUF, 1996, p.2. ; BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, pp.12.

81 KELSEN (H.) Théorie pure du droit, 2ème ed., (1960),trad.Ch. Eisenmann, LGDJ Bruylant, 1999, p.13. ; BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, pp.12.

82 MILLARD (E.), « Qu'est-ce qu'une norme juridique ? », CCC, n°21, 2006, p.59.

83 Plus largement, v. PFERSMANN (O.), Entrée « norme », in Denis ALLAND et Stéphane RIALLS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p.1079. et s. ; MILLARD (E.) « Qu'est -ce qu'une norme juridique ? », CCC, n°21, 2006, p.59 et s.

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contraire, pour les réalistes, c'est l'interprète, et à titre principal le juge, qui accomplit l'acte de volonté exprimant la signification du simple énoncé produit par le législateur. Il en résulte dans cette optique que le pouvoir normatif se situe bien davantage du côté des juges que du côté du législateur84.

Ensuite, la norme est envisagée dans le cadre de cette étude comme l'expression d'un « devoir être »85. Pour Hans Kelsen, la norme signifie « que quelque chose doit être ou avoir lieu », il s'agit d'un acte « dirigé vers le comportement d'autrui »86. La signification de cet acte « est qu'une personne (ou d'autres personnes) doit se comporter d'une manière déterminée »87. Ainsi, dans une optique normativiste, « une norme consiste à modéliser des actions par l'obligation, la permission ou l'interdiction. Elle décrit un monde idéal, non le monde réel »88. Cela a deux implications importantes pour l'étude de l'effectivité. D'une part, la distinction entre le « devoir être » et « l'être » implique nécessairement qu'un écart est possible entre le pôle normatif et le pôle factuel. C'est dans cet interstice que se situe l'étude de l'effectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. D'autre part, l'objet du « devoir être » constitué par la norme est d'influencer l' « être », c'est-à-dire le fait. Le devoir être « entend donc gouverner les faits »89. C'est la fonction de direction des conduites humaines exercée par les normes juridiques.

Enfin, le terme de « norme » est privilégié en ce qu'il couvre un champ étendu. Il désigne en effet « un concept plus général que celui de « règle » ou de « loi », couvrant toutes les variétés d'obligations, de permissions, ou d'interdictions, quel que soit le domaine (droit,

84 Les définitions de la norme données par le dictionnaire de théorie et de sociologie du droit reflètent la divergence entre ces deux courants (M.T et D.L., in André-Jean ARNAUD (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 1ère éd., LGDJ, 1988, p.267). Ainsi, dans une optique normativiste, la norme est un « énoncé impératif ou prescriptif appartenant à un ordre ou système normatif, et obligatoire dans ce système ». La validité de la norme implique ici nécessairement son caractère obligatoire, ce qui n'est pas le cas pour les réalistes. De plus, norme et énoncé sont confondus. Dans une optique réaliste, elle est la « signification prescriptive d'un énoncé, quelle que soit sa forme, et en général de tout acte humain, au regard d'un certain ordre ou système normatif ». La norme est ici distinguée de l'énoncé qui n'en est que le support. Seule constitue une norme la signification de cet énoncé, laquelle résulte de la volonté de l'interprète.

85 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, pp.13.

86 KELSEN (H.), Théorie générale des normes, (1979), Léviathan, PUF, 1996, p.2. ; BETAILLE (J.), Op.cit, p.13.

87 KELSEN, (H.), op.cit. p.2.

88 PFERSMANN (O.), Entrée « norme », op. cit., p.1080.

89 PICARD (E.), L'impuissance publique en droit », AJDA, 1999, n° spécial, p.11.

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morale, etc.) et quel que soit le degré de généralité ou de particularité, d'abstraction ou de concrétisation »90. Il permet aussi d'inclure les « principes91 ». Cependant, seules les normes « juridiques » seront envisagées dans le cadre de cette étude. On entend par là, exclure les normes morales92 et se limiter aux normes juridiques considérées comme valides au sein d'un ordre juridique donné.

En un mot, par norme du droit international, on entend une règle ou principe de droit international public. Par exemple, le principe du respect des traités ( pacta sunt servanda) est une norme de droit international. Cette norme est considérée comme une norme de droit international public, parce qu'elle est issue d'une source du droit international public et de la procédure qui la caractérise. Pour un exemple, le principe du respect des traités est une norme de droit international public parce qu'il est issu du droit coutumier et reconnu à l'art. 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (CV1 ; RS 0.111)93. Cette distinction est importante, car une même norme de droit international public peut être issue de plusieurs sources différentes. C'est ainsi qu'il est possible de fonder le principe du respect des traités sur la règle coutumière pacta sunt servanda ou sur l'article 26 de la CV1.

Par normes internationales , nous visons ainsi principalement, les normes contenues dans la Convention Internationale des droits de l'enfant, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, mais aussi celles issues des autres instruments internationaux contraignants ou non contraignants relatifs aux droits de l'enfant, voire, des droits de l'homme et qui contribuent à un mieux-être des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

90 PFERSMANN (O.), Entrée « norme », op. cit., p.1079. ; BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.13.

91 Dans le cadre d'une critique de la distinction établie par Ronald Dworkin entre les normes et principes DWORKIN (R.), Prendre les droits au sérieux, PUF, Paris, 1996, p.80), Michel Troper objecte à juste titre que « le fait que les principes n'imposent pas une conduite précise ne signifie pas qu'ils ne sont pas des normes » (Michel TROPER, Philosophie du droit, 3ème éd., Que sais-je ?, PUF, 2011, p.75). Les principes « ne se distinguent des autres normes que par leur degré élevé de généralité ou leur caractère vague ou programmatique » (Ibid., p.76). ; .) ; BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, pp.12.

92 Une norme morale, comme toute autre norme, peut aussi être effective. Lorsqu'une norme morale correspond au contenu d'une norme juridique, son effectivité peut même venir appuyer celle de la norme juridique.

93 BESSON (S.), Droit international public. Abrégé de cours et résumés de jurisprudence, Stampfli Editions SA, Berne, 2011, p.178.

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D. REALITES LOCALES

Le terme réalité dérive de l'expression latine scolast realitas qui signifie « caractère de ce qui est réel »94. Quant à l'adjectif local, il dérive aussi du mot latin localis et signifie « qui a rapport à un lieu ». Le lieu ici visé est la Côte d'Ivoire. Par réalités locales, nous visons non seulement les pratiques traditionnelles, mais aussi et surtout l'ensemble des mesures juridiques, institutionnelles, politiques et sociales ayant cours en Côte d'Ivoire et qui ont un impact quelconque sur le vécu quotidien des enfants ainsi que de leurs droits.

La définition des termes essentiels, opérée, on peut s'autoriser à défricher le champ d'intérêt du sujet.

§ 2. INTERET DU SUJET

Au-delà du caractère filial de notre attachement à la Côte d'Ivoire et de notre militantisme95 pour la cause des droits de l'enfant, ce thème de recherches présente un double intérêt indiscutable : d'une part, un intérêt socio-politique, et, d'autre part, un intérêt scientifique qu'il convient d'exposer.

A. L'INTERET SOCIO-POLITIQUE

Cet intérêt est perceptible tant au niveau de la société nationale que de la société internationale.

1. L'importance des droits de l'enfant dans les relations internationales

Idée-force, ou maître mot, des peuples contemporains, les droits de l'homme, et incidemment, les droits de l'enfant, sont à l'ordre du jour dans le monde. Ils ont retrouvé partout, sur tous les points du globe, un regain d'honneur et d'intérêt, même si celui-ci n'est pas dénué d'arrière-pensées politiques. Un des enjeux majeurs qui se dessinent de nos jours

94 http://www.cnrtl.fr/etymologie/réalité (consulté le 22 janvier 2014).

95 Voir notre poème : NENE BI (A.D.), « Enfant, je défendrai à toujours ta cause ! », In. Misères et Espoirs : Voici ma mélodie !, Edilivre, 2018, pp. 83-84.

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est l'établissement, à l'échelle planétaire, d'un droit international adopté et respecté par tous. Les obstacles sont considérables, le principe de la souveraineté des Etats n'étant pas le moindre.

En l'absence d'un tel droit international, les tentatives d'intervenir dans les conflits locaux et les affaires nationales se multiplient. Que ce soit sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, ou au titre de l'aide humanitaire, elles se réclament et s'inspirent des droits de l'homme et prétendent oeuvrer à la protection de la personne humaine partout où elle est menacée. Il semble donc que, de plus en plus, les droits de l'homme servent de normes à ceux du citoyen, mais aussi une action politique au niveau mondial. Mais il ne faudrait pas qu'ils soient employés au détriment de la question du droit des peuples.

Assurément, une prise de conscience mondiale, va crescendo, tendant à procurer à l'être humain le plein épanouissement de sa personnalité et de sa dignité, en un mot son bonheur ; à telle enseigne que les droits de l'homme, et partant les droits de l'enfant, sont devenus, non seulement un enjeu majeur dans les relations internationales, mais aussi une conditionnalité de l'aide internationale.

a. Le respect des droits de l'enfant : un enjeu majeur dans les relations internationales

L'universalité des droits de l'enfant, loin d'être acquise dans les faits, reste cependant une affirmation forte qui trouve sa légitimation dans la plupart des instruments juridiques internationaux auxquels ont librement souscrit presque tous les Etats membres de la communauté internationale. Mais, à l'instar des droits de l'homme, les droits de l'enfant sont un discours à la fois polysémique et hégémonique ; ils sont un outil à tout faire96, avec des risques évidents d'être détournés de leurs fonctions véritables97. Ainsi, les droits de l'enfant représentent aujourd'hui un enjeu politique, géopolitique et géostratégique majeur dans les relations entre Etats. C'est ce que montre la fonction qui leur est dévolue, laquelle fonction se décline sous différentes formes.

Il s'agit d'abord d'un facteur d'intégration éthique : la Déclaration de la Conférence de Vienne de 1993 affirme que : « eu égard aux buts et principes de l'Organisation des Nations

96 YACOUB (J.), Les droits de l'homme sont-ils exportables ?, Paris, Ellipses, 2005, pp. 133-166.

97 BESSIS(S.), L'Occident et les autres, Paris, La Découverte §Syros, 2001-02, pp.238-328.

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Unies, la promotion et la protection de ces droits sont une préoccupation légitime de la communauté internationale »98. Les droits de l'enfant, tels qu'ils résultent des instruments juridiques internationaux, développent un consensus mondial quant au statut même de l'enfant. Dès lors, ne peuvent véritablement faire partie de cette communauté internationale ou s'en réclamer que ceux des Etats qui font clairement allégeance à ces valeurs des droits de l'enfant, s'engageant ainsi à les respecter et les faire respecter.

Ils sont un facteur de « civilisation »99 des Etats en tant que membres de la communauté mondiale, ce qui les engage à respecter un certain nombre d'obligations au niveau national et international. Les instruments juridiques internationaux sont des outils de mise en oeuvre et d'évaluation de cette civilisation mondiale des droits de l'homme-enfant. En ce sens, les droits de l'enfant sont un moyen de penser aux évènements tragiques, une lentille à travers laquelle notre société peut être vue et critiquée, un ensemble d'aspirations qui constitue le coeur de l'idéologie libérale. Les droits de l'homme sont devenus, selon les mots de Richard Rorty, une « vérité dans le monde100 ».

Vitrine attirante sur la scène politique internationale, les valeurs de l'Etat de droit font recette101 et sont proclamés par la plupart des Etats, du moins, en théorie. Même les Etats dont la qualification d'Etats démocratiques fait l'objet de débats comme les pays de l'Europe de l'est102, et ceux dits du Sud103, affirment constitutionnellement leur attachement à l'Etat

98 Déclaration de la Conférence des Nations unies sur les droits de l'homme du 25 juin 1993, art.4.

99 L'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 Août 1949 fait mention des garanties reconnues comme « indispensables entre les peuples civilisés ».

100 RORTY (R.), « Human Rights, rationality and sentimentality », in On Human Rights: The Oxford Amnesty Lectures 1993, Stephen Shute and Susan Hurley, eds. (New York, Basicbooks, 1993, p.134.

101 HAMON (L.), « L'Etat de droit et son essence », Revue française de Droit constitutionnel, n°4, 1990, p.699.

102 A titre d'exemple, voir l'art. 1, al. 1 de la Constitution de la Fédération de Russie du 12 décembre 1993 : « La Fédération de Russie est Etat démocratique, fédéral, un Etat de droit ayant une forme républicaine de gouvernement » ; Art. 1 de la Constitution ukrainienne du 28 juin 1996 : « L'Ukraine est un Etat de droit souverain, indépendant, démocratique et social » ; Art.1, al.1 de la Constitution de Biélorussie adoptée le 24 novembre 1996 : « La République de Biélorussie est un Etat de droit social, démocratique et unitaire ».

103 En Afrique, c'est notamment le cas du Bénin qui dès le Préambule de sa Constitution affirme « sa détermination par la présente Constitution (Loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin) de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste... ». Le Sénégal dans sa Constitution de 2001 affirme : « Le respect et la consolidation d'un Etat de droit dans lequel l'Etat et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d'une justice indépendante et impartiale ». Le Burkina Faso dans sa Constitution du 27 janvier 1997 s'est engagé dans le préambule à préserver les acquis des droits collectifs et individuels (...) ». En Amérique du Sud, la Constitution de la République bolivarienne du

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de droit. Il s'agit en fait pour ces Etats en adhérant aux principes de l'Etat de droit, d'acquérir ainsi « un minimum de respectabilité internationale »104. Comme le note John TASIOULAS : « le discours de ces derniers temps sur les droits de l'homme a été élevé au statut d'une lingua franca éthique »105 . Les Etats dans leur majorité ont compris que l'Etat de droit ne va pas sans garanties constitutionnelles des droits et libertés fondamentaux et ces garanties doivent être fondées sur « le mixte de naturalité et de rationalité qui est propre à l'homme »106. Dans ce processus de construction de l'Etat de droit en Afrique, les droits de l'enfant ont sans doute une importance indéniable en tant que composante essentielle de l'Etat de droit. Cet Etat de droit ne doit plus être aujourd'hui une notion purement « incantatoire »107 en Afrique et singulièrement en Côte d'Ivoire.

Les droits de l'enfant renforcent la citoyenneté et la démocratie tant au niveau national qu'international. Il y a aujourd'hui la manifestation d'une conscience de citoyenneté mondiale qui fait que l'on se sent concerné par ce qui se passe ici ou ailleurs : exploitation et traite des enfants, résistance à l'oppression à l'échelon mondial, interdiction de la torture et combat pour l'abolition de la peine de mort, lutte contre la pauvreté, les maladies ou tout autre fait qui porte atteinte à la dignité et qui compromet le bien-être et l'avenir des enfants.

Enfin, à l'instar des droits de l'homme, les droits de l'enfant sont aujourd'hui, un enjeu politique et géostratégique dans les relations internationales. C'est un argument de poids dans la conception des nouvelles théories, notamment le droit (et même le devoir) d'ingérence politique, puis humanitaire et maintenant judiciaire avec l'avènement des juridictions pénales internationales et l'universalité de leurs compétences108. Un autre aspect

Venezuela de 1999 proclame dans son article 2 : « Le Venezuela se constitue en un Etat démocratique, de droit et de justice (...) ».

104 HAMON (L.), « L'Etat de droit et son essence », Revue française de Droit constitutionnel, n°4, 1990, p.700.

105 TASIOULAS (J.), « The moral reality of Human rights », in Freedom from poverty as a human right: who owes what to the very poor? , Thomas Pogge, ed. Oxford, Oxford University Press, 2007, p.75.

106 GOYARD-FABRE (S.), L'Etat, figure moderne de la politique, Armand Colin, Coll. « Cursus », Paris, 1999, p.95.

107 DE GAUDUSSON (J.D.B.), « Défense et illustration du constitutionnalisme en Afrique après quinze ans de pratique du pouvoir », in Mélanges en l'honneur de Louis-Favoreu : Renouveau du droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 2007, p.610.

108 KOUDE (R.K.), La pertinence opératoire des droits de l'homme : de l'affirmation universaliste à l'universalité récusée, Thèse de doctorat en Philosophie, Université Jean Moulin Lyon 3, 2009, p.323.

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de l'importance des droits de l'enfant dans les relations internationales, c'est qu'ils se présentent comme une conditionnalité de l'aide internationale.

b. Le respect des droits de l'enfant : une conditionnalité de l'aide internationale

Depuis 1990, les droits de l'homme, sinon, les droits de l'enfant sont devenus une condition d'octroi de l'aide internationale, une référence naturelle, voire obligée, des discours des hommes politiques. Les pays développés et les institutions internationales conditionnent l'octroi de leurs aides et de leurs prêts aux gouvernements des pays sous-développés au strict respect des droits de l'homme et des exigences démocratiques. De façon générale, il est aujourd'hui établi un lien direct entre l'assistance occidentale et la démocratie véritable, celle qui repose sur certaines valeurs universelles, telles : le respect des droits humains, le respect des droits de l'enfant, l'investissement dans le droit à l'éducation des enfants, la lutte contre la traite et l'exploitation des enfants, le multipartisme, la participation des citoyens à des élections libres et honnêtes, le libre choix des gouvernants, l'Etat de droit, la bonne gouvernance. Ainsi, depuis le sommet franco-africain de la Baule109, en date du 21 juin 1990, l'aide de la France est devenue graduée à l'égard des régimes politiques africains : elle est tantôt enthousiaste, tantôt tiède, et cela, selon que les régimes politiques bénéficiaires sont attachés ou non aux droits de l'homme. En juillet 1996, au terme de son voyage officiel au Congo, précisément à Brazzaville, le Président Jacques CHIRAC avait mis les chefs d'Etat africains en garde en ces termes : « Il faut en finir avec les coups de force ou d'Etat, les putschs, les juntes, les pronunciamientos et toutes les manifestations de transition violente. Ces évènements d'un autre âge sont, pour chacun de nous, une véritable humiliation. Pour les peuples, ils sont une déception et l'alibi trop commode du désengagement. »110.

109 Discours de François MITTERAND à la Baule, 20 juin 1990, in Politique étrangère de la France, mai-juin 1990, p.130. ; AKONO (F.T.), Le discours de la baule et les processus démocratiques en Afrique. Contribution à une problématique de la démocratie et du développement dans les pays d'Afrique noire francophone, Thèse de doctorat en science politique, Université de Clermont-Ferrand 1, 1995, 644p.

110 CHIRAC (J.) cité par Nicolas AGBOHOU, Le franc CFA et l'Euro contre l'Afrique, Editions Solidarité Mondiale A.S., Paris, 1999, p.207.

Il a également suggéré de cimenter le socle des valeurs intangibles telles que « la liberté, la dignité, le respect de l'autre, l'égalité des hommes, le droit qui les garantit »111. Pour les pays dont la politique se situe aux antipodes de ces valeurs fondamentales, « le risque est grand de voir se tarir l'octroi de l'aide extérieure »112 . Au fond, à l'heure actuelle, les pays développés et/ou bailleurs de fonds internationaux s'abstiennent et souvent refusent de consentir des aides ou prêts aux pays sous-développés qui violent les droits de l'enfant ; autrement dit, ils subordonnent l'aide au développement au respect rigoureux des droits de l'homme, donc, des droits de l'enfant. L'intérêt de notre sujet de recherche ayant été précisé au niveau du droit international et du droit des relations internationales, il importe d'examiner son intérêt national indéniable.

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111 Idem, p.208.

112 Ibid., p.208.

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2. L'importance des droits de l'enfant dans la société nationale

Gouverner un pays d'une façon démocratique tient compte des besoins et des droits de sa population113. Ces besoins et ses droits ne se réduisent pas à des choses matérielles. Ils sont aussi non matériels. Plus spécifiquement les droits de l'enfant selon la CIDE couvrent les deux aspects de l'enfant : son corps et son esprit. Il s'agit du nouveau concept du « bien-être » de l'enfant114. Le bien-être de l'enfant est le droit pour l'enfant de vivre dans des conditions matérielles nécessaires à son développement physique, mental, spirituel, moral et social. Etant donné que l'enfant a besoin d'être pris en charge matériellement dans sa nourriture, son logement et sa santé, ce dernier doit être pris en charge au niveau intellectuel, psychologique et moral.

Il existe une relation inséparable entre la culture démocratique diffusée dans une nation et la perception des esprits de ces citoyens. Et comme l'enfant est un individu à part entière, il est aussi affecté par la culture politique dominante. Un intérêt particulier de cette thèse visera à démontrer la relation existant entre le contexte politique et le respect des droits de l'enfant.

L'intérêt national au niveau politique de cette étude consiste à faire face à un devoir né d'une prise de conscience et d'une conviction. L'étude est née d'une prise de conscience, du fait qu'il y a une distance objective entre la réalité vécue par les enfants en Côte d'Ivoire et la reconnaissance de leurs droits et libertés consacrés par les Constitutions et les instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant.

De nombreux pays, comme la Côte d'Ivoire se sont engagés lentement dans le mouvement international et national de reconnaissance et de protection des droits de l'enfant. En effet, après son accession à l'indépendance, ce pays n'a pas pris véritablement à coeur dans son droit interne, la question de l'enfant et sa première Constitution le montre

113 ENFANCE TIERS MONDE, Les enfants : levier pour un développement humain durable Investir dans les enfants, Ven Brussels, 2005 p.2.

114 GOUTTENOIRE (A.), « Le bien-être de l'enfant dans la Convention internationale des droits de l'enfant », Informations sociales, 2010/4 n°160, pp.30-33.

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clairement115. Ce sont les Constitutions de 2000116 et de 2016117qui insistent sur la protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. En plus des lois en matière de protection de l'enfant, elle a également adhéré aux instruments de protection des droits de l'homme en général et de l'enfant en particulier. Nonobstant la ratification des instruments spécifiques, la Côte d'Ivoire n'a pas toujours démontré un intérêt réel pour la défense des droits de l'enfant comme en témoigne la situation réelle des enfants dans ce pays. L'actualité de notre sujet y trouve son fondement. Une étude sur les droits de l'enfant en Côte d'Ivoire apparait très opportune au vu de la ratification par l'Etat de Côte d'Ivoire, des textes internationaux relatifs aux droits des enfants. De façon globale, cette étude permettrait de mesurer l'écart entre les textes et leur application réelle sur le terrain. Mieux, elle vise à interpeller l'opinion internationale et nationale sur son devoir de protection de l'enfant en tant qu' « avenir du monde » car « l'avenir du monde, c'est-à-dire celui de ses enfants dépend de chacun d'entre nous. Car il appartient à chacun d'entre nous d'améliorer le sort de son prochain »118.

Une telle étude est donc opportune et nécessaire dans la mesure où elle nous permettrait de situer les acteurs de la protection de l'enfance sur les actions concrètes réalisées en matière de mise en oeuvre des droits de l'enfant en Côte d'ivoire au regard de ce qui est prescrit par les conventions internationales et régionales.

Une telle étude entend donner un aperçu des limites de la mise en oeuvre de la protection afin d'aider les acteurs de la protection de l'enfance à réorienter les actions pour une meilleure prise en charge des enfants en Côte d'Ivoire, afin de déboucher à terme , à une effectivité optimale des droits reconnus aux enfants.

En somme, une telle étude vise à mieux faire le point sur les acquis, afin de mieux définir des perspectives pour une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. En effet, cette étude permettrait :

115 En effet, la Constitution ivoirienne de 1960 ne comporte aucune disposition expresse qui réfère aux droits de l'enfant.

116 Cela est perceptible dans les Articles 5 et 6 de la Constitution ivoirienne de 2000 qui feront l'objet d'un examen minutieux dans les développements ultérieurs.

117 Articles 5, 10, 16,31, 32,34 de la loi n°2016-886 du 08 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire.

118 Propos tenu par un enfant nommé GOKCE de nationalité turc, âgé de 16 ans lors de l'assemblée tenue par l'Union interparlementaire. Voir UNICEF, La protection de l'enfant guide à l'usage des parlementaires, 2004, p.7.

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- de disposer d'une base de données fiables susceptibles d'orienter les politiques nationales de mise en oeuvre des droits de l'enfant en termes de besoins, préoccupations et de prise en charge de véritables intérêts des groupes cibles par les gouvernants ;

- d'apporter des réponses ciblées et spécifiques prioritaires en termes de protection et de défense des droits de l'enfant.

En un mot, à l'actualité du sujet s'associe, un autre intérêt social devant nous permettre d'analyser le système juridique ivoirien de protection des droits de l'enfant afin d'en déterminer les forces et les faiblesses. Au-delà, un dernier intérêt social consisterait à entrevoir de possibles solutions à la réalisation d'une effectivité optimale des droits reconnus aux enfants vivant sur le territoire ivoirien.

Par ailleurs, l'importance du sujet de recherches « les droits de l'enfant en Côte d'Ivoire : entre normes internationales et réalités locales » n'apparait pas seulement au niveau socio-politique ; il revêt un intérêt scientifique indéniable, car c'est une discipline universitaire transversale peu enseignée et vulgarisée en Côte d'Ivoire.

B. L'INTERET SCIENTIFIQUE : LES DROITS DE L'ENFANT, UNE DISCIPLINE TRANSVERSALE NON AUTONOME ET PEU DIFFUSEE EN COTE D'IVOIRE

La question de l'effectivité de la règle de droit en général, et des droits fondamentaux en particulier, présente un grand intérêt pour tout juriste. L'effectivité de la règle de droit est la condition nécessaire de l'existence de l'Etat de droit défini comme : « un Etat qui se soumet à un régime de droit119 , c'est-à-dire dont l'action est entièrement encadrée et régie par le droit... (et dont les) divers organes ne peuvent agir qu'en vertu d'une habilitation juridique et faire usage que des moyens autorisés par le droit »120.

Pour François LUCHAIRE, le juriste a pour devoir de veiller à l'application du droit dans ses écrits et dans son enseignement121. Cette obligation s'accroit de façon exponentielle en matière de droits fondamentaux. Ainsi, au Congrès de New Dehli du 10 janvier 1959,

119 HENRY (J-P), « Vers la fin de l'Etat de droit ? », RDP, 1977, pp.1207-1235, p.1211.

120 CHEVALLIER (J.) « La mondialisation de l'Etat de droit », in M. BORGETTO (coord.), Droit et politique à la croisée des cultures, Mélanges Philippe Ardant, LGDJ, Paris, 1999, pp.325-337. , spéc. p.326.

121 LUCHAIRE (F.), « De la méthode en droit constitutionnel », RDP, 1981, pp.275-329, spéc. p.282.

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organisé par la Commission Internationale des juristes, il a été expressément affirmé que la primauté du droit étant un principe dynamique : « ...il appartient avant tout aux juristes d'en assurer la mise en oeuvre et le plein épanouissement, non seulement pour sauvegarder et promouvoir les droits civils et politiques de l'individu dans la société libre, mais aussi pour établir les conditions économiques, sociales et culturelles lui permettant de réaliser les aspirations légitimes et de préserver sa dignité »122.

Si les droits de l'homme sont aujourd'hui enseignés dans les universités ivoiriennes, tel n'est pas le cas des droits de l'enfant, stricto sensu.

Eu égard à son intérêt socio-politique et à l'intérêt scientifique certain qu'ils présentent, l'enseignement des droits de l'enfant mérite d'être renforcé, aujourd'hui, dans les universités publiques et privées de la Côte d'Ivoire ; Mieux, comme les droits de l'homme, cette matière se révèle être une discipline-synthèse des matières de droit public. Au fond, les Droits de l'enfant s'analysent en une « science carrefour » ou « droit-carrefour », car ils se trouvent au confluent du Droit public et du Droit privé. Partant, ils se présentent comme une matière interdisciplinaire, ou transversale, étant le lieu de confluence, ou de convergence, d'une multiplicité et variété de disciplines juridiques. Dans ces circonstances, il n'est guère étonnant de voir, ou de savoir, que cette étude sur les « droits de l'enfant » tend à promouvoir toutes les branches du droit, donc tout le droit, c'est-à-dire la science juridique dans son ensemble. De même, l'absence d'une importante doctrine uniquement centrée sur la problématique justifie à plus d'un titre cette étude. A cet égard, ici, le sujet de recherche présente un intérêt scientifique certain.

En somme, cette étude présente un grand intérêt aux niveaux international, national, et sur les plans politique, académique et scientifique. En effet, cette thèse pourra servir de sources d'informations pour les praticiens et de pistes de préconisations de réformes pour les autorités publiques.

Et c'est de cet intérêt que découle la problématique du sujet.

122 Cité in MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, 2e éd., A. Pedone, Paris, 2002, p.80.

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§ 3. LA PROBLEMATIQUE

Relativement au sujet de recherche, une question se pose liminairement : Pourquoi une étude sur « Les droits de l'enfant en Côte d'Ivoire : entre normes internationales et réalités locales » ? Ou encore, une telle étude pour quoi faire ?

L'importance d'une telle question vient de ce que les droits de l'enfant, revêtent un caractère universel. Dès lors, cette étude semble, a priori, briser la nature universaliste ou unitaire des droits de l'enfant, qui par essence, concerne tout enfant et tous les enfants à la fois.

On le sait : l'enfant est éminemment un être complexe : il est ondoyant, inconstant et divers. En outre, il vit dans une société capricieuse, qui change au gré des circonstances. Il est évident que tout cela retentit sur ses droits, bien que ceux-ci possèdent un fond invariable, qui est un véritable atome insécable, résistant à l'usure du temps, et transcendant les espaces et les époques123. Parce qu'ils sont consubstantiels à l'enfant qui, lui-même, évolue, ou varie, d'une société à une autre, les droits de l'enfant apparaissent comme relatifs et évolutifs. Il s'ensuit que leur mise en oeuvre peut se décliner différemment suivant l'environnement socio-politique considéré. C'est donc à juste titre que ces droits présentent des particularités dans l'Etat de Côte d'Ivoire, pays ayant accédé à la liberté de se gouverner et s'administrer elle-même, en date du 7 Aout 1960.

Cette indépendance acquise, la Côte d'Ivoire va adhérer au mouvement de reconnaissance et de protection aussi bien international que national des droits de l'homme et plus particulièrement, des droits de l'enfant. Partant, l'on espérait, en bonne logique, un renouvellement qualitatif de la vie socio-politique et culturelle ivoirienne, un sort meilleur des droits, notamment des droits de l'enfant, après les graves et massives atteintes aux droits enregistrés durant l'époque coloniale. Cette circonstance laisse surgir une série de questions :

L'ordre juridique nouveau, résultant de l'Etat nouveau, consacre-t-il des droits au profit de l'enfant vivant sur le sol ivoirien ? Quelles sont les pratiques quotidiennes relatives aux droits de l'enfant dans cette ère nouvelle de la Côte d'Ivoire ? Existe-t-il des réponses satisfaisantes d'ordre juridique et institutionnel de promotion et de protection des droits de

123 KOFFI KONAN (E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Thèse unique de droit public, Université de Cocody-Abidjan, UFR-SJAP, 2008, p.90.

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l'enfant en Côte d'Ivoire ? Existe-t-il en matière des droits de l'enfant, un écart entre, d'une part, les textes internationaux, et d'autre part, leur interprétation et leur application en Côte d'Ivoire ? Y'a-t-il des facteurs inhérents à l'ordre socio-historique et politique qui, tout en accentuant la menace infantile, inhibent l'effectivité des droits reconnus aux enfants dans cet Etat ? Mieux, les enfants vivant sur le territoire ivoirien bénéficient-ils de droits concrets ou réels dénués de toute portée illusoire ou abstraite ? Comment repenser l'action juridique, politique et institutionnelle pour une meilleure effectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, pays aspirant à l'émergence à l'Horizon 2020 ?

Ces nombreuses questions peuvent être regroupées en une seule, à la question fondamentale suivante : Quels sont les facteurs d'origine juridique et extra-juridiques qui participent ou qui servent de fondement à l' (in)effectivité des droits de l'enfant ? Ou encore, quel est l'état des droits de l'enfant dans l'Etat Côte d'Ivoire ?

Pour répondre à cette question délicate, il est, apparemment, tentant de se placer successivement sous la première République, la deuxième République ainsi que la récente troisième République. Mais une telle démarche historique pourrait nous conduire à un travail difforme ou disproportionné, et ce pour la raison fondamentale tenant à ceci que la deuxième République a existé du 01er Aout 2000 au 08 novembre 2016 au est également la date d'établissement la troisième République. Dès lors, il paraît utile d'emprunter une autre voie.

Pour mesurer l'effectivité des droits reconnus aux enfants en Côte d'Ivoire, il faut examiner la législation et les politiques nationales ainsi que l'existence et l'efficacité des structures et mécanismes requis pour leur mise en oeuvre ; C'est à cette condition que l'on pourrait mesurer les progrès et limites liés à l'effectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, en ayant en toile de fond, les réalités quotidiennes auxquelles font face les enfants.

§ 4. HYPOTHESE

Nous procédons, dès à présent, à la formulation de notre hypothèse centrale. En effet, « si l'on expérimentait sans idées préconçues, on irait à l'aventure », écrit Claude BERNARD. C'est dire que l'hypothèse est une proposition de réponse à la question posée. Notre hypothèse centrale est la suivante : La situation des droits de l'enfant demeure encore préoccupante en Côte d'Ivoire ; en effet, en dépit d'une certaine effectivité théorique fondée

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sur des acquis normatifs et institutionnels, de nombreuses pesanteurs politiques, juridiques, économiques, socioculturelles font encore obstacle à une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Le cadre juridique et institutionnel souvent inapproprié et la non application des lois positives existantes constituent également de sérieux obstacles à la jouissance effective des droits reconnus aux enfants. Mieux, s'il est vrai qu'en Côte d'Ivoire, des efforts juridiques et institutionnels insuffisants ont été réalisés, il n'en demeure pas moins que cet édifice juridique et institutionnel perfectible, sert d'habillage à des tristes réalités infantiles dont on ne saurait cacher la nudité, entamant derechef, de façon grossière l'effectivité optimale des droits de l'enfant. Pour une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, un renforcement des mécanismes de mise en oeuvre des droits de l'enfant apparaît plus qu'opportun.

Par quels procédés pourrons-nous valider cette hypothèse ?

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§ 5. METHODOLOGIE

Il faut recourir à une démarche appropriée, en gardant à l'esprit que le choix d'une méthode conditionne tout le travail scientifique. En effet, « la méthode éclaire l'hypothèse et détermine les conditions de la recherche124 ». Notre démarche s'articule autour de trois étapes successives, à savoir : la recherche documentaire, l'analyse et le choix de solutions. La recherche documentaire a eu pour but de dresser un inventaire le plus exhaustif possible, du point de vue normatif et doctrinal, en matière de reconnaissance et protection des droits de l'enfant. Il était question de collecter et d'intégrer les instruments juridiques et les mécanismes régissant la protection juridictionnelle et non juridictionnelle sur le plan national ivoirien. Cette étape nous a amené à rassembler les informations, notamment les données statistiques sur le sort des enfants et l'action menée par les différents intervenants dans la protection des enfants en Côte d'Ivoire. Aussi, avons-nous eu recours à certains documents officiels et rapports des différents organes de l'Onu à savoir, le Comité des droits de l' enfant de l'ONU, l'Unicef, le BIT. Nous avons eu aussi à mener des enquêtes qualitatives sur le terrain ivoirien. La presse ivoirienne a été suivie avec intérêt pour y relever des éléments pertinents à notre argumentaire. Beaucoup de temps a été consacré aux discussions avec des personnes ressources travaillant dans les institutions onusiennes, des Organisations non gouvernementales (ONG), des professionnels du droit, en particulier des professeurs de droit. Nous avons mis à profit les nouvelles technologiques de l'information et de la communication (NTIC125), notamment pour la documentation onusienne ainsi que les données difficiles à obtenir auprès des services compétents.

L'analyse, quant à elle, nous a permis d'évaluer l'effectivité des normes et mécanismes de protection des enfants. Le constat d'échec nous a amené à dégager les limites juridiques et les pesanteurs contextuelles qui inhibent l'atteinte d'une effectivité optimale des droits de l'enfant. Nous avons saisi l'occasion pour poser la question cruciale de la menace

124 Pour différentes options méthodologiques, voir, entre autres, KONTCHOU KOUEMEGNI (A.). « Méthodes de recherche et nouveaux domaines en relations internationales ». In : Revue Camerounaise des Relations Internationales (RCRI), éd. Spéciale, n°16-17 décembre 1992.

125 Les NTIC sont aujourd'hui un outil incontournable en recherche juridique avancée. A ce sujet, voir Serge GUINCHARD (S.), HARICHAUX (M.) et Renaud de TOURDONNET (R.). Internet pour le droit ; connexion-recherche-droit. Paris : Montchrestien, 1999, 283p.

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permanente contre les enfants, et plus particulièrement, les raisons apparentes et inavouées des atteintes permanentes aux droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

Au plan méthodologique, notre démarche a été plurielle, car l'interdisciplinarité du sujet impose une triangulation, voire un « cocktail méthodologique »126. A l'instar du Professeur Maurice KAMTO, nous sommes d'avis qu'aucune méthodologie, ancienne ou nouvelle, ne doit a priori être exaltée ou rejetée, pourvu que le chercheur demeure conscient de l'ensemble dans lequel s'insère ou s'intègre sa propre entreprise. Nous avons donc adopté une méthode personnelle comme le recommande, avec pertinence, M. WRIGHT : « soyez un bon ouvrier. Evitez les procédures trop rigides. Cherchez surtout à développer et à exploiter votre imagination. Travaillez à la réhabilitation de l'artisan intellectuel, dans toute sa simplicité, soyez-en vous-même. Que chaque homme fasse sa méthodologie pour son propre compte, que chacun fasse sa propre théorie. Que la théorie et la méthode se pratiquent comme un véritable métier. Défendez le primat de l'intellectuel isolé ; luttez contre la domination des équipes de techniciens de recherche. Abordez pour votre propre compte les problèmes de l'homme et de la société »127.

Aussi, avons-nous eu recours, au cours des deux premières étapes, à deux principales, à savoir : l'approche comparative et l'approche synthétique.

L'approche comparative, « par son insistance à découvrir la règle sous la coïncidence et l'explication sous la concomitance128 », devrait nous donner la clé de la connaissance cumulative. « Penser sans comparer est impensable, parce qu'il n'y a pas de connaissance de soi qui ne passe par celle de l'autre»129. En partant des diverses expériences dans des pays considérés, il s'est agi d'évaluer l'effectivité des différents aspects de la protection des enfants, eu égard au contenu du droit conventionnel de protection. Nous avons évalué la réalité des droits fondamentaux garantis aux enfants en Côte d'Ivoire en les confrontant aux normes internationales pertinentes, mais aussi et surtout, en analysant des politiques

126 Selon John TODD, toute recherche approfondie en matière sociale doit absolument être interdisciplinaire. Le cocktail méthodologique est ainsi l' « ensemble de divers procédés et démarches intellectuelles conduisant à la recherche de la vérité ». Pour cette définition, voir TODD (J.), Mixing qualitative and quantitative methods. New York : Cornell University Press. 1980, pp.135-148.

127 WRIGHT (M.), L'imagination sociologique, Paris : Editions Maspero, 1971, p.233.

128 DOGAN (M.) et PELASSY (D.), La comparaison internationale en sociologie politique. Paris : LITEC, 1980, p.3.

129 Ibid. p.5.

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publiques de mise en oeuvre des droits de l'enfant par certains Etats parties (France, Bénin, Togo...) aux conventions internationales pertinentes .

L'approche synthétique nous a permis, par la suite, de dégager une vue d'ensemble des particularités inhérentes à la situation des enfants en Côte d'Ivoire. Nous ne pouvions pas prendre les différentes villes ivoiriennes séparément et individuellement ; ce qui aurait été fastidieux et nous aurait mené à des conclusions partielles et par voie de conséquence, partiales. La méthode synthétique devait nous être très utile, notamment, pour envisager une vision d'ensemble des problèmes liés à l'effectivité ou l'ineffectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

Enfin, tout au long de la troisième phase, nous avons formulé des approches de solutions pouvant contribuer à un meilleur sort des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. La problématique des souffrances endurées par les enfants étant placée dans un contexte global, nous sommes arrivés à la conclusion que le problème central est la persistance des résistances aux droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Pour cerner une telle problématique et tenter de trouver des pistes de solutions idoines, nous avons eu recours à plusieurs approches dont :

- L'approche par « l'arbre à problèmes », qui préconise de s'attaquer à un problème global en partant du secondaire au principal130. C'est-à-dire que nous avons proposé des pistes de solutions convergentes, d'abord pour régler les problèmes connexes ou secondaires, avant d'en proposer pour le problème central ;

- L'approche « diachronique » qui nous a permis d'évaluer les percées juridiques réalisées, au plan normatif et jurisprudentiel, depuis l'adhésion de la Côte d'Ivoire à la convention internationale des droits de l'enfant ;

- L'approche « droits de l'homme »131, par laquelle nous avons envisagé l'effectivité comme la réalisation totale et pleine de l'ensemble des droits reconnus aux enfants. Nous avons analysé lesdits droits en des créances dues par la puissance publique aux enfants, en tant que membres les plus vulnérables de la population. Ceci met à la charge de l'Etat un certain nombre d'obligations positives, entre autres, la prévention

130 REINTJENS (F.). La guerre des Grands Lacs : alliances mouvantes et conflits extraterritoriaux en Afrique Centrale, Paris : L'Harmattan, 1999, p.171.

131 http://www.parentsparticipation.eu/fr/man-observatoire/quest-ce-quune-une-approche-de-leducation-
basee-sur-les-droits-de-lhomme(consulté le 20/01/2018).

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concrète et la répression des violations subies par les enfants. L'approche « droits » nous a ainsi permis de discuter l'effectivité des droits fondamentaux de l'enfant, notamment à travers l'action politique, administrative, législative et juridictionnelle de l'Etat ivoirien ;

- L'approche syncrétique s'est imposée, car le caractère interdisciplinaire de nos hypothèses nécessitait le recours à une démarche dépassant le cadre exclusivement juridique et empruntant, avec la prudence scientifique nécessaire, des outils dans d'autres sciences sociales. L'effectivité ne peut se définir, s'appréhender uniquement à travers le droit, il faut la rattacher à d'autres disciplines des sciences humaines comme la littérature, la philosophie ou la sociologie, mais aussi à une discipline autonome à laquelle le droit s'intéresse par un travail de « juridicisation », il s'agit des sciences de l'information et de la communication. Le sujet de recherches, à travers cette approche hors du droit, cette focalisation externe pour emprunter un terme propre à la littérature, permet de penser le droit de manière pluridisciplinaire, car comme le dit le professeur Claude CHAMPAUD : « celui qui ne sait que le Droit, ne connait pas le droit »132. Un autre auteur célèbre, DEL VECCHIO écrit : « Le droit est de toutes les sciences la seule qui doive connaître toutes les autres »133. Nous sommes d'avis que le juriste à lui seul ne pourrait faire face à l'effet dévastateur des atteintes aux droits de l'enfant. Celles-ci sont, en effet, d'une logique et d'une dynamique extrêmement complexes. Pour aboutir à des résultats conséquents et utiles, le juriste aurait besoin de la contribution du sociologue, du psychologue, du politologue, de l'historien, de l'ethno-anthropologue, de l'économiste, du stratège militaire, du sage africain, de la mère de famille et de l'intellectuel.

Ainsi, la consultation des personnes ressources dans ces différents domaines, ainsi que des spécialistes dans d'autres sciences sociales, a contribué à valider nos propositions contenues dans le plan ci-dessous.

132 Cité par J-J. SUEUR in Introduction à la théorie du Droit, Préface G. FARJAT, collection Logiques juridiques, L'Harmattan, Paris 2001, 207 p.

133 Cité par F. TERRÉ in Le droit et le bonheur, Dalloz 2010, p. 26.

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§ 6. PLAN

Au fond, relativement aux droits de l'enfant, la présente étude est focalisée sur deux chantiers interactifs et complémentaires, à savoir :

- L'intégration en droit ivoirien, des normes internationales de protection des droits de l'enfant (Première partie) et;

- L'effectivité de la protection des droits de l'enfant à l'épreuve des réalités locales (Deuxième Partie).

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Première partie :

L'INTEGRATION EN DROIT IVOIRIEN DES

NORMES INTERNATIONALES DE

PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT

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L'intégration des normes internationales de protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, met en présence plusieurs logiques dans ce pays. La première relève de la dynamique exogène de la matière qui implique qu'un corps de règles formalisé dans un cadre extérieur à l'Etat s'impose dans l'ordre juridique national. La deuxième, quant à elle porte sur l'assimilation de ce droit dans la production normative nationale, afin de lui faire produire l'effet escompté. L'opposition entre ces logiques exogène et endogène crée une forme de tension qui appelle une solution originale. Cette réalité juridique exclut de fait toute forme de mimétisme, car il s'agit d'une part de donner sens à cette matière dans le droit national et d'autre part d'en faire des normes référentielles dans l'univers socio-culturel national. Cette nécessité nous place donc sur un terrain organisationnel qui prédétermine les conditions d'effectivité du droit international des droits de l'enfant. L'intégration des normes internationales de protection des droits de l'enfant en droit ivoirien renvoie ici, à un certain espoir suscité du fait de la conjonction d'un certain nombre de déterminants mis en place par l'Etat afin de donner vie aux droits de l'enfant. Cette espérance se fonde sur les mesures normatives et institutionnelles.

Somme toute, l'intégration des normes internationales de protection des droits de l'enfant en droit ivoirien doit s'entendre ici comme devant renvoyer, d'une part, à leur reconnaissance ou consécration normative ; d'autre part, à la mise en place d'acteurs institutionnels jouant un rôle à des degrés divers avec des moyens permettant de contribuer à donner vie aux droits reconnus aux enfants. Mieux, cette intégration s'opère en principe par la médiation de la règle de droit qui en assure l'organisation. Le recours à l'effectivité induit le caractère certain de la protection des droits de l'enfant de par l'énoncé du droit qui le prescrit et dont le contenu met en exergue non seulement ces droits, mais aussi les institutions en charge de leur garantie134.

En tout état de cause, la protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, repose sur un dispositif juridique au contenu réel (Titre1), soutenu par des mécanismes institutionnels de garantie à effectivité limitée (Titre 2).

134 KEUDJEU DE KEUDJEU (J.R.), « L'effectivité de la protection des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone », Revue CAMES/SJP. n°001/2017, p.104.

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Titre I : UN DISPOSITIF JURIDIQUE AU CONTENU REEL

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Les droits de l'enfant sont à l'ordre du jour dans le monde entier et notamment dans tout Etat qui se veut démocratique. Ainsi, en vue de satisfaire à cette exigence, l'Etat de Côte d'Ivoire a souscrit au mouvement juridique de protection des droits de l'enfant. Désormais, devenue Etat partie aux diverses normes internationales relatives aux droits de l'enfant, la Côte d'Ivoire, s'engage ainsi à reconnaitre et respecter les obligations juridiques qui découlent de ces normes. Ce faisant, elle est amenée à rendre lesdites normes applicables sur son territoire ou à y conformer sa législation nationale. Ce mouvement amorcé ne peut se faire sans influer, d'une certaine manière, sur le droit national de l'État partie.

En d'autres termes, nous nous intéresserons ici, aux sources juridiques des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire ; cela suppose que soient répertoriées, de jure, les principales sources juridiques qui, de statut conventionnel ou non conventionnel, constitutionnel ou légal, organisent et permettent aux enfants vivant en Côte d'Ivoire de bénéficier d'un dispositif juridique de protection au contenu réel. Ce dispositif juridique au contenu réel est mesurable à travers deux actions importantes menées par l'Etat ivoirien, à savoir : une reconnaissance internationale des instruments protégeant les droits de l'enfant (Chapitre 1) mais aussi par la réception nationale des droits internationaux de l'enfant (Chapitre 2).

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Chapitre I :

UNE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DES INSTRUMENTS
PROTEGEANT LES DROITS DE L'ENFANT

Prosaïquement, dire qu'un Etat a conclu un traité, c'est affirmer qu'il a donné son consentement à être lié par ce traité. En Côte d'Ivoire, les pouvoirs publics usent de divers modes d'expression du consentement à être lié par un traité : la signature, la ratification et l'adhésion. Et, l'engagement de l'Etat de Côte d'Ivoire est parfait, dès qu'il exprime ce consentement.

En principe, pour les conventions internationales soumises à la procédure longue, la conclusion s'effectue au moyen de deux actes successifs : la signature et la ratification.

La signature135 est le premier acte de la procédure de conclusion mais la phase ultime de la négociation : elle clôt la négociation menée au cours de longues et âpres discussions. Toutefois, dans certains cas, « la signature peut constituer en elle-même, l'expression par l'Etat de son consentement à être lié par le traité qui devient alors obligatoire à son égard, du seul fait qu'il l'a signé136 ». Ces cas ont trait à la procédure courte, applicable aux accords en forme simplifiée137. Il va sans dire que ceux-ci échappent à l'exigence de la ratification : car leur conclusion se réalise selon la procédure courte, à un seul degré ; de sorte que l'Etat de Côte d'Ivoire est lié dès la signature. Il est donc clair que pour ce type de conventions, aucun retard n'existe, de façon générale, pour la conclusion puisque la signature seule suffit pour l'expression du consentement de la Côte d'Ivoire.

Quant à la ratification138, elle constitue le second acte de la conclusion et n'intervient que dans les conventions soumises à la procédure longue, à un double degré, c'est-à-dire dans les traités formels ou solennels : elle permet à ceux-ci de produire leurs effets. Il s'agit d'une prérogative propre du Président de la République. Cette prérogative reconnue au Président

135 DEYRA (M.), Droit international public, Gualino, 4ème édition, 2014, p.37.

136 N'GUYEN (Q. D), PELLET (A.) et DAILLER (P.), Droit international public. , L.G.D.J., Paris, 8e édition, 2009, p.136.

137 CHAYET (C.), Les accords en forme simplifiée, in Annuaire français de droit international, volume 3, 1957, pp.3-13.

138 DEYRA (M.), Droit international public, Gualino, 4ème édition, 2014, pp37-38.

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de la République tire son fondement de l'article 84 de la Constitution du 1er Aout 2000 reprise par l'article 119 de la Constitution de 2016 aux termes desquels: « Le président de la République négocie et ratifie les traités et les accords internationaux. ». Certes le Président de la République est le seul organe compétent pour négocier et ratifier les traités et accords internationaux car il a seul, qualité pour représenter l'Etat et agir en son nom au plan international. Mais, dans la pratique, la plupart des traités et accords internationaux sont négociés par des plénipotentiaires.

Pour certaines conventions internationales, le droit interne peut rendre la ratification plus difficile, et partant, la procédure plus longue. Ainsi, aux termes des articles 85 de la Constitution du 1er Août 2000 et 120 de la Constitution du 8 novembre 2016, « Les traités de paix, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui modifient les lois internes de l'Etat ne peuvent être ratifiés qu'à la suite d'une loi ». L'alinéa 2 de l'article 120 de la Constitution du 08 novembre 2016 ajoute que « la loi d'autorisation en vue de la ratification est soumise au contrôle du Conseil constitutionnel ». Une lecture attentive de ces textes permet de constater que la ratification de trois types de conventions, ne pourra être réalisée qu'à la suite d'une autorisation parlementaire soumise au contrôle du Conseil constitutionnel. Il s'agit : des traités de paix139, des traités ou accords relatifs à l'organisation internationale et les traités qui modifient les lois internes de l'Etat. Que le débat interne s'impose pour ces traités est, dès lors, évident. Néanmoins, rien n'interdit à l'exécutif de soumettre, de manière facultative, d'autres engagements internationaux à cette procédure.

En outre, l'usage de la technique de la ratification est rendue plus compliqué dans l'hypothèse où la convention à ratifier comporte une clause contraire à la Constitution : dans ce cas, aux termes de l'article 122 de la Constitution ivoirienne du 08 novembre 2016, « ...l'autorisation de la ratifier ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ». On le voit la procédure de révision est une procédure longue et complexe. Ainsi, certaines conventions ne sont conclues qu'après de multiples étapes franchies : négociations, signature, autorisation parlementaire, contrôle du Conseil Constitutionnel ou révision constitutionnelle, ratification. La longueur et la complexité de la procédure de ratification constituent, on le constate, une cause indiscutable de retard dans la conclusion des traités.

139 BECKER (J.J.), « Les conséquences des traités de paix », Revue historique des armées, n°254, 2009, pp.3-8.

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Au surplus, dans tous les cas, le Président de la République reste libre de ratifier ou de refuser de ratifier la convention. Et la décision de refus de ratifier prise par le Président de la République ne peut pas être portée devant les tribunaux, car il s'agit d'un acte de gouvernement140 : tel, il échappe à tout contrôle juridictionnel.

A côté de la signature et de la ratification, se trouve la technique de l'adhésion141 qui s'analyse également comme une expression du consentement à être lié. Suivant GERARD CORNU, « l'adhésion est un acte unilatéral par lequel une personne se rallie à une situation juridique déjà établie (statut, pacte, concordat, convention) en devenant, le plus souvent, membre d'un groupement préexistant (association, société, syndicat, etc.) ou partie à un accord dont elle n'était pas, à l'origine, signataire. »142. Mieux, en droit international public, l'auteur précise que « l'adhésion est l'acte par lequel un Etat devient partie à un accord dont il n'était pas signataire »143.

Selon le Professeur Louis CAVARE, « l'adhésion est l'acte par lequel un Etat s'approprie les stipulations d'une convention passée entre d'autres Etats et, est appelée à bénéficier des droits qu'elle procure comme à assumer les obligations qu'elle impose »144. Ainsi, par cette technique, tout Etat, qui était originairement étranger à un traité, peut-il donner son consentement définitif, pour devenir partie à ce traité. Un dépouillement des conventions conclues par la Côte d'Ivoire sur les droits de l'homme ou les droits de l'enfant, offre de voir que ce pays use abondamment de la technique de l'adhésion. A l'instar de la signature et de la ratification, l'adhésion à une convention ressortit au pouvoir discrétionnaire des autorités publiques ivoiriennes. Or, celles-ci peuvent, pour des raisons d'opportunité, de pure opportunité politique, refuser d'adhérer à une convention déjà en vigueur, ou attendre des mois, des années ou même des décennies pour y adhérer. La

140 GIRARD (D.), « Les actes de Gouvernement demeurent insusceptibles de tout recours juridictionnel en France », Note sous TC, 6 juillet 2015, K. et autres, n° C03995, Revue générale du droit online, 2015, numéro 22851 www.revuegeneraledudroit.eu/?p=22851 ( consulté le 12/12/2015).

141 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10e édition mise à jour quadrige, PUF, 2014, p.30.

142 Ibid..

143 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10e édition mise à jour quadrige, PUF, 2014, p.30.

144 CAVARE (L.), Le droit international positif, Tome II, les modalités des relations juridiques internationales. Les compétences respectives des Etats, A. PEDONE, Paris, 3e édition, 1969, p.179.

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compétence discrétionnaire des pouvoirs publics ivoiriens constitue ainsi, de façon évidente, une cause de retard de conclusion des conventions internationales.

On le sait : l'adhésion à une convention internationale ou sa ratification n'est pas obligatoire : le Président de la République jouit en la matière d'un pouvoir discrétionnaire. Il s'ensuit que ce dernier peut, après avoir négocié et signé une convention internationale, refuser de la ratifier, et cela, pour des raisons d'opportunité, de pure opportunité politique. Jouissant d'un pouvoir discrétionnaire dans le choix du moment, les pouvoirs publics ivoiriens attendent des mois, des années, voire des décennies pour procéder à la ratification de certaines conventions internationales, ou à l'adhésion à d'autres. Il en résulte, dans ces conditions, des retards parfois longs. Au fond, ces retards longs, par trop longs, observés par les pouvoirs publics ivoiriens pour ratifier les conventions internationales ou pour y adhérer sont condamnables, car celles-ci portent sur les droits fondamentaux de l'être humain, singulièrement de l'enfant. Toutefois, on peut saluer et se réjouir de cet engagement certes tardif mais précieux ; car les textes auxquels la Côte d'Ivoire a souscrit offrent aux droits de l'enfant de bénéficier d'une présomption d'effectivité en vertu du principe de pacta sunt servanda.

De ce qui précède, on peut indiquer que les droits de l'enfant en Côte d'ivoire reposent sur une catégorie des sources juridiques d'origine internationale. L'attitude de l'Etat de Côte d'Ivoire à l'égard desdites sources d'origine internationale amène à distinguer, d'une part, une reconnaissance indirecte à travers des instruments généraux des droits de l'homme (Section1), et d'autre part, une reconnaissance directe à travers des instruments spécifiques aux droits de l'enfant (Section 2).

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Section I : UNE RECONNAISSANCE INDIRECTE A TRAVERS LES INSTRUMENTS GENERAUX DES DROITS DE L'HOMME

La reconnaissance indirecte des droits de l'enfant à travers les instruments généraux des droits de l'homme a été opérée sur les plans universel (Paragraphe 1) et régional (Paragraphe 2).

§ 1. AU NIVEAU UNIVERSEL

Avant 1940, la protection des droits de l'homme, à l'échelle universelle, était embryonnaire et fragmentée. Le Pacte de la SDN n'avait envisagé que la protection de deux catégories d'hommes : les minorités nationales et les populations des pays sous mandat145. Quant à l'Organisation internationale du Travail (OIT), elle visait la protection des seuls travailleurs en tant que tels146. Cependant, l'universalité des droits de l'homme a été proclamée et reconnue par les instruments internationaux onusiens au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ces droits reconnus et proclamés s'adressent à tous les hommes sans exclusion aucune ; que l'on soit homme, femme, enfant, adulte. Chronologiquement, parmi ces instruments auxquels la Côte d'Ivoire est partie, on détache, la Charte des Nations Unies et la DUDH (A) d'une part, et les Pactes internationaux de 1966 (B). A côté de ces instruments universels susvisés, se greffe un instrument régional, à savoir, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (C). Ces instruments reconnaissent à des degrés divers une certaine protection des droits de l'enfant.

145 MOUTON (M.R.), « La SDN et la protection des minorités nationales en Europe », Relations internationales, n°75, Automne 1993, pp.315-328. ; BARRE (M.C.), Les minorités territoriales et le droit international, R.Q.D.I, vol. 6, n°1,1990, pp.12-23. ; GRIMAL (H.), La décolonisation, de 1919 à nos jours, Edition complexe, 1985, pp. 17-19.

146 BIT, Droits fondamentaux au travail et normes internationales du travail, Genève, Bureau international du Travail, 2004, pp.1-2.

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A. L'ADHESION DE LA COTE D'IVOIRE A LA CHARTE DES NATIONS UNIES ET LA DUDH

Au titre de la proclamation d'une protection universelle des droits de l'Homme, il faut compter en tout premier lieu avec la Charte de San Francisco de 1945, qui contient des objectifs généraux en termes de paix, de développement et de droits de l'Homme, mais aussi et surtout avec la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH). Pour avoir fait de l'homme, c'est-à-dire tout être humain, l'objet des droits consacrés, la Charte des Nations Unies (1) et la DUDH (2) présentent un intérêt certain pour les droits de l'enfant.

1. La Charte des Nations Unies

La Charte des Nations Unies fut signée le 26 juin 1945147 par les 50 Etats ayant participé à la Conférence de San Francisco.

Tous les Etats africains sont parties, sans exception, à la Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco le 26 juin 1945. La Côte d'Ivoire fut admise à l'ONU, le 20/09/1960148. Cette adhésion leur confère la qualité de membres de la plus grande organisation mondiale. Par l'effet de cette adhésion, ils ont adhéré aux principes contenus dans cette charte. C'est dans la charte des Nations Unies que la protection générale des droits de l'homme a pour la première fois obtenu un statut formel en tant que partie du droit international149. Le terme « droit de l'homme » est mentionné à plusieurs reprises dans la Charte150. La Charte de l'Onu est une convention internationale, qui impose aux Etats signataires, l'obligation de respecter les droits de l'Homme sans définir ni même mentionner lesdits droits. La charte établit une corrélation claire entre la paix et la sécurité internationale et le respect des droits de l'homme. Dans le préambule de la Charte, les Etats membres proclament à nouveau leur « foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes,

147 Le texte français de la Charte est disponible à partir de l'adresse suivante : www.un.org/french/aboutun/charter.htm (consulté le 15/03/2013).

148 http://www.un.org/fr/members/index.shtml (consulté le 12 septembre 2014) ; le Bénin, le Burkina, le Congo, le Gabon, le Madagascar, le Niger sont aussi devenus membres de l'Onu à cette même date du 20/09/1960.

149 JESSICA (C.), LAWRENCE (J.C.), Les droits de l'homme, Harvey J.Langholtz, Peace operations trainig institute, Williamsburg, 2014, p.23.

150 Le préambule et les articles 1, 13, 55, 62, 68 et 76 de la Charte de l'ONU.

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ainsi que des nations grandes et petites » et se montrent résolus « à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ».

Parmi les buts des Nations Unies, l'article 1, paragraphe 3 de la Charte énonce la réalisation de « la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » . Une idée analogue est exprimée à l'article 55 c de la charte qui précise également que les Nations Unies favorisent « le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion », tandis qu'aux termes de l'article 56, les Etats s'engagent, en vue d'assurer le respect des droits de l'homme à coopérer avec l'Onu. Cette première consécration générale des droits de l'homme dans un traité international fondamental inaugure leur essor, en les plaçant au coeur des missions conférées à l'organisation universelle151.

La charte confie aux organes principaux des Nations Unies, à savoir l'Assemblée Générale et le Conseil économique et social (ECOSOC), des compétences d'études et de recommandations en matière de droits de l'homme152 . En somme, l'oeuvre de la Charte en matière des droits de l'homme est modeste. Certes, engage-t-elle les organes des Nations Unies à favoriser et à développer les droits de l'homme. Mais à part l'interdiction explicite de toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la langue ou la religion, elle ne comporte aucune définition de ce qu'il faut entendre par « droits de l'homme ». Pire, la Charte n'instaure aucun mécanisme effectif de contrôle du respect de ces droits.

Cependant, le mérite de la Charte, est d'avoir soustrait les droits de l'homme au domaine réservé des Etats, en ce qu'elle oblige les Etats à coopérer avec l'organisation pour le respect des droits de l'homme. Cette lecture paraît être en contradiction avec le célèbre article 2 § 7, qui dispose: «Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à soumettre les affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte»; ceci sans préjudice de l'application du

151 WACHSMANN (P.), Les droits de l'homme, Paris, Dalloz, 4ème édition, 2002, p.12.

152 Art. 13, alinéa 1b, et 62, al.2) Charte des Nations Unies.

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Chapitre VII relatif aux pouvoirs du Conseil de sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression. Que déduire de cette apparente contradiction entre l'internationalisation des droits garantis à l'individu contre l'Etat et le rappel du droit de l'Etat à régler souverainement ses affaires intérieures ? Une première thèse aboutit en réalité à ruiner les virtualités contenues dans la proclamation de l'importance attachée par les Nations Unies au respect des droits de l'homme. Elle ne voit que dans cette mention de la Charte qu'une déclaration d'intention et s'appuie sur l'article 2, § 7, pour dénier toute portée contraignante à la mention des droits de l'homme. Spécialement, comme le souligne le Professeur Wachsmann, en présence d'un cas concret de violation, même massive , des droits de l'homme, cette thèse refuse aux Nations Unies, toute compétence pour évoquer la question et a fortiori pour réagir de quelque manière que ce soit. Mais, fort heureusement, à cette vision par trop restrictive, s'oppose une vision plus dynamique ; d'éminents internationalistes en seront les chefs de file153. Cette doctrine met l'accent sur le fait qu'une affaire ne saurait être considérée comme relevant essentiellement de la compétence nationale d'un Etat, à partir du moment où elle se rattache à une matière régie par le droit international. En insistant sur l'importance des droits de l'homme, la Charte oblige alors les Etats parties, en vertu de leur propre consentement à être liés, à les respecter et à accepter que l'Organisation puisse examiner l'effectivité de l'engagement pris. La référence de la Charte aux droits de l'homme et le lien établi entre maintien de la paix et respect de ces droits peuvent ici déployer tous leurs effets : la matière est bien internationalisée, elle rentre dans les compétences de l'Organisation, ce qui permet aux organes des Nations Unies d'exercer les différents pouvoirs que leur reconnaît la Charte.

Bien que la Charte ne mentionne pas de façon expresse, la question des droits de l'enfant, on peut déduire qu'elle vise tous les hommes y compris les enfants à travers l'expression « droits de l'homme ». Pour être membre des Nations Unies, la Côte d'Ivoire, se doit de respecter en conséquence, les droits de tous les hommes, notamment de l'homme-enfant, et ce conformément au but des Nations Unies sus indiqué.

Les dispositions de la Charte ont valeur de droit international positif parce que la Charte est un traité et constitue à ce titre un document juridiquement contraignant. Tous les Etats membres de l'Organisation des Nations Unies doivent s'acquitter de bonne foi des

153 LAUTERPACHT (H.), « The International Protection of Human Rights », R.C.A.D.I., t. 70, 1947, p.1.

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obligations qu'ils ont contractées aux termes de la Charte : obligation de promouvoir le respect et la protection des droits de l'homme, obligation de coopérer avec l'Organisation des Nations Unies et avec les autres Etats pour que ces objectifs soient atteints.

Les auteurs de la Charte étaient conscients des lacunes de celle-ci en matière de droits de l'homme : elle n'énonce pas de droits de l'Homme et ne met en place aucun mécanisme spécifiquement chargé d'en assurer la mise en application dans les Etats membres. Aussi dès 1946, l'Assemblée générale recommanda à l'ECOSOC de créer un organe subsidiaire, la Commission des droits de l'homme, composée des représentants des Etats, en vue de la rédaction d'un instrument approprié. La commission prépara un traité et une déclaration. Suite à l'opposition du bloc soviétique à l'idée de traité contraignant, seul le projet de déclaration a été retenu. C'est ainsi que l'Assemblée générale adopta, par sa résolution 217 (III), la Déclaration universelle des Droits de l'homme qui n'est pas sans enjeu dans la reconnaissance internationale des droits de l'enfant.

2. La déclaration universelle des droits de l'homme

« La déclaration universelle des droits de l'homme représente le premier manifeste, le premier mouvement d'ordre éthique, que l'humanité organisée n'ait jamais adopté »154. Lors de la Table Ronde sur les droits de l'homme (Oxford, 11-19 novembre 1965), René Cassin disait : « La Déclaration universelle (...) ne se présente pas uniquement comme la protestation nécessaire et positive de la conscience humaine en riposte à des atrocités d'une ampleur inouïe. Elle est aussi, c'est ce qui fait sa force durable, l'expression des aspirations élémentaires, permanentes de l'ensemble de l'humanité : celles sans doute des êtres déjà parvenus à un certain niveau de vie, de culture et d'exigences, mais aussi celles des centaines de millions d'êtres humains encore accablés par l'oppression, la misère, l'ignorance et commençant à prendre conscience des conditions nécessaires à leur dignité collective et individuelle »155. La DUDH a été rédigée par la Commission des droits de l'homme en 18 mois (janvier 1947-décembre 1948). Elle fut adoptée par l'Assemblée Générale qui représentait les 58 Etats membres des Nations Unies, le 10 Décembre 1948156. C'est le

154 CASSIN (R.) et AGI (M.), La Cité Humaine, Cours de DUEDH, inédit, cité par M. Roger KOUDE dans son cours de Philosophie des droits de l'Homme, Institut des droits de l'Homme de Lyon, 2010.

155 In l'enseignement des droits de l'homme, Unesco, Paris, 1985.

156 Http : // WWW.UN.ORG/french/aboutun/historique.htm (consulté le 02/12/2012).

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premier texte international qui a énoncé que les droits fondamentaux et libertés publiques doivent être considérés comme inaliénables à la personne humaine et donc proclamés comme étant universels. D'ailleurs, les auteurs qui l'ont rédigée et les Etats membres de l'assemblée générale qui l'ont ratifiée étaient de différentes cultures, traditions et religions. La DUDH comprend aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels.

Si elle est la manifestation quasi unanime des Etats composant alors l'ONU, c'est au prix d'un laborieux compromis entre deux blocs idéologiques d'alors : le monde marxiste et le monde occidental. Aussi fait-elle une place non négligeable aux droits économiques et sociaux, exaltés par le bloc marxiste, comme le droit à la sécurité d'existence, le droit au travail, le droit syndical, le droit au repos et aux loisirs, le droit à la santé, à l'éducation et à la culture157 . Le monde occidental obtient, en échange, la consécration des droits civils et politiques classiques, comme la liberté religieuse, la liberté d'expression, le droit à un procès équitable, ainsi que le droit de propriété, mais doit renoncer à la reconnaissance du droit de grève et de la liberté de commerce et d'industrie que le bloc soviétique récuse. Ainsi, elle témoigne d'un net recul de l'individualisme comme en témoigne son article 29 qui met l'accent sur les devoirs de l'individu envers la communauté « dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible ». En outre, la Déclaration consacre de nouveaux droits qui ne peuvent se concevoir que dans une perspective transfrontalière. Il s'agit notamment du droit de chaque individu à une nationalité (art.15), du droit de quitter n'importe quel pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays (art.13, §2), et de recevoir et de diffuser des informations et des idées sans considération de frontières (art.19).

La DUDH ne prévoit cependant aucune institution spécifique de promotion et de protection des droits et libertés qu'elle se contente de proclamer.

Considérant les droits de l'enfant, on remarque d'abord que la DUDH énonce que « toute personne a droit... ». L'enfant étant inclus dans les vocables « toute personne » ou « tout individu » bénéficie ipso facto de tous les droits reconnus dans cette déclaration ; Ensuite, le terme enfant n'est cité qu'aux articles 25 et 26 de la DUDH. L'article 25- 2 dispose que « la maternité et l'enfance ont droit à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés

157 Articles 22à 27 de la DUDH.

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dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale». Il résulte donc de ce texte que des mesures spéciales de protection doivent être prises par les Etats en faveur de l'enfance mais aussi de la femme durant la maternité et ce au nom de l'intérêt certain de l'enfant à naître. De même, cet article rappelle l'égalité des droits des enfants, y compris adultérins, ou simplement nés hors mariage. Quant à l'article 26-3, il énonce « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants ». Se trouve ainsi affirmé le droit à l'éducation en faveur de l'enfant.

La déclaration de 1948 a été conçue par ses auteurs comme un idéal commun à atteindre, une exhortation issue du tréfonds de la conscience universelle. Pour être une recommandation de l'Assemblée générale de l'Onu, elle est en principe dépourvue par elle-même, de force juridique contraignante. Les jurisprudences nationales françaises confirment cette interprétation158. Le juge français a considéré que la DUDH étant une déclaration et non un traité international, elle a une valeur juridique modeste et n'est pas même invocable en droit français159. Dans le même ordre d'idées, les juridictions allemandes ont refusé, dans certains cas, de reconnaitre le caractère de droit coutumier international à certaines dispositions de la DUDH160 . Il en va autrement de la position d'une certaine doctrine et de la jurisprudence américaine qui accordent un caractère coutumier et donc obligatoire à la déclaration. L'idée de recourir à la DUDH en tant que règle coutumière a été défendue dans un premier temps par la doctrine qui considère que la Résolution de l'Assemblée Générale des Nations Unies, ou du moins certaines de ses dispositions, correspond à une coutume internationale161. La Jurisprudence a suivi la voie de la doctrine dans le sens de la

158 Cf. Cass, 4 décembre 2001, R.W., 2001-2002, p.1353 ; C.E. fr. 23 novembre 1984, Roujansky, Rec. Lebon, p.383.

159 CE 18 avr. 1951, Elections commune de Nolay, Lebon p. 189.

160 Voir les exemples de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale allemande cités par MERON (T.), Human Rights and Humanitarian Norms as Customary International Law, Clarendon Press, Oxford, 1989, 263 p., p. 133, note 183. Selon la Cour constitutionnelle fédérale, l'article 13-2 de la DUDH accordant le droit à toute personne de quitter un pays ne contient pas de règle universelle de droit international et, de ce fait, ne fait pas partie du droit allemand en vertu de l'article 25 de la loi fondamentale.

161 LILLICH (R.B), « The Role of Domestic Courts in Enforcing International Human Rights Law ». , American Association of International Law Proceedings of the 74th Annual Meeting, 1980, p.20-25 ; June M. Ross, « Limitations on Human Rights in international Law: their Relevance to the Canadian Charter of Rights and Freedoms. »., HRQ, 1984, p.180-223, p.197 et note 81 ; HUMPREH ( J.), « The Universal Declaration of Human Rights: its History, Impact and Juridical Character »., in B.G. RAMCHARAN(dir.), Human Rights: Thirty Years After the Universal Declaration, Martinus Nijhoff, la Haye, 1979, 274p., p.28-37,p.29 et p.37 ; MOULTON (E.), « Domestic Application of International Human Rights», Saskatchewan Law Review 1990,

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consécration de la DUDH en tant que norme internationale coutumière162 , mais de façon plus ponctuelle. Ainsi, les tribunaux américains citent souvent la DUDH comme une source de droit international coutumier, même si elle ne constitue pas l'unique référence. A titre d'exemple, dans l'affaire Filartiga v.Pena-Irala, la Cour d'appel du second circuit a considéré que l'interdiction de la torture « est devenue partie du droit international coutumier telle que mise en évidence et définie par la DUDH (...) »163 . De même, dans l'affaire Rodriguez-Fernandez v. Wilkinson, la Cour d'appel du dixième circuit a fait référence aux articles 3 et 9 de la DUDH pour conclure au caractère coutumier de l'interdiction de la détention arbitraire164.

Toutefois, on peut se demander si, au niveau international, une évolution ne se dessine pas vers la reconnaissance du statut de droit international coutumier à la Déclaration. A cet égard, les conceptions divergent. Certains dénient à la Déclaration la valeur coutumière en excipant de l'absence d'une pratique étatique généralisée tendant vers un respect des droits qu'elle contient165. D'autres font valoir que toutes les dispositions de la Charte font partie intégrante du droit international coutumier, la Déclaration s'analysant en une interprétation authentique des dispositions de la Charte sur les droits de l'homme que les Etats se sont engagés à respecter166.

Lorsqu'on se réfère, non plus au contenant, c'est-à-dire l'acte, à l'instrument qu'est la résolution, mais à son contenu, on se rend compte qu'elle constitue un acte renfermant des

p.39. ; DECAUX (E.), « De la promotion à la protection des droits de l'homme, droit déclaratoire et droit programmatoire » in La protection des droits de l'homme et l'évolution du droit international, Colloque de la S.F.D.I, Pedone, Paris, 1998, 344p., p.81-119, p.108.

162 Voir LILLICH (R.B.), « Invoking International Human Rights Law in Domestic Courts », in Cincinnati Law Review, 1985, p.402. ; « La commission des Droits de l'homme des Nations Unies, faisant référence à la DUDH a admis qu'étant donné la solennité et la signification plus grande d'une déclaration, on peut considérer que l'organe qui l'adopte manifeste ainsi sa vive espérance que les Membres de la communauté internationale la respecteront. Par conséquent, dans la mesure où cette espérance est graduellement justifiée par la pratique des Etats, une déclaration peut être considérée par la coutume comme énonçant des règles obligatoires pour les Etats ». Rapport de la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies, E/3616/Rev. 1, § 105.

163 Cour d'appel, 2nd circuit, Etats-Unis, 30 juin 1980, Filartiya v. Pena-Irala, 630 F.2d 876.

164 Cour d'appel, 10th circuit, Etats-Unis, 9 juillet 1981, Rodriguez-Fernandez v. Wilkinson, 654 F.2d 1382 (1981).

165 SUDRE ( F.), Droit international et européen des droits de l'homme, Paris, PUF, 4ème édition, 1999, p.116.

166 SOHN (L.), « The New international law: Protection of the rights of individuals rather than States », American University Law Review, 1982, p. 16 et s.

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principes obligatoires s'imposant aux Etats, à la fois au double plan national et international. Au plan national, tous les Etats modernes, y compris la Côte d'Ivoire, font référence aux principes et droits de l'Homme tels que définis par la DUDH, à travers leurs constitutions respectives. Il s'ensuit que celle-ci acquiert valeur de droit positif. L'Etat se doit donc de les respecter au même titre que sa Constitution. Au plan international, les principes contenus dans la DUDH constituent non seulement des règles obligatoires, mais encore des règles impératives. Ce sont des règles obligatoires qui trouvent leur fondement sur une base à la fois conventionnelle et coutumière.

Au plan conventionnel, la déclaration peut être appréhendée comme une explicitation des principes contenus dans la Charte. Celle-là constitue ainsi une interprétation autorisée de celle-ci167. La Charte qui est un acte obligatoire se borne dans certains de ses articles (1 à 55) à prescrire le respect des droits de l'Homme sans le mentionner. La déclaration, qui est une résolution, c'est-à-dire un acte non obligatoire, vient citer les Droits de l'Homme et les définir, comblant ainsi la lacune de la Charte. La Charte confère ainsi sa valeur à la déclaration. La CIJ est allée dans ce sens lorsque, dans son arrêt relatif au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran en date du 24 mai 1980, elle s'est fondée à la fois sur les deux actes pour condamner l'Iran accusé d'avoir violé les droits de l'Homme168.

Au plan coutumier, les principes et droits de la déclaration universelle consacrés par de nombreux textes juridiques (constitutions, résolutions, conventions, etc.) ont acquis valeur de coutume et s'imposent ainsi aux Etats qui sont tenus de les respecter. Ce sont des règles impératives, c'est-à-dire des règles si importantes que les Etats souverains ne peuvent y déroger par des conventions particulières. On peut ainsi soutenir que certains des droits consacrés par la Déclaration sont à ces points essentiels qu'ils ont pénétré le droit international coutumier : génocide, esclavage, disparition involontaire d'individus, torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, détention arbitraire prolongée,

167 Voir en ce sens CASSESSE (A.), Le droit international dans un monde divisé, Berger-Levrault, 1986, p.124. ; SALCEDO (J.A Carel LO), « Les valeurs juridiques de la Déclaration dans l'ordre international », in la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme 1948-98, la Documentation française, Paris, 1999, p.290 et 293.

168 TCHICAYA (B.), Mémento de la jurisprudence du droit international public, Hachette, 4ème éd.2007, pp.109-111.

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discrimination raciale systématique, ainsi que les violations systématiques et graves des droits internationalement reconnus169. C'est cette conception que la Cour internationale de justice paraît avoir partagée dans son arrêt du 24 mai 1980 relatif à l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran170 en déclarant que : « le fait de priver abusivement de leur liberté des êtres humains et de les soumettre, dans des conditions pénibles, à une contrainte physique, est manifestement incompatible avec les principes de la Charte des Nations Unies et avec les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme ».

Cela étant, on ne saurait ignorer le vaste rayonnement que la Déclaration a connu dépassant de loin les espoirs de ses auteurs. Exaltant la primauté de l'individu, la DUDH continue aujourd'hui d'assurer « le défi d'une révolution inachevée : celle qui a pour but de placer l'être humain au centre de toute valeur nationale et internationale »171. La Déclaration a servi de source d'inspiration à maintes constitutions nationales. Ses dispositions ont été reprises par différentes déclarations et traités sur les Droits de l'Homme tant au niveau universel qu'au niveau régional. Par ailleurs, en tant qu'elle contient le fonds de principes d'éthique à laquelle devrait tendre toute société humaine, la Déclaration fait oeuvre de pédagogie. Elle fournit à l'opinion publique mondiale et aux organisations internationales, gouvernementales ou non gouvernementales, un précieux instrument de référence dans la sensibilisation des Etats à la cause des droits de l'homme, des droits de l'enfant.

Au-delà de son caractère coutumier liant tout Etat membre de l'Onu, l'adhésion de la Côte d'Ivoire à la DUDH, rappelons-le, est de statut constitutionnel. En tant que telle, elle fait partie du droit positif ivoirien, et devient par ricochet, une précieuse source des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Le contenu de la Déclaration universelle des droits de l'homme fut repris et amélioré sous une forme conventionnelle dans les deux pactes adoptés à

169 BUERGENTHAL (Th.) et. KISS (A.), La protection internationale des droits de l'homme, N.P. Engel, Strasbourg, 1991, p.22. ; ROBERTSON (A.H) et MERRILS (J-G), Human Rights in the World, Manchester University Press, 4ème éd. 1996, p.29.

170 Rec., 1980, p.42.

171 MARTENSON (J.) « The Preamble of the universal Declaration of Human Rights and the UN Human Rights Programme », in Eide et al., The Universal Declaration of Human Rights- A Comentary, 1993, p.17.

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l'unanimité par l'Assemblée générale de l'ONU, le 16 décembre 1966, dans sa résolution 2200 A (XXI).

Outre la DUDH qui a acquis une valeur constitutionnelle, la Côte d'Ivoire a adhéré aux deux pactes internationaux de 1966 qui présentent des enjeux majeurs pour les enfants et leurs droits.

B. L'ADHESION DE LA COTE D'IVOIRE AUX PACTES INTERNATIONAUX DE 1966

La Côte d'Ivoire est partie à ces deux pactes. Toutefois son adhésion est intervenue vingt-cinq ans après leur adoption. Le fondement juridique de cette adhésion est la loi n°91-883 du 27 Décembre 1991 autorisant l'adhésion et le décret n°91-884 du 27 Décembre 1991 portant adhésion de la République de Côte d'Ivoire aux deux pactes. Après avoir présenté ces pactes (1), on n'examinera leur apport dans la protection des droits des enfants (2).

1. Présentation des pactes de 1966

Les deux pactes des droits de l'Homme, adoptés par l'Assemblée générale de l'Onu le 16 décembre 1966, ont mis les textes dans leur contexte. Ce faisant, il a fallu vingt ans de débats souvent serrés pour les adopter (de 1946 à 1966) et dix ans de délai pour leur entrée en vigueur (de 1966 à 1976), preuve s'il en faut, des difficultés rencontrées quand il s'agit d'entériner un texte à l'échelle internationale. En raison du manque de valeurs communes entre les traditions libérales, les traditions socialistes marxistes, et les Etats du Tiers-Monde, on a été amené à adopter deux pactes séparés, l'un relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l'autre aux droits civils et politiques, faits sans cesse de compromis172. Ces deux pactes viennent compléter et renforcer la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Tous deux contiennent une énumération longue et précise des droits traditionnels (53 articles) et des droits économiques (31 articles)173. Tout y est, des droits individuels aux droits collectifs et communautaires, extensibles pour certains, accompagnés de restrictions pour d'autres. Un exemple. Le droit de changer de religion à l'honneur dans la Déclaration

172 YACOUB (J.), Les droits de l'homme sont-ils exportables ? Géopolitique d'un universalisme, éd ellipses, Paris, 2004, p.70.

173 MADIOT (Y.), Droits de l'Homme, éd. Masson, 2eme édition, Paris, 1991, p.87.

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de 1948 (art.18), ne figure plus explicitement dans le pacte des droits civils et politiques, qui a été remplacé par le droit d'adopter une religion (art.18 du Pacte). Ce qui n'empêche pas cependant les experts du Comité des droits de l'Homme de lire cette nouvelle clause dans le sens de la première, c'est-à-dire du droit au changement. Or si le sens est le même, pourquoi donc a-t-on changé de formulation ?

Ces deux pactes internationaux ont introduit la notion fondamentale de conditions susceptibles de rendre possible progressivement la jouissance des droits de l'homme en tenant compte des ressources disponibles, relativisant ainsi l'application des droits de l'homme. Or cette notion de progressivité des droits de l'homme, qui ne figurait pas dans la Déclaration de 1948, est une concession faite par les Etats européens aux pays en voie de développement. Les préambules des Pactes qui exposent leur orientation philosophique, soulignent dans des termes identiques le caractère progressif de leur mise en oeuvre :

« Reconnaissant que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'idéal de l'être humain libre, jouissant des libertés civiles et politiques et libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si les conditions permettant à chacun de jouir de ses droits civils et politiques, aussi bien que de ses droits économiques, sociaux, et culturels, sont créés ».

En conséquence, « chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier par l'adoption de mesures législatives ». On pensait, entre autres, au caractère obligatoire et à la gratuité de l'enseignement primaire avec le souhait de voir adopter « un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser progressivement dans un nombre raisonnable d'années fixé par ce plan, la pleine application du principe de l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous » ( art. 14).

En même temps, les Etats parties reconnaissent la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et leurs droits égaux et inaliénables, qui constituent le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Le même préambule mentionne d'emblée

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les devoirs : « Prenant en considération le fait que l'individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s'efforcer de promouvoir et de respecter les droits reconnus dans le Présent Pacte ».

En outre, l'insertion d'un article sur le droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes, à trouver son accomplissement par l'adoption d'une disposition incorporée dans les deux pactes et libellée dans des termes identiques. Ce droit collectif jouit de préséance sur les autres droits puisqu'il figure en première place :

« 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.

3. Les Etats parties au Présent pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies ».

Quinze articles traitent des droits économiques. L'article 10 est consacré à la famille, aux mères et aux enfants. Les Etats parties reconnaissent que : « Une protection et une assistance aussi large que possible doivent être accordées à la famille, qui est l'élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu'elle a la responsabilité de l'entretien et de l'éducation d'enfants à charge. » (par.1).

Par ailleurs, lors des discussions, il y eut des oppositions fondamentales sur le droit de propriété, ce qui explique la non incorporation de ce droit dans les Pactes. Mais ces deux pactes174 n'obéissent pas à la même conception que celle qui anime la Déclaration. En 1966, l'Onu comptait 122 membres au nombre desquels de nombreux Etats du tiers monde. Il en

174 MOURGEON (J.), Les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, AFDI. , 1967, p.327.

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résulte un très sensible affaiblissement de l'individualisme au profit d'un phénomène de collectivisation des droits de l'Homme175.

Les pactes constituent avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, « la Charte internationale des droits de l'Homme » : ce sont les 3 textes fondamentaux de protection des droits de l'homme. Les deux pactes ont des dispositions communes, notamment leur préambule qui vient rappeler que les deux catégories de droits sont indivisibles. Ce principe d'indivisibilité et d'interdépendance des droits de l'homme sera, d'ailleurs, solennellement consacré dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne adoptés le 25 juin 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme. Les deux pactes consacrent également le droit à l'autodétermination des peuples (article 1) ainsi que l'égalité des sexes pour l'accès à l'ensemble des droits fondamentaux (article 3).

Le Pacte international sur les droits civils et politiques protège notamment : Le droit à la vie (article 6) ; L'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 7) ; L'interdiction de l'esclavage et des travaux forcés (article 8 ) ; Le droit à la liberté et à la sécurité, et l'interdiction de la détention arbitraire (article 9) ; L'égalité devant les tribunaux et les cours de justice (article 14); Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 18) ; Le droit de vote et d'être élu au suffrage universel et égal (article 25).

Le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels protège notamment : Le droit au travail (article 6) ; Le droit à un niveau de vie suffisant (article 11) ; Le droit de jouir d'un bon état de santé (article 12) ; Le droit à l'éducation (article 13) ; La gratuité de l'enseignement primaire (article 14); Les droits culturels (article 15).

Les pactes ayant été analysés, on peut à présent procéder à l'examen de leurs enjeux pour les droits de l'enfant.

2. Les enjeux des pactes pour les droits de l'enfant

Les Pactes présentent des enjeux majeurs pour les Droits de l'Enfant. En effet, « les deux pactes internationaux font également référence aux droits de l'enfant et confirment des droits

175 SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'homme, PUF, 2016, p.76 et s.

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qui avaient déjà été consacrés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Déclaration de Genève de 1924 et la Déclaration des Droits de l'Enfant de 1959. »176

L'article 24 du Pacte international sur les droits civils et politiques réaffirme le droit des enfants à une protection, et le droit à un nom et à une nationalité :

« Tout enfant, sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance, a droit, de la part de sa famille, de la société et de l'État, aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur.».

Le droit des enfants à bénéficier d'une protection contre l'exploitation infantile et l'obligation des États à fixer un âge minium au travail sont confirmées par le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), en son article 10. L'article 12 de ce PIDESC confirme encore le droit des enfants à jouir du meilleur état de santé possible. Enfin, le droit à l'éducation des enfants et le principe de gratuité de l'enseignement primaire pour tous les enfants sont réaffirmées par l'article 13 en ces termes:

« [...] l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.».

Comme le reconnait l'Ong internationale « Humanium » : « La réaffirmation de ces droits est une avancée importante dans la protection des droits de l'enfant. En effet, le droit à une protection et le droit à une identité, ainsi que le droit à l'éducation et à la protection contre l'exploitation font partie des droits les plus fondamentaux des enfants. Avant l'adoption des pactes internationaux, ces droits n'étaient reconnus que par des déclarations. Les pactes confèrent une valeur contraignante à ces droits. Dès lors, tous les États parties sont juridiquement tenus de respecter et de faire respecter ces droits pour tous les enfants relevant de leur juridiction. »177.

Au-delà des textes universels à caractère général, l'enfant de la Côte d'Ivoire bénéficie aussi de la protection des droits de l'homme proclamés au niveau régional africain, par le biais de la Charte africaine des droits de l'homme et de peuples (C.A.D.H.P).

176 https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/ (consulté le 20/06/2018).

177 https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/ (consulté le 20/06/2018).

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§ 2. AU NIVEAU AFRICAIN : LE CAS DE LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES

Le système africain de protection des droits de l'Homme constitué par la charte revêt une importance fondamentale pour la communauté internationale venant en complément et en renforcement de la protection internationale des droits de la personne humaine. Aussi, l'Assemblée générale des Nations Unies n'a-t-elle pas manqué d'adresser, le 16 décembre 1981, ses vives félicitations à l'OUA pour l'adoption de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples178. Ainsi, la communauté internationale s'enrichit, dans le cadre régional, d'un nouvel instrument juridique. Après l'Europe, avec la convention de Rome sur la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et l'Amérique, avec la Convention de San José de Costa Rica relative aux droits de l'Homme du 22 novembre 1969, c'est l'Afrique qui se préoccupe d'assurer la protection internationale des droits de l'homme.

Le résultat n'a pas été atteint sans difficultés, car l'idée d'un instrument de protection des droits de l'homme, conçue dès janvier 1961 par les juristes africains, n'a pu voir le jour que le 28 juin 1981, soit vingt ans plus tard. La charte a été en fait le fruit des souffrances atroces des peuples africains qui ont atteint un seuil intolérable en République centrafricaine, en Guinée Equatoriale et en Ouganda. Ces trois peuples ont en effet subi les dictatures violentes et sanglantes. Ces dictatures respectivement de l'empereur Bokassa 1er, du Président Macias NGUEMA et du Maréchal Idi Amin DADA, dictatures sanctionnées par leur chute spectaculaire en 1978-1979, ont été marquées notamment par le massacre de centaines d'enfants. La réaction des peuples africains à la répression, ainsi que la répulsion ressentie par leurs dirigeants face à ces horreurs n'ont pu que faire prendre conscience de la nécessité d'une protection régionale des droits de l'Homme.179

La Côte d'Ivoire a adhéré à la CADHP en date du 27 décembre 1991, soit dix (10) ans après son adoption et cinq (5) ans après son entrée en vigueur.

Afin de mieux cerner les traits généraux de la C.A.D.H.P, nous utiliserons la démarche comparative qui nous permettra de faire ressortir tout d'abord ses ressemblances avec les

178 Résolution A/Res/36/154.

179 Voir en ce sens A.F.D.I. 1981 P.426-427.

autres instruments internationaux de protection des droits de l'homme avec lesquels elle conserve une certaine fraternité dans la droite filiation de la Déclaration universelle des droits de l'Homme(A). Nous examinerons ensuite seulement, les aspects spécifiques de cet instrument régional (B) avant de mettre en exergue les enjeux du traité africain des droits de l'homme pour l'enfant (C).

A. LES ELEMENTS DE RESSEMBLANCE ENTRE LA CHARTE ET LES AUTRES INSTRUMENTS DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

L'analyse de la C.A.D.H.P révèle une adaptation et une interprétation, mais en aucun cas une remise en cause radicale de la substance du corpus de la protection internationale des droits de l'homme. C'est ce qui a conduit OUGUERGOUZ a déclaré que « les similitudes de la Charte africaine et de la charte internationale des droits de l'homme sont plus nombreuses que les différences »180 .

Sans prétendre épuiser l'examen des points communs entre la CADHP et les autres traités de protection des droits de l'homme, nous pouvons néanmoins relever trois traits marquants qui traduisent cette proximité.

Tout d'abord, sur le plan formel, la charte africaine utilise la technique juridique conformément au droit des traités de Vienne. On pouvait s'attendre au moment de la rédaction de la Charte africaine que d'autres techniques, ou formulation soient sollicités. En effet, si l'on garde présent à l'esprit les tensions relatives au paradigme de l'universalisme des droits de l'homme, c'est souvent la formulation juridique qui est avant tout indexée pour récuser le caractère universel des droits de l'homme. Or, c'est cette même technique qui est reprise par les rédacteurs de la charte africaine. Cette technique de proclamation des droits qui rappelle le décalogue, aurait pu céder le pas au mythe, légende ou d'autres modes de consécration en Afrique.

Ensuite, sur le plan matériel, hormis quelques exceptions, la CADHP reprend le catalogue des droits inspirés de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La Charte africaine contient, un catalogue de droits que l'on retrouve, mutatis mutandis, dans les autres instruments internationaux de protection des droits de l'homme. Comme ces textes, la charte

180 OUGUERGOUZ (F.), Cours polycopié Institut international des droits de l'homme, 1999, p.23.

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africaine consacre les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, même si cette dernière va plus loin en formulant les droits de troisième génération, dits de solidarité. La Charte africaine est du point de vue des droits qu'elle consacre très proche des autres traités de protection des droits de l'homme, notamment des deux pactes et la Déclaration universelle des droits de l'homme.

En sus, une certaine emprunte de modernité traverse la philosophie à la base de cet instrument. Ce qui fait de la charte un texte équilibré entre tradition et modernité. Tout en conservant des éléments de tradition africaine, la CADHP reste profondément ancrée dans une conception moderne des droits de l'homme. Tout d'abord, elle consacre (pas exclusivement) dans une certaine mesure le triomphe de l'individualisme au coeur de la philosophie moderne des droits de l'homme. Elle proclame aussi les droits de l'Etat et ceux des peuples, tout en accordant une place aux droits individuels, de telle manière que l'on ne peut pas lui faire le procès d'établir une prépondérance de la communauté sur l'individu. Or, la philosophie traditionnelle à la base des sociétés africaines a été décrite comme celle qui consacre justement le primat du groupe sur l'individu. Pourtant, se démarquant de cette caractéristique majeure de la philosophie africaine traditionnelle, la charte consacre l'individualisme, tout en essayant de le diluer par des éléments communautaires.

Poussée par le vent de la modernité, la CADHP, consacre les droits de troisième génération qui constituent une nouvelle catégorie de droits de l'homme, qui ont récemment émergé en droit international, sans doute du fait des tristes événements enregistrés à la fin du dernier siècle. Au coeur de ces nouveaux droits, se trouve l'idée de solidarité et de fraternité : « ceux-ci sont des droits de l'homme sécrétés par l'évidente fraternité des hommes et par leur indispensable solidarité, droits qui uniraient les hommes dans un monde fini(...). Ils sont nouveaux car les aspirations qu'ils expriment sont nouvelles sous l'angle des droits de l'homme visant à faire pénétrer la dimension humaine dans des domaines dont elle était jusqu'ici trop souvent absente, étant abandonnés à l'Etat, aux Etats. »181. Ces droits de solidarité sont : le droit au développement, le droit à la jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité, le droit à la paix et le droit à un environnement sain.

181 VASAK (K.) , Pour une troisième génération des droits de l'homme, in Etudes et Essais en l'honneur de Jean PICTET, Comité international de la Croix-Rouge et Martinus Nijhoff Publishers, Genève, 1984, p.639.

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Enfin, même lorsque la CADHP déclare dans son préambule s'inspirer « des vertus des traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine » et qu'elle érige en devoirs des individus « l'obligation de veiller dans ses relations avec la société, à la prévention et au renforcement des valeurs culturelles africaines positives », elle l'entoure d'une exigence « d'esprit de tolérance, de dialogue et de concertation » qui l'inscrit dans la modernité. En ne retenant que les « valeurs africaines positives », l'Afrique sélectionne dans ses valeurs historiques celles qui sont capables de soutenir les fondations d'une civilisation moderne et universelle. Nous pouvons remarquer que la charte africaine ne fait aucune référence aux dieux, aux esprits, aux ancêtres, aux rites d'initiation, à aucune forme de transcendance, qui du reste, sont présent dans la cosmogonie africaine. Cet appel à la modernité se retrouve dans le discours du Président SENGHOR à l'ouverture des travaux de rédaction de la charte en ces termes : « Mesdames, messieurs les experts, gardez-vous à votre tour d'élaborer une charte des droits de l'homme africain ; l'humanité est une et indivisible et les besoins fondamentaux de l'homme sont partout identiques. Il n'y a ni frontière, ni race quand il s'agit de sauvegarder les libertés et les droits attachés à la personne humaine. Cela ne veut pas dire qu'il faille renoncer à penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes. »182.

Au-delà des traits communs qu'elle présente avec les autres instruments qui l'ont précédé, cette Charte présente quelques particularités même si la plupart des droits consacrés ne sont forcément par des innovations.

B. DES SPECIFICITES DE LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES

La plupart des spécificités de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ont pour fondement les traditions et les valeurs de civilisation africaine. Ces caractéristiques propres figurent en filigrane dans les trois discours faits à l'ouverture des travaux de la conférence des experts au moment de la rédaction de la Charte à Dakar du 28 novembre au 8 décembre 1979.183 En dehors de la dénomination de l'instrument qui est une particularité que la charte ne partage pas avec les autres instruments de protection des droits de l'homme (sauf en Afrique la charte de l'OUA, la charte culturelle de l'Afrique, la charte des droits et

182 Cité par MBAYE (K.), Les droits de l'Homme en Afrique, pedone, 1998, p.125.

183 Il s'agit des discours des présidents Senghor, Diawara, et du SG de l'époque Edem KODJO. Cité par MBAYE (K.), op.cit., pp.151-160.

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du bien-être de l'enfant) on peut retenir trois principales spécificités de la charte sur un triple plan philosophique, normatif et organique.

Les spécificités philosophiques recouvrent deux aspects : les valeurs de civilisation et la conception africaine des droits de l'homme. S'agissant des valeurs africaines de civilisation, dans le préambule de la charte, on retrouve cette volonté des auteurs de considérer que si les valeurs de civilisation africaine doivent nourrir la philosophie de la charte, il est également souligné que toutes les traditions ne sont pas bonnes à garder. Seules les valeurs « positives » qui correspondent aux besoins de la société africaine doivent servir de base à la conception de la charte. Quant à la conception africaine des droits de l'homme qui traverse la charte, elle semble liée à la conception du droit en Afrique. Une conception qui appréhende le droit moins comme un instrument de défense contre le groupe, mais comme un ensemble d'instruments protecteurs du groupe dont fait partie l'individu184 . On relève donc avec le Professeur Oberdorff qu'il « existe bien une conception africaine des droits de l'homme qui n'est pas simplement leur traduction à une région du monde, elle-même très diversifiée. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 prend en considération à plusieurs reprises, dans son texte, l'idée d'une spécificité africaine » qui renvoie à « un système de pensée holiste »185. Comme le souligne Michel Levinet186, suivant la conception africaine des droits de l'homme, « les droits de l'homme ne sont pas séparables des droits des peuples ; les droits de l'homme ne sont pas dissociables de ses devoirs envers des entités essentielles comme la famille, l'Etat, voire la communauté africaine ». Si l'on rapporte cette conception aux principes fondateurs de la théorie moderne des droits de l'homme, elle se rapproche d'une forme d'« universalisme concurrent ». En effet, les approches diffèrent sensiblement, cette théorie présupposant que « la personne humaine doit être respectée par elle-même et non plus qu'elle appartient à un tout187.

Quant aux particularités organiques liées au système originaire de la CADHP, notons à la fois l'absence d'une cour africaine des droits de l'homme, l'absence d'une déclaration préalable pour la compétence des organes pour recevoir des communications, et enfin la

184 Ibid., p.163.

185 OBERDORFF (H.), Droits de l'homme et libertés fondamentales, LGDJ, manuel, 5e éd., 2015, p.47et s.

186 LEVINET (M.), Théorie générale de droits et des libertés, Bruyant, 2008, p.216.

187 DE BOULOIS (X.D), Droits et libertés fondamentaux, PUF, « Licence Droit », 2010, p.19.

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place prépondérante accordée par la charte africaine à un organe composé des chefs d'Etats et de gouvernement.

De nombreuses analyses ont longtemps voulues voir dans l'absence d'une cour africaine des droits de l'homme, une conséquence directe de la conception du Droit en Afrique qui serait plus conciliatoire que contentieux. Il faudrait faire la critique d'une telle argumentation188 . Dans tous les cas, l'absence d'une Cour africaine des droits de l'homme a été un fait objectif donné à un moment précis ; lequel fait objectif a longtemps caractérisé la structure du mécanisme africain de sauvegarde des droits de l'homme, à la différence des deux autres mécanismes régionaux européen et américain. En revanche, les justifications philosophiques que l'on prête à cet élément objectif, sont très subjectives et relèvent d'une analyse hasardeusement inconsistante et du reste scientifiquement peu rigoureuse. Mieux, cette absence d'une Cour africaine indexée dès l'adoption de la charte a disparu, depuis l'adoption en date du 09 juin 1998 à Ouagadougou du protocole facultatif relatif à la création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Boudée au départ par les Etats, il ne comptait que six ratifications en 2003 (Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Gambie, Maurice, Sénégal, Afrique du Sud). A ce jour, 24 Etats ont signé et ratifié ce protocole, 25 Etats l'ont signé mais pas ratifié et 5 Etats n'ont pas encore signé ou ratifié cet instrument. Le Protocole est entré en vigueur le 25 janvier 2004 et les juges ont prêté serment en juillet 2006. Mais, depuis le 1er juillet 2008, l'Union africaine a adopté, à Sharm El Sheik, en Egypte, le protocole portant statut de la Cour Africaine de justice et des Droits de l'Homme et des peuples. L'on s'achemine vers l'extension des compétences de la cour aux affaires pénales (reprise des principaux crimes de la CPI : génocide, crime contre l'humanité, crime de guerre).

Une autre spécificité critiquable du système originaire africain de protection des droits de l'homme réside dans l'absence d'une possibilité de mise en place d'un régime d'exception en cas de circonstances exceptionnelles. La CADHP ne contient effectivement pas de clause comparable à l'article 15 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme

188 KONDE MBOM (J.M), Le contrôle international de l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Presses Universitaires du septentrion, 1999, p. ; Voir également MBAYE ( K.),les droits de l'homme en Afrique, op-cit, p.165.

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et des libertés fondamentales ou de l'article 27 de la convention américaine des droits de l'homme189.

La place prépondérante accordée à un organe des chefs d'Etas dans le mécanisme de sauvegarde apparait comme une situation sui generis en droit international des droits de l'homme. Cette caractéristique singulière de la C.A.D.H.P. ne se rencontre dans aucun traité de protection des droits de l'homme. En effet, si l'on trouve à des degrés limités l'action des organes politiques dans le contrôle de l'application des instruments de défense des droits de l'homme, il est souvent question d'un organe ministériel aux compétences réduites. Il en va ainsi notamment en Europe où l'influence du Conseil des ministres s'est réduite avec le protocole 11 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au-delà de l'impact négatif d'une telle implication de l'organe politique dans le dispositif originaire de sauvegarde de la Charte, nous pouvons d'ores et déjà indiquer la décrédibilisation, et une certaine désaffection de l'opinion internationale vis-à-vis de la charte africaine du fait justement qu'il est suspendu dans une certaine mesure à la bonne volonté des chefs d'État du continent. Surtout que les dispositions de la C.A.D.H.P.190 instaurent une prépondérance de cet organe politique qui se voit doté d'un véritable pouvoir décisionnel au détriment de la Commission africaine des droits de l'homme reléguée à un organe d'études et de propositions.

Les spécificités normatives tiennent à l'unicité de l'instrument, à la consécration des droits et devoirs spécifiques et des nouveaux droits.

L'OUA a préféré l'unicité conventionnelle à la dualité adoptée par la majorité des systèmes de protection des droits de l'homme. Ainsi, la CADHP, proclame dans le même texte, toutes catégories confondues des droits de l'homme, contrairement aux autres systèmes qui les séparent191. Elle réussit de ce fait à faire coexister trois catégories différentes de droits dans un seul instrument : droits civils et politiques (articles 8 à 14), droits économiques sociaux et culturels (articles 15 à 18), droits de solidarité (articles 19 à 22)192.

189 OUGUERGOUZ (F.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, op.cit.p.24.

190 Articles 58 et 59.

191 ETEKA YEMET (V.), La charte africaine des droits de l'homme et des peuples, l'Harmattan, 1996, p. 175.

192 OUGUERGOUZ (F.), Recueil des cours Institut international des droits de l'homme, 1999, p.5.

Elle est ainsi fidèle au principe d'indivisibilité des droits de l'homme, et de leur interdépendance qui appelle une approche plus globalisante193.

L'examen de la genèse de la CADHP nous permet de mieux saisir les spécificités qui la caractérisent. On en arrive ainsi à la conclusion selon laquelle, la charte africaine est la somme d'un difficile compromis sur un sujet sensible, car il comporte des implications directes qui révèlent à l'extérieur la manière dont sont gérés les Etats.

En dépit de ces spécificités, la CADHP n'est pas sans conséquence sur les droits de l'enfant.

C. LES ENJEUX DE LA CADHP POUR LES ENFANTS

Tout peuple, tout homme, chaque homme vivant sur le territoire ivoirien est bénéficiaire des droits inscrits dans cette charte. Tel est le cas des enfants qui au-delà du bénéfice des droits civils et politiques, des droits de solidarité reconnus à tout homme dans cette charte, se voient accorder une attention particulière au niveau des droits économiques, sociaux et culturels. En effet, la CADHP accorde une attention singulière à la protection de la famille et de certaines catégories de personnes à savoir, les enfants et les femmes.

La famille, en tant qu'élément naturel de base de la société, bénéficie d'une protection particulière. Les devoirs de l'Etat envers elle, prescrits par l'art. 18 par.1 et 2, consistent pour celui-là à protéger celle-ci en veillant à «sa santé physique et morale» et à l'assister «dans sa mission de gardienne de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la communauté». Quant à l'individu, il pèse sur lui l'obligation de respecter sa famille, d'oeuvrer pour sa cohésion, de protéger son développement harmonieux et même de «respecter à tout moment ses parents, de les nourrir et de les assister en cas de nécessité.» La famille bénéficie ainsi de cette protection renforcée non seulement en sa qualité d'élément naturel et fondamental de la société, mais également en tant qu'instrument de promotion des droits de l'homme et des peuples. C'est effectivement elle qui assure, en premier lieu, la formation et l'éducation des enfants et tous ses membres y participent sans exception :

193 Déclaration et plan d'action de la conférence de Vienne sur les droits de l'homme, juin 1993, par 1 (1er considérant).

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grands-parents, parents, oncles et tantes, frères et soeurs, cousins et cousines. Mais, la Charte africaine retient-elle une acception aussi compréhensive de la famille ? Rien n'est moins sûr. Elle ne donne aucune précision et les législations internes des Etats africains optent généralement pour la famille « nucléaire », c'est-à-dire le sens restreint du terme, ne comprenant que les époux et les enfants194. Il s'agit peut-être d'un compromis permettant la coexistence de deux conceptions, l'une africaine, l'autre occidentale. Toutefois, le contexte et les objectifs de la Charte autorisent à faire pencher la balance du côté de la conception africaine, d'autant plus que pour la famille retenue, l'accent est mis sur le respect des parents et leur assistance, et en dehors de celle-ci, sur certaines catégories de personnes qui font l'objet d'une protection particulière.

Les catégories de personnes qui bénéficient de protection particulière sont, aux termes de l'article 18, la femme et l'enfant d'une part et d'autre part les personnes âgées et les handicapés. Pour la première catégorie, il pèse sur l'Etat, l'obligation de non-discrimination et de protection conformément aux « déclarations et conventions internationales » y relatives195. Quant à la seconde, il lui est reconnu le « droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques et moraux » (art. 18 par.4). Ces dispositions tirent incontestablement leur source d'inspiration de la tradition africaine. Celle-ci est, en effet, très protectrice des catégories de personnes visées. Il en va ainsi de l'enfant qui, perçu comme un don du ou des dieux ou de la nature, est titulaire de droits bien précis, tels que le droit à la maternité, le droit à une famille, le droit à une éducation, le droit à une formation. Cette protection est renforcée au point de prohiber toute discrimination entre l'enfant adultérin, l'enfant naturel et l'enfant légitime196.

Il ressort de ce qui précède que les droits de l'homme sont inhérents à la nature humaine, de même que l'égalité en droits et en dignité. Ainsi les droits de l'homme dont parlent les instruments juridiques sus-analysés, sont les droits de tous les hommes, y compris les enfants. Cette consécration transcendantale de l'égalité universelle des êtres humains, en

194 DEGNY-SEGUY (R.), « Codification et uniformisation du droit », in Encyclopédie juridique de l'Afrique, T.1, l'Etat et le droit, p. 453 et s.

195 Art. 18 par. 3.

196 Cette idée d'égalité entre enfants est reprise par nombre de législations internes des Etats africains. Voir étude précitée, DEGNY-SEGUY (R.), « Codification du droit en Afrique », in E.J.A. p.64. ; Voir aussi BAKARY (T.), « Introduction, » in Les Droits de l'Homme en Afrique, Institut de droits de l'homme et de la paix, Université de Dakar, 1991, p.10.

matière de droits, n'a pas occulté la réalité redoutable de la différence inégalitaire entre les composantes de l'espèce humaine sur le fondement de divers critères, notamment sur le sexe et l'âge. L'enfant, homme vulnérable, le plus petit des hommes en âge, se verra progressivement être le bénéficiaire d'un ensemble de droits contenus dans divers instruments internationaux. Ainsi, des instruments juridiques spécifiques à l'enfant auxquelles la Côte d'Ivoire est partie, viendront au secours des instruments à caractère généraux ci-dessus évoqués. Ce faisant, ces textes reconnaissent directement des droits aux enfants.

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Section II. UNE RECONNAISSANCE DIRECTE A TRAVERS DES INSTRUMENTS SPECIFIQUES AUX DROITS DE L'ENFANT

La démarche sectorielle de consécration d'instruments internationaux de protection des droits de l'enfant s'explique d'une part, par une certaine inefficacité des textes généraux, d'autre part, par l'occurrence des violations des droits de l'enfant dans le monde, et particulièrement en Afrique. Il s'agit donc de l'expression juridique d'une volonté d'organiser une protection supplémentaire des droits de l'enfant. Pour y arriver, divers instruments juridiques internationaux vont être consacrés au profit de l'enfant tant au niveau universel (Paragraphe 1) que régional africain (Paragraphe 2).

§ 1. AU NIVEAU UNIVERSEL

Au niveau universel, en vue de renforcer la protection juridique des enfants vivant sur le territoire ivoirien, la Côte d'Ivoire a respectivement ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) (A), les deux protocoles facultatifs à ladite convention ainsi que le protocole de Palerme (B), puis les conventions n°131 et 182 de l'OIT (C).

A. LA RATIFICATION DE LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'ENFANT (CIDE)

La Côte d'Ivoire a ratifié la CIDE le 04 février 1991, soit 6 (six) mois après l'entrée en vigueur de la CIDE. Pour mieux comprendre le contenu de ce premier instrument universel dédié à la protection de l'enfant, il importe d'examiner les droits que ce texte consacre au profit des enfants (1) avant d'analyser les obligations en découlant à la charge des Etats (2).

1. Des droits au profit des enfants

La convention des droits de l'enfant de 1989 couvre toute la gamme des droits de l'homme. Il est d'usage de les classer en deux catégories, d'une part les droits civils et politiques et de l'autre, les droits économiques, sociaux et culturels. Bien que l'article 4 se réfère à ces catégories, les articles du dispositif ne sont pas eux-mêmes classés de la sorte. La convention cherche au contraire à mettre en exergue le lien qui unit étroitement tous les droits et qui en fait un bloc, afin de garantir ce que l'Unicef appelle « la survie et le

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développement » de l'enfant. Il serait utile, à cet égard, de décrire la gamme des droits garantis par la Convention comme les « trois P » : prestation, protection et participation. Les enfants ont donc le droit d'obtenir la prestation d'un nombre de choses et de services allant d'un nom et d'une nationalité à des soins de santé et une éducation. Ils ont le droit d'être protégés d'actes tels que la torture, l'exploitation, la détention arbitraire ou le retrait injustifié de la garde des parents. Enfin, les enfants ont le droit d'agir et de s'exprimer, en d'autres termes de participer aux décisions concernant leur vie et à la vie de la société dans son ensemble. La CIDE ne fait pas de distinction entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. Comme le souligne Guillemette Meunier, les droits contenus dans la CIDE, pour des raisons pédagogiques, sont décrits en 3 « P », c'est-à-dire, Prestation, Protection et Participation197. Ainsi, au titre des droits contenus dans la CIDE, on peut opérer la classification suivante :

- Droits Prestation : le droit à un nom, le droit à la nationalité, le droit aux soins de santé, le droit à l'éducation ;

- Droits Protection contre : la torture, l'exploitation, la détention arbitraire, le retrait non justifié du droit de garde des parents ;

- Droits Participation : le droit de participation aux décisions les concernant, etc

En rassemblant ces droits dans un texte unique qui les cimente, la Convention vise trois objectifs essentiels :

- Réaffirmer, à l'intention des enfants, des droits que d'autres traités accordent déjà à tous les êtres humains. L'application de certains de ces droits aux enfants, tels que la protection contre la torture, n'est pas sujette à controverse. D'autres droits, tels que la liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de religion et le droit à la sécurité sociale ont suscité des débats enflammés tout au long du processus de rédaction pour savoir si les enfants devaient ou non en bénéficier directement et, si oui, dans quelles conditions. Ainsi, la réaffirmation de ces droits n'était nullement superflue, elle était au contraire le moyen de souligner que les enfants sont eux aussi des êtres humains ;

197 MEUNIER (G.), L'application de la Convention des Nations-Unies relatives aux droits de l'enfant dans le droit interne des États parties, l'Harmattan, Paris, 2002, 253 p., p.43.

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- Donner à une série de droits de l'homme fondamentaux un statut privilégié pour qu'il soit tenu compte des besoins spéciaux et de la vulnérabilité des enfants. L'exemple évident qui vient à l'esprit est celui de conditions de travail acceptables, pour lesquelles les normes doivent être plus strictes pour les enfants et les jeunes que pour les adultes. Un autre exemple est celui des conditions de privation de liberté d'un mineur ;

- Elaborer des normes dans des domaines qui concernent plus particulièrement ou exclusivement les enfants. La sauvegarde des intérêts de l'enfant au cours de la procédure d'adoption, l'accès à l'éducation primaire, la prévention de l'abandon et des mauvais traitements au sein de la famille et la protection contre ces situations, le recouvrement des pensions alimentaires sont quelques-unes des questions spécifiques à l'enfant qui sont couvertes par la convention.

Au-delà de l'ampleur de sa portée, cette convention apparait comme une innovation constructive en ce qu'elle présente trois nouveautés fondamentales. Tout d'abord, elle introduit la notion des droits de «participation» de l'enfant, grande absente des Déclarations précédentes. Dans la même veine, elle reconnait explicitement qu'il faut veiller à ce que les enfants eux-mêmes soient informés de leurs droits. Ensuite, la Convention soulève diverses questions qui ne l'avaient été dans aucun autre instrument international : le droit à la réadaptation des enfants victimes, par exemple, de diverses formes de cruauté et d'exploitation, l'obligation des gouvernements de prendre des mesures visant à l'abolition des pratiques traditionnelles nuisant à la santé de l'enfant. Elle comporte des principes et normes qui ne figuraient à ce jour que dans des instruments non contraignants, notamment les questions relatives à l'adoption et à la justice pour mineurs.

La convention mentionne par ailleurs deux notions essentielles ayant d'importantes retombées :

- d'une part, « l'intérêt supérieur »198 de l'enfant devient une considération primordiale dans toutes les « décisions qui concernent les enfants », conjointement avec tous les droits pertinents figurant ailleurs dans le texte de la Convention ; En réalité, la CIDE emprunte cette notion à la Déclaration des droits de l'enfant adoptée

198 Article 3 CIDE.

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le 20 novembre 1959. Le principe 2 de cette Déclaration prévoit : « dans l'adoption des lois en vue d'assurer une protection spéciale aux enfants, l'intérêt supérieur doit être la considération déterminante. ». Loin d'être une notion juridique stricto sensu, ce terme fait l'objet de nombreuses études multidisciplinaires dont les effets peuvent être parfois très variés. Cette notion, en dépit de sa signification, est à la fois ancienne et nouvelle. « On en trouve trace dans la favor liberorum des Instituts de Justinien ou dans le plus grand avantage de l'enfant inscrit dans le code Napoléon comme critère (subsidiaire) de choix entre les père et mère divorcés »199. Sur le concept de l'intérêt de l'enfant, Jean CARBONNIER écrivait : « l'intérêt de l'enfant, c'est la notion magique. Elle a beau être dans la loi, ce qui n'y est pas c'est l'abus qu'on en fait aujourd'hui. A la limite, elle finirait par rendre superflues toutes les institutions du droit familial200 ». Si l'intérêt pour l'enfant consiste à le protéger physiquement et moralement en raison de sa vulnérabilité, désormais on cherche l'intérêt de l'enfant parce qu'il est sujet et non plus un simple objet de droit201.

- d'autre part, le principe selon lequel les parents (ou autres personnes légalement responsables) doivent donner à l'enfant l'orientation et les conseils appropriés à l'exercice de leurs droits, d'une manière qui corresponde au « développement des capacités»202 de l'enfant.

Pour une mise en oeuvre concrète de ces droits de l'enfant consacrés par la CIDE, les rédacteurs ont assortis ces droits d'un certain nombre d'obligations pesant sur les Etats.

2. Des obligations à la charge des Etats

La convention de New York est rédigée de telle manière qu'elle fait peser sur les Etats de nombreux engagements, non seulement pour donner vie aux droits reconnus, mais surtout pour organiser des politiques publiques adaptées aux droits de l'enfant par exemple pour la

199 FULCHIRON (H.) « De l'intérêt de l'enfant aux droits de l'enfant » in Une Convention, plusieurs

regards. Les droits de l'enfant : une belle déclaration ! Et après ? Introduction aux droits de l'enfant, Tome 1 (1995), 1997, p.19.

200 CARBONNIER (J.) cité par Gilbert DELAGRANGE, Comment protéger l'enfant ?, Karthala, 2004, p.30.

201 RENAUT (A.), La libération des enfants, contribution philosophique à une histoire de l'enfance, Bayard, 2002, p.337-341. ; DE SINGLY (F.) « L'enfant à l'épreuve de ses droits » in Enfants, adultes : vers une égalité de statuts ?, Universalis, Paris, 2004, pp.63-76.

202 Article 5 CIDE.

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famille, la protection de l'enfance, la régulation de procédures d'adoption, les enfants handicapés, la santé, pour l'éducation et la formation, la lutte contre l'exploitation des enfants dans le travail ou sur le plan sexuel203. En d'autres termes, plus qu'un simple catalogue des droits de l'enfant, la Convention est une liste complète des obligations que les États acceptent de contracter vis-à-vis des enfants. Il s'agit d'obligations directes, telles que la mise à disposition d'établissements scolaires ou l'instauration d'un système approprié pour l'administration de la justice pour mineurs, ou d'obligations indirectes permettant aux parents, à la famille élargie ou au tuteur de remplir pleinement leur rôle et leurs responsabilités en matière de bien-être et de protection de l'enfant. En d'autres termes, la Convention n'est absolument pas une « charte de libération de l'enfant », pas plus que son entrée en vigueur ou son contenu ne remettent en cause l'importance de la famille, ce que confirme la lecture de la Convention envisagée comme un tout. Toutefois, d'aucuns s'efforcent de prouver le contraire en pointant l'index sur des dispositions précises, qui tirées de leur contexte, peuvent sembler hostiles envers les parents et la famille ou laisser croire qu'elles confèrent à l'enfant un degré d'autonomie contestable. Il est important de rappeler que l'esprit et la lettre de la Convention ne recherchent ni l'un ni l'autre.

Quant à sa portée juridique, il est à rappeler que la Convention internationale relative aux droits de l'enfant est perçue, par la doctrine, comme le premier instrument juridique spécifique à caractère obligatoire pour la protection des enfants au plan international. Perçue sous cet angle, la Convention devrait être opposable aux États parties tant au plan international qu'au plan interne. Ainsi, en tant qu'instrument juridique à caractère obligatoire, les juridictions nationales et internationales devraient pouvoir sanctionner sa violation. La recherche du consensus qui a abouti à l'adoption de la CDE a favorisé un manque de fermeté et de contrainte dans sa rédaction204, favorisant ainsi des interprétations diverses quant à sa portée. Ce fut le cas en France « où a éclaté une controverse jurisprudentielle et doctrinale passionnée (...) les uns déplorant la mollesse et les autres souhaitant à cette Convention la portée et la force les plus grandes, (...) et qu'elle ne soit

203 OBERDORFF (H.), Droits de l'Homme et Libertés fondamentales, A. Colin, 2003, p.52.

204 GRANET (F.), « La Convention de New-York sur les droits de l'enfant et sa mise en oeuvre en France », in L'enfant et les Conventions internationales , Dir. RUBELLIN-DEVICHI (J.) et RAINIER (F.), Presses Universitaires de Lyon, 1996, 492 p., pp.95-114, spéc. p.95.

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pas reléguée au rang des pieuses déclarations qui satisfont l'esprit en donnant bonne conscience sans rien coûter. »205 .

La Convention permet aux Etats d'émettre des réserves lors de la signature ou de la ratification, à condition que celles-ci ne soient pas incompatibles avec son objet et son but206. Contrairement à la Côte d'Ivoire, les pays islamiques ont émis des réserves à l'égard des articles relatifs à l'adoption, qui n'existe pas dans ces Etats. De même, la France (elle a ratifié la CIDE en 1990), a émis une déclaration interprétative sur la question du droit systématique d'interjeter appel d'une décision constatant une infraction commise par un mineur (art.40). Elle a aussi émis une réserve sur le droit à la vie (art.6) dont elle a précisé qu'elle ne constituait pas un obstacle à l'interruption volontaire de grossesse. Une autre réserve émise par la France a trait à l'article 30 relatif aux minorités. Le conseil d'Etat a rappelé dans l'arrêt du 3 juillet 1996, Paturel207, que « le gouvernement français a déclaré que l'article 30 de la Convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 n'a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la République française ; qu'il ne peut donc être utilement invoqué ».

Comme elle appartient à la sphère des droits de l'homme, la Convention permet de sortir la question des enfants du domaine d'un sentimentalisme et d'un sensationnalisme bien intentionnés, mais déconsidérés, dans lequel elle était généralement restée enfermée, avec parfois des conséquences désastreuses.

Mais, malgré ses faiblesses, la CIDE constitue aujourd'hui le seul instrument à caractère universel qui pourrait amener la communauté internationale à obliger les États à prendre des mesures au plan interne pour assurer la jouissance effective des droits qui y sont reconnus et promus.

Outre la CIDE, l'Etat de Côte d'Ivoire a également ratifié les deux protocoles facultatifs à la CIDE en vue de renforcer la protection juridique des enfants en période de conflit armé et la protection des enfants contre la vente, la prostitution et la pornographie infantile.

205 GRANET (F.), op. cit. p.96.

206 Art. 51 al. 2 de la CIDE.

207 JCP 1996.I.2279, obs. Ch. Rouault.

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B. LA RATIFICATION DES DEUX PROTOCOLES FACULTATIFS A LA CIDE ET DU PROTOCOLE DE PALERME

La récente ratification des deux protocoles facultatifs à la CIDE en 2001, au lendemain de la crise ivoirienne a eu pour effet de renforcer le cadre normatif international de protection des enfants en Côte d'Ivoire. Il s'agit du protocole facultatif de la CIDE concernant l'implication d'enfants dans les conflits et le protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants . La même année la Côte d'Ivoire a marqué son adhésion au Protocole de Palerme. Nous examinerons ces trois textes en relevant leur importance dans la protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

La ratification du protocole facultatif de la CIDE concernant l'implication d'enfants dans les conflits contribue au renforcement de la protection des enfants en temps de guerre.

D'emblée, il est opportun de noter qu'avant 2011, la protection des enfants en Côte d'Ivoire en période de guerre était assurée par les Conventions de Genève et de leurs protocoles. En effet, La Côte d'Ivoire a respectivement adhéré aux quatre conventions de Genève, le 28/12/1961 ; De même, elle a adhéré aux deux protocoles facultatifs aux conventions de Genève, le 20/09/1989.

Le droit international humanitaire s'applique dans toutes les situations de conflit armé. Et il va de soi que les dispositions générales du droit international humanitaire sur la protection des civils au cours des conflits armés s'appliquent également aux enfants. Toutefois, quelques vingt-cinq (25) articles des conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977, traitent spécifiquement de la protection des enfants.

La quatrième convention de Genève afférente à la protection des civils dans les situations de conflit armé, comporte moult dispositions consacrés aussi à la protection des enfants. On peut citer : l'article 14 indiquant que les Parties pourront créer des zones de sécurité afin de protéger, entre autres, les enfants de moins de quinze ans ; l'article 17 vise aussi les enfants au titre de la mesure d'évacuation des civils hors des zones assiégés ; l'article 23 relatif au libre passage de produits de première nécessité destinés aux groupes particulièrement vulnérables de la population civile, fait explicitement référence aux enfants de moins de quinze ans ; l'article 24 a trait à la protection des enfants de moins de quinze ans devenus

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orphelins ou séparés de leur famille du fait de la guerre et prévoit l'identification des enfants de moins de douze ans ; l'article 38 applicable aux personnes protégées sur le territoire national des belligérants, inclut les enfants âgés de moins de quinze ans parmi les personnes devant jouir de tout traitement préférentiel au même titre que les ressortissants de l'Etat concerné ;quant à l'article 50, il réfère aux enfants dans les zones occupées et des institutions qui doivent en prendre soin, tandis que l'article 51 interdit à la Puissance occupante d'astreindre au travail les personnes âgées de moins de 18 ans ; l'article 68 interdit de condamner à mort toute personne protégée âgée de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction.

Outre ces dispositions, le principe d'une protection spéciale en faveur des enfants en situation de conflit armé international est établi explicitement par le Protocole additionnel I aux conventions de Genève. L'Article 77 (1) du protocole dispose in fine : « Les enfants doivent faire l'objet d'un respect particulier et doivent être protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur. Les parties au conflit leur apporteront les soins et l'aide dont ils ont besoin du fait de leur âge ou pour toute autre raison ».

Le protocole additionnel II aux conventions de Genève comprend des dispositions analogues pour la protection des enfants en cas de conflit armé non international. Ainsi, l'article 4 relatif aux « garanties fondamentales »contient des dispositions spécifiquement consacrées à la protection des enfants, et reprend certains des principes de la Quatrième convention de Genève, et notamment ceux des articles 17, 24 et 26.

Il est important d'indiquer que la responsabilité de l'application du droit international humanitaire, y compris la protection particulière qu'il accorde aux enfants, est une responsabilité collective. Il est du devoir de chaque Etat partie aux Conventions de Genève de respecter et de faire respecter ces normes. La Convention relative aux droits de l'enfant reprend ce devoir en son article 38, en disposant : « Les Etats parties s'engagent à respecter et à faire respecter les règles du droit humanitaire international qui leur sont applicables en cas de conflit armé et dont la protection s'étend aux enfants » Suivant cet article, les Etats parties à la CIDE « prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit armé bénéficient d'une protection et de soins », conformément à leurs obligations au titre du droit international humanitaire de protéger les populations civiles lors des conflits armés.

Le droit international a fixé à 15 ans l'âge minimum pour le recrutement dans les forces armées et la participation aux hostilités. Cette limite a été établie après la fin de la deuxième guerre mondiale, sans doute parce qu'elle correspondait à l'âge de la fin de l'école dans les pays occidentaux208.

Cette limite fut reprise par la Convention relative aux droits de l'enfant bien que des efforts vigoureux aient été accomplis par le CICR, d'autres organisations non gouvernementales, diverses agences des Nations Unies et certains Etats aux fins de tenter de relever l'âge minimal de recrutement et de participation aux hostilités à 18 ans. Nonobstant l'adoption finale de l'article 38 de la convention relative aux droits de l'enfant, le débat houleux209 qu'il avait suscité a créé un sentiment d'insatisfaction partagée par de nombreuses délégations. Aux termes de l'article 38 de la convention relative aux droits de l'enfant, les Etats : « prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités ». En réalité, la Convention n'a pas freiné le phénomène des enfants soldats.

Dans son étude sur l'impact des conflits armés sur les enfants, Madame Graça MACHEL précise : « La convention sur les Droits de l'enfant, si elle assure une protection complète, doit néanmoins être renforcée pour ce qui est de la participation des enfants aux conflits armés ». C'est pourquoi la journée thématique sur les enfants dans les conflits armés organisée en 1991 a été le prétexte pour recommander la rédaction d'un Protocole facultatif à la CDE, relatif au recrutement et à la participation des enfants dans les conflits armés. Dans

208 BADIANE (S.), Les enfants aux deux bouts du fusil, Presses Universitaires de Dakar, 2004, p.305.

209 En ratifiant la Convention, un certain nombre d'Etats ont fait des déclarations pour exprimer leur souci de voir que l'article 38 n'interdit pas la participation aux hostilités et l'enrôlement dans les forces armées de toutes les personnes de moins de 18 ans. Par exemple :

« La principauté d'Andorre déplore le fait que la Convention relative aux droits de l'enfant n'interdit pas l'utilisation d'enfants dans les conflits armés. Elle ne souscrit pas aux dispositions des paragraphes 2 et 3 de l'article 38 concernant la participation et l'enrôlement d'enfants à partir de l'âge de 15 ans ».

« En ce qui concerne l'article 38 de la Convention relative aux droits de l'enfant, la République argentine déclare qu'elle aurait souhaité que la Convention ait formellement interdit l'utilisation d'enfants dans les conflits armés, comme le stipule son droit interne-lequel continuera de s'appliquer en la matière en vertu de l'article 41 ».

« L'Autriche n'appliquera pas le paragraphe 2 de l'article 38, qui donne la possibilité de faire participer aux hostilités les personnes ayant atteint l'âge de 15 ans, cette règle étant incompatible avec le paragraphe 1 de l'article 3, qui prévoit que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ( voir aussi les déclarations de l'Allemagne, de la Colombie, de l'Espagne, des Pays-Bas, de la Pologne et de l'Uruguay, CRC/C/2/Rév.7).

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cette perspective, l'Assemblée générale de l'Onu adopta par consensus, en date du 25 mai 2000, un Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la participation des enfants aux conflits armés. Entré en vigueur le 18 janvier 2002210, ce protocole a été ratifié par la Côte d'Ivoire le 03 Aout 2011 au lendemain d'une crise politico-militaire ayant fait de nombreuses victimes, y compris des enfants. Il interdit aux Etats et aux acteurs non gouvernementaux d'utiliser les enfants dans les conflits armés. Bien que ce document n'interdise pas l'engagement volontaire des enfants ayant plus de 15 ans dans les forces armées, ils ne peuvent pas être enrôlés ou utilisés de force dans un combat s'ils ont moins de 18 ans211. Les principales dispositions de ce texte porte sur212 :

- La participation aux hostilités : "Les États parties prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les membres de leurs forces armées qui n'ont pas atteint l'âge de dix-huit ans ne participent pas directement aux hostilités." ;

- La conscription : " Les États parties veillent à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de dix-huit ans ne fassent pas l'objet d'un enrôlement obligatoire dans leurs forces armées." ;

- Les groupes armés non-gouvernementaux : " Les groupes armés qui sont distincts des forces armées d'un État ne devraient en aucune circonstance enrôler ni utiliser dans les hostilités des personnes âgées de moins de dix-huit ans." De même, "Les États parties prennent toutes les mesures possibles pour empêcher l'enrôlement et l'utilisation de ces personnes, notamment les mesures d'ordre juridique voulues pour interdire et sanctionner pénalement ces pratiques." ;

- L'engagement volontaire : les États parties doivent relever l'âge minimum de l'engagement volontaire au-delà de celui de quinze ans prévu par la Convention, et déposer une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum qu'ils s'engagent à respecter. En pratique, cela signifie que l'âge minimum de l'engagement volontaire est porté à au moins seize ans. Les États parties qui autorisent l'engagement volontaire avant l'âge de dix-huit ans doivent mettre en place une série de garanties assurant que l'engagement soit effectivement volontaire; qu'il ait lieu avec le

210 UNICEF, Combattre la Traite des Enfants, Guide à l'usage des parlementaires, n°9, 2005, p.27.

211 UNESCO, Droits de l'Homme Questions et réponses, Editions Unesco, 4ème édition, pp 70-71.

212 http://www1.umn.edu/humanrts/monitoring/Fchapter12.html#3 (consulté le 20/09/2014).

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consentement, en connaissance de cause, des parents ou tuteurs légaux de l'intéressé; que les recrues soient pleinement informées des devoirs qui s'attachent au service militaire; que la preuve de l'âge soit apportée ;

- Application : les États parties doivent démobiliser les personnes enrôlées ou utilisées en violation du Protocole, et apporter toute l'assistance nécessaire à leur réadaptation et à leur réinsertion.

Les organes des Nations Unies et ONG concernés encouragent les Etats à ratifier ce protocole facultatif et à retenir l'âge de dix-huit ans comme minimum pour l'engagement volontaire. Les Nations Unies ont fait savoir que les Etats participant à des missions de maintien de la paix de l'ONU ne doivent pas y faire participer d'observateurs âgés de moins de vingt-cinq ans, qu'ils appartiennent à la police civile ou aux forces armées et que dans l'idéal, les hommes de troupe devraient avoir plus de vingt-et-un ans, mais jamais moins de dix-huit.

Par ailleurs, cette protection des enfants en période de conflit armé est davantage renforcée par le statut de la Cour pénale internationale adopté en 1998 ; lequel statut a été récemment ratifié par la Côte d'Ivoire, en date du 15 Février 2013213 . Aux termes dudit statut, sont définis comme « (a) crimes de guerre, la conscription ou l'enrôlement ou l'utilisation au cours d'hostilités, par les forces armées ou des groupes armés, d'enfants âgés de moins de 15 ans ; (b) comme un délit de génocide, le transfert forcé d'enfants originaires d'un groupe ethnique, racial ou religieux menacé dans un autre groupe ; (c) comme des crimes de guerre : le viol, l'esclavage sexuel et la prostitution des enfants sous la contrainte ».

La même année 2011, la Côte d'Ivoire a en outre ratifié le deuxième protocole facultatif à la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Ratifié par la Côte d'Ivoire, le 07 septembre 2011, ce Protocole facultatif complète les dispositions de la Convention relative aux droits des enfants en établissant les critères

213 http://www.icc-cpi.int/fr_menus/asp/states%20parties/african%20states/Pages/Cote_d_Ivoire.aspx

(consulté le 10 Octobre 2014).

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détaillés requis pour pénaliser les violations des droits de l'enfant à l'égard de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants.

Ses principales dispositions comprennent : les définitions des délits de "vente d'enfants"214, de "prostitution des enfants"215 et de "prostitution mettant en scène des enfants"216; des normes relatives au traitement de toute violation au titre du droit interne, y compris à l'égard de ceux qui s'en rendent coupables217; la protection des victimes et les efforts de prévention218; un cadre permettant d'accroître la coopération internationale en la matière, notamment en ce qui concerne les poursuites visant les auteurs d'infractions219.

Le Protocole facultatif met un accent particulier sur les sanctions pénales devant frapper les violations graves des droits de l'enfant, en l'occurrence la vente d'enfants, l'adoption illégale, la prostitution infantile et la pornographie mettant en scène des enfants. De même, le texte met en avant la valeur de la coopération internationale comme moyen de combattre ces activités transnationales, et des campagnes de sensibilisation, d'information et d'éducation pour améliorer la protection des enfants contre ces graves violations de leurs droits.

En un mot, le protocole vise l'interdiction de la vente d'enfants aux fins de leur exploitation sexuelle, de leur mise au travail ou de leur adoption, et couvre la prévention, l'interdiction et l'assistance aux victimes. Si la Convention relative aux droits de l'enfant

214 Article 2- a du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants : « ...On entend par vente d'enfants tout acte ou toute transaction en vertu desquels un enfant est remis par toute personne ou de tout groupe de personnes à une autre personne ou un autre groupe contre rémunération ou tout autre avantage. ».

215 Article 2-b du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants : « On entend par prostitution des enfants le fait d'utiliser un enfant aux fins d'activités sexuelles contre rémunération ou tout autre forme d'avantage ».

216 Article 2-c du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants: « On entend par pornographie mettant en scène des enfants toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, à des fins principalement sexuelles ».

217 Articles 3 à 8 du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

218 Article 9 du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

219 Article 10 Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

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insiste surtout sur la prévention de l'exploitation sexuelle, le Protocole est axé sur la criminalisation de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants.

Il convient de rappeler que l'interprétation des deux Protocoles facultatifs peut se faire à la lumière de la Convention dans son ensemble, et se fonder sur les principes de nondiscrimination, de l'intérêt supérieur de l'enfant, et de sa participation. Ces deux protocoles présentent ainsi qu'on vient de le démontrer des enjeux certains pour les droits de l'enfant, à l'instar du Protocole de Palerme auquel la Côte d'Ivoire a adhéré en 2011.

Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, communément appelé « Protocole de Palerme », a été adopté par la résolution A/RES/55/25 du 15 novembre 2000 à la cinquante-cinquième session de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies. Il est entré en vigueur, conformément à son article 17, le 25 décembre 2003. Il vise à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier celle des femmes et des enfants220. Il a fallu attendre douze (12) années après son adoption, pour que la Côte d'Ivoire en soit partie ; elle a en effet ratifié ce protocole en date du 25 Octobre 2012. A ce jour, 182 Etats y sont parties au nombre desquels certains pays africains tels que l'Algérie qui l'a ratifié le 07 Octobre 2002 et la République du Bénin, le 30 août 2004221. Conformément à son article 1er, le Protocole de Palerme (PP) se veut un complément de la Convention contre la criminalité transnationale et s'applique à la prévention, aux enquêtes et aux poursuites concernant les infractions de traite lorsqu'elles sont de nature transnationale et qu'un groupe criminel organisé y est impliqué, de même qu'à la protection des victimes de ces infractions. Rappelons, néanmoins, que l'une des particularités du Protocole de Palerme est d'avoir réussi à obtenir un consensus international sur la notion de « traite » des êtres humains, et donc de la traite des enfants. En effet, le protocole de Palerme est le premier instrument de droit international qui donne une définition précise de la traite. Outre qu'il préconise des politiques et des programmes complets pour empêcher la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, il contient des dispositions détaillées sur les obligations qui incombent aux parlements

220 Art.3 du Protocole de Palerme de 2000.

221 Pour plus d'information, se référer au recueil des traités des Nations Unies, vol.2237, p.319. Voir aussi : https://treaties.un.org/doc/Treaties/2007/12/13/XVIII-12.fr.pdf (consulté le 21/10/2014).

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d'adopter des lois contre la traite, sur la répression et le traitement des victimes. Au nombre des mesures évoquées, figurent l'incrimination du trafic, les sanctions appropriées, la protection des victimes dans les pays d'accueil et les échanges d'information entre pays.

Outre cela, l'Etat ivoirien a aussi renforcé son engagement international en souscrivant à d'autres instruments juridiques internationaux sectoriels de protection des enfants.

C. LA RATIFICATION DES CONVENTIONS N°138 et 182 de l'OIT

On examinera successivement l'apport de chacune des conventions 138222 et 182223 de l'OIT dans le processus d'affirmation et de protection des droits de l'enfant.

L'élimination du travail des enfants implique que soit adoptée et appliquée une politique mettant en oeuvre de manière coordonnée un ensemble de moyens. C'est dans cette perspective de développement que s'inscrit la convention 138 sur l'âge d'admission à l'emploi, adoptée en 1973 par la Conférence internationale du Travail. Ratifiée par la Côte d'Ivoire, le 7 Février 2003224, elle met l'accent sur la nécessité de permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances qui lui permettront de jouer à l'avenir son rôle dans la société et de protéger son développement physique, intellectuel et moral225.

Les conventions internationales du travail adoptées avant 1973 se référaient explicitement au travail salarié industriel (conventions 5 et 59), commercial (conventions 33 et 60), ou souterrain (convention 123) et au travail dans l'agriculture, sans préciser s'il s'agit de travail salarié ou non (convention 10). Ces conventions avaient pour objectif l'adoption et la mise en oeuvre d'une législation interdisant le travail des enfants en dessous d'un certain âge.

La convention 138 vise tout travail ou emploi, salarié ou non, et poursuit un objectif beaucoup plus ambitieux que les conventions anciennes qu'elle révise. Il ne s'agit pas seulement de fixer un âge minimum d'admission à l'emploi et donc d'interdire le travail

222 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.103.

223 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.106. 224 http://ilo.org/dyn/normlex/en/f?p=NORMLEXPUB:11300:0::NO::P11300_INSTRUMENT_ID:312283( consulté le 20 Septembre 2014).

225 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.103.

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salarié en dessous d'un certain âge, mais de définir et d'appliquer une politique visant l'élimination du travail des enfants et l'élévation progressive de leur âge d'admission à l'emploi. Il y a lieu de rappeler que la convention établit des règles minimales. Il est toujours possible d'aller au-delà de ce plancher et d'adopter des mesures plus favorables aux enfants.

Les États qui ratifient la convention 138 supportent en principe des obligations minimales. L'engagement central de la convention réside dans la poursuite d'une politique nationale dont l'objectif est d'assurer « l'abolition effective du travail des enfants et d'élever progressivement l'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail à un niveau permettant aux adolescents d'atteindre le plus complet développement physique et mental »226. Les États ont la liberté de choisir les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif. Néanmoins, il faut souligner qu'une politique relative au travail des enfants n'a de sens que si elle est coordonnée avec l'ensemble des autres aspects de la politique de l'enfance (éducation, santé infantile, soutien aux familles etc.). En particulier l'âge d'admission à l'emploi doit correspondre à l'âge de fin de scolarité obligatoire227 .

En outre, une politique visant l'abolition effective du travail des enfants doit être coordonnée avec la politique de l'emploi, avec celle des revenus et notamment avec les mesures prises pour réduire la pauvreté et les risques d'exclusion, ainsi qu'avec les mesures prises pour réduire la pauvreté et les risques d'exclusion, ainsi qu'avec les mesures de sécurité sociale. La recommandation 146 qui accompagne la convention précise (paragraphes 1 à 5) ce que pourrait être le contenu des politiques en matière de travail des enfants. Elle insiste particulièrement sur « la haute priorité » à accorder à un ensemble de mesures couvrant un très vaste champ et sur l'indispensable coordination entre les mesures prises pour abolir le travail des enfants et les mesures prises en matière d'éducation, de santé ou d'emploi.

La convention 138 procède aussi à une spécification d'un âge minimum d'admission au travail pour les enfants. La politique nationale en matière de travail des enfants doit établir un critère délimitant ce qui est permis socialement et juridiquement et ce qui ne l'est pas. L'Etat qui ratifie la convention doit déclarer un âge minimum en dessous duquel, aucune personne d'un âge inférieur ne devra être admise à l'emploi ou au travail dans une profession

226 Article 1 de la Convention 138 de l'OIT.

227 Article 2 Paragraphe 3 de la Convention 138 de l'OIT.

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quelconque, sauf exceptions prévues dans la convention228. Cet âge minimum est fixé à l'âge auquel cesse la scolarité obligatoire (si celui-ci est égal ou supérieur à 15 ans) et ne peut, en tout cas, être inférieur à 15 ans229 . A côté de ce principe, il existe de nombreuses exceptions. Certaines sont transitoires et doivent faciliter la ratification par le plus grand nombre de pays ; d'autres peuvent être permanentes, afin de laisser aux gouvernements une plus grande souplesse dans l'application de la Convention.

Les mesures d'application sont au nombre de trois230 : «

a) L'adoption de mesures appropriées (y compris des sanctions) pour assurer l'application de la convention ,
·

b) La détermination des personnes responsables de l'application de la convention (employeurs, parents, représentants légaux, etc.) et ,
·

c) La tenue de registre par l'employeur contenant le nom, la date de naissance, des personnes de moins de 18 ans qui sont dans son établissement (article 9, paragraphe 3). »

La convention 138 est-elle un instrument approprié pour relever le défi que pose le travail des enfants tant dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement ? Plusieurs de ses dispositions, de même que celles des conventions internationales du travail relatives à l'interdiction du travail de nuit ou à l'examen médical des enfants et des adolescents, visent spécifiquement et exclusivement le travail salarié. A ce titre, elles jouent un rôle central car le travail salarié est, et demeurera sans doute longtemps encore, un modèle dominant de la modernité. Peut-elle jouer un rôle semblable pour des activités non salariées, pour le secteur non-structuré ou pour les activités agricoles à la limite de l'économie de subsistance ? Il semble que la réponse soit positive. En établissant l'obligation de définir et d'appliquer une politique nationale visant l'élimination du travail des enfants, la convention invite tous les intéressés, y compris les ONG, a une approche globale du problème. Les mesures à prendre dans les différentes situations (travail salarié, travail dans le secteur non-structuré, travail dans le secteur agricole, travail comme domestique etc.) ne sont pas de

228 Article2, paragraphe I de la Convention 138 de l'OIT.

229 Article 2, paragraphe3 de la Convention 138 de l'OIT.

230 Article 9 de la Convention 138 de l'OIT.

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même nature ; elles doivent cependant être coordonnées d'autant plus qu'un certain nombre d'instruments efficaces pour lutter contre le travail des enfants seront bien souvent les mêmes (généralisation de l'enseignement gratuit et obligatoire notamment en milieu rural et dans les quartiers pauvres des villes ; politique des revenus ; mesures de protection sociale etc.).

La Convention n°182 de l'OIT sur les pires formes du travail des enfants apparaît également comme une source internationale précieuse de protection des enfants en Côte d'Ivoire.

Adoptée à la 87ème session de la Conférence Générale de l'OIT en date du 17 juin 1999 et entrée en vigueur le 19 novembre 2000, la Convention n°182 porte sur les pires formes du travail des enfants. La Convention n° 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants a été ratifiée le 21 janvier 2002. Depuis lors, l'État ivoirien s'est engagé à prendre toutes les mesures nécessaires aux termes de la Convention et de sa Recommandation pour faire de l'élimination des pires formes du travail des enfants une réalité sur son territoire.

Comme son nom l'indique, elle appelle à l'interdiction et à l'élimination des pires formes de travail des enfants. Celles-ci sont définies à l'article 3 et recouvrent toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans les conflits armés ; l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques ou aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants ; et les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l'enfant231. Elle vient donc compléter la Convention n°138 et sa Recommandation 146. Elle s'applique à tous les enfants de moins de 18 ans, même si dans l'Etat en question, la majorité est fixée avant 18 ans.

Comptant au total 16 articles, la Convention développe en huit points, les obligations des États parties, les notions d'enfant et de pires formes de travail des enfants, et les mesures concrètes à prendre par les États parties.

231 UNICEF, Combattre la Traite des Enfants. Guide à l'usage des parlementaires, n°9, 2005, p.27-28.

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Ainsi, dans son 1er article, elle oblige les États parties « à prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l'interdiction et l'élimination des pires formes du travail des enfants (...) ». Les articles 2 et 3 précisent le sens à donner aux notions d' « enfant » et « pires formes de travail des enfants » ; ensuite les articles 4 à 8 abordent les différentes mesures à prendre par les États parties pour se conformer aux exigences de la norme ; enfin, les articles 9 à 16 abordent les dispositions générales qui découlent de la ratification de la norme.

Qu'entend-t-on par travaux qui par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent sont susceptibles de nuire à la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant ? La réponse est apportée par la Directive 190 de l'OIT qui vise : «

- Les travaux qui s'effectuent sous terre, sous l'eau, à des hauteurs dangereuses ou dans des espaces confinés ; (il en va ainsi des travaux dans les mines auxquels sont soumis certains enfants en Côte d'Ivoire avec l'utilisation d'un produit chimique redoutable, le mercure) ;

- Les travaux exposant les enfants à des substances ou des procédés dangereux, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibrations préjudiciables à leur santé ; (c'est le cas des enfants atteints de la maladie du tabac vert : absorption de 54 mg de nicotine par jour soit 50 cigarettes fumées) ;

- Les travaux s'effectuant avec des machines ou des outils dangereux : coupe de la canne à sucre ;

- Les travaux sur des déchetteries : polybromodiphynyléther qui freinent la développement neurologique, mercure, plomb : maladies gastro-intestinales, dermatologiques, respiratoires ».

Quel que soit le niveau de développement des pays concernés, la Convention interdit toutes ces formes d'exploitation « extrême » du travail des enfants qui portent non seulement atteinte à leur intégrité physique et morale, mais aussi à tous leurs droits, et impose aux pays de prendre des mesures « immédiates et efficaces » pour les éradiquer. Pour cela, la Convention met en avant la nécessité de la coopération et l'assistance internationale232. Les Etats liés par la Convention devront ériger en infractions pénales ces formes de travails et prévoir des sanctions pénales en tant que mesures préventives, ainsi que des mesures de

232 Article de la Convention 182 de l'OIT.

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réinsertion et de réintégration233. Contrairement à la Convention 138, la Convention 182 se veut juridiquement plus contraignante en ce qu'elle exige l'élimination immédiate des pires formes de travail des enfants, et interdit de faire travailler des enfants dans le cadre d'un apprentissage ou d'une activité de formation qui relèverait des pires formes de travail énoncées234.

A l'instar de la Convention n°138, la Convention n°182 sur les pires formes du travail des enfants s'accompagne également d'une Recommandation. En effet, la Recommandation (R) n°190 sur les pires formes du travail des enfants a été adoptée le 17 juin 1999 pour compléter les dispositions de la Convention n°182 et doit s'appliquer conjointement avec la Convention. La R. n° 190 aborde les mesures spécifiques à prendre et les politiques à mettre en oeuvre par les États parties pour atteindre le but visé par la Convention Elle décrit donc le mode d'application de cette convention en dressant la liste des programmes d'action à envisager par les gouvernements, celle des travaux dangereux et les modalités de mise en oeuvre par les Etats membres de l'OIT. Ce texte complète la Convention de 1973 ainsi que sa recommandation concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, lesquelles restent les instruments fondamentaux en matière de travail des enfants.

Ouverte par les Nations Unies, la voie afférente à la consécration d'instruments spécifiques de protection des droits de l'enfant, va inspirer des acteurs régionaux avec la naissance de divers instruments régionaux de protection des enfants et notamment en Afrique.

§ 2. AU NIVEAU AFRICAIN

Au niveau africain, la Côte d'Ivoire va souscrire à divers instruments spécifiques à la protection de l'enfant, notamment, par son adhésion à la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (A) ainsi que la signature de divers accords multilatéraux ou bilatéraux de protection de l'enfant dans des domaines particuliers (B).

233 Article 7 de la Convention 182 de l'OIT.

234 LA-ROSA (A.), LA VENUE (dir.) La Protection de l'enfant en droit international pénal : état des lieux, Mémoire de Master recherche, Université de Lille, 2003-2004, p. 85.

112

A. LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ETRE DE L'ENFANT

Adoptée au lendemain de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant en juillet 1990, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant apparait comme le premier instrument juridique africain, en matière de protection des droits de l'enfant. Les États membres de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) (devenue aujourd'hui Union africaine), entendaient se doter d'une norme régionale de protection de l'enfant qui prend en compte, comme l'indique le préambule de la Charte, les vertus de l'héritage culturel africain et les valeurs de la civilisation africaine235. La Côte d'Ivoire y a adhéré le 13 mars 2002. Ce texte consacre des droits au profit des enfants et des obligations tripartites que nous examinerons à travers son contenu et sa portée.

1. Le contenu de la Charte

Globalement, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant est restée fidèle à son aînée, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dans sa forme. Comptant au total 48 articles, elle est divisée en quatre chapitres qui prennent en compte respectivement, les droits et protection de l'enfant (art.1 à 31), la création et l'organisation d'un comité sur les droits et le bien-être de l'enfant (art.32 à 41), le mandat et la procédure du comité (art. 42 à 45) et enfin les dispositions diverses (art. 46 à 48). Elle se veut une norme progressiste à travers la prise en compte des vertus de l'héritage culturel africain, du passé historique et des valeurs de la civilisation africaine qui devraient, aux termes de la Charte, inspirer et guider la réflexion en matière de droits et de protection de l'enfant africain.236 Ainsi s'annonce le démarcage voulu par la Charte vis-à-vis de la CIDE237.

A la lecture de la CADBE on se rend compte de la volonté de précision voulue par celle-ci dans la définition de l'enfant en son article 2, à travers laquelle l'enfant est défini comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans». Nonobstant les critiques que cette disposition suscite quant à son réalisme238, elle a l'avantage d'être précise.

235 Cf. le septième paragraphe du préambule de la Charte.

236 Cf. 6è point du préambule de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

237 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.108-110.

238 Lire les commentaires d'Alain-Didier OLINGA sur la définition de l'enfant africain.

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En ce qui concerne les droits reconnus et promus par la Charte, nous pouvons noter : « le droit à la non-discrimination ; la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toute action et toute procédure judiciaire ou administrative le concernant ; le droit à la survie et au développement ; le droit à une nationalité ; le droit à la liberté d'expression ; le droit à la liberté d'association ; le droit à liberté de pensée, de conscience et de religion ; le droit à la protection de sa vie privée ; le droit à l'éducation ; le droit aux loisirs, activités récréatives et culturelles ; le droit à la santé et le droit à la protection et aux soins des parents. Dans le même temps, tout en reconnaissant l'importance de la cellule familiale pour la protection de l'enfant et de l'obligation qu'a l'État de l'assister dans sa mission (art.18), la Charte offre une protection particulière aux enfants handicapés (art.13) ; aux enfants en conflit avec la loi (art.17) ; aux enfants réfugiés (art.23) et aux enfants des mères emprisonnées. De même, elle insiste sur la nécessité pour les États parties de protéger les enfants contre : le travail des enfants (art.15) ; les pratiques négatives sociales et culturelles (art.21); l'exploitation sexuelle (art. 27) ; la consommation de drogues (art.28) ; la vente, la traite, l'enlèvement et la mendicité (art.29). »239.

A l'instar de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Charte africaine des droits et du bien-être l'enfant a eu droit à sa part de devoirs à la charge de ses bénéficiaires (les enfants). En effet, l'article 31 de la Charte, qui boucle le chapitre sur les droits et obligations, énumère quelques responsabilités de l'enfant envers « sa famille, la société, l'État et toute communauté reconnue légalement ainsi qu'envers la communauté internationale.» Ainsi, l'enfant doit :

- oeuvrer pour la cohésion de sa famille, respecter ses parents, ses supérieurs et les personnes âgées en toutes circonstances et les assister en cas de besoin ;

- servir la communauté nationale en plaçant ses capacités physiques et intellectuelles à sa disposition ;

- préserver et renforcer la solidarité de la société et de la nation ;

239 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.108-110.

114

- préserver et renforcer les valeurs culturelles africaines dans ses rapports avec les autres membres de la société dans un esprit de tolérance, de dialogue et de consultation et contribuer au bien-être moral de la société ;

- préserver et renforcer l'indépendance nationale et l'intégrité de son pays ;

- et enfin, il doit contribuer au mieux de ses capacités, en toutes circonstances et à tous les niveaux, à promouvoir et réaliser l'unité africaine.

L'examen minutieux de cette charte appelle quelques observations.

Certes, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant affirme dès son article 2, qu'on entend par « Enfant », « tout être humain âgé de moins de 18 ans ». Elle a ainsi, expressément, fixé l'âge maximal de l'enfant, le plafond qu'on ne saurait crever, à dix-sept (17) ans accomplis. Mais curieusement, elle n'a point réglé le commencement de la vie à telle enseigne que l'on se demande, à juste titre, si la vie de l'enfant commence avant ou après la naissance. Fort heureusement, les droits nationaux fixent le début de cette vie de l'enfant.

En outre, la Charte contient une pluralité de formules générales et abstraites, voir imprécises comme : «

- Intérêt supérieur de l'enfant (article 4) : S'agit-il de l'intérêt matériel, social, familial ou financier de l'enfant ?

- L'évolution des capacités de l'enfant (article 9) : S'agit-il de capacités physiques, morales, intellectuelles ou matérielles de l'enfant ?

- La vie privée de l'enfant (article 10) : à partir d'où commence cette vie privée de l'enfant, et jusqu'où s'arrête-t-elle ?

- Le contrôle raisonnable (article 10) : La Charte se borne à affirmer que les parents gardent le droit d'exercer un contrôle raisonnable sur la conduite de leurs enfants. Mais, elle ne précise pas le sens de « contrôle raisonnable ». Alors, à partir de quand le contrôle des parents devient-il déraisonnable ?

- Les valeurs morales, traditionnelles et culturelles africaines positives (article 11) :

115

Ces exemples de termes généraux et ambigus peuvent être multipliés à l'infini. »240.

Comment reconnaitre que de telles valeurs sont positives ou, au contraire négatives ? Une réponse a été donnée par le Comité créée par cette charte, le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant (CAEDBE) dans sa note d'orientation pour la commémoration de la journée de l'enfant africain, du 16 juin 2013, note intitulée « Eliminer les pratiques sociales et culturelles affectant les enfants : notre responsabilité collective »241. La liste des pratiques néfastes que l'on peut trouver partout en Afrique est longue, elle inclut certaines pratiques relativement bien connues et d'autres moins connues. Dans la première catégorie, sont inclus les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, le mariage d'enfants, l'utilisation de dot, les crimes d'honneur et les rites d'initiation dégradants et nuisibles. Dans la deuxième catégorie, se trouvent des pratiques néfastes telles que l'uvulectomie, l'extraction des dents de lait, le « repassage des seins », la préférence pour l'enfant mâle, l'infanticide des bébés filles et la sélection prénatale du sexe, les « tests de virginité », l'offrande des jeunes filles vierges à des prêtres (Trokosi), le « remplacement » d'une personne assassinée par une autre personne (enfant), la gavage et les tabous nutritionnels, les enfants accusés de sorcellerie, de meurtre, les mutilations et le sacrifice d'enfants pour des organes et des membres à utiliser dans des rituels de sorcellerie.

On le constate : les droits conventionnellement consacrés laissent voir que les termes à contenu imprécis et élastique, notions à contenu variable242 ou encore termes à géométrie variable et aux effets aléatoires sont multiples. Cette flexibilité, ou souplesse, qui caractérise les concepts utilisés montre clairement que les droits consacrés sont éminemment abstraits. La compétence des organes juridictionnels ou quasi juridictionnels appelés à les appliquer s'en trouve, ainsi accrue : ceux-ci apprécieront discrétionnairement leur sens autant que leur valeur et conditions d'application.

240 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, l'Harmattan 2015, pp.108-110.

241 CAEDBE, Note d'orientation pour la commémoration de la journée de l'enfant Africain (JEA) du 16 juin 2013 - « Eliminer les pratiques sociales et culturelles néfastes affectant les enfants : notre responsabilité collective ».

242 GHESTIN (J.), « L'ordre public, notion à contenu variable, en droit privé français », in Chaim PERELMAN et Raymond VANDER ELST (Etudes publiées par), Les notions à contenu variable en droit, Bruylant, Bruxelles, 1984, pp.77-97.

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2. Portée juridique de la CADBE

A la lecture de la Charte, ses effets juridiques s'orientent vers trois catégories : l'enfant, la famille (parents) et l'État. Dès lors, le non-respect par une partie de ses obligations devrait donner lieu à une revendication de la part des autres. Et, on pourrait se poser la question de savoir comment une partie lésée peut obliger l'autre partie à respecter ses obligations ?

En ce qui concerne les obligations à la charge des parents, notamment celles énumérées aux articles 19 et 20, elles sont obligatoires et leur inobservation peut, le cas échéant, donner lieu à une répression. Ici, l'État à qui incombe, en premier lieu, la responsabilité de prendre « toutes les mesures nécessaires » pour la mise en oeuvre des droits contenus dans la Charte, peut prendre des mesures de protection et de répression internes, en guise de représailles contre les parents. Par exemple, l'État peut mettre en place des mesures de protection de remplacement qui viseraient à retirer le droit à l'autorité parentale (ceci en tenant compte de l'intérêt de l'enfant). Ou encore si le non- respect de l'obligation parentale est dû à l'absence de moyens des parents, l'État a, dans ce cas, l'obligation de les aider à assumer leurs devoirs envers l'enfant.

Quant aux obligations qui incombent à l'État partie, l'enfant, ses parents ou ses représentants légaux peuvent saisir le juge interne pour constater la violation et appliquer la sanction qui s'impose. Ceci étant, nous devons relever qu'en ce qui concerne les droits dits à «réalisation progressive », il appartiendra au juge interne de déterminer si l'État a oeuvré dans « la limite des moyens disponibles » afin de décider de la violation ou non du droit.

Concernant les obligations pesant sur les enfants, le Professeur Yves Madiot estime que les devoirs mettent « l'individu au service de la communauté et permettent de justifier toutes les oppressions. »243 . En effet, si pour tous les africains, le respect des parents, des personnes âgées et la prise en charge des parents par l'enfant244, font partie de la culture et de

243 Cf. MADIOT (Y.), Considérations sur les droits et devoirs de l'homme, Cité par BOUKONGOU (J-D), op.cit., p.103.

244 Sur ce point, la Charte donne l'impression de s'écarter de la définition qu'elle a donné de l'enfant, qui se limite à 18 ans. Car en faisant appel aux valeurs culturelles, elle semble justement ignorer le fait que dans les cultures africaines, la notion d'enfant est difficile à déterminer. Dans certaines cultures, par exemple, tant que les parents vivent, l'on est toujours considéré comme enfant et traité comme tel par eux.

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l'éducation reçue, ce n'est sans doute pas le lieu d'ériger ses valeurs en obligations. En effet, si la Charte se veut un instrument juridique obligatoire, sa violation devrait être sanctionnée. Dès lors, on pourrait s'interroger sur la pertinence de ces dispositions. Sauf si, comme l'a mentionné le Professeur Yves Madiot, elles pourraient servir de prétexte pour justifier l'impunité en cas de violation de la Charte245.

De ce qui précède, on observe que les enfants bénéficient de droits reconnus et protégés à travers des textes spécifiques tant au niveau universel qu'africain auxquels la Côte d'Ivoire a librement mais tardivement adhéré. Des accords régionaux et bilatéraux viennent renforcer ces textes protecteurs des droits de l'enfant, constituant ainsi des sources juridiques précieuses.

B. A TRAVERS LA SIGNATURE D'ACCORDS REGIONAUX ET BILATERAUX EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ENFANTS

Seront examinés respectivement les accords régionaux (1) et bilatéraux (2) en matière de lutte contre la traite des enfants.

1. Les accords régionaux de protection des enfants contre la traite

Ces accords régionaux sont au nombre de deux : l'accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest et l'accord multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre.

L'accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest a été conclu en date du 27 juillet 2005 à Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire246. Les Etats parties sont : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée, Libéria, Niger, Mali, Nigéria et Togo. Soit un total de neuf États signataires247.

245 Cf. MADIOT (Y.), op. cit.

246 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.111.113.

247 Les États signataires de l'accord, énumérés sont ceux dont les signatures des représentants figurent sur l'original du document de l'accord. Il est possible que d'autres États soient parties à l'Accord. En effet, selon son article 23, l'adhésion est ouverte à tout pays de la sous-région ouest africaine.

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Cette importante convention régionale ouest-africaine compte au total 29 articles : «

- l'article 1 porte sur la définition des expressions spécifiques utilisées dans l'accord ;

- les articles 2 à 5 énoncent les principes essentiels de l'accord en réaffirmant l'interdiction de la traite des enfants, l'obligation de traiter tous les enfants victimes de traite avec respect et sans discrimination et la recherche de l'intérêt supérieur de l'enfant et son bien-être ;

- l'article 6 détermine le champ d'application de l'accord ; Il appert de cet article que l'accord s'applique à la prévention, la protection, le rapatriement, la réunification, la réhabilitation, la réinsertion, la répression et la coopération en matière de traite des enfants ;

- les articles 7 à 11 portent sur les obligations des États parties. On y distingue des obligations communes248 à toutes les parties et celles particulières249, selon que l'État partie soit le pays d'origine, de transit ou de destination. En ce qui concerne les obligations communes, on peut citer, entre autres : l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour détecter la traite des enfants, d'élaborer et de mettre en oeuvre des plans d'action et des programmes de lutte contre la traite des enfants tant au plan national que régional, de prendre les dispositions nécessaires pour harmoniser les législations en matière de traite avec les autres parties, etc. Les obligations particulières du pays d'origine consistent, entre autres : à mettre en place un dispositif de rapatriement, de réhabilitation et de réinsertion de l'enfant victime ; d'identifier les zones d'origine, de transit et les itinéraires ; de poursuivre et de punir les auteurs et complices de la traite des enfants etc. En ce qui concerne le pays de transit, il a pour obligations, entre autres : d'identifier les zones d'origine, de transit et de destination ; de poursuivre et de punir les auteurs et leurs complices ; d'organiser, en étroite collaboration avec les autorités administratives et

248 Cf. Art.7 et 8 de l'Accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest.

249 Cf. art. 9 à 11 de l'Accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest.

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diplomatiques du pays d'origine, le rapatriement de l'enfant victime ; d'assurer la prise en charge provisoire de l'enfant victime de traite avant son rapatriement dans son pays d'origine ; etc. Quant au pays de destination, il a, entre autres obligations : de retirer immédiatement l'enfant victime de la situation de traite ; de poursuivre et de punir les auteurs et leurs complices ; d'organiser le rapatriement de la victime en concertation avec les autorités du pays d'origine ; de récupérer et de restituer à la victime les biens, rémunérations, indemnités et toutes autres compensations qui lui sont dues ; etc. ;

- enfin, les articles 12 à 22 mettent l'accent sur la mise en place d'un mécanisme de suivi : la Commission Régionale Permanente de Suivi (CRPS), dont le secrétariat est basé à Abidjan. Cet organe a en charge le suivi et l'évaluation des actions menées par les parties dans la mise en oeuvre de l'accord (à travers un rapport annuel) et de proposer des approches de solutions aux problèmes rencontrés par les acteurs de la lutte contre la traite des enfants. »250

Inspirés par l'accord ouest-africain, des Etats de l'Afrique de l'Ouest et du Centre ont conclu un accord multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants.

L'accord de coopération de lutte contre la traite en Afrique de l'Ouest et du Centre, a été réalisé à Abuja (Nigéria) le 6 juillet 2006, soit environ un an après celui adopté à Abidjan pour le compte de l'Afrique de l'Ouest251. Il a été signé par 26 États252 dont la Côte d'Ivoire. La particularité de cet Accord réside dans la détermination des objectifs qu'il vise et la prise en compte de l'entraide judiciaire en matière pénale au niveau des États parties. Concernant

250 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, Dissertation, zur Erlangung des Grades eines Doktors der Rechte der Rechts- und Wirtschaftswissenschaftlichen Fakultät der Universität Bayr, 2013, pp.111.113. ; BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.111.113.

251 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.111.113.

252 Ce nombre correspond au nombre de signatures apposées sur le document de l'accord qui se trouve en annexe : l'Angola, le Bénin, le Burkina-Faso, le Burundi, le Cap-Vert, le Cameroun, la République Centrafricaine, la Côte d'Ivoire, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée Équatoriale, le Libéria, la Mali, le Niger, le Nigéria, le Rwanda, Sao Tome á Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, la République du Tchad et le Togo.

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les objectifs, l'Accord vise à développer un front commun afin de prévenir, supprimer et punir la traite des personnes par la coopération ; protéger, réhabiliter, et réinsérer les victimes de traite ; assurer l'entraide dans les investigations liées à la traite, l'arrestation et la poursuite des coupables à travers les autorités compétentes de chaque État partie ; etc. (art. 2). Quant à l'entraide judiciaire, aux termes de l'article 14 de l'Accord, les États parties doivent prendre les mesures nécessaires pour s'entraider dans la recherche, la poursuite et l'arrestation des personnes impliquées dans la traite des personnes. Dans ce cadre, l'assistance portera sur l'identification et la localisation des personnes suspectées de traite, l'identification et la localisation des victimes de traite, le recueil des témoignages, la signification des actes judiciaires, la perquisition, la saisie, le gel et la confiscation des produits ou des instruments du crime, le transfert temporaire des personnes gardées à vue, l'arrestation et la détention de toute personne impliquée en vue de son extradition, etc.253

Au-delà des accords multilatéraux au plan régional, l'État ivoirien a également conclu des accords bilatéraux avec d'autres États de la sous-région.

2. Les accords bilatéraux contre le trafic transfrontalier d'enfants

La Côte d'Ivoire a conclu deux accords bilatéraux en matière de trafic transfrontalier d'enfants avec deux Etats voisins, à savoir : le Mali et le Burkina-Faso :

- L'accord bilatéral de coopération entre la République de la CI et la République du Mali en matière de lutte contre le trafic transfrontalier d'enfants

Les Gouvernements ivoirien et malien ont signé à Bouaké le 01er septembre 2000, une convention dénommé « Accord de coopération entre la République de Côte d'Ivoire et la République du Mali en matière de lutte contre le trafic transfrontalier des enfants ». Cet accord de coopération relatif à la lutte contre le trafic d'enfants est prévu pour une durée de trois ans renouvelable. Il est composé d'un préambule et d'un dispositif composé de 13 articles. Le trafic d'enfant y est défini comme « l'ensemble du processus par lequel un enfant est déplacé à l'intérieur ou à l'extérieur d'un pays dans les conditions qui le transforment en valeur marchande pour l'un au moins des adultes en présence et quelle que soit la finalité du déplacement de l'enfant ; tout acte comportant le recrutement, le transport, le recel ou

253 BELLO (S.), Ibid.

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la vente d'enfant ; tout acte qui entraine le déplacement de l'enfant à l'intérieur ou à l'extérieur du pays »254.

Les articles 2 et 3 consacrent les principes essentiels de cet accord à savoir : l'interdiction du trafic des enfants sous toutes ses formes et la prise en compte par les Etats signataires, de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes actions en faveur des enfants victimes de trafic.

Les deux Etats « s'engagent à prendre des mesures pour lutter contre les déplacements et les non retours illicites d'enfants à l'étranger »255 . Ils prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit. La commission permanente de Suivi du protocole a été mise en place près d'un an après la conclusion de l'accord, en raison des contraintes matérielles qu'elle soulevait, tandis qu'un différend persiste entre les deux pays sur l'évaluation de l'ampleur du phénomène de trafic d'enfants maliens en Côte d'Ivoire.

- L'accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina

Malgré les dispositions de prévention au niveau régional, des centaines d'enfants font toujours l'objet de trafic entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. Selon Mme Chantal Compaoré, « les services de l'enfance au Burkina Faso sont constamment sollicités pour le rapatriement des victimes de cette traite »256. Mieux, La Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, est considérée comme une importante destination régionale du trafic d'enfants en provenance des pays frontaliers, notamment le Burkina Faso et le Mali, afin de travailler dans ses cultures. Il apparaissait donc opportun qu'après le Mali en 2011, la Côte d'ivoire ait signé, le jeudi 17 Octobre 2013 au centre de conférence internationale du Ministère des Affaires Etrangères à Abidjan-Plateau, un accord de coopération dans le cadre de la lutte contre la traite transfrontalière des enfants avec le Burkina Faso. Une volonté manifeste pour ces deux Etats, d'éradiquer définitivement ce fléau.

Il s'agit d'un accord de coopération engageant les deux pays à lutter contre la traite croissante des enfants du Burkina Faso vers la Côte d'Ivoire. On peut se réjouir de la

254 Article 1 de l'accord de coopération entre la Côte d'Ivoire et le Mali du 01er septembre 2000.

255 Article 11 al.1 de l'accord de coopération entre la Côte d'Ivoire et le Mali du 01er septembre 2000. 256 http://news.abidjan.net/h/477803.html (consulté le 10/11/217).

signature de cet accord qui permettra à n'en point douter, de faire reculer le phénomène. Une initiative saluée à juste titre par La Présidente du Comité National de Surveillance (CNS), Mme Dominique Ouattara en ces termes «J'en suis heureuse car, la mise en commun de nos efforts nous permettra de combattre beaucoup plus efficacement tous les abus et violences qui sont quotidiennement faites à de milliers d'enfants dans nos pays. Parmi ces violences, la traite des enfants est l'une des manifestations les plus extrêmes, et les plus périlleuses pour leur survie »257 ; dans le même ordre d'idées, elle explique le menu des conditions difficiles dans lesquelles vivent les enfants victimes de traite. « En effet, les enfants qui en sont victimes sont souvent recrutés et transportés hors de leur pays où de leur localité d'origine. Ils sont séparés de leurs familles et isolés dans des régions où ils ne possèdent pas de statut légal. Ils vivent souvent dans un état de précarité social très avancé et n'ont pas accès à l'éducation, à la santé et au loisir »258.

Comme on le voit, les signataires fondent un espoir immense sur la signature de cet accord de coopération pour freiner définitivement les vagues de trafic des enfants. Reste à espérer que l'accord constituera un outil efficace d'élimination du phénomène.

Il ressort de cet accord que, les deux Etats se sont engagés "à élaborer et mettre en oeuvre des plans d'actions, des programmes et projets régionaux de lutte contre la traite des enfants". Le chapitre 1 de cet accord est consacré aux définitions des termes essentiels de cet accord, à savoir : enfant, traite des enfants, État d'origine, État de destination, État de transit, identification, rapatriement, réhabilitation, réinsertion, répression, prévention, protection, réunification, coopération. Quant au chapitre 2 de cet accord, il expose les trois principes essentiels sur lesquels se fonde la convention : l'interdiction de la traite des enfants259, le traitement avec dignité et sans discrimination de tout enfant victime de traite transfrontalière260 et la prise en compte prioritaire du bien-être, de l'intérêt supérieur et de la

257 http://www.travaildesenfants.org/fr/actualites/la-mise-en-commun-de-nos-efforts-nous-permettra-de-combattre-les-abus-et-violences-faits (consulté le 10/11/217). 258 http://www.travaildesenfants.org/fr/actualites/la-mise-en-commun-de-nos-efforts-nous-permettra-de-combattre-les-abus-et-violences-faits (consulté le 10/11/217).

259 Article 2Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina.

260 Article 3Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina.

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participation de tout enfant dans toutes actions en faveur des enfants victimes de traite261. Il ressort de cette convention que cet accord s'applique à la lutte contre la traite transfrontalière des enfants notamment dans les domaines de la prévention, de la protection, du rapatriement, de la réunification, de la réhabilitation, la réinsertion, la répression et la coopération262. Le traité prévoit également des obligations à la charge des États signataires. Ainsi, distingue-t-on les obligations communes263 des obligations particulières variant suivant qu'il s'agisse du pays d'origine264, du pays de transit265 ou du pays de destination266. Cet accord prévoit également un mécanisme de suivi appelé Commission permanente de suivi (CPS).

Il apparait important d'indiquer que ces accords bilatéraux sont devenus une sorte d'effet de mode entre différents pays ouest-africains. Ainsi, plusieurs accords de coopération en matière de lutte contre la traite des personnes ont été signés entre le Bénin et le Nigéria267. L'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants » entre ces deux pays suscités en est un exemple. Cet Accord a été signé par les deux parties à Cotonou (Bénin) le 09 juin 2005. Il comporte au total 23 articles dont les articles 1 à 18 déterminent : le sens des termes utilisés268, le but visé par l'Accord269, le champ d'application, les modalités d'application de

261 Article 4Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina.

262 Article 5Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina.

263 Articles 6 et 7Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina.

264 Article 9Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina.

265 Article 11Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina.

266 Article 10Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina.

267 A en croire les données de la brigade de protection de mineurs, le Nigéria serait la principale destination des enfants béninois victimes de traite régionale.

268 Article 1 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005.

269 Article 2 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005.

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l'Accord270 ; l'identification, la protection et la prise en charge des victimes271 ; le rapatriement, la réhabilitation et la réinsertion des victimes272. Les articles 19 à 23 quant à eux sont réservés aux dispositions finales de l'Accord.

Comme on peut le constater, l'Etat de Côte d'Ivoire marque sa volonté de protéger ses enfants par la conclusion de divers instruments universels ou régionaux de protection des droits de l'enfant. Parallèlement à cette étape, ce pays va s'évertuer à organiser la réception nationale des droits internationaux de l'enfant.

270 Articles 4 à 11 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005.

271 Articles 12 à 15 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005.

272 Articles 16 à 18 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005.

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Chapitre II :

LA RECEPTION NATIONALE DES DROITS INTERNATIONAUX DE

L'ENFANT

La réception, par l'ordre juridique interne, de normes d'origine externe s'inscrit dans le contexte du pluralisme juridique273. Ce dernier est la situation dans laquelle des normes originaires de plusieurs ordres juridiques différents (international, régionaux, interne) sont susceptibles d'être appliquées sur un même territoire274. La cohabitation de plusieurs ordres juridiques imparfaitement intégrés peut ainsi donner lieu à des contradictions entre plusieurs normes. Ce contexte rend nécessairement plus difficile le maintien de la cohérence de l'ordre juridique interne. Dès lors que deux normes sont susceptibles de s'appliquer à un même objet, la cohérence impose d'organiser la supériorité de l'une de ces deux normes sur l'autre275. En effet, chaque ordre juridique, international, régional (africain, européen, américain ou asiatique) et interne, se conçoit comme autonome par rapport aux autres276. Cette volonté d'autonomie conduit à des risques de contradiction importants. Ainsi, l'ordre juridique interne français se caractérise par la primauté de sa Constitution sur le droit international et sur le droit de l'Union européenne277. Mais le droit international, comme le droit de l'Union, se conçoivent eux aussi comme supérieurs à l'ordre juridique interne, y compris à sa Constitution278. Il en résulte une ignorance partielle entre les ordres juridiques279. « Même si la Constitution d'un Etat oblige ses organes à faire primer une norme interne sur tout engagement international contraire, il n'en reste pas moins que, internationalement, il accepte de voir dans cette attitude un manquement à ses obligations,

273 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

274 Plus largement, on peut le définir comme l'« existence au sein d'une société déterminée, de mécanismes juridiques différents s'appliquant à des situations identiques » (Jacques VANDERLINDEN, « Vers une nouvelle conception du pluralisme juridique », RRJ, 1993, p. 573). V. Sally Engle MERRY, « Legal Pluralism », Law & Society Review, vol. 22, n°5, 1988, p. 869

275 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

276 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

277 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

278 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

279 Ibid.

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et à le payer d'une responsabilité internationale »280. Ainsi, « au regard du droit international et de la Cour qui en est l'organe, les lois nationales sont de simples faits »281, et il en va de même pour les Constitutions nationales282. La situation est la même en ce qui concerne le droit de l'Union qui affirme sa primauté sur l'ordre interne283.

La réception du droit international des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire met en présence deux logiques dans ce pays. La première relève de la dynamique exogène de la matière qui implique qu'un corps de règles formalisé dans un cadre extérieur à l'Etat s'impose dans l'ordre juridique national. La seconde, quant à elle, porte sur l'assimilation de ce droit dans la production normative nationale, afin de lui faire produire l'effet escompté. Les instruments juridiques nationaux sont des lois qui relèvent de « l'expression de la volonté générale»284 des ivoiriens. Étant la manifestation de la volonté populaire, ces textes sont pour certains adoptés par le peuple ou législateur, tandis que d'autres tirent leur origine du système colonial. En effet, le système juridique ivoirien s'est basé en grande partie sur le droit civil français285. En Côte d'Ivoire, l'antériorité de certaines lois ivoiriennes à l'adoption de la CIDE montre que les pouvoirs publics ivoiriens se sont intéressés assez tôt à la protection des droits de l'enfant. De sorte que, depuis son indépendance, la Côte d'Ivoire a eu à coeur la question des droits de l'enfant au même titre que celle des droits humains. Cela transparaît non seulement à travers une progressive reconnaissance constitutionnelle des droits de l'enfant (Section I) mais aussi par des mesures d'application législative et réglementaire (Section II).

280 COMBACAU (J.), « Le droit international : bric à brac ou système ? », APD, t. 31, 1986, p. 95.

281 CPJI, arrêt n° 7 du 25 mai 1926, affaire des intérêts allemands en Haute Silésie polonaise, rec. série A, n° 27, p. 19.

282 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

283 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

284 TERRE (F.), Le juriste et le politique, trente ans de journalisme au Figaro, Editions Dalloz, 2003, p. 30.

285 KOUABLE GUEU (C.), « The Legal System in Côte d'Ivoire : Where Do We Stand ? », avril 2009, disponible en ligne sur www.nyulawglobal.com/globalex/Cote_dIvoire.htm#_2._The_Organization (consulté le 25/10/ 2014).

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Section I : UNE PROGRESSIVE CONSTITUTIONNALISATION DES DROITS DE L'ENFANT

Deux types de données permettent de prendre la mesure du sort et de l'importance de la reconnaissance constitutionnelle : le mode de reconnaissance des droits et le lieu de formulation. Ces techniques de consécration ont évolué dans le but d'affirmer « non pas des droits et des libertés nominaux, proclamés et figés dans leur splendide abstraction(...), mais plutôt des droits et des libertés aspirant à la vie, destinés à être concrétisés, vécus, utilisés »286. Ainsi, il est apparu que le constituant a voulu accorder une place primordiale aux droits de l'homme-enfant d'abord en déplaçant le site constitutionnel des droits, et ensuite en affirmant les droits dans un souci d'assurer leur effectivité.

Partant, la constitutionnalisation des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire est perceptible tant au niveau des formes de reconnaissance des droits de l'enfant (Paragraphe1) que des techniques de consécration (paragraphe 2).

§ 1. UNE EVOLUTION DES FORMES DE RECONNAISSANCE DES DROITS DE L'ENFANT

Avant d'en arriver à la constitutionnalisation à proprement parler des droits de l'enfant, il importe de présenter avant tout, le statut de la constitution dans le droit des droits de l'homme de façon générale (A). Après quoi, nous démontrerons successivement, l'implicite reconnaissance des droits de l'enfant à travers les deux constitutions (B) et la consécration expresse de la protection de l'enfant en tant que personne vulnérable sous les Constitutions du 1er Août 2000 et de novembre 2016 (C).

A. LE STATUT DE LA CONSTITUTION DANS LE DROIT DES DROITS DE L'ENFANT

La constitutionnalisation de la protection de l'enfant procède de ce que la protection de l'enfant a eu un écho favorable dans la constitution ivoirienne ; si avant l'adoption de la Constitution de 2016, certains auteurs affirment que la Côte d'Ivoire a acquis trois (03)

286 OLINGA (A.D), « L'aménagement des droits et libertés dans la constitution camerounaise révisée », RUDH du 31 Octobre 1996, vol. 8, p.117.

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constitutions287, il convient d'analyser seulement les deux (03) dernières, à savoir celle de 1960, de 2000 et 2016 qui sont du reste celles adoptées depuis l'indépendance du pays. Avant d'entrer dans le fond, il convient de définir la notion de Constitution. La définition de la Constitution nécessite nécessairement de distinguer la définition matérielle de celle formelle. Au sens matériel, la Constitution se définit comme « l'ensemble des règles quelle que soit leur nature ou leur forme relatives aux principaux organes de l'État, à leur désignation, à leur compétence et à leur fonctionnement »288. Au sens formel, la Constitution est un document rédigé ou révisé selon une procédure spéciale, c'est une loi spéciale au-dessus des lois ordinaires, avec une procédure d'élaboration et de révision qui est tout aussi spéciale a contrario des lois ordinaires289.

La Constitution d'un pays, c'est le document de base, l'acte juridique fondamental qui, dans un État, consacre, d'une part, l'existence des droits et libertés fondamentaux des citoyens, et d'autre part, l'aménagement du pouvoir politique nécessaire au fonctionnement de l'État.

De plus, comme l'écrit si pertinemment le Professeur Francis Delpérée, « Au commencement du droit est la Constitution...La constitution, c'est la règle juridique qu'une société politique qui s'organise en État se donne pour permettre la réalisation du bien public. A cette fin, elle établit en premier, les droits et les devoirs qui reviennent aux membres de la société politique. Elle détermine également les règles d'aménagement des pouvoirs publics. »290.

Afin d'appréhender l'importance de la Constitution dans les Droits de l'homme et spécialement les droits de l'enfant, il convient de déterminer les fonctions de la Constitution, qui sont au nombre de deux : La première qui concerne l'encadrement des pouvoirs publics a peu d'intérêt dans cette étude ; Pour être intéressante et appropriée dans le cadre de notre étude, la deuxième acception définit l'ordre social qui doit être promu par les pouvoirs

287 NDRI-TEHOUA (P.), « Constitution et démocratie en Côte d'Ivoire », in RISJPO, mai 2014, PUB, p. 45, p.p. 43-72. Dans son article paru dans la presse universitaire de Bouaké avant l'adoption de l'actuelle Constitution en vigueur, l'auteur affirme que la Côte d'Ivoire, en plus de sa constitution de 2000 a eu 2 premières Constitutions, celle de 1959 et celle de 1960.

288 MELEDJE DJEDJRO (F.), Droit constitutionnel, édition ABC, 2013, p. 38.

289 NDRI-TEHOUA (P.), Op. cit ., p. 43.

290 DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles-Paris, Bruyant-L.G.D.J., 2000, p.11

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publics ainsi que les droits reconnus aux individus291. Un des objectifs principaux de la Constitution d'un État, c'est donc la détermination des droits, des libertés, voire des devoirs des membres de la société étatique qu'elle est appelée à régir. On ne conçoit pas une Constitution moderne sans un chapitre, voire un titre consacré aux droits de l'homme.

En droit interne, la Constitution, est la première source du droit. C'est par rapport à elle que toutes les autres sources des droits de l'enfant doivent être interprétées. C'est à elle qu'on recourt en premier lieu pour justifier, défendre ou revendiquer un droit, une liberté. D'ailleurs, historiquement, tous les droits et libertés ont, de tout temps, été de statut constitutionnel.

Il en découle qu'en matière de droits de l'enfant, la Constitution, tient la première place dans la hiérarchie des sources juridiques. Elle est la règle juridique fondamentale ; « C'est elle qui procure au groupe social toutes les conditions d'une action efficace en matière de sauvegarde, de défense et de protection des droits de l'homme »292.

En Côte d'Ivoire, la protection les droits de l'enfant au niveau constitutionnel, n'a de tout temps pas été expressément proclamée. Les Constitutions ivoiriennes ont connu une évolution significative en matière de protection des droits humains293 et particulièrement en ce qui concerne la protection des droits de l'enfant. En effet, si les droits reconnus aux enfants sous la Constitution de 1960 étaient à rechercher dans la reconnaissance constitutionnelle générale des droits de l'homme, les différentes Constitutions du 1er Aout 2000 et du 08 novembre 2016, font un point d'honneur aux droits de l'enfant en les visant expressément. Il apparait donc nécessaire de démontrer successivement la reconnaissance des droits de l'enfant qui s'est faite de façon implicite par la Constitution de 1960, puis, leur reconnaissance expresse par les Constitutions de 2000 et 2016.

291 NDRI-TEHOUA(P.), Op. Cit, p. 43.

292 Idem.

293 NDRI-TEHOUA (P.), Op. Cit., p. 49.

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B. UNE RECONNAISSANCE IMPLICITE DES DROITS DE L'ENFANT SOUS LE PRISME DE LA PROTECTION GENERALE DES DROITS DE L'HOMME DANS LA CONSTITUTION DE 1960 : UN RENVOI AUX GRANDES DECLARATIONS DE DROITS

Les deux grandes déclarations auxquelles le Préambule de la Constitution du 03 Novembre 1960 renvoie sont : la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la déclaration universelle de 1948. La première est une déclaration française tandis que la seconde est une déclaration onusienne. Un examen respectif de ces deux renvois s'impose à l'attention, en relevant leurs liens avec la protection des droits de l'enfant. La DUDH ayant été examiné dans le chapitre précédent, seule la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) sera examinée dans les lignes suivantes.

Par le jeu du renvoi à la DDHC, la Constitution ivoirienne imprime à la DDHC, une valeur constitutionnelle et fait d'elle une source de protection des droits de l'homme-enfant ; la DDHC consacre des droits civils et politiques. Toutefois, cette consécration de droits emporte des limites.

L'ensemble des droits consacrés, s'articule autour de deux idées forces : la liberté et l'égalité, premiers de tous les droits de l'Homme, selon l'expression du Professeur Jean RIVERO294. Avant de les examiner, il convient d'apporter quelques précisions sur la dualité « droits de l'homme-droits du citoyen » qui affleure dans cette déclaration.

La dualité « droits de l'homme et droits du citoyen » incline à opérer deux grandes distinctions, à savoir : d'une part, les droits de l'homme et les droits du citoyen ne sont pas sur le même plan ; d'autre part, l'homme ne saurait se confondre au citoyen. En fait, une ligne invisible, constituant une différence qualitative, sépare aussi bien l'homme et le citoyen que les droits de l'homme et les droits du citoyen295.

Pour bien comprendre la question, il faut déjà pouvoir distinguer les droits du citoyen de ceux de l'homme. Les premiers sont les droits que possède toute personne en vertu des lois de l'État dans lequel il vit. Les seconds sont les droits imprescriptibles de la personne humaine. Ils peuvent, à ce titre, servir de règle aux précédents, et se caractérisent par leur

294 RIVERO (J.), Les Libertés Publiques, op.cit. , p.66.

295 KOFFI (K. E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Thèse unique de doctorat en droit public, Université de Cocody, UFR SJAP, 2008, Tome 1, p.109.

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valeur universelle. Les droits du citoyen, eux varient selon les législations et la nature des États.

Logiquement, les droits du citoyen se rangent à un étage inférieur par rapport aux droits de l'homme. En effet, l'homme est avant tout un être présocial et pré juridique en ce sens qu'il préexiste à la société et au droit. Il se différencie, ainsi du citoyen qui est un être situé dans la société constituée, ou dans la société organisée. Celui-ci est, dans ces circonstances, conditionné et subordonné à l'Etat, la société des sociétés296, tandis que celui-là est antérieur et même supérieur.

Dans un tel schéma, les droits de l'homme ressortissent de manière évidente, au droit naturel, contrairement aux droits du citoyen qui relèvent du droit positif. Droits innés, les droits de l'homme sont inhérents à la nature humaine. En tant que tels, ils sont inviolables et sacrés et s'imposent au pouvoir politique auquel ils préexistent. Ce sont des droits inconditionnels, voire inconditionnés, par rapport et par opposition aux droits du citoyen qui sont des droits conditionnés et limités au triple plan géographique, temporel et politique. En clair, ceux-ci sont à la merci de l'Etat, de chaque Etat, dont ils procèdent et auxquels ils sont subordonnés.

Selon une analyse fort admirable du Professeur Jean RIVERO, « Les droits de l'Homme sont des libertés. Ils permettent à chacun de conduire sa vie personnelle comme il l'entend. Ils lui confèrent une sphère d'autonomie dans laquelle la société ne peut s'immiscer (...) Les droits du citoyen sont des pouvoirs : ils assurent la participation de tous à la conduite de la cité(...). Cette distinction correspond en réalité, à deux conceptions différentes de la liberté, que Benjamin Constant a systématisées en opposant la liberté politique ou liberté des Anciens, à la liberté civile, ou liberté des Modernes (...). Dans la Déclaration, les deux catégories, loin de s'opposer, sont indissociables : seule la reconnaissance des droits du citoyen peut, dans la société politique, assurer la conservation des droits de l'homme »297.

Eu égard à son statut particulier, le citoyen bénéficie de droits particuliers que lui accorde la Déclaration ; ce sont :

296 GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit., p.5.

297 RIVERO (J.), Les Libertés publiques, op. cit. , p. 60.

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- le droit pour chaque citoyen de concourir, personnellement ou par ses représentants, à la formation de la loi 298;

- Le droit pour tout citoyen de parler, d'écrire, d'imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi299;

- L'égalité devant l'impôt : une contribution commune doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés300 ;

- Le droit pour chaque citoyen de constater, soi-même ou par ses représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée301.

A l'opposé, les autres dispositions de la DDHC sont d'application immédiates et sont réservées à l'homme, à tout homme, c'est-à-dire tout être humain y compris les enfants. A titre illustratif, on peut citer quelques droits fondamentaux consacrés par le célèbre texte français de 1789 au profit de l'homme, de la femme , de l'enfant, de la fille , du garçon , etc : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression qui sont des droits naturels et imprescriptibles de l'homme (article 2), la présomption d'innocence (article 9), la liberté de religion et d'opinion (article 10), la libre communication des pensées et des opinions qui constitue l'un des droits les plus précieux de l'homme (article 11), etc.

Les droits de l'homme sont les droits fondamentaux de l'homme, antérieurs à la société. Les droits du citoyen, en revanche, ont cours seulement dans la Cité. Ils ne se recoupent donc pas, et l'on peut les distinguer au plan intellectuel, comme on vient de le faire.

Comment dès lors, comprendre la question : « Peut-on considérer les droits de l'homme indépendamment de ceux du citoyen ? » On peut l'interpréter ainsi : s'ils peuvent se concevoir indépendamment l'un de l'autre, peuvent-ils exister l'un sans l'autre ? Quels droits pour le citoyen, s'ils ne reposent pas sur la déclaration des droits de l'homme ?A l'inverse, que serait cette pure et simple déclaration sans les droits réels du citoyen qui lui

298 Article 6 DDHC.

299 Article 11 DDHC.

300 Article 13 DDHC.

301 Article 14 DDHC.

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donnent chair ? Cette question revient à l'interrogation que posait déjà Marx au siècle dernier : quel est donc cet « homme des droits de l'homme ? »302.

Au XVIIe siècle, la perspective a considérablement changé. L'existence politique n'est pas inhérente à l'homme. On pense que la cité est une création des hommes, antérieurement à quoi les individus étaient censés vivre dans un état de nature. Cet état n'a probablement jamais existé, mais il permet aux philosophes de poser un nouveau rapport à la cité dans lequel les individus sont premiers.

A la vérité, les droits du citoyen constituent un complément, autant qu'un adjuvant, des droits de l'homme en ce sens qu'ils complètent, enrichissent et même améliorent les droits de l'homme qui leurs sont antérieurs. Au fond, droits de l'homme et droits du citoyen sont indivisément et inextricablement liés. En effet, les droits de l'homme se prolongent toujours sous l'aspect des droits du citoyen car la quête des droits fondamentaux en faveur de tout homme ne peut être dissociée de celle du citoyen. Il en va ainsi de la liberté-autonomie qui se prolonge sous la forme de la liberté-participation.

Indivisibles, les deux types de droits sus-analysés, évoquent l'idée de liberté, droit primordial. On connait cette pensée édifiante de RIVAROL qui disait à la fin du XVIIIe siècle : « On mènera toujours les peuples avec deux mots, ordre et liberté : mais l'ordre vise au despotisme, et la liberté à l'anarchie. Fatigués du despotisme, les hommes crient à la liberté ; froissés par l'anarchie, ils crient à l'ordre. L'espèce humaine est comme un océan, sujette au flux et reflux : elle se balance entre deux rivages qu'elle cherche et fuit tour à tour, en les couvrant sans cesse de ses débris. »303 .

A la vérité, il y a, aujourd'hui, sur tous les points de la planète une méfiance, voir une lutte, de plus en plus grande à l'égard des autorités publiques, qui, appelées à faire régner l'ordre, se bornent souvent à confisquer et à violer la liberté, toute liberté. Or, premier de tous les Droits de l'Homme, la liberté préexiste et s'impose à tout pouvoir politique et

302 MARX (K.), La question juive [1843], Paris, Union générale d'éditions, 1968, p.37. ; NOLLEZ-GOLDBACH (R.), Quel homme pour les droits ? Les droits de l'homme à l'épreuve de la figure de l'étranger, Paris : CNRS éditions, 2015, 327 p.

303 RIVAROL cité par JEAN GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit. p.28. ; Antoine de RIVAROL, Discours préliminaire du Nouveau dictionnaire de la langue française, Facultés intellectuelles et de ses idées premières et fondamentales ; suivi de De l'Universalité de la langue française, Berlin, 1785, vol.1, p.219.

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étatique et, par conséquent, mérite d'être reconnue et respectée par les autorités publiques. On comprend, dès lors, que la Constitution de la Première République Ivoirienne (Constitution de 1960) ait consacré ce droit fondamental en se référant à la Déclaration française de 1789 dont l'article 1er dispose : « Les Hommes naissent et demeurent libres ». A bon droit, le Professeur Jean RIVERO estime que cette prérogative inaliénable « trouve son fondement dans la nature »304. L'article 2 de cette Déclaration ajoute : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. » . Il s'ensuit que de cette notion générale de liberté, toile de fond, se détachent naturellement d'autres droits, ou libertés particulières, que déduit et consacre expressis verbis la Déclaration, à savoir : la sûreté ou liberté individuelle ; la liberté d'opinion ; la liberté religieuse ; le droit de propriété et la résistance à l'oppression.

Cependant, en Côte d'Ivoire la question de la force juridique de la DDHC ne se pose pas ; tout comme dans les autres pays africains, celle-ci l'a dès son indépendance incorporée dans son ordonnancement juridique305. En effet, la constitutionnalisation, ce que le Professeur Guggenheim a appelé « l'individualisation »306 de la norme internationale introduit directement la norme. Cette individualisation légitime la déclaration de sorte qu'elle soit opposable à toutes les autorités publiques nationales. Elle peut se faire par l'intégration de la norme internationale dans un texte de loi.

Le renvoi à ces instruments juridiques réclame leur application dans l'ordre juridique interne. C'est dans cette même veine, que s'accordant avec l'auteur précédent, Jean Pierre ROUGEAUX, pense que le renvoi conduit à l'incorporation de la norme objet du renvoi dans le système renvoyant307. Cette analyse nous permet de dire qu'à travers son préambule, l'Etat de Côte d'Ivoire reconnaît des droits à l'ensemble des citoyens vivant sur son territoire et particulièrement à l'enfant, qui par ce jeu, bénéficie en bonne logique juridique, de tous les droits affirmés dans la DDHC. Il est donc important d'affirmer que certes, la

304 Cela se justifie par ceci que les hommes naissent libres.

305 Voir le préambule de la constitution de 1960.

306 DAILLIER (P.), FORTEAU (M.) et PELLET (A.), Droit international public, Paris, L.G.D.J-Montchrestien, 2009, p. 726.

307 ROUGEAUX (J-P), Renvois du droit international au droit interne, R.G.D.I.P., 1977, p. 362. In TURGIS (S.).

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Constitution de 1960 ne mentionne pas de façon précise les droits de l'enfant ; toutefois, son renvoi à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) et à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) à travers son préambule ayant valeur constitutionnelle308, offre d'affirmer que la reconnaissance des droits de l'homme et de l'enfant, in fine, y est stipulé de façon implicite.

A l'instar du préambule, le corps de la Constitution ivoirienne du 03 novembre 1960 ne se réfère pas explicitement aux droits de l'enfant. Mieux, elle n'emploie à aucun moment les termes enfant ou droits de l'enfant. Elle contient quelques droits fondamentaux, qui plus est, sont timidement exprimés. Ce mutisme du corps de cette Constitution sur la question des droits de l'enfant signifie-t-elle que les enfants et leurs droits sont totalement ignorés ? Une affirmation péremptoire sur la question serait excessive.

En effet, l'enfant étant un homme avant d'être cet être singulier appelé « enfant », il apparait opportun de déduire que l'enfant bénéficie des droits de l'homme laconiquement affirmés dans le corps de la Constitution, dans les limites fixées par le législateur. Ces droits de l'homme se trouvent disséminés dans le corps de cette Constitution. Il s'agit essentiellement :

- Du droit de vote : « le suffrage est universel, égal et secret. Sont électeurs dans les conditions déterminés par la loi, tous les nationaux ivoiriens majeurs, des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques »309 ;

- La sureté individuelle : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de principe dans les conditions prévues par la loi »310 ;

308 Voir Arrêt société Eky, CE du 12 février 1960, « si la constitution a attribué compétence au pouvoir réglementaire pour déterminer les contraventions et les peines assorties, c'est par dérogation au principe général énoncé à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme à laquelle se réfère le préambule et qui prescrit le caractère légal des peines (nulla poena sine lege). Si donc seul le constituant peut déroger à un tel principe dans le préambule c'est que ce texte a valeur constitutionnelle. ».

309 Article 5 de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

310 Article 61 de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

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- La liberté de pensée et d'opinion (ou liberté de conscience) : « la République de Côte d'Ivoire est laïque »311 ; « elle respecte toutes les croyances »312 ;

- La liberté religieuse déjà affirmé à l'article 2 est aussi déductible des dispositions de l'article 6 libellé comme suit : « elle respecte toutes les croyances » ;

- La liberté de formation des partis politiques et d'exercice de leur activité : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement sous la condition de respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, et les lois de la République »313.

Il suit de ce qui précède que moins d'une dizaine d'articles de cette Constitution ivoirienne de 1960, est consacré aux droits de l'homme. En raison de leur importance, les droits de l'homme auraient dû être énoncés de façon détaillé et claire, car comme le mentionne MOUNIER : « Pour qu'une Constitution soit bonne , il faut qu'elle soit fondée sur les droits de l'homme et qu'elle les protège évidemment ,
· il faut donc, pour préparer une constitution, connaître les droits que la justice naturelle accorde à tous les individus ,
· il faut rappeler tous les principes qui doivent former la base de toute espèce de société et que chaque article de la Constitution puisse être la conséquence d'un principe
»314.

Généralement, la consécration constitutionnelle des droits humains dans son corpus donne plus de force à ces droits d'autant plus que cette parcelle de la constitution bénéficie d'une valeur juridique incontestable. Il est donc clair que la discrétion du corps de la Constitution ivoirienne de 1960 est infondée. Mieux elle inquiète. En effet, il revient à la Constitution, et, plus précisément au corps de la Constitution d'énoncer avec netteté, le champ de compétences des gouvernants et l'étendue des droits des gouvernés. Une telle précision des libertés publiques et une limitation subséquente de la puissance de l'État auraient pu permettre d'assurer une meilleure protection, à tout le moins, formelle du citoyen ivoirien, de toute personne, y compris les enfants, vivant sur le sol ivoirien. Or, aucun titre entier ni aucune section entière de la Constitution de 1960 n'a été consacré aux droits humains ; pire, aucun article ne réfère clairement aux droits de l'enfant ; cela est,

311 Article 2de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

312 Article 6de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

313 Article 7de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

314 MOUNIER cité par Marcel PRELOT, in Encyclopaedia Universalis, op. cit. , p.710.

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incontestablement, source d'inquiétudes. Cette inquiétude sera relativement dissipée grâce à la Constitution de 2000 et l'actuelle Constitution de 2016 actuellement en vigueur qui mentionnent les droits de l'enfant.

C. UNE RECONNAISSANCE EXPRESSE DE LA PROTECTION SPECIFIQUE DE L'ENFANT EN TANT QUE PERSONNE VULNERABLE

A l'opposé de celle de 1960, les Constitutions de 2000 et de 2016 vont jusqu'à constitutionnaliser la protection de l'enfant en Côte d'Ivoire (CI). La consécration d'un titre sur les droits et libertés est devenue une constante dans les différents textes constitutionnels africains. Les constituants ivoiriens de 2000 et de 2016 n'ont pas fait exception à cette règle. Ainsi, contrairement à la première Constitution de la Côte d'Ivoire indépendante, les constituants de 2000 et de 2016 marquent leur attachement aux droits de l'homme par la définition des droits et libertés dans le corpus de la Constitution. Cette constitutionnalisation montre les valeurs prononcées que la Constitution de 2000 et la nouvelle Constitution de 2016 accordent à ces droits et libertés. Elles attachent plus d'importance à la protection de l'enfant en prévoyant des dispositions spécialement dédiées aux enfants. Tel est le cas de l'article 6 de la Constitution de 2000 qui dispose en ces termes : « L'État assure la protection des enfants ». Il en est ainsi également de l'article 32 de la Constitution du 08 novembre 2016 qui dispose : « L'Etat s'engage à garantir les besoins spécifiques des personnes vulnérables. Il prend les mesures nécessaires pour prévenir la vulnérabilité des enfants...Il s'engage à garantir l'accès des personnes vulnérables aux services de santé, à l'éducation, à l'emploi, à la culture, aux sports et aux loisirs. » Consacrant explicitement une place importante de l'enfant dans la Constitution, le législateur ivoirien entend montrer son intérêt pour l'enfant. Il va plus loin en insistant sur le devoir de protection que l'État doit assurer à la famille qui concourt au développement de la personnalité de l'enfant. Celle-ci étant essentielle pour l'épanouissement de celui-ci. Même si on pourrait objecter l'insuffisance de cette reconnaissance du fait que le droit à la protection de l'enfant est reconnu dans un seul article de la Constitution de 2000, il serait intéressant de relativiser cette conception.

En effet, les articles 5 et 8 de la Constitution de 2000, puis les articles 31 de la Constitution de novembre 2016 viennent appuyer les articles 6 et 32 précités, montrant ainsi, l'intérêt que le législateur a pour la famille : un intérêt nécessaire au développement

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harmonieux de l'enfant. La norme suprême ivoirienne montre que la protection de l'enfant est fondamentale pour la société, en la constitutionnalisant.

La Constitution ivoirienne de 2016, à l'instar de sa devancière de 2000, reconnait l'importance de la famille, la responsabilité de l'État et des collectivités publiques dans la promotion du bien-être de l'enfant. La Constitution établit les principes de base pour le système de protection de l'enfant, élaborant les obligations des familles, de l'État, et des collectivités publiques pour le bien-être des enfants sur le territoire national. Elle indique que la famille constitue l'unité de base de la société, et l'État assure sa protection. Elle garantit la protection de l'État pour certains groupes vulnérables tels que les enfants, les personnes âgées et les personnes porteuses d'handicap315. La Constitution ivoirienne du 1er Aout 2000, indique en son article 8 que : « L'État et les Collectivités publiques ont le devoir de veiller au développement de la jeunesse. Ils créent les conditions favorables à son éducation civique et morale et lui assurent la protection contre l'exploitation et l'abandon moral ».Ce devoir de l'Etat envers la jeunesse est également reprise à l'article 34 de la Constitution du 08 novembre 2016 en ces termes : « La jeunesse est protégée par l'Etat et les collectivités publiques contre toutes les formes d'exploitation et d'abandon. L'Etat et les collectivités publiques créent les conditions favorables à l'éducation civique et morale de la jeunesse. Ils prennent toutes les mesures nécessaires en vue d'assurer la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel, sportif et politique du pays. Ils aident les jeunes à s'insérer dans la vie active en développant leurs potentiels culturel, scientifique, psychologique, physique et créatif.» Comme on le voit, ces deux dernières Constitutions ivoiriennes font mieux que la première de 1960 en ce qu'elles consacrent certains articles à la protection des enfants et non à leurs droits. Toutefois, la Constitution ivoirienne de 2000 apparaissait moins précise sur certains points lorsque l'on tente de la confronter à la Constitution de certains États tels le Benin et le Togo. En effet, les articles 12 et 13 de la Constitution béninoise concernent spécifiquement les enfants et de façon singulière leur éducation ; alors que l'article 12316 consacre la garantie de l'éducation des

315 Article 6 Constitution Ivoirienne du 1er Aout 2000 ; Article 32 Constitution ivoirienne du 08 Novembre 2016.

316 Article 12 Constitution Béninoise du 11 décembre 1990 :« L'Etat et les collectivités publiques garantissent l'éducation des enfants et créent les conditions favorables à cette fin ».

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enfants et les conditions nécessaires pour y parvenir, l'article 13317 de cette loi fondamentale béninoise, établit, les principes selon lesquels l'État pourvoit à l'éducation des enfants par les écoles publiques, l'école primaire est obligatoire et l'enseignement public est gratuit. De même, l'article 40 précise que l' « État doit intégrer les droits de la personne humaine dans les programmes d'alphabétisation et d'enseignement aux différents cycles scolaires et universitaires et dans tous les programmes des Forces Armées, des forces de sécurité publique et assimilés ». Cette constitutionnalisation de l'enseignement des droits de la personne humaine, y compris les droits de l'enfant, est une avancée notable du Bénin par rapport à la Côte d'Ivoire, du moins, avant l'adoption de la Constitution du 08 novembre 2016. De même, la Constitution togolaise surprend agréablement en établissant l'enseignement primaire obligatoire et en instaurant une gratuité progressive, elle va jusqu'à donner un âge obligatoire de fin de scolarité318. Elle se distingue aussi des autres par la suppression de discrimination existante entre l'enfant légitime et l'enfant illégitime319. Fort heureusement, la nouvelle Constitution ivoirienne de 2016 vient corriger cette lacune en reconnaissant en son article 10 que : « L'école est obligatoire pour les enfants des deux sexes dans les conditions déterminées par la loi. L'Etat et les collectivités publiques assurent l'éducation des enfants. Ils créent les conditions favorables à cette éducation... ». Aussi, suivant l'article 28 de ladite constitution, « L'Etat prend les mesures nécessaires pour intégrer la Constitution, les droits de l'homme et les libertés publiques dans les programmes d'enseignement scolaires et universitaires ainsi que dans la formation des forces de défense et de sécurité, et des agents de l'Administration. »

En sus, la responsabilité paternelle de l'État apparait comme le paradigme de la fondation du système ivoirien. Aux termes de l'article 16 de la Constitution de 2016 : « le travail des enfants est interdit et puni par la loi. Il est interdit d'employer l'enfant dans une activité qui

317 Article 13Constitution Béninoise du 11 décembre 1990 : « L'Etat pourvoit à l'éducation de la Jeunesse par des écoles publiques. L'enseignement primaire est obligatoire. L'Etat assure progressivement la gratuité de l'enseignement public. ».

318 Article 35 Constitution Togolaise adoptée le 27 septembre 1992, révisée par la loi n°2002-029 du 31 décembre 2002 « L'Etat reconnait le droit à l'éducation des enfants et crée les conditions favorables à cette fin. L'école est obligatoire pour les enfants des deux sexes jusqu'à l'âge de quinze (15) ans.

L'Etat assure progressivement la gratuité de l'enseignement public. ».

319 Article 31 al.2Constitution Togolaise adoptée le 27 septembre 1992, révisée par la loi n°2002-029 du 31 décembre 2002 : « Les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, ont droit à la même protection familiale et sociale ».

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le met en danger ou qui affecte sa santé, sa croissance ainsi que son équilibre physique et mental ».

En effet, une lecture minutieuse de tous ces articles offre de conclure que l'enfant est supporté par l'État ivoirien pas seulement pour sa condition d'enfant mais aussi pour le sentiment qu'un enfant est un futur citoyen.

En tout état de cause, avec la Constitution de 2016, on note que la Côte d'Ivoire sort progressivement de sa réserve en instaurant dans sa loi fondamentale plus de dispositions consacrées aux droits de l'enfant. Cependant, malgré l'insuffisance de cette reconnaissance constitutionnelle, il convient de relativiser cette conception car cette consécration constitutionnelle traduit que les droits de l'enfant sont une donnée fondamentale en Côte d'Ivoire.

Au-delà de ce qui précède, l'évolution des techniques de consécration justifie aussi cette progressive constitutionnalisation des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

§ 2. UNE EVOLUTION DES TECHNIQUES DE CONSECRATION DES DROITS DE L'ENFANT

Le lieu d'énonciation des droits de l'enfant est révélateur de la valeur que les constituants veulent accorder à la proclamation des droits et libertés. C'est sonder l'esprit du constituant. Le Professeur Maurice KAMTO, conseille avec raison de rechercher avant toute chose, l'endroit où sont affirmés les droits parce que la « détermination du lieu d'énonciation des droits dans les constitutions africaines est une étape essentielle dans la recherche de leur assise juridique ; car avant même de s'interroger sur leur contenu et leur garantie effective, il faut s'assurer déjà qu'il s'agit de normes juridiques »320. Rechercher le siège des droits énoncés, c'est chercher le degré de juridicité des droits évoqués.

S'il était possible de douter, de la valeur des normes proclamant les droits dans les anciennes Constitutions, une chose est certaine avec les nouvelles Constitutions : elles ont voulu établir avec certitude l'assise juridique des droits de l'enfant proclamés. En effet,

320 KAMTO (M.), L'énoncé des droits dans les Constitutions des Etats africains, Revue juridique africaine 1991, vol.1-2, p.12. Dans le même sens, voir PHILIPPE (X.), L'émergence de la protection et du contrôle des droits fondamentaux en Afrique australe, in J-Y. MORIN (sous la direction), les droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.325.

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l'examen des constitutions africaines adoptées à partir des années 1990 fait ressortir une tendance : celle de l'intégration et parfois même de la réintégration des droits de l'homme321, directement dans le texte constitutionnel. Quelques États se sont démarqués de cette démarche. Ils ont conservé le préambule comme lieu d'énonciation des droits de l'homme-enfant, avec néanmoins une particularité, celle d'affirmer sa valeur constitutionnelle conférant, aux droits une stature indéniablement constitutionnelle. La Côte d'Ivoire n'échappe pas à ce constat transposable à la question des droits de l'enfant car elle les reconnait aussi bien au niveau de son préambule que du corps de sa loi fondamentale.

A. AU NIVEAU DU PREAMBULE

La Constitutionnalisation des droits et libertés vient ainsi lever le doute sur la valeur juridique des droits de l'homme auparavant proclamés, de manière molle dans les préambules des Constitutions. Quelle valeur leur accorder ? D'ailleurs, ont-ils seulement une valeur juridique ou s'agit-il seulement des principes moraux ?

Ces interrogations concernaient en fait, quelques pays anciennement sous domination coloniale française. Par exemple, la Constitution camerounaise du 2 juin 1972 énumérait les libertés dans le préambule. Le constituant ivoirien s'est contenté d'affirmer dans le préambule de sa Constitution de 1960, son attachement aux valeurs démocratiques et aux déclarations de 1789 et 1948. Il en allait de même du constituant guinéen qui ne proclamait aucun droit. Il se limitait à affirmer dans le préambule de la Constitution du 10 Novembre 1958 que : « l'État de Guinée apporte son adhésion totale à la Charte des Nations Unies et à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)... ». La Constitution malienne de 1974 se contente elle aussi d'affirmer dans son préambule, les droits et les libertés de l'homme et du citoyen énumérés dans la DUDH du 10 décembre 1948.322

321 Car certaines constitutions, comme celles du Togo sous Eyadema ou du Zaïre sous Mobutu ont purement et simplement supprimé les dispositions constitutionnelles relatives aux droits fondamentaux.

322 LECLERCQ (C.), « Les libertés publiques en Afrique Noire ? » in G.Conac (sous la direction), Les institutions constitutionnelles des Etats d'Afrique francophone et de la République malgache, Paris, Economica, 1979, p.227. ; Diarra (E.), « Constitution et Etat de droit au Mali », RJPIC 1995, n°3, p.264.

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En revanche, la question ne se posait pas pour les États d'Afrique noire anglophone qui avaient hérité de la pratique anglo-saxone du « Bill of Rights », directement inscrit dans le corps même du texte constitutionnel. Il n'y avait donc aucun doute sur sa valeur juridique323.

Le doute sur la valeur constitutionnelle du préambule planait jusqu'au début des années 1990 sans avoir reçu une amorce de solution précise et claire. La justice constitutionnelle africaine avait très peu été sollicitée sur la question. Lorsqu'elle fut sollicitée comme ce fut le cas au Cameroun, elle n'a pas donné de réponse claire. Dans une décision du 08 octobre 1968, la Cour suprême du Cameroun oriental avait affirmé la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution du 04 mars 1960324. Le problème, est que cette Constitution du 04 mars 1960 n'avait plus aucune existence juridique car elle fut remplacée par la Constitution du 01er septembre 1961, qui ne comportait pas de préambule. Sous le règne de la Constitution de 1972, la section judiciaire de la Cour suprême réaffirmera la valeur constitutionnelle du préambule de la constitution de 1960325. Mais les juges d'appel soutiendront le contraire dans un langage assez obscur. Tels sont les termes de la décision : « il est largement admis que les préambules n'énoncent que les principes généraux du droit, et ce, à titre indicatif, alors que la loi énonce les dispositions constitutionnelles proprement dites et, de ce fait, l'emporte sur le préambule de toute constitution »326. Selon cet arrêt, la loi ordinaire, « plus concrète », l'emporte sur le préambule. Cette décision, émanant de juges du second degré aurait-elle pu être cassée si elle avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation ? La jurisprudence passée de la Cour suprême militait pour l'affirmative, les juges suprêmes ayant auparavant soutenu le contraire327. Mais elle est restée en l'état, laissant subsister un doute.

323 LAVROFF (A.D) et PEISER (G.), Les Constitutions africaines, tome II Etats anglophones, Paris, Pedone, 1964, p.31.

324 OLINGA (A.D), « L'aménagement des droits et libertés dans la Constitution camerounaise révisée », R.U.D.H. du 31 octobre 1996, vol. 8, p.117.

325 Arrêt du 22 février 1973. Il affirme que la règle coutumière qui empêche les femmes d'hériter est contraire au préambule de la Constitution qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe, in A.D. OLINGA, op. cit, p.118.

326 Cour d'appel de Garoua, arrêt du 05 avril 1973. Cité par A.D. OLINGA, op.cit.

327 La question s'est posée devant le juge judiciaire camerounais et le juge administratif. Mais les deux juges n'ont pu apporter une solution satisfaisante et claire. Cf. OLINGA (A. D.), « L'aménagement des droits et libertés dans la constitution camerounaise révisée », op.cit., p.117.

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Quant au débat doctrinal sur ce sujet, il ne fit pas l'objet de vives controverses. La majorité des auteurs et des hommes politiques328, pragmatiques, s'accordaient à affirmer que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel français qui a étendu, en 1971, le bloc de constitutionnalité au préambule, serait reproduite en Afrique329. Une telle solution était plus qu'envisageable, puisque la Constitution française de 1958 a été la grande inspiratrice des institutions africaines francophones. Les États ayant recopié servilement les institutions de la France, il ne serait pas surprenant que le juge africain fasse sienne la jurisprudence du Conseil constitutionnel français. La reproduction des décisions des deux ordres de juridictions françaises est un fait courant en Afrique noire.

L'intégration de la déclaration des droits dans le texte constitutionnel constitue la tendance générale des nouvelles Constitutions. Néanmoins, certaines Constitutions ont conservé le préambule comme cadre de déclaration des droits, cette fois avec une particularité : celle de déclarer la valeur constitutionnelle de celui-ci.

Habituellement les dispositions du préambule, rédigées dans un style déclaratoire, sont assimilées à de simples principes philosophiques ou moraux. Les intentions qui y sont insérés n'ont pas de valeur juridique positive. Les droits qui y étaient inclus n'étaient pas assurés d'être opposables à l'État. Désormais, les nouvelles Constitutions africaines qui s'attachent à énoncer les droits fondamentaux dans le préambule, donnent, par une disposition expresse, une valeur juridique au préambule : celui-ci a une valeur constitutionnelle. La déclaration des droits est ainsi constitutionnalisée. Ainsi, par une disposition d'un article de la Constitution, le constituant camerounais dispose que le « Préambule fait partie intégrante de la Constitution. ».

328 Cf. Par exemple le point de vue de P. YACE, Ex-Président de l'Assemblée Nationale ivoirienne : « Le préambule n'est pas un simple énoncé de principes philosophiques ou moraux exempt de valeur juridique. Il a même valeur que la constitution, il est source de droits positifs à l'égard des pouvoirs publics et des particuliers ». Cité par G. CONAC, Les Constitutions des Etats d'Afrique noire et leur effectivité, in G. CONAC (sous la direction), Dynamiques et finalités des droits africains, Paris, Economica, 1980, p.394.

329 La question s'est posée au juge constitutionnel français : le préambule de la constitution française de 1946, auquel renvoie le préambule de la constitution de 1958 et qui contient également la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a-t-il une valeur constitutionnelle ? Le conseil constitutionnel a estimé que le préambule de la Constitution de 1958 faisait partie du bloc de constitutionnalité. Cf. la décision du conseil constitutionnel Français du 16 juillet 1971.

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A la différence du constituant camerounais, c'est par une disposition du préambule que le constituant comorien dispose que le préambule fait partie intégrante de la Constitution330. Il reste à déterminer la valeur du préambule et donc de cette disposition finale. Mais, cette disposition, in fine, très explicite révèle la volonté du constituant de faire des droits proclamés dans le préambule des droits véritablement constitutionnels. Par conséquent, il convient d'approuver sans réserve la conclusion de ce juriste africain qui soutient que toute l'importance doit être restituée à la phrase finale du préambule qui fait des droits consacrés des droits véritablement constitutionnels331.

La Côte d'Ivoire est également un des pays qui consacre les droits de la personne, donc de l'enfant, dans le préambule. Néanmoins, le style de la reconnaissance des droits fait d'elle un cas à part dans le mouvement d'affermissement de la reconnaissance constitutionnelle des droits de la personne humaine. En effet, la Constitution ivoirienne du 03 novembre 1960 s'ouvre en ces termes : « Le peuple de Côte d'Ivoire proclame son attachement aux principes de la démocratie et des droits de l'homme, tels qu'ils ont été définis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par la Déclaration universelle de 1948, tels qu'ils sont garantis par la présente Constitution. Il affirme sa volonté de coopérer dans la paix et l'amitié avec tous les peuples qui partagent son idéal de justice, de liberté, d'égalité, de fraternité et de solidarité humaine. ».

Ainsi énoncé en termes lapidaires, ce texte liminaire pèche-t-il par son imprécision. Tout d'abord, il ne comporte pas d'articles (numérotés), contrairement aux dispositions du corps de la Constitution. En outre, il n'énumère guère les droits proclamés. Que, dans ces circonstances, ce préambule ivoirien, soit source de controverses doctrinales, les interprétations y afférentes étant divergentes, cela ne saurait surprendre. Le doute persiste toujours sur la valeur à accorder au préambule. A-t-il une valeur infra constitutionnelle ou constitutionnelle ?332

330 Constitution comorienne du 7 juin 1997 (dernier alinéa).

331 OLINGA (A.D), L'Afrique face à la « globalisation » des techniques de protection des droits fondamentaux, op. cit. p.72.

332 Constitution du 3 novembre 1960 modifiée, §1. La question ne se pose plus car la Constitution de 1960 a été suspendue depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999. Un nouveau projet constitutionnel a été soumis à un référendum populaire le 23 juillet 2000. Ce projet a été adopté et est devenu la Constitution ivoirienne jusqu'en date du 08 Novembre 2017. Cette Constitution de 2000 était plus prolifique sur les droits des ivoiriens qui sont désormais contenus dans le corps de la constitution (chap. 1, art. 1 à 22). Actuellement la Constitution en vigueur est celle du 8 novembre 2017. Le préambule de cette nouvelle reconnait la valeur constitutionnelle

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Le préambule de la Constitution de 1960 se limite à « proclamer son attachement.. » aux déclarations de 1789 et de 1948. Se pose alors la question de savoir si ce préambule a une valeur juridique ou obligatoire. La doctrine ivoirienne qui a tenté de répondre à cette cruciale question, balance entre deux grandes tendances : l'une dénie au préambule tout caractère positif ; l'autre lui reconnait ce caractère.

Selon la doctrine négative, le préambule ne contient que de simples dispositions d'ordre moral ou philosophique, donc sans valeur juridique. Telle est la position du Professeur LEGRE OKOU Henri333. Quant aux tenants de la thèse positive, ils estiment que les dispositions du préambule ont une valeur de droit positif. Mais, ceux-ci se divisent en deux groupes. Pour le premier, le préambule a, certes une valeur juridique mais une valeur non constitutionnelle ; tel est le point de vue du Professeur Anne-Marie ASSI ESSO qui affirme que le Préambule a une « valeur quasi-constitutionnelle334 ». Pour le second groupe animé principalement par le Professeur Martin BLEOU, le préambule a une valeur pleinement constitutionnelle335.

Il convient d'apprécier les différentes positions ci devant exposées. S'attachant et se limitant au contenu du Préambule, caractérisé par sa grande généralité, certains doctrinaires ivoiriens ont affirmé sans ambages que celui-ci était dépourvu de toute force juridique ; ce qui semble fondé car selon le doyen VEDEL, « La règle de droit ne se définit pas seulement par une forme, mais par un contenu. Un document qui ne modifierait en rien les droits et les obligations de quiconque ne saurait, même coulé dans une forme juridique, contenir une règle de droit. Ainsi, de l'acte qui se bornerait à une simple constatation, ou même de celui qui énoncerait une règle si vague qu'il serait impossible de déterminer et le sujet lié par cette règle, et l'objet exact du droit ou de l'obligation créés. »336. En outre, leurs arguments reposent sur le fait que le Préambule, au lieu d'assurer la garantie des principes de la démocratie et des droits de l'homme définis par les Déclarations de 1789 et de 1948, ne fait

du préambule en ces termes : « Approuvons et adoptons librement et solennellement devant la Nation et l'humanité la présente Constitution comme Loi fondamentale de l'Etat, dont le Préambule fait partie intégrante ».

333 OKOU (H-L), Cours d'Histoire du Droit, 1ere année de Licence, Université d'Abidjan.

334 ASSI-ESSO (A-M), Précis de droit civil : Les personnes- La famille, L.I.D.J., Abidjan 2è édition, 2002, p.39.

335 Voir BLEOU (M.), Cours de Droit constitutionnel, 1ere année de Licence.

336 VEDEL (G.) cité par RIVERO (J.), Les Libertés publiques, op. cit. p. 148.

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que proclamer son attachement à ces principes et droits. Or, le mot « attachement » a un sens beaucoup plus politico-philosophique que juridique. Il découle de là une interprétation littérale du texte consistant à ne s'attacher qu'à la lettre du texte, au vocabulaire retenu. Pourtant, l'on sait que ce préambule contient des dispositions floues ou ambiguës, les termes qui s'y trouvent étant imprécis ; ce qui a suscité des interprétations diverses et divergentes.

Quoique séduisantes, ces arguments ne sauraient convaincre. Il est difficile, voire impossible, de dénier toute valeur juridique au Préambule et ce, pour deux raisons : d'une part, le préambule fait partie intégrante de la Constitution et a été élaboré suivant la même procédure que le corps de la Constitution ; d'autre part, la valeur juridique du Préambule tient au fait qu'en matière de contrôle de constitutionnalité, la compétence du juge constitutionnel, n'est pas limitée au corps de la Constitution mais à l'ensemble du texte constitutionnel.

En France, relativement, à cette question cruciale touchant la valeur juridique du Préambule, la doctrine337 était fort divisée sous la IIIe et IVe Républiques. Aux yeux des Doyens Léon DUGUIT et Maurice HAURIOU, le préambule a pleine valeur constitutionnelle : c'est une loi impérative, fondamentale. A l'opposé, pour les Professeurs CARRE DE MALBERG et ESMEIN, le Préambule ne contient que des principes philosophiques et moraux : dès lors, il est dépourvu de toute valeur juridique. Il importe de souligner qu'en France, cette question liée à la valeur juridique du Préambule n'a été définitivement tranchée que dans la décision du 16 juillet 1971338, par le Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité, qui a censuré une loi portant atteinte à la liberté d'association. En l'espèce, la haute juridiction a affirmé solennellement que la totalité des dispositions du Préambule de la Constitution française a valeur de loi constitutionnelle. Suivant une édifiante pensée du Professeur Jean RIVERO, c'est là « une merveilleuse révolution opérée par la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971-depuis la prise de la Bastille, le peuple français aime faire ses révolutions au mois de juillet ! Ici, la Révolution s'est faite en quatre mots. (Vu la Constitution et notamment son Préambule). Voilà d'un seul coup, la Déclaration de 1789, le Préambule de 1946, les principes

337 RIVERO (J.), Les libertés publiques, op.cit., p. 168.

338 Voir décision du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971 sur la liberté d'association, R.D.P 1971 (p.1171), et A.J. 1971 (p.537).

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fondamentaux reconnus par les lois de la République, intégrés, alors que le Constituant ne l'a pas voulu, à la Constitution française ! La constitution française a doublé de volume par la seule volonté du Conseil constitutionnel »339. Dans le même ordre d'idées, le Professeur Jean GICQUEL affirme : « il lui a appartenu d'affirmer l'Etat de droit, en intégrant globalement le préambule de 1958 au principe de constitutionnalité, le 16 juillet 1971, à l'occasion de la première censure d'une loi, de manière à subordonner à ses vues, le Parlement. »340. Procédant du juge suprême français, cette décision s'impose inéluctablement à toutes les autres juridictions françaises conformément aux prévisions de l'article 62 de la Constitution française de 1958341.

Toutefois, parce qu'elle est intervenue postérieurement à l'indépendance de la Côte d'Ivoire, cette jurisprudence ne saurait s'imposer aux tribunaux ivoiriens ; l'article 76 de la Constitution ivoirienne de 1960 interdit une telle application342. En dépit de cette inapplication de la jurisprudence française du 16 juillet 1971 en Côte d'Ivoire, on peut à bon droit affirmer que, le Préambule de la Constitution ivoirienne du 03 novembre 1960 a valeur constitutionnelle, et ce pour des raisons évidentes. Tout d'abord, il ressort des travaux préparatoires que le constituant de 1960 a voulu reconnaitre au Préambule la même valeur que le corps de la Constitution. En effet, M. PHILIPPE Grégoire YACE, Président de la Commission constitutionnelle d'alors, a solennellement affirmé au lendemain de l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance, que le « Préambule n'est pas un simple énoncé de principes philosophiques et moraux exempts de valeur juridique, ainsi qu'on se l'imagine parfois. Le Préambule a la même valeur que la Constitution (...). Il est source de droit positif à l'égard des pouvoirs publics et des juridictions »343. En sus, il est évident que ce texte

339 RIVERO (J.), Rapport de Synthèse, in Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, IIè colloque d'Aix-en-Provence, des 19-20 et 21 février 1981, Economica et Presses universitaires d'Aix-Marseille, Paris, 1987, p.520.

340 GICQUEL(J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, Paris, 14e édition, 1995, p.101.

341 Article 62 constitution française de 1958 « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent juridiquement aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. ».

342 L'article 76 de la Constitution dispose : « la législation actuellement en vigueur en Côte d'ivoire reste applicable sauf l'intervention de textes nouveaux en ce qu'elle n'a rien de contraire à la présente Constitution. ».

343 Philippe Grégoire YACE cité par le Doyen MELEDJE (F.D), Les rapports entre le droit international et le droit interne : application à l'ordre juridique ivoirien, inédit.

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liminaire et les articles numérotés forment un tout opaque qui est la Constitution ; et ce tout opaque, a été élaboré au même moment, suivant la même procédure ; qui plus est, la compétence du juge constitutionnel s'étend à ce « tout opaque » constituant le bloc de constitutionnalité car, en tout cas, aucune loi n'exclut le Préambule du champ d'intervention du contrôle de constitutionnalité.

Il appert de de tout ce qui précède que le Préambule autant que les autres énonciations, ont la même force, la même valeur juridique. Dès lors, on est autorisé à affirmer que la thèse de la pleine constitutionnalité des dispositions du Préambule de la Constitution de 1960 prime sur celle de la négation et celle d'infra-constitutionnalité ou quasi-constitutionnalité. Ce même raisonnement sus-indiqué vaut pour le préambule de la loi fondamentale ivoirienne de 2000, qui, tout en proclamant « son adhésion aux droits et libertés tels que définis dans la DUDH de 1948 et dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, exprime son attachement aux valeurs démocratiques reconnues à tous les peuples libres, notamment : le respect et la protection des libertés fondamentales tant individuelles que collectives ».

Globalement, « les nouvelles constitutions procèdent à une reconnaissance dure ou gratinique des droits fondamentaux »344 soit en considérant le préambule comme faisant partie du bloc de constitutionnalité, soit en consacrant un titre du corps de la constitution aux droits fondamentaux, voire, aux droits de l'enfant.

B. UNE CONSECRATION PLUS CIRCONSTANCIEE DES DROITS AU NIVEAU DU CORPUS DE LA CONSTITUTION SOUS LES CONSTITUTIONS DE 2000 ET DE 2016

Aujourd'hui, le débat est définitivement clos, le nouveau constituant ivoirien, voir africain, ayant posé de manière claire, l'assise juridique des droits de l'homme-enfant dans le corpus de la Constitution.

Plus que les constitutions de l'ère postcoloniale, les Constitutions africaines des transitions démocratiques et post apartheid vont intégrer la proclamation des droits de

344 SINDJOUN (L.), « Les nouvelles Constitutions africaines et la politique internationale : contribution à une économie internationale des biens politico-juridiques », In. Etudes internationales, juin 1995, n°2, p.334.

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l'homme et de l'enfant dans le corps même de la Constitution, « conscientes enfin que le but ultime de tout mouvement constitutionnel est la proclamation des droits fondamentaux »345.

Les droits de l'homme-enfant occupent une place privilégiée au sein de la Constitution. Les droits de l'homme-enfant viennent en premier dans l'agencement des dispositions constitutionnelles. Souvent, le titre relatif aux droits de l'homme vient avant les chapitres concernant l'organisation et le fonctionnement des institutions publiques346 . Tel est le cas particulier de la Constitution ivoirienne du 1er Août 2000 dont le titre premier est consacré aux libertés, droits et devoirs. Il en va également ainsi de la nouvelle Constitution ivoirienne du 08 novembre 2016 dont le titre 1 est également consacré aux droits, libertés et devoirs ( articles 1à 47). Parfois, certaines Constitutions comme la Constitution burkinabè, n'hésitent pas à placer la reconnaissance des droits avant les dispositions concernant la forme et le régime de l'Etat ou encore avant les règles concernant la citoyenneté et la souveraineté. Ces dernières dispositions sont habituellement énoncées en tout début de la loi fondamentale.

La primauté accordée aux dispositions relatives aux droits de l'homme par rapport aux autres dispositions concernant l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics manifeste la volonté du constituant de faire des droits de l'homme, des droits de l'enfant, le coeur du fonctionnement des institutions publiques. Les principes découlant de la reconnaissance des libertés et droits doivent innerver le fonctionnement des organes de l'Etat entre eux et également à l'égard des citoyens. Les droits de l'homme sont une garantie contre l'arbitraire des gouvernants. C'est pourquoi, le constituant ivoirien, à l'instar de ceux des démocraties modernes va consacrer avec autant de force le principe de la séparation des pouvoirs347.

Cette inclination des nouveaux constituants à déplacer le site constitutionnel de proclamation va de pair avec le choix du procédé de déclaration qui, fait de ces droits non pas « des droits et libertés nominaux, proclamés et figés dans leur splendide

345 OLINGA (A.D), « L'Afrique face à la globalisation des techniques de protection des droits de l'homme », in RJPIC n°1, janv.1999, p.71.

346 Il en ainsi pour les constitutions zambienne, namibienne, béninoise, congolaise, Djiboutienne, sud-africaine...

347 C'est l'expression de l'effet vertical de la reconnaissance des droits de l'homme, in X. Philippe, op.cit. p.326.

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abstraction...mais des droits et libertés-aspirant à la vie, destinés à être concrétisés, vécus, utilisés »348.

Dans les nouvelles Constitutions africaines, il existe une tendance générale, à consacrer de manière minutieuse et détaillée les droits et libertés. Sans doute, ce fait est dû, selon le Professeur Jean Du Bois de Gaudusson, à « l'influence des magistrats, avocats et professeurs de droit qui ont souvent peuplé les commissions d'élaboration des Constitutions »349. Les déclarations des droits sont par conséquent plus longues qu'auparavant.

Les méthodes de circonscription des droits, de leur interprétation ou de leurs limites varient d'un État à l'autre. Concrètement, il est principalement le fruit de l'héritage colonial : la structure des catalogues des droits diffère notamment entre les pays anciennement colonisés par la France et la Belgique et les pays qui ont subi la domination britannique.

Dans les États francophones, les Constitutions de ces pays consacrent les droits de manière globale, elles énoncent le principe général. Il appartiendra à la loi d'en fixer le régime et la mise en oeuvre350. Ces Constitutions accordent une confiance à la loi. Cette technique a le mérite de donner une certaine souplesse au domaine des droits de l'homme quoique, elle peut, parfois s'avérer dangereuse pour la protection des droits de l'homme, donc des droits de l'enfant. La réalité a montré que, sous prétexte de sauvegarder l'ordre public ou encore l'intérêt général, le législateur africain n'a pas hésité à adopter des lois arbitraires.

Les États africains d'expression anglaise sont plus méticuleux dans l'énoncé des droits. Les droits sont concrètement organisés dans la Constitution. En effet, dans les États anglophones, la technique d'énonciation des droits des pays africains anglophones est influencée par la tradition anglo-saxonne qui organise avec un luxe de détails, le contenu des droits de l'homme. Les droits sont énoncés de manière pragmatique et concrète. Le souci premier est de permettre une application immédiate des droits consacrés. Le principe général est suivi de nombreux développements énumérant les cas dans lesquels il peut être porté

348 OLINGA (A.D), L'aménagement des droits et libertés dans la Constitution camerounaise révisée, op. cit. p.117.

349 In. Les Constitutions africaines publiées en langue française, op. cit. p.11.

350 Voir Article 71 Constitution ivoirienne 2000.

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atteinte aux libertés. Le constituant indique aussi la procédure selon laquelle ces libertés seront mises en oeuvre. Ce qui explique la longueur parfois vertigineuse de certains articles. La minutie avec laquelle les constituants ont consacré les droits est significative et démontre à quel point la volonté de rendre les droits consacrés a prédominé. Par exemple, le droit à un procès équitable est expliqué dans toutes ses composantes. Il implique pour toute personne faisant l'objet d'une poursuite pénale d'être entendue par un tribunal indépendant, impartial et compétent. Ce tribunal a la possibilité, pour des raisons de moralité, d'ordre public ou de sécurité nationale d'exclure la presse ou le public de tout ou d'une partie des audiences. La personne arrêtée doit être informée des raisons de son arrestation dans une langue qu'elle comprend. En définitive, les codes de procédure s'avèrent presque inutiles car les textes constitutionnels constituent eux-mêmes de véritables codes de procédure351. Contrairement aux catalogues des droits dans les Constitutions francophones, ceux des constitutions anglophones sont immédiatement prêts à l'emploi. Les limites aux droits étant abondamment précisées, le pouvoir d'interprétation des autorités chargées de les appliquer est sérieusement restreint : « la Constitution définit ainsi le degré de pouvoir discrétionnaire dont disposent les autorités publiques dans la mise en oeuvre des droits fondamentaux »352.

Comme souligné, les constituants ont proclamé de manière détaillée les droits de l'homme. En nombre, les droits sont importants, comme si les constituants ont eu peur d'oublier certains droits et que les gouvernants profitent de cette faille pour ne pas les reconnaitre. Cette attitude compréhensible, témoigne de la volonté de « dénoncer très directement des pratiques autoritaires, dont les pays africains avaient été victimes sous les dictatures civiles ou militaires »353. Le contenu des droits s'en ressentira fortement.

En tout état de cause, en Côte d'Ivoire, cette reconnaissance constitutionnelle des droits de l'enfant à travers le dispositif de cette loi fondamentale va être exprimée expressément ou implicitement à travers les articles 3,5, 6 7, 8, 19, 20 et 21 et 22 de la Constitution de 2000, puis réaffirmée à travers les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 27 de la Constitution du 08 novembre 2016. Ces articles se rapportent à différents domaines relevant directement ou indirectement des droits de

351 LAVROFF (D.G) et PEISER (G.), Les Constitutions africaines, op. cit. pp.30-31.

352 PHILIPPE (X.), op.cit., p.328.

353 CONAC (G.), « Le juge et la construction de l'Etat de droit en Afrique francophone » in Mélanges en l'honneur de Guy BRAIBANT, Paris, Dalloz, 1996, p.106.

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l'enfant. Cette reconnaissance constitutionnelle va être davantage précisée à travers l'adoption d'un cadre législatif national conformément à la volonté du Constituant exprimé respectivement aux articles 41, 71 et 101 des Constitutions ivoiriennes de 1960, 2000 et de 2016.

Il suit de ce qui précède que, la Côte d'Ivoire s'est engagée lentement dans la protection des droits de l'enfant. En effet, dès son accession à l'indépendance, l'État ivoirien, n'a pas pris véritablement à coeur dans son droit interne la question des droits de l'enfant et sa première constitution le démontre clairement. Toutefois, les Constitutions de 2000 et de 2016 consacrent explicitement la question de la protection de l'enfant et de ses droits. Ce retour au constitutionnalisme est marqué par le caractère significatif des similitudes des textes constitutionnels des États de l'Afrique subsaharienne francophone avec ceux des grandes démocraties contemporaines354. Cette pratique constitutionnelle a pu a tort être qualifiée à raison de « mimétisme » bien qu'il s'agisse là d'une vision réductrice des États africains355. Si la Constitution ivoirienne n'explicite pas dans son corpus la protection accordée à l'enfant, les mesures d'application législative et réglementaire viennent davantage préciser et renforcer ces droits.

354 SORO ( P.S-G.), L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone (Bénin-Côte d'Ivoire-Sénégal) à la lumière des grandes démocraties contemporaines (Allemagne-France), Thèse de doctorat en droit public, Université de Bordeaux, 2016, p.95.

355 DE GAUDUSSON (J.du B.), « Le mimétisme postcolonial, et après ? », Pouvoirs, La démocratie en Afrique, n°129, Seuil, Paris, 2009, pp.45-55, spéc. p.47.

153

Section II : LES MESURES D'APPLICATION LEGISLATIVE ET REGLEMENTAIRE DES DROITS DE L'ENFANT

La loi, on le sait, est un acte du pouvoir législatif consistant à édicter des normes de conduite de nature générale et impersonnelle et dont la violation entraine, normalement, l'application de la sanction prévue. L'objet d'une loi est donc d'édicter des normes générales, impersonnelles et sanctionnatrices.

Les matières couvertes par la loi sont diverses. Il peut s'agir des matières civiles, des matières pénales ou commerciales. Il peut s'agir aussi des matières relatives au travail, à la sécurité sociale ou encore aux sûretés. Depuis un certain nombre d'années, à cause de la technique du renvoi constitutionnel, les droits de l'enfant, relèvent aujourd'hui également de la compétence du pouvoir législatif. La loi intervient, en effet, en matière de droits de l'enfant, soit pour donner effet à une disposition constitutionnelle trop générale, soit pour créer un droit nouveau ou une garantie nouvelle, soit encore pour en apporter des limitations nécessitées pour des besoins de la vie en société.

Dans la hiérarchie des sources internes du droit des droits de l'homme-enfant, la loi occupe la seconde place après la Constitution. C'est elle qui peut, dans le silence de la Constitution ou en cas d'obscurité de celle-ci, compléter ou clarifier certaines de ses dispositions.

Il en découle que, en guise de preuve, le titulaire du droit revendiqué devrait, en cas d'absence, de silence ou de lacune de la Constitution, recourir aux lois ou actes ayant force de loi pour asseoir le bien-fondé de ses allégations.

La Constitution ivoirienne de 2016 dispose, en son article 101, que « La loi fixe les règles concernant (...) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». La compétence est donc donnée au Parlement ivoirien pour voter des lois garantissant et régissant l'exercice des libertés publiques dont bénéficie chaque individu.

La Législation ivoirienne en faveur de l'enfance et ses droits, est éparpillée dans divers textes. Le législateur en conformité avec les textes internationaux des droits de l'enfant est conscient que « l'enfant en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin de protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d'une protection juridique

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appropriée avant comme après sa naissance »356. Cette protection se perçoit au triple niveau civil (Paragraphe 1), social (Paragraphe 2) et pénal (Paragraphe 3).

§ 1. UNE IMPORTANTE RECONNAISSANCE DES DROITS DE L'ENFANT AU NIVEAU CIVIL

Il existe en Côte d'Ivoire une diversité de lois civiles et sociales protégeant l'enfant. Nous examinerons les plus importantes à savoir les règles de déclaration des enfants (A) celles tenant à l'incapacité du mineur qui fait l'objet d'un encadrement juridique rigoureux (B) au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant , puis, nous analyserons le régime de protection du mineur non émancipé qui constitue un moyen de contrôle des droits parentaux à l'égard de leurs enfants (C).

A. UN ENCADREMENT JURIDIQUE DES REGLES DE DECLARATION DES NAISSANCES FONDEES SUR L'INTERET DES ENFANTS

L'encadrement juridique des règles de déclaration des naissances fondées sur l'intérêt des enfants se décline de diverses manières : L'obligation légale de déclaration et d'établissement d'actes de naissances donnée comme moyens d'individualisation et de protection des enfants (1) , les règles de suppléance en cas de perte de registre ou défaut d'actes de naissance(2), puis, les sanctions de l'inobservation des règles d'établissement des actes de naissances (3).

1. L'obligation légale de déclaration et d'établissement d'actes de naissances, moyens d'individualisation et de protection des enfants

Cette obligation est régie par la loi n° 64-374, relative à l'enregistrement des naissances, modifiées par la loi n° 83-799 adoptée en 1983. Il est fait obligation aux intéressés de déclarer les naissances à l'officier de l'état civil dans le délai de trois mois suivant l'accouchement357. Suivant les dispositions de l'article 43 de ladite loi, la déclaration est faite par le père ou la mère ou des parents proches, et ce afin d'éviter de recourir à la voie judiciaire. Il faut préciser que les personnes citées par l'article 43 sont tenus concurremment

356 Paragraphe 8 du préambule de la CIDE.

357 Article 41 loi 99-961 ; il était de 15 jours.

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et sans aucun ordre. L'acte doit contenir un certain nombre de mentions (année, mois, jour, heure et lieu de naissance, patronyme, prénoms, nationalité des parents, etc.).

La loi ivoirienne prévoit aussi les déclarations de naissance en cas de situations spéciales ; celles-ci concernent les enfants trouvés, les enfants déclarés sans vie et les naissances en mer.

La situation des enfants trouvés est régie par l'article 46 de la loi ivoirienne relative à l'état civil. Aux termes de cet article, il est fait obligation à une personne qui trouve un enfant nouveau- né de le déclarer à l'officier ou à l'agent de l'état civil du lieu de découverte. Si elle ne consent pas à se charger de l'enfant, elle doit le remettre (ainsi que ses vêtements et autres effets) à l'officier. Un procès-verbal est dressé pour constater cette situation, qui énoncera éventuellement l'âge apparent de l'enfant. Il faut noter que si l'acte de naissance vient à être retrouvé ou si sa naissance est judiciairement déclarée, le procès-verbal de découverte et l'acte provisoire de naissance sont annulés358.

Quant à l'article 48 de ladite loi, il a trait à la situation des enfants déclarés « sans vie ». Dans ce cas, la déclaration est inscrite à sa date sur le registre du décès et non sur celui des naissances. La déclaration mentionne seulement qu'il a été déclaré un enfant sans vie. Il en va différemment en France ; en effet, suivant la loi française du 08 Janvier 1993, lorsqu'un enfant est décédé avant la déclaration de naissance, l'officier établit un acte de naissance et un acte de décès sur production du certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable359.

La troisième et dernière situation spéciale concerne le cas des naissances en mer. En cas de naissance survenue pendant un voyage maritime, sur un bateau de nationalité ivoirienne, il en est dressé acte dans les 48 heures de l'accouchement sur la déclaration de la mère ou du père, s'il est à bord360.

Pour être antérieures aux textes internationaux pertinents en matière de droits de l'enfant, ces lois ivoiriennes organisant la déclaration des naissances sont conformes aux prévisions

358 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.123.

359 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.123.

360 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.124.

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des desdits textes. Toutes ces mesures légales relatives à la déclaration de naissance de l'enfant constituent à n'en point douter une affirmation d'une protection de l'enfant à travers les actes d'état civil, à l'instar des règles de suppléance en cas de perte de registre ou défaut d'actes de naissance.

2. Les règles de suppléance en cas de perte de registre ou de défaut d'actes de naissance

Le législateur ivoirien a prévu des règles dites de suppléance dans deux hypothèses bien déterminées : l'un en cas de perte ou de disparition des registres ; l'autre, en cas de défaut d'actes de l'état civil. Ces règles par cela seul, qu'elles permettent de reconstituer l'état civil de l'enfant, constituent à n'en point douter une forme de protection de ses droits eu égard à l'importance de l'acte d'état civil pour la jouissance de plusieurs autres droits reconnus à l'enfant.

Ces règles sont prévues aux articles 85 à 88 de la loi n° 64-374, relative à l'enregistrement des naissances. Soit un exemplaire du registre a disparu ou les deux exemplaires ont disparu. Que faire en pareilles hypothèses dans l'intérêt de l'enfant ?

Dans la première hypothèse, aux termes de l'article 85, le Procureur de la République prescrit au greffier de la section du tribunal ou du tribunal compétent de faire une copie de cet exemplaire sur un nouveau registre préalablement côté et paraphé par le président du tribunal361. Dans la deuxième hypothèse, il n'est plus possible de faire des copies, la seule solution consiste à reconstituer les actes en vue de leur transcription sur deux registres côtés et paraphés par le Président du tribunal. Pour ce faire, le Procureur de la République invite l'officier ou l'agent de l'état civil de la circonscription ou du centre secondaire à dresser un état, année par année, des personnes nées, mariées ou décédées pendant ce temps362. Après examen de l'état, le Procureur de la République requiert le tribunal compétent d'ordonner une enquête et toutes mesures de publicité opportunes. L'enquête est faite par un juge

361 Voir le cas de disparition des feuilles d'un registre de l'état civil : Section de trib de Katiola, jugt n°29 du 11/02/1993 ; Cndj/Rec CATBX 1997 n°2 , p.57 ; pour la condamnation d'un agent de l'état civil, pour faux commis à l'état, pour avoir détruit une feuille d'un registre concernant un enfant et la remplacer par un acte avec inscription d'un enfant jamais déclaré : TPI Bouaké jugt n° 1248 du 22/10/1996, CNDJ /Rec CATBX 1998 n°2 p225.

362 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.125.

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commis et un double de l'enquête est déposé au greffe du tribunal et au chef-lieu de la circonscription ou du centre secondaire où toute personne peut en prendre connaissance. Une fois l'instruction terminée, le tribunal, sur les conclusions du Procureur de la République, ordonne le rétablissement des actes dont l'existence a été constatée. Un seul jugement contient les actes d'une année entière pour chaque circonscription. Le jugement est transcrit sur deux registres côtés et paraphés363. Pour être une mesure spéciale, cette reconstitution des actes d'état civil a donc le mérite de permettre aux enfants de pouvoir disposer de leur actes de naissances afin de jouir éventuellement de tous leurs autres droits dont la jouissance requiert parfois, la présentation d'un acte de naissance.

Par ailleurs, en vue de la reconstitution des registres de l'état civil disparus ou détruits entièrement ou partiellement depuis la crise socio-politique ivoirienne, des dispositions spéciales ont été prises avec l'ordonnance n°2007-06 du 17 janvier 2007. Ces dispositions qui dérogent à celles prévues par la loi 64-374 du 07 octobre 1964, en ses articles 87 et 88, prévoient une procédure spéciale364 , après avoir créée une commission de reconstitution des registres. La reconstitution doit se faire dans un délai de quatre (4) mois365, à compter de la mise en place de la commission qui existe dans la ville d'Abidjan et dans chaque sous-préfecture. Cette ordonnance a été modifiée et complétée par une autre en date du 20 décembre 2007 qui étend le champ d'application de la procédure de reconstitution à toutes les commissions administratives du pays et indique que les commissions de reconstitution sont instituées dans chaque sous-préfecture ou dans chaque commune de la ville d'Abidjan366.

De plus, des lois correctives furent adoptées au lendemain de la crise post-électorale. Au nombre de celles-ci, figurent les mesures juridiques spéciales en matière de déclaration de naissances. Ainsi, l'ordonnance n° 2011-258 du 28 septembre 2011 relative à l'enregistrement des naissances et des décès survenus durant la crise apparait comme un correctif visant à régulariser la déclaration des naissances des enfants nés durant la crise

363 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.126.

364 Article 5l ordonnance n°2007-06 du 17 janvier 2007.

365 Voir décret 2007-du 20 décembre 2007 portant modalités d'application de l'ordonnance sus visée.

366 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.126.

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ivoirienne. Cette ordonnance est composée de trois articles. Aux termes de l'article 1er de ladite ordonnance, « les naissances ...survenus pendant la période allant du 20 septembre 2002 au 31 juillet 2011, dans les ex-zones Centre-Nord-Ouest, et du 30 novembre 2010 au 31 juillet 2011, sur le reste du territoire national, pourront être déclarés, nonobstant l'expiration des délais légaux ».

Quant à l'article 2, il fixe la limite de cette opération exceptionnelle dans le temps ; suivant cet article, « les déclarations sont reçues jusqu'au 30 juillet 2012, à compter de la promulgation de la présente ordonnance conformément aux lois et règlements sur l'état civil en vigueur. ». Cette ordonnance a été publiée en date du 28 septembre 2011 par le Président de la République, M. Alassane Dramane OUATTARA. L'article 3 précise que cette ordonnance sera publiée au journal officiel de la République de Côte d'Ivoire et exécutée comme loi de l'État. Toutefois, un amendement à cette ordonnance a été faite suivant une loi intervenue le 25 janvier 2013. La loi n° 2013635 du 25 janvier 2013 porte sur la modification de l'article 2 de l'ordonnance n°2011-258 du 28 septembre 2011 relative à l'enregistrement des naissances et les décès survenus durant la crise. Adoptée par l'Assemblée nationale, elle comporte seulement deux articles ; l'article principal, à savoir l'article premier, proroge l'enregistrement des naissances intervenues durant la crise ; ce faisant, cet article premier contient les dispositions de l'article 2 nouveau libellé comme suit : « Les déclarations sont reçues pendant un délai de 24 mois, à compter du 1er Aout 2012, conformément aux lois et règlements sur l'état civil en vigueur ». Ce qui signifie que cette loi fixe la fin de l'opération au 01er Aout 2014. Une telle décision ne peut qu'être saluée d'autant plus qu'elle a le mérite de permettre aux enfants n'ayant pas pu être déclarés durant la période de crise, d'être enregistrés sur les registres d'état civil. Les développements qui précèdent nous montrent l'attachement de l'Etat ivoirien à l'obligation internationale de veiller à la déclaration des naissances sur ton territoire. Mieux, ce souci est davantage réaffirmé à travers les sanctions attachées à l'inobservation des règles d'établissement des actes de naissance que prévoient les lois ivoiriennes.

3. Les sanctions de l'inobservation des règles d'établissement des actes de naissances

Les sanctions des irrégularités commises dans l'établissement des actes de naissance peuvent être regroupées en deux catégories selon qu'elle touche à l'état civil ou l'acte lui-

même. En réalité, on peut distinguer trois types de sanctions : la nullité des actes, leur rectification, pour ce qui concerne les actes eux-mêmes. En outre, l'officier peut être sanctionné. C'est dire qu'il peut voir sa responsabilité engagée dans l'établissement des actes.

- La responsabilité de l'officier de l'état civil

L'officier de l'état civil peut commettre des irrégularités dans la tenue des registres. Il peut s'agir d'une erreur grave dans la rédaction de l'acte ou d'une acceptation d'une déclaration mensongère367.

La responsabilité de l'officier de l'état civil est engagée à travers l'article 12 qui précise que les officiers sont responsables civilement, disciplinairement et pénalement des fautes et négligences commises à l'occasion ou dans l'exercice de leurs fonctions. Ainsi, en cas d'acceptation de déclaration mensongère, l'officier sera poursuivi pour faux en écriture publique. La responsabilité civile pourra également être engagée si son comportement a été préjudiciable à l'usager du service public, et ce sur la base de l'article 1382 du code civil. Enfin, en sa qualité de fonctionnaire ou d'agent de l'État, il pourra être traduit devant les instances disciplinaires et subir les sanctions prévues par le statut de la fonction publique. S'il s'agit d'un agent lié à la commune par un contrat de droit privé, c'est le code du travail qui s'applique368. Cette sanction tenant à la responsabilité de l'officier d'état civil, est protectrice pour l'enfant , d'autant plus qu'elle appelle les officiers d'état civil à plus de sérieux dans l'enregistrement des naissances ; elle peut donc permettre à titre préventif à l'officier d'enregistrer correctement et rigoureusement les déclarations de naissances , de sorte à éviter , d'être complice de fausses déclarations pouvant porter préjudice à l'enfant.

Toujours dans l'intérêt de l'enfant, une autre sanction prévue par le législateur consiste en l'annulation d'un acte jugé irrégulier.

- L'annulation de l'acte de naissance

Il s'agit de l'annulation de l'acte irrégulier, c'est-à-dire de la destruction rétroactive d'un acte dressé. Lorsqu'elle aboutit, la personne en cause est privée de moyen de prouver son

367 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.129.

368 Ibid..

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état369. Mais en la matière, le problème est de savoir si un acte peut être annulé aussi facilement, quand on constate que hormis les actes de mariage pour lesquels la loi prévoit des cas de nullité, le législateur est demeuré muet pour les autres actes. Or, il existe un principe essentiel en matière de nullité selon lequel il ne peut y avoir de nullité sans texte370.

En fait, il revient au juge du fond d'apprécier la gravité des irrégularités. Un large pouvoir est donc accordé au juge pour voir si les irrégularités en cause sont substantielles ou non pour entrainer l'annulation de l'acte. Il en va ainsi de l'acte dressé par une personne qui n'est pas investie des fonctions d'état civil ; peu importe que cet acte ait été régulièrement signé par la suite par l'officier compétent, notamment lorsque l'acte est reçu par le secrétaire général de mairie en l'absence du maire qui n'a pas eu connaissance de l'acte371. L'acte peut être régulier en la forme, mais les énonciations sont fausses ou sans objet372 . Il peut s'agir d'un acte qui a constaté une naissance imaginaire ou déjà déclarée373 . En revanche, les tribunaux peuvent refuser de prononcer la nullité lorsque l'irrégularité est moins grave : irrégularité portant sur l'indication du nom ou de l'âge si les erreurs n'ont pas pour but de mettre en doute l'identité de l'intéressé, acte dépourvu de la signature d'un déclarant.

369 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.129.

370 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.130. ; CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10e édition mise à jour quadrige, PUF, 2014, p.694.

371 Civ. 27 mai 1952 : D 1953.125 S 1953. 1. 137.

372 Filiation portée en marge de l'acte de naissance sans qu'un jugement ne soit intervenu : TPI Gagnoa, jugt n°44 du 25 octobre 1996 : CNDJ/REC JP CATBX 1996 n° 1 p 5 ; pour un acte de naissance annulé, la naissance ayant été déclarée à l'officier de l'état civil compétent trois années plus tard, TPI Gagnoa jugt n°83 du 08/12/2004, mais après l'annulation le tribunal a décidé que le jugement tenait lieu d'acte de naissance et devait être transcrit sur le registre de l'état civil non pas de 2004, année du jugement mais de 1968, ce qui est critiquable ; pour une fausse déclaration : section de tribunal de Bongouanou, jugement n°825 du 27/07/1996 : CNDJ/ Rec CATBX 1996 n°2 p.134.

373 Naissance antérieurement déclarée à l'état civil, annulation du second extrait d'acte de naissance délivré : TPI DALOA, jugt n°86 du 11/11/2005, inédit ; dans le même sens, TPI Bouaflé, jugt n°78 du 09/06/2005, inédit.

161

- La rectification de l'acte de l'état civil

Il s'agit d'une autre Il s'agit d'une autre sanction des irrégularités touchant les actes. Elle consiste à corriger les erreurs ou omissions commises par l'officier dans la rédaction d'un acte de l'état civil. La rectification permet d'atténuer l'effet des nullités. Tel est le cas par exemple de l'omission du nom d'une personne. La loi ivoirienne prévoit deux sortes de rectification : l'une judiciaire et l'autre administrative.

Considérant la rectification judiciaire, notons que l'intervention du législateur s'explique par le fait qu'on veut empêcher les changements frauduleux. La rectification judiciaire est ouverte lorsque l'erreur ou l'omission est grave. C'est notamment le cas lorsque l'acte de l'état civil est incomplet, surabondant ou inexact. Il faut ajouter la question du changement d'état374 ou du transsexualisme375 qui ne sera pas abordé vu que le juge ivoirien ne semble pas encore avoir été saisi d'une telle question.

L'acte est incomplet lorsqu'il a omis des indications essentielles, c'est-à-dire celles qu'il devrait contenir (date ou lieu de naissance...). La rectification consistera dans l'addition des mentions manquantes376 .

374 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.131.

375 Mais elle se pose en droit français. D'abord, le juge français a refusé de recevoir les actions en rectification de l'acte de l'état civil estimant qu'en pareille hypothèse, il s'agit d'une question d'état et qu'on ne peut utiliser l'action en rectification pour changer de vie (Voir Tribunal civ Seine 18 janvier 1965 J.C.P, 1965, II , 14 421 ; civ.10 mai 1989.D.1989, IR.171 ; civ.21 mai1990. J.C.P 1990, II, 21.588.).

« En dépit des opérations auxquelles elle s'était soumise, Nadine S. n'étant pas de sexe masculin ». Cf. civ, 30 nov 1983. D. 1984. 165 « même après le traitement hormonal et l'intervention chirugicale auxquels il s'est soumis., Norbert B..continue de présenter les caractéristiques d'un sujet de sexe masculin » Civ.31 mars 1987, D.1987.445 ; J.C.P 1988 II 21 000. Civ 7 juin 1988 Bull civ. I. N° 176p.122. Gaz. Pal. 1989. 1. 417 ; J.C.P. 1989 IV 286). La cour de cassation a donc refusé de prendre en compte le phénomène transsexuel.

Mais cela n'excluait pas la possibilité pour le transsexuel d'obtenir un changement de prénom pour un motif légitime ( Civ, 21 mai 1990, 4e arrêt. J.C.P 1990. II.21 588).

Ensuite, condamnée en 1992 par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation du droit à la vie privée, et donc atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation s'est alignée en décidant que « lorsque à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son l'autre sexe auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence, le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ne faisant pas obstacle à une telle modification » (Ass. Plen., 11 déc 1992. 2 arrêts, J.C.P 1993. II. 21 991).

376 CAA arrêt n°108 du 18 février 1977 préc ; TPI Daloa, jugt n°191 du 16/12/1994 : cndj/Rec CATBX 1998 n°1 p 97, pour une omission du patronyme ; TPI Bouaké jugt n°190 du 10/04 /1992 : cndj/Rec CATBX 1998, n°4 p 67 ; TPI Man,jugt n°160 du 28 /10 /1994, pour une adjonction de patronyme omis ; Pour la rectification

162

L'acte est surabondant lorsque l'acte contient des énonciations non réglementaires, voire prohibées. Il en va ainsi de l'indication des circonstances de la naissance sur un acte de naissance ; la rectification aura pour but de supprimer ici les mentions surabondantes377.

L'acte peut aussi contenir des énonciations inexactes. En l'espèce, il peut s'agir d'un nom orthographié sans la particule, des indications erronées sur le sexe de l'enfant, la date ou le lieu de naissance ou encore d'un nom mal orthographié. La rectification a pour but de corriger l'inexactitude378 .

Aux termes de l'article 78 de la loi relative à l'état civil, la requête en rectification peut être présentée par toute personne intéressée ou par le procureur de la République. Il faut souligner que lorsque l'erreur ou l'omission porte sur une indication essentielle, le Procureur doit agir d'office. Dans l'hypothèse où la requête n'émane pas de lui, elle doit lui être communiquée379. La rectification est ordonnée par le Président du tribunal ou le juge de la section de tribunal dans le ressort duquel l'acte a été dressé ou transcrit. S'il s'agit de la rectification d'un jugement déclaratif ou supplétif d'acte de l'état civil, compétence est dévolue au tribunal qui a rendu le jugement380.

Comme on le voit, le législateur ivoirien, a adopté, au nom du principe cardinal tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant, diverses lois de nature civile en vue de protéger les droits de

d'un patronyme qui créerait une confusion : le tribunal a débouté le demandeur, car l'enfant porte le nom patronymique de son père, TPI Gagnoa, jugt n°12 du 20/04/2005, inédit ; pour l'annulation d'un nom et l'adjonction de prénoms, le nom ne permettant pas d'établir la filiation entre l'enfant et son père géniteur : TPI Abengourou, jugt n°226 du 26/07/1995, CNDJ/ Rec JP CATBX n°3 /1999, p 186).

377 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.131.

378 CAA,arrêt n°108 du 18 février 1977 : RID 1978 n° 3-4 ,p 5, où le patronyme a été rectifié en lui adjoignant la particule omise ; Section Trib Dimbokro, jugt n° 15 du 05/02/1997 : cndj/Rec CATBX 1998 n°2 p 239, pour une fausse déclaration, l'enfant ayant été déclaré sous le nom de son oncle-dans le sens, enfant déclaré sous le nom du frère de la mère en l'absence du père : TPI Bouaflé ,jugt n°84 du 16/06/2005, inédit ; voir également Rec cndj/1999 n°2 p 196 pour une substitution de nom ; Section de trib Bouaflé, jugt n°46 du 24 /04/1996 : cndj 1999 n°2 P 172, Section de Trib de Sassandra, jugt n°08 du 17/01/1996, pour une erreur sur le prénom ; pour une substitution du nom de la mère : TPI Daloa,jugt n°109 du 13/08/1997, CNDJ/Rec CATBX 1997 n°1 P 185 ; orthographe du nom de la mère, TPI Gagnoa, jugt n°12 du 20/04 /2005 Préc ; pour une rectification du nom de « jeunesse »du père : Section de Trib de Dabou, jugt n°05 du 18/01/2000, inédit. Voir également Sect Trib Sassandra, pour une rectification du nom du père après avoir été converti à l'islam, jugt n°183 du 03 /09/2003, inédit ou nom donné par le père très attaché à l'islam : TPI Bouaflé jugt n°140 du 24/11/2005, inédit ; Pour patronyme mal orthographié, TPI Gagnoa, jugt n°3 du 02/06/2004, inédit.

379 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.132.

380 Ibid.

163

l'enfant, notamment ceux touchant à l'état civil. Cette volonté du législateur ivoirien au niveau de la protection civile touche aussi la question de l'incapacité du mineur qui fait l'objet d'un encadrement juridique rigoureux.

B. UN ENCADREMENT JURIDIQUE RIGOUREUX DE L'INCAPACITE DU MINEUR DANS L'INTERET DE L'ENFANT

L'incapacité juridique frappant le mineur non émancipé est une incapacité générale d'exercice qui connait des exceptions. Elle a été rigoureusement encadrée à travers des lois dans l'intérêt de l'enfant. La protection qu'elle accorde à l'enfant est perceptible tant au niveau de son étendue (1) que des sanctions prévues en cas de non-respect des différentes incapacités (2).

1. L'étendue de l'incapacité du mineur

L'étendue de l'incapacité est fixée par l'article 27 de la loi sur la minorité. Aux termes de cet article, « le mineur non émancipé est incapable de contracter ». Cette incapacité concerne tant les actes juridiques que les actions en justice ; les faits juridiques en sont donc exclus381.

Le mineur non émancipé ne peut conclure d'actes juridiques, c'est-à-dire des actes résultant d'une manifestation de volontés produisant des effets de droit. Ainsi, le mineur non émancipé ne peut par exemple, ni conclure le contrat de donation, ni rédiger de testament. Par cette interdiction, le législateur veut protéger le mineur qui manque de maturité, de discernement382.

Quant aux actions en justice, notons qu'aux termes de l'article 29 de la loi sur la minorité, « le mineur ne peut agir ou défendre en personne qu'assisté de son représentant légal dans toutes les instances ayant le même objet ». Il apparait que le mineur non émancipé ne peut agir sans l'aide de son représentant qui agit en son nom et pour son compte. C'est le représentant donc qui peut ester en justice.

381 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.147.

382 Ibid.

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Les faits juridiques donnés comme tout événement indépendant de la volonté, mais susceptibles de produire des effets de droits sont exclus de l'étendue de cette incapacité du mineur en droit ivoirien. Cela dit, une question mérite d'être posée : qu'en est-il par exemple, lorsque le mineur renverse quelqu'un avec son vélo ? Autrement dit, le mineur peut-il être tenu pour responsable ? L'intérêt de la question réside dans le fait qu'une distinction était opérée par la jurisprudence. En effet, avant la loi de 1970, une distinction était opérée entre le mineur capable de discernement et donc doué de raison, et le mineur qui n'a pas cette capacité. Il s'agit du mineur âgé de 0 à 7 ans, qui est appelé l'infans. Incapable de discernement, ce mineur est considéré par la jurisprudence comme irresponsable. Ce sont les parents qui répondaient de leurs faits. En revanche, les enfants âgés de plus de 7 ans étaient capables de discernement, et répondaient par conséquent de leurs faits. Ainsi, ceux-ci pouvaient engager leur responsabilité personnelle, en plus de celle de leurs parents383.

Avec la loi de 1970 sur la minorité, la distinction n'a plus lieu d'être en ce sens qu'aux termes de l'article 32 «le mineur engage son patrimoine par ses délits, ses quasi-délits, et son enrichissement sans cause ». Ainsi désormais, tout enfant, tout mineur répond de tous ses faits ; il est responsable de ses faits384.

Cette responsabilité civile personnelle du mineur peut s'ajouter à celle des parents sur la base de l'article 1384 alinéa 3 du code civil385. Il s'agit de la responsabilité du parent qui exerce la puissance paternelle. En effet, la responsabilité prévue par l'article 1384 alinéa 3 n'est pas une responsabilité solidaire des parents, mais celle du père investi de la puissance paternelle sur la personne de son enfant mineur vivant avec eux. Celle de la mère n'est envisagée qu'en cas de décès du mari. Elle n'est donc pas solidaire386. Aussi est-il important

383 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.147.

384 Ibid.

385 Section Trib Katiola, jugt n°6 du 5/03/1987, in cndj/Rec CATBX 1996 n°2 p4, dans lequel le tribunal a retenu la responsabilité du père en raison du fait dommageable de l'enfant mineur au moment où l'enfant se trouvait chez sa mère, sur la base de la présomption de l'exercice des droits de la puissance paternelle par le père ; voir également, Cass civ 24/04/1989 bull civ n°89.

386 Dans ce sens, CS ch jud form civ arrêt n°344 du 16 /06/2005 : CNDJ / Rec CS ch jud form civ 2006/n°2.

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de souligner que la rédaction de l'article 32 n'ouvre pas la voie à la distinction entre l'infans et les mineurs doués de raison387.

Toutefois, l'incapacité générale d'exercice frappant le mineur non émancipé est assortie d'exceptions. Ces exceptions constituent une sorte de capacité d'exception et concernent les actes que le mineur non émancipé peut faire lui-même. Il s'agit des actes concernant la personne même du mineur et de ceux relatifs au patrimoine. Il faudrait cependant s'interroger sur les actes de la vie courante.

Considérant les actes touchant à la personne du mineur non émancipé, notons que les actes visés sont ceux qui excluent la représentation du mineur non émancipé. La représentation aurait signifié que le mineur était frappé d'une incapacité absolue de jouissance. Les exceptions sont prévues par l'article 29 de la loi aux termes duquel « les actes qui intéressent personnellement le mineur, ne peuvent être conclus qu'avec son consentement ». Il s'agit des actes concernant notamment l'état du mineur. Mais, il faut que le mineur soit âgé de plus de 16 ans. Il en va ainsi :

- Du mariage : le mineur se marie seul, sans le consentement de son représentant légal. Mais la loi exige en plus de son consentement, celui de ses parents388 ;

- De l'adoption : le mineur âgé de plus de 16 ans doit consentir personnellement à son adoption389 ;

- De la reconnaissance d'enfant naturel : le mineur peut reconnaitre tout seul son enfant ;

- De l'action en recherche de paternité390.

Comme on le voit, ces règles gouvernant l'état du mineur, bien qu'excluant les enfants de moins de 16 ans, donnent la possibilité aux enfants de plus de 16 ans, d'exprimer leur point de vue dans les différents domaines susvisés. Ce faisant, elles sont en phase avec la CIDE qui postule la prise en compte du point de vue de l'enfant.

387 Contra, voir Mme TANO (Y.), Le mineur en droit ivoirien, Thèse de doctorat d'Etat, 1982, p.163 ; lire également l'article du Professeur KACOU (A.C.), Le mineur et la responsabilité délictuelle en droit ivoirien, Annales de l'Université d'Abidjan, DROIT.T.VIII.1988, p 47.

388 Article 5 loi relative au mariage.

389 Article 6 loi relative à l'adoption.

390 Cf. article 26 qui précise que la mère, même mineure, peut intenter seule l'action.

166

Quant aux actes touchant le patrimoine du mineur non émancipé, il s'agit essentiellement du contrat de travail, des actes conservatoires et des actes visés par l'article 33. Aux termes de l'article 31, le mineur peut conclure lui-même son contrat de travail. Toutefois, une distinction doit être opérée. Il conclut son contrat de travail et le rompt avec l'assistance de son représentant légal à partir de 16 ans391. A partir de 18 ans, il peut conclure et rompre seul son contrat de travail. Il en résulte qu'entre 16 et 18 ans, la conclusion du contrat de travail se fait avec l'assistance du représentant légal en droit ivoirien392.

S'agissant des actes conservatoires, ils concernent l'ensemble des actes qui ont pour but d'éviter au patrimoine une perte imminente. Ce sont des actes qui sont donc utiles et qui n'engagent en principe aucune dépense. L'article 30 précise que le mineur peut accomplir seul tous ces actes393.

A ces actes susvisés, se greffent ceux prévus à l'article 33. En effet, aux termes de l'article 33 « l'acte accompli par le mineur non émancipé est valable si cet acte est de ceux que son représentant légal aurait pu lui-même faire seul ». Mais de quel acte s'agit-il ? S'il ne se pose pas de problème pour les actes conservatoires, il n'en va plus de même pour les actes d'administration que le représentant légal peut faire seul, sans autorisation ni formalités. L'acte d'administration est un acte de gestion courante du patrimoine du mineur non émancipé. Ces actes faits par le mineur ne peuvent être attaqués s'ils n'entrainent pour lui aucun préjudice. Il en va ainsi par exemple du recouvrement d'une créance ou de la location d'une maison. En tout état de cause, il faut distinguer l'acte d'administration de l'acte de disposition.

Les actes de la vie courante ou autorisés par l'usage constituent aussi une exception à l'incapacité générale d'exercice du mineur non émancipé. Ici, la question se pose de savoir si le mineur peut accomplir les actes de toujours ou pour lesquels il est d'usage qu'un mineur de son âge agisse seul. Il s'agit en fait des actes de la vie courante dont la passation s'avère

391 Il peut adhérer à un syndicat sauf opposition de son représentant légal. Voir article 51.7.c.travail.

392 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.149.

393 Ibid.

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parfois nécessaire394. Tels sont les cas de l'achat de pain, de ticket de bus de transport ou encore achat d'ouvrages, etc395.

L'intérêt de la question réside dans le fait que le législateur ivoirien, contrairement à son homologue français, ait passé sous silence le problème. En effet, en droit français, la faculté d'accomplir les actes de la vie courante a été expressément reconnue au mineur non émancipé396. Cette faculté est également reconnue aux mineurs non émancipés en droit sénégalais397. En droit ivoirien, au contraire, la loi sur la minorité ne fait aucunement pas allusion aux actes de la vie courante. Cependant, la faculté qu'on pourrait reconnaitre au mineur non émancipé peut juridiquement trouver son fondement dans les dispositions de l'article 33, selon lesquelles « tous les actes accomplis par le mineur non émancipé sont valables si ces actes sont de ceux que son représentant légal aurait pu faire lui-même seul ». Ce qui reviendrait à assimiler les actes de la vie courante aux actes d'administration. En droit français, pour la validité de la location d'une automobile par un mineur titulaire du permis de conduire et disposant des fonds nécessaires au dépôt de garantie, « le contrat de location de voiture ne peut être attaqué pour incapacité, mais seulement pour lésion »398 . Ce qui veut dire que cet acte fait partie de ceux que l'administrateur peut passer seul. Par conséquent, le mineur peut le passer. En revanche, l'achat d'une automobile par un mineur sans l'autorisation de ses parents est nul399.

Au total, il apparait qu'avec toutes ces exceptions, en Côte d'Ivoire, le champ d'application des incapacités de l'enfant est réduit. Ce sont les actes accomplis dans cette sphère qui seront frappés de sanction, et ce dans l'intérêt de l'enfant.

394 Sur la question, voir MONTANIER (J.C), Les actes de la vie courante en matière d'incapacité, Sem-jur.1982.I.3076.

395 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.149.

396 Cf. arts 389 et 450. C. civ.

397 Cf. art 174 al3. Code de la famille.

398 Civ. 04 nov 1970.D.1971.186; sem-jur, 1971, II,16631 ; RTD civ 1971.613.

399 Civ. 9 mai 1972. Gaz Pal 1972,2.871.

168

2. Les sanctions de l'incapacité du mineur, un régime juridique favorable à l'enfant

La sanction frappant l'acte accompli en violation de l'incapacité du mineur est normalement la nullité dudit acte. Mais dans certains cas, le législateur ivoirien a prévu la rescision pour lésion.

La nullité comme sanction des actes accomplis en violation de l'incapacité est prévue par les articles 33 et suivants de la loi. En effet, après avoir posé le principe de la validité des actes accomplis par le mineur non émancipé, l'article 33 in fine précise que de tels actes sont nuls de plein droit s'ils sont de ceux que le représentant légal n'aurait pu faire qu'avec une autorisation. Il s'agit d'une nullité relative, c'est-à-dire que seul le mineur peut agir en nullité. Ainsi, durant la minorité, l'action appartient au représentant légal et vise la protection d'intérêt particulier. Les dispositions de l'article 34 alinéa 2 refusent au contractant la possibilité d'opposer l'incapacité du mineur avec qui il a contracté400.

Lorsque l'action aboutit, l'acte disparait de façon rétroactive, et les parties doivent être remises en l'état. Cependant, une exception existe en ce qui concerne le mineur non émancipé. En effet, aux termes de l'article 37, « lorsque l'action en nullité a été déclaré fondée, le mineur n'est tenu au remboursement de ce qui lui a été payé que s'il est prouvé que ce paiement a tourné à son profit », preuve qui n'est pas toujours facile à rapporter. Ce qui conforte le régime de la nullité dont l'objectif est la protection de l'enfant, à l'instar de la sanction tenant à la rescision pour lésion401.

Lorsque le mineur, agissant seul, a fait un acte que le tuteur aurait pu faire sans formalités, c'est-à-dire sans l'autorisation du conseil de famille, par exemple, l'acte accompli n'est pas nécessairement nul402. Il n'en serait autrement que si le mineur a subi une lésion. C'est ce que prévoit l'article 33 alinéa 2, sauf si la lésion résulte d'un événement imprévu. En effet, aux termes de cet article, les actes passés par le mineur sont rescindables en faveur du mineur, pour cause de lésion. Il s'agit des actes qui rentrent dans les pouvoirs d'administration du représentant légal, et qui ont été accomplis par le mineur seul, sans avoir été représenté ou assisté. Il en va ainsi en matière de commande de vêtement, de location, de

400 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.151.

401 Ibid.

402 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.151.

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logement. Dans ces cas, la sanction consiste dans la rescision. L'acte est entaché certes de nullité, mais il ne pourra être attaqué que s'il est prouvé qu'il a causé une lésion au mineur. La lésion est le préjudice (pécuniaire) résultant du contrat au moment où celui-ci a été passé. La preuve consiste à démontrer que le cocontractant a abusé de l'inexpérience du mineur et lui a imposé des conditions onéreuses403. Ainsi, dans la vie courante, les tiers peuvent contracter avec les mineurs sans s'inquiéter de leur minorité, dès lors qu'il s'agit d'actes peu importants et qu'ils n'abusent pas de leur inexpérience404.

Une autre forme de reconnaissance juridique de la protection accordée à l'enfant réside dans le régime de protection du mineur non émancipé, qui apparaît incontestablement comme un levier d'encadrement juridique des droits parentaux à l'égard de leurs enfants.

C. LE REGIME DE PROTECTION DU MINEUR NON EMANCIPE, UN MOYEN DE CONTROLE DES DROITS PARENTAUX A L'EGARD DE LEURS ENFANTS

La protection du mineur non émancipé se fait à travers le système de représentation. Au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, la loi ivoirienne prévoit deux modes de représentation. D'une part, la représentation par les parents à savoir la puissance paternelle remplacée depuis 2012 par l'autorité parentale ; et d'autre part, la représentation par le tuteur, la tutelle lorsque les père et mère sont décédés ou empêchés ou dans l'impossibilité d'exercer les droits de la l'autorité parentale.

403 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.151-152.

404 Voir civ. 18 juin 1844 : D.P. 1844, 1. 123 ; Gds Arrêts n° 67- Paris, 10 juin 1964 : sem jur 1965 II, 13980.

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1. La substitution de l'autorité parentale à la puissance paternelle

Pendant longtemps, en Côte d'Ivoire, le droit de la famille a organisé la protection de l'enfant sous le prisme de la puissance paternelle. L'instauration de l'autorité parentale en lieu place de la puissance paternelle s'est faite récemment en 2012. Il importe donc de dire quelques mots sur le passage de la puissance paternelle à l'autorité parentale affirmée dans la nouvelle loi n°2013-33- du 25 janvier 2013 portant abrogation l'article 53 et modifiant les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n°64-375 du 07 octobre 1964 relative au mariage telle que modifiée par la loi n° 83-800 du 02 Août 1983.

La puissance paternelle se présente comme l'ensemble des droits que la loi accorde aux père et mère sur la personne et sur les biens de leurs enfants, mineurs et non émancipés405. C'est une institution qui est commune à la famille légitime, à la famille naturelle et à la famille adoptive. Elle présente un certain nombre de caractéristiques : la puissance paternelle appartient au père et à la mère, mais non aux ascendants ; elle prend fin à la majorité de l'enfant ou avec son émancipation ; elle est d'ordre public, c'est-à-dire qu'elle échappe à la volonté des intéressés et est par conséquent hors du commerce. Celui qui la détient ne peut y renoncer ou la céder en totalité dans ses attributs406. Une éventuelle cession, notamment celle tendant à limiter ou à modifier l'exercice de la puissance paternelle serait frappée de nullité. Dans la même veine, toute convention par laquelle un mari, séparé de fait de sa femme, autorise celle-ci à s'occuper exclusivement des enfants communs fut frappé de nullité407 . La puissance paternelle est un droit aménagé dans l'intérêt des enfants, et non dans celui de son détenteur. Dans certains Etats, on parle plutôt d'autorité parentale. C'est cette appellation qui est aussi utilisée en droit burkinabè408, comme en droit congolais409 et français. Le droit burkinabé exprime cela avec une remarquable formulation. Ainsi, il est précisé à l'article 510 du CPF burkinabè que l'autorité parentale a pour but d'assurer la

405 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e édition mise à jour, Quadrige, PUF, 2014, p.830.

406 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.152.

407 Paris, 25 avril 1913 : S.1914, 2.40 ; renonciation au droit de visite : T.G.II. RIOM, 27 sept 1967 : D.1967.743 ; l'incessibilité du droit de garde ; Paris, 5 mai 1955 : D.1955, 638.

408 Voir chapitre III du titre V du CPF.

409 Voir chapitre 1er du titre X du CF intitulé « De l'autorité des père et mère ».

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sécurité de l'enfant, sa santé, son plein épanouissement et sa moralité. C'est donc un pouvoir de protection des enfants et les prérogatives reconnues aux détenteurs ne sont que la contrepartie des devoirs et de la responsabilité que leur impose le fait de la procréation. Le détenteur est assujetti à un contrôle et peut être déchu. C'est dire qu'elle n'est pas intangible. Le détenteur de la puissance paternelle a le devoir d'user de ses prérogatives dans l'intérêt supérieur de l'enfant410. En droit français, on ne parle plus depuis une loi de 1970 de puissance paternelle, mais d'autorité parentale pour montrer d'une part, que les rapports des père et mère avec l'enfant cessent d'être conçus comme un pouvoir de domination sur la personne : Elle apparait comme une autorité conférée aux parents pour protéger l'enfant ; d'autre part, on affirme que l'autorité est exercée au même titre et de concert par le père et la mère. Il s'agit d'une proclamation de l'égalité des parents411.

Le législateur ivoirien a opéré une réforme de sa législation en 2012 afin d'instaurer l'autorité parentale en lieu et place de la puissance paternelle. Le débat parlementaire sur de nouveaux textes de loi modifiant le code de la famille dans un sens favorable aux droits des femmes a été particulièrement agité en Côte d'Ivoire. La fin du "chef de famille", en particulier, a eu bien du mal à passer412.

Le 21 novembre 2012, le parlement ivoirien a finalement voté de nouveaux textes de lois portant sur la modification du Code de la famille. Modifications qui, selon l'exposé des motifs du gouvernement, visaient à mettre en adéquation le droit ivoirien et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes des Nations-unies, ratifiée par le pays en 1995. Les changements et le vote de cette loi ne se sont pas faits sans débats entre pro et anti militants de la réforme au sein de l'Assemblée nationale. Il s'agit de ceux qui pensent que les priorités sont ailleurs, à l'instar de la députée Yasmina OUEGNIN, qui justifie son « non » à la loi en ces termes : « d'innombrables textes ont été votés depuis notre indépendance en faveur de la protection de la femme et de l'enfant (...) sans la production du moindre effet notable (...) Il me paraît donc plus important et urgent

410 Voir DONNIER, L'intérêt de l'enfant, D.1956, chr, 179.

411 Sur la loi de 1970, voir COLOMBET (C.), commentaire de la loi du 4 juin 1970 sur l'autorité parentale, D.1971, chron.1. GOBERT (M.), L'enfant et les adultes, Sem jur 1971, I.2421.

412 http://www.jeuneafrique.com/173177/politique/c-te-d-ivoire-qu-est-ce-qui-change-dans-le-code-de-la-
famille/ ( 02/05/2017).

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de commencer par donner du sens à ces acquis en invitant l'exécutif à appliquer rigoureusement les lois déjà adoptées »413.

Malgré ces oppositions, cette loi a finalement été votée le 21 novembre par une écrasante majorité de députés (213 voix pour, 10 contre et 6 abstentions)414. Qu'est-ce qui a vraiment changé dans le fond ?

Quelles sont les modifications apportées par les nouvelles lois ? Un article de la loi n°64375 du 07 octobre 1964 relative au mariage telle que modifiée par la loi n° 83-800 du 02 Août 1983 abrogé (article 53), quatre modifiés (58, 59, 60 et 67). Dans son exposé des motifs, le gouvernement ivoirien justifie ces changements par la volonté de « consacrer » le principe de l'égalité entre les sexes et de renforcer « l'autonomisation des femmes ». L'article 53 qui stipulait que « l'homme et la femme [contribuaient] aux charges du mariage en proportions de leur facultés respectives » a été purement et simplement abrogé. Et si dans son ancienne version, l'essentiel des charges du foyer pesaient sur le mari, la nouvelle version de la loi, en son article 59, répartit les dépenses entre les deux conjoints.

De même, le domicile conjugal doit désormais être choisi d'un commun accord (article 60 nouveau), alors que dans l'ancien code, la décision du lieu de résidence revenait à l'époux. L'article 67 stipule désormais que « chacun des époux a le droit d'exercer la profession de son choix, à moins qu'il ne soit judiciairement établi que l'exercice de cette profession est contraire à l'intérêt de la famille ». Dans sa version antérieure, l'article ne mentionnait que la femme, ouvrant la porte à de multiples interprétations, comme celle disant qu'elle avait besoin de l'accord de son époux pour exercer une activité professionnelle.

Mais, le principal point de discorde réside au niveau de l'article 58 de l'ancien code civil ivoirien. L'article 58 ancien du Code civil ivoirien dispose de façon directe et claire, que l'homme est le chef de la famille. Et à ce titre, il exerce cette fonction, dans l'intérêt commun du ménage et enfants. Il est évident que la formulation ancienne du Code civil ivoirien, qui était identique à l'actuelle disposition du Code civil d'un autre pays africain, le Cameroun, et selon lequel, à son article 213, le mari est considéré comme étant le chef de la famille,

413 http://www.jeuneafrique.com/173177/politique/c-te-d-ivoire-qu-est-ce-qui-change-dans-le-code-de-la-

famille/ (consulté le 25/02/2016)

414 http://www.jeuneafrique.com/173177/politique/c-te-d-ivoire-qu-est-ce-qui-change-dans-le-code-de-la-famille/ (consulté le 25/02/2016)

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consacrait la conception paternaliste du mariage, et du foyer conjugal, dirigé par l'homme et dans lequel, la femme n'a qu'un rôle d'assistance et de soutien, de participation aux charges du ménage dans la limite de ses capacités, sans obligation, puisque l'obligation repose sur le mari. Désormais, la nouvelle mouture énonce que : « la famille est gérée conjointement par les époux, dans l'intérêt du ménage et des enfants ».

Dans la forme, lors d'un mariage civil, le maire ne commencera plus de cérémonie par le traditionnel « l'homme est le chef de famille ». Dans le fond, si la nouvelle loi donne les mêmes droits aux deux époux, elle leur donne aussi les mêmes devoirs. Par exemple, l'homme peut maintenant contraindre son épouse à contribuer aux frais du ménage par voie de justice, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Dans les faits, le Code de la famille ne fait que s'adapter à l'évolution de la vie quotidienne de l'Ivoirien urbain car, avant le vote de cette loi, les femmes contribuaient déjà aux charges de la famille. Leur donner des droits équivalents à ceux des hommes, c'est simplement légaliser une pratique déjà existante.

Mieux, la nouvelle Constitution ivoirienne de 2016, en son article 31, vient consacrer explicitement l'autorité parentale en ces termes : « La famille constitue la cellule de base de la société. L'Etat assure sa protection. L'autorité parentale est exercée par les père et mère ou à défaut, par toute autre personne conformément à la loi. ».

L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs reconnus aux parents en vertu de la loi, relativement à la personne de leur enfant.

Il ressort que la nouvelle formulation du législateur ivoirien change la donne. Désormais, le mari n'aura plus le titre de chef. Ce qui, de facto, équivaut à un partage de l'exercice de l'autorité parentale à part égale au sein du foyer. De plus, la nouvelle formulation entraine de facto et de jure, une codirection morale et matérielle de la famille, puisque celle-ci est conjointement dirigée par les époux. De manière plus précise, une codirection entraine un meilleur équilibre juridique dans les décisions du ménage. Elle entraine aussi deux visions, qui, en cas de désaccord du fait de la différence des époux par le fait de leur éducation, religion, personnalité, origine, pourrait transformer le couple, plus en lieu de désorientation qu'en un havre de paix et d'épanouissement, tant de la femme que des enfants, qui est l'objectif du législateur ivoirien.

Mais comment s'opère en Côte d'Ivoire le contrôle des droits reconnus aux parents dans l'intérêt de l'enfant ?

2. Du contrôle à la déchéance de l'autorité parentale, une mesure de protection de l'enfant

Pour assurer la protection de l'enfant, le législateur ivoirien a prévu des mesures de contrôle et de déchéance dans l'exercice de l'autorité parentale.

- Le contrôle de l'autorité parentale

Le législateur prévoit des modalités de contrôle à travers les mesures d'assistance éducative et la délégation de l'autorité parentale.

Les mesures d'assistance éducative sont des mesures dont peuvent faire l'objet des mineurs, soit de leur fait, ou celui des parents415. Ce qui signifie que l'assistance éducative intervient dans des cas énumérés par la loi. C'est ainsi, qu'en ce qui concerne le mineur lui-même, les mesures peuvent être prises lorsqu'ils sont d'une inconduite ou d'une indiscipline donnant aux parents ou aux personnes investies du droit de garde des sujets de mécontentement très graves416. C'est par exemple le cas du mineur qui se drogue.

Du côté des parents, il est question de l'immoralité ou de l'incapacité des pères et mère de la personne investie du droit de garde qui compromet la santé, la sécurité ou l'éducation de l'enfant. C'est l'exemple du père alcoolique ou de la mère prostituée. Les mesures sont décidées par le juge des tutelles qualifiée ou d'organismes spécialisés417.

En tout état de cause, ces mesures ne mettent pas fin à l'autorité parentale, et les parents doivent continuer à entretenir le mineur.

Quant à la délégation des droits de l'autorité parentale, c'est le fait pour les parents titulaires de l'autorité parentale de se dessaisir ou d'être dessaisi en faveur d'un tiers. Elle peut être volontaire ou judiciaire418.

415 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e édition mise à jour, Quadrige, PUF,2014, p.93 ; BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.160.

416 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.160-161.

417 Article 11 de la loi ivoirienne sur la minorité.

418 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.161.

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La délégation volontaire résulte de la volonté de ceux qui exercent l'autorité parentale de la déléguer à un tiers, qui doit être capable. La délégation est temporaire et elle s'opère par déclaration conjointe des parties intéressées qui sont reçues par le juge des tutelles. C'est dire que la délégation volontaire se fait devant le juge des tutelles. Elle prend fin à l'expiration du délai convenu419.

Pendant sa durée, les droits et obligations relatifs tant à la garde du mineur qu'à son instruction, son éducation et sa surveillance passent au délégataire. Mais il faut souligner que tout doit se faire dans l'intérêt de l'enfant. Les parties doivent déterminer l'étendue des droits et obligations délégués.

Quant à la délégation judiciaire, elle est ordonnée par le juge et vise le mineur recueilli par une personne et qui n'a pas fait l'objet de réclamation depuis 3 mois. Bien entendu, cela suppose que cet enfant recueilli ait fait l'objet d'une déclaration régulière du juge des tutelles420, par celui qui l'a trouvé.

Dans les deux cas, les parents ou le tuteur peuvent demander au juge des tutelles que le mineur leur soit rendu421; c'est dire que la délégation (volontaire ou judiciaire) a un caractère provisoire.

- La déchéance de l'autorité parentale et le retrait des droits : des garanties juridiques pour le bien-être de l'enfant

La déchéance est prévue aux articles 20 à 23 de la loi sur la minorité. Il existe deux types de déchéance : la déchéance de plein droit et la déchéance facultative.

La déchéance de plein droit se présente comme une sanction encourue par un parent, suite à une condamnation pénale. C'est ce que prévoit l'article 20 pour les parents proxénètes lorsque les victimes sont leurs enfants, ou s'ils sont auteurs, coauteurs ou complices de crime commis par un ou plusieurs de leurs enfants422.

419 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.161.

420 Articles 16 et 17 de la loi ivoirienne sur la minorité.

421 Articles 18 et 19 de la loi ivoirienne sur la minorité.

422 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.162.

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Quant à la déchéance facultative, elle est prononcée contre les père et mère condamnés pour des infractions comme l'abandon d'enfant. Il faut préciser en outre que la déchéance facultative peut être prononcée en dehors de toutes condamnation pénale. C'est le cas en présence d'une inconduite notoire des parents. Dans tous les cas, le juge dispose dans cette hypothèse d'un pouvoir d'appréciation.

L'action en déchéance ou en retrait partiel des droits de l'autorité parentale appartient à tout membre de la famille et au ministère public423.

Le parent qui est déchu de l'autorité parentale peut néanmoins demander qu'on lui restitue les droits. Par ailleurs, celui qui a été déchu de l'autorité parentale peut obtenir la restitution de ses droits, à condition qu'il ait été réhabilité ; il en va de même en cas de retrait desdits droits. A cet effet, il peut exercer une action en restitution devant le juge des tutelles qui se prononcera en tenant compte de l'intérêt de l'enfant, critère déterminant dans le cadre des règles gouvernant l'adoption des enfants424.

Les développements qui précèdent nous montrent que le législateur ivoirien, dans le but de protéger l'enfant et ses droits a adopté une série de lois civiles importantes, qui ont pour critère commun, l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette même dynamique juridique de protection des enfants et de leur bien-être se retrouve aussi au niveau des lois de nature sociale qui se caractérisent par leur diversité.

§ 2. UNE DIVERSITE DE LOIS SOCIALES PROTECTRICES DE L'INTERET DE L'ENFANT

En matière sociale, il existe des lois antérieures ou postérieures aux normes juridiques internationales pertinentes qui protègent les droits des enfants. On essaiera de passer en revue les plus pertinentes. Ainsi après avoir analysé la reconnaissance législative du droit à l'éducation (A), nous examinerons successivement l'encadrement juridique constant du travail des enfants (B) une loi portant statut de pupille de la nation (C) nombreuses autres lois sociales portant protection des enfants (D).

423 Pour un retrait de la puissance paternelle, voir CA Daloa arrêt n°111 DU 27/06/1995, Cndj/Rec CATBX 1197n°2 P.113.

424 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.162.

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A. UNE RECONNAISSANCE LEGISLATIVE DU DROIT A L'EDUCATION

Historiquement, les premières écoles qui ont été introduites en Côte d'Ivoire servaient à former des agents au service du colonisateur. Les élèves y étaient enseignés selon le programme éducatif français.

A la faveur des indépendances des pays africains, il était normal de former des nationaux qui travailleront désormais au service de leur pays. « Cela supposait donc un réaménagement des programmes de l'enseignement dans le sens de leur adaptation aux réalités culturelles du pays »425. C'est dans ce sens que le Président de la République de Côte d'Ivoire de l'époque, Félix HOUPHOUET-BOIGNY, promulgua le 18 août 1977 la loi n° 77-584 portant réforme de l'enseignement.

Avec le temps, la mobilisation sociale stimulée par les agences d'aide des Nations Unies et appuyées par les bailleurs de fonds, va inciter la communauté éducative à une révision de la loi sur l'enseignement. En 1994, une Concertation Nationale sur l'Ecole Ivoirienne, regroupant les différents partenaires, a élaboré un rapport, qui a servi de base à la réforme promulguée par la loi du 17 septembre 1995426. Ainsi, conformément à la Constitution ivoirienne427 et à ses obligations internationales en matière de droits de l'enfant, l'Assemblée nationale ivoirienne vota la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement qui énonce les principes gouvernant l'éducation.

Cette loi réaffirme le droit à l'éducation et l'égalité de traitement de tous les citoyens, notamment dans l'enseignement public. Elle est composée de cinq (5) titres comprenant 74 articles consacrés aux principes généraux, aux droits et obligations de la communauté éducative, à l'enseignement préscolaire et primaire, à l'enseignement secondaire, à l'enseignement supérieur et aux dispositions transitoires et finales. Soulignons qu'il n'existe aucune loi spécifique au droit à l'éducation de l'enfant.

425 Propos recueillis auprès de l'inspectrice de l'enseignement primaire de la Sous-préfecture de Taabo, lors d'un entretien en date du 10 Aout 2014.

426 ODOUNFA (A.), « Le défi de l'éducation pour tous en Côte d'Ivoire », in Background paper prepared for the Education for All Global Monitoring Report 2003/4 Gender and Education for All: The Leap to Equality, UNESCO, 2003, p. 7.

427 Article 101 Constitution du 08 novembre 2016 : « La loi fixe les règles concernant (...) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». ; (Voir également Article 71 Constitution du 01er Aout 2000).

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La loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement établit des principes fondamentaux sur lesquelles l'éducation dispensée doit se fonder : la neutralité, la gratuité et l'égalité428.

Le principe de neutralité429, appliqué à l'éducation, signifie que l'école publique est non confessionnelle et l'enseignement qui y est donné est areligieux430. Sur l'éducation, ne doit dominer aucun courant de pensée politique ou philosophique.

Quant au principe de gratuité, il signifie que l'enseignement dispensé ne doit pas être onéreux. Mais, il ne s'applique pas aux droits d'inscription, aux prestations sociales et aux charges relatives aux manuels et autres fournitures scolaires431 . Il est d'ailleurs affirmé par les différentes conventions supra évoquées.

En ce qui concerne le principe de l'égalité, il « impose la non-discrimination entre les usagers, quels que soient leur race, leur genre, leurs opinions politiques, philosophiques, religieuses et leur origine sociale, culturelle ou géographique »432 . On peut dire qu'il tire aussi son fondement de l'article 30 de la Constitution ivoirienne : « La République de Côte d'Ivoire...assure à tous l'égalité devant la loi, sans distinction d'origine, de race, d'ethnie, de sexe et de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

Toutefois, ladite loi n'institue pas l'obligation scolaire comme principe malgré une proposition faite en ce sens, dans le temps, par le ministre M. Pierre Kipré à l'Assemblée Nationale, refusée « faute de moyens de contrôle »433. Selon l'UNESCO, la Côte d'Ivoire se serait à présent dotée d'un cadre législatif rendant l'école obligatoire de 6 à 16 ans434.

Le travail des enfants fait aussi l'objet d'un encadrement législatif constamment renouvelé.

428 Cf. article 2 de la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement.

429 On peut l'appeler aussi « principe de laïcité ». Il tire aussi son fondement de l'article 30 de la Constitution ivoirienne : « La République de Côte d'Ivoire est...laïque ».

430 ROBERT (J.), Droits de l'Homme et libertés fondamentales, Paris, Montchrestien, 5è éd., 1993, p. 546.

431 Article 2 de la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement.

432 Article 2 de la loi la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement.

433 LANOUE (E.), « Côte d'Ivoire », in Background paper prepared for the Education for All Global Monitoring Report 2003/4 Gender and Education for All: The Leap to Equality, UNESCO, 2003, p. 1.

434 UNESCO, Rapport mondial de suivi sur l'EPT 2002:Éducation pour tous. Le monde est-il sur la bonne voie ? , disponible sur : www.unesco.org/education/efa. (Consulté le 02/03/2015).

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B. UN ENCADREMENT JURIDIQUE CONSTANT DU TRAVAIL DES ENFANTS

En Côte d'Ivoire, le travail des enfants a de tout temps fait l'objet de réglementation juridique en vue d'une meilleure protection de l'intérêt des enfants. Cette volonté est manifeste tant au niveau du code du travail que de lois spéciales postérieures à ce code.

La loi de 1995 portant code du travail assure la réglementation du travail des enfants. Nous citerons ici les articles les plus significatifs. L'article 23-2 du code du travail fixe l'âge minimum d'accès au travail à 14 ans. Celui-ci interdit de recevoir même comme apprenti un mineur de 14 ans. Avant l'âge de 14 ans, le mineur doit consacrer son temps aux études ou à la formation professionnelle ; Les travaux de nuit et les travaux dangereux sont interdits435 ; L'enfant qui travaille doit offrir librement sa force de travail et travailler dans des conditions acceptables. Il ne doit pas être privé de sa liberté de mouvement et il doit percevoir sa rémunération sinon ce travail est assimilable au travail forcé et à l'esclavage interdit par la Constitution, le code du travail436 et le code pénal437. La mise en gage d'un mineur de 15 ans est sanctionnée par un emprisonnement de cinq ans438 .

L'examen du code du travail révèle que celui-ci présente quelques atouts et faiblesses en matière de réglementation du travail des enfants.

L'interdiction du travail forcé à des mineurs, l'interdiction du travail précoce aux enfants mineurs de 14 ans et l'interdiction des travaux de nuit et des travaux dangereux aux mineurs de moins de 18 ans constituent à n'en point douter des éléments positifs s'inscrivant dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

En ce qui est des faiblesses, on peut regretter le fait que le code du travail ivoirien de 1995 n'ait pas réglementé tous les secteurs d'activité où s'exerce le travail des enfants. Il en va ainsi de l'absence de réglementation du travail des enfants dans les domaines de l'agriculture et les mines artisanales. De même, il ne définit pas les travaux dangereux et les travaux interdits aux enfants mineurs ; Une autre faiblesse réside dans la faculté accordée à

435 Article 22-3 du code de travail ivoirien.

436 Article 3 code du travail ivoirien.

437 Articles 376 et 378 du code pénal ivoirien.

438 Article 377 du code du travail.

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l'inspecteur du travail d'accorder des dérogations en ce qui concerne les travaux de nuit et les travaux dangereux même pour les mineurs.

C'est certainement conscient de ces faiblesses que le législateur ivoirien, à travers de nouvelles et récentes lois, va procéder à une définition légale des travaux dangereux interdits aux enfants pour aboutir à la consécration de l'interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants. En effet, la volonté législative des pouvoirs publics de lutter légalement contre la question du travail nuisible aux enfants s'est fait en deux temps.

D'une part, l'arrêté du 14 mars 2005 qui a le mérite de dresser la liste des travaux dangereux et interdits aux mineurs de moins de 18 ans. Cette liste concerne plusieurs domaines à savoir : l'agriculture et la foresterie, les mines, le commerce et le secteur urbain domestique, l'artisanat et le transport. Aux termes de l'article 1er dudit arrêté, sont qualifiés de travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans, les travaux dont la liste suit et qui sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l'enfant :

- Dans l'agriculture : l'abattage des arbres ; le brûlage des champs ; l'épandage de produits chimiques (insecticides, herbicides, fongicides, nematicides, etc...), l'épandage des engrais chimiques, le traitement chimique des pépinières ; le port de charges lourdes ;

- Dans les mines : la foration et les tirs de mine, le transport des fragments ou des blocs de pierre ; le concassage, l'extraction de minerai à l'aide de produits chimiques tels que le cyanure de sodium, l'acide sulfurique, le dioxyde de soufre, le travail dans les mines souterraines ;

- Dans le commerce et le secteur urbain domestique : la vente de support à caractère pornographique, le travail dans les débits de boisson, la récupération d'objet dans les décharges publiques ;

- Dans l'artisanat : l'ajustage, le meulage, la vidange, l'affûtage, le fraisage, le laminage, la descente de moteur, la manipulation des batteries, la fabrication et la réparation d'armes à feu, la production de charbon de bois, et le métier de bûcheron, le ponçage motorisé de cuir et le tannage de la peau, la teinturerie et l'impression ;

- Dans le transport : l'activité d'apprenti de mini cars communément appelé gbaka.

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L'article 2 précise que la liste des types de travaux ci-dessus énumérés sera, au besoin révisée chaque année.

Pour être un instrument juridique salutaire, cet arrêté du 14 mars 2005, n'a pas été et n'est toujours pas suffisamment vulgarisée au niveau des populations par les autorités politiques ou administratives.

D'autre part, vu la persistance du travail nuisible à l'intérêt supérieur et au bien-être des enfants, la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'Ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

La loi n°2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire appelle à une double présentation aussi bien formelle que substantielle. En effet, pris d'abord sous l'angle purement formel, cette loi se compose de 43 articles subdivisés en cinq chapitres à savoir les dispositions générales439, les définitions440, la prévention441, les sanctions442 et les dispositions finales443. Par ailleurs, cette loi, facilement accessible en ses termes et foncièrement digeste dans son sens, se donne pour objectif de définir, de prévenir et enfin de réprimer la traite et le travail dangereux des enfants et prendre en charge les victimes comme en témoigne l'article 1 de ladite loi. Cet article s'inscrit dans le droit fil des instruments internationaux de protection des droits de l'Homme qui énoncent, consacrent et promeuvent les valeurs principielles de dignité, d'égalité et de nondiscrimination. Ainsi, sont concernés par cette loi, tous les enfants « quels que soient leur race, leur nationalité, leur sexe et leur religion résidant ou séjournant sur le territoire de la république de Côte d'ivoire ». L'article 4 interdit les pires formes de travail des enfants. Ces pires formes de travail sont définies de manière énumérative, et assurément non limitative en y incorporant entre autres, toutes les formes d'esclavage et pratiques analogues,

439 Articles 1 et 2 de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

440 Articles 3 à 15 nouveau de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

441 Articles 16 nouveau à 17 nouveau de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

442 Articles 18 nouveau à 39 de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

443 Articles 40 à 43 de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

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l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins d'exploitation sexuelle. Ce faisant, cette définition épouse, sans différence majeure, celle du protocole additionnel à la convention, le Protocole relatif à la vente d'enfants, à la prostitution et à la pornographie infantile. De plus, Cette loi innove en prévoyant en amont, des mesures visant la protection de la traite et des pires formes de travail des enfants. Ainsi, aux termes de l'article 17 de la loi, ces mesures de prévention nécessitent, voire, exigent la participation et la conjugaison des efforts de l'État et des collectivités territoriales auxquels la loi enjoint de prendre « toutes les mesures appropriées » en vue d'assurer la protection de tous les enfants contre de telles pratiques. Ces mesures de prévention, au coeur desquelles se trouvent l'intérêt supérieur et la dignité de l'enfant, comprennent l'obligation pour le transporteur de vérifier que l'enfant qui voyage détient tous les documents légaux et les autorisations administratives requis, la présomption du statut d'enfant accordée à la victime, une autorisation spéciale en cas de sortie et d'entrée du territoire national pour les enfants non accompagné de ses parents ou tuteur...

La loi prévoit enfin des mesures de sanction visant à lui donner une force doublement probante à savoir dissuasive et surtout punitive. Et pour cause, que serait une loi sans mesure de sanctions ? Assurément, un condensé de valeurs et principes axiologiques dépourvus de force contraignante. Ces mesures de sanctions sont aussi diverses que variées allant des peines d'emprisonnement de 1 à 20 ans selon les cas ou de la qualité des personnes incriminées, des amendes pouvant aller jusqu'à 50 millions de Franc CFA, des sanctions administratives et professionnelles. Aussi, convient-il de rappeler que les infractions prévues dans la présente loi constituent, aux termes de l'article 39, des délits dont la tentative est punissable.

Toutefois, si l'on en croit une étude de l'OIT/IPEC/LUTRENA de 2005 intitulée «La traite des enfants aux fins d'exploitation de leur travail dans le secteur informel à Abidjan-Côte d'Ivoire», ces dispositions ( mesures de prévention et de sanction) semblent être inadéquates pour lutter contre la traite des enfants aux fins d'exploitation économique, dans la mesure où elles ne visent que les cas d'enlèvement de mineurs alors que la traite interne ou transfrontalière d'enfants en Côte d'Ivoire s'appuie sur les réseaux traditionnels de placement d'enfants et s'effectue par conséquent avec l'accord des parents ou des personnes ayant la garde des enfants.

Somme toute, l'adoption de la loi 2010-27 du 30 décembre 2010 a constitué à n'en point douter une avancée législative majeure dans la lutte contre la traite, le trafic, l'exploitation des enfants en Côte d'ivoire. Cependant, les mesures de vulgarisation et d'application de cette loi, à l'effet d'amorcer une évolution à défaut d'une révolution des habitudes socioculturelles des populations, sont-elles véritablement prises ?

Outre cela, la Côte d'Ivoire a récemment adopté une loi portant statut de pupille de la nation qu'il convient d'examiner à la lumière de l'intérêt des enfants.

C. LA LOI DEFINISSANT LE STATUT DE PUPILLE DE LA NATION

Adoptée par l'Assemblée nationale lors de la séance plénière de sa première session extraordinaire au titre de l'année 2014, la loi n°2014-137 du 24 mars 2014 portant statut de Pupille de la Nation vise à fixer les règles applicables aux pupilles de la nation444. Il s'agit d'une loi visant à prendre en charge des enfants d'une catégorie de fonctionnaires deux ans après la crise électorale qui a endeuillé la Côte d'Ivoire. Cette loi définit de façon énumérative les catégories d'enfants visées par la notion de « pupilles de la Nation ». Ainsi, aux termes de l'article 2 de cette loi, « Ont le statut de pupille de la nation :

- Les enfants mineurs des personnels des forces armées, des personnels de la gendarmerie, des personnels des forces de police et des autres corps paramilitaires, des magistrats, des fonctionnaires et agents de l'État et des personnes titulaires de mandat électif, dont l'un ou les deux parents ou le tuteur légal sont morts ou sont portés disparus à l'occasion de guerre ou d'opérations de maintien de la paix ou de la sécurité, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire national, ou à l'occasion de l'exécution de mission en service commandé ou de service public, ou se trouvent du fait de ces évènements, dans l'incapacité de pourvoir à leurs obligations et charges de famille ;

- Les enfants mineurs des personnes victimes d'évènements déclarés catastrophes nationales, dont l'État accepte la prise en charge »

444 Article premier loi n°2014-137 du 24 mars 2014 portant statut de Pupille de la Nation.

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Aux termes de l'article 3, les enfants mineurs visés à l'article 2 sont déclarés pupilles de la Nation par décret pris en conseil des ministres, sur rapport conjoint du ministre chargé de la solidarité et ministres intéressés.

Elle précise les formes de protection et de soutien de l'État dont peuvent bénéficier les enfants reconnus pupilles de la Nation. Cet article indique que « les pupilles de la Nation ont droit, jusqu'à leur majorité civile, à la protection, au soutien financier, matériel et moral de l'État445.

Le texte précise que la protection, le soutien financier, matériel et moral de l'État sont également accordés jusqu'à l'âge de 25 ans aux enfants à charge des personnes mentionnées à l'article 2, s'ils justifient de la poursuite d'études supérieures. Pour être la toute première loi instituant le statut de pupille dans l'histoire de la Côte d'Ivoire moderne, cette loi comporte des limites inquiétantes. Tout d'abord, une lecture attentive de l'énumération des enfants potentiellement bénéficiaires du statut de pupille, appelle quelques interrogations. Pourquoi a-t-on omis les enfants des personnes non visées par l'alinéa 1 de l'article 2 ? Quel est le critère ayant permis d'écarter les enfants d'une certaine catégorie de familles ? Mieux, quel sera le sort de l'enfant d'un paysan, agriculteur ou encore commerçant décédé(s) à l'occasion d'un conflit armé en qualité de victime civile d'un conflit ? Pourquoi privilégie-t-on certaines catégories d'enfants au détriment d'autres enfants ? N'y a -t'-il pas ici, une discrimination entre les enfants en fonction de leur origine sociale ? Et si discrimination positive, il doit y avoir, ignorer les enfants d'éventuels victimes civiles au profit des personnes bénéficiant d'un mandat électif en période de conflit, apparait-il comme une bonne solution ? Mieux, le législateur ivoirien fixe-t-il désormais à 25 ans, l'âge de cessation de la qualité d'enfant ?

De même, l'imprécision du concept de catastrophes naturelles contenu dans ce texte peut apparaitre comme une volonté sournoise de ne point considérer certains événements comme telles ? A quel moment ou dans quelles circonstances, peut-on parler de catastrophes naturelles ? Qui a compétence pour qualifier ou reconnaitre une catastrophe comme étant naturelle ? Ce texte brille négativement par son mutisme sur ces éléments, à nos yeux, essentiels pour l'intérêt de l'enfant.

445 Article 4 loi n°2014-137 du 24 mars 2014 portant statut de Pupille de la Nation.

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Au-delà de ses limites, et bien que profitant spécifiquement aux enfants ayant perdu l'un ou les deux parents en situation de guerre ou dans l'exécution d'une mission de service public ou encore en cas de catastrophes naturelles, cette loi vise à combler un vide juridique en créant les conditions du bien-être de cette catégorie d'enfants visés, à l'instar de nombreuses autres lois sociales portant protection des enfants.

D. AUTRES LOIS PERTINENTES EN MATIERE DE PROTECTION SOCIALE DES ENFANTS

Tout d'abord, on peut citer ici la loi n° 98-756 adoptée en 1998 regardée comme une consécration législative de la protection des enfants contre les pratiques traditionnelles néfastes (excision, mariage précoce et forcé). Cette loi vise essentiellement à interdire et sanctionner certains actes néfastes sur les enfants ; malheureusement, elle n'établit pas de services de préventions ou de réponse pour des enfants et leurs familles. L'une des grosses faiblesses de cette loi, est manifestement l'inexistence de mesures de réhabilitation pour les jeunes filles victimes de ces pratiques. Il serait donc souhaitable que des mesures de réhabilitation soient envisagées par les ministères techniques et services chargés de la protection des mineurs.

Ensuite, on peut citer, la loi n° 2001-636 prévoyant la mise en place et le fonctionnement de l'assurance Médicale Universelle ; même si elle n'est pas spécifique à l'enfant, elle vise incontestablement un renforcement de la protection de la santé infantile. Cette loi établit à n'en point douter un projet novateur auquel adhère l'ensemble de la population, si l'on en réfère aux résultats des enquêtes réalisées par l'Institut National de la Statistique (INS) sur la pauvreté en 2002. L'assurance maladie universelle (AMU) est basée sur les objectifs principaux suivants :

- Améliorer l'état de santé des populations en assurant sans exclusion, l'accessibilité financière de tous aux soins de santé ;

- Développer l'activité de la médecine, en favorisant l'équilibre de l'offre et de la demande de soins de santé ;

- Réduire les disparités régionales et économiques, disparités qui amplifient, les inégalités entre les groupes et régions et accroissent les déficits sociaux ;

- Réaliser une meilleure solidarité nationale, facteur de cohésion sociale.

La protection juridique de l'enfant en Côte d'Ivoire a aussi été affirmée par un renforcement du cadre pénal.

§ 3. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES ENFANTS PAR L'ADOPTION D'UNE DIVERSITE DE LOIS PENALES

Les lois pénales ivoiriennes adoptées depuis les indépendances, et revisitées depuis 1981, semblent pour la plupart vétustes. Toutefois, elles contiennent des dispositions consacrant et protégeant les droits de l'enfant. Cette protection pénale est assurée aussi bien par le code de procédure pénale que le code pénal.

La protection pénale telle que prévue par les textes concernant aussi bien l'enfant délinquant que l'enfant victime446 . On examinera donc successivement le cadre pénal applicable aux mineurs délinquants marqué par un caractère hybride (A) et la protection pénale de l'enfant victime qui se traduit par une répression pénale des auteurs de violations des droits de l'enfant (B).

A. UN CADRE PENAL HYBRIDE APPLICABLE AUX MINEURS DELINQUANTS

A l'instar de la France, qui fut la première a adopté une loi sur « l'enfance délinquante » en 1945447, la Côte d'Ivoire, ancienne colonie française s'est elle aussi intéressée à la question de ces enfants ou du moins, n'a fait que lui emboiter le pas. C'est dans cet élan, que quelques articles du code pénal et du code de procédure pénale, font mention de protection de l'enfant en conflit avec la loi. Plus précisément, deux lois, la loi n° 69-371 du 12/08/1969 relative au code pénal et celle n° 81-640 du 31/07/1981 relative au code de procédure pénale, consacre un titre entier à l'enfance délinquante.

446 Celui-ci est protégé par la loi de 1981 du code pénal ivoirien, qui assure une protection générale à tout individu et spécifiquement à l'enfant. Ce dernier bénéficie à cet effet, lui aussi de toute la protection prévue par le droit pénal. Il jouit d'une protection juridique et judiciaire qui doit respecter ses droits et ses intérêts en toute situation et circonstance comme prévu par la Déclaration Universelle des droits de l'Homme en son article 25 alinéa 2. La loi pénale ivoirienne prévoit une protection accrue aux enfants victimes de violences, lorsqu'il se trouve en danger moral et social.

447 BOHUE (Y.), La protection pénale de l'enfant en droit ivoirien, thèse présentée et soutenue publiquement le 7 mars 1992 à l'Université nationale de Côte d'Ivoire, faculté de droit, p.6.

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Le caractère hybride du cadre pénal applicable aux mineurs est perceptible à travers l'affirmation d'une responsabilité pénale des mineurs peu ou prou conforme aux normes internationales (1) et l'application de règles de droit commun aux mineurs dans le cadre de l'enquête préliminaire (2).

1. Une responsabilité pénale des mineurs peu ou prou conforme aux normes internationales

Aux termes de l'article 14 du code pénal ivoirien, « est mineure au sens de la loi pénale, toute personne âgée de moins de 18 ans lors de la commission de l'infraction ».

Il appert de cet article que la minorité constitue une cause d'exclusion ou d'atténuation de la responsabilité pénale. L'âge de 18 ans fixé par le législateur ivoirien comme seuil maxima au-delà duquel une personne n'est plus considérée comme un mineur est en adéquation avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant448 et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant449.

L'article 40 de la CDE prévoit qu'à ce seuil maxima de responsabilité pénale corresponde un seuil minima. L'article 4.1 des règles de Beijing ajoute que ce seuil d'âge ne doit pas être fixé trop bas, eu égard au manque de maturité affective, psychologique et intellectuelle du jeune mineur. Un tel seuil d'irresponsabilité pénale des mineurs a aussi été prévu dans l'article4.1 des Règles de Beijing ainsi que dans l'article 17.4 de la Charte Africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant. L'article 11.a des RPMPL, ne fixe aucun critère relatif à la détermination de ce seuil par le législateur de chaque État. Il laisse ce dernier libre de fixer ce seuil en fonction de ses réalités sociales.

L'interprétation de l'article 757 alinéa 3 du Code de procédure pénale (CPP) ivoirien laisse entendre que ce n'est qu'à partir de 13 ans que le mineur est suffisamment conscient des actes qu'il pose pour être susceptible de se voir appliquer une sanction pénale.

448 La Convention relative aux droits de l'enfant a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 Novembre 1989. Elle a été ratifiée par la Côte d'Ivoire en date du 4 février 1991. L'article 1 établit qu'un « enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ».

449 L'article 2 de la charte Africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant.

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Cependant, cette limite d'âge fixée à 13 ans constitue t'elle le seuil minima de responsabilité pénale ? Si l'on lie la responsabilité pénale à l'administration d'une peine, ce seuil d'âge de moins de 13 ans constitue effectivement le seul minima de responsabilité pénale. Cependant, l'article 771 al.2 du CPP dispose que les mineurs âgés de moins de 13 ans seront susceptibles d'être détenus préventivement s'ils sont soupçonnés d'avoir commis un crime.

Sur le critère lié à la tranche d'âge, le code pénal ivoirien procède à une catégorisation des mineurs ; ainsi, il précise, en son article 116 que :

« - les faits commis par un mineur de 10 ans450 ne sont pas susceptibles de qualification et de poursuites pénales ;

- Le mineur de 13 ans bénéficie de droit, en cas de culpabilité, de l'excuse absolutoire de minorité451 ;

- Les mineurs de 10 à 13 ans ne peuvent faire l'objet que des mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation prévues par la loi ;

- L'excuse atténuante452 ou absolutoire de minorité bénéficie aux mineurs de 16 à 18 ans dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. »

Il appert de cet article, que seuls les mineurs de moins de 10 ans sont totalement exempts de toute responsabilité pénale. Quant aux mineurs dont l'âge oscille entre 10 et 13 ans, ils devront répondre de leurs actes devant une juridiction ; cette juridiction saisie, ne pourra que prononcer des mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sont prévues à l'article 783 du code de procédure pénale, à l'exclusion de toute condamnation pénale. Même si cette catégorie de mineurs ne peut être sanctionnée par une peine, réservée aux mineurs âgés de plus de 13 ans, l'existence de mécanismes éducatifs pouvant être actionnés à leur égard par un juge, démontre la possibilité pour une juridiction de reconnaître

450 Pour éviter toute confusion quant à l'interprétation de l'article 116 du code pénal, relevons que selon l'article 14 du code pénal, « les mineurs de 10, 13 et 16 ans sont ceux qui n'ont pas atteint ces âges lors de la commission de l'infraction ». Il s'agit donc des mineurs de moins de 10, 13 et 16 ans et non pas de 10, 13 et 16 ans accomplis comme on pourrait le croire à la première lecture.

451 Au sens de l'article 10 du code pénal (Livre premier), une excuse absolutoire consiste en « toute raison limitativement prévue et définie par la loi et dont l'admission, sans faire disparaitre l'infraction, entraine une dispense ou une exemption de peine. ».

452 Au sens de l'article 10 du code pénal (Livre premier), une excuse atténuante consiste « en toute raison limitativement prévue et définie par la loi et dont l'admission, sans faire disparaître l'infraction, entraine une atténuation obligatoire par la peine encourue ».

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la responsabilité pénale des mineurs de moins de 13 ans. Cependant, dans l'hypothèse où un mineur de 13 ans est poursuivi pour crime453, il peut faire l'objet d'un placement provisoire dans une maison d'arrêt par ordonnance motivée du juge des enfants. Quant aux mineurs âgés de plus de 13 ans, ils peuvent être poursuivis et condamnés pénalement.

Il convient de faire quelques précisions : la convention relative aux droits de l'enfant454, la Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant455 accorde aux États, la latitude de déterminer l'âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale. Toutefois, bien que non contraignantes, les règles de Beijing456, règles nécessaires au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, établissent que le seuil de responsabilité pénale « ne doit pas être fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective, psychologique et intellectuelle ». En fixant le seuil de responsabilité pénale à 10 ans et en prévoyant l'octroi de mesures protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation à l'égard des mineurs de 10 à 13 ans, le législateur ivoirien fait montre de cohérence avec les principales dispositions internationales en la matière, et ce , contrairement à l'enquête préliminaire marqué par une application de règles de droits commun aux mineurs.

2. Une application de règles de droit commun aux mineurs dans le cadre de l'enquête préliminaire

Le code de procédure pénale ivoirien ne contient pas de dispositions spécifiquement applicables aux mineurs dans le cadre de l'enquête préliminaire. Celle menée par la police judiciaire devant faire l'objet de développements particuliers dans le cadre de développements ultérieurs, nous examinerons ici quelques données textuelles prévues dans le cadre de l'information judiciaire.

453 Article 771 du code de procédure pénale ivoirien.

454 L'article 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant établit que « les Etats parties s'efforcent(...) d'établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale ».

455 L'article 1 (4) de la Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant établit qu'un « âge minimal doit être fixé en deçà duquel les enfants sont présumés ne pas avoir la capacité d'enfreindre la loi pénale ».

456 Article 4.1 de l'ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies le 29 novembre 1985. Ces règles de protection des mineurs sont des recommandations formulées par l'Assemblée générale des Nations Unies et elles n'ont aucune force contraignante à l'égard des Etats.

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Commençons par les mesures restrictives de liberté à caractère provisoire prises au cours de l'information. Elles sont de deux ordres :

- Les mesures éducatives ou de placement énumérées à l'article 770 du CPP

- La détention préventive dont les modalités sont définies à l'article 771 du CPP.

Existerait-il une troisième catégorie de mesures provisoires notamment une ordonnance de garde provisoire dans une maison d'arrêt ? Quel en serait le fondement juridique ?

Notre opinion sur cette question ne souffre d'aucune ambiguïté. Il n'existe aucune disposition sur l'enfance délinquante dans le code ivoirien de procédure pénale prévoyant une ordonnance de garde provisoire dans une maison d'arrêt. La lecture de l'article 771 du CPP qui dispose que le mineur âgé de plus de treize ans ne peut être placé provisoirement dans une maison d'arrêt par le juge des enfants, que si cette mesure paraît indispensable ou encore s'il est impossible de prendre toutes autres dispositions doit se faire en rapport avec l'article 769 alinéa 3 du CPP qui dispose que le juge des enfants peut décerner tous mandats utiles (mandat d'amener457, de comparution458 , d'arrêt459 , de dépôt460) en observant les règles de droit commun à savoir la procédure et les conditions de délivrance de chaque mandat.

Eu égard au principe de la primauté des mesures éducatives et de réinsertion socioprofessionnelle sur les mesures privatives de liberté admis en matière d'enfance délinquante, l'article 771 a pour objectif de préciser les modalités d'application de la détention préventive en la matière.

Si l'usage du terme « placé provisoirement » dans le contexte spécifique de l'enfance délinquante peut prêter à confusion, elle n'autorise nullement à admettre qu'il s'agisse, d'une catégorie sui generis de titre de placement. Dans le langage courant, il est bien admis d'utiliser l'expression « placé sous mandat de dépôt ». Certes, dans la pratique l'absence de centre d'observation dans la plupart des juridictions oblige à prendre une ordonnance de garde provisoire en confiant l'inculpé au régisseur de la maison d'arrêt. Mais, c'est une

457 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e éd. mise à jour, PUF, Paris, 2014, p.637.

458 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e éd. mise à jour, PUF, Paris, 2014, p.637.

459 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e éd. mise à jour, PUF, Paris, 2014, p.637.

460 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e éd. mise à jour, PUF, Paris, 2014, p.638.

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pratique qui n'a aucun fondement légal et est la résultante du dysfonctionnement et des insuffisances du système judiciaire et pénitentiaire dans son ensemble. Le bénéfice de l'excuse absolutoire de minorité acquis de droit au mineur de 13 ans, excluant l'application de toute peine d'emprisonnement, ce dernier ne devrait en aucun cas être placé sous mandat de dépôt même en cas de prévention de crime , cela est une incohérence au regard du droit international.

Une autre situation incohérente réside au niveau des délais de la détention. Lorsque le juge des enfants décerne un mandat de dépôt contre un mineur, il doit s'en référer aux conditions de droit commun édictées aux articles 137 à 150 du CPP qui détermine les durées de détention en fonction de la nature de l'acte et de la peine encourue ; le législateur n'a prévu aucune disposition dérogatoire en faveur des enfants ; or il est admis par les conventions internationales que le mineur doit être détenu le moins longtemps possible. Cette situation de droit commun appliquée au mineur en détention préventive est anachronique avec l'article 114 alinéa 1 du code pénal qui réduit le quantum des peines prononcées contre le mineur. Il doit être prévu à l'égard du mineur des délais de détention moins longs, une limitation du nombre de prolongation du mandat de dépôt dans le cadre de l'application de l'article 138 alinéa 3 du CPP.

En tout état de cause, toutes les parties impliquées dans le suivi et le règlement des dossiers des mineurs doivent scrupuleusement respecter les délais de détention prévus dans le code de procédure pénale.

Pour conclure sur le point précis, des titres de placement du mineur, il est souhaitable que le législateur en fasse une relecture afin que les termes utilisés ne souffrent d'aucune ambiguïté, et le contenu des textes débarrassé de toute incohérence.

Considérant la clôture de l'information, les diligences faites, le juge des enfants peut soit d'office à la requête du ministère public communiquer le dossier à ce dernier (article 772 CPP). La communication du dossier au parquet est-elle une mesure facultative ou obligatoire ? Le juge des enfants peut-il sans provoquer le réquisitoire du parquet ordonner le renvoi de l'inculpé devant les juridictions de jugement notamment devant le tribunal pour enfants ?

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A cette question alors que les parquets répondent par la négative, les juges des enfants admettent bien une telle possibilité. En effet, cette disposition spéciale de l'article 772 du CPP déroge à la règle générale de l'article 175 al 2 du CPP énoncée en ces termes : « ...dès le retour de la procédure au juge d'instruction, celui-ci s'il estime que la procédure est en état, la transmet au Procureur de la République qui doit lui adresser ses réquisitions au plus tard dans les 10 jours de sa réception ». L'application effective des dispositions de l'article 772 pourrait être une solution au non règlement dans les délais impartis des dossiers communiqués au parquet. Au demeurant, elle ne préjudicie pas aux intérêts du ministère public, partie au procès pénal dûment représentée à l'audience de tribunal pour enfants, le tribunal ne délibère qu'après avoir entendu le parquet en ses réquisitions.

Pour assurer une meilleure protection des enfants délinquants et harmoniser la législation ivoirienne aux normes internationales protectrices des droits de l'enfant, il serait utile que soit adoptée une révision du chapitre relatif à l'enquête préliminaire du code de procédure pénale afin d'intégrer des dispositions spécifiques aux mineurs. Cette réforme pourrait mettre en avant le caractère exceptionnel du recours à la garde à vue pour tout enfant, à n'utiliser qu'en dernier ressort, et pour une durée non renouvelable de maximum 48 heures. Elle pourrait en outre prévoir que les interrogatoires des mineurs par les officiers de police judiciaire (OPJ) auraient lieu en présence des parents du mineur, de son tuteur ou, à défaut, de tout autre adulte qualifié pour représenter le mineur. Cet adulte qualifié, à définir par la loi, pourrait être un assistant social, un avocat commis d'office, et à défaut, un juriste ou para-juriste payé par une ONG en accord avec le Ministère de la justice (à l'image de ce qui se fait couramment dans de nombreux pays africains comme en Afrique du Sud, au Malawi etc.) ou un défenseur choisi par le juge parmi les personnes présentant toutes les garanties désirables comme le prévoit déjà l'Article 770 CPP, al.2.

Un autre point qu'il nous parait important d'affronter dans le cadre de ce chapitre est celui de la déjudiciarisation des litiges concernant les mineurs délinquants. En effet, la CIDE insiste sur la nécessité « de prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire461 ». Ce concept est repris à l'article 11 des règles de Beijing qui précise que le recours à des moyens

461 Article 40 (3) b) de la Convention relative aux droits de l'enfant.

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extrajudiciaires « exige le consentement de l'intéressé ou de ses parents ou de son tuteur462 » et que « cette pratique permet d'éviter les conséquences négatives d'une procédure normale dans l'administration de la justice pour mineurs (par exemple le stigmate d'une condamnation et d'un jugement)463 ».

Le code de procédure pénale ivoirien ne prévoit pas de moyens de résolution extrajudiciaire des litiges concernant les mineurs délinquants. Il exclut d'ailleurs expressément qu'on puisse recourir à la transaction pénale pour les infractions commises par les mineurs464. Depuis plusieurs années, le BICE tente néanmoins d'encourager le recours à la conciliation pour régler les litiges de faible gravité impliquant les mineurs à travers l'intervention de ses délégués présents auprès des différents commissariats d'Abidjan. Devant l'absence d'une réglementation spécifique et en vue d'harmoniser la législation ivoirienne aux normes internationales protectrices des droits de l'enfant, il nous parait très important que le législateur intervienne afin d'autoriser le recours à des moyens extrajudiciaires pour traiter les infractions de faible gravité commises par des mineurs délinquants, moins protégés que les enfants victimes dont les bourreaux s'exposent à l'application à leur encontre d'un cadre juridique répressif des violations des droits de l'enfant .

B. UNE REPRESSION PENALE DES AUTEURS DE VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANT

Le Code pénal ivoirien a été institué par la loi 81-640 du 30 juillet 1981. Nombre d'articles de ce code protègent l'enfant par l'interdiction de certains comportements à son égard. Il s'agit de comportements qui portent atteinte à son intégrité physique et morale et à sa liberté. Mieux, il définit les peines relatives aux crimes et délits commis à l'endroit des enfants. Tel, il s'agit en principe d'un texte particulièrement protecteur des droits de l'enfant.

Le rôle protecteur des droits de l'enfant par le code pénal n'est plus à contester. Ainsi, par exemple, lorsque le code pénal réprime le meurtre d'un enfant, on sait qu'il cherche à protéger par ce biais son droit à la vie. De même, lorsque ce texte de protection particulière

462 Article 11.3 des Règles de Beijing.

463 Article 11 des règles de Beijing.

464 Article 8 du code de procédure pénale ivoirien.

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réprime l'infraction d'arrestation arbitraire, c'est la liberté individuelle ou collective qui se trouve ainsi protégée. Et ainsi de suite.

En ce qui a trait aux peines applicables lors d'infractions perpétrés envers les mineurs, les articles 334,336, et 360 prévoient que les peines peuvent être portées au double dans les situations d'atteinte à la moralité publique, de prostitution, d'outrage public à la pudeur impliquant des mineurs. L'article 337 précise en outre qu'est puni d'un emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende de 500,000 à 5,000,000 de francs CFA, quiconque attente aux moeurs excitant ou favorisant ou facilitant la débauche ou la corruption de la jeunesse de l'un ou l'autre sexe au-dessous de l'âge de 18 ans.

De surcroit, l'article 354 prévoit une peine d'emprisonnement de 5 à 25 ans dans le cas de viol ; la peine d'emprisonnement à vie peut cependant être prescrite si la victime est mineure de 15 ans ou si l'auteur du viol est le père, un ascendant, une personne ayant autorité sur la victime, s'il est chargé de son éducation, de sa formation intellectuelle ou professionnelle. L'article 355 précise quant à lui que les amendes et les peines d'emprisonnement prévues dans le cas d'attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violence doublent quasiment si la victime est âgée de moins de 15 ans ou si son auteur est la mère , le père ou un ascendant , ou une personne ayant une autorité sur la victime, s'il est chargé de son éducation, de sa formation intellectuelle ou professionnelle. Les articles 357 et 358 énoncent les peines encourues dans les cas d'attentat à la pudeur, consommé ou tenté sans violence, ou d'acte impudique ou contre nature commis sur une personne incapable de se protéger en raison de son état mental ou physique.

En plus de ces articles, le chapitre 3 intitulé les crimes et délits contre les enfants et les personnes incapables de se protéger en raison de leur état physique et mental465 fait mention d'autres peines prévues, cette fois-ci, en cas d'infanticide, des voies de fait et/ou de violences, d'abandon d'enfant, d'avortement, et finalement d'enlèvement de mineur.

Finalement l'article 376 prévoit qu'en cas d'en cas d'aliénation de la liberté d'une tierce personne, un maximum de la peine (10 ans d'emprisonnement et une amende de 5, 000,000

465 Articles 361 à 372 : L'infanticide, une incrimination des atteintes au droit à la vie (Article 361 Code pénal), L'exploitation sexuelle/ Le proxénétisme (Article 335, 336 code pénal) ; Les mineurs victimes de violences physiques (violences et voies de fait : Article 362 Code pénal) ;Les mineurs victimes de violences sexuelles (viol, attentat à la pudeur : Article 355 à 356 ; outrage public à la pudeur sur mineur article 360) ; La répression de la non déclaration de l'accueil des mineurs victimes de maltraitance.

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de francs CFA) est toujours prononcé si la victime est âgée de moins de 15 ans. L'article 377 présente l'amende et la peine d'emprisonnement prévues si une personne met ou reçoit d'une tierce personne en gage, la peine étant plus sévère si la victime est âgée de moins de 15 ans. L'article 378 porte sur les peines encourues si quiconque contraint un mineur de 18 ans à entrer dans une union matrimoniale de nature coutumière ou de nature religieuse ou si quiconque impose à autrui un travail ou un service par lequel il ne s'est pas offert de son plein gré , et ce, dans le but de satisfaire exclusivement son intérêt personnel. L'article 386 traite des cas d'atteinte à l'état civil d'un enfant et établit les gammes de peines d'emprisonnements prévues quant à ce délit.

Bref, pour être de lourdes peines, ces peines vont des mesures privatives de liberté à la prison à vie, voir la peine de mort466. Ces incriminations sanctionnées par le code pénal ivoirien, sont une autre façon de protéger quelques droits de l'enfant limitativement pris en charge par le droit pénal.

Cependant, à cause de la rigueur du principe légaliste qui domine le droit pénal, on ne peut pas dire que tous les droits de l'enfant, surtout, ceux dont la violation n'est pas sanctionnée pénalement, sont pris en charge par cette branche spécifique du droit. Il en va ainsi de la violation du droit à l'éducation qui n'est pas pénalement sanctionné en Côte d'Ivoire. Il en découle que la protection pénale des droits de l'enfant, n'est que sélective.

Toutefois, en dépit de cet aspect sélectif, le rôle symbolique de protection des droits de l'enfant, assuré par le code pénal, ne peut être contesté. Le droit pénal étant un maillon de la chaine ; elle n'est pas la chaine tout entière.

CONCLUSION DU TITRE 1

Les instruments internationaux généraux de protection de protection des droits de l'homme auxquels la Côte d'Ivoire est partie, comportent dans certains cas, des dispositions relatives à la reconnaissance et la protection des droits de l'enfant. La reconnaissance des droits de l'homme s'est traduite par l'apparition d'une multiplicité d'instruments conventionnels et déclaratoires suivis de l'adoption de textes législatifs au niveau national.

466 La peine de mort étant désormais interdite par la Constitution ivoirienne, il serait opportun que l'article 361 qui réprime l'infanticide soit révisée et adaptée à la loi constitutionnelle.

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Ce qui a amené certains auteurs à parler d' « essor normatif considérable...depuis la fin de la deuxième guerre mondiale »467 . Toutefois, cette protection des droits de l'enfant prônée à travers ces instruments est de caractère général et non spécifique à l'enfant.

Devant le caractère général des textes et les violations de plus en plus massives des droits des enfants, certains États468 ont interpellé les Nations Unies pour l'adoption de normes contraignantes en faveur de l'enfant. Cet appel a contribué à la « prolifération des réglementations »469 et à l'élaboration de normes spécifiques protégeant l'enfant aussi bien au niveau international que national ivoirien.

En effet, nonobstant l'existence de la Charte internationale des droits de l'homme et des instruments nationaux de protection des droits humains à caractère général, la communauté internationale dans son ensemble a senti l'ardent besoin de réaffirmer les droits spécifiques aux enfants. En effet, les droits proclamés par ces instruments généraux ne sont pas toujours respectés. L'égalité des hommes est donc une simple déclaration ou proclamation philosophique qui n'est pas réalisée dans la pratique.

Au-delà des limites de ces textes tant au niveau formel que du contenu, dans la doctrine juridique, l'existence des droits catégoriels, spécifiques à l'enfant pose plusieurs problèmes dont les plus importants méritent ici attention.

Le premier tourne autour de l'artifice véhiculé par l'égalité des hommes et l'existence de leurs droits du fait de la dignité humaine. L'égalité, analysée dans la théorie comme « un concept de philosophie politique470 » est paradoxale. C'est dans cette mesure qu'elle est à la fois désirable et insaisissable, c'est-à-dire louée et recherchée par tous, mais en même temps

467 TURGIS (S.), Les interactions entre les normes internationales relatives aux droits de la personne, Paris, Edition A-PEDONE, 2012, p.31.

468 DAOUDI (R.), « La codification des droits de l'enfant : analyse des prises de position gouvernementales », pp.21 à 40, in Maurice TORELLI, La protection internationale des droits de l'enfant, travaux du centre d'étude et de recherche de droit international et de relations internationales de l'académie de droit international, la Haye, Paris, PUF, 1979, p.38.

469 ROBERT (J.), DUFFAR (J.), Droits de l'homme et libertés fondamentales, Paris, Montchrestien, 2009, p.3.

470 FAVOREU (L.), GAIA (P.)/ GHEVONTIAN (R.)/ MELIN-SOUCRAMANIEN (F.)/ PFERSMANN (O.)/ PINI (J.), ROUX (A.)/ SCOFFONI (G.)/TREMEAU (J.), Droit des libertés fondamentales, Dalloz, 3ème éd.2005, p.303.

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qu'elle reste comme le disait le doyen Vedel « une institution (...) contradictoire et énigmatique471 ».

En réalité, c'est pratiquement un truisme de considérer que l'égalité des hommes est un axiome inexact ou du moins infidèle à la réalité ; celle de l'existence même d'une catégorie d'homme dont les droits ne sont pas respectés. Il convient donc pour atteindre cette égalité de discriminer, de les prendre à part, afin de leur consacrer des instruments spécifiques, en vue de la protection de leurs droits. Ainsi, c'est l'existence des inégalités de fait472 qui conduisent à la reconnaissance des droits catégoriels. Pour y parvenir, on utilise deux techniques qui peuvent être associés : la discrimination positive473 et la catégorisation. Ici, l'avantage essentiel est accordé à cette catégorie qui a souffert de discrimination dans le passé474, c'est de lui consacrer des conventions particulières ou des lois particulières pour la protection de ses droits475.

Par ailleurs, l'égalité ce n'est pas seulement assurer le même traitement à tous, c'est beaucoup plus. L'égalité de traitement de personnes qui ne se trouvent pas dans la même situation perpétuera l'injustice, au lieu de l'éliminer. La véritable égalité ne peut que procéder d'efforts faits pour lutter contre les inégalités et y remédier. C'est cette notion plus vaste de l'égalité qui est devenue le principe cardinal et l'objectif final de l'acceptation et de la reconnaissance des droits catégoriels.

Ainsi, en spécifiant, en distinguant dans le cadre de la protection universelle et nationale, l'on reconnait une importance particulière à la catégorie distinguée, en l'espèce, les enfants.

471 VEDEL (G.), « L'égalité » in La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ses origines, sa pérennité, La Documentation française, 1990, p.172.

472 On peut que des inégalités de fait existent dans la plupart des sociétés depuis longtemps entre les hommes et les femmes par exemples, et que les enfants dans toute société sont les êtres les plus faibles.

473 La doctrine emploie les termes d' « Affirmative Action » ou « action Affirmative » selon la terminologie nord-américaine, de « mesures positives » comme en Suisse, d' « actions positives », de « mesures compensatoires » ou « compensatrice ». Elle obéit aux critères essentiels suivants : il faut qu'à l'origine existe une inégalité de fait ; à celle qui doit répondre une différenciation juridique de traitement ; cette dernière doit être finalisée, et doit résulter de la volonté expresse de l'autorité normative d'accorder un avantage à une catégorie déterminée ayant souffert de discrimination dans le passé.

474 S'agissant des femmes et des enfants par exemple, l'intérêt que les Nations unies leur ont porté résulte « de leur état d'être considérés comme vulnérables ou particulièrement défavorisés », IDHPD, « Les droits de la femme et de l'enfant » , in Education aux droits de l'homme et à la démocratie : La démocratie au quotidien, n°13, 1998, p.7.

475 C'est ainsi que les femmes et les enfants, « des mesures spéciales de protection ont été prises pour assurer leur promotion et l'égalité dans l'exercice de leurs droits et des libertés fondamentales ». Ibid.

198

Même si dans certains cas, on ne fait que répéter les droits contenus dans l'instrument à caractère général, la seule répétition marque le degré d'importance que l'on veut accorder. Suivant cette logique, et fort de l'existence de nombreuses situations d'inégalité de fait, on assiste à une inflation conventionnelle et législative des droits de l'enfant.

Il est presque acquis, aujourd'hui, qu'une abondante proclamation textuelle des droits de l'enfant constitue un code de souhaits moraux ou politiques qui n'emportent juridiquement aucune conséquence sérieuse s'il n'est pas de garantie sérieuse de leur application. Ainsi, le Professeur Henri OBERDORFF affirme : « Affirmer ou proclamer les droits de l'Homme et des libertés fondamentales ne suffit pas, il est indispensable de les organiser et de les protéger de manière adaptée au type des dangers qu'ils courent. Une bonne organisation et une bonne protection constituent les outils d'une bonne garantie de ces droits et de ces libertés »476. Il apparait donc opportun d'analyser les mécanismes institutionnels de garantie des droits de l'enfant.

476 OBERDORFF (H.), Droits de l'Homme et libertés fondamentales, 5ème éd., L.G.D.J.-lextenso éditions, coll. « Manuel », Paris, 2015, p.159.

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Titre II : DES MECANISMES INSTITUTIONNELS DE GARANTIE A

EFFECTIVITE LIMITEE

200

En matière des droits de l'homme, la notion de garantie renvoie à l'idée de mécanismes institutionnels mis en place pour assurer, en droit, la promotion, la protection, ainsi que le contrôle de l'application effective, par les débiteurs, des droits reconnus aux bénéficiaires.

A la multitude des mécanismes observés aujourd'hui dans le domaine s'accompagne une diversité des méthodes et une différenciation des rôles, selon que ces mécanismes sont dits de « promotion » ou de « protection » des droits de l'enfant.

Partout se pose le problème de l'efficacité, voire de l'efficience des mécanismes mis en place. Ces deux éléments ou critères conditionnent tout choix judicieux en matière de protection institutionnelle ou de garantie des droits de l'enfant.

A l'instar de nombre d'Etats, la Côte d'Ivoire est confrontée à la difficulté du choix des meilleurs mécanismes de promotion ou/et de protection des droits de l'enfant. Il se dégage d'un bref parcours de son histoire institutionnelle en la matière que plusieurs mécanismes ont été expérimentés, certains avec plus ou moins de réussite, d'autres avec des résultats complètement mitigés. Il apparait donc opportun d'examiner le cadre institutionnel de protection et de promotion des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire en détachant les mécanismes typiquement gouvernementaux de ceux que l'on pourrait qualifiés de non gouvernementaux. Ces mécanismes se caractérisent par le rôle limité des mécanismes gouvernementaux (Chapitre 1) et l'importance variable des institutions d'appui et de contrôle (Chapitre 2).

201

Chapitre I :

LE ROLE LIMITE DES MECANISMES GOUVERNEMENTAUX

Au plan interne, la Côte d'Ivoire dispose de ses propres mécanismes de promotion et de protection des droits de l'enfant. Les mécanismes étatiques constituent le premier niveau de protection des droits accordés par un Etat à ses enfants. Au nom du principe de subsidiarité caractérisant les mécanismes internationaux, on peut les considérer comme des garanties de « première ligne » relatifs aux droits de l'enfant. D'ailleurs en cas de lacunes ou d'inefficience des mécanismes internationaux ou en cas de non ratification par un Etat des traités instituant ces mécanismes, ils constituent, les seules garanties possibles.

A l'heure actuelle, les actions de la Côte d'Ivoire tournent autour de l'organisation ou de la possibilité d'organisation des structures et des mécanismes aussi divers que variés, généraux que spécifiques, dont l'objectif final demeure, dit-on, l'atteinte d'un meilleur niveau d'effectivité des droits de l'enfant.

Ces mécanismes gouvernementaux lacunaires, et surtout limités dans leur rôle s'articulent autour des organes administratifs à caractère politique et technique (section 1) et des juridictions spécialisées pour enfants (section 2).

202

SECTION I. LES ORGANES ADMINISTRATIFS A CARACTERE POLITIQUE ET TECHNIQUE

Dans quelle mesure l'engagement de la Côte d'Ivoire à respecter les normes internationales relatives aux droits de l'enfant a-t-il influencé la mise en place des organes administratifs de protection de droits de l'enfant dans ce pays ? Et quel est l'apport de ces organes dans la protection effective des droits de l'enfant ?

Pour répondre à ces interrogations, nous examinerons successivement les organes de protection à caractère général (paragraphe 1) et les organes de protection à caractère spécifique (paragraphe 2).

§ 1. LES ORGANES DE PROTECTION A CARACTERE GENERAL

L'on note des efforts des gouvernements ivoiriens successifs dans la mise en place des organes de protection de l'enfant pour assurer la protection des enfants en général. Au titre des structures étatiques, les Ministères compétents chargés de la mise en application de la CIDE477 apparaissent au premier plan. A défaut d'examiner tous les ministères concernés par la question des droits de l'enfant, nous aborderons quelques organes majeurs mis en place dans les ministères de la famille, de la solidarité nationale et de l'enfant, de la justice, de la législation et des droits de l'Homme à l'exception des ministères de l'éducation

477 KOMAN (Y.- G.), La convention relative aux droits de l'enfant : vers une évolution des droits d'expression et de défense des intérêts de l'enfant en Côte d'Ivoire ?, Mémoire de fin de cycle, ENA, 2007, p.48.

203

nationale478 et de la santé479 qui jouent tout aussi un rôle important en matière de droits de l'enfant.

478 Le Ministère de l'éducation nationale comprend dans son organigramme la Direction de la Mutualité et des OEuvres Sociales en Milieu Scolaire (DMOSS). La DMOSS est censée s'occuper des problèmes de protection de l'enfant en milieu scolaire, entre autres : les problèmes de traitement au long cours, d'échecs/difficultés scolaires, de violences sexistes, de maltraitance, etc.). Elle n'a pas de liens fonctionnels avec le MFFAS à l'exception de sa collaboration avec le PNOEV. Son action est majoritairement centrée sur les questions de santé pour lesquelles un partenariat dynamique existe avec le PNSSU. Pour les domaines relatifs à la protection, elle a recours au MEMJDH.

Outre la DMOSS, il existe des Directions Centrales et services rattachés qui interviennent dans la protection de l'enfant :

La Direction Nationale des Cantines scolaires (DNC) : elle a en charge l'alimentation des enfants en milieu scolaire. Son action contribue à améliorer l'accès et le maintien des enfants, surtout les filles à l'école. Par le projet de pérennisation des cantines scolaires, elle lutte, par ailleurs, pour la réduction de la pauvreté chez les femmes.

La Direction de l'Extra et des Activités Coopératives (DESAC) : elle intervient dans l'amélioration de l'environnement scolaire par l'installation de clubs/coopératives scolaires dans les écoles. A cet effet, elle a en son sein, la sous-direction de l'Education Pour Tous (EPT) qui lutte à travers le réseau UNGEI. Ce réseau a en charge la mise en oeuvre des directives du BREDA/ UNESCO qui veulent que les actions de protection soient toujours accompagnées d'un volet éducation et alphabétisation.

La Direction des Ecoles, Lycée et Collège (DELC) : elle a en charge la gestion de tous les établissements scolaires. En matière de protection, elle a fait prendre l'arrêté n° 0075/MEN/DELC du 28 septembre 2009, portant interdiction des punitions physiques et humiliantes à l'école.

Le Service Autonome de l'Alphabétisation (SAA) : il a en charge la définition de la politique nationale d'alphabétisation au niveau de la protection, il intervient dans la lutte contre les pires formes de travail des enfants en partenariat avec le MFPE à travers le projet BIT/IPEC.

La Direction de la Pédagogie et de la Formation Continue (DPFC) : elle s'occupe du développement des programmes scolaires et de la formation continue des enseignants. Dans ce cadre, elle définit des modules et programmes relatifs à la protection des enfants dans les curricula. Ex : Programme d'Education à la Paix et à la Tolérance (PEPT) et introduction d'un module « Droits de l'enfant » dans le curriculum de formation dans les CAFOP.

479 Conformément au décret n°2007-507 du 13 juin 2007 portant organisation du Ministère de la Santé et de l'Hygiène Publique, celui-ci n'a pas de responsabilité formelle en rapport direct avec la protection de l'enfant. Toutefois, dans le cadre d'un système intégré de protection de l'enfant, ce ministère pourrait jouer un rôle fondamental. Au regard de cette potentialité, le cloisonnement actuel du système sanitaire représente une grande opportunité manquée et une possibilité à explorer dans les initiatives de renforcement du système national de protection de l'enfant. Néanmoins, certaines structures sanitaires-surtout les hôpitaux disposent de travailleurs sociaux qui servent d'interface avec les Centres Sociaux pour les enfants et les familles usagers des structures sanitaires qui ont besoin d'une assistance sociale. Mais dans la pratique, la portée de ce dispositif est quasi nulle, faute d'un budget d'aide sociale disponible pour les malades indigents.

204

A. AU NIVEAU DU MINISTERE DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITE NATIONALE

Depuis l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance, les gouvernements successifs ont toujours prévu un poste ministériel en charge de la problématique afférente à l'enfant et ses droits. A titre d'exemple, le décret n°2012-625 du 06 juillet 2012 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de la famille et de la solidarité nationale met à la charge de ce ministère : de concevoir, de mettre en oeuvre et d'assurer le suivi-évaluation de la politique de l'État en matière de développement social et de solidarité conformément aux lois et règlements en vigueur en Côte d'Ivoire et conformément aux visions et politique de développement du gouvernement480.

Les principales missions du ministère de la famille, de la femme et de l'enfant sont de promouvoir la femme sur le plan économique, social, juridique et culturel, de protéger les droits de l'enfant et de favoriser l'épanouissement des citoyens dans le cadre de la famille. Le ministère de la famille, de la femme et de l'enfant est chargé de la mise en oeuvre et du suivi de la politique du gouvernement en matière de protection de la femme, de l'enfant, et de la famille.

En liaison avec les départements ministériels intéressés, il a l'initiative et la responsabilité notamment de la promotion économique, sociale, juridique de la femme. Il contribue aussi à l'élaboration et au suivi des lois et règlements en matière de protection de l'enfant. Pour remplir ce mandat, les agents du ministère proposent une sensibilisation sur les droits de la femme et de l'enfant et diffusent de l'information auprès de la communauté. Ils donnent par ailleurs de l'assistance et conseillent les femmes en difficulté, notamment les filles mères, les veuves et les victimes de violences conjugales.

Ses activités de mise en oeuvre de programmes d'éducation et d'assistance aux enfants mineurs en difficulté et des enfants de la rue se font en liaison avec le ministère en charge de la sécurité sociale qui lutte contre les abandons d'enfants, promeut la participation à la coordination des activités de protection de l'enfance, y compris celle des institutions spécialisées de pris en charge des enfants.

480 Art. 1er du décret n°2012-625 du 06 juillet 2012.

205

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L'actuel ministre a défini les actions prioritaires pour protéger spécifiquement les droits de l'enfant :

a) faire retirer tous les textes sur les droits des enfants et faire le suivi sur la mise en oeuvre ;

b) vulgariser les textes de protection de l'enfant et veiller sur leur application ;

c) intensifier la lutte contre la traite et l'exploitation des enfants en faisant respecter les accords transfrontaliers ;

d) actualiser et mettre en oeuvre le document de politique nationale en faveur de

l'enfant.

En ce qui concerne les directions techniques, régionales et départementales du ministère, elles assurent la mise en oeuvre au niveau de chaque département de la politique nationale en matière de promotion de la famille, de l'enfant, du genre et de la solidarité nationale. Nous nous pencherons ici sur le rôle des directions de la protection de l'enfance et la direction régionale de l'enfant.

1. La direction de la protection de l'enfance (DPE)

La Direction de la Protection de l'Enfance (DPE) est l'un des services techniques du Ministère de la famille, de l'enfant et de la solidarité nationale. Il intervient, comme son nom l'indique, dans la protection de l'enfance.

Aux termes du décret n°2011-431 du 30 novembre 2011 portant organisation du Ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant, la direction de la protection de l'enfant est chargée : «

- De mettre en oeuvre les programmes d'éducation et d'assistance aux enfants en difficulté ;

- D'élaborer et de suivre l'application des lois et règlements en matière de protection de l'enfant ;

- De concevoir et de développer une politique nationale de protection de l'enfant ; - De lutter contre les abandons d'enfants ;

- D'informer et de sensibiliser sur les droits de l'enfant ; - De coordonner les interventions en faveur de l'enfant ;

- De participer à la coordination, à l'identification et à la mise en oeuvre des mesures liées à la lutte contre la traite et l'exploitation des enfants et les pires formes de travail des enfants. »481.

La direction de la protection de l'enfance est composée de trois sous-directions que sont : la sous-direction de la Promotion des droits de l'enfant, la sous-direction de l'Enfance et la sous-direction de la planification et du suivi-évaluation. Les sous directions sont dirigés par des sous-directeurs nommés par arrêté482.

Une telle institution existe aussi bien dans d'autres pays ouest africains avec quelques légères différences au niveau de la composition et des attributions. Il en va ainsi de la Direction de la protection de l'enfance au Bénin. Comprenant, entre autres, un service de la Réinsertion de l'enfant et de l'adolescent, un service de la protection de l'enfant et de l'adolescent et un service de la statistique, de la recherche et de la législation, la DPE béninoise assure, au titre de l'article 63 du décret n°2009-244483, l'élaboration, la mise en oeuvre des programmes en faveur de l'enfant et de l'adolescent. Pour cette raison, elle est chargée de :

- veiller à la vulgarisation et à l'application effective des textes juridiques sur la protection de l'enfant, en l'occurrence la Convention relative aux droits de l'enfant et les autres instruments juridiques nationaux et internationaux en faveur de l'enfant, ratifiés par le Bénin ;

- élaborer, en relation avec toutes les structures concernées, le programme de soutien et de réinsertion sociale des enfants en situation difficile ;

481 Article 13décret n°2011-431 du 30 novembre 2011 portant organisation du ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant.

482 Article 13décret n°2011-431 du 30 novembre 2011 portant organisation du ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant.

483 Voir l'article 1er de l'arrêté 2007 n°1280 /MFFE/DC/SGM/DEA/SA, portant Attribution, Organisation et Fonctionnement de la Direction de l'Enfance et de l'Adolescence.

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- définir, en collaboration avec les Ministères et organismes concernés, le cadre de référence pour la création et le fonctionnement des institutions de protection des enfants et des adolescents ;

- coordonner les actions des Organismes et des Organisations Non gouvernementales qui oeuvrent en faveur de l'enfant et de l'adolescent.

- initier, en collaboration avec d'autres départements ministériels, des textes législatifs et réglementaires permettant la mise en application

effective des droits de l'enfant et de l'adolescent ;

- assurer le suivi des programmes, des résolutions et recommandations issus des rencontres nationales et internationales relatives à la promotion de l'enfant ;

- Et enfin, assurer la surveillance nutritionnelle des enfants de 0 à 5 ans.

Comparé à la DPE béninoise, on peut regretter qu'en Côte d'Ivoire, il n'existe pas au niveau de la DPE une direction entièrement consacrée à la réinsertion des enfants eu égard à l'importance de cette notion au nom de l'intérêt de l'enfant. Qui plus est, cette direction reste méconnue de la majorité des Ivoiriens car aucune action de promotion relative à la vulgarisation de cette structure n'est entreprise. Toutefois, à travers ses attributions, la DPE apparaît comme étant l'une des chevilles ouvrières dans la mise en oeuvre des Normes internationales relatives aux droits de l'enfant, ratifiée par la Côte d'Ivoire au niveau de l'administration ivoirienne.

A côté de la Direction de la protection de l'enfance qui a une compétence nationale, les démembrements du ministère au niveau des régions interviennent aussi dans la protection des enfants. C'est le cas de la Direction régionale de la famille et de l'enfant qui coordonne les services extérieurs du ministère de l'enfance.

2. Direction régionale de la Famille et de l'enfant et ses démembrements

Le territoire ivoirien, depuis le décret n°2011-263 du 28 Septembre 2011 était découpé en 30 régions484 ; mais en 2012, aux 30 régions existantes, la région Moronou a été

484 Article 1et 4 décret n°2011-263 du 28 Septembre 2011.

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ajoutée485 comme la 32ème région ; les directions régionales et départementales de l'enfant et de la Solidarité nationale sont présentes dans toutes les régions et chefs-lieux de départements du pays ; Ce qui apparait incontestablement salutaire car rapprochant ces directions des usagers.

Nous aborderons ici le rôle de la direction départementale dans la protection de l'enfant ainsi que les actions des services d'actions sociales oeuvrant sous sa tutelle et qui malheureusement se caractérisent par une inégale répartition sur le territoire ivoirien. - Le rôle de la direction régionale dans la protection des enfants

Ayant pour rôle d'assurer la mise en oeuvre locale de la politique nationale qui relève de la compétence du Ministère en charge des enfants, la Direction régionale doit veiller, au niveau de chaque région, à la réalisation des objectifs du gouvernement en matière de promotion de la femme, de l'enfant, et de la solidarité.

En ce qui concerne la question spécifique de la protection de l'enfant, la direction a la charge de veiller à la mise en oeuvre des actions de protection sociale, à l'application de la législation en vigueur, de promouvoir et d'harmoniser les activités des ONG et associations qui oeuvrent dans le domaine de la protection des enfants, de coordonner, suivre et évaluer les activités des centres de promotion sociale, de veiller à l'exécution correcte des prestations des services sociaux spécialisés, de contribuer à la lutte contre la pauvreté et les fléaux sociaux, de veiller au respect de l'application, par les structures d'accueil, des normes et standards en matière de protection sociale et d'infrastructures, de gérer les secours conformément aux textes en vigueur etc486. Pour mener à bien ses missions, la direction sociale se fonde sur un réseau important des services d'actions sociales marqué au coin d'une inégale répartition géographique.

- Un réseau important de services d'action sociale inégalement répartis

485 Article 1 Décret n°2013-du 02 mai 2013 portant érection de trente et une (31) régions, circonscriptions administratives, en collectivités territoriales régionales.

486 KOUADIO (K.-H.), Cadre législatif et institutionnel de la protection de l'enfant en Côte d'Ivoire, Séminaire de formation du personnel du Médiateur de la République sur les Droits de l'Enfant Thème "La mise en oeuvre de la CDE et la situation des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire" Abidjan, du 21 au 22 juillet 2016, inédit.

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Les directions régionales regroupent dans leur zone de compétence : les centres de protection de la petite enfance, les complexes socio-éducatifs, les centres d'éducation spécialisée , le centre d'éducation polyvalent de Kaniasso-Odienné , les centres d'actions communautaire pour l'enfance , les crèches, les garderies d'enfants, les institutions de formations et d'éducation féminine et le centre éducatif de la zone 4-C. Nous les regrouperons volontiers sous le terme de services d'action sociale (SAS) dans le cadre de nos développements. Les services d'action sociale sont sous la tutelle de la Direction régionale de la famille. Ils constituent des relais de cette dernière au niveau des populations à la base (commune). A ce titre, les services d'action sociale appuient le développement des communautés à la base, à travers la prévention et la gestion des risques sociaux encourus par les populations et particulièrement les couches les plus vulnérables dont les enfants.

Sur le terrain, ils ont normalement à charge :

- d'identifier, à travers une étude du milieu, les risques sociaux qui entravent le développement humain durable au sein de la communauté desservie ;

- d'oeuvrer à la résolution progressive des problèmes sociaux en se basant sur les ressources de l'État, les potentialités du milieu et les appuis des partenaires ;

- de donner des appuis-conseils aux individus, aux familles et élus locaux, en cas de nécessité ;

- de contribuer à l'exécution au niveau des communes des projets et programmes de portée multisectorielle, compatibles avec la mission du Ministère ;

- d'appuyer les communautés à la base dans la conception, l'élaboration, la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation des projets et programmes de développement ;

- de contribuer, entre autres, à la promotion de la famille, de l'enfant, des orphelins et enfants vulnérables ; etc.

Dans la pratique, les services d'action sociale (SAS) sont loin d'assurer ces charges qui leur sont assignées. D'une part, il a été relevé sur le terrain, que les SAS ne disposent pas de moyens nécessaires pour assumer leur mission. L'absence ou l'excessive modicité de moyens financiers, notamment du budget de fonctionnement, rend les SAS dépendants des

ONG nationales ou internationales. Aussi, les moyens matériels et humains font défaut. Dans la plupart des SAS visités, on remarque que la grande partie du matériel disponible a été fournie par les partenaires comme l'Unicef ou l'Union européenne487; A cela s'ajoute aussi un nombre limité du personnel en place, celui-ci variant entre 1 et 5 personnes dans les SAS visités.

En Côte d'Ivoire, on dénombre les principales structures d'actions sociales suivantes : 108 centres sociaux (CS), 17 Centres d'éducation spécialisés (CES), 43 centres de protection de la petite enfance (CPE) dont 43 publics et 27 privés, ainsi que 85 centres d'Action communautaire pour l'Enfance (CACE)488. Il existe également des institutions spécialisées (2 orphelinats, 4 pouponnières et 3 villages SOS.)489 Depuis 2011, les services d'action sociale sont assurés par le Ministère de la solidarité, de la famille, de la femme et de l'enfant (MSFFE) et le ministère de l'emploi des affaires sociales et de la formation professionnelle. Le MSFFE a le mandat de la coordination et du suivi de l'action sociale visant la protection de l'enfant.

Comparativement aux autres pays de la région, la Côte d'Ivoire offre un dispositif de services d'action sociale riche mais qui est inégalement réparti sur le territoire, et sans corrélation avec la cartographie des vulnérabilités et des besoins sociaux.

Chaque année l'institut National de Formation sociale (INFS) forme environ 500 travailleurs sociaux diplômés, qui sont déployés dans différents secteurs de la fonction publique490. Les travailleurs sociaux des services d'action sociale demeurent en nombre insuffisant et toujours inégalement déployés sur l'ensemble du territoire. En effet, le déploiement des services ne cadre pas avec la cartographie de la pauvreté. La moitié des travailleurs sociaux étant actifs dans la région des lagunes491 et plus précisément dans la ville d'Abidjan.

487 Le donateur prend soin de mentionner son nom sur le matériel en question.

488 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

489 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

490 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

491 En 2014, on relevait un personnel social pour 52000 personnes au niveau national contre 13000 pour la région des lagunes. Voir Unicef, op.cit.p.99.

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Dans la moitié des départements, les centres sociaux n'existent pas. Seulement un département sur cinq dispose d'un centre d'éducation spécialisée492. Le personnel local des régions de l'Ouest et du centre du pays ne dépasse pas pour chacune d'entre elles, vingt travailleurs sociaux. Or ces régions doivent faire face à des défis importants en termes de protection493.

Les structures d'action sociale opèrent sans que ne soient précisément définis leur mandat et leur fonctionnement494. L'absence d'autonomie de caisse de services d'action sociale handicape la prestation de services d'assistance en particulier pour la prise en charge d'urgence. La standardisation des prestations aux enfants ayant besoin de protection spéciale reste à mettre en place au niveau national pour chacun des services concernés. Des procédures multisectorielles de signalement et de référencement et prise en charge ont été développées en 2013 mais doivent encore être opérationnalisées à l'échelle nationale, y compris avec une formation subséquente de tous les professionnels concernés. Les professionnels des services de l'action sociale, de la santé, l'éducation, la sécurité et la justice doivent avoir leurs compétences renforcées en matière de détection, référence et prise en charge des enfants victimes et handicapés495.

Le système de suivi et d'inspection de l'action sociale est limité. La production périodique de statistiques nationales sur les besoins sociaux et la réponse adéquate n'est pas soutenue par un système national d'information et de routine496. La dispersion des services d'action sociale sous des tutelles ministérielles différentes impacte négativement sur l'organisation efficiente, la qualité et le suivi des services d'action sociale destinés aux populations les plus vulnérables, et en particulier les enfants en situation de détresse ou de grave danger. L'absence d'un système de détection et de suivi à base communautaire est souvent observée497.

En ce qui concerne la protection des enfants, les SAS accueillent les enfants victimes de traite, de violences de tous genres qui y sont conduits (même si telle n'est pas leur vocation).

492 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

493 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

494 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.103.

495 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.103.

496 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.103.

497 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.104.

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Par exemple, dans le domaine de la traite des enfants, les SAS sont souvent chargés de l'identification des familles des enfants victimes, des enquêtes sociales diligentées sur les familles des enfants victimes, du suivi des activités des comités locaux de lutte contre la traite des enfants. Relevons également que dans l'intérêt supérieur des enfants, les services d'action sociale (SAS) collaborent avec les ONG et les centres d'accueil privés498.

Compte tenu du manque de moyens logistiques et de personnel qualifié, les SAS sont très limités dans leurs actions sur le terrain. Ce faisant, ils recourent par le biais de leur ministère de tutelle, à l'action du ministère en charge de la justice et des droits de l'homme dont le rôle apparait non négligeable en matière de protection des enfants et de leurs droits.

B. AU NIVEAU DU MINISTERE D'ETAT, MINISTERE DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE L'HOMME

Comme l'indique sa dénomination, le ministère de la justice, des droits de l'homme et des libertés publiques est chargé de la mise en oeuvre et du suivi de la politique du gouvernement en matière de justice, de droits de l'homme et des libertés publiques. L'analyse du décret 2011-257 remplaçant le décret n°2006-70 du 26 avril 2006, portant organisation du Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme499 , offre de constater une réorganisation dudit ministère. Aux termes de ce nouveau décret, le ministère dispose de sept (7) directions, soit la direction des études de la législation et de la documentation, la direction des affaires civiles et pénales, la direction des services judiciaires, la direction des affaires financières, la direction des archives, des statistiques de l'information, la direction de l'administration pénitentiaire et finalement, la direction de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse500. Mais nous allons, dans ce point, nous focaliser sur la Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la jeunesse et un autre organe théoriquement donné comme indépendant mais dont le budget est rattaché au ministère de la justice, à savoir, la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI) qui contribue aussi à la mise en oeuvre des droits de l'enfant.

498 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, pp.41-42.

499 Article 42 du décret n°2006-70 du 26 avril 2006, portant organisation du Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme.

500 Décret 2011-257 du 28 septembre 2011, Article 7.

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1. La Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse (DPJEJ)

La direction de la protection judiciaire de l'enfance et de jeunesse est une direction sous la tutelle du Ministère d'Etat, Ministère de la justice et des droits de l'Homme (MEMJDH). Relevant du Ministère de la justice, elle est chargée d'apporter une assistance judiciaire à la fois aux enfants en conflit avec la loi et aux enfants en danger physique et moral. Pour ce faire, la Direction comprend quatre services à savoir le centre d'observation des mineurs situé au sein de la maison d'arrêt et de correction d'Abidjan501 (MACA), l'assistance éducative, le service de liberté surveillé et le centre de rééducation de Dabou502.

Elle est chargée de :

- Proposer des réformes en matière de politique de protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse ;

- Mettre en oeuvre la politique de protection de l'enfance et de la jeunesse ;

- Proposer des mesures de prévention et de lutte contre la délinquance des jeunes ;

- Organiser et contrôler les structures d'observation, d'accueil, de placement, d'assistance éducative, de formation et de rééducation des mineurs ;

- Mettre en oeuvre le régime de la liberté surveillée et de l'assistance éducative ;

- Renforcer les relations avec les personnes ou institutions publiques ou privées recevant des mineurs ainsi qu'avec toutes personnes et organisations participant à la protection de l'enfance et de la jeunesse.

Le MEMJDH dispose d'une Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse. Elle élabore et met oeuvre la politique de protection judiciaire des enfants503. Les

501 Abidjan est la capitale économique de la Côte d'Ivoire, dont la capitale administrative et politique est Yamoussoukro. Elle est également la ville la plus peuplée de l'Afrique de l'Ouest francophone. Elle compte selon les autorités du pays, en 2014, 4707000 habitants soit 20% de la population totale du pays, tandis qu'elle représenterait 60% du produit intérieur brut du pays.

502 Dabou est une ville de Côte d'Ivoire proche d'Abidjan et située administrativement dans la Région des grands ponts. La ville de Dabou est chef-lieu de commune, sous-préfecture mais également chef-lieu du département de Dabou.

503 Décret n°2006-70 du 26 avril 2006 portant organisation du Ministère de la Justice et Droit de l'Homme.

214

enfants pris en compte par son mandat sont spécifiquement ceux qui sont en conflit avec la loi. Dans ce cadre, le MEMJDH emploie des travailleurs sociaux (un par juridiction, mais toutes les juridictions n'en sont pas encore pourvues), pour des activités d'enquête sociale, d'observation et de réinsertion. Il convient de noter que les travailleurs sociaux exerçant au MEMJDH étaient formés jusqu'en 2010 à l'Institut National de Formation Sociale 504(INFS). Notons que chaque année, cet institut forme environ 500 diplômés en action sociale (éducateurs périscolaires, maitres d'éducation spécialisée, assistants sociaux, éducateurs spécialisés)505. Il est à noter que l'institut ne dispose pas de module ou de cours portant spécifiquement sur les problèmes de protection de l'enfant ou du bien-être de la famille506.

Mais la réforme du secteur de la justice en cours envisage de regrouper la formation de ses agents dans une nouvelle école dénommée « l'institut national de formation judiciaire (INFJ) »507. L'institut est composé de 4 écoles différentes, soit : l'école de la magistrature, l'école des greffes, l'école des personnels pénitentiaires et de l'éducation surveillé, puis celle de l'école de la formation continue et des stages. Ces écoles sont actuellement réparties sur différents sites, inadaptés aux besoins de formation et trop étroits. Bien qu'il n'existe pas de formation spécifique sur la protection de l'enfance destinée aux juges des enfants, ni aux procureurs, il existe une formation commune de base d'une durée de 30 heures dispensées à tous les élèves magistrats depuis 1983, incluant les articles spécifiques du code pénal

504 Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales, Direction de la planification des études et de la documentation « Cartographie et analyse du système de protection de l'enfant en Côte d'Ivoire », Rapport final, avril 2010, p.43, disponible en ligne sur http://cpwg.net/wp-content/uploads/sites/2/2012/09/Cote-dIvoire-Systeme-protection-enfant-Rapport-2010-FRA.pdf ( consulté le 06/05/2015).

505 Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales, Direction de la planification des études et de la documentation « Cartographie et analyse du système de protection de l'enfant en Côte d'Ivoire », Rapport final, avril 2010, p.43, disponible en ligne sur http://cpwg.net/wp-content/uploads/sites/2/2012/09/Cote-dIvoire-Systeme-protection-enfant-Rapport-2010-FRA.pdf ( consulté le 06/05/2015).

506 Ibid.

507 L'institut national de formation judiciaire (INFJ) est un établissement public national à caractère administratif crée par le décret n° 2005-40 du 03 Février 2005, qui est devenu fonctionnel en 2008.Il a pour mission la formation initiale et continue des magistrats, des greffiers, du personnel de l'administration pénitentiaire et de l'éducation surveillée. L'institut peut, dans le cadre d'un accord conclu avec les ordres et les chambres professionnelles, assurer la formation des avocats, des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs. Il peut également dans le cadre d'un accord de coopération, assurer la formation des magistrats, des greffiers, des avocats et du personnel de l'administration pénitentiaires étrangers. Il est placé sous la tutelle administrative et technique du ministère chargé de la justice et sous la tutelle économique et financière du ministre chargé de l'Economie et des finances.

215

concernant la minorité. Il existe également une formation pour les agents d'encadrement pénitentiaire et les maitres d'éducations surveillée, mais pas pour les greffiers. Cette formation aborde brièvement le sujet du traitement de la délinquance juvénile et des moyens de rééducation, mais ne répond actuellement pas aux normes internationales de justice pour mineurs. Cependant, plusieurs matières, telles que l'éducation des enfants, la sociologie de la famille, la psychologie de l'enfance et les procédures à suivre dans le traitement d'un dossier de mineur, sont enseignées, l'ensemble du cursus insiste davantage sur la question des enfants en conflit avec la loi. Le directeur national de l'INFJ est également instructeur à l'école de la gendarmerie d'Abidjan, et son cours, d'une durée environ de 30 heures, porte sur le traitement des mineurs. Ces cours s'adressent aux officiers de police judiciaire.

Par ailleurs, le service de l'assistance éducative508 (SAE) apporte en faveur des enfants victimes et de leurs parents, des conseils concernant toutes les démarches y compris celles judiciaires à entreprendre dans l'intérêt des enfants en danger. Le service procède souvent au placement des enfants en danger dans des centres sociaux. Le SAE est confrontée dans son fonctionnement à des problèmes financiers et matériels. L'absence surtout d'un centre d'accueil d'une grande capacité lui rend la tâche compliquée. En effet, le SAE utilise le centre d'accueil « Sauvetage » du Bureau International Catholique pour l'Enfant (BICE) pour placer les enfants. Ledit centre est géré par le BICE dans les locaux de l'AE509.

508 Les mesures de protection ou d'assistance éducative sont contenues dans la loi n° 70-483 du 3 Août 1970 sur la minorité :

Article 10 : « Les mineurs peuvent faire l'objet de mesures de protection ou d'assistance éducative : 1°) lorsqu'ils donnent à leurs parents ou à la personne investie du droit de garde des sujets de mécontentements très graves, par leur inconduite ou leur indiscipline ; 2°) lorsque leur santé, leur sécurité, leur moralité, ou leur éducation sont compromises ou insuffisamment sauvegardées en raison de l'immoralité ou de l'incapacité des père ou mère ou de la personne investie du droit de garde. ».

Article 11 : « Les mesures de protection ou d'assistance éducative visées à l'article précédent sont ordonnées par le juge des tutelles qui peut notamment prescrire la remise du mineur : 1°) celui des père et mère qui n'a pas l'exercice du droit de garde ; 2°) à un autre parent ou à une personne digne de confiance ; 3°) à tout établissement public ou privé relevant du service de l'aide sociale à l'enfance. ».

Article 12 : « Les frais d'entretien, d'instruction, d'éducation et de rééducation du mineur qui a fait l'objet d'une des mesures visées à l'article précédent incombent aux père et mère. Lorsqu'ils ne peuvent supporter la charge totale de ces frais et des frais de justice, la décision fixe le montant de leur participation ou déclare qu'en raison de leur indigence, il ne sera alloué aucune indemnité. ».

509 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.39.

216

L'élargissement des services de la DPJEDJ est également nécessaire. Cette direction a en charge la protection des droits des enfants en conflit avec la loi et celle des enfants en danger. Cependant, il ressort que parmi ses quatre (4) services, seule l'assistance éducative s'occupe en partie du cas des enfants en danger. La pratique a même révélé que même au sein du SAE, c'est la question de l'enfant en conflit avec la loi qui est la plus traitée. Il convient de créer d'autres services effectivement en charge de la question de l'enfance en danger afin de faciliter l'écoute, les conseils et l'orientation de ces enfants et leurs représentants légaux.

Il est important de rendre les enfants victimes plus visibles. Cela passe pour ce qui concerne les enfants, par la création de centres sociaux ou de points d'écoute avec un personnel formé pour recevoir les enfants, les parents, les voisins ou toute autre ayant connaissance d'une enfant en situation difficile.

Cette direction assure de plus, l'organisation et le contrôle des structures accueillant des mineurs (centre d'observation des mineurs, centres éducatifs, de formation et de rééducation des mineurs)510. Il convient de noter que, malgré le mandat du ministère qui englobe tant les enfants victimes que ceux en conflit avec la loi, la pratique montre que seuls ces derniers sont rencontrés par des juges. On est tenté d'affirmer que tout est en place (sur papier) pour l'enfant auteur de crime, alors qu'aucune prise en charge juridique n'est prévue pour l'enfant victime511. Autre mission intéressante, la direction a aussi pour mandat de « renforcer les relations avec les personnes ou institutions publiques ou privées recevant des mineurs ainsi qu'avec toutes personnes et organisations participant à la protection de l'enfance et de la jeunesse512. »

Dans la pratique, lorsque la Direction de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse a connaissance d'un cas de violation des droits de l'enfant ou lorsqu'elle en est saisie, elle contacte la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) qui diligente une enquête. Au terme de l'enquête, la BPM lui envoie un rapport ou, en cas de nécessité, la Brigade saisit directement le Procureur de la République. En ce qui concerne les enfants en danger moral,

510 Décret n°2006-70 du 26 avril 2006 portant organisation du Ministère de la Justice et Droit de l'Homme, Article 12.

511 Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales, Direction de la planification des études et de la documentation « Cartographie et analyse du système de protection de l'enfant en Côte d'Ivoire », Rapport final, avril 2010, p.44, disponible en ligne sur http://cpwg.net/wp-content/uploads/sites/2/2012/09/Cote-dIvoire-Systeme-protection-enfant-Rapport-2010-FRA.pdf ( consulté le 06/05/2015)

512 Décret 2011-257 du 28 septembre 2011, Article 12.

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la Direction effectue des enquêtes auprès des parents de l'enfant513. Si à l'issue de l'enquête, l'enfant peut être retourné dans sa famille, l'on prend soin de sensibiliser les parents avant de l'y intégrer. Dans le cas contraire, la Direction entre en contact avec les centres de prise en charge des enfants en situation difficile. Sur ce plan, il a été relevé que la Direction s'appuie beaucoup sur les Centres des organisations non gouvernementales, notamment le Centre « SAUVETAGE » du BICE. Ce centre semble être le principal sinon l'un des partenaires privilégiés du Ministère de la justice en matière de placement des enfants. On peut y ajouter d'autres centres tels la Fondation AMIGO514 qui se chargent de l'accueil des filles en situation difficile.

Concernant les enfants en conflit avec la loi, la Direction assure le suivi judiciaire des dossiers des mineurs en conflit avec la loi. Dans ce cadre, lorsque l'infraction commise est mineure, la direction négocie avec le juge pour qu'il ordonne une mesure de placement alternative. Cependant, on imagine bien que la direction n'est pas systématiquement informée de tous les cas de mineurs en conflit avec la loi. La DPJEJ prend souvent connaissance des cas lors des tournées annuelles qu'elle effectue dans les centres de détention du pays. Au cours de ces tournées, les mineurs en détention, souvent en détention provisoire, sont interrogés et les informations recueillies peuvent amener la DPJEJ à demander la mise en placement d'un enfant. La Direction assure également la supervision des conditions d'éducation des enfants au niveau des centres publics et privés de placement des enfants, conformément aux normes et standards en vigueur.

513 L'enquête sociale est en réalité réalisé le centre de protection sociale du ressort des parents de l'enfant avec qui la direction collabore.

514 La FONDATION AMIGÓ a été constituée à Madrid (Espagne) le 19 avril 1996 par la Congrégation de Religieux Tertiaires Capucins1 et dressée en Acte Publique constitutif de la Fondation conféré celui-ci par le Notaire Monsieur MARQUES PEREDA Ange l. Le siège central est à Madrid, Rue Zacarias Homs, 18 28043 MADRID. Le 27 novembre 1999 le Patronat a accordé, en séance ordinaire, de créer une Délégation (Bureau National) de la FONDATION AMIGÓ sur le continent africain dont le siège est à Abidjan (Côte d'Ivoire) 23 BP 2738 Abidjan 23, dans l'enceinte du Centre AMIGO-DOUME de Niangon-Lokoa, commune de Yopougon. Le Ministère d'Etat, Ministère de l'Administration du Territoire a octroyé l'Arrêté n° 168/MEMAT/DGAP/DAG/SDVAC portant déclaration de l'Association étrangère dénommée FONDATION AMIGO, le 17 juillet 2003. Le but de la FONDATION AMIGÓ est : « La recherche, la formation, la sensibilisation, l'assistance et la coopération technique dans les domaines de l'éducation et du social pour le développement humain, la qualité de vie, et l'amélioration de la prévention, l'assistance, l'intégration, et la réhabilitation d'enfants, d'adolescents et de jeunes qui subissent l'abandon, la marginalisation, l'alcoolisme, la toxicomanie, la délinquance, le mauvais traitement, l'isolement et la pauvreté».

218

En réalité, la DPJEJ a souvent du mal à accomplir sa mission. Le manque de moyens, notamment financiers et matériels semble être son principal handicap. Dans ces conditions, et vu le rôle qu'elle est censée jouer dans la protection des droits de l'enfant, il est difficile à ce service d'accomplir efficacement sa mission.

Outre ces organismes rattachés par les textes à différents ministères, il importe d'analyser le rôle joué par la Commission nationale des droits de l'homme dans le processus de mise en oeuvre des droits reconnus aux enfants en Côte d' Ivoire.

2. De l'apport de la Commission nationale des droits de l'homme dans la protection des enfants

A la suite d'un long processus commencé en 2000, la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI) a été créée par la Décision n° 2005-08/PR du 15 juillet 2005 qui a force de loi.

La CNDHCI, qui a commencé à fonctionner de façon effective le 31 juillet 2007, s'articule autour de trois organes : l'Assemblée Générale, le Bureau Exécutif et le Secrétariat Général. Elle exerce des fonctions de concertation, de consultation, d'évaluation et de propositions en matière de promotion, de protection et de défense des Droits de l'Homme. Cette décision susvisée a été remplacée par la loi n° 2012 -1132 du 13 décembre 2012515 et le décret n° 2012-1133 du 13 décembre 2012 portant création, attributions, fonctionnement et organisation de la CNDHCI.

Elle est, aux termes de la loi, un organe indépendant, doté de la personnalité juridique et d'une autonomie financière. Elle exerce des fonctions de concertation, de consultation, d'évaluation et de proposition en matière de promotion, de protection et de défense des Droits de l'Homme.

A ce titre, la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire peut être saisie par toute personne physique ou morale résidant en Côte d'Ivoire et ayant intérêt à agir en cas de violation des Droits de l'Homme. Elle peut donc également être saisie par tout

515 Loi n°2012-1132 du 13 décembre 2012 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI), et qui abroge la Décision n° 2005-08/PR du 15 juillet 2005 ayant force de loi, qui elle-même modifiait la loi n°2004-302 du 03 mai 2004 portant création de la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI).

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citoyen victime ou témoin de violations des droits de l'homme. Aucune condition d'âge ou de nationalité n'est exigée. Pour l'accomplissement de ses missions, la CNDHCI dispose d'un pouvoir d'auto-saisine non juridictionnel ; Elle peut en effet se saisir d'office de tout cas de violation des Droits de l'Homme commis en Côte d'Ivoire.

Elle procède à des enquêtes non judiciaires, mène toutes investigations nécessaires sur les plaintes et dénonciations dont elle est saisie. Dans la conduite de ses enquêtes, la Commission peut assigner tout témoin à comparaître et exiger toute assistance de la part des organismes de l'État, pour permettre la manifestation de la vérité. Elle adresse un rapport contenant les mesures qu'elle propose au Gouvernement.

Elle peut aussi interpeller toute autorité ou détenteur d'un pouvoir de coercition, sur les violations des Droits de l'Homme dans les domaines qui les concernent et propose des mesures tendant à y mettre fin. Elle peut également procéder à la visite des établissements pénitentiaires et de tout lieu de garde à vue, après autorisation du Procureur de la République compétent qui peut y assister.

Elle étudie toute question relative à la protection des Droits de l'Homme. Elle informe périodiquement le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Conseil constitutionnel, le Médiateur de la République, le Président du Conseil économique et social, le Premier Ministre, l'Assemblée nationale, le Ministre en charge des Droits de l'Homme et tout le Gouvernement de ses activités et leur fait des propositions tendant à la mise en oeuvre, par l'Etat, des résolutions des organes et institutions de l'Organisation des Nations Unies, de l'Union Africaine et de toutes autres organisations internationales intervenant dans le domaine des Droits de l'Homme.

Elle remet aux autorités suscitées, un rapport annuel sur l'état des Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire qui doit être rendu public par ses soins. A cet effet, elle a publié et diffusé, en 2008, 2009, 2010 et 2011, un rapport annuel516 sur l'Etat des Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire. Elle donne à titre consultatif au Gouvernement, au Parlement et à toute autre institution de l'Etat, soit à leur demande, soit d'office, des avis concernant toute question relative à la protection des Droits de l'Homme.

516 http://www.cndh.ci/publication/pdf/1444079449_Rapport-2014.pdf (consulté le 06/05/2015)

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Elle participe à l'élaboration des rapports prescrits par les instruments juridiques internationaux auxquels la Côte d'Ivoire est partie et entretient dans le cadre de sa mission, des rapports avec les institutions et organisations nationales et internationales intervenant dans le domaine des Droits de l'Homme, conformément à la politique définie par le Gouvernement. La Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire se compose de membres avec voix consultative et de membres avec voix délibérative.

Les membres avec voix délibérative sont : quatre représentants de l'Assemblée Nationale ; deux représentants du Conseil économique et social ; deux représentants du Médiateur de la République ; deux représentants du Conseil Supérieur de la Magistrature ; deux représentants de l'ordre des avocats ; un représentant par centrale syndicale ; quatre personnes reconnues pour leur compétence dans le domaine des Droits de l'Homme dont au moins une femme ; trois représentants du monde religieux ; trois représentants du monde paysan dont au moins une femme ; un représentant de chaque partie signataire de l'accord de Linas-Marcoussis.

Quant aux membres avec voix consultative, ils proviennent des ministères concernés.

La nouvelle CNDHCI a redémarré effectivement ses activités le 21 juin 2013, soit plus de 11 mois après l'expiration du mandat des premiers commissaires, intervenue depuis le 31 juillet 2012. En effet, au terme du mandat des premiers membres de la Commission, une réforme a été engagée par le Gouvernement, à l'issue du Conseil des Ministres du jeudi 06 septembre 2012, à travers l'adoption d'un projet de loi portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la CNDHCI, visant surtout le renforcement du cadre institutionnel de la CNDHCI, en rendant son statut juridique plus conforme aux "principes de Paris517", avec l'exclusion des entités politiques au profit des organisations non gouvernementales (ONG).

517 Sur le plan international, la Commission française a été à l'origine de la relance du réseau international, particulièrement grâce à l'influence de Paul Bouchet. Parmi les moments importants, la tenue d'une conférence internationale des Institutions-soeurs à Paris en octobre 1991, à l'issue de laquelle les « Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales de défense et de promotion des droits de l'Homme » ont été adoptés. Ces principes visent notamment à garantir l'indépendance et le pluralisme de ces institutions. Ils insistent également sur le fait que les institutions nationales doivent voir leur mandat énoncé dans un texte constitutionnel ou législatif, c'est la raison pour laquelle la France a adopté une loi en 2007. Ces principes prévoient également la possibilité de compétences à caractère quasi juridictionnel. Cela n'a pas été suivi en France où l'on a préféré privilégier un système souple, compte tenu du fait de l'existence d'autres organes compétents, qu'il s'agisse du juge administratif ou du Médiateur. L'esprit était celui d'un club ou les

221

Au-delà de cette volonté affichée, il nous parait utile de relever deux défis majeurs à la garantie de l'indépendance de cette Commission. Ses défis sont à rechercher dans la nomination de ses membres, leur traitement, avantage et indemnités, ainsi que la détermination du budget de la CNDHCI. Il s'agit de :

- L'ineffectivité de l'autonomie financière de la Commission : à ce jour, la CNDHCI a, théoriquement, un budget propre indépendant mais en réalité celui-ci transite par la direction financière du ministère en charge des droits de l'homme. Il en va ainsi de leur traitement, avantages et indemnités financières qui se font par le ministère de l'économie et des finances sur proposition du ministère de la justice. Concernant le budget de la CNDHCI, il est déterminé par le Ministre de la justice. Ceci offre à ce ministère une opportunité de bloquer les décaissements au cas où, pour une raison ou une autre, il serait tenté de bloquer le travail de la Commission. En réalité ce ministère devient juge de l'opportunité de ses activités ;

- L'opportunité offerte aux tenants du pouvoir, à travers différents ministères et organismes étatiques, de désigner un quota important de membres. En effet, sur les seize membres de la CNDHCI qui ont voix délibératives seules sept (7) sont issus de la société civile, les neuf autres sont des acteurs étatiques. La nomination des membres découle derechef de la volonté des membres du gouvernement, notamment, des préfets de région et du ministre de la justice.

Au regard de ce qui précède, des interrogations importantes méritent d'être posées : L'Etat envisage-t-il de donner une plus grande autonomie à la CNDHCI notamment en la dotant de ressources financières directes sans passer par le ministère en charge des droits de l'Homme ? L'Etat peut-il garantir que la composition de la CNDHCI est de nature à lui assurer une indépendance vis-à-vis de toute influence politique ? « Vérité en deçà des

Commission venues de tous les continents, du Canada comme de l'Australie se retrouvaient pour la première fois. Les principes de Paris ont été transmis à la Commission des droits de l'homme en 1992. Lors de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de Vienne en 1993, les institutions nationales ont participé aux travaux à titre propre, avec leurs propres réunions parallèles. Leur rôle est mentionné à plusieurs reprises dans la Déclaration et programme d'action de Vienne, notamment en matière d'éducation et de lutte contre le racisme. Mais la principale consécration est venue de l'Assemblée Générale des Nations Unies qui le 20 décembre 1993, dans une résolution 48/134 adoptée au consensus, fait siens les « Principes de Paris » annexés à la résolution. Il s'agit d'un texte de référence, marquant le passage d'un document privé, élaboré par un « club », à un document officiel des Nations Unies.

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Pyrénées, erreur au-delà », la vérité de l'indépendance de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme518 en France est loin d'être une réalité en Côte d'Ivoire. Cela se confirme d'autant plus que cette indépendance est mise en doute par l'expert DOUDOU DIENE. A ce propos, dans son rapport de 2014, il demande le renforcement de l'indépendance et la liberté de la CNDHCI. Tous ces éléments montrent son manque d'harmonie avec les principes de Paris519. Pire, les représentants du gouvernement qui la composent sont plus élevés que ceux de la société civile.

S'agissant du domaine particulier des droits de l'enfant, la CNDHCI a en son sein un département spécialisé en matière de protection de l'enfant. Ses rapports sur la protection des droits de l'homme et celui des enfants, témoignent de son implication pour le respect des droits de celui-ci. Il existe toutefois une volonté de la Commission de se doter d'un commissaire expressément chargé des droits de l'enfant ou d'une section ou division spéciale responsable des droits de l'enfant.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé, à la fin du processus électoral, à assurer la mise en conformité de la CNDHCI aux Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des Droits de l'Homme.

Enfin, il convient de signifier que ce sont de simples recommandations que cet organe émet, elles n'ont aucune force exécutoire. Il s'avère donc indispensable de revoir toutes ces limites en sorte de mener à bien la mission qui lui a été assignée.

A côté de ces organes à compétence générale, les pouvoirs publics ivoiriens ont créé depuis des années de nombreux organes spécifiques en charge des questions de l'enfance.

§ 2. LES ORGANES SPECIFIQUES DE PROTECTION

Au nombre des organes mis en place par l'État ivoirien, figurent divers organes intervenant de façon spécifique sur des questions précises. On essaiera dans le cadre de ce paragraphe, d'en examiner les plus pertinentes au regard de leurs compétences et actions. Nous verrons donc successivement le rôle de la sous-direction de la lutte contre la traite des

518 Pour plus d'infos sur la CNCDH de France, voir http://www.cncdh.fr/ (consulté le 06/05/2015).

519 http://www.ohchr.org/Documents/Publications/PTS-4Rev1-NHRI_fr.pdf (consulté le 06/05/2015).

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enfants et la délinquance juvénile (A), avant de nous appesantir sur les deux Comités de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants récemment créés (B) .

A. LA SOUS-DIRECTION DE LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ENFANTS ET LA DELINQUANCE JUVENILE (S/D-LTEDJ)

Au sein du Ministère de l'Intérieur, il existe depuis 2006, une Sous-direction de la lutte contre le trafic d'enfant et la délinquance juvénile (S/DLTEDJ) faisant partie des forces de Polices Criminelles520. Cette Sous-direction intègre l'ex-brigade pour mineurs (BPM) en adoptant son mandat et en élargissant ses compétences territoriales au niveau national. Quelles sont les attributions de la sous-direction de la lutte contre la traite des enfants et la délinquance juvénile (S/D-LTEDJ) en matière de protection des enfants contre la traite et de quels moyens dispose-t-elle pour accomplir sa mission. Ce sont les deux points qui seront développés dans les lignes qui vont suivre.

1. Composition et attributions de la sous-direction de la lutte contre la traite des enfants et la délinquance juvénile

Créé par décret n°2006-11 du 22 Février 2006 portant organisation du Ministère de l'intérieur, la S/DLTEDJ a pour mission à la fois, la lutte contre la traite des enfants et la délinquance juvénile et la lutte contre toutes atteintes aux droits fondamentaux des enfants521. La S/DLTEDJ est une unité centrale basée à Abidjan et composée de 2 commissaires, 6 officiers de police, 12 sous-officiers de police et 2 travailleurs sociaux. Ils travaillent en collaboration avec les forces de police locale et les Forces de Défense et de Sécurité. La S/DLTEDJ remplace dans ses attributions, l'ex-Brigade pour mineurs (BPM). Toutefois, contrairement à la BM dont la compétence territoriale se limitait à la ville d'Abidjan, la SD/LTEDJ a une compétence nationale. Depuis la création de la S/DLTEDJ, toutes les affaires concernant les mineurs dans les différents commissariats doivent y être centralisées. Cela signifie que dans la pratique, les plaintes déposées pour le compte des

520 Décret n°2006-11 du 22 Février 2006 portant organisation du Ministère de l'Intérieur.

521 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.37.

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mineurs ou contre les mineurs au niveau des commissariats doivent être transférés à la

SD/LTEDJ522.

Elle a pour mission d'assurer la protection de l'enfant et de l'adolescent en danger. Dans ce cadre, elle est appelée à constater les infractions commises sur les enfants, de même que les infractions commises par les enfants eux-mêmes. Dans ces cas, elle se doit de rassembler les preuves et d'opérer la recherche des auteurs des infractions commises. Les attributions de la SD/LTEDJ recouvrent trois domaines d'intervention : la prévention, la protection et la répression. Ces trois domaines d'intervention sont répartis à travers les trois services qui composent la SD/LTEDJ, à savoir : le service de la prévention, le service de la répression et le service de la statistique et de la documentation523.

En matière de prévention, la SD/LTEDJ a pour mission d'assurer la sensibilisation des acteurs de ses domaines de compétence et de détecter, de façon préventive, en ce qui concerne la traite des enfants, les trafiquants potentiels. Pour cela, elle effectue quelques fois des sorties au niveau des zones frontalières, notamment la frontière avec les pays tels le Mali et le Burkina524. En ce qui concerne sa mission de répression, en réalité, la SD/LTEDJ ne réprime pas, car cette prérogative est celle de la justice. Elle contribue à la répression des auteurs d'infractions, en identifiant les auteurs qu'elle défère à la justice pour qu'ils soient jugés. Enfin, elle tient à jour des données statistiques sur les cas relevant de son domaine d'intervention. Dans la pratique, elle est saisie pour des affaires relatives à la traite des enfants, à l'exploitation des enfants sous toutes formes, à la maltraitance physique et morale des enfants, aux violences sexuelles, à l'enlèvement d'enfant, aux enfants abandonnés, aux problèmes conjugaux, etc525. Les actions de la S/DLTEDJ en faveur des enfants victimes concernent la réception des plaintes, les enquêtes, l'écoute des victimes, le placement dans des centres d'accueil et la transmission des Procès-Verbaux (PV) au parquet. Pour tenir

522 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.38.

523 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.38.

524 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.38.

525 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, pp.50-58.

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compte de la particularité de l'enfant, la S/DLTEDJ comprend des agents de police judiciaire (APJ) et des travailleurs sociaux.

En matière d'accès à la justice, l'écoute et l'enquête par le personnel approprié permettent de recueillir des informations importantes pour la justice : auteurs de l'infraction, dommages subis par l'enfant, domicile, besoins de la victime, etc. Le placement dans un centre d'accueil permet de garder l'enfant dans un endroit sécurisé pendant que la procédure suit son cours surtout dans les cas d'enfants ayant subi des dommages de la part de ceux chez qui ils résidaient526. Le procès-verbal dressé et transmis au parquet par la SDLTEDJ est par ailleurs, un réservoir d'informations clés.

Malgré son rôle essentiel dans l'administration de la justice en faveur de l'enfant victime, la S/DLTEDJ est confrontée à des difficultés impactant son bon fonctionnement. D'abord, ces difficultés sont d'ordre matériel ; en effet, l'absence de véhicules, de bureaux appropriés et surtout l'absence de centre d'accueil étatique destiné à recevoir les enfants victimes constituent des freins à l'atteinte des objectifs de la S/DLTEDJ. Les difficultés sont ensuite d'ordre humain car l'effectif est réduit pour un organe à compétence nationale. Enfin, il existe des handicaps d'ordre organisationnel tels que l'absence de ligne téléphonique, de numéro vert et l'absence de permanence des assistants sociaux. Vu le rôle clé que doit jouer la S/DLTEDJ, des actions positives méritent d'être engagées en vue de faciliter le travail des agents de police et travailleurs sociaux. Face aux difficultés d'ordre matériel, humain et financier, il est important de doter la S/DLTEDJ de moyens nécessaires (personnel, véhicules, locaux appropriés, centre d'accueil pour enfants en danger) pour fonctionner correctement. Il faut aussi éviter au maximum la lenteur dans le traitement des dossiers des enfants et agir avec célérité pour qu'ils soient vite dédommagés. S'y ajoutent la nécessité de joindre au procès-verbal que la police transmet au parquet après audition des parties prenantes, le rapport des travailleurs sociaux qui illustre mieux les besoins de l'enfant et sa version des faits. Ces besoins peuvent être utiles pour le juge dans la détermination de la réparation. Aussi, comme suggéré par des travailleurs sociaux rencontrés, il importe de créer des salles d'écoute afin que l'enfant puisse aisément relater les faits. Enfin, il apparait important de sensibiliser les agents de police sur la nécessité de traiter les enfants victimes

526 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.38.

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avec une attention particulière et également, sensibiliser les enfants sur la nécessité de connaitre leurs noms et prénoms, ceux de leurs parents, leur lieu de résidence et l'adresse de leurs parents.

Outre l'amélioration des conditions d'accès à la justice de façon générale, pour voir l'enfant victime, obtenir effectivement réparation, il faut que l'Etat puisse doter les institutions spécialisées de moyens pour fonctionner correctement.

D'abord, la SDLTEDJ doit fonctionner effectivement vu son rôle particulier en matière de justice pour mineurs. Elle a une compétence nationale, et partant, devrait voir ses services dotés de moyens conséquents pour fonctionner correctement. Cela implique des locaux adaptés, un personnel en nombre suffisant pour traiter les dossiers des enfants, des moyens de transport nécessaires pour faire les enquêtes de terrain aussi bien à Abidjan que dans les autres villes, une ligne téléphonique véritablement ouverte et accessible, etc. Par ailleurs, il est impératif de décentraliser les services de la S/DLTEDJ car il s'agit d'une structure à compétence nationale. Laisser les enfants des autres régions dépendre uniquement des commissariats n'est pas conforme au principe de l'égalité puisque ceux d'Abidjan peuvent accéder aux services de la S/DLTEDJ, qui est une institution spécialisée. Toujours, pour le compte de la S/DLTEDJ, un centre d'accueil doit être créé pour faciliter la prise en charge des enfants victimes dont les cas nécessitent un placement. L'exemple du Bénin mérite d'être cité car la brigade de protection des mineurs (BPM) béninoise qui a également compétence nationale, dispose d'une antenne départementale dans chaque département du pays527.

A travers la mission qui lui est assignée, la SD/LTEDJ apparaît comme un organe clé dans la lutte contre le trafic des enfants.

Par ailleurs, le seul centre d'accueil fonctionne, grâce aux ONG, l'équipement du centre est l'oeuvre du BICE, qui d'ailleurs est le principal partenaire du centre. Tout ceci pourrait amener à dire que l'unique centre n'aurait jamais vu le jour sans le secours des partenaires techniques et financiers. Dès lors, un regard sur le rôle et le fonctionnement de ce centre d'accueil s'avère indispensable.

527 OMCT, Droits de l'enfant au Bénin . Rapport alternatif au comité des Nations Unies des droits de l'enfant sur la mise en oeuvre de la convention relative aux droits de l'enfant au Bénin, disponible sur : http:// www.crin.org/docs/Benin OMCT NGO Report.pdf (consulté le 04/03/2015).

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2. Le centre d'accueil et de transit des enfants de la SD/LTEDJ

Principal centre public de transit des enfants victimes de toutes sortes d'abus et de violences, le centre dénommée « SAUVETAGE », accueille les enfants victimes de traite et oeuvre pour leur réinsertion dans leur famille d'origine. Des centaines d'enfants transitent chaque année par le centre de la SD/SLTEDJ528. Parmi eux, on dénombre des enfants victimes de traite, interceptés à Abidjan et ses environs ou en provenance de pays limitrophes tels le Burkina, le Mali, le Bénin... A en croire les données recueillies sur le terrain, le Mali et le Burkina seraient les pays d'origine des enfants victimes de traite hors du territoire national.

Il existe aujourd'hui une procédure de prise en charge des enfants victimes de traite en Côte d'Ivoire.

Cette procédure comprend trois phases :

- La détection, l'accueil et le rapatriement de l'enfant victime de traite

La première phase prend en compte la détection, l'accueil et le rapatriement de l'enfant dans son pays d'origine ; Cette première phase dure entre un et trois mois. La détection qui peut être faite par les organismes étatiques, les organisations non gouvernementales et la communauté du pays d'origine de l'enfant dans le pays de détection, doit permettre d'avoir un dossier sur l'enfant529, de l'informer et de l'orienter vers les services compétents530. En ce qui concerne l'accueil et le rapatriement de l'enfant, ils doivent se conformer à la procédure mise en place dans le pays où l'enfant est détecté et la durée des actions à mener est de un mois à trois mois. Trois catégories d'intervenants sont identifiées pour jouer un rôle : la Représentation diplomatique du pays d'origine de l'enfant, la Structure d'accueil de l'enfant et la Cellule conjointe de la SD/LTEDJ et de le DPE531. Dans un premier temps, il s'agira d'informer les autorités du MEMAE532 et du MSFFE533 et de rechercher les auteurs

528 Par exemple, selon une assistante sociale dénommée Mme KOFFI que nous avons rencontrée lors de notre passage en 2013, plus de 500 enfants y avaient transité.

529 Le dossier de l'enfant prendra en compte la déclaration de la personne ayant détecté l'enfant, le rapport de police et une fiche personnelle avec la photo de l'enfant.

530 Cette phase théoriquement, doit durer au plus 24 heures.

531 Direction de la Famille, de l'enfant et de l'adolescent.

532 Ministère d'Etat, Ministère des Affaires Étrangères.

533 Ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant.

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de la traite de l'enfant victime, tout en veillant à son intérêt supérieur. Ensuite, veiller à l'indemnisation par voie judiciaire de l'enfant victime et organiser son départ vers son pays d'origine. Enfin, informer les partenaires qui doivent intervenir dans l'accueil de l'enfant dans son pays d'origine, coordonner les recherches sur l'identification de ses parents et mobiliser les ressources matérielles, humaines et financières pouvant permettre son accueil. La deuxième phase prend en compte, la prise en charge au retour et la réintégration familiale de l'enfant.

- La prise en charge et la réintégration familiale de l'enfant victime de traite534

Cette deuxième phase de la procédure, qui varie entre un et trois mois, doit connaître la participation de la cellule conjointe de la SD/LTEDJ et de la DPE, les forces de sécurité publique et des structures de protection et d'accueil des enfants et des parents de l'enfant. Au cours de cette phase, la SD/LTEDJ et la DPE doivent d'abord assurer l'accueil de l'enfant, obtenir une ordonnance de placement de l'enfant, placer l'enfant dans une structure d'accueil et coordonner les actions de recherche des parents de l'enfant ; ensuite, elles doivent faire mener une enquête sociale535 pour évaluer les possibilités de stabilité de l'enfant dans sa famille, sensibiliser cette dernière et les autorités locales. Les forces de sécurité, quant à elles, doivent sécuriser les opérations relatives à l'accueil de l'enfant et assurer la poursuite judiciaire des trafiquants. En ce qui concerne les centres d'accueil de l'enfant, ils doivent, dans un premier temps, héberger l'enfant, le nourrir, l'habiller, lui donner les soins nécessaires, et assurer sa réinsertion dans sa famille536, puis assurer son retour dans sa famille d'origine en collaboration avec le MFFE. Enfin, la famille de l'enfant, si elle est identifiée, doit préparer l'arrivée de l'enfant, s'engager à garder et suivre l'enfant et attester avoir reçu son enfant des services compétents du Ministère de la famille et de l'enfant. Enfin, la troisième phase concerne le processus de réinsertion sociale de l'enfant.

534 La deuxième phase de la procédure doit donner lieu à : l'ordonnance de placement, au rapport relatif à l'identification de l'enfant, un dossier médical de l'enfant, un rapport de l'action de poursuite judiciaire des trafiquants et leurs complices, un rapport de suivi de l'enfant au sein de la structure d'accueil, l'inventaire des biens de l'enfant à son arrivée au centre d'accueil, la décision du MFPSS de réintégrer l'enfant dans sa famille.

535 L'enquête sociale est menée par le centre de promotion sociale de la localité.

536 Outre les points énumérés, les centres d'accueil doivent ouvrir un dossier sur chaque enfant reçu, l'encadrer, l'assister juridiquement etc.

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- Le processus de réinsertion sociale de l'enfant victime de traite537

La dernière étape de la procédure de prise en charge de l'enfant victime de traite dure entre deux et trois ans. Elle doit connaître la participation des structures étatiques (le MFFE notamment), des organisations non gouvernementales, de la famille et de la communauté de l'enfant victime. Au cours de cette phase, les services du MFFE et les ONG doivent veiller à la réinsertion sociale de l'enfant, coordonner le processus de réinsertion et collecter des informations relatives à cette réinsertion. En ce qui concerne la famille de l'enfant, elle doit participer à la recherche et à la mise en oeuvre des solutions pour la réinsertion de l'enfant ; dans son rôle, elle doit être accompagnée par la communauté. D'autres structures peuvent jouer un rôle en ce qui concerne l'appui à la scolarisation et la formation professionnelle de l'enfant victime.

La mise en place d'une procédure de prise en charge de l'enfant victime de traite constitue sans doute une avancée dans la prise en charge des enfants. Cependant, dans la pratique, ces différentes étapes sont rarement suivies et les mesures prévues ne sont presque jamais respectées. En attendant de revenir, dans la seconde partie de ce travail, sur les problèmes qui constituent un handicap sérieux pour la lutte contre la traite des enfants en Côte d'Ivoire, nous remarquons déjà que les pouvoirs publics ne jouent qu'un rôle de coordination des diverses actions à mener pour la réinsertion de l'enfant. En effet, les actions déterminantes, qui peuvent participer efficacement à une réinsertion réussie de l'enfant (appui à l'éducation et à la formation professionnelle), étaient laissées à d'autres structures, notamment les ONG ou partenaires techniques. Mais avec la création récente de deux Comités de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants, osons espérer que la donne changera au niveau du degré d'engagement des acteurs étatiques.

B. LA CREATION RECENTE DE DEUX COMITES DE LUTTE CONTRE LA TRAITE, L'EXPLOITATION ET LE TRAVAIL DES ENFANTS

Pour permettre une meilleure coordination et capitalisation de toutes les actions de lutte, un nouveau cadre institutionnel a été mis en place et un plan d'action national est élaboré. Le cadre institutionnel de lutte contre le travail des enfants a été renforcé par la création de

537 La dernière phase doit aboutir à : un projet de réinsertion de l'enfant victime de traite, l'identification des structures d'appui, un rapport trimestriel de suivi de l'enfant et un rapport d'évaluation des actions entreprises

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deux (02) comités. En effet, le 3 novembre 2011, le Président de la République a signé deux décrets portant création de deux Comités de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants538.

Le premier, le Comité National de Surveillance des Actions de Lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants (CNS)539, est présidé par Mme Dominique Ouattara, et est doté d'un Secrétariat exécutif. Il est composé de membres du Cabinet de Mme Ouattara, d'experts, et d'organisations nationales et internationales choisies « pour leurs actions en faveur des enfants »540. Le Comité National de Surveillance a pour mission de suivre et d'évaluer les actions du gouvernement en matière de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants. A ce titre, il est chargé :

- de suivre la mise en oeuvre des projets et programmes du gouvernement dans le cadre de la lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- de suivre l'application des conventions en matière de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- d'initier des actions de prévention contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants; - de faire des propositions au gouvernement en vue de l'abolition du travail des enfants ;

- et de veiller à l'application des orientations du gouvernement dans le cadre de la politique nationale de lutte contre la traite des enfants;

- de proposer des mesures pour la prise en charge des enfants victimes des pires formes de travail des enfants ;

538 DIENE (D.), Rapport sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, 9 janvier 2012, page 15, disponible sur : http:// www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/ docs/19session/A.HRC.19.72_fr.pdf (consulté le 30 septembre 2013).

539 Décret n°2011-365, portant création du Comité National de Surveillance (CNS), le 3 novembre 2011.

540 Discours de Mme Ouattara à l'occasion du lancement officiel des activités du CNS, le 15 février 2012. Disponible sur : http://africaview.net/?action=show_ page&id_page=1791&child_page_start=336 (consulté le 30 septembre 2013) ; Il est composé d'organisations internationales et nationales oeuvrant dans le domaine de la protection de l'enfance. Ce sont :le Fonds des Nations-Unies pour l'Enfance (UNICEF) ; le Bureau International du Travail (BIT) ; l'ONG Save The Children international ; le Bureau International Catholique de l'Enfance (BICE) ; la Fondation International Cocoa Initiative (ICI) ; l'International Rescue Committee (IRC); le Conseil du Café -Cacao ; le Groupement des Exportateurs (GEPEX) ; le Groupement des Négociants Internationaux (GNI) ; l'Union Générale des Travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI) ; le Forum National des ONG d'aide à l'enfance ; l'ONG Fraternité sans Limites ; la Coopérative Agricole KAVOKIVA du Haut Sassandra (CAKHS) ; la Fondation Children of Africa.

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- de contribuer à la réinsertion scolaire et professionnelle des enfants travailleurs.

Le second, le Comité Interministériel de Lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants (CIM)541, est présidé par le ministre d'Etat en charge de l'emploi, des affaires sociales et de la formation professionnelle, et est composé de quinze ministères techniques542. Il est doté d'un Secrétariat technique.

Il a pour mission de concevoir, de coordonner et d'assurer la mise en oeuvre des programmes et projets en vue de l'interdiction du travail des enfants. A ce titre, il est chargé:

- de définir et de veiller à l'application des orientations du gouvernement dans le cadre de la politique nationale de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- de valider les différents programmes et projet exécutés par les partenaires en vue de vérifier leur conformité avec la politique nationale de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- de coordonner les activités de tous les acteurs intervenant dans la lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- d'évaluer l'exécution des programmes et projets relatifs à la lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants.

Pourquoi deux (2) comités alors que leurs missions sont très proches : l'une d'entre elles est identique : « veiller à l'application des orientations du gouvernement dans le cadre de la politique nationale de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ». Un seul comité aurait suffi pour être plus opérationnel.

Les deux Comités ont travaillé conjointement pour l'élaboration du Plan d'Action National (PAN) 2012-2014, seul programme adopté à ce jour contenant des mesures de lutte

541 Décret n°2011-364, portant création du Comité Interministériel de Lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants (CIM), le 3 novembre 2011.

542 Il est Présidé par le Ministre en charge de l'Emploi et a pour Vice-président le Ministre en charge de l'Enfant. Il est composé de : un représentant du Premier Ministre ; un représentant du Ministre en charge de la Justice ; un représentant du Ministre en charge de l'Administration du Territoire ; un représentant du Ministre en charge de l'Economie et des Finances ; un représentant du Ministre en charge de l'Education Nationale ; un représentant du Ministre en charge de l'Artisanat , un représentant du Ministre en charge de l'Agriculture ; un représentant du Ministre en charge de l'Enseignement Technique ; un représentant du Ministre en charge des Droits de l'Homme , un représentant du Ministre en charge de la Communication ; un représentant du Ministre en charge des Transports ;un représentant du Ministre en charge de la Promotion de la Jeunesse ; un représentant du Ministre Délégué à la Défense.

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contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Le CNS et le CIM se sont appuyés sur une collaboration avec les institutions publiques, des organisations non gouvernementales et des institutions internationales, tels que le Bureau International du Travail (BIT) et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF)543. Ce plan visait à réduire de manière significative les pires formes de travail des enfants jusqu'en 2014, et se décline en quatre axes stratégiques à savoir : La prévention, la protection des enfants, la poursuite et la répression des auteurs d'infractions, et enfin le suivi-évaluation des activités. Les stratégies ne sont toutefois pas définies précisément, et aucune référence n'est faite quant à la réduction de la demande en matière d'exploitation sexuelle d'enfants, ni concernant la participation des enfants dans la lutte contre ce phénomène. D'un point de vue des ressources, le plan prévoit un coût s'élevant à 13 milliards de francs CFA, dont un peu plus de 3 milliards financés par l'Etat ivoirien544. Les 10 milliards restant doivent donc être financés grâce aux partenaires et bailleurs de fonds, tout au long de la période d'exécution du Plan. Dans le cadre du Plan, les actions prioritaires pour 2012 étaient notamment de sensibiliser la population, créer un site internet de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants, créer des infrastructures complémentaires (deux structures d'accueil, mise en place d'un numéro vert et de deux brigades de protection de mineurs) et renforcer celle déjà existantes545. Ainsi, des activités de sensibilisation ont été réalisées, avec notamment la mise en place de comités de villageois et de surveillance. Par ailleurs, les compétences des autorités préfectorales de Yamoussoukro ainsi que les autorités policières et judiciaires en charge de la problématique du travail des enfants, ont été renforcées546. Si

543 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, Plan d'Action National 2012-2014 de lutte contre la traire, l'exploitation et le travail des enfants, budget et financement du Plan, page 25,: http://www.dominiqueouattara.ci/sites/default/files/pan_2012-2014_tpfte_partie_narrative_0.pdf (consulté le 30 septembre 2013).

544 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, Plan d'Action National 2012-2014 de lutte contre la traire, l'exploitation et le travail des enfants, budget et financement du Plan, page 25,: http://www.dominiqueouattara.ci/sites/default/files/pan_2012-2014_tpfte_partie_narrative_0.pdf(consulté le 30 septembre 2013).

545 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, Plan d'Action National 2012-2014 de lutte contre la traire,

l'exploitation et le travail Côte d'Ivoie|52 Côte d'Ivoie|53 des enfants:
http://www.dominiqueouattara.ci/sites/default/files/pan_2012-2014_tpfte_partie_narrative_0.pdf 4 (consulté le 24 janvier 2013).

546 Abidjan.net, Atelier de formation / Lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants : La Première dame renforce les capacités opérationnelles de la police et de la gendarmerie, Atelier de formation à l'intention des éléments de la sous-direction de la police criminelle et des brigades de la gendarmerie nationale en charge

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aucun bilan officiel n'a été publié, la Secrétaire exécutive du CNS a néanmoins énuméré les actions entreprises au cours de l'année 2012, lors de la 23ème réunion de partenariat de la World Cocoa Foundation (WCF) à Washington en juin 2013547. Notons toutefois que la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants n'étant prévue que de façon partielle à travers ce programme, le CNS ne semble pas considérer cette problématique comme prioritaire et s'est concentré principalement sur le travail des enfants dans les plantations de cacaoyers.548 Enfin, le suivi et l'évaluation du Plan 2012- 2014 est assuré au niveau des deux comités par différentes entités : un Secrétariat Exécutif qui assure la coordination au niveau central, le CNS, et enfin les comités régionaux et départementaux. Par ailleurs, dans le cadre de l'axe stratégique « suivi-évaluation des activités », la Présidente du CNS a lancé en juin 2013 le Système d'Observation et de Suivi du Travail des Enfants en Côte d'Ivoire (SOSTECI), outil ayant vocation à fournir une « base de données fiable et solide »549. Lors du lancement de ce nouvel outil, la Présidente du CNS, a appelé les différents acteurs à s'impliquer d'avantage pour une meilleure collaboration afin de lutter contre les pires formes de travail des enfants.

Comme on le voit, en dépit de leurs faiblesses, il existe divers mécanismes politiques et administratifs afférents à la protection des droits des enfants en Côte d'Ivoire. Cela traduit une certaine volonté de ce pays à mieux protéger les enfants. Cette volonté est renforcée par la mise en place de juridictions spécialisées pour enfants.

de la lutte contre la traite et la délinquance juvénile au cabinet de la Première Dame à Cocody, le 13 août 2013,: http://news.abidjan.net/h/467881. Html (consulté le 30 septembre 2013).

547 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, L'engagement de la Première Dame Dominique Ouattara salué aux Etats-Unis: http://www. dominiqueouattara.ci/fr/activites/lutte-contre-le-travail-des-enfants-3 (consulté le 30 septembre 2013).

548 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, « Lutte contre les pires formes de travail des enfants : Le CNS sensibilise les populations des zones de production de cacao»,: http://www.

dominiqueouattara.ci/fr/activites/lutte-contre-les-pires-formes-de-travail-des-enfants-0(consulté le 30
septembre 2013).

549 Cérémonie de lancement du Système d'Observation et de Suivi du Travail des Enfants en Côte d'Ivoire (SOSTECI), présidée par Mme Dominique Ouattara, le 25 juin 2013 : http://www.dominiqueouattara. ci/fr/activites/lancement-du-sosteci (Consulté le 29 juin 2013).

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SECTION II. LES JURIDICTIONS SPECIALISEES POUR ENFANTS

La prise en compte des spécificités de la délinquance juvénile exige l'existence de juridictions spéciales chargées de juger les mineurs délinquants550. Cette spécialisation constitue la clé de voute de la justice pénale des mineurs. A l'instar de bien de pays africains, en Côte d'Ivoire, le délinquant âgé de moins de 18 ans au moment des faits relève, sauf pour les petites contraventions551, d'une juridiction spécialisée : le tribunal pour enfants pour les délits, la Cour d'assises des mineurs pour les crimes. Ce faisant, ces juridictions sont saisies suivant la nature ou la gravité de l'infraction reprochée à l'enfant, suivant qu'il s'agisse d'une contravention ou d'un délit (Paragraphe 1) ou bien d'un crime (Paragraphe 2).

§ 1. LES JURIDICTIONS COMPETENTES EN MATIERE

CONTRAVENTIONNELLE ET DELICTUELLE

Le Tribunal de simple police est compétent pour connaitre des contraventions (A) tandis que les délits relèvent de la compétence du Tribunal pour enfants (B) et du juge des enfants (C).

A. LE TRIBUNAL DE SIMPLE POLICE

Le tribunal de simple police est la seule juridiction non spécialisée appelée à intervenir dans les affaires impliquant des mineurs. C'est une juridiction de droit commun qui juge les contraventions552. La procédure suivie devant cette juridiction est quasi identique à celle indiquée pour tout tribunal correctionnel553 à la différence que le prévenu peut se faire représenter par un avocat ou une personne titulaire d'une procuration554. Cela a pour conséquence immédiate de rendre la décision du tribunal contradictoire555. Il est surprenant

550 BOULOC (B.), Procédure pénale, Précis Dalloz, 22e éd., Paris, 2010, p.456 ; COMMISSION DE PROPOSITIONS DE REFORME DE L'ORDONNANCE DU 2 FEVRIER 1945 RELATIVE AUX MINEURS DELINQUANTS, Rapport Varinard. Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter. La justice pénale des mineurs 86-87.

551 Le tribunal de simple police est compétent pour juger des contraventions les moins importantes reprochées aux enfants. Ainsi, l'enfant, auteur d'une contravention de la circulation, sera jugé de la même manière qu'un adulte.

552 Art.521, C.P.P. fr. rapp. Art.514 nouveau, C.P.P.iv. ( loi n°69-371, 12 août 1969).

553 Art.524, et s. C.P.P. iv.

554 Art.537 et 538, C.P.P. iv.

555 Cass. Crim.2 juin 1977 :Bull.crim.1977, n°64.

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que les enfants soient justiciables devant une telle juridiction de droit commun, alors que les principes directeurs de la justice pour mineurs énoncent clairement la spécialisation des juridictions pour mineurs.

En droit français, les contraventions de police des quatre premières classes commises par les mineurs sont déférées au tribunal de police556.

Au contraire en droit ivoirien, le tribunal de simple police est compétent pour connaitre des contraventions, toutes classes confondues. Tel est ce qui ressort des dispositions contenues à l'article 788 du code de procédure pénale ivoirien « les contraventions de simple police, commises par les mineurs de dix-huit ans, sont déférés au tribunal de simple police siégeant dans les conditions de publicité prescrites à l'article 782 pour le tribunal pour enfants ». Néanmoins, l'article 789 alinéa 2 nouveau du code de procédure pénale ivoirien précise que « le tribunal peut s'il l'estime conforme à l'intérêt du mineur, transmettre le dossier au juge des enfants qui a la faculté de placer le mineur sous le régime de la liberté surveillée »557.

Cette possibilité de saisine est aussi prévue en France par l'ordonnance du 2 février 1945 uniquement pour les contraventions de cinquième classe558.

En tout cas, l'article 789 alinéa 2 du nouveau du code de procédure pénale ivoirien permet de soustraire le mineur de la rigueur de la procédure suivie devant le tribunal de police au profit d'une autre juridiction présentant les garanties de la spécialisation. Toutefois, si la loi autorise le tribunal de police à se dessaisir au profit du juge des enfants, il ne peut se déclarer incompétent pour juger un mineur déféré devant lui. Telle est la position de la jurisprudence de la Cour d'appel d'Abidjan confirmée par un arrêt du 2 mars 1982559. L'arrêt rendu est libellé comme suit :

« (...) Considérant que le tribunal susvisé, par jugement de défaut en date du 22 octobre 1981 s'est déclaré incompétent pour cause de minorité de M. D., au motif qu'en vertu de l'article 766 alinéa 2 du code de procédure pénale, en aucun cas, il ne peut être suivi contre un mineur, selon la procédure de flagrant délit ou de citation directe, et renvoyé le ministère

556 Art.21, Ord. 2 février 1945.

557 Article 789 alinéa 2 de la loi N°81-640 du 31 Juillet 1981portant code de procédure pénale ivoirien.

558 Art. L531-2, C. org.Jud.anc. ; art.5, 8 al.8-2, 21, Ord.2 février 1945.

559 C.A. d'Abidjan, 2 mars 1982, Ministère public c/M.D., Arrêt précité.

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public à se mieux pourvoir ; considérant que par acte de Greffe en date du 4 novembre 1981, le Ministère public a relevé appel de cette décision ; considérant que l'article 766 du code de procédure pénale dispose pour les crimes et délits, et non pour les contraventions qui relèvent toujours, quel que soit l'âge de leurs auteurs du Tribunal de simple police, qu'en l'espèce, les infractions commises par M.D. étant des contraventions, le prévenu pouvait bel et bien être assigné devant le Tribunal de simple police suivant la procédure de citation directe nonobstant sa minorité ; que c'est à tort que le tribunal de simple police s'est déclaré incompétent ; qu'il y'a lieu par conséquent de reformer la décision entreprise et de condamner M.D. du chef des deux contraventions (...) »

L'arrêt de la Cour d'appel d'Abidjan appelle deux observations. La première est l'intérêt que la loi et la jurisprudence accordent à la répartition des compétences entre les différentes juridictions répressives : à savoir, les crimes sont jugés par la cour d'assises, les délits par le tribunal correctionnel, et les contraventions par le tribunal de simple police. Le tout est de faire respecter les règles de procédure pénale et d'éviter qu'une contravention soit jugée par un tribunal correctionnel, ou un délit par une cour d'assises. La seconde a trait à l'intérêt du mineur. Sans remettre en cause le principe précédent conforté par l'arrêt de la Cour d'Appel d'Abidjan, le législateur ivoirien reste attaché à la nécessité de la spécialisation des juridictions pour mineurs, et autorise pour ce faire quelques dérogations à certains principes de droit commun. En ce sens, les infractions commises par les mineurs échappent à la compétence des juridictions répressives ordinaires pour ressortir à la compétence des juridictions spéciales à savoir le tribunal pour enfants, le juge des enfants et la cour d'assises des mineurs.

B. LE TRIBUNAL POUR ENFANTS

En règle générale, le mineur délinquant n'est pas traduit devant les juridictions de droit commun, mais plutôt devant des juridictions spécialisées560. Force est de constater que cette

560 Article 756 CPP. Ivoirien « Le mineur de dix-huit ans auquel est imputée une infraction qualifiée crime ou délit n'est pas déféré devant les juridictions pénales de droit commun et n'est justiciable que des tribunaux pour enfants et de la cour d'assises des mineurs ».

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idée fait l'unanimité dans l'ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant561, et a fait écho dans le droit positif de presque tous les pays signataires.

Malheureusement, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant a tout simplement éludé la question de la spécialisation des juridictions pour enfants, comme si cela ne présentait aucun intérêt. Pourtant, elle se montre favorable au traitement spécial de tout mineur accusé ou déclaré coupable d'avoir enfreint la loi pénale562. Or, pour parvenir à ce traitement différentiel ou spécial, les intervenants au procès pénal du mineur doivent nécessairement présenter la garantie d'un minimum de spécialisation. Dans le silence de la Charte, il est loisible de supposer que les rédacteurs ont préféré réserver à chaque Etat, la primeur de l'élaboration des lois pénales applicables aux mineurs conformément aux recommandations de la Charte. Force est de reconnaître que les Etats s'efforcent de promouvoir la création de juridictions spéciales, même si dans certains pays, la spécialisation de la justice des mineurs se fait encore attendre563. En République populaire du Congo, dans le cadre de la création des tribunaux populaires, des juridictions pour enfants ont vu le jour. Il s'agit du juge des enfants, de la Chambre correctionnelle pour mineurs, la section pour mineurs de la Chambre criminelle564. Mais dans l'ensemble, ces juridictions n'ont la plupart du temps qu'une existence théorique. La pénurie de magistrats spécialisés dans les affaires de minorité fait que les fonctions de juge des enfants sont exercées par un magistrat ordinaire, un président de tribunal ou un juge désigné par lui. Ce qui revient à dire que ce sera le même magistrat qui jugera aussi bien les adultes que les mineurs, au risque de voir ces derniers traités suivant les règles applicables aux premiers565. Au Niger, la compétence des juridictions répressives en matière de crime a longtemps souffert d'une limite tenant à l'âge de l'inculpé. Les crimes commis par les mineurs de 16 ans étaient jugés par le tribunal de première instance statuant en matière correctionnelle. Le mineur de 13 ans pouvait être déféré à une juridiction répressive de droit commun. Il était jugé par le président du tribunal

561 A propos de la spécialisation et la professionnalisation des acteurs de la justice des mineurs V. art 2-3, Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice des mineurs (Règles de Beijing, 1985), art.40-3 Convention internationale relative aux droits de l'enfant 1989.

562 Art. 17-3 « Le but essentiel du traitement de l'enfant durant le procès est son amendement, sa réintégration au sein de sa famille et sa réhabilitation ».

563 Il en va ainsi du Cameroun.

564 KOKI (A.) « Les tribunaux populaires en République populaire du Congo », Penant, 1985, n°786-787, p.110 et s.

565 MANDE DJAPOU (J.) « La législation centrafricaine de protection de l'enfant », op. cit., p.310.

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civil et ne devait faire l'objet que de mesures de surveillance, d'éducation et d'assistance566. Aujourd'hui, avec une ordonnance intervenue en 1999, la situation a changé. En effet, le Niger s'est doté en juin 1999 d'un texte de loi qui institue une juridiction des mineurs, définit le concept de mineur en danger, réoriente les missions des magistrats vers une démarche plus éducative que répressive et positionne le ministère public dans un rôle de protection de l'enfance. Ainsi, l'Ordonnance n°99-11 du 14 mai 1999 portant création, composition, organisation et attributions des juridictions des mineurs a institué des juridictions des mineurs au siège de chaque Tribunal de Grande Instance ou d'Instance. En conséquence, les mineurs qui se rendent coupables d'infractions à la loi pénale sont jugés par une juridiction spéciale dénommée tribunal ou juge des mineurs. Le mineur de moins de 13 ans est pénalement irresponsable mais peut faire l'objet de mesures de protection ordonnées par le juge des mineurs567.

Le Cameroun a fait la remarquable expérience d'associer la société civile au fonctionnement de la justice des mineurs, avec la création des comités de protection des mineurs568. Ces comités569 sont très actifs dans le traitement de la petite délinquance grâce à un système partenarial mis en place avec le parquet de Douala. Lorsqu'un mineur commet une infraction de faible gravité, le parquet ne transmet pas le dossier de poursuite au tribunal, mais le soumet au comité qui devient en quelque sorte une juridiction pour enfants570. La création de ces comités s'inscrit dans la droite ligne d'une stratégie centrée sur la substitution des méthodes du système pénal par une politique de justice sociale571. Elle rejoint également

566 RAYNAL (M.) « La diversité dans l'unité. Le système juridictionnel nigérien », Penant, n°805 ( January-May 1991)., p.84 et s.

567 Fondation Joseph The Workers et O.I.F, Guide de bonnes pratiques pour la protection des mineurs en conflit avec la loi au Niger, Novembre 2011, pp 8-9.

568 Ibid.

569 Les comités de protection des mineurs sont composés d'un chef du quartier, d'un père ou d'une mère de famille, d'un instituteur, d'un policier, d'un représentant politique et de toute personne dont le comité estime la présence nécessaire.

570 Outre leur rôle juridictionnel, les comités de protection des mineurs ont pour mission de susciter la motivation des jeunes au développement de leurs quartiers, en leur proposant des activités ou des travaux communautaires. Ils interviennent aussi au niveau du maintien de l'ordre en assurant la nuit la surveillance des quartiers et des mineurs, apportent des conseils aux parents d'enfants difficiles, organisent des débats sur l'éducation, la tradition etc.

571 BERNAT DE CELIS (J.) « Les grandes options de la politique criminelle », A.P.C., n° 5, 1982, p.43.. ; La politique de justice sociale rejoint la préoccupation de ceux qui depuis longtemps savent qu'en favorisant des conditions de vie souvent précaires, de travail, de santé, de loisirs, de logement, on peut éviter beaucoup d'actes déviants.

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le modèle type d'une politique criminelle participative572. Beaucoup de pays africains ressentent le besoin de réviser leur système de justice criminelle en y intégrant les méthodes traditionnelles de résolution des conflits573, en y associant étroitement la société civile574. Mais en fait, le processus est encore à l'état embryonnaire. L'Etat, nouvellement constitué, reste le principal acteur de la politique criminelle officielle575. Aussi, l'un des domaines où s'exerce le contrôle de l'Etat est celui de la justice des mineurs.

En Côte d'Ivoire, suivant en cela le système français, le Tribunal pour enfants est composé du juge des enfants qui le préside et de deux assesseurs titulaires ou suppléants nommés pour quatre ans par le garde des sceaux sur proposition du président de la cour

572 LAZERGES (C.) « Une politique criminelle participative. A propos de la mise en place et du fonctionnement des conseils communaux de prévention de la délinquance (L'exemple du Languedoc-Roussillon) », A.P.C., n° 10, 1988, p. 91. et s. ROYARE (S.), « Une politique criminelle participative : L'exemple de la participation des associations à la variante de médiation », A.P.C., n°11, 1989, p.107. et s. La politique criminelle participative se présente comme l'un des moyens de diversification des réponses à la délinquance. Elle met l'accent sur le concours de la société civile à l'élaboration et à la mise en oeuvre des réponses à la délinquance. Dans ce corps constitué qu'est la société civile, sont représentées les associations, les collectivités locales, les personnes morales ou physiques concernées par le problème de la délinquance. La politique criminelle fait donc cohabiter les réponses étatiques et les réponses sociétales à l'infraction et à la déviance dans un programme ou une stratégie commune. ; V. ég. SZABO (D.) « Modèles et mouvements de politique criminelle. Réflexion sur une approche nouvelle de la politique criminelle », R.I.C.P.T., Vol. XXXVI, n°2, 1993, p.25 et s. LIEGE (M-P) « Les habitants acteurs de la sûreté des villes », R.S.C., n°1, 2000, p. 255 et s.

573 RAYNAL (M.) « Politique criminelle en Centrafrique », A.P.C., n°14, 1992, p.149.

574 SOUMBOU (A.) « La politique criminelle congolaise », A.P.C., n°14,1992, p.156.

575 L'emprise de l'Etat sur la conception et les productions du système pénal a pour conséquence d'imposer un modèle de politique criminelle centré sur les institutions de l'Etat, en l'occurrence l'institution judiciaire, et de réduire les possibilités d'éclosion de modèles sociétaux de politique criminelle. Même lorsqu'ils existent en marge des modèles étatiques, il n'en demeure pas moins qu'ils subissent sans cesse les assauts du contrôle étatique. La vindicte populaire et l'autodéfense par exemple qui sont deux variantes des modèles sociétaux admises par le groupe social, n'ont au regard de l'Etat détenteur exclusif du monopole de la contrainte physique, aucune légitimité. Dans un système de réponse étatique à l'infraction, l'autodéfense et la vengeance privée ne sont pas admises. Cela suffit à justifier la réglementation des sociétés de gardiennage (Loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fond, J.O., 13 juillet 1983, p.2155). Les modèles étatiques s'expriment par référence au droit pénal. Néanmoins, les modèles sociétaux de politique criminelle se manifestent comme une substitution du corps social à l'Etat ; soit que celui-ci ne joue pas le rôle de régulateur des conflits que la société attend de lui, soit qu'à l'inverse, le groupe social ou une partie du groupe social s'interpose entre le phénomène criminel et l'Etat ; soit que celui-ci ne joue pas le rôle de régulateur des conflits que la société attend de lui, soit qu'à l'inverse, le groupe social ou une partie du groupe social s'interpose entre le phénomène criminel et l'Etat ; soucieux de gérer lui-même tout ou partie des comportements de refus des normes. V. DELMAS-MARTY (M.), Modèles et mouvements de politique criminelle, Ed. Economica, Paris, 1983, p. 129 et s. ; LAZERGES (C.), « Les conflits de politique criminelle » A.P.C., n°7 , 1984, p.39 et s. ; WEBER (M.) Economica y sociedad, Mexico, Fondo de cultura Economica, 1987. p. 292.

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d'appel et choisis parmi les personnes de l'un ou de l'autre sexe âgées de trente ans qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions relatives à l'enfance et par leurs compétences576. Contrairement au tribunal de simple police, le tribunal pour enfants peut prétendre à l'étiquette de « juridiction spécialisée » en ce sens qu'il est présidé par un juge des enfants assisté par des assesseurs présentant les garanties de la spécialisation. Les assesseurs qui composent le Tribunal pour enfants en Côte d'Ivoire, sont choisis dans les mêmes conditions que leurs homologues français, à la différence qu'ils sont au nombre de cinq577. En plus des assesseurs titulaires, le tribunal pour enfants comprend également cinq assesseurs suppléants nommés pour quatre ans par le Ministre de la justice. Certes, l'importante représentativité des assesseurs au sein de cette juridiction n'a pas pour effet immédiat de réduire les pouvoirs de décision du juge des enfants, étant donné que c'est à ce magistrat que revient la décision finale prise à l'égard du mineur. Mais, l'avis des assesseurs au moment des délibérations peut influer sur le choix de la sanction. Mieux, l'originalité de cette juridiction consiste dans le fait que les assesseurs du juge des enfants sont des ressortissants ivoiriens non-magistrats mais ayant des compétences dans le domaine de l'enfance578.

En droit ivoirien, le tribunal pour enfants ne connait que des délits commis par les mineurs de 18 ans et des crimes commis par les mineurs de moins de 16 ans579. Il en est de même dans le système juridique français. Par contre, toutes les contraventions relèvent de la compétence du tribunal de simple police580. L'une des difficultés liées à la saisine de la juridiction compétente est celle qui résulte de la détermination de l'âge du mineur. En clair, il s'agit de savoir si l'âge à prendre en compte est celui au moment des faits ou plutôt celui

576 STEFANI (G.), LEVASSEUR (G.), BOULOC (B.), Procédure pénale », op.cit., pp.393-394 ; art.L 522-3 C. org. Jud. ; art.5, Ord. 22 déc. 1958 mod. Loi 1er juillet 1965.

577 Art.780 nouveau C.P.P.iv. (Loi n°69-371 du 1er août 1969).

578 B.I.C. E, Recueil sur la minorité, Analyse et commentaire de la législation applicable aux mineurs, 2010, p.66.

579 Les diligences effectuées, le juge des enfants peut renvoyer le mineur devant le Tribunal pour enfants (art.772-10 nouveau C.P.P., .n°69-371 du 12 Août 1969, art.756 C.P.P.) . En cas de crime, il rend une ordonnance de renvoi devant le Tribunal pour enfants, s'il s'agit d'un mineur de 16 ans (art. 772-2° nouveau C.P.P.). Lorsque le tribunal pour enfants décide d'appliquer une qualification criminelle aux faits dont il a été saisi sous une qualification correctionnelle, il ordonne, dans ce cas, un supplément d'information et délègue pour ce faire un juge à cette fin (art.78 al.4 nouveau C.P.P., L.n°69-371 du 1er Août 1969).

580 En France, le Tribunal pour enfants peut connaitre des contraventions de 5e classe commis par le mineur de 18 ans passible d'une amende n'excédant pas 5000 francs (art.21-1, Ord. 2 février 1945, mod.L.10 Juillet 1989).

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au moment du jugement. La jurisprudence est favorable à la première proposition. L'âge au moment des faits est déterminé par le temps écoulé depuis la naissance du mineur, calculé d'heure à heure581. Pour les personnes étrangères, l'âge réel peut être rapporté par tous les moyens, aucun texte ne donnant une force probante irréfragable aux actes de l'état civil des pays étrangers582. Mais, la preuve de l'âge n'est pas toujours facile à rapporter en l'absence de tout document délivré par une autorité. Ainsi, il arrive que le parquet et les juridictions de jugement soient en désaccord à propos de l'âge du jeune prévenu.

Dans un arrêt en date du 6 avril 1992583, la Cour d'appel d'Abidjan a rejeté l'appel interjeté par le Ministère public contre un jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Aboisso qui, dans une décision rendue le 28 juin 1980, s'est déclaré incompétent pour connaitre du chef des délits de vol et d'usurpation de titre reproché à E.D. en raison qu'il était âgé de moins de 18 ans au moment des faits. Pour la Cour, le jugement rendu par le premier juge est conforme à la loi : « considérant qu'il apparait (...) que le prévenu né le 14 août 1962, était âgé de moins de 18 ans au moment des faits ; qu'il s'ensuit qu'il n'était justiciable que du tribunal pour enfants, par application des dispositions de l'article 756 du code de procédure pénale, qu'il y a lieu de confirmer la décision du premier juge (...) ». La prise en compte de l'âge au moment des faits paraît tout à fait logique. Mais encore, faut-il en rapporter la preuve. La preuve de l'âge est établie au vu de la production d'un acte d'état civil584. En fait, la détermination de l'âge des prévenus pose souvent quelques problèmes en raison de la défectuosité de l'état civil concernant en particulier les individus nés avant les indépendances. L'état civil est une création récente dans les Etats d'Afrique Noire francophone585. Non seulement, les déclarations de naissance se font de moins en moins surtout dans les campagnes isolées, dépourvues de toute structure de santé publique ou administrative (maternité, sous-préfecture ou préfecture), et où les populations ne sont pas suffisamment sensibilisées à cette procédure. Aussi, même lorsqu'elles sont faites, elles sont parfois entachées d'erreurs.

581 Cass. Crim., 3 septembre 1985 : Bull. crim. 1985, n°283.

582 Cass. Crim., 13 octobre 1986 : Bull. crim. 1986, n° 282 ; ég. BOULOC (B.), Pénologie. Exécution des sanctions adultes et mineurs , Précis Dalloz, 2e éd., Paris, 1998., p.296.

583 C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n° 698 du 6 avril 1982, Ministère Public c/E.D.

584 Art. 760 al. 1er nouveau C.P.P. iv. (L. N°69-371 du 12 août 1969).

585 MANGIN (G.) « La délinquance juvénile en Afrique Noire francophone », A.P.C., Ed. Pedone, 1975,p. 229 et s.

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En tout état de cause, le juge a le pouvoir d'apprécier souverainement l'âge du mineur déféré devant lui, lorsque cet élément n'a pas été transcrit à l'état civil. L'article 760 alinéa 2 nouveau du code de procédure pénale ivoirien énonce à ce propos qu'« en cas de contrariété, la juridiction saisie apprécie souverainement l'âge du délinquant ». Le juge peut requérir l'aide de l'officier d'état civil en vue de la délivrance d'un extrait d'acte de naissance. Ce dernier est tenu de s'exécuter sous peine d'une amende de deux mille à vingt mille francs586. A défaut d'un acte de naissance, la preuve de la minorité du prévenu peut résulter d'un jugement supplétif de naissance rendu par un juge d'après le témoignage de deux personnes. Cependant, la valeur probante de ce document n'est pas certaine, car souvent les parents le font établir à des fins scolaires pour retarder par exemple la limite d'âge scolaire ou la période à laquelle l'enfant n'aura plus droit aux allocations familiales587. Cette pratique est très répandue en milieu urbain où les conditions sociales et scolaires des jeunes sont en général précaires.

Par ailleurs, il est fréquent que le juge se retrouve face à des jeunes délinquants « officiellement mineurs », mais dont le physique s'apparente vraisemblablement à celui de jeunes adultes. Il faut noter que l'âge du mineur est calculé à la date à laquelle l'infraction a été commise. Si l'acte d'état civil ne précise que l'année de la naissance, celle-ci sera considérée comme étant intervenue le 31 décembre de ladite année. Si le mois est précisé, l'infraction sera considérée comme étant intervenue le dernier jour dudit mois588. Quelques fois, on retrouve inscrite sur l'acte d'état civil la mention « ...né(e) vers... » au lieu de « ... né(e) le... » ; Ce qui complique la détermination de l'âge exact de l'intéressé. En l'absence de toute précision, la jurisprudence soutient parfois que le doute bénéficie au prévenu. C'est en tout cas ce qui ressort d'un arrêt de la Cour d'Appel d'Abidjan du 20 mars 1980589 : « (...) considérant qu'il est reproché au prévenu, courant novembre 1973, d'avoir volontairement exercé des violences et voies de fait sur la personne de N'. D.M ; considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le prévenu est né vers... ; qu'en conséquence, par application de l'article 760 alinéa 2 du code de procédure pénale, il était mineur de 18 ans justiciable du

586 Art.761 al. 1er C.P.P. iv.

587 MANGIN (G.) op.cit. p.230.

588 Ibid.

589 C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n° 722 du 20 mars 1980, Ministère public c/ Y.E.G., R.I.D., n°3-4/1986, Jurisp.3.2, Pp. 170-171.

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tribunal pour enfants ; considérant que donc c'est à tort qu'il a été traduit devant le tribunal correctionnel de droit commun, qu'il y a lieu d'annuler le jugement entrepris (...) ».

Toutefois, le doute ne profite pas toujours à l'accusé, lorsque le document établissant l'âge du jeune délinquant émane d'une autorité étrangère. La jurisprudence française estime dans ce cas qu'il appartient aux juridictions de s'assurer de la force probante de l'acte d'état civil émis par une autorité étrangère590. En l'espèce, poursuivi pour assassinant et tentative d'assassinat, un jeune ressortissant turc prétend justifier de son âge par un acte de naissance qu'ont délivré les autorités de son pays, acte duquel il résulte qu'il était âgé de seize ans au moment des crimes qu'on lui reproche. Seulement, le document ne concordait pas avec l'aspect physique de l'inculpé qui apparaissait sensiblement plus vieux que l'acte d'état civil turc ne l'affirmait. Ce faisant, le juge d'instruction ordonna une expertise et une contre-expertise qui, toutes deux, parvinrent à la même conclusion. En réalité, le jeune inculpé devait avoir environ dix-sept ans et demi lors des faits. Il fut donc renvoyé, non pas devant le tribunal pour enfants comme l'aurait exigé l'article 9 de l'ordonnance du 2 février 1945 et comme l'aurait souhaité l'intéressé, mais devant la Cour d'assises des mineurs où, bien entendu, il risquait d'être condamné comme un majeur. Finalement, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé contre l'arrêt de mise en accusation.

Cette espèce assez particulière ne remet pas en cause le principe selon lequel le mineur de 18 ans reste justiciable du tribunal pour enfants en matière délictuelle. La jurisprudence ivoirienne conserve une position constante sur ce principe. Aussi, la Cour d'appel n'hésite pas à censurer les décisions des juridictions du premier degré prises en violation de l'article 756 du code de procédure pénale. Dans un arrêt du 24 avril 1979591, elle a infirmé un jugement du tribunal correctionnel pour incompétence : « ...(...) considérant qu'il résulte du dossier que K.O. né le 2 mars 1959 à Ahiégbé-Koffikro (Aboisso), selon l'acte de naissance n°359 du 22 juillet 1959 du registre des actes d'état civil pour l'année 1958 du centre d'Aboisso, a été renvoyé suivant l'ordonnance du 2 février 1976 du juge d'instruction d'Abidjan devant le tribunal correctionnel de cette ville pour avoir à Abidjan, Treichville le 30 juin 1975 soustrait frauduleusement un sac à main au préjudice du sieur L.E. qui en était

590 Cass. Crim. 13 octobre 1986 : Bull. crim. 1986, n°282, Gaz.pal., 25-26 février 1986, note DOUCET.

591 C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n°875 du 24 avril 1979, Ministère public c/K.O. ; C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°1524 du 11 novembre 1981, Ministère public c/L.A. ; C.A.d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°542 du 15 avril 1975, Ministère Public c/K.Y.J.

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propriétaire ,
· considérant qu'il apparait de ce qui précède que le prévenu était âgé de moins de 18 ans au moment des faits ,
· qu'il s'ensuit qu'il était justiciable du tribunal pour enfants par application de l'article 756 du code de procédure pénale ,
· qu'il y a lieu d'annuler le jugement entrepris (...)
».

S'il est affirmé dans cet arrêt que les juridictions de droit commun ne peuvent connaître des délits commis par les mineurs de 18 ans592, de même, les juridictions pour enfants doivent se déclarer incompétentes s'il est établi que le prévenu déféré devant elles, est âgé de 18 ans au moins. Dans un arrêt en date du 3 mars 1975593, la Cour d'Appel d'Abidjan a confirmé un jugement rendu par le tribunal pour enfants de Bouaké au terme duquel ledit tribunal s'est déclaré incompétent pour connaitre du chef d'escroquerie commis par Y.D.E., et ordonné la levée du mandat de dépôt au motif que le prévenu était majeur. En l'espèce, un mineur, par des manoeuvres frauduleuses s'est fait remettre diverses sommes d'argent, de vivres et un poste de radio courant 1973. Lors de l'enquête préliminaire, le prévenu a déclaré être né en 1955, avant d'être renvoyé devant le Tribunal pour enfants de Bouaké par le juge des enfants le 18 janvier 1974. Ledit tribunal, par un jugement n°11 du 11 mars 1974, s'est déclaré incompétent au motif que le prévenu était âgé de plus de 18 ans au moment des faits. Dans ces considérants de l'arrêt du 3 mars, la Cour relève que « pendant l'information faite par le juge des enfants, le prévenu avait précisé qu'il était né en 1944 et non en 1955 ,
· que par ailleurs, l'expert nommé par le magistrat instructeur pour déterminer l'âge du prévenu a fixé cet âge entre 26 et 28 ans, suivant certificat médical en date du 13 avril 1973
». Pour la Cour, « c'est à bon droit que le tribunal pour enfants s'est déclaré incompétent ,
· le prévenu étant bel et bien majeur à la date des faits ,
· qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions (...)
».

S'agissant de la procédure d'appel devant le tribunal pour enfants, il convient de noter que les audiences du T.P.E594 sont assujetties à la règle de « la publicité restreinte »595. Seuls sont admis à assister aux débats, les témoins de l'affaire, les proches parents, le tuteur ou le

592 La règle selon laquelle les mineurs échappent aux juridictions de droit commun est d'ordre public (Cass. Crim. 9 mars 1973 : Bull. crim. 1973, n°128).

593 C.A d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°244 du 3 mars 1975, Ministère public c/Y.D.E. ; C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°542 du 15 avril 1975, Ministère public c/K.Y.J.

594 Entendre par T.P.E, tribunal pour enfants.

595 RENUCCI (J.-F.), « Droit pénal des mineurs. L'actualité du droit pénal des mineurs », R.I.D.P. ,1992. p.201 et s.

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représentant légal du mineur, les membres du barreau, les représentants des sociétés de patronage et des services ou institutions s'occupant des enfants, les délégués de la liberté surveillée596. Le président du T.P.E peut ordonner, si l'intérêt du mineur l'exige, que ce dernier se retire pendant tout ou partie des débats. Dans un objectif de protection, et conformément aux articles 40.2.b. de la CDE et 8.1 des règles de Beijing, est interdite toute diffusion par voie médiatique (la publication du compte rendu des débats dans les livres, la presse, la radiophonie, la cinématographie, d'informations extraites des débats ou de quelque manière que ce soit qui pourraient nuire au mineur en permettant son identification )597, sous peine de sanctions pénales; ce qui serait attentatoire à sa vie privé et risquerait de le stigmatiser et d'hypothéquer ses chances de réinsertion; Le jugement est rendu en audience publique en présence du mineur. Il peut être publié, mais sans que le nom du mineur puisse être indiqué598. Le principe de la publicité restreinte est l'une des caractéristiques de la procédure de jugement des mineurs. Commune à toutes les juridictions répressives statuant en matière de minorité, elle est considérée comme l'une des conditions essentielles de la validité des débats599. La publicité faite autour des audiences du T.P.E. peut avoir des conséquences sur la personnalité de l'adolescent qui est jugé par un tribunal surtout pour la première fois. Le passage devant le juge et la diffusion à grande échelle de cet évènement peut le conforter dans son attitude de déviance, créer en lui des sentiments négatifs de honte, d'humiliation ou de vengeance contre la société. Cela peut également compromettre les possibilités de sa rééducation600. La publicité des audiences des tribunaux est une garantie fondamentale pour les libertés publiques. Mais, l'étalage sans nécessité des drames intimes risquerait de le stigmatiser, d'hypothéquer ses chances de réinsertion et d'affecter le mineur d'autant plus cruellement qu'il n'est pas indispensable et qu'une publicité abusive serait plutôt de nature à compromettre la solution recherchée. C'est pourquoi, le législateur veille à ce que la discrétion soit la plus grande601.

596 Art.782 al.2, C.P.P. iv.

597 Art.782 al.3 et 4, C.P.P. iv. ; ég. Art.13, 14 et 14-1, Ord. 2 février 1945.

598 Art.782 al.6, C.P.P. iv.

599 Cass. Crim. 11 mai 1988, Gaz. Pal. 1988 ; Dr.enf.fam.1989-2, p.135, note RENUCCI (J-F) Cass. Crim. 1er février 1989, J.C.P. , 1989, IV, 144.

600 En ce sens V. RENUCCI (J-F), op.cit., p.202.

601 BAUDOUIN (J-M), « Le juge des enfants. Punir ou protéger ? », Coll. La vie de l'enfant, Ed. ESF, Paris, 1990, p.52.

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Qui plus est, le principe de protection de la vie privée de l'enfant en conflit avec la loi ne s'applique pas seulement lors des audiences de jugement, mais tout au long de la procédure, dès le début de l'enquête préliminaire. Toute violation de cette interdiction est sanctionnée pénalement par une peine de deux (2) ans d'emprisonnement et une peine d'amende pouvant être comprise entre 36.000 à 3.000.000 FCFA602.

C. LE JUGE DES ENFANTS

Dans le système pénal ivoirien, inspiré du système pénal français, le juge des enfants est la seule autorité judiciaire compétente à la fois pour instruire et juger les affaires de mineurs603. Ce cumul des fonctions répond à l'exigence de la connaissance de la personnalité du mineur et de l'efficacité de l'intervention judiciaire : le juge des enfants doit connaitre le mineur, c'est-à-dire « pénétrer sa personnalité mobile et complexe »604 en vue de prendre des mesures appropriées à sa rééducation et sa réinsertion. Cela montre à quel point le principe de l'individualisation de la sanction a pénétré le droit pénal des mineurs605. Il est l'organe central de la prise en charge judiciaire des mineurs délinquants. En tant que juridiction de jugement, il préside les audiences du T.P.E606. Il peut également juger le mineur en Chambre de conseil.

Le juge des enfants dispose de pouvoirs étendus607. Cependant l'élargissement de ses pouvoirs mérite quelques remarques. Lorsque le juge des enfants intervient en tant que juridiction de jugement, le problème qui se pose est celui de la répartition des compétences entre ce magistrat et le tribunal pour enfants608. A l'analyse, on remarque que le juge des enfants et le T.P.E ont des compétences identiques et se rejoignent quant aux mesures à prendre à l'égard du mineur609. La similitude est d'autant plus évidente que le T.P.E est présidé par le juge des enfants et que dans la pratique, le renvoi du mineur devant le T.P.E.

602 Art. 782. A al.4,5 et 6. C.pén.

603 RENUCCI (J-F.), op.cit., p.152. ; art.768 al.4, C.P.P.iv.

604 CHAZAL (J.) « Le juge des enfants » colloque, XXe anniversaire de la revue de science criminelle, R.S.C., 1956, p.780 et s. ; MAZEROL (M.-Th.), « Le juge des enfants. Fonction et personne », CRIV, 1986

605 RENUCCI (J-F.), op.cit., p.150.

606 Art.772-1° nouveau C.P.P. iv. (Loi n°69-371 du 12 août 1969).

607 BAUDOUIN (J. M.), op.cit., p.47 et s.

608 En ce sens V. RENUCCI (J-F), op.cit., p.153.

609 Art.783, C.P.P.iv . rappr. Art. 7770 nouveau C.P.P.iv

247

est décidé par ordonnance du juge des enfants610. Toutefois, en cas d'infractions très graves telles que les atteintes à l'intégrité physique, le trafic des stupéfiants ou les vols aggravés ou encore en cas de crime, le tribunal pour enfants sera exclusivement saisi, si le prévenu a moins de 16 ans611. Le juge des enfants et le T.P.E. ont une mission explicite de fonder leurs décisions sur l'intérêt du mineur et ont, à cet effet, un devoir de protection envers ce dernier.

Seulement, il manque à la protection du mineur l'organisation d'un système de défense efficace devant la justice. Celle-ci passe bien entendu par la présence de l'avocat à toutes les phases du procès du mineur, conformément au principe du contradictoire qui garantit la transparence et l'équité de tout procès612. Or, l'expérience montre que les audiences de cabinet ou les jugements en Chambre du conseil se déroulent en pratique entre le juge des enfants et le mineur accompagné parfois de ses parents ou d'un éducateur du service de l'éducation surveillée ou du SEAT613. Le droit à l'assistance d'un avocat dans toutes les procédures concernant le mineur a été affirmé par la Convention internationale relative aux droits de l'enfant614 ainsi que par la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant615. Ce droit ne peut être effectivement garanti que si l'avocat assiste le jeune prévenu durant la procédure dirigée contre lui. L'assistance du conseil est le seul moyen pour assurer sa défense. Dès lors, il importe que la justice des mineurs soit dotée d'avocats professionnels ou spécialisés aux questions relatives à l'enfance délinquante.

Entendre et défendre n'est pas une tâche simple. Elle ne peut être effectuée sans une formation spécifique préalable portant non seulement sur le droit pénal des mineurs, mais aussi sur la psychologie de l'enfant. L'avocat appelé à défendre le mineur doit écouter, prendre en compte et transmettre la parole de son client. Il doit aussi expliquer à l'enfant le processus judiciaire, la procédure dont il est l'objet, le conseiller, le rassurer du bien-fondé

610 Art.772 nouveau C.P.P.iv.

611 Art.774 al.2, art. 772-2° nouveau, art.781 al.4 nouveau C.P.P.iv.

612 GLON (C.), « L'avocat des mineurs », in Enfance et délinquance. XIe journées de l'Association française de droit pénal, Travaux et recherches de la Faculté des sciences juridiques de Rennes, Paris, Économica, 1993, p. 135.

613 Entendre par SEAT, le Service Educatif auprès du Tribunal, l'équivalent du service de l'éducation surveillée.

614 Art. 40, Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant de novembre 1989.

615 Art.17, Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1991, Doc. CAB/LEG/153/ rev.2.

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de l'action à engager pour garantir ses intérêts. En un mot, il s'agit d'organiser une défense qui reflète la conception moderne de la protection des droits de l'enfant616.

Au problème de la formation des avocats de mineurs, s'ajoute celui de la rémunération617 qui reste la seule source de motivation des avocats attirés par les affaires présentant un intérêt financier. En Côte d'Ivoire, les honoraires de l'avocat ayant en charge la défense des mineurs près le tribunal de grande instance d'Abidjan, sont payés par le Bureau international catholique pour l'enfance (BICE). En principe, l'Etat ne peut se désengager du financement de la justice. La rémunération des juges ainsi que des avocats accomplissant des missions d'intérêt public devrait en principe relever de sa compétence. Accessoirement, peut être associé à cette mission, le concours financier des organisations privées ou celui des collectivités locales.

L'expérience de financer la défense a été tentée en France avec la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique618. La loi contient des dispositions concernant la rémunération des avocats, bien qu'elle s'avère imprécise pour certains observateurs619. L'article 54 de la loi du 10 juillet 1991 dispose en substance qu'il est créé dans chaque département, un conseil départemental de l'aide à l'accès au droit et laisse à cette structure le soin d'en fixer le domaine, l'étendue et les effets, d'évaluer la qualité du fonctionnement des services organisés à cette occasion, de rechercher et recevoir les fonds de toute mesure destinée au financement de sa politique, de répartir les fonds reçus.

Outre ces juridictions, l'existence de la Cour d'assises des mineurs explique aussi le privilège de juridiction accordé aux mineurs au regard de sa compétence à l'égard du mineur, auteur de crimes.

§ 2. LA COUR D'ASSISES DES MINEURS, UNE JURIDICTION SPECIALE COMPETENTE EN MATIERE CRIMINELLE

La nécessité d'une spécialisation des juridictions pour mineurs a conduit le législateur à modifier les règles de droit commun de la Cour d'assises en instituant une Cour d'assises

616 GLON (C.), op. cit., p.135 et s.

617 BENHAMOU (Y.) « Réflexions en vue d'une meilleure défense en justice de l'enfant », op. cit., p.103 et s.

618 J.O. Rép. Franç., 13 juillet 1991, p.9170.

619 BENHAMOU Yves, op. cit., p.105.

des mineurs. En principe, la Cour d'assises des mineurs doit présenter les caractéristiques d'une juridiction spécialisée. Créée pour connaitre des crimes commis par les mineurs de plus de seize ans, la Cour d'Assises des Mineurs (C.A.M.).620 se distingue des autres juridictions pour mineurs par le fait qu'elle n'est pas une juridiction permanente, et par le fait qu'elle peut, contrairement au tribunal pour enfants, juger les mineurs et majeurs impliqués dans la même cause. Examinons donc sa particularité manifeste au regard de sa composition (A) et sa compétence (B).

A. LA COMPOSITION DE LA COUR D'ASSISES DES MINEURS

Certes, la Cour d'assises des mineurs est une juridiction spéciale. Pourtant, sa composition diffère très peu de celle de la Cour d'assises de droit commun. A l'image de la Cour d'assises des adultes, elle est composée d'un président, de deux conseillers et de six jurés tirés au sort pour la session de la cour d'assises621. En France, le jury comprend neuf jurés tirés au sort également. Il ne présente donc aucune spécificité en fonction de l'âge des personnes poursuivies622. Contrairement au tribunal pour enfants, la Cour d'assises des mineurs n'est pas présidée par un magistrat de la jeunesse. Le président est désigné et remplacé dans les mêmes conditions que celles prévues pour le président de la Cour d'assises623. C'est un président de Chambre ou un conseiller de la Cour d'appel qui préside la C.A.M624. Non seulement, le président de la C.A.M n'est pas un magistrat spécialisé, mais en plus le délégué à la protection de l'enfance qui aurait pu être mieux indiqué pour présider cette cour est écarté625.

Le principe de la séparation des fonctions de justice pourrait expliquer la désignation d'un juge qui n'a pas instruit l'affaire, ni siégé comme président du tribunal pour enfants. Si le respect de ce principe est essentiel à l'impartialité de la Cour, les raisons qui consacrent l'exception à ce principe auraient pu inciter le législateur à admettre la possibilité pour un magistrat de la jeunesse de la présider. Le législateur ivoirien a tenté de combler cette

620 Entendre par CAM, Cour d'Assises des Mineurs.

621 Art.776 al.1 et 3 nouveau, C.P.P. iv. (Loi n° 69371 du 12 août 1969).

622 RENUCCI (J-F.) « Droit pénal des mineurs », op.cit., p.138 ; art.512, C.Org.Jud.

623 Art. 776 al.2 nouveau, C.P.P. iv. ; art.20 al. Ord. 2 février 1945 ; art.244 à 246, C.P.P. fr.

624 Art.244 C.P.P. Iv.

625 RENUCCI (J.-F.), op.cit., p.140.

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insuffisance liée à la spécialisation de la Cour d'assises des mineurs626. Eu égard à la gravité des décisions, il serait préférable que la C.A.M. soit présidée par un juge des enfants, bien que ce soit aux jurés que revient l'honneur de se prononcer sur la culpabilité et la peine applicable au mineur. La non spécialisation du président de la Cour d'assises des mineurs est tempérée627 par la présence de magistrats de la jeunesse siégeant en tant qu'assesseurs. Le non-respect de cette disposition entraine la nullité de l'arrêt de la C.A.M.628 Toutefois, cela n'empêche pas la Cour de siéger même en l'absence de magistrats spécialisés. Cette éventualité a été expressément prévue par l'article 776 alinéa 3 nouveau du code de procédure pénale ivoirien à travers l'expression « sauf impossibilité (...) les deux membres magistrats sont pris parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'assises et désignés dans les formes des articles 248 à 252 ». L'inconvénient de la présence obligatoire du conseiller délégué à la protection de l'enfance à la Chambre d'accusation est qu'il ne peut en aucun cas présider la Cour d'assises des mineurs629.

Il faut souligner que l'institution d'un délégué à la protection de l'enfance siégeant comme membre de la Chambre d'accusation, lorsque celle-ci statue sur une affaire dans laquelle le mineur est impliqué, est une avancée de poids du droit pénal français des mineurs. En droit ivoirien, un magistrat de la Cour d'appel est désigné par arrêté du Garde des Sceaux pour présider l'audience spéciale de la Cour d'appel. Il siège comme membre de la Chambre d'accusation quand celle-ci statue sur une affaire dans laquelle un mineur est mis en cause soit seul, soit avec des coauteurs ou complices majeurs630. Aussi, bien qu'il dispose en cause d'appel des pouvoirs du juge des enfants631, la loi ne dit pas qu'il doit être nécessairement choisi parmi les magistrats de la jeunesse. Par conséquent, le problème de la présidence de la Cour d'assises des mineurs assurée par un magistrat spécialisé est résolu : il n'est pas besoin que la C.A.M. soit présidée par un juge spécialisé, encore moins par un juge des enfants. Comment justifier ce choix ? Est-ce par nécessité de respecter le principe de la

626 Art.776 al.2 nouveau, C.P.P. iv.

627 Art.20 al.2, Ord. 2 février 1945.

628 Cass. Crim. 8 décembre 1971 : Bull. crim.1971, n°344, p.864.

629 LAZERGES-ROTHE (C.) , La Cour d'assises des mineurs et son fonctionnement. Etude sociologique et juridique, Thèse paris II.,1969/L.G.D.J.1973, p.224.

630 Art.795 al 1eret 2, C.P.P.iv.

631 Art. 795 al.3, C.P.P. iv.

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séparation des fonctions judiciaires ? Doit-on considérer que le législateur ivoirien en a décidé ainsi dans le but de garantir l'efficacité répressive de la cour d'assises ?

L'article 253 du code de procédure pénale ivoirien et français dispose que « ne peuvent faire partie de la cour en qualité de président ou d'assesseurs, les magistrats qui, dans les affaires soumises à la cour d'assises, ont soit fait acte de poursuites ou d'instruction, soit participé à l'arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l'accusé. » Pour certains auteurs, rien ne s'oppose à ce que le délégué à la protection de l'enfance siège deux fois dans la même cause, étant donné qu'il n'y a pas d'incapacité ou d'incompatibilité sans textes, et ceux qui en établissent ne sauraient être étendus à des hypothèses qu'ils ne prévoient pas632. Or, justement l'article 253 fait opposition à cette thèse dans la mesure où ledit article se présente comme étant le texte de base faisant référence à ces incapacités et incompatibilités. En dépit de ces restrictions, les assesseurs de Cour d'assises sont choisis impérativement parmi les juges des enfants. La chambre criminelle de la Cour de cassation a annulé plusieurs arrêts de la C.A.M. rendus en violation de l'article 20 alinéa 2 de l'ordonnance du 2 février. Pour la Cour de cassation, « la composition étant d'ordre public, doit être annulé l'arrêt rendu par une cour d'assises des mineurs, lorsqu'il n'est pas constaté que l'un des assesseurs avait la qualité de juge des enfants de l'un des tribunaux du ressort de la cour d'appel ou qu'il avait été désigné en raison de l'indisponibilité de tout magistrat du ressort ayant cette qualité »633. A l'évidence, la composition de la C.A.M. par des membres non spécialisés est contraire aux principes directeurs de la justice pénale des mineurs. Cependant, force est de reconnaitre que ce qui importe le plus ce n'est pas tant la composition de cette juridiction, mais plutôt la décision prise à l'encontre du mineur.

La C.A.M est une juridiction répressive qui juge les infractions recouvrant la qualification la plus grave, c'est à-dire les infractions qualifiées « crimes », et sanctionnées par les peines les plus graves, réclusion à temps ou à perpétuité, même si des peines d'emprisonnement ou

632 LAZERGES-ROTHE (C.), op cit.p.224.

633 Cass. Crim. 15 novembre 1951: Bull. crim. 1951, n°289; Cass. Crim.5 Avril 1954 : Bull. crim.1954, n° 142,n°246, Cass. Crim. 8 décembre 1971 : Bull. crim. 1971, n°344.

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amende, le cas échéant avec sursis, peuvent aussi être prononcées634. Entre son caractère répressif et l'état de minorité des individus qu'elle juge, il faut s'interroger sur l'opportunité de la saisine d'une Cour d'assises pour connaitre des affaires de mineurs. L'idée de former une juridiction composée du tribunal pour enfants assorti d'un jury635 était séduisante en ce sens qu'elle aurait permis aux magistrats de la jeunesse de s'impliquer davantage dans le fonctionnement de la Cour d'assises des mineurs. Malheureusement, elle a été abandonnée. L'idée ayant été écartée, il reste maintenant à savoir si la présence d'assesseurs (juges des enfants) sera exigée pour la composition de la C.A.M. Sur cette question, les textes n'apportent pas de réponse précise. L'on sait seulement qu'après la clôture des débats, les magistrats de la Cour ainsi que les jurés se retirent pour délibérer636. Ils votent sur la culpabilité et la peine637. Enfin, la C.A.M. n'est pas une juridiction permanente. Elle se réunit durant les sessions de la Cour d'assises des majeurs. Dans le système pénal ivoirien, la tenue des assises a lieu tous les trois mois638. Le président de la Cour d'appel peut, après avis du procureur général, ordonner qu'il soit tenu au cours d'un même trimestre une ou plusieurs sessions supplémentaires639. La date de l'ouverture de chaque session d'assises ordinaires ou supplémentaires est fixée, après avis du président de la cour d'appel640.

B. LA COMPETENCE DE LA COUR D'ASSISES DES MINEURS

Les règles qui répartissant les compétences entre les différentes juridictions sont d'ordre public étant donné qu'elles sont liées à l'organisation judiciaire641. L'une d'elles veut que toutes les infractions qui, en vertu du code pénal, sont qualifiées de crimes soient déférées à la cour d'assises ou à la cour d'assises des mineurs642, quand il s'agit de faits commis par

634 FAYOLLE (B.) « La procédure criminelle entre permanence et réforme », in La cour d'assises. Bilan d'un héritage démocratique, Ass. Franç. Pour l'histoire de la justice (AFHJ), Coll. Histoire de la justice »,n°13, La Doc. Franç., Paris, 2001, p.65.

635 Cf. LAZERGES-ROTHE (C.), op.cit., p.213 et s.

636 Art.350, C.P.P. iv.

637 Art.351, C.P.P.iv.

638 Art.235, C.P.P.iv.

639 Art.236, C.P.P.iv.

640 Art.237, C.P.P.iv.

641 Cass. Crim. 7 août 1851, D.1851, p.278. ; Cass. Crim. 6 août 1977 : Bull.crim.1977, n°276 ; Cass. Crim.4 janvier 1978, Gaz.pal. 1978-II-397 ; C.A. Reims, 9 novembre 1978, D.1979, p.42, note J.PRADEL.

642 LAZERGES-ROTHE (C.), Op. cit., p.216.

253

des jeunes de 16 à 18 ans643. Pour répartir les compétences entre les différentes juridictions, la loi prend en compte trois éléments644 : le lieu où l'infraction a été commise (la compétence ratione loci), la situation personnelle du délinquant (compétence ratione personae), la nature de l'infraction (compétence ratione materiae).

1. La Compétence ratione loci

»645.

Cette compétence ne soulève pas de problème majeur. La loi pénale prend en compte d'abord le lieu des activités délictueuses ou criminelles. A ce propos, l'article 759 du code de procédure pénale ivoirien dispose que « sont compétents, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs du lieu de l'infraction, de la résidence du mineur ou de ses parents ou du lieu où le mineur aura été trouvé ou du lieu où il a été placé, soit à titre provisoire, soit à titre définitif

2. La compétence ratione personae

Le mineur âgé de seize ans au moins accusé de crime est jugé par la Cour d'assises des mineurs646. A l'instar des droits béninois et français, en droit ivoirien, la Cour d'assises des mineurs connait des crimes commis par le mineur de 16 à 18 ans647. Mais en fait, elle partage cette compétence avec le tribunal pour enfants qui est la juridiction compétente en cas de crime commis par un mineur de 16 ans. Par ailleurs, en droit pénal français des mineurs, la pratique de la correctionnalisation reste très en vogue. Cette atteinte au principe de la légalité s'explique par des raisons liées à la personne du criminel648. En droit pénal ivoirien où la correctionnalisation judiciaire est légalisée649, elle se justifie par des raisons d'opportunité de la répression pénale. L'article 214 du code de procédure pénale ivoirien prévoit que lorsque les faits retenus à la charge des inculpés constituent une infraction que la loi qualifie de crime, la Chambre d'accusation prononce le renvoi des inculpés devant la cour

643 Art. 20 Ord. 2 fév. 1945 ; art.776 nouveau C.P.P.iv.

644 RENUCCI (J-F.), Droit pénal des mineurs , Masson, 1994, p.216.

645 Rappr. Art.3, Ord.2 février 1945.

646 Art.776 nouveau C.P.P.iv. (Loi n°69-371 du 12 août 1969) ; art.774, C.P.P.iv.

647 Art. L.511-2, C.org. Jud. ; Loi du 24 mai 1951.

648 RENUCCI (J-F.), Droit pénal des mineurs, Masson, 1994, p.142.

649 BONI (A.), « Une correctionnalisation légale judiciaire : l'article 214 alinéa 3 du code de procédure pénale », Bull. Cour suprême, R.C.I., n°1, 1964.p.2.

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d'assises650. Toutefois, « si la chambre d'accusation estime qu'il n'y a pas lieu de prononcer qu'une peine correctionnelle, en raison des circonstances, elle peut, par arrêt motivé, et sur réquisitions conformes du ministère public, renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel, lequel ne pourra décliner sa compétence »651.

Le mineur de 16 ans n'est justiciable que du tribunal pour enfants et ne peut donc être renvoyé devant la cour d'assises des mineurs652.

En principe, seuls les mineurs de 16 à 18 ans sont justiciables de la cour d'assises des mineurs, les mineurs de 16 ans reconnus coupables de crime étant jugés par le tribunal pour enfants. Or, la Cour d'assises des mineurs est soumise au principe de la plénitude de juridiction. Selon l'article 231 du code de procédure pénale ivoirien, « la Cour d'assises a plénitude de juridiction pour juger les individus renvoyés devant elle par l'arrêt de mise en accusation (...) ». La Cour d'assises des mineurs ne peut donc logiquement se déclarer incompétente pour juger les individus âgés de plus de 18 ans déférés devant elle. Aussi, est-elle compétente pour juger les éventuels coauteurs ou complices majeurs. En effet, lorsque le mineur a agi en complicité ou en coaction avec des majeurs, en cas de poursuite, la Chambre d'accusation peut, soit renvoyer tous les accusés âgés de plus de 16 ans au moins devant la cour d'assises des mineurs, soit disjoindre les poursuites concernant les majeurs et renvoyer ceux-ci devant la cour d'assises de droit commun653. Pour éviter les contrariétés de jugement654, la Chambre d'accusation évite autant que faire se peut, de disjoindre les causes.

Que se passe-t-il quand le mineur de moins de 16 ans est renvoyé devant la C.A.M. avec des complices ou des coauteurs de plus de 16 ans (16 à 18 ans) ? Dans ce cas, deux hypothèses sont envisageables. La première est celle émanant de la loi655 qui prévoit que seuls les mineurs d'au moins 16 ans sont justiciables de la cour d'assises des mineurs. Ce faisant, le mineur de moins de 16 ans sera traduit seul devant le tribunal pour enfants. Il ne

650 Art.214 al. 1er , C.P.P. iv.

651 Art. 214 al.3, C.P.P. iv.

652 Cass. Crim.23 janvier 1989 : Bull. crim., n°26 ; art.772-2° nouveau C.P.P.iv. (Loi n°69-371 du 12 août 1969).

653 Art.774, C.P.P.iv.

654 Exemple : Arrêt « Ravenel » : le mineur a été relaxé pour vol par le tribunal pour enfants, alors que son père est condamné pour recel des sommes volées par son fils : Cass. Crim. 9 février 1956, J.C.P., 1956, II, 9574, note J.LARGUIER, D.1956-501.

655 Art.20, Ord.2 février 1945 ; art.774 C.P.P.iv.

255

sera donc pas possible d'évoquer la plénitude qui, d'ailleurs, ne prévoit aucune exception. Aussi, il arrive que la plénitude de juridiction soit refusée à la cour d'assises des mineurs dans le cas où un mineur de moins de 16 ans est coauteur ou complice d'un crime commis par un mineur âgé de 16 à 18 ans. La jurisprudence de la Cour de cassation qui consacre cette solution estime que les règles édictées par l'ordonnance du 2 février 1945 sont impératives et ne comportent pas d'exception656.

La seconde hypothèse est tirée d'une jurisprudence très ancienne qui soutient qu'on ne peut accorder la plénitude de juridiction à un tribunal pour connaitre des crimes commis par les mineurs de 16 ans. La Cour d'assises des mineurs est tout à fait indiquée pour juger les crimes commis par un mineur de moins de 16 ans avec des coaccusés de plus de 16 ans657.

3. La compétence ratione materiae

La Cour d'assises des mineurs est une juridiction spéciale qui dispose de larges compétences ratione materiae, puisqu'elle peut juger aussi bien les complices et coauteurs majeurs des mineurs criminels de 16 à 18 ans658. Elle se distingue ainsi des autres juridictions pour enfants. Mais, l'étiquette de « juridiction spécialisée » que la littérature de droit pénal des mineurs tend à lui attribuer est de plus en plus contestée dans la mesure où elle s'apparente dans son fonctionnement à une juridiction de droit commun. De prime abord, la compétence de la C.A.M. semble relativement limitée aux crimes commis par les mineurs de 16 à 18 ans. Mais, elle est également compétente pour connaître des délits ou des contraventions connexes aux crimes commis par des mineurs de 16 à 18 ans659, non en raison de la plénitude de juridiction, mais pour une raison simple. En effet, de même qu'un tribunal pour enfants saisi de délits ou de contraventions connexes doit se déclarer compétent660, de même une cour d'assises des mineurs doit se déclarer compétente pour juger des délits et contraventions connexes661.

656 Cass.crim.21 mars 1957 :Bull. crim. 1957, n°281. ; Cass.crim.29 novembre 1963 : Bull. crim.1963, n°268.

657 Cass.crim. 5 juillet 1832 : Bull.crim.1832, n°24, p.541.

658 LAZERGES-ROTHE (C.), op. cit., p.220.

659RENUCCI (J-F.) « Juridictions pour mineurs », J.Cl. Pén., 1995, art. 122-8, Fasc. 30, p.8.

660 C.A. Angers, 1er avril 1954, JCP., 1954, éd. G.V., 8186.

661 LAZERGES-ROTHE (C.), op. cit., p.221; RENUCCI (J.-F.) « Droit pénal des mineurs », Op. cit. p.143 et « Juridictions pour mineurs », op. cit.p.8.

256

Compte tenu de la spécificité de la délinquance des mineurs, et dans l'intérêt de l'accusé, le jugement devant la C.A.M. est entouré d'une formalité particulière prescrite à peine de nullité. En effet, la Cour doit statuer spécialement662 :

- Sur l'application à l'accusé d'une sanction pénale ;

- Sur l'exclusion de l'accusé du bénéfice de l'excuse atténuante de minorité.

Lorsqu'il sera décidé que le mineur de 16 ans au plus ne doit pas faire l'objet d'une condamnation pénale, la Cour devra statuer sur les mesures éducatives à prendre conformément aux articles 783 et 784 du code de procédure pénale ivoirien. Les choses se compliquent au niveau du « jeu des excuses atténuantes » entre la situation du mineur de 13 ans et ceux de 16 à 18 ans. Si les premiers bénéficient de plein droit de l'excuse atténuante de minorité ou de l'excuse absolutoire de minorité, tel n'est pas le cas pour ceux de plus de 16 ans. Certes, l'article 116 du code de procédure pénale dispose qu'ils peuvent bénéficier de l'excuse atténuante de minorité, mais le même article précise que : « (...) dans les conditions prévues par le code de procédure pénale663 ». A l'évidence, la Cour peut décider qu'il n'y a pas lieu de retenir l'excuse atténuante664. Il en résulte que l'excuse atténuante de minorité est obligatoire pour les mineurs de 13 ans et facultative pour ceux de 16 à 18 ans. Par conséquent, la C.A.M. peut soumettre le mineur coupable de crime à un traitement identique à celui des criminels adultes.

La récente réforme de la procédure pénale française contient un aspect qui permettra probablement de soustraire le mineur traduit devant une Cour d'assises de la sévérité des condamnations prononcées par cette juridiction. Il s'agit de la possibilité offerte désormais à l'accusé de faire appel de l'arrêt de la cour le condamnant avant qu'il ne soit exécutoire. L'article 81 de la loi du 15 juin 2000, introduisant après l'article 380 du code de procédure pénale un nouvel article (art.380-1), prévoit que les arrêts de condamnation rendus par la Cour d'assises peuvent faire l'objet d'appel665. Toujours selon cet article, la faculté d'appeler

662 Art.778 C.P.P. iv.

663 Art. 116 al. 4 C.P.P. iv.

664 Art. 758 al.1er C. P.P.iv.

665 Désormais, les arrêts de condamnation rendus par les cours d'assises, à l'exception des arrêts d'acquittements, pourront faire l'objet d'un appel, portés devant une autre cour d'assises désignée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation et composée de douze jurés ( articles 231, 296 et 380-I et s. C.P.P.). L'appel pourra être formé, non seulement par le condamné, mais aussi par le parquet qui pourra former appel. Le terme « appel » employé par la loi du 15 juin 2000 ne doit pas être confondu avec l'appel correctionnel. La

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appartient à l'accusé, au ministère public666, à la personne civilement responsable, aux administrations publiques (art.380-2). L'appel en révision du procès introduit dans la procédure criminelle est entre autres un moyen de réduire au minimum les erreurs judiciaires667. Il permet par exemple d'éviter que de simples suspects ou présumés coupables soient condamnés à tort. Par cette réforme, le principe de la présomption d'innocence s'attache inévitablement d'une garantie supplémentaire. Les peines criminelles pouvant s'élever au seuil de trente années incompressibles d'emprisonnement, comment ne pas accorder à celui qui est condamné à une telle peine de demander à être rejugé ?668

Comment ces juridictions compétentes protègent-elles à travers leurs décisions les enfants ?

La protection de l'enfant par les décisions judiciaires s'observe d'une part, à travers la décision de relaxe ou la mesure éducative669 prononcées par le juge des enfants et d'autre part, par la prééminence des mesures éducatives et le caractère exceptionnel des mesures privatives de liberté670 prononcées par le tribunal pour enfants et de la cour d'assises des mineurs.

Le niveau d'engagement de l'Etat étant loin d'être satisfaisant, on observe un engagement salutaire d'acteurs non gouvernementaux. Ainsi, observe-t-on, l'action des institutions d'appui et de contrôle ayant une importance variable.

cour d'assises statuant en appel ne devra pas infirmer ou confirmer la première décision, mais elle devra réexaminer l'affaire. Il reste que certains principes généraux de l'appel tels que l'interdiction d'aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel ont été maintenus. En ce sens, voir, « la Cour d'assises. Bilan d'un héritage démocratique », Ass. Franç. pour l'histoire de la justice (AFHJ), op. cit., p.144.

666 La loi exclut cependant l'appel du parquet contre les décisions d'acquittement.

667 CHASSAING (J-F) « L'appel des arrêts des cours d'assises : le poids de l'histoire », Ass. Franç. pour l'histoire de la justice (AFHJ), Ibidem., p.138 ; ég. Dans le même ouvrage, voir « La réforme de la cour d'assises dans la loi du 15 juin 2000 » , p.144.

668 TEMIME (H.) « L'appel des arrêts d'assises », R.S.C., n°1, 2001, p.85.

669 Article 772 du CPP ivoirien.

670 Article 757 du CPP ivoirien ; articles 37.b de la CDE et de l'article 11 des Règles de Beijing ; Article 783 du Code de Procédure pénale.

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Chapitre II :

L'IMPORTANCE VARIABLE DES INSTITUTIONS D'APPUI ET DE

CONTROLE

La communauté nationale et internationale a, de nos jours pris conscience de l'importance des mécanismes de « protection et de promotion » à l'intérieur d'un système juridique donné. Aux procédures traditionnelles étatiques, se juxtaposent aujourd'hui une grande variété de mécanismes non étatiques et supra étatiques en vue de protéger les enfants. Ainsi, en marge de la relation entre le pouvoir et la personne, principaux locuteurs et acteurs de la discussion internationale des droits de l'enfant, d'autres acteurs tendent de faire entendre leur voix, qu'il s'agisse d'associations de promotion et de défense des droits de l'enfant, de groupes de lobbying représentants divers intérêts, de cliniques juridiques universitaires ou de groupes d'experts, de juridictions ou des quasi-juridictions régionales ou universelles.

Le terme générique ANE est très large et inclut, selon les termes de Philip Alston « tout ce qui n'est pas un Etat, qu'il s'agisse d'IBM, du FMI, de shell ou d'Amnesty international. »671. Les ANE incluent des groupes tels que : les organisations non gouvernementales (ONG), les groupes religieux, la société civile, les individus, les organisations internationales, les sociétés transnationales (STN), les entreprises, les groupes rebelles, les organisations terroristes, les entrepreneurs militaires, les groupes armés d'opposition. Les ANE guident les politiques, entament les guerres, nuisent aux gouvernements et aident les citoyens, en même temps qu'ils leur portent atteinte. Dans ce cas, ils sont détenteurs d'un pouvoir et de ressources (économiques, militaires et de conviction) égaux ou supérieurs à certains Etats672.

Toutefois, ici, seuls seront envisagés les ANE exerçant un appui ou un contrôle de l'effectivité des droits. Ainsi, à l'examen du rôle d'appui des institutions internationales et privées (Section 1), succédera, l'analyse du rôle mitigé des organes de contrôle (Section 2).

671 ALSTON (P.), « the `Not-a-Cat' Syndrome : Can international Human Rights Regime Accomodate Non State Actors ? » in Non-State Actors and Human Rights, Philip Alston, dir., New York : Oxford University Press, 2005, p.4. ; JESSICA LAWRENCE (C.), Les droits de l'Homme, institut de formation aux opérations de paix, 2014, p.346.

672 JESSICA LAWRENCE (C.), Les droits de l'Homme, institut de formation aux opérations de paix, 2014, p.346.

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SECTION I. LE ROLE D'APPUI DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET PRIVEES

Les institutions d'appui n'exercent que des velléités de contrôle en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. Et leurs actions n'aboutissent qu'à des pressions d'ordre moral. Le rôle d'aiguillon des institutions internationales compétentes en matière de droits de l'enfant, à travers la coopération internationale (Paragraphe 1), conjugué à l'appui des institutions de la société civile (Paragraphe2), participent tant bien que mal à la garantie des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

§ 1. LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES COMPETENTES EN MATIERE DE DROITS DE L'ENFANT

Au sens de l'article 57 de la Charte de l'ONU, l'expression « institutions spécialisées » désigne les organisations universelles qui sont reliées à l'ONU par des accords spéciaux, ont été créées par des traités intergouvernementaux et dont le statut leur confère « des attributions internationales étendues dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique et autres domaines connexes ».

Malgré les tentatives de coordonner les activités des quinze institutions spécialisées673 avec celles de l'ONU, des programmes concurrents continuent d'exister, alors que des problèmes de coordination se posent au niveau des Etats membres à propos des politiques qu'ils préconisent dans les différentes enceintes674.

Il est toutefois opportun de nuancer ces critiques, puisqu'une certaine dose d'incohérence dans les relations existantes au sein de la famille onusienne dépend de la philosophie même de l'Organisation mondiale : les Nations Unies sont construites sur une union d'indépendance et de diversité, plutôt que de fusion et de centralisation, et il y a de bonnes raisons pour laisser les domaines de coopération fonctionnelle aux mains d'institutions spécialisées, dotées d'une personnalité, d'un membership et d'un budget distincts de ceux de l'ONU675.

673 Si on considère les cinq institutions financières séparément, au lieu du Groupe de la Banque mondiale, on comptera 19 institutions.

674 Voy. à ce propos les considérations de BERTRAND (M.), L'ONU, 5è éd., Paris : Découverte, Collections Repères, 2004, p.55.

675 KOLB (R.), An Introduction to the Law of the United Nations, Oxford: Hart Publishing, 2010, § 103. L'auteur y résume aussi les raisons principales de ce système décentralisé: crainte d'une centralisation

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Comme il a été justement observé, les fonctions remplies par ces organisations se rapprochent de celles des organes subsidiaires des Nations Unies oeuvrant pour la coopération économique et sociale, mais leurs relations avec l'ONU sont de nature paritaire et non pas hiérarchique676.

Un grand nombre d'institutions spécialisées donnent une contribution substantielle au système onusien de protection des droits de l'enfant et seront mentionnées dans la présente étude. Trois d'entre elles, pour le rôle qu'elles jouent dans la lutte pour la réalisation des droits de l'enfant, méritent d'être rappelées. Il s'agit de l'Unicef, de l'OIT, de l'Unesco.

Dans ce paragraphe, nous aborderons la problématique de la coopération ponctuée par le rôle d'aiguillon joué par nombre d'institutions spécialisées de l'Onu dans la mise en oeuvre effective des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire ; cela se fera, non sans épuiser la liste des organisations onusiennes oeuvrant de façon directe ou indirecte à la réalisation des droits de l'enfant, par l'examen du rôle essentiel joué par le Fonds des Nations unies pour l'enfance (A) et l'action complémentaire des autres institutions internationales, notamment, l'OIT et l'UNESCO (B).

A. LE ROLE ESSENTIEL DE L'UNICEF

Seront abordés dans un premier temps le rôle général de l'UNICEF dans la protection des enfants (1), et dans un deuxième temps, ses actions en Côte d'Ivoire (2).

1. Présentation du rôle de l'UNICEF dans la protection des droits de l'enfant

Mandaté par l'Assemblée générale des Nations Unies pour défendre les droits des enfants et répondre à leurs besoins essentiels et favoriser leur plein épanouissement677, l'UNICEF agit plus de 60 ans après sa création comme une «agence spécialisée» des Nations Unies dans le domaine de l'enfance678 ; de ce fait, elle apparait comme la seule organisation des

excessive, expérience tirée de la Société des Nations, risqué de politisation et questions liées au statut de membre.

676 CONFORTI (B.), Le Nazioni Unite, 6e éd., Padova : Cedam, 2000, pp.242-244.

677 http://www.unicef.org/french/media/media_35908.html (consulté le 10 novembre 2015).

678 DUMERCQ (M.M), Mise en perspective des ambiguïtés de la communication des organisations intergouvernementales humanitaires : le cas de l'UNICEF dans les stratégies de recherche de fonds , Université Bordeaux 3- Michel Montaigne, Thèse de doctorat, 2009, 322 p., p.138.

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Nations Unies qui se consacre uniquement à la cause des enfants dans le monde. Indépendante sur le plan politique et confessionnel, l'UNICEF élabore et finance des projets de développement et vient en appui aux pays en difficulté679. Dans la mise en oeuvre de ses actions, l'Organisation fonctionne sur la base d'un découpage du globe en huit (8) régions, dont celle de l'Afrique de l'Ouest et du Centre. Cette dernière zone regroupe 24 pays680 dont la Côte d'Ivoire.

Depuis l'adoption de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant en 1989, l'UNICEF s'appuie sur cette dernière pour mener sa mission. Elle concentre ses objectifs sur la protection et le développement des enfants dans le monde avec des axes prioritaires qu'elle a regroupés en cinq domaines d'intervention681 :

- Survie et développement de l'enfant, basé sur des services basiques à prix accessible pour sauver la vie des enfants ;

- Éducation de base, égalité des sexes, basés sur une éducation gratuite et de qualité pour tous ;

- VIH/SIDA et les enfants, basés sur la prévention, la transmission parent-enfant, les soins pédiatriques, les enfants affectés par le SIDA ;

- Protection de l'enfant, qui consiste à bâtir un environnement protecteur pour les enfants ;

- Et enfin, l'analyse de politiques et partenariat, qui consiste à axer la politique publique sur les droits de l'enfant.

En Côte d'Ivoire, les priorités de l'UNICEF sont axées sur : la survie, l'éducation et la protection de l'enfant.682

Pour accomplir sa mission et atteindre ses objectifs, l'UNICEF a nécessairement besoin de moyens. Il se pose donc la question des sources de financement de l'Organisation et des autres moyens qui lui sont nécessaires.

679 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, .272-274.

680 Outre la Côte d'Ivoire, on a : le Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Cap-Vert, Congo, RDC, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Rép. Centrafricaine, Sao Tomé- et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Tchad, Togo.

681 Ces cinq domaines d'intervention de l'UNICEF sont disponibles en ligne sur le lien http://www.unicef.org/french/whatwedo/index.html (consulté le 06 juillet 2015).

682 Source : http://www.unicef.org/french/infobycountry/cotedivoire.html (consulté le 06 Juillet 2015).

En abordant la question des moyens d'action de l'UNICEF, nous voulons mettre ici un accent particulier sur les sources de financement de l'Organisation. Mais avant cela, nous allons brièvement faire le tour des diverses ressources dont l'organisation se sert pour accomplir sa mission.

Nous retiendrons que l'UNICEF dispose d'un réseau de plus de 100.000 bénévoles683 à travers le monde et d'un réseau de plus de trois cents trente (330) ambassadeurs (de bonne volonté) parmi lesquels on compte des artistes célèbres, des acteurs du cinéma, des sportifs de haut niveau etc. qui prennent position pour la cause des droits de l'enfant dans le monde684. Parmi ces ambassadeurs, on compte environ une trentaine d'ambassadeurs internationaux dont le footballeur britannique David Beckham, le footballeur Argentin Lionel Messi, l'acteur chinois Jackie Chan, la chanteuse béninoise Angélique Kidjo, la chanteuse colombienne Shakira Mebarak , le prestigieux orchestre philharmonique de Berlin685 (Berliner Philharmoniker); une douzaine d'ambassadeurs régionaux et environ 290 ambassadeurs nationaux.

Au-delà de ces personnalités qui mettent leur notoriété au service de l'organisation, l'UNICEF compte plus de dix mille (10.000) employés dont environ 88% travaillent directement sur le terrain et le reste au siège686.

Au plan financier, le budget annuel de l'UNICEF dépasse les trois (03) milliards de dollars USA depuis 2007.687 Les recettes de l'organisation s'élevaient en 2009 à 3.256.118

683 DUMERCQ (M.), « Mise en perspective des ambigüités de la communication des organisations intergouvernementales humanitaires : le cas de l'UNICEF dans les stratégies de recherche de fonds », op.cit. p.42. voir aussi http://www.unicef.org/french/about/employ/index_volunteers.html (consulté le 29/10/2015).

684 Source : http://www.unicef.org/french/people/people_ambassadors.html , (consulté le 13-04-2014).

685 Comptant plus de 120 membres, l'orchestre philharmonique qui déjà en 2002 est devenu une fondation charitable a été nommé en 2007 comme ambassadeur itinérant de l'UNICEF.

686 DUMERCQ (M.), « Mise en perspective des ambiguïtés de la communication des organisations intergouvernementales humanitaires : le cas de l'UNICEF dans les stratégies de recherche de fonds », op.cit. p.42.

687 En effet, en 2007 le budget annuel de l'organisation s'élevait à 3 013 millions de dollars US, en 2008 il s'élevait à 3 390 million de dollars US et en 2009 il s'élevait à 3 256 millions de dollars US. Ces données sont disponibles dans le rapport annuel 2008 de l'UNICEF publié par la division de communication de

l'organisation en 2009 et en ligne sous lien :
www.unicef.org/french/publications/files/UNICEF_Annual_Report_2008_FR_072709.pdf( consulté le 10 Novembre 2013).

Et le rapport annuel 2009 publié par le même service et disponible sous le lien : http://www.unicef.org/french/publications/files/UNICEF_Annual_Report_2009_FR_061510.pdf

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448 USD, en 2010 à 3.681.890.741 USD, et en 2011 à 3.711.086.493 USD.688 En 2014, le total des dépenses s'élevait à 4868 milliards de dollars689. Comme on peut le constater, les dépenses de l'organisation ces dernières années ne cessent de progresser. Ceci peut s'expliquer par le besoin sans cesse croissant de moyens pour financer ses actions. Et on peut donc supposer que les problèmes liés à l'enfant dont l'organisation s'occupe dans le monde ont une tendance à progresser. Le budget d'UNICEF « est entièrement financé par des contributions volontaires » 690 qui proviennent, selon la classification de l'organisation : des gouvernements, du secteur privé et des organisations non gouvernementales, autres recettes, et des accords inter institutions691. Les États membres des Nations Unies sont les principaux contributeurs du budget de l'organisation.

L'organisation des Nations unies pour l'enfance intervient aussi en appui humanitaire dans les cas d'urgence692. Dans ce cadre, elle intervient dans plus de 250 cas dans le monde chaque année693.

Mais comment fonctionne l'UNICEF sur le terrain et quel rôle joue-t-elle en pratique en faveur des enfants en Côte d'Ivoire ?

688 Ces données sont disponibles dans les rapports d'UNICEF des années correspondantes et sont disponibles sur le site http://www.unicef.org/french/publications. 689 http://www.unicef.org/french/publications/files/UNICEF_Annual_Report_2014_French-2.pdf (consulté le 2 novembre 2015).

690 Selon le rapport 2008 de l'UNICEF, les recettes de l'organisation « sont divisées en ressources « ordinaires » et « autres » ressources. Les ressources ordinaires ne font l'objet d'aucune restriction et elles servent à financer les programmes de pays, l'appui aux programmes et les activités de gestion et d'administration approuvées par le Conseil d'administration de l'UNICEF. Les autres ressources sont sujettes à des restrictions et sont affectées à des activités spécifiques approuvées par le Conseil, dans le cadre des programmes de pays. Ces ressources se subdivisent en contributions « ordinaires » et contributions affectées aux « opérations d'urgence ».

691 https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/action-humanitaire-d-urgence/informations-complementaires/partenaires-multilateraux-et-nationaux-du-centre-de-crise/article/unicef (consulté le 2 novembre 2015).

692 Selon la procédure d'activation d'urgence, les interventions humanitaires sont classées en trois catégories : du niveau 1 au niveau 3. Cf. doc. «Appui global de l'UNICEF disponible sur http://www.unicef.org/french/hac2012/files/HA012_FR_global.pdf(consulté le 18/12/2015).

693 http://www.unicef.org/french/hac2012/hac_global.html (consulté le 14 Juillet 2013).

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2. Les actions de l'Unicef en Côte d'Ivoire

Pour mener à bien sa mission sur le terrain, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance signe des accords de coopération avec les États ou territoires où elle désire opérer.694 Ainsi, avec le gouvernement de l'État en question, ils « préparent conjointement les programmes dans les différents secteurs pour le bien-être des enfants dans un document appelé «Programme de Coopération». Chaque partie détermine son rôle, ses responsabilités et sa contribution dans le Programme de Coopération. L'UNICEF apporte l'assistance technique, matérielle et financière et le gouvernement exécute le programme à travers les différents ministères ». 695 Sur ce plan, son travail se trouve facilité par le fait que pratiquement tous les États au monde ont ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant. Ainsi, le Fonds des Nations unies pour l'Enfance apparait comme un élément clé dans l'application de la CIDE et de ce fait, il doit jouer un rôle déterminant dans la lutte contre les violations des droits de l'enfant et contribuer ainsi à une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

L'UNICEF collabore avec les États parties à la Convention et plaide pour la défense des droits de l'enfant tout en contribuant au développement de cadres juridiques et de politiques internes en matière de droits de l'enfant. Dans le même temps, il « soutient aussi le Comité des droits de l'enfant qui surveille l'application de la Convention et de ses Protocoles facultatifs par les États parties. La Convention lui confère un rôle particulier dans le processus de surveillance. En plus des conseils et de l'assistance qu'il apporte au Comité, il appuie la tenue de vastes consultations au sein des États pour améliorer la précision et l'impact des rapports qui sont soumis au Comité ».696

Dans la pratique en Côte d'Ivoire, le Fonds des Nations unies pour l'enfance collabore autant avec le gouvernement que les Organisations non gouvernementales dans la lutte pour un cadre national propice à la mise en oeuvre des droits de l'enfant.

694 Elle est présente dans 191 pays et territoires. V. www.unicef.org/french/infobycountry/index.html (consulté le 14 Juillet 2013).

695 www.unicef.org/drcongo/french/about_1054.html (consulté le 14 Juillet 2013).

696 Cf. UNICEF en action sur : http://www.unicef.org/french/crc/index_action.html (consulté le 06/02/2017)

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Au niveau du gouvernement, le principal partenaire du fonds reste le ministère de la famille et de l'enfant697, même si d'autres ministères tels que le Ministère de l'intérieur, le Ministère de la justice et des droits de l'homme bénéficient de l'appui de l'UNICEF.

En ce qui concerne la collaboration avec le gouvernement, nous avions relevé sur le terrain que l'UNICEF a équipé en mobilier de bureau et matériel roulant, les directions départementales des ministères de la famille, de la santé, et de l'intérieur698. De même, nous avions constaté, lors notre passage à la direction départementale du ministère de la famille des départements de Yamoussoukro et d'Agboville, l'enregistrement informatique des données statistiques sur les OEV699 dans ces départements, effectué par deux jeunes opératrices de saisie, qui n'étaient pas agents de la direction. Selon les informations recueillies, ce travail de collecte de données fait partie d'un programme initié et financé par l'Unicef.

De même, en 2010, l'UNICEF a réussi à faire des progrès pour les femmes et les enfants touchés par les situations d'urgence en Côte d'Ivoire en 2010 : près de 9000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère ont été traités dans des unités de soins ambulatoires et 1200 dans des centres d'alimentation thérapeutiques; plus de 5,5 millions d'enfants de moins de cinq ans ont reçu des traitements vermifuges et environ 6,1 millions ont bénéficié de compléments de vitamine A; au moins 12 000 personnes ont pu avoir accès à l'eau potable, 28 villages ont été déclarés officiellement « villages d'où la défécation à l'air libre a été bannie », et 1400 foyers ont pu avoir accès à des latrines700. L'UNICEF a aidé à améliorer la préparation aux situations d'urgence au sein du secteur de l'éducation grâce au renforcement des capacités de 30 gestionnaires de l'enseignement. Plus de 60 rescapés de violences sexuelles, des filles pour la plupart, ont reçu une assistance médicale et psychosociale ainsi que des conseils d'ordre juridique701.

697 Au dernier remaniement ministériel en 2012, le ministère de la famille se dénomme, « Ministère ministre de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant ».

698 Ce constat est fait à travers le nom du donateur inscrits sur les matériels en questions lors de nos visites dans les directions et confirmé par les agents rencontrés.

699 Orphelins et Enfants Vulnérables.

700 https://www.unicef.org/french/hac2011/hac_cote_divoire.php(consulté le 20/11/2015). 701 http://www.unicef.org/french/hac2011/hac_cote_divoire.php (consulté le 20/11/2015).

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Ce bref aperçu des actions de l'UNICEF montre que cette organisation oeuvre autant que faire se peut en faveur des enfants ivoiriens pour atteindre les objectifs d'un «Monde digne des enfants702«. Ses actions sur le terrain ont sans aucun doute un impact positif sur les gouvernants en ce qu'elle les interpelle sur la nécessité d'accorder un intérêt particulier à la cause des enfants. Cependant, malgré les moyens matériels, financiers et humains dont elle dispose, tout porte à croire que le chemin à parcourir est encore long pour l'atteinte de ses objectifs.

A côté de l'UNICEF, d'autres organisations des Nations Unies oeuvrent, dans une certaine mesure, pour la protection des droits de l'enfant. Parmi celles-ci, nous nous intéresserons à l'action complémentaire que jouent l'Organisation International du Travail (OIT) et le Fonds des Nations Unies pour l'Education la Science et la Culture (UNESCO) en matière de protection et de respect des droits de l'enfant.

B. L'ACTION COMPLEMENTAIRE DES AUTRES INSTITUTIONS INTERNATIONALES : CAS DE L'ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL ET DE L'UNESCO

Ici, il sera question de montrer respectivement les actions décisives de l'OIT703 (1) et de l'Unesco704 (2) en matière de lutte contre le travail des enfants et du droit des enfants à l'éducation.

1. L'OIT, une structure de coopération efficace dans le domaine du travail des enfants

L'efficacité de l'OIT en Côte d'Ivoire découle de ses missions générales qu'il faudra découvrir et analyser, d'abord, pour pouvoir ensuite montrer ses manifestations par le biais de ses actions en Côte d'Ivoire.

- Présentation générale de l'OIT

702 http://www.unicef.org/french/publications/files/Un_monde_digne_des_enfants_072808.pdf (consulté le 20/11/2015).

703 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.279.

704 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.284-286.

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L'OIT a été fondée en 1919 sous l'égide du Traité de Versailles705, qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Sa Constitution fut élaborée entre janvier et avril 1919 par la Commission de la législation internationale du travail706.Elle oeuvra particulièrement en Afrique entre 1919 et 1946. Le 02 Octobre 1946, la Conférence générale approuve à l'unanimité l'accord conclu avec les Nations Unies (NU), qui accorde à l'OIT le statut d'institution spécialisée, au titre de l'article 63 de la Charte. Cet accord est entré en vigueur le 14 décembre 1946, après approbation par l'AG des NU. Le siège de l'OIT est établi à Genève, où ses organes permanents exercent leurs activités.

Les buts de l'OIT sont très étendus ; ils sont énoncés dans la Déclaration de Philadelphie et dans sa Constitution. Les principes fondamentaux de l'organisation qui figurent dans ladite Déclaration sont les suivants :

« a) le travail n'est pas une marchandise, b) la liberté d'expression et d'association est une condition indispensable d'un progrès soutenu, c) la pauvreté, où qu'elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous, d) la lutte contre le besoin doit être menée avec une inlassable énergie au sein de chaque nation et par un effort international continu et concerté dans lequel les représentants des travailleurs et des employeurs, coopérant sur un pied d'égalité avec ceux des gouvernements, participent à de libres discussions et à des décisions de caractère démocratique en vue de promouvoir le bien commun, e) tous les êtres humains, quelle que soit leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales »707.

Outre ces principes, l'OIT a pour mission spécifique de seconder la mise en oeuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser :

« a) la plénitude de l'emploi et l'élévation des niveaux de vie, b) l'emploi des travailleurs à des occupations où ils aient la satisfaction de donner toute la mesure de leur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux au bien-être commun...h) la protection de l'enfance et de la maternité, i) un niveau adéquat d'alimentation, de logement et de moyens

705 HANOTAUX (G.), Le Traité de Versailles du 28 juin 1919 : l'Allemagne et l'Europe, Librairie Plon, 1919, 410p.

706 http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/history/lang--fr/index.htm(consulté le 10/11/2016).

707 Section II, point a), de la Déclaration de Philadelphie.

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de récréation et de culture, j) la garantie de chances égales dans le domaine éducatif et professionnel »708.

Ces extraits de la Déclaration suffisent, même si nous n'avons pas repris dans leur intégralité les objectifs de l'OIT, pour se rendre compte combien cette institution a une mission étendue et élevée dans le monde du travail. Ses moyens de travail sont essentiellement la préparation de conventions internationales et de recommandations approuvées par la Conférence générale et adressées aux gouvernements. Les unes comme les autres visent non seulement à établir une législation internationale uniforme dans le domaine du travail, mais aussi à contribuer à la réalisation concrète des objectifs que poursuit l'institution.

Avec l'accroissement de ses membres, l'organisation à très vite évolué et compte à ce jour, 187 États membres.709 Ses activités sont centrées autour de quatre objectifs principaux710 que sont :

- Promouvoir et faire appliquer les normes du travail ainsi que les principes et droits fondamentaux du travail ;

- Accroitre les possibilités pour les femmes et les hommes d'obtenir un emploi et revenu décents ;

- Etendre le bénéfice, l'efficacité et la protection sociale pour tous ; - Et renforcer le tripartisme et le dialogue social.

Autour de ces quatre principaux objectifs, l'OIT développe des programmes importants tels : l'élimination du travail des enfants, la sécurité socio-économique, le dialogue social, la législation du travail et l'administration du travail, la sécurité et la santé au travail, etc711.

Dans le domaine du travail des enfants, l'OIT a mis en place, depuis sa création, plus d'une dizaine de normes. Parmi elles, figurent la Convention n°138 de 1973 portant sur l'âge minimum du travail et la Convention 182 de 1999 sur l'élimination des pires formes du

708 Section II de la Déclaration de Philadelphie.

709 OIT, L'OIT, ses origines, son fonctionnement, son action», document PDF en ligne sur le site officiel de l'organisation: www.ilo.org, 59 p., pp.4-8.

710 Idem, p.12.

711 Infos disponibles sur le site de l'organisation : www.ilo.org.

270

travail des enfants. Ces deux normes, de par leur contenu, devraient être en mesure de protéger les enfants contre la traite des enfants qui a pour corollaire leur exploitation dans des conditions quasi-inhumaines712.

La Côte d'Ivoire étant partie à ces deux normes, leur effectivité sur son territoire devrait être de mise. Conscient que cette effectivité recherchée appelle la mobilisation de tous les acteurs, l'OIT se voit obliger d'agir pour apporter un soulagement aux enfants victimes en Côte d'Ivoire.

- Les actions de l'OIT en faveur des enfants en Côte d'Ivoire

Comment agit l'OIT pour protéger les enfants victimes d'exploitation ? Ces actions sont-elles efficaces sur le terrain, en Côte d'Ivoire ?

Ces points seront abordés à travers la présentation de deux programmes IPEC713 et LUTRENA714 puis à travers l'examen du projet pilote de Système de suivi du Travail des enfants (SSTE).

Le Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) est un programme mis en place par l'OIT en 1992 pour renforcer son activité en faveur de l'abolition du travail des enfants dans le monde715.

Présent dans 92 pays716 dont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Niger, le Togo, le Nigéria, etc., le Programme IPEC apparaît comme le plus important programme opérationnel de l'OIT717. Il a pour objectif d'oeuvrer pour l'élimination du travail des enfants à travers le renforcement des capacités des États parties aux normes de l'OIT en la matière afin que ces derniers puissent, au mieux, oeuvrer dans la lutte contre le travail des

712 Voir Infra.

713 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.281

714 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.282-283.

715 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.281. ; BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, Dissertation, zur Erlangung des Grades eines Doktors der Rechte der Rechts- und Wirtschaftswissenschaftlichen Fakultät der Universität Bayr, 2013, 425p.

716 Voir « IPEC dans le monde », disponible sur le site :www.ilo.org/ipec/areas/lang--fr/index.htm (consulté le 10/10/2015).

717 Idem.

271

enfants sur leur territoire. De même, le programme vise à promouvoir un mouvement mondial de lutte contre le travail des enfants, qui a pour cible prioritaire les pires formes du travail des enfants, conformément aux dispositions de la Convention 182.

Depuis la mise en place du programme mondial en 2006, qui appelle les États membres de l'organisation à s'engager à éliminer les pires formes du travail des enfants d'ici 2016, le programme IPEC soutient les États dans leurs actions. En effet, pour faire face à ces défis, l'IPEC s'était fixé en 2008, pour objectifs jusqu'en 2013718 de : consolider sa position de centre d'excellence de la connaissance et de l'expertise en matière de lutte contre le travail des enfants, auquel les gouvernements, les employeurs, les travailleurs et les acteurs internationaux, entre autres, peuvent demander des services consultatifs ou un renforcement de leurs capacités ; maintenir et renforcer sa capacité de recherche et de collecte de données, sur laquelle s'appuient aussi bien les actions ciblées que les services consultatifs ; demeurer le principal programme de coopération technique pour la lutte contre le travail des enfants ; faciliter la coopération technique entre pays de différents continents ; renforcer et redynamiser le mouvement mondial de lutte contre le travail des enfants et jouer, au nom de l'OIT, un rôle moteur dans ce mouvement ; et enfin, poursuivre l'intégration des activités de l'IPEC dans la programmation du BIT, et surtout dans les programmes par pays de promotion du travail décent.

A travers ces objectifs ambitieux, le Programme IPEC a le mérite de vouloir jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la traite des enfants. Mais compte tenu de la gravité et de l'ampleur du phénomène, un programme spécifique a été mis en place pour renforcer la lutte contre la traite des enfants, à savoir, le projet LUTRENA.

Mise sur pied pour appuyer les mandats de l'OIT dans la mise en oeuvre de la Convention 182, le Programme de lutte contre la traite des enfants à des fins d'exploitation de travail en Afrique de l'Ouest et du Centre (LUTRENA) est un programme sous régional qui a été créé par l'OIT avec le soutien financier du Ministère du travail des États-Unis d'Amérique. Il a pour rôle de faciliter le processus d'élimination de la traite des enfants d'une part, et d'agir

718 OIT, Intensifier la lutte contre le travail des enfants, document PDF en ligne,

http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@relconf/documents/meetingdocument/wcms_136696 .pdf1 p.19 (consulté le 10 septembre 2014).

272

à travers les principaux acteurs719 intervenant dans le domaine en renforçant leurs capacités, d'autre part.

Géographiquement, il couvre neuf pays qui sont : le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la Côte-d'Ivoire, le Gabon, le Ghana, le Mali, le Nigeria et le Togo720. Lancé pour sa première phase en 1999, il devait faire le point de la situation de la traite des enfants, déterminer les problèmes régionaux, et développer des stratégies nationales et régionales à mettre en oeuvre pendant sa deuxième phase. Cette deuxième phase, qui fut lancée en juin 2001, prévoyait entre autres, des projets de protection au niveau communautaire, la construction de capacités garantissant l'application des lois, la promotion des accords frontaliers multilatéraux et bilatéraux entre les pays de la région, l'établissement d'un réseau entre les principaux acteurs, de programmes de réhabilitation et de réintégration des enfants victimes, ainsi que la mise en place d'activités génératrices de revenus.

La création au niveau national d'un environnement juridique plus favorable et le renforcement des capacités nationales des acteurs concernés par la traite des enfants, la mise en oeuvre des programmes d'action directe ayant pour but la prévention et la réhabilitation des enfants victimes de traite, l'accroissement des connaissances relatives à la traite des enfants dans sa zone d'intervention et le renforcement des réseaux de lutte contre la traite des enfants et la formation des exécutants des programmes qui s'y rapportent, et enfin la mise en place d'un modèle de coopération afin de prévenir la traite des enfants à travers un mécanisme de retrait et de réintégration des enfants, dans les pays sélectionnés sont, de façon détaillée, les objectifs que vise le projet LUTRENA dans sa mission en Afrique de l'Ouest et du Centre.

En Côte d'Ivoire, les actions du projet LUTRENA, au regard du constat sur le terrain, ont un résultat assez mitigé. La principale certitude de la réussite des actions menées reste, le cas de l'amélioration du cadre normatif et la coopération régionale. Sans oublier que cela rentre également dans le domaine d'actions d'autres organisations telles que l'UNICEF.

719 Ces acteurs comprennent, outre les principaux acteurs de l'OIT que sont le gouvernants, les employeurs et les travailleurs, les ONG et associations qui interviennent dans le domaine de la lutte contre la traite des enfants.

720 OIT, LUTRENA, document PDF en ligne sur le site officiel de l' OIT. www.ilo.org ; ou encore, voir http://www.ilo.org/ipec/Informationresources/WCMS_IPEC_PUB_4077/lang--fr/index.htm ( consulté le 06/03 /2017).

273

Cependant, le résultat insatisfaisant du programme LUTRENA ne justifierait-il pas la création de nouveaux projets tel le Projet pilote de Système de suivi du Travail des enfants ?

Conformément aux dispositions de l'article 5 de la convention n°182 de l'OIT, ratifiée par la Côte d'Ivoire en février 2003, tout Etat qui l'a ratifiée, doit mettre en place un mécanisme de suivi efficace et durable de l'exécution des actions menées dans le cadre de la lutte contre les pires formes de travail des enfants.

A l'effet de soutenir les Etats à bien mener une telle entreprise, l'OIT à travers le programme BIT IPEC, fournit une assistance technique aux acteurs gouvernementaux. Cette assistance se traduit par la mise en place d'un système crédible, compréhensible et réalisable dénommé Système de de suivi du Travail des Enfants (SSTE). Ce système est un mécanisme, qui permet d'orienter les enfants vers des initiatives louables et décentes telles que l'éducation et la formation qualifiante. Pour atteindre son but, le SSTE doit: « être multisectoriel ; avoir un mandat légal et placé sous la supervision de l'autorité administrative locale ; être inclus dans la politique nationale de lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants ; prendre en compte tous les mécanismes de collectes de données existants ; être durable et mesurable ; avoir des informations vérifiables ; impliquer tous les acteurs intervenant dans le processus de lutte contre les pires formes de travail des enfants. »721

L'analyse du SSTE permet de réaliser que de son fonctionnement, se dégage des acquis importants mais aussi des limites importantes.

En 2004, le BIT à travers le programme sous régional de lutte contre le travail abusif des enfants dans la cacaoculture et l'agriculture commerciale (WACAP) a mis en oeuvre un projet pilote de Système de suivi du Travail des enfants (SSTE) dans six départements ivoiriens à forte production cacaoyère. Ce sont les départements de Soubré, San Pédro, Daloa, Oumé, Adzopé et Abengourou. Ce projet a eu pour objectif essentiel de prévenir le travail et l'exploitation des enfants dans la cacao-culture, dans 14 localités desdits départements722.

721 SOSTECI, Document cadre du système d'observation et de suivi du travail des enfants en Côte d'Ivoire, Février 2013, p.13.

722 Ibid.

274

Dans cette phase considérée comme une étape pilote, le projet s'est limité au secteur de la production du cacao, excluant du coup les autres secteurs d'activités.

Les interventions du projet WACAP ont permis d'apporter un appui à la réinsertion de 24961 enfants dans les circuits de l'éducation et de la formation qualifiante. Elles ont permis également de développer un réseau d'acteurs par le biais de Comités installés dans les régions bénéficiaires. Ces comités qui étaient installées au niveau villageois (Comités villageois de lutte contre le travail des enfants), au niveau sous-préfectoral (Comités sous-préfectoraux de lutte contre le travail des enfants) et au niveau national (cellule focale de lutte contre le travail des enfants) ont assuré la mobilisation communautaire723.

Ce programme WACAP a permis aussi à la Côte d'Ivoire d'élaborer une ébauche de base de données dont la durabilité et l'efficacité devaient être élargies et renforcées progressivement.

Comme on peut le remarquer, le programme IPEC-WACAP a permis de mener plusieurs actions de lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants. Cependant, l'action nationale en matière du SSTE a connu des limites dont les plus notables sont les suivantes : activité mono sectorielle (car basée uniquement sur la culture du cacao), insuffisance de coordination, absence d'un système de référence, faible appropriation des actions de lutte par la population, financement basé pour la plupart sur l'appui extérieur, non pérennisation des actions de mise en oeuvre.

En définitive, en dehors de l'expérience WACAP, aucune autre initiative n'a véritablement permis de poursuivre l'exécution et le développement de ce système. L'approche sectorielle de la réponse apportée à la problématique des pires formes de travail des enfants, ayant constitué une limite importante dans le cadre de ce projet, il est apparu nécessaire d'élaborer une nouvelle stratégie basée sur la multisectorialité.

A côté de l'Unicef et de l'OIT, l'Unesco apparait aussi comme une institution jouant un rôle majeur dans la réalisation du droit à l'éducation des enfants en Côte d'Ivoire.

723 SOSTECI, op.cit. p14.

275

2. L'Unesco, une structure de coopération efficace au niveau du droit à l'éducation

En 1942, neuf pays élaborent un projet de statut d'OI de coopération intellectuelle et scientifique. L'avant-projet est soumis à la Conférence internationale de Londres en novembre 1945, à laquelle le texte de la Constitution de l'UNESCO est préparé724. Celle-ci entre en vigueur le 4 novembre 1948 et sera modifié à plusieurs reprises par la Conférence générale. Il est convenu aussi d'établir son siège à Paris. L'accord conclu entre les NU et l'UNESCO, par lequel l'organisation devient une institution spécialisée, est adopté en novembre 1946 par la première Conférence générale de l'UNESCO et approuvé le 14 décembre 1946 par l'AG des NU.

L'institution se propose de « contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant , par l'éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin d'assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnait à tous les peuples »725 ; pour réaliser cette tâche, l'Organisation :

a) « Favorise la connaissance et la compréhension mutuelle des nations en prêtant son concours aux organes d'information des masses » ;

b) « Imprime une impulsion vigoureuse à l'éducation populaire et à la diffusion de la culture en collaborant avec les États membres qui le désirent pour les aider à développer leur action éducatrice ; en instituant la collaboration des nations afin de réaliser graduellement l'idéal d'une chance égale d'éducation pour tous, sans distinction de race, de sexe ni d'aucune condition économique ou sociale. »726 ; en suggérant des méthodes d'éducation convenables pour préparer les enfants du monde entier aux responsabilités de l'homme libre ;

c) « Aide au maintien, à l'avancement et à la diffusion du savoir » en veillant à la conservation et protection du patrimoine universel de livres, d'oeuvres d'art et d'autres monuments d'intérêt historique ou scientifique, et en recommandant aux peuples intéressés des conventions internationales à cet effet ; en encourageant la

724 http://www.unesco.org/new/fr/unesco/about-us/who-we-are/history/ (consulté le 02/05/2016).

725 Cf. www.unesco.org/archives/new2010/fr/histoire_unesco.html (consulté le 02/05/2016).

726 Cf. www.unesco.org/archives/new2010/fr/histoire_unesco.html (consulté le 02/05/2016).

276

coopération entre nations dans toutes les branches de l'activité intellectuelle, l'échange international de représentants de l'éducation, de la science et de la culture ainsi que celui de publication, d'oeuvre d'art, de matériel de laboratoire et de toute documentation utile appropriés à l'accès de tous les peuples à ce que chacun d'eux publie. ».

L'UNESCO compte aujourd'hui 195727 États membres dont la République de Côte d'Ivoire qui y a adhéré le 18 octobre 1960. A travers la signature de sa Convention, les États s'engagent « à assurer à tous le plein et égal accès à l'éducation, la libre poursuite de la vérité objective et le libre échange des idées et des connaissances, décident de développer et de multiplier les relations entre leurs peuples en vue de mieux se comprendre et d'acquérir une connaissance plus précise et plus vraie de leurs coutumes respectives »728. Ainsi, à travers son engagement pour l'éducation, l'UNESCO devrait jouer un rôle déterminant dans la mise en oeuvre du droit à l'éducation des enfants dans de nombreux pays.

En matière d'éducation, l'UNESCO a pour mission principale d'oeuvrer pour faire de l'éducation pour tous, une réalité.

Aujourd'hui, à travers sa mission générale, elle oeuvre dans le domaine de protection des enfants, à travers les normes du système des Nations Unies et à travers des normes juridiques qu'elle a adoptées en son sein.

La protection des enfants par l'UNESCO729 est indéniable. L'UNESCO à travers ses normes offre, sans doute, une protection juridique aux enfants. Dans ce cadre, nous nous référerons d'abord à la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, adoptée par la Conférence générale de l'UNESCO le 14 décembre 1960 et à laquelle la Côte d'Ivoire est partie depuis le 09 juillet 1963, la Recommandation sur l'éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationale et l'éducation relative aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, adoptée par la Conférence générale à sa 18ème session le 19 novembre 1974 à Paris, le Cadre

727 Ce nombre prend en compte, le territoire palestinien qui a été reconnu par l'organisation et le l'Etat du Sud Soudan.

728 Déclaration des Etats dans la Convention instituant l'UNESCO.

729 www.unesco.org/new/fr/education/themes/leading-the-international-agenda/right-to-education/normative-action/standard-setting/(consulté le 02/05/2016).

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d'action de « L'Education pour tous : tenir nos engagements collectifs 730», adopté par le Forum mondial sur l'éducation tenu à Dakar, Sénégal, du 26 au 28 avril 2000.

A travers ces normes, et particulièrement la Convention concernant la lutte contre toute discrimination, les États parties s'engagent à prendre toutes les mesures pour éliminer toutes les formes de discrimination dans l'enseignement et oeuvrer pour que l'accès à l'éducation pour tous sur leur territoire soit une réalité. Mais, conscient que la non scolarisation des enfants est un facteur qui favorise la traite des enfants et le travail des enfants, l'organisation entend contribuer à freiner ce phénomène. Car, comme il est écrit sur son site :

« L'éducation est la clé de la prévention du travail des enfants, alors qu'à l'inverse, le travail des enfants est un obstacle à l'éducation. L'accès universel à l'éducation - plus particulièrement à une éducation de bonne qualité, gratuite, obligatoire et assurée jusqu'à l'âge minimal d'admission à l'emploi - est un facteur critique de la lutte contre l'exploitation économique des enfants. À travers ses programmes, l'UNESCO aide les enfants à acquérir une éducation de base et à les scolariser dans le primaire et le secondaire, afin qu'ils soient moins vulnérables et ne soient une proie pour le travail des enfants.731 »

Mais malgré son engagement en matière d'éducation, et la reconnaissance de son importance dans la lutte contre l'exploitation des enfants, l'UNESCO ne peut à elle seule contribuer à rendre effectif le droit à l'éducation ou tout autre droit nécessaire à l'épanouissement des enfants en Côte d'Ivoire.

En somme, les actions menées par les organisations du système des Nations Unies en Côte d'Ivoire bien qu'importantes sont très loin de venir à bout de la mise en oeuvre effective des droits de l'enfant dans ce pays. Cette situation découle du fait que d'une part, les actions menées ne répondent pas souvent aux mesures nécessaires pour lutter efficacement contre l'ineffectivité de nombre de droits des enfants et d'autre part, aux actions dispersées des acteurs sur le même problème. En ce qui concerne l'inadéquation des actions menées sur le terrain, nous pouvons relever par exemple, le processus de rapatriement et de prise en charge et de réinsertion des enfants victimes , le financement des ONG pour la prise en charge des enfants victimes , ou le financement de construction de centres d'accueil pour les ONG, etc.

730 http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001211/121147f.pdf (consulté le 02/05/2016).

731 www.unesco.org/new/fr/education/themes/strengthening-education-systems/inclusive-education/child-
workers/(consulté le 02/05/2016).

278

279

Ce mode de fonctionnement met les ONGs au coeur de la protection des enfants, au point où l'on a l'impression que c'est plutôt les actions des ONG qui sont accompagnées au détriment de celles de l'État dans la mise en place de mesures durables de protection de l'enfant. En effet, sur ce point, l'organisation des Nations Unies pour l'enfance, avec les autres organismes des Nations Unies, auraient pu être efficaces :

- s'ils accompagnaient les gouvernants dans la construction de Centres d'accueil publics et en formant le personnel adapté pour le fonctionnement de ces centres. Ainsi, outre l'existence de cadre adéquat pour recueillir les enfants vulnérables, cette démarche aurait pour avantage de responsabiliser progressivement le gouvernement dans la prise en charge et la gestion desdits centres dont les personnels seront, à terme, des agents publics ;

- Orienter les actions avec les ONG locales vers les situations d'urgence ou les formations et sensibilisation. En effet, les Organisations non gouvernementales ont l'avantage d'être souvent plus proches des populations, et elles seront plus efficaces pour les actions à court terme.

Ces suggestions nous semblent à même d'apporter des solutions plus efficaces aux actions de ces organisations.

Mais nous le savons bien, cette démarche n'appelle pas de résultats immédiats. Elle nécessite du temps, de la patience pour obtenir des résultats durables, et mettre effectivement les enfants à l'abri des problèmes liés à la non réalisation de leurs droits. Et c'est là, justement, ce qui semble poser problème aux organisations de protection sur le terrain. Elles préfèrent les actions à résultats immédiats pour contenter les donateurs dans leurs rapports. Or, l'obtention de résultats rapides les amène à agir en surface et laisser le mal qu'elles veulent guérir s'aggraver en profondeur.

Dès lors, on est en droit de se poser la question de savoir ce qui, réellement, importe. Est-ce la satisfaction des donateurs au détriment de la résolution des problèmes sur le terrain ?

Notre position est claire, mieux vaut avoir des donateurs qui vous permettent de résoudre un pan de votre problème, que d'avoir des partenaires qui ne vous laissent pas prendre le temps et les mesures pour régler, ne serait-ce qu'un pan de ce problème. Ceci est d'autant valable pour le système des Nations Unies, les partenaires techniques et financiers, que pour

les États « bénéficiaires » dont les populations, dans le besoin, ne tirent presque rien des accords de coopération. C'est donc à juste titre que Ban Ki-moon déclarait que: «The true measure of the success for the United Nations is not how much we promise, but how much we deliver for those who need us most732

Mais au fond, l'Organisation les Nations Unies n'ignore pas le malaise que posent les actions de ses organismes sur terrain. En effet, dans le document final du sommet mondial à New York en 2005, les États membres des Nations unies ont « reconnu la nécessité de saisir l'occasion offerte par les réformes en cours pour assurer dans les pays une présence des Nations Unies qui soit plus efficace et cohérente et qui produise de meilleurs résultats. » 733 Dans ce contexte, un groupe « d'experts de haut niveau » a été mis en place sous la coprésidence de trois premiers ministres734 désignés par le SG. Suite au travail accompli par le groupe des « experts de haut niveau », le rapport intitulé Unis dans l'action ou One UN a été transmis au SG des Nations Unies, Koffi Annan, le 9 novembre 2006735. Ce rapport a mis en évidence les forces et les faiblesses du système des Nations Unies, et appelle à d'audacieuses réformes qui sont incontournables si l'on veut que le système des Nations Unies exécute ses mandats avec plus d'efficacité et réagisse mieux face à l'aggravation des problèmes existants et aux nouveaux qui surviennent736.

Ainsi, cinq recommandations ont été faites dans le rapport :

- Cohérence et regroupement des activités des Nations Unies à tous les niveaux (pays, régions, sièges), conformément au principe de la prise en main des programmes par les pays ;

732 « Ce n'est pas à ce que nous promettons que se mesure notre réussite, mais à ce que nous faisons pour ceux qui ont le plus besoin de nous. » (Traduction française des NU) Déclaration de Ban Ki-moon à l'AG lors de son élection au poste de Secrétaire général des Nations Unies.

733 Extrait de la note du Secrétaire général de Nations Unies, Koffi Annan, v.Doc Nations Unies, Assemblée Générale, A/6/583 du 20 novembre 2006, p.1.

734 Les trois premiers ministres désignés étaient : celui de la Norvège, Jens Stoltenberg ; celui du Mozambique, Luísa Dias Diogo et le celui du Pakistan, Shaukat Aziz. Le « groupe de Hauts experts » étaient composé d'anciens Présidents et chefs de gouvernement, de responsable d'agences et d'organismes de développement, etc.

735 V. le rapport: «Delivering'as One. Report of the Secrettary-General's High-Level Panel», disponible sur le site des Nations Unies http://www.un.org/events/panel/resources/pdfs/HLP-SWC-FinalReport.pdf ( consulté le 10 juillet 2015).

736 V. lettre des coprésidents du « groupe de haut niveau ». Doc. Doc Nations Unies, Assemblée Générale, A/6/583 du 20 novembre 2006, p.6.

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- Création de mécanismes appropriés de gouvernance, de gestion et de financement rendant possible et facilitant ce regroupement, et subordination du financement des organismes à l'efficacité de leur action et à leurs réalisations ,
·

- Révision complète des pratiques de fonctionnement, visant à centrer l'attention sur les effets escomptés, l'adaptation aux besoins et la production de résultats, le tout mesuré à l'aune de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement ,
·

- Recherche d'autres possibilités intéressantes concernant le regroupement des activités et l'application effective du principe de l'unité d'action, grâce à une étude approfondie de la question ,
·

- Passage à l'action sans retard, mais non à la hâte ou sans préparation, sans quoi les changements risqueraient de ne pas être réels et de ne pas durer. 737

Mais où en est-on aujourd'hui, neuf (9) ans après ce rapport avec le projet One UN ? Une chose est certaine, il n'est pas encore effectif en Côte d'Ivoire.

A côté des institutions spécialisées onusiennes, les organisations de la société civile sont devenues une partie indispensable du système non juridictionnel de protection des droits de l'enfant dans le territoire des Etats parties. En Côte d'Ivoire, ces organisations de la société civile apparaissent comme des acteurs volontaires et solidaires malgré la précarité de leurs moyens.

§ 2. LES INSTITUTIONS DE LA SOCIETE CIVILE

Selon ABEGA (S.C), la société civile est la fraction de la société globale située en dehors des structures de l'Etat et agissant à travers les structures de types associatives, coopératives ou associations de défense des droits et des intérêts, hors du cadre des partis politiques738. En matière de promotion, de protection et de mise en oeuvre des droits de l'enfant, les acteurs de la société civile, notamment les ONG jouent un rôle particulièrement important. Les limites inhérentes à l'action étatique en matière de protection des droits des personnes justifient à elles seules le bien fondé des actions des organismes privés qui entendent suppléer et compléter les activités humanitaires de l'Etat ou dénoncer les aspects nocifs de

737 Doc. UN, op cit. p.9.

738 Voir ABEGA (S.C), cité par BOUKOUNGOU (J.D.), « Prolégomènes sur la contribution de la société civile à la promotion de la dignité humaine au Cameroun », Cahier africain des droits de l'homme n°8, Dynamiques citoyennes et dignité humaine en Afrique centrale, Presses de l'UCAC, 2002, p.19.

281

telles activités739. Dans un sens pratique, la création d'organisations privées de défense des droits de l'homme s'inscrit dans l'idée de combler une lacune inhérente à l'action étatique. Le manifeste de la Charte 77740 est, à cet égard, évocateur : les signataires de la Charte font remarquer qu'il existe une responsabilité des organes étatiques mais aussi une responsabilité partagée par chaque individu pour faire respecter les engagements relatifs aux droits de l'homme ; après quoi, ils déduisent : « c'est le sentiment de cette coresponsabilité, la croyance en la valeur de l'engagement civique..., ainsi que le besoin de lui donner une nouvelle expression, plus efficace, qui nous ont amenés à l'idée de créer la Charte77 »741.

En Côte d'Ivoire, les associations sont régies par la loi n° 60-315 du 21 septembre 1960 relative aux associations. Les associations ou organisations non gouvernementales (ONG) oeuvrant dans le domaine des droits de l'enfant peuvent se focaliser soit sur les droits de l'homme en général, soit sur les droits de l'enfant, soit une question particulière relative aux droits de l'enfant telle que le droit la santé ou à l'éducation. Elles peuvent être locales, nationales, régionales ou internationales à la fois en termes de focalisation, mais aussi de leur structure et de leur présence742. Leur travail et leur dévouement à la cause ont reçu beaucoup d'éloges, elles ont été nommées « le porte-parole de la conscience du monde »743.

Comme dans toutes les sociétés en crise, on observe en Côte d'Ivoire une inflation des associations de promotion et de protection des droits de l'enfant. Pour mieux saisir leurs actions, il importe de préciser le rôle indispensable des ONG (A), d'une part, avant de mettre en lumière les limites afférentes à leurs actions (B), d'autre part.

739 MELEDJE (D.), La contribution des organisations non gouvernementales à la sauvegarde des droits de l'homme, Thèse de doctorat d'Etat en droit public, Université d'Amiens, 1987, p.25.

740 La Charte 77 est une ONG créée en Tchécoslovaquie en 1977. Sur les conditions de sa formation.

741 Text of the Charter 77 Manifesto. Vanderbilt Journal of transnational law. Vol. 13, 1980. P.650 ( traduction non officielle); MELEDJE (D.), La contribution des organisations non gouvernementales à la sauvegarde des droits de l'homme, Thèse de doctorat d'Etat en droit public, Université d'Amiens, 1987, pp.186-188.

742 Victor CONDE (H.), Handbook of international Human Rights Terminology, University of Nebraska Press, 2e ed. , 2004, p.175.

743 CASSESSE (A.), Human Rights in a changing world, Temple Univ Pr , December 1990, p.173.

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A. UN ROLE INDISPENSABLE DES ONG

Les Organisations non gouvernementales (ONG)744 opèrent sous différents mandats et se focalisent sur un large éventail de différentes questions. Leur taille varie de quelques personnes à des opérations internationales majeures et elles emploient différents types de professionnels. Elles travaillent sur un niveau international, régional, national ou local. De façon générale, il existe de nombreux moyens pour les organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile de s'engager et de soutenir d'autres systèmes mondiaux, régionaux et nationaux de suivi et d'application des droits de l'enfant. Ces derniers incluent : «

- La promotion du développement de l'adoption et de la ratification des traités ;

- La pression auprès des Etats afin qu'ils mettent en oeuvre les obligations imposées par le traité ;

- La surveillance de la conformité des Etats concernant leurs obligations ;

- La soumission d'informations et de rapports écrits aux organes de la charte des traités internationaux et régionaux ;

- La participation et la contribution aux sessions des organes de la charte et des traités internationaux et régionaux, le cas échéant ;

- La soumission de plaintes individuelles aux organes de traités, au Conseil des droits de l'homme et aux cours régionales des droits de l'homme ;

- L'éducation des individus concernant leurs droits humains ;

- Attirer l'attention sur les violations des droits de l'homme et de couvrir de honte les pays afin qu'ils prennent des mesures ;

- La mobilisation de soutien pour l'application des droits de l'homme745. »

744 A propos du rôle des ONG en matière de droits humains, lire : MELEDJE (D.), La contribution des organisations non gouvernementales à la sauvegarde des droits de l'homme, Thèse de doctorat d'Etat en droit public, Université d'Amiens, 1987, 556p.

745 JESSICA (C.), LAWRENCE (J.C.), Les droits de l'homme, Harvey J.Langholtz , Peace operations trainig institute, Williamsburg, 2014, p.137.

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En Côte d'Ivoire, les actions menées par les ONG peuvent être classées en trois groupes. Tout d'abord, la sensibilisation et le plaidoyer, ensuite l'assistance juridique et enfin l'assistance matérielle et psychologique.

1. La sensibilisation

La sensibilisation représente l'une des activités prépondérantes des ONG en matière de lutte contre le phénomène de la violence à l'égard des enfants. Les activités consistent en des causeries, conférences, des émissions radiophoniques. Des campagnes intensives concentrées sur une période donnée sont également réalisées.

Une attention est également accordée à la production d'outils et de supports divers tels que les affiches, les dépliants, les sketches sur cassettes vidéos et sur cassettes audio. Des scénettes, des sketches et des pièces de théâtre sont présentés dans divers milieux pour traiter publiquement de la question de la violence, susciter le débat dans le but d'exhorter les victimes à dénoncer les actes de violences et à rechercher de l'aide et d'amener les différents acteurs par lesquels passe une solution au problème, à prendre leurs responsabilités. Des réformes à cet effet sont exigées de la part des autorités nationales.

En Côte d'Ivoire, les organisations non gouvernementales sont de plus en plus sollicitées par les services gouvernementaux en charge de la promotion des droits de l'enfant. Elles interviennent en qualité d'experts et de techniciens et sont parfois intégrées à des comités de lutte contre certaines formes de violences faites aux droits de l'enfant. Par exemple, la coalition ivoirienne pour les droits de l'enfant qui comprend des ONG de promotion de l'enfance est membre du Comité national de lutte contre le travail des enfants. La présence d'une coalition des organisations de la société dans ce comité lui permet d'atteindre et de mobiliser plus facilement les populations.

Par souci d'efficacité, comme c'est le cas en matière d'excision, les ONG associent parfois aux activités de sensibilisation, un appui pour la réalisation d'activités génératrices de revenus. Ainsi, l'action de certaines ONG a permis la reconversion d'une centaine d'exciseuses dans les activités génératrices de revenus telles que le tissage, la teinture, la poterie, la fabrication de briques cuites et l'aviculture. Par leurs pressions, les associations peuvent pousser le Gouvernement à initier et faire adopter une législation beaucoup plus

284

protectrice des droits de l'enfant746. Elles ont remporté de nombreuses grandes victoires ; par exemple, la convention 2006 relative aux droits des personnes handicapées, résulte principalement du lobbying des ONG. Cette importante augmentation du pouvoir et de la présence des ONG a conduit les observateurs à parler de deux dernières décennies comme le début d'une « révolution du plaidoyer »747.

2. L'assistance juridique

La Commission Internationale de Juristes (CIJ) définit l'assistance juridique748, les services juridiques ou encore les cliniques juridiques comme étant « des dispensaires de services juridiques à l'instar des dispensaires de santé publique. Ils dispensent une instruction juridique, ...informent les populations de leurs droits et leur montrent comment elles peuvent les faire valoir et les garantir ». En Afrique, cette activité a démarré à titre expérimental à Dakar à l' l'initiative de la CIJ749. Elle consistait en la formation de para juristes qui sont des personnes qui vulgarisent le droit dans leur communauté. Devant le succès enregistré par cette démarche, de nombreuses ONG de différents pays ont adopté la méthode et l'ont centrée sur la problématique des droits de l'enfant.

Concrètement, les cliniques ou services juridiques sont des lieux où les enfants peuvent trouver des spécialistes du droit qui leur donnent des conseils juridiques, les assistent et font des médiations en vue de résoudre les problèmes auxquels elles sont quotidiennement confrontées.

Des exemples tirés de l'expérience des centres d'assistance juridiques démontrent que les enfants victimes de violences consultent peu ces centres pour y chercher une solution. L'essentiel des activités d'assistance juridique consiste à écouter les plaignants, à les informer du contenu de la législation et des recours dont elles disposent, à les introduire au besoin devant les tribunaux par la rédaction d'une requête ou d'une plainte et à suivre leur

746 Il y a eu lieu de mentionner le rôle éminemment déterminant des ONG dans l'élaboration, la signature et la ratification de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

747 IGNATIEFF (M.), « Human Rights as Politics », In. Michael Ignatieff, Human Rights as Politics and Idolatry (2001), p.8.

748 Pour plus d'infos sur l'assistance juridique adaptée aux enfants, lire avec intérêt, Unicef, Undoc,

l'assistance juridique adaptée aux enfants en Afrique, Juin 2011 disponible sur
https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison (consulté le 23 octobre 2015).

749 https://www.icj.org/ (consulté le 18 septembre 2015).

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dossier. Certaines ONG comme l'Organisation Nationale pour l'enfant, la femme et la famille (Onef) 750 organisent des consultations mobiles et sillonnent le pays pour apporter l'information et le conseil juridique aux enfants. Dans l'ensemble des pays, ces prestations sont gratuites. Cependant, dans certaines localités du pays, l'assistance juridique commence à être rémunérée de façon très modique. Ces associations aident également les enfants à se faire établir des certificats de nationalité751 et, à la demande des victimes, invitent les personnes violentes à l'égard des enfants pour leur exposer la loi et discuter avec eux pour arrêter les violations et abus des droits de l'enfant.

3. L'assistance psychologique et matérielle

La prise en charge psychologique et matérielle des enfants en difficulté est un volet important de la lutte contre les violences car il convient d'éloigner les enfants victimes et leur domicile et de les aider à reprendre confiance en eux-mêmes. Des centres d'accueil existent à cet effet pour héberger les enfants accusés de sorcellerie, les jeunes filles victimes de mariages précoces ou de violences conjugales. Certains centres comme ceux du Centre espoir de Grand-Bassam, créé par l'association Enfance Meurtrie Sans Frontières (EMSF)752, offrent en plus de l'hébergement, une prise en charge psychologique, médicale, alimentaire et scolaire aux enfants. Il en va de même de l'ONG Dignité et Droits de l'enfant en Côte d'Ivoire (DDECI)753. Cette organisation mène de nombreuses activités, dans le cadre de la protection des enfants handicapés et des enfants en conflit avec la loi. Les enfants handicapés bénéficient d'un centre de rééducation appelé Centre d'Eveil et de Stimulation des Enfants Handicapés (CESEH) tandis que de nombreuses autres interventions de DDECI aboutit à la libération de nombreux enfants souvent incarcérés à la brigade de protection des mineurs ou au centre d'observation des mineurs (COM). Cette ONG rédige souvent des projets de propositions de lois qu'elle soumet à certains parlementaires.

750 http://www.onef-riof.org/executes.html (consulté le 18 septembre 2015).

751 L'importance du certificat de nationalité réside dans le fait qu'il est un moyen de preuve de possession de la nationalité ivoirienne : Voir Articles 97, 98, 99 et 100 de la Loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 portant code

de la nationalité ivoirienne.

752 Pour plus de détails sur EMSF, voir http://www.emsf.org/(consulté le 21/11/2017).

753 http://bice.org/fr/dde-ci/ (consulté le 21/11/2017).

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Pour renforcer les capacités de leurs membres à assumer ces différents types d'assistance, certains réseaux ou ONG organisent à leur intention des formations ou mettent à leur disposition des outils pouvant les guider dans l'exercice de leurs activités. On citera ici, l'exemple du guide de prise en charge des enfants victimes de violences, réalisé par le BICE.

Comme on le voit, les actions des organisations non gouvernementales représentent sans aucun doute une contribution importante à la lutte pour une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Toutefois, plusieurs tares ou limites caractérisant l'action de ces ONG méritent d'être mis en lumière.

B. LES LIMITES DE CES ACTIONS

L'observation des ONG offre de constater, qu'il s'agit pour la plupart d'entre elles, d'organisations matériellement pauvres et dépendantes (1) mal organisées du point de vue administratif et financier (2) diversifiées ou cacophoniques (3) concentrées à Abidjan (1) avec une inégale répartition géographique et un déficit de ressources humaines qualifiées (4).

1. Des organisations pauvres et dépendantes

A l'instar des ONG africaines, la première limite des ONG ivoiriennes est liée au contexte socio-économique que connaît beaucoup de pays africains depuis des années, à savoir la pauvreté754. Celle-ci est manifestement le premier goulot d'étranglement des ONG. Plus concrètement, à l'exception de celui de leurs dirigeants, les ONG d'origine nationale sont incapables d'afficher des moyens capables de les rendre crédibles, et crédibiliser derechef, leurs actions et leur représentativité755. Pour être matérielle et financière, cette pauvreté perceptible jusqu'aux structures d'organisation (bâtiments abritant les sièges, matériels de bureaux adéquats, moyens de transport rapides et efficaces...) constitue la première limite et en même temps, le premier obstacle au développement respectable des ONG ivoiriennes. Il en résulte que les ONG ivoiriennes, fonctionnant dans ce contexte de pauvreté généralisée,

754 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academiia Bruylant,, 2004, p.327.

755 Ibidem.

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ne peuvent échapper ni à la corruption, ni a fortiori, à l'aliénation de leur propre indépendance.

La conséquence immédiate de cette pauvreté affectant les ONG est que la plupart de ces ONG, sinon toutes, reçoivent l'essentiel de leur financement de l'extérieur ; l'extérieur renvoyant ici soit au Gouvernement ou aux bailleurs de fonds extérieurs. On voit ainsi la plupart de ces ONG sillonner les capitales occidentales ou inonder les administrations des « partenaires » extérieurs de différentes demandes d'interventions financières qui, pour organiser une « session de formation », qui pour tenir une simple « conférence de presse », qui parfois, pour vilipender le Gouvernement en place756.

Bien que leurs démarches ne soient pas en principe condamnables, il faut cependant craindre une certaine perte d'indépendance, d'impartialité et de dignité de la part de ces représentants de la société civile du fait précisément de ces demandes extérieures757. En dehors de cette situation de dépendance et de pauvreté, ces associations se présentent également comme des structures ayant une organisation administrative et financière aléatoire.

2. Des associations à organisation administrative et financière aléatoire

Sauf quelques exceptions confirmant la règle, la plupart des ONG de défense des enfants accusent également des carences criantes au niveau de leur organisation administrative et financière. La plupart de leurs bailleurs extérieurs n'hésitent pas, du reste, à le leur rappeler ou, même, à en faire une véritable condition d'octroi d'aide758.

Peu ou certaines seulement des ONG disposent, en Côte d'Ivoire, de sièges administratifs identifiables (un siège véritable, une adresse postale, des coordonnées téléphoniques ou électroniques fiables, un compte en banque lisible, etc.). Peu ou certaines seulement font

756 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academia Bruylant,, 2004, p.328.

757 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academiia Bruylant,, 2004, p.328.

758 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academia Bruylant,, 2004, p.328.

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preuve d'une pratique saine et courante de tenue et de reddition des comptes. Bref, on assiste à une organisation administrative et financière encore embryonnaire759.

Il en résulte un manque de confiance et de crédibilité certain de ces ONG ivoiriennes aux yeux, notamment, de certains « partenaires » officiels et de leurs bailleurs de fonds étrangers760.

Pour certaines associations, l'enfant devient comme un élément clé d'un fonds de commerce, qui de par l'empathie qu'il inspire, sert à séduire les donateurs généreux au bénéfice quasi exclusif des fondateurs desdites associations. Les enfants servent de décor ou d'appât qu'on enlève aussitôt le bailleur de fonds parti. Certaines de ces associations officiellement sans but lucratif battent monnaie avec la misère des enfants qu'elles prétendent défendre et protéger, ce qui assure à leur personnel un certain niveau de vie : rémunération, emplois pour leurs proches, moyens de déplacement, missions à l'étranger... exploitant ainsi sans vergogne les associations prétendument fondées pour le bien des enfants à des fins mercantiles.

C'est entre autres, pour cette raison, qu'on n'observe pas assez d'amélioration sensible des conditions de vie en général et de l'enfant, en dépit du nombre impressionnant d'associations qui prétendent exister pour le seul intérêt de l'enfant. Une autre limite de ces associations réside dans le fait qu'elles se présentent comme des structures non spécialisées et cacophoniques manquant de coordination.

3. Des structures non spécialisées et cacophoniques manquant de coordination

Le manque de coordination, et la non spécialisation des actions des ONG de protection des droits de l'enfant, limite l'efficacité de leurs actions. En effet, en Côte d'Ivoire, comme dans divers autre pays africains, aucune initiative véritable n'est prise en vue de rationaliser, de fédérer ou d'organiser une complémentarité entre les efforts et activités des diverses ONG en la matière. Les actions restent donc pour la plupart éparses et parcellaires, en l'absence de concertation pour créer un cadre de travail permettant une synergie efficace et un impact minimum.

759 Ibid.

760 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academia Bruylant,, 2004, p.328.

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Si l'on s'en tient uniquement à leur nombre important, on est frappé par un déséquilibre criant entre les associations qui ont pour objet la protection générale des droits de l'enfant et celles ayant un domaine d'intervention spécifique. Ainsi par exemple, parmi la multitude d'associations dont l'objet social est la défense et la protection des droits de l'enfant, rares sont celles qui s'occupent exclusivement de la défense des droits des mineurs en conflit avec la loi ou du droit à l'éducation ou encore tout autre droit particulier considéré.

La conséquence en est que nombre d'entre elles vont mener les activités au profit des mêmes enfants.

L'absence de spécialisation des associations dans leurs activités compromet ainsi gravement leur efficacité et leur rentabilité.

Pour mieux remplir leurs missions de défense et de promotion des droits de l'enfant, ces associations devraient « s'associer » elles-mêmes en collectifs, recadrer leur mode d'intervention afin de ne pas disperser leurs efforts, ce qui leur permettrait de faire face au travail combien immense de la défense des droits de l'enfant, car « l'union fait la force ».

Pire, la nébuleuse des ONG présente sur la scène sociale et politique du pays fait que la plupart d'entre elles, au lieu d'axer leurs actions sur la défense réelle des intérêts de la population, passent le clair de leur temps, à se combattre ou à « se mettre les bâtons dans les roues ». D'autres vont jusqu'à se disputer les faveurs des bailleurs ou à vouloir exercer un certain leadership politique sur les autres.

Cette situation a rongé la crédibilité de ces associations, à l'instar du déficit de personnel qualifié et de la forte concentration dans la capitale économique du pays.

4. De l'insuffisance du personnel qualifié à une forte concentration des activités des ONGs à Abidjan

L'insuffisance du personnel qualifié est également un problème auquel font face les Ong761. Ainsi par exemple, certaines ONG, dont l'action d'assistance juridique est d'envergure nationale, ne dispose que de bénévoles. Selon Ferrand BECHMAN, « Est bénévole, toute action qui ne comporte pas de rétribution financière et s'exerce sans

761 HERVE (E.), Contraintes et pouvoir des ONG contemporaines, Mémoire de recherche Institut d'Études Politiques de Toulouse, 2010, pp.21-24.

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contrainte sociale ni sanction sur celui qui ne l'accomplit pas ; c'est une action dirigée vers autrui ou vers la communauté avec la volonté de faire le bien, d'avoir une action conforme à de nombreuses valeurs sociétales ici et maintenant »762 . Or, le bénévolat apparait comme une limite en matière de ressources humaines, les bénévoles n'ayant souvent pas une disponibilité suffisante en marge de leur activité professionnelle. Certaines ONG disposent de personnes n'ayant souvent aucune compétence ou qualification en matière de droits humains ou droits de l'enfant. Cette absence de professionnalisme retentit, logiquement sur l'efficacité des ONG de défense des droits de l'Homme763. Ainsi pour le Professeur Martin BLEOU, la LIDHO, qui n'échappe pas à ce triste constat, doit « se renouveler en passant de l'amateurisme au professionnalisme (...). Cela signifie que la LIDHO doit recruter du personnel permanent et techniquement qualifié, qui doit, à partir des instructions reçues du Bureau Exécutif National, préparer les dossiers, assurer le fonctionnement de la ligue au quotidien, prendre des initiatives, mener une politique agressive dans le sens d'un mieux-être des droits en Côte d'Ivoire »764.Pire, certains ne font aucun effort pour renforcer leurs compétences en la matière ; la conséquence est que souvent leurs interlocuteurs sont surpris du manque criard de connaissances dans le domaine prétendument donné comme celle justifiant l'existence de l'ONG.

Une autre limite de l'action des ONG réside également dans la faible couverture géographique des actions menées. On observe ainsi que ces ONG locales et internationales s'implantent quasi systématiquement à Abidjan, même si leur compétence s'étend théoriquement à tout le pays ; ce qui, à n'en point douter, handicape leur efficacité : la plupart d'entre elles, étant ainsi loin de leurs nombreux bénéficiaires. Nous pensons que ces associations serviraient davantage la cause de l'enfant si elles étaient présentes sur toute l'étendue du pays, ce qui leur permettrait d'intervenir en faveur de l'enfant en temps réel.

Faute de s'implanter de façon pérenne en province, elles devraient se déployer selon un calendrier préétabli et connu de la population et des services judiciaires pour faciliter l'accès des enfants à leurs services. A ce sujet, la méthode d'Avocats sans frontières mérite d'être

762 BECHMAN (F.), Bénévolat et solidarité, Paris, Syros, Alternatives, 1992, p.35.

763 KOFFI KONAN (E.), Les droits de l'Homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Tome 2, Thèse de doctorat-Université de Cocody 2008, p.299.

764 Voir Martin BLLEOU, Allocution prononcée à la cérémonie d'ouverture du 4e congrès ordinaire de la LIDHO.

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soulignée. Cette ONG internationale de droit belge organise des consultations juridiques à l'intérieur des pays où elle intervient, à travers ce qu'elle appelle la « boutique du droit » et à des endroits et selon le calendrier préalablement annoncés.

Bref, les caractéristiques fondamentales des ONG contribuent de beaucoup dans le faible développement du mouvement et dans sa décrédibilisation. Comment, ne pas dès lors, déplorer son manque de puissance et d'efficacité !

Toutefois, en dépit de ce tableau peu reluisant, il faut avouer que la contribution des ONG ivoiriennes et internationales, notamment dans le domaine de l'éducation civique de la conscientisation des populations et des enfants, de la défense de leurs droits, de prise en charge matérielle des enfants ainsi que dans l'avancement du processus de démocratisation, est, objectivement indéniable. Il reste cependant à rationaliser le mouvement et à coordonner les actions en vue des meilleurs résultats, d'une certaine cohérence dans l'action, de lisibilité des interventions et de crédibilité des ONG nationales vis-à-vis de l'extérieur.

Tels sont les gages premiers de l'efficacité de ces mécanismes dans la défense des droits de l'enfant.

Le rôle d'appui des institutions internationales et privées ainsi analysé, il importe d'examiner le rôle des organes de contrôle qui apparaît incontestablement mitigé.

SECTION II. LE ROLE MITIGE DES ORGANES DE CONTROLE

Il serait vain de les énumérer tous ici. Il importe, sans risque de s'égarer, d'insister, sur les organes qui nous paraissent le mieux à même d'assurer un contrôle idoine et effectif des droits de l'enfant aussi bien au niveau universel qu'africain.. Pour appréhender au mieux leur rôle, il convient de détacher les garanties quasi-juridictionnelles peu sollicitées (Paragraphe 1) des garanties judiciaires peu exploitées (Paragraphe 2).

§ 1. DES GARANTIES QUASI-JURIDICTIONNELLES PEU SOLLICITEES

La protection quasi-juridictionnelle internationale de l'enfant en Côte d'Ivoire est dévolue aux organes dédiés à cet effet tant au niveau universel que régional. De façon générale,

institués par des traités, les organes intervenant dans le domaine des droits de l'homme au niveau universel sont au nombre de neuf765, contre un nombre plus restreint au niveau régional africain. Les mécanismes de mise en oeuvre et de surveillance peuvent être classés en deux catégories fondamentales, l'une conventionnelle et l'autre extra conventionnelle. Les mécanismes extra conventionnels sont constitués des différents rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et groupes de travail crées par des commissions des droits de l'homme et repris par le conseil des droits de l'homme. Dans cette partie, il s'agira d'étudier certains mécanismes conventionnels chargés de suivre l'application des traités par les Etats parties et veiller à leur respect. Concernant le contrôle des droits de l'enfant, ce sont les articles 44 et 32 respectivement de la CIDE et de la CADBE qui instituent ces organes de surveillance. Il y a plusieurs méthodes de contrôle qui sont adoptées, celles des rapports étatiques et de la procédure individuelle qui donnent aux organes de contrôle le pouvoir de mener des investigations. Si la plupart des Etats sont peu ou prou respectueux des procédures élaborées par ces organes non juridictionnels, tel n'est pas le cas pour le Côte d'Ivoire qui brille par l'irrégularité des recours à ces organes (A) accentuée par leur inefficacité (B).

A. L'IRREGULARITE DES RECOURS

La Côte d'Ivoire étant partie aux instruments tels la CIDE, la CADBE, elle doit soumettre à cet effet un rapport selon les procédures élaborées par chaque organe de contrôle. Aussi, ces organes sont compétents pour se prononcer sur d'éventuelles plaintes individuelles ou étatiques.

Cependant, l'absence de la Côte d'Ivoire, au jeu de contrôle international entraine la quasi inexistence du recours universel (1) et l'inertie du recours africain (2).

765 http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/Pages/HumanRightsBodies.aspx Le Comité des droits de l'homme (CCPR), Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR), Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) ,Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) Le Comité contre la torture (CAT), le Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT), Le Comité des droits de l'enfant (CRC) , Le Comité des travailleurs migrants (CMW), le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD, le Comité des disparitions forcées (CED).

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1. La quasi inexistence du recours universel

Cette quasi inexistence du recours se traduit par le retard excessif de la Côte d'Ivoire dans la soumission de rapports périodiques et de la non ratification du troisième protocole relatif à la présentation des communications.

- Le retard excessif des rapports périodiques

La ratification de la CIDE et de ces deux premiers protocoles engage l'État partie à soumettre un rapport au Comité des droits de l'enfant766, d'abord dans les deux premières années qui suivent la ratification des normes (rapports initiaux), et ensuite tous les cinq ans (rapports périodiques). Ainsi, tous les États, exception faite des USA et de le Somalie, doivent présenter au Comité des droits de l'enfant un rapport initial, deux ans après l'entrée en vigueur de la Convention et ensuite tous les cinq ans, un rapport périodique.

Deux documents ont été élaborés par le Comité dans le cadre de la présentation des rapports : Les Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux767 et les Directives générales pour les rapports périodiques768.

À travers les Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux, le Comité des droits de l'enfant explique l'importance et la finalité de la présentation de rapports par les États parties sans oublier les informations attendues par le Comité dans le rapport initial. Tous les droits de la CIDE doivent être pris en compte dans le rapport, mais le Comité les a regroupés en sept (07) en points :

- Les mesures d'application générales ;

- La définition de l'enfant ;

- Les libertés et droits civils ;

- Le milieu familial et la protection de remplacement ;

- La santé et le bien-être ;

- L'éducation, les loisirs et les activités culturelles ;

766 Art. 44 de la CIDE, art. 12 du Protocole facultatif relatif à la vente des enfants et art. 8 du Protocole facultatif relatif à l'implication des enfants dans les conflits armés.

767 Doc. Nations Unies, CRC/C/5 du 30 octobre 1991, 8 p.

768 Doc. Nations Unies, CRC/C/58 du 20 novembre 1996, 51 p.

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- Les mesures spéciales de protection de l'enfance.

Des informations concernant le cadre législatif, les données statistiques, les mesures prises ou à envisager pour le respect de la CIDE, etc.769sont aussi contenues dans les Directives.

En ce qui concerne les Directives générales pour les rapports périodiques, le même regroupement des droits de l'enfant, en sept points, a été effectué. Ce qui nous amène à en déduire que c'est le modèle à suivre pour la présentation des rapports étatiques au niveau du Comité. Ceci étant, le document relatif à la présentation des rapports étatiques est beaucoup plus détaillé et plus volumineux (51 Pages) que celui des rapports initiaux (08 pages). Pour cause, il est plus explicite sur les points spécifiques qui doivent être abordés par les États dans les rapports. Ainsi par exemple, il est demandé aux États de fournir des renseignements sur les mesures prises pour donner suite aux Observations finales du Comité à l'étude d'un précédent rapport soumis par l'État770.

Il ressort de ces deux documents, que le Comité des droits de l'enfant, a mis en place le canevas pouvant lui permettre de recueillir des informations à même de l'amener à pouvoir évaluer la situation des droits de l'enfant dans l'État partie. Mais ce cadre de déroulement du suivi de mise en oeuvre de la CIDE semble insuffisant pour assurer une protection effective des enfants dans les États, qui n'avaient pas un système protecteur des droits de l'enfant avant leur engagement à la Convention.

Il pèse sur chaque Etat partie à la CIDE, une obligation de présenter des rapports conformément à ces modèles. Cette obligation contenue dans l'article 44 alinéa 1 de la CIDE oblige les Etats parties à soumettre au comité des « rapports sur des mesures prises qu'ils auraient adoptées pour donner effet aux droits reconnus dans la présente convention ». La Convention est entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément au paragraphe 1er de son article 49.771 Ayant ratifié la CIDE en date du 4 février 1991, le dépôt du rapport initial de ce pays, était prévu pour le 05 mars 1993. Mais force est de constater que celle-ci a attendu six (6) ans pour soumettre son rapport initial, c'est-à-dire le 22 janvier 1999. Depuis le dépôt

769 Cf. doc. Nations Unies, CRC/C/5, op.cit. Pour plus de détails sur chaque rubrique.

770 Cf. point 6 du document portant directives.

771 Il ressort du paragraphe 1er de l'art.49 que la Convention entre en vigueur trente jours après le dépôt du vingtième instrument de ratification ou d'adhésion.

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de son rapport initial, la Côte d'Ivoire n'a pas veillé au dépôt constant de ses rapports périodiques. La Côte d'Ivoire a de sérieux retard dans la production de rapports périodiques au Comité des Droits de l'Enfant. Le retard accumulé par la Côte d'Ivoire est le dépôt de 3 rapports périodiques mais elle a la possibilité de compiler ses rapports. Le rapport prévu pour 2005 a été déposé en 2014. Ce retard excessif de la Côte d'Ivoire limite les actions du Comité des droits de l'enfant dans le cadre de la protection des enfants vivant en Côte d'Ivoire. Ce retard des États dans la transmission des rapports entraine ipso facto le retard dans l'examen des rapports par le Comité. La Côte d'Ivoire n'est pas le seul Etat à être irrégulier dans ce domaine. En effet, si nous prenons par exemple le cas du Bénin, qui devrait soumettre son rapport initial en 1992, il y a lieu de constater que ce rapport n'a été transmis que le 22 janvier 1997772 . Pour ce qui est du rapport périodique devant être soumis en 1997, il ne l'a été que le 20 avril 2005.773 Outre les retards de transmission des rapports par les États, le Comité des droits de l'enfant peine à étudier les rapports à temps. Selon le rapport 2012 du Comité774, les difficultés liées à l'examen des rapports ont été mentionnées. Ainsi pouvons-nous lire aux paragraphes 40, 41 et 42 dudit rapport que, suite aux difficultés liées à l'examen des rapports, le Comité avait demandé, en 2008, à l'Assemblée générale de l'ONU, l'autorisation de se réunir en deux chambres pendant quatre sessions775. L'autorisation reçue avait permis, selon le rapport, d'accélérer l'examen des rapports pour réduire le nombre de rapports en souffrance. Mais depuis la fin des deux chambres lors des sessions, en 2010, le Comité craint que le nombre de rapports en souffrance ne s'accentue.776

Cette situation met en évidence les difficultés du Comité à jouer efficacement son rôle d'examen des rapports des États parties à la CIDE. Ce qui, si la situation perdure, pourrait avoir un impact négatif profond sur le respect des obligations conformément à l'article 44 de la CIDE.

De ce qui précède, il résulte que l'Assemblée générale prenne des mesures qui s'imposent pour donner au Comité, les moyens pour jouer efficacement son rôle en matière d'examen

772 Voir doc. Nations Unies, CRC/C/3/Add.25 du 4 juillet 1997.

773 Voir doc. Nation Unies, CRC/C/BEN/2 du 24 novembre 2005.

774 Doc. Nations Unies, A/67/41, New York, 2012, 59 p.

775 Para.40 rapport 2012 CRC.

776 Para.41 rapport 2012 CRC.

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des rapports. Ne pas le faire s'apparenterait à un encouragement aux États à ne pas prendre au sérieux le rôle du Comité sur cette question très importante.

De même, la non ratification du troisième protocole relatif à la présentation de communications individuelle et étatique, constitue une cause d'inexistence du recours. - La non ratification du troisième protocole relatif aux communications

La non ratification du troisième protocole relatif aux communications individuelles et étatiques explique aussi la quasi inexistence du recours universel à l'égard des enfants victimes de violations de leurs droits sur le territoire ivoirien. En effet, il n'y a pas de disposition dans la CIDE, qui prévoit les procédures de plaintes pour les individus. Les individus ne peuvent donc pas, en principe, en cas de violations de leurs droits, déposer leurs plaintes auprès du Comité onusien des droits de l'enfant. Cette carence a été récemment corrigée avec l'adoption du Protocole facultatif relatif aux droits de l'enfant établissant la procédure de présentation des communications devant le Comité des droits de l'enfant.

Adopté en date du 19 décembre 2011 par la Résolution A/RES/66/138 de l'Assemblée générale des Nations Unies777, le Protocole facultatif relatif aux droits de l'enfant établissant la procédure de présentation des communications devant le Comité des droits de l'enfant requérait, pour son entrée en vigueur, dix (10) ratifications.778 Le 14 janvier 2014, avec la ratification de l'État du Costa Rica, le protocole est entré en vigueur le 1er avril 2014.

Mais, il apparait intéressant d'examiner concrètement les apports et les faiblesses de ce nouvel instrument dans l'univers de la justiciabilité des droits de l'enfant au niveau de l'ONU.

A travers ce troisième protocole, le Comité des droits de l'enfant peut recevoir des communications, c'est-à-dire des requêtes, individuelles779 et interétatiques780 sur des cas de violations présumées des droits reconnus dans la Convention des droits de l'enfant et ses deux premiers Protocoles.

777 Cf. le site http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/66/138 (consulté le 15 novembre 2015)

778 Conformément à l'art. 19 alinéa 1 du Protocole « Le présent Protocole entrera en vigueur trois mois après la date du dépôt du dixième instrument de ratification ou d'adhésion. ».

779 Articles et 5 et svts du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant établissant une procédure de présentation de communication.

780 Article 12 et svts du Protocole op.cit.

297

En effet, le Protocole facultatif n°3 de la CIDE, depuis son entrée en vigueur, ouvre sans doute la voie de l'effectivité de la justiciabilité des droits de l'enfant au niveau de l'ONU. Il est le moyen par lequel les violations des droits de l'enfant par les parties à la CIDE et ses deux premiers Protocoles facultatifs pourront faire l'objet de recours auprès de l'organe de suivi et de mise en oeuvre qu'est le Comité des droits de l'enfant. Au-delà de cet apport important, l'élément primordial à la faveur des enfants, est la possibilité qui leur est offerte de saisir directement, par une requête, le Comité pour une violation supposée de leurs droits reconnus par la Convention et ses deux premiers Protocoles.781 C'est dire que, dans un avenir proche, il sera possible d'avoir des décisions du Comité des droits de l'enfant, statuant sur des questions de violations des droits de l'enfant par un État partie aux normes concernées. Cependant, plusieurs conditions draconiennes doivent être respectées pour que la plainte soit considérée comme recevable :

- L'enfant ou ses représentants doivent déjà avoir porté plainte devant une juridiction nationale. Si elle n'a pas abouti, l'enfant pourra alors se tourner vers le Comité ;

- la plainte doit alors être déposée devant le Comité dans l'année qui suit la fin de la procédure devant la juridiction nationale ;

- la plainte ne doit pas être anonyme, ni infondée et ne doit pas constituer un abus de droit ;

- la plainte doit être formulée par écrit. De plus, l'enquête du Comité sur le territoire de l'Etat présumé violateur dépend de l'accord de l'Etat partie782.

Ces conditions limitent ainsi l'utilisation de ce recours, notamment celle relative aux délais pour introduire la plainte devant le Comité.

781 L'article 5 en son alinéa 1er ouvre voie à des communications individuelles en disposant que :

« Des communications individuelles peuvent être présentées par des particuliers ou des groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers relevant de la juridiction d'un Etat partie, qui affirment être victimes d'une violation par cet Etat partie de l'un quelconque des droits énoncés dans l'un quelconque des instruments suivants auquel cet Etat est partie :

La Convention ;

Le Protocole facultatif à la Convention, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ;

Le Protocole facultatif à la Convention, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. ».

782 Article paragraphe 2 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant établissant une procédure de présentation de communications.

298

299

Mais, au regard des nouvelles prérogatives du Comité, un réaménagement du rôle et du fonctionnement de l'organe onusien de suivi des droits de l'enfant s'impose. Ainsi, comme on peut le constater à l'article 3 du Protocole, obligation est faite au Comité des droits de l'enfant d'adopter un règlement intérieur relatif à ces nouvelles fonctions.

En dépit des avantages du Protocole facultatif portant sur les procédures de communication, nous constatons, avec regret, que le nouvel instrument a vu le jour avec un handicap non moins important. En effet, comme son nom l'indique, le Protocole facultatif à la Convention des droits de l'enfant établissant la procédure de présentation des communications, est un instrument qui n'est pas obligatoire aux États parties.

En effet, dire que le Protocole est ``facultatif'» revient à le laisser au gré des États parties783 à la CIDE (et ses deux premiers Protocoles) qui sont libres de le ratifier ou non. Or, le troisième Protocole établissant la procédure de communication, n'est rien d'autre qu'un instrument qui vient compléter les insuffisances de la CIDE. Dès lors, il nous semble qu'il aurait été plus judicieux de préférer l'appellation de «Protocole additionnel» à «Protocole facultatif». Le Protocole additionnel ayant pour avantage de s'imposer aux États déjà parties à la Convention principale qui se trouve, dans notre cas, être la Convention des Nations unies relatives aux droits de l'enfant. Et comme nous le constaterons, les communications ne pourront être introduites au Comité des droits de l'enfant, uniquement que contre les États qui ratifieraient le troisième Protocole. Ainsi, il n'est pas possible pour les enfants ressortissants d'un État partie à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui ne l'aurait pas ratifiée, et dont les droits sont violés, d'introduire une requête au Comité contre cet État.784 Mais dans tous les cas, rendre le Protocole relatif à la procédure de communication obligatoire aux États parties à la CIDE n'aurait pas été une première pour un mécanisme de protection des droits de l'enfant, dans la mesure où l'Union Africaine avait déjà introduit une telle procédure dans la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant au niveau régional africain.785

783 Pour la notion de «facultatif», Cf. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e édition, 2014, p.444.

784 Art. 1er al.3 du 3ème Protocole «Le Comité ne reçoit aucune communication intéressant un Etat qui n'est pas partie au présent Protocole. ».

785 Art.44 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

Outre cette faiblesse, on note à l'article 10 du Protocole, que la particularité des droits économiques, sociaux et culturels refait surface. En effet, l'article 10 dispose en son alinéa 4 que : « Lorsqu'il examine des communications faisant état de violations des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité évalue le caractère raisonnable des mesures prises par l'État partie conformément à l'article 4 de la Convention... » sans compter qu'à l'issue de l'examen des communications, le Comité ne peut, dans le meilleur des cas, faire des recommandations, en cas de violation des droits de l'enfant établie.786

De plus, comme le relève à juste titre, l'ONG « HUMANIUM787 », la possibilité d'introduire une plainte collective n'a pas été retenue dans le Projet Final du 3ème Protocole. Mais l'article 5 dispose que : « des communications peuvent être présentées par des particuliers, ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers, ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers. ». Une ONG peut donc parfaitement déposer une communication au nom d'un enfant ou d'un groupe d'enfants.

Au total, l'adoption de ce protocole présente une avancée considérable. Encore, faut-il que les membres du Comité international des droits de l'enfant ne soient pas trop abruptes dans l'examen des conditions de recevabilité, notamment lorsque la violation apparaît évidente. Il faut souligner à cet égard que le Protocole reprend la jurisprudence établie par la Cour Européenne des droits de l'homme ou par la Cour interaméricaine s'agissant des exceptions au principe de l'épuisement des voies de recours internes par exemple788.

C'est dire que malgré ses apports possibles dans l'effectivité des droits de l'enfant, le troisième Protocole relatif aux droits de l'enfant établissant la procédure de communication, présente des faiblesses, qui nous l'espérons, n'entameront pas pour longtemps la justiciabilité des droits de l'enfant au niveau du système de contrôle onusien.

Après avoir signé ce protocole en 2013, la ratification par la Côte d'Ivoire de ce troisième protocole facultatif à la CIDE de 2011, serait un gain pour la protection de l'enfant et ses

786 Art.10 al.5 3ème Protocole « Après avoir examiné une communication, le Comité transmet sans délai aux parties concernés ses constations au sujet de cette communication, éventuellement accompagnées de ses recommandations. ».

787 Pour plus d'infos sur Humanium, consulter http://www.humanium.org/fr/presentation/

788 Sultani c/ France, 20 septembre 2007, para. 50 ; Tomasi c/France, 27 août 1992, parag.79 ; Selmouni c/ France, 28 juillet 1999, para. 74 s.

300

droits. Il est en conséquence, impérieux que l'Etat ivoirien puisse ratifier ce protocole dans les meilleurs délais.

De toute façon, si la Côte d'Ivoire conserve sa position en ne ratifiant pas ce protocole, il est laissé la possibilité à la victime de se tourner vers le recours régional via la Comité africain des experts et du bien-être de l'enfant qui fait face à une inertie.

2. L'inertie du recours régional

Dans la procédure des rapports ou des plaintes, force est de constater l'inertie du recours régional au niveau ivoirien, contrairement à certains Etats africains. Il serait intéressant de montrer la tardive remise des rapports périodiques de la Côte d'Ivoire au Comité des experts africains des droits et du bien-être de l'enfant, avant d'envisager l'absence des communications individuelles et étatiques.

- La tardive remise des rapports périodiques

La tardive remise des rapports périodiques adressés au Comité des experts des droits et du bien-être de l'enfant montre le relâchement de la Côte d'Ivoire contrairement à certains pays africains. La procédure des rapports périodiques au niveau africain, est pratiquement la même que celle universelle. Pour évaluer l'état des droits de l'enfant dans les États parties à la Charte des enfants, il faut avoir une connaissance de la situation qui prévaut sur le territoire de l'État concerné. Pour le faire, l'UA à travers la CADBE, a mis en place le même modèle que les Nations Unies en ce qui concerne la CIDE : soumission de rapports initiaux puis périodiques789.

Ainsi, l'article 43 de la CADBE dispose :

« 1. Tout État partie à la présente Charte s'engage à soumettre au Comité par l'intermédiaire du Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine, des rapports sur les mesures qu'ils auront adoptées pour donner effet aux dispositions de la présente Charte ainsi que sur les progrès réalisés dans l'exercice de ces droits : CAB/LEG/153/Rev.2

a) dans les deux ans qui suivront l'entrée en vigueur de la présente Charte pour l'État partie concerné ;

789 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.299-304.

301

b) ensuite, tous les trois ans.

2. Tout rapport établi en vertu du présent article doit :

a) contenir suffisamment d'informations sur la mise en oeuvre de la présente Charte dans le pays considéré ,
·

b) indiquer, le cas échéant, les facteurs et les difficultés qui entravent le respect des obligations prévues par la présente Charte.

3. Un État partie qui aura présenté un premier rapport complet au Comité n'aura pas besoin, dans les rapports qu'il présentera ultérieurement en application du paragraphe 1 a) du présent article, de répéter les renseignements de base qu'il aura précédemment fournis. »

De la soumission du rapport, en passant par son examen et les recommandations ou observations finales, le processus de soumission des rapports au niveau du CADBE s'effectue essentiellement en six points, comme suit :

1- L'État partie fournit son rapport au Comité ,
·

2- Un rapporteur est nominé parmi les membres du Comité ,
·

3- Le rapport de la société civile est fourni au Comité ,
·

4- Un groupe de travail, en pré-session, est tenu durant lequel le Comité établit les thèmes à discuter avec l'État partie ,
·

5- Une session plénière (publique) est tenue durant laquelle le Comité établit les thèmes à discuter avec l'État partie ,
·

6- Le Comité produit des observations finales et recommandations qui devraient être mises en oeuvre par l'État partie. »

Les rapports soumis par les États doivent se faire conformément aux directives relatives à la soumission des rapports initiaux et des rapports périodiques790. Dans le même temps, les États parties à la CADBE semblent avoir du mal à se conformer aux exigences de l'article 43 de ladite Charte, qui leur fait obligation de soumettre un rapport initial deux ans après l'entrée en vigueur de la Charte (à l'égard de l'État partie) et ensuite un rapport périodique chaque trois ans. Ainsi, à sa dix-neuvième session en 2012, et sur les quarante-six (46)

790 Pour plus d'infos sur les directives, voir : http://acerwc.org/?wpdmdl=8694 ( consulté le 01/12/2015).

302

ratifications des États791, seuls quinze États792 parties s'étaient conformés entièrement ou partiellement aux exigences de l'article 43. Et parmi les 15 États ayant soumis un rapport, on note que si tous ont soumis le rapport initial, seul le Burkina Faso avait soumis un rapport périodique. Et au nombre des rapports initiaux soumis, seuls neuf (09) rapports avaient fait l'objet d'observations finales et de recommandations de la part du Comité.793. Plus récemment, lors de sa 26ème session ordinaire qui s'est déroulée à Addis-Abeba, en Ethiopie, du 16 au 19 Novembre 2015794, l'Algérie, le Congo, le Gabon et le Lesotho ont tous présenté leurs rapports initiaux sur la mise en oeuvre de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant au Comité d'experts, augmentant ainsi le nombre d'Etats ayant présenté leurs rapports initiaux.

A l'heure actuelle, seuls 10 Etats ont soumis tous leurs rapports, 18 Etats sont en retard par un ou deux rapports, 20 Etats accusent un retard d'au moins trois rapports, tandis que 6 Etats ayant ratifié n'ont jamais soumis de rapports795. La Côte d'Ivoire, quant à elle, se distinguait toujours par son absence de rapport. Au titre de l'article 43 portant soumission des rapports périodiques, 15 pays796 ont soumis leurs rapports initiaux qui ont été examinés par le comité des experts797. Parmi ces pays, figure son voisin du Burkina Faso qui a déjà adressé ses 1re et 2e rapports périodiques contrairement à la Côte d'Ivoire qui se démarquait par son inertie. Bien qu'elle soit partie à la charte depuis le 1er mars 2002, elle n'avait cependant déposé aucun rapport au comité des experts des droits et du bien-être de l'enfant. Heureusement en date du 04 juillet 2012, elle a soumis son rapport initial et cumulé portant sur la période de 1994 à 2012 ; mieux, le 28 juin 2016, la Côte d'Ivoire a soumis son rapport portant sur la période 2012-2015. On ne peut qu'espérer que cette dynamique se poursuive afin que ce pays soit en phase avec ses engagements internationaux.

791 Etat de ratification à la date de 06 novembre 2012. www.acerwc.org (Consulté le 06 novembre 2012).

792 Burkina-Faso, Cameroun, Egypte, Kenya, Libye, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Soudan, Tanzanie, Togo, et Ouganda.

793 Ce point a été fait, le 06 novembre 2012, sur la base des données disponibles sur le site du Comité.

794 http://www.ihrda.org/fr/2015/11/26e-session-ordinaire-de-la-caedbe-examine-les-rapports-initiaux-de-
lalgerie-le-congo-le-gabon-et-le-lesotho/(Consulté le 21/12/2015).

795 http://www.achpr.org/fr/states/reports-and-concluding-observations/ ( Consulté le 01/05/2018)

796 Ces pays sont : l'Algérie, le Nigeria, le Kenya, l'Ouganda, le Mali, le Burkina Faso, la Tanzanie, le Rwanda, le Togo, le Niger, le Sénégal et le Cameroun.

797 http://www.achpr.org/fr/sessions/51st/speeches/cyprien_adebayo_yanclo/ (consulté le 05/05/2015).

303

D'ailleurs, la CAEDBE vient de publier le 18 mai dernier ses recommandations et observations sur ce rapport initial de la République de Côte d'Ivoire. On y lit :

« - Inexistence de l'enfant

- Accélérer le processus d'adoption du code. Au cours de l'adoption dudit code, le comité recommande que le gouvernement harmonise les questions relatives aux droits de l'enfant conformément à ses obligations mondiales et régionales ;

- Encourage le gouvernement à allouer suffisamment de ressources financières et humaines pour la mise en oeuvre intégrale de la PNPE ;

- Le comité recommande au gouvernement au gouvernement de développer un mécanisme de coordination entre ses acteurs des droits de l'enfant ;

- Le comité demande au gouvernement de la Côte d'ivoire de concevoir un système dans lequel l'allocation budgétaire est évaluée en fonction des différents facteurs qui reflètent les besoins des enfants, comme la croissance démographique des enfants et leurs besoins spéciaux ;

- Le comité encourage également la diffusion de ces observations finales et recommandations, ainsi que le rapport de l'Etat partie parmi les nombreux acteurs.

Le Comité recommande fortement à l'Etat partie d'examiner son âge minimum de mariage pour les filles et de le fixer à 18 ans sans aucune exception.

Le Comité recommande par conséquent au gouvernement de mener des campagnes de sensibilisation contre les sévices et la violence envers les enfants, notamment la violence sexuelle ; de former ses forces de police, ses juges et procureurs sur la gestion des cas d'abus d'enfants ; de sensibiliser la communauté sur l'importance du fait de signaler les cas d'abus au système juridique formel ; de former les chefs traditionnels et religieux sur la gestion de cas et les renvois à la police ; et d'apporter un soutien psychosocial aux victimes d'abus sexuels et d'abus de toutes sortes, de former les enseignants sur les conséquences de tels actes. Le Comité exhorte l'Etat partie à mettre en oeuvre l'Arrêté qui interdit les châtiments corporels dans les écoles et interdit légalement les châtiments corporels à la maison.

S'agissant des cas de viol, le Comité demande à l'Etat partie de définir clairement et de punir le viol dans le code pénal, en vue d'accélérer les procédures judiciaires des cas de viol,

304

et afin de réduire le coût des procédures judiciaires et la production de preuves en matière de viol et autres violences sexuelles.

Le Comité recommande également à l'Etat partie de prendre des mesures contre le harcèlement et tout abus sexuel dans les établissements scolaires et d'engager des poursuites fermes contre les enseignants auteurs de ces faits, car cette situation encourage la déperdition scolaire et les grossesses précoces. »798.

A travers ce constat, on peut noter la volonté de l'Etat de Côte d'Ivoire de rectifier le tir et rattraper son retard dans la soumission des rapports périodiques.

On note aussi malheureusement l'absence des communications individuelles et étatiques. - De l'absence de communications individuelles et étatiques à l'absence d'enquêtes à l'égard de la Côte d'Ivoire

L'absence de communications individuelles et étatiques couplée à celle d'enquêtes entraine une inertie du recours ivoirien vers le comité d'expert africain des droits de l'enfant.

En fait, les plaintes ou communications sont soumises par les individus ou les Etats qui entendent dénoncer les violations commises par un Etat partie ; le comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant a une compétence exclusive pour recevoir des communications sur toutes les questions émanant de toute personne, groupe de personnes, organisations non gouvernementales (ONG) reconnues par l'Union Africaine (UA), par un Etat membre de l'UA ou par l'organisation des Nations Unies799.

Dans cette initiative de communications, la CADBE a devancé la CIDE, en permettant très tôt aux individus la faculté de saisir le Comité800.

Les directives pour l'examen des communications prévues à l'article 44 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, n'influence guère801, étant donné

798 OBSERVATIONS FINALES ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ AFRICAIN D'EXPERTS SUR LES DROITS ET LE BIEN-ÊTRE DE L'ENFANT (CAEDBE) SUR LE RAPPORT INITIAL DE LA RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE SUR LE STATUT DE MISE EN OEUVRE DE LA CHARTE AFRICAINE SUR LES DROITS ET LE BIEN-ÊTRE DE L'ENFANT

799 Article 11 CADBE.

800 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.299-304.

801 Déclaration d'IHDRA ( Institute for Human Rights and development in Africa) sur la procédure de plainte ( communications) auprès du CAEDBE, 12eme session du Comité africain d'experts sur les droits et le bien

305

l'imprécision et le caractère des conditions de recevabilité et d'examen des communications individuelles. Cependant, la moisson est bien maigre pour l'ensemble du continent et ne concerne aucunement pas directement les enfants vivant en Côte d'Ivoire. Jusqu'à ce jour, le Comité a reçu 4 communications contre les États parties et a rendu 3 décisions.

La première communication a été déposée en 2005 par Michelo Hunsungule en faveur des enfants dans le Nord de l'Ouganda contre le gouvernement de l'Ouganda et a été déclarée recevable par le Comité. Le Comité a rendu sa décision802. La deuxième communication est liée au droit à la nationalité de l'enfant. Il a été reçu en Avril 2009 à l'initiative de l'Institut pour les droits de l'homme et le développement en Afrique (IHRDA) et l'Open Society Justice Initiative (OSJI) au nom des enfants de Nubian Descente au Kenya contre le gouvernement du Kenya. Le Comité a aussi rendu une décision803 sur cette communication804.

La troisième communication traite de la mendicité des enfants et a été déposée par le Centre pour les droits de l'homme et La Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme contre le gouvernement du Sénégal. Une décision805 a été rendue sur cette affaire.

La quatrième communication est en suspens pour examen.

Ici, à défaut d'examiner toutes les décisions rendues , nous nous pencherons sur la décision relative à l'affaire l'Institut pour les droits de l'homme et le développement en Afrique (IHRDA) et l'Open Society Justice Initiative (OSJI) au nom des enfants de Nubian Descente au Kenya contre le gouvernement du Kenya. Le choix de cette affaire se justifie par le fait qu'elle pourrait inspirer les défenseurs des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire

être de l'enfant (CAEDBE) 3-5 novembre 2008, Addis Abeba, Ethiopie , consulté sur http://ihrda.org/fr/2008/11/3091/ le 16/10 /2014.

802 Communication N°1/2005 examinée lors des sessions du 15-19 Avril 2013 publiée sur http://acerwc.org/?wpdmdl=8687 (Consulté le 02/12/2015).

803 Décision du 22 Mars 2011 relative à la Communication N°.com/002/2009 disponible sur http://acerwc.org/?wpdmdl=8690(Consulté le 02/12/2015).

804 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.313-314.

805 Décision No 003/Com/001/2012 disponible sur http://acerwc.org/?wpdmdl=8689 (consulté le
02/12/2015).

306

d'autant plus qu'une récente étude publiée par l'Unicef fait état de plus 500.000 enfants apatrides dans le pays806. De quoi s'agissait-il en l'espèce ?

En avril 2009 et conformément l'article 44 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, les deux organisations IHRDA et OSJI ont introduit une communication au Comité de l'enfant portant sur la violation du droit à la nationalité des enfants d'ascendance nubienne.

Selon la décision du Comité,

Les plaignants invoquent une violation principalement de l'article 6, en particulier les paragraphes (2), (3) et (4) (le droit d'avoir un enregistrement de naissance et d'acquérir une nationalité à la naissance), de l'article 3 (prohibition de discrimination illicite/inéquitable) et, résultant de ces deux violations alléguées, une liste de « violations indirectes », y compris celle de l'article 11 (3) (égalité d'accès à l'éducation) et de l'article 14 (égalité d'accès au soin). 807

Après étude de la recevabilité de la communication conformément aux dispositions de l'article 44 de la Charte des enfants, et aux directives relatives à l'examen des communications, le Comité déclare la communication recevable.808

Quant au fond après examen, le Comité des droits de l'enfant a rendu, le 22 mars 2001, la décision suivante :

Pour les motifs exposés ci-dessus, le Comité africain constate de multiples violations des articles 6 (2), (3) et (4), de l'article 3, de l'article 14 (2)(b) et de l'article 11(3) de la Charte africaine des droits et bien-être de l'enfant par le gouvernement du Kenya, et :

1- Recommande que le gouvernement du Kenya prenne toutes les mesures législatives, administratives et autres mesures nécessaires afin de garantir que les enfants d'ascendance nubienne au Kenya, qui sont sans cela apatrides, puissent acquérir la nationalité kényane et la preuve de cette nationalité dès la naissance.

2- Recommande que le gouvernement du Kenya prenne toutes les mesures pour garantir que les enfants d'ascendance nubienne dont la nationalité kényane n'est pas

806 Nous reviendrons sur ce cas d'apatridie en Côte d'Ivoire dans la deuxième partie de notre travail.

807 Paragraphe 7 de la décision.

808 Paragraphe 35 de la Décision.

307

reconnue puissent systématiquement bénéficier de ces nouvelles mesures à titre prioritaire.

3- Recommande que le gouvernement du Kenya applique son système d'enregistrement des naissances de manière non discriminatoire et prenne toutes les mesures législatives et administratives et autres mesures nécessaires afin de garantir que les enfants d'ascendance nubienne soient enregistrés immédiatement après leur naissance.

4- Recommande que le gouvernement du Kenya adopte un plan à court terme, moyen terme et long terme, comprenant des mesures législatives administratives et autres mesures pour garantir le respect du droit au meilleur état de santé possible et du droit à l'éducation, de préférence en consultant les communautés bénéficiaires concernées.

5- Recommande au gouvernement du Kenya d'adresser un rapport sur la mise en application des présentes recommandations dans les six mois à compter de la date de notification de la présente décision : Conformément aux Règles de procédure, le Comité désignera un de ses membres pour assurer le suivi de la mise en application de la présente décision.

Comme on peut le constater, cette toute première décision depuis sa création en juillet 2001, représente une étape importante en faveur des enfants nubiens et pour les enfants apatrides du continent comme ceux vivant en Côte d'Ivoire. En outre, elle représente pour les ONG et associations de défense des droits de l'enfant, un outil stratégique pour la promotion et la défense des droits des enfants. Toutefois, le Comité africain des experts des droits et du bien-être de l'enfant a rendu sa décision en termes de recommandations. Et on s'aperçoit que ces recommandations sont présentées en termes vagues, qui rappellent la formulation adoptée dans la rédaction de la Charte africaine des droits et bien-être de l'enfant. Or, comme on le sait, les recommandations n'ont pas de caractère obligatoire et donc ne s'imposent pas impérativement à l'État partie mis en cause.809

809 VIRALLY (M.), « La valeur juridique des recommandations des organisations internationales », in Annuaire français de droit international, volume 2, 1956, pp.66-96.

308

Il en découle donc deux difficultés majeures. D'abord, le caractère non obligatoire des recommandations formulées, fait reposer l'exécution de ces recommandations sur la bonne volonté de l'État kényan, qui s'il désire peut les ignorer. En effet, comme il est mentionné dans la décision du Comité africain, les Comités des Nations unies avaient auparavant attiré l'attention de l'État kényan sur cette situation. Et si le cas est demeuré jusqu'à l'introduction de la requête, c'est bien parce que l'État kényan n'a pas pris les mesures nécessaires pour mettre fin à la situation des enfants nubiens. Ensuite, le caractère vague des recommandations faites par le Comité, alors qu'elles s'adressent à un État spécifique et pour un cas spécifique, donnent trop de marge de manoeuvre à l'État kényan, qui pourrait avancer des arguments de mesures prises pour régler sans pour autant la régler.

En définitive, malgré la satisfaction morale que peut offrir la reconnaissance de violations de droits de l'enfant par les organes de protection tel le Comité des experts africains, ce mécanisme est insuffisant pour dissuader les États comme la Côte d'Ivoire à ne plus les violer.

En plus de ses prérogatives de recevoir des communications, le Comité peut, dans certains cas, effectuer des investigations sur le territoire d'un État partie. Sur ce point, c'est l'article 45 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant qui en érige les règles. Ainsi dispose-t-il en son alinéa 1er que :

Le Comité peut recourir à toute méthode appropriée pour enquêter sur toute question relevant de la présente Charte, demander aux États parties toute information pertinente sur l'application de la présente Charte et recourir à toute méthode appropriée pour enquêter sur les mesures adoptées par un État partie pour appliquer la présente Charte.

L'avantage d'une telle disposition pour les membres du Comité des experts est la possibilité d'aller au-delà du contenu des rapports étatiques, pour constater la réalité sur le terrain. Les lignes directrices810 sur la conduite des enquêtes fournissent le cadre régissant la conduite des enquêtes

810 Pour les lignes directrices, voir http://acerwc.org/?wpdmdl=8668 (consulté le 02/12/2015)

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Mais, la difficulté majeure pour une telle démarche reste les moyens à la mettre en oeuvre811. A ce jour, le Comité a effectué une seule mission d'enquête dans un État partie, notamment en Tanzanie. En effet, le CAEDBE a mené une mission d'enquête dans ce pays, suite à une demande d'enquêter sur les allégations de violations des droits des enfants atteints d'albinisme. La requête a été introduite en Novembre 2013, par une organisation non gouvernementale, sous le même soleil (UTSS), attirant l'attention du Comité sur les conditions alarmant d'enfants atteints d'albinisme soumis à des violations de leurs droits en Tanzanie. Le Comité a examiné le rapport de cette mission lors de sa 24 ème session ordinaire tenue le 01-06 Décembre 2014, à Addis-Abeba, en Ethiopie. Étant donné que la demande relève de son mandat et était également en ligne avec les objectifs de missions d'enquête comme indiqué dans l'article 2 des lignes directrices enquête CAEDBE812.

Malheureusement, pour les enfants de Côte d'Ivoire, il n'y jamais eu de communications individuelles ou étatiques ni d'enquêtes allant dans le sens d'une plainte aux violations des droits de l'enfant dirigées contre l'Etat de Côte d'Ivoire. Devrait- on pour autant croire que ce pays affiche un traitement séduisant à l'égard des enfants ? Nous y répondrons dans la deuxième partie de notre travail.

Toutefois, au regard de ce qui précède, l'on pourrait de ce fait croire à une inefficacité des recours universel et régional exercées devant les deux comités envisagés.

B. L'INEFFICACITE DES RECOURS

Ces recours non contentieux institués en vue d'aboutir à un contrôle efficient, même s'ils semblent aller dans le sens de la protection des droits de l'enfant, s'avèrent inefficaces par la nature de ces organes (1) et la portée de leurs décisions (2).

1. Une inefficacité tenant à la nature des organes de contrôle

La nature des organes de contrôle peut constituer un frein dans la mise en oeuvre de leur mission. En fait ces organes sont dépourvus de véritables pouvoirs, étant investi d'une fonction simplement consultative :

811 Le Comité dépend, même, pour l'organisation de ses sessions, du financement des organisations internationales non gouvernementales et gouvernementales.

812 http://acerwc.org/investigation/ (consulté le 02/12/2015).

310

- Des organes dépourvus de véritables pouvoirs

Les deux organes de contrôles examinés sont de simples organes dépourvus de véritables pouvoirs. Le rôle de ces deux Comités de contrôle des droits de l'enfant est de veiller à ce que les parties respectent leurs engagements.

Pour exercer cette mission, le Comité doit disposer de renseignements complets et détaillés. Si le gouvernement en cause ne fournit pas les justifications requises, comme il en a l'obligation, il ne pourra faire l'objet d'aucune sanction. De plus, les plaintes et communications qui sont déférés vers les comités de droits de l'enfant, ne transforment guère lesdits comités en instances juridictionnelles ayant compétence pour rendre des décisions obligatoires. En effet, en ce qui concerne leur fonction dans la procédure des plaintes, l'avantage semble trouver uniquement sa raison dans le caractère quasi juridictionnel. Mais au-delà du rôle actif que va jouer le particulier dans sa confrontation avec l'Etat présumé violateur, lors d'un procès dans lequel le principe général audi alteram paterm est utilisé et du règlement à l'amiable qui peut ressortir de cette procédure, l'absence de sanction judiciaire vient nous ramener à la triste réalité de l'inefficacité de tels mécanismes non contentieux.

Par ailleurs, la violation même flagrante des droits reconnus est sujette à une procédure de sanction peu élaborée dans la majorité des cas, contrairement au tableau angélique peint par Monsieur Ibrahima FALL, à cet effet en 1994813. En effet, le modèle reconnu et admis par les Etats est celui de la constitution des comités. Ces organes n'ont pas un véritable pouvoir de sanction. Ils ne font que promouvoir et inciter les Etats à respecter leurs obligations814. Il s'agit, remarque la doctrine pour ces organes de « parvenir à une amélioration de la situation, par l'exercice d'une pression politique et morale utilisant la force de l'opinion publique »815

813 FALL (I.), « Les mécanismes de protection et de promotion des droits de l'homme développés au sein du système des Nations Unies », R.A.D.H., vol.4 1994, pp.11-19.

814 DHOMMEAUX (J.), « La contribution du comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies à la protection des droits économiques, sociaux et culturels », A.F.D.I. , 1994, pp.633 et ss., PASTOR RIDRUEJO (J.A), « Les procédures publiques spéciales de la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies », R.C.AD.I., vol 228, 1991, pp 183 et ss ; RODLEY (N.S), The Evolution of United Nations Charter-Dased Machinery for the protection of Human Rights, EHRLR, 1997, pp.4 et ss.

815 WACSHMANN (P.), Les droits de l'homme, Dalloz, 2008, p.154.

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Cependant, bien que dépourvu de véritable pouvoir de sanction, ces organes ont une importance et celle-ci ressort de leur fonction consultative ou de leur rôle d'accompagnateur aux côtés des Etats.

- Des organes investis de simple fonction consultative et du rôle d'accompagnateur des Etats

Les mécanismes conventionnels non contentieux sont investis de simple fonction consultative. Comment amener les États parties aux instruments internationaux pertinents protecteurs des enfants, à respecter leurs engagements ? Sûrement pas par la force. Ne se sont-ils pas engagés librement pour la mise en oeuvre de ces normes sur leurs territoires ? Dans tous les cas, la ratification des normes relatives aux droits de l'enfant le leur impose. Dès lors, comment ne pas comprendre le choix d'un mécanisme non contentieux pour le respect des droits de l'enfant par les Nations Unies et au niveau continental africain ?

Les Comités des droits de l'enfant, en tant qu'organe de suivi et de mise en oeuvre des normes qui relèvent de leurs compétences816, n'ont pas pour mission de jouer les gendarmes derrière les États parties. Ils les accompagnent dans le processus de mise en oeuvre à travers une relation de dialogue et d'évaluation de l'état des normes sur leur territoire : la présentation de rapport. Dans le cadre du contrôle sur rapport, les organes de traité utilisent une procédure non contentieuse. En effet, les organes de contrôle peuvent utiliser le dialogue avec les Etats. Un dialogue qui consiste à encourager les Etats parties à déposer régulièrement leurs rapports afin que les comités prennent connaissance des progrès ou des difficultés de la mise en oeuvre des obligations de protection des droits de l'enfant. Même si cette procédure semble présenter une démarche compréhensive, elle souffre d'une absence de garantie d'efficacité en termes de protection des enfants.

Aussi, pour promouvoir l'application des droits de l'enfant par les États parties, les Comités des droits de l'enfant, conformément à la mission à eux assignée, accompagnent les États dans la mise en oeuvre des normes qui relèvent de leurs compétences. L'exemple du comité onusien mérite d'être relevé. Dans le cadre de son rôle d'accompagnateur, il explique et clarifie le contenu de la CIDE de façon à amener les États à comprendre telle ou telle autre disposition de la Convention. Ainsi ont été élaborées des «Observations Générales» sur des

816 Référence est faite ici à la CIDE et ses trois protocoles.

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mesures d'application de la CIDE. Nous prendrons ici l'exemple de l'Observation Générale (OG) n°5 portant sur les mesures d'application générales des articles 4, 42, et 44 de la CIDE, établie par le Comité lors de la trente-quatrième session en 2003.817

Le choix porté sur l'OG n°5 découle du fait qu'elle a levé le voile sur des points importants de la CIDE. D'abord, le Comité a clarifié les obligations des États parties sur les mesures à prendre pour l'application de la Convention818, ensuite il a tranché en ce qui concerne la problématique de la justiciabilité de tous les droits de l'enfant819 et par conséquent, il pose la règle de la justiciabilité des droits de l'enfant, y compris les droits sociaux, économiques et culturels.820

De façon générale, le Comité des droits de l'enfant a, à travers les OG n° 5 livre aux États le contenu des dispositions abordées, et la portée des notions clés tout en leur indiquant les mesures et démarches à adopter pour accomplir les obligations qui découlent de la ratification de la CIDE et de ses deux premiers protocoles facultatifs.

Cette démarche du Comité, que nous qualifions ici de pédagogique, a pour avantage de clarifier le contenu de la CIDE, dont nous avons montré le caractère vague et trop général de certains points qui servent de prétexte pour la méconnaissance de sa justiciabilité. De même, la question de la coopération internationale dans le cadre de la CIDE n'a pas été occultée. Il est rappelé aux États d'en faire un outil pour l'effectivité des droits de l'enfant821.

Dans un tel contexte, avoir un dialogue constructif avec les États revient à les convaincre de l'importance de la mise en oeuvre des droits de l'enfant, non pas pour la communauté internationale, mais pour leur propre avenir. Le Comité des droits de l'enfant, n'ayant pas de pouvoir coercitif, ne peut donc jouer ce rôle en espérant trouver une oreille attentive auprès des dirigeants des pays où les enfants subissent encore aujourd'hui de graves violations de leurs droits. Cette mission, dans la pratique, se traduira essentiellement par le suivi de la mise en oeuvre de la CIDE et ses deux premiers Protocoles facultatifs à travers une démarche de présentation des rapports par les États parties.

817 Cf. doc. Nations Unies, CRC/GC/2003/5 du 27 novembre 2003, 23 p.

818 V. point introductif du doc. CRC/GC/2003/5, p.2 et svtes.

819 Cf. point V du doc. CRC/GC/2003/5, p.8.

820 V. pour exemples, les arrêts (France): Cour cass. Chambre civ. N° 02-16336 du 18 mai 2005 et Cour cass.,Chambre soc. N°05-40876 du 16 décembre 2008.

821 V. point sur la coopération avec la société civile, p.15 et svtes, doc, CRC/GC/2003/5.

313

De ce qui précède, s'interroger sur la portée des décisions des organes de traité dans la protection de l'enfant, devient alors nécessaire.

2. Une inefficacité tenant à la portée de ses décisions

La portée des décisions des organes de surveillance contribue fortement à rendre efficace ou non leur saisine. L'on constate avec désolation que le contrôle des comités des droits de l'enfant est inefficace. Cela est relatif aux décisions prises par les Comités qui ne sont que de simples recommandations devant la réaction réfractaire des Etats tels la Côte d'Ivoire :

- De simples recommandations

Les mesures prises par les organes de traités que l'on appelle aussi les comités sont de simples recommandations.

Après l'examen des rapports par le Comité des droits de l'enfant, des recommandations sont faites aux États, à travers les «observations finales», pour remédier aux insuffisances relevées par le Comité dans les rapports examinés. Mais le problème qui se pose avec cette démarche est que les recommandations n'ont aucun caractère obligatoire pour l'État à qui elles sont faites. En effet, la recommandation est définie comme une invitation à agir dans un sens déterminé sans pour autant avoir de caractère contraignant822. C'est aussi une note invitant son destinataire à agir d'une manière spécifique et lorsqu'elle s'adresse à l'État, elle n'a pas de force obligatoire823. Ainsi, les recommandations faites par le Comité des droits de l'enfant, à l'issue de l'examen des rapports étatiques ne seront prises en compte que si l'État en question en a la volonté. Les organes ne peuvent donc contraindre un Etat violateur à se plier face à ces recommandations qui ne bénéficient que de l'autorité de « la chose interprétée ».

Cependant, une large diffusion des recommandations pourrait favoriser leur application. Ceci étant, si ces mesures sont confidentielles dans le cas de la Commission africaine, elles bénéficient d'une large diffusion quand elles émanent du Comité d'expert africain des droits de l'enfant et du Comité des droits de l'enfant des nations unies.

822 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 10eme ed. 2014, p.860.

823 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 10eme ed. 2014, p.860.

314

Même s'il est vrai que le consentement de l'Etat pour la conclusion du traité fait foi, et pourrait entrainer par là même son application, il n'en demeure pas moins que celui-ci s'abstient de respecter les recommandations édictées. L'absence de force contraignante entraine la liberté des Etats face à l'application des traités d'où leur négligence face aux recommandations.

- La négligence des recommandations par les Etats

Devant la faiblesse des décisions des organes de protection de l'enfant, on se demande bien ce qu'il faut attendre de la réaction des Etats. Le droit international ayant pour base fondamentale la volonté des Etats, elle en souffre parfois dans sa mise en oeuvre. A en croire ce propos de Michel VIRALLY, « la recommandation constitue une proposition qui ne produira ces effets qu'après avoir été acceptée »824. Ce qui amène à conclure que c'est l'acceptation de la recommandation par l'Etat, qui sera une condition sine qua nun de son application, sinon, elle reste lettre morte.

De lourdes conséquences découlent de l'absence de contraintes des organes de traités. Il résulte du caractère non obligatoire des décisions, une liberté pour les Etats d'agir ou de ne pas agir. Cette lacune concerne non seulement les deux comités sus-évoqués, mais aussi l'ensemble des organes quasi-juridictionnels de contrôle des droits humains qui font face à des gouvernements souvent réfractaires. Les comités de contrôle des droits de l'enfant ne peuvent obliger les Etats à suivre leurs recommandations ; aussi, tout repose sur la « bonne volonté » de chaque Etat. La mesure ultime à la portée de ces deux Comités en cas de non-respect, consiste à envoyer des lettres ou des rappels aux Etats en leur demandant de respecter leurs obligations en vertu des de la CIDE ou de la CADBE.

Il est à noter qu'au-delà des recommandations, ces comités usent de moyens de pression. Ces moyens utilisés par l'intermédiaire des organisations internationales, peuvent être financiers, politiques et même diplomatiques. Ce sont ces moyens qui pour la plupart du temps font plier les Etats qui n'envisagent pas de respecter leurs recommandations.

Dans tous les cas, à défaut d'avoir trouvé pleine satisfaction devant les mécanismes non contentieux, notamment, les mécanismes quasi-juridictionnels qui apparaissent inefficaces,

824 VIRALLY (M.), Le droit international en devenir: Essais écrits au fil des ans, Nouvelle Edition internationale, PUF, Paris, 1990, p.176.

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l'opportunité est offerte aux victimes ou aux personnes compétentes de recourir à une protection judicaire plus favorable à l'enfant victime, en recourant aux mécanismes contentieux de protection de l'enfant au niveau universel et régional africain qui restent malheureusement peu exploités.

§ 2. DES GARANTIES JUDICIAIRES PEU EXPLOITEES

A l'instar du cadre interne, en matière de protection des droits, les garanties judiciaires semblent être la voie, la seule, pouvant ou devant offrir une protection optimale des droits de l'enfant au niveau international. Mais, s'il est vrai que ces garanties sont des voies efficaces, il n'en demeure pas moins que celles concernant l'enfant ivoirien ou africain, se donne à succès par l'absence de juridictions spécialisées, et, lorsqu'il en existe à travers le recours aux juridictions à compétence générale (A), celles-ci se faisant remarquer par leur inaccessibilité (B).

A. LA SEULE OPTION DES ORGANES JUDICIAIRES A COMPETENCE GENERALE : UNE VOIE PEU SOLLICITEE

Les recours contentieux se manifestent par la seule option des organes judiciaires à compétence générale tant au niveau régional africain qu'universel. L'opportunité offerte à l'enfant ivoirien victime découle de leurs compétences (1) et de la nature de leurs décisions marquées au coin de l'obligatorieté (2).

1. Une opportunité au regard de leurs compétences

Sera successivement analysée le caractère opportun des compétences des juridictions judiciaires au niveau africain et au niveau universel.

- Au niveau africain : de l'utilité des compétences de la Cour africaine des droits de l'homme et de la Cour de justice de la CEDEAO pour les enfants victimes en Côte d'Ivoire

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Pour assurer la protection des droits de l'homme, l'individu en Afrique n'a qu'un seul recours judiciaire au niveau continental, à savoir, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples825.

Premier organe judiciaire établi à l'échelle du continent africain, la Cour constitue effectivement la consécration de « l'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme »826. Pourtant, cette consécration de l'option judiciaire n'allait pas de soi. Bien que formulé dès 1961 lors du congrès africain sur la primauté du droit organisé à Lagos et formellement transcrit dans l'illustre Acte de Lagos, le projet de création d'une Cour africaine ne trouvera un apathique début de concrétisation que vingt ans plus tard avec la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui institua une Commission africaine des droits de l'homme et des peuples827. Le constat ultérieur des limites de ce mécanisme quasi-juridictionnel828 conduira à franchir une nouvelle étape829 : l'adoption, dans le cadre de l'OUA, du Protocole dit de Ouagadougou, le 10 juin 1998, va consacrer formellement830 la volonté des Etats africains de créer un mécanisme concret de sanction des violations des droits humains en Afrique.

825 www.african-court.org

826 QUILLERE-MAJZOUB (F.), L'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique-Etude comparée autour de la création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : une approche juridique des droits de l'homme entre tradition et modernité, Paris, PUF, 1993, 479p.

827 Sur cet organe, cons. Notamment OUGUERGOUZ (F.), « La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples : présentation et bilan d'activités (1988-1989) » A.F.D.I., vol.35, 1989, pp.557-571.

828 L'organe a pu être qualifié de toothlless bulldog. Cons. A ce propos, UDOMBANA (N.J), « Towards the African Court on Human and Peoples' Rights :better late than never », Yale Human Rights and Development Law Journal, 2000 pp.45-111, sp. p.64. Pour un bilan global, cons. Not. DOUMBE-BILLE (S.), « Un quart de siècle de protection des droits de l'homme en Afrique », in Mélanges en l'honneur du Professeur Petro Pararas, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp.133-141 ; MURRAY (R.), The African Commission on Human and peoples's rights and international law, Oxford, Hart Publishing, 2000, 316 p., spéc.p.22.

829 C'est la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA qui avait « invité le secrétaire général de l'OUA à convoquer une réunion d'experts gouvernementaux chargés de réfléchir, en étroite collaboration avec la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, sur les moyens de renforcer l'efficacité de celle-ci, en examinant en particulier la possibilité de création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples » (Doc.OUA/CCEG, « Résolution sur la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, AHG/Rés.230 (XXX) », 30e session de la Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement, 13-15 juin 1994, Tunis (Tunisie), p.2§4).

830 Le long chemin vers l'élaboration et l'adoption de cet instrument est décrit avec force détails par KAMTO (M.), « Préambule » in KAMTO (M.) (dir.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l'homme - Commentaire article par article, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp.1210-1211.

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L'entrée en vigueur du Protocole, six ans plus tard, soit le 25 janvier 2004, va libérer le processus d'opérationnalisation de la Cour, pour lequel il aura fallu attendre près de deux ans pour sa mise en place, notamment par l'élection des premiers juges831. Il fallut trois années supplémentaires avant que la Cour, confrontée à des problèmes de siège d'installation832 et d'élaboration de son règlement intérieur833, ne rende enfin son premier arrêt, le 15 décembre 2009834. De cette dernière date à celle rétrospective de l'Acte de Lagos, il aura donc fallu attendre près d'un demi-siècle835 pour que l'Afrique à son tour rejoigne les deux grands systèmes régionaux déjà en vigueur, à savoir ceux de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

Elle peut être saisie en cas de violations des dispositions de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Elle est une option pour la défense et la protection de l'enfant africain, victime, et les Etats qui veulent dénoncer d'éventuelles violations. En cela, c'est une opportunité offerte pour l'intérêt de l'enfant victime, étant donné que ces décisions ont une force contraignante, à l'instar de la Cour de justice de la CEDEAO836, qui se présente comme un nouveau recours offert aux enfants victimes au niveau de l'espace ouest-africain.

831 Doc. UA/Conference de l'Union, Décision sur l'élection des membres de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, Assembly/AU/Dec.100 (VI) , 6e session ordinaire de la Conférence de l'Union, 23-24 janvier 2006, Khartoum (Soudan).

832 Doc. UA/Conf. De l'Union, « Activity report of the court for 2006, Assembly/AU/8 (VIII) », 8e session de la conférence de l'Union, 29-30 janvier 2007, Addis-Abeba, Ethiopie, 9 p. ; Doc.UA/CE, « Rapport provisoire de la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples. EX.CL/363 (XI) » 11e sesion ordinaire du Conseil exécutif, 25-29 juin 2007 Accra, Ghana, 6p., voy. Spéc.§§ 14-28, pp.2-5.

833 Doc.UA/CE, « Rapport d'activités de la cour africaine des droits de l'homme et des peules pour l'année 2008, Ex.CL/489 (XIV) », 14e session ordinaire du conseil exécutif, 26-30 janvier 2009, Addis-Abeba, Ethiopie, spéc. §§ 42-44.

834 NTWARI (G-F.), « Note sur le premier arrêt de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples », R.A.D.I.C., vol.18, n°2/2010, pp.233-237.

835 Des auteurs comme le Professeur MOUANGE KOBILA (J.) ont regretté cette longue gestation de la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples, de manière plus inspirée : « si dans les Ecritures, la parole divine suffit à tirer instantanément les créatures du néant, l'avènement d'institutions de promotions et de protection des droits de l'homme en Afrique est loin de correspondre à ce schéma de soudaineté créatrice » MOUANGE KOBILA (J.), « Article 1. Création de la Cour », in M. KAMTO (dir.), op. cit., p.1215).

836 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.315-318.

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La cour de justice de la CEDEAO837 est habilitée par le protocole additionnel de 2005 à connaître de toutes les violations des droits de l'homme sur le territoire de la communauté838. Aux termes de l'article 3 de ce protocole, « la Cour est compétente pour connaitre des cas de violation des droits de l'homme dans tout Etat membre de la communauté ».

Cette orientation nouvelle achève d'étonner au regard de la nature de la CEDEAO. Pour être une organisation de nature économique, la question des droits humains n'était point évoquée dans son fondement. On passe ainsi d'une CEDEAO axé uniquement sur les intérêts économiques à une CEDEAO donnée comme un creuset d'un droit en construction avec pour innovation majeure la protection des droits humains839.

Déjà, en 2001, un important pas est franchi vers la consolidation de la Cour de justice comme organe de protection des droits humains. En effet, les membres de la CEDEAO adoptent un protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance840. A l'article 39 du protocole, il est précisé que la cour de justice est habilitée à connaître de tout cas de violation des droits humains après épuisement des voies de recours au niveau national. Malgré cette déclaration péremptoire, ce sera par un refus de connaitre d'un litige relatif aux droits individuels que les attributions de la Cour dans ce domaine seront confirmées et définitivement établies. Le protocole de 1991 excluait en effet les citoyens des pays membres de l'accès à la cour841. Si un citoyen d'un pays de la communauté avait un quelconque grief lié à l'interprétation du traité ou à son application par les institutions de la CEDEAO, la seule voie possible était d'en référer aux autorités nationales. Seules celles-ci pouvaient se présenter devant la Cour, en tant que représentant de leur ressortissant. Un cas de droit allait

837 NDIAYE (M.), La protection des droits de l'homme par la cour de justice de la CEDEAO, Mémoire de Master Recherche, Université Montesquieu de Bordeaux IV, 2014, 112p.

838 ALTER (K.), HELFER (L.), MCALLISTER J. (Dir.), « A new international human rights court for the west Africa: The ecowas community court of justice» , In The international journal of international law, 2013, vol.107, n°4, pp.737-779.

839 Précisons que l'acuité de l'édification d'institutions visant à protéger les droits de l'homme est fondé sur le fait que les évènements malheureux ayant conduit à la violation de la dignité humaine ont fait foison dans la dernière décennie du millénaire passé.

840 http://www.comm.ecowas.int/sec/fr/protocoles/Protocole-additionnel-sur-la-Bonne-gouvernance-et-la-
democ.pdf (consulté le 12 Mai 2015).

841 Article 9 du Protocole A/P.1/7/91 de 1991 libellé ainsi « un Etat membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter une procédure contre un autre Etat membre ou une institution de la Communauté, relative à l'interprétation et à l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des tentatives de règlement à l'amiable ».

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permettre l'application de ce principe et en même temps, étendre la compétence de la cour de justice :

« Un ressortissant nigérian, Olajide Afolabi, avait conclu un contrat de vente au Bénin. Seulement, la livraison de ces marchandises s'avéra impossible du fait de la fermeture par le Nigéria de sa frontière avec le Bénin. Afolabi allégua alors une violation de la liberté d'aller et de venir, consignée dans le traité révisé de la CEDEAO. L'affaire arriva devant la cour en 2003.

Le Nigéria prétendit que le protocole de 1991 ne donnait pas droit aux nationaux d'ester devant la Cour de justice, ce qui était justifié. Seulement, Afolabi argua qu'il était possible qu'un national se fasse représenter devant la cour par son Etat d'origine.

Il entendait donc que le Nigéria fasse remonter l'affaire devant la cour de justice. Le second argument est que les termes du protocole n'excluaient pas le recours des individus. En effet, le texte précise juste que l'Etat « peut » effectuer un recours devant la Cour. Selon son interprétation, cette disposition n'était pas exclusive d'un recours individuel.

Afolabi fut débouté par la Cour qui considère que l'article 9 du protocole était entièrement clair dans l'exclusivité du recours étatique. De plus, la Cour reconnaissait qu'elle ne pouvait disposer que des instruments mis à sa disposition par les textes et excluait le recours individuel. Le juge excluait aussi le jugement en équité qu'Afolabi invoquait. Il se déclarait donc incompétent pour juger le recours individuel ainsi présenté842. ».

Ainsi, la Cour entendait promouvoir une interprétation stricte des textes fondateurs de sa compétence.

Cet arrêt de la Cour allait soulever les protestations des associations de droits de l'homme de la sous-région ainsi que de l'étranger843. Qui plus est, certains juges de la Cour pointèrent du doigt les manquements du système légal de la communauté. On ne voyait pas bien comment on pouvait interdire le recours aux individus alors que les textes de la CEDEAO s'appliquent directement à eux. Ainsi, une rencontre entre les associations de défense des droits de l'homme, les juges de la Cour et les associations des barreaux d'Afrique de l'ouest

842 Cour CEDEAO, Arrêt Afolabi c/ République du Nigéria, 2004.

843 ALTER (K.), HELFER (L.), MC ALLISTER (J.): « A new human rights international court for West Africa:ECOWAS community Court of justice », In. American Journal of International Law737-779 (2013).

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se tint à Dakar en Octobre 2004. Cette rencontra fut couronnée par la publication d'un document appelant à l'adoption d'un nouveau protocole ouvrant la compétence de la Cour aux questions de droits de l'homme. Cette action porta ses fruits et un protocole A/SP1/01/05 fut adopté en 2005, lequel protocole étendait le mandat de la cour844. Il est certain qu'en droit international, une cour de justice ne peut avoir qu'une compétence d'attribution et non la compétence de sa compétence. En effet, la délégation de souveraineté acceptée par les Etats est le fondement de l'existence de ces cours internationales qui ne peuvent se mouvoir que dans l'aire préalablement définie845. Contrairement au tribunal arbitral846, la Cour de justice847 se voulait être permanente.

Cette révolution opérée par le texte de 2005 entrainera un tournant dans la vie de l'organisation en en faisant un espace de défense et des droits humains. Le contenu du mandat est mentionné à l'article 3 du protocole qui dispose in fine : « la Cour de justice a compétence pour déterminer tout cas de violation des droits de l'homme dans les Etats membres ».

Ceci soulève une grande question. La CEDEAO n'avait pas vocation à être un espace de défense des droits de l'homme et à ce titre, aucune déclaration n'a été prise à cet effet. Il n'y a donc pas de texte fondateur de droits de l'homme dont la Cour peut se déclarer gardienne exclusive, à l'inverse des autres cours des droits de l'homme, en Europe, en Afrique ou en Amérique. Ainsi, la détermination du mandat n'est pas précise et laisse une grande place à l'incertitude.

Il nous semble que cet énoncé évasif concernant le mandat de la Cour est fait à dessein. En effet, le protocole ainsi adopté ouvre une grande perspective au juge.

D'abord, le mandat s'étend à tous les Etats membres sans exception. L'aire géographique ainsi déterminée suppose que la Cour a la primauté au niveau des questions de droits de

844 Aux termes du protocole additionnel de 1991, la cour de justice était chargée de l'interprétation et de l'application du traité et des instruments légaux de la CEDEAO.

845 Arrêt CIJ, réparation des dommages subis au service des Nations Unies, 11 avril 1949.

846 Bien que prévu par les textes, ce tribunal n'a jamais fonctionné ; Elle avait théoriquement pour mission d'arbitrer les différends entre les Etats membres ou entre les institutions de l'organisation.

847 L'existence de la Cour de justice va acquérir valeur conventionnelle avec son inscription comme institution de la Communauté dans le traité révisé de 1993. En réalité la cour n'entra en existence officielle qu'en 1996, quand enfin les sept Etats membres eurent tous ratifié le protocole de 1991. Les juges eux ne seront choisis et installés qu'en Janvier 2001.

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l'homme. Si en effet, la Cour reçoit une compétence exclusive de connaître de ce sujet, elle chapeaute dès lors les juridictions nationales et devient leur institution de référence. Dans la pratique, cette idée est-elle appliquée ? Rien n'est moins sûr.

Le deuxième élément à souligner est le caractère évasif de la compétence accordée à la Cour. Le protocole se borne à lui donner la compétence de « déterminer toute violation des droits de l'homme ». Ceci est la consécration d'une très large autonomie du juge.

En effet, le protocole laisse au juge le soin de déterminer ce qu'est une violation des droits de l'homme. Le rôle du juge ne sera pas seulement donc d'appliquer les textes internationaux, mais il devra aussi user d'un pouvoir prétorien pour extraire de nouveaux droits à protéger. Cela implique aussi, selon nous, une nouvelle donne dans le rapport avec les juridictions nationales. La Cour se voit accorder un droit de création de normes juridiques par le biais de cet énoncé évasif. Cela implique que les nouveaux droits et libertés qu'elle découvrira auront effet dans l'ordre juridique interne. Ce nouvel ajout de règles aura forcément des répercussions dans l'agencement des normes nationales et pourrait rendre effectif la primauté de la Cour de justice sur les autres tribunaux en matière de droits de l'homme.

Mais, la question du mandat ainsi traitée, laisse ouvrir une brèche sur les fondements de l'action judiciaire. La Cour n'est pas la garante exclusive d'un ordre juridique établi. Les sources de ses décisions ne sauraient donc qu'être hétéroclites. Bien entendu, cela est de nature à protéger davantage les particuliers et notamment les enfants comme ce fut le cas dans une décision848 historique rendue par la Cour de justice dans l'affaire dame Hadijatou Mani Koraou c. Niger849 .

Le cas dame Hadijatou Mani Koraou contre l'État du Niger perçu comme une décision historique d'une juridiction africaine condamnant un État pour esclavage par inaction ne relève pas d'une juridiction de l'Union africaine mais d'une juridiction judiciaire sous régionale qui à l'origine, n'a pas pour rôle premier de juger la violation des droits humains850.

848 Arrêt n°ECW/CCJ/JUD/06/08.

849 La décision complète est disponible en ligne sur : http://caselaw.ihrda.org/fr/doc/ecw.ccj.jud.06.08

850 Conformément à l'article 3 (1) de son traité, la CEDEAO « vise à promouvoir la coopération et l'intégration dans la perspective d'une union économique de l'Afrique de l'Ouest en vue d'élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et d'accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les Etats Membres de contribuer au progrès et au développement du continent africain ». Mais, la Cour de la justice de

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Un bref rappel des faits et la procédure s'impose pour voir comment cette juridiction pourrait désormais contribuer à protéger à travers cette décision les droits des enfants dans l'espace CEDEAO, et donc en Côte d'Ivoire.

« En 1996, alors qu'elle n'avait que douze (12) ans, la requérante, dame Hadijatou Mani Koraou, de coutme Bouzou a été vendue par le chef de la Tribu Kenouar au Sieur El Hadj Souleyman Naroua âgé de 46 ans, pour la somme de deux cent quarante mille (240.000) francs CFA [...] Pendant environ neuf (9) ans, Hadijatou Mani Koraou a servi au domicile d'El Hadj Souleymane Naroua, en exécutan toutes sortes de tâches domestiques et en servant de concubine à celui-ci. De ces relations avec son maître, sont nés quatre (04) enfants dont deux ont survécu [...].

La requérante, de nationalité nigérienne, après avoir saisi sans succès les juridictions internes de son pays pour recouvrer sa liberté totale, décide de saisir le 14 septembre 2007, la Cour de Justice de la CEDEAO pour :

a) Condamner la République du Niger pour violation des articles 1, 2,5 et 18 (3) de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ,
·

b) Requérir des autorités nigériennes qu'elles introduisent une nouvelle législation qui protège effectivement les femmes contre les coutumes discriminatoires en matière de mariage et de divorce ,
·

c) Demander aux autorités Nigériennes de réviser la législation relative aux Cours et Tribunaux de manière à ce que la justice puisse jouer pleinement son rôle de gardienne des droits des personnes qui sont victimes de pratiques de l'esclavage ,
·

d) Exiger de la République du Niger qu'elle abolisse les coutumes et pratiques néfastes et fondées sur l'idée d'infériorité de la femme ,
·

e) Accorder à Hadijatou Mani Koraou une juste réparation du préjudice qu'elle a subi pendant ses 9 années de captivité»851.

la CEDEAO tire sa compétence à connaitre des violations des droits de l'Homme de l'art. 4 (g) qui pose comme principe fondamental de l'organisation, « le respect, la promotion et protection des droits de l'homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples » d'une part, et des articles. 15 du traité et 9 du protocole relatif à la Cour de Justice.

851 Cf. Paragraphe 28 décision ECWCCJ/JUD/06/08 de la Cour de Justice de la CEDEAO.

323

À la requête de la demanderesse, l'État du Niger (partie défenderesse) souleva deux exceptions d'irrecevabilité:

a) La requête n'est pas recevable, pour défaut d'épuisement des voies de recours internes ;

b) La requête n'est pas recevable, du fait que l'affaire portée devant la Cour de Céans est encore pendante devant les juridictions Nationales Nigériennes852

Après examen des moyens des parties et leurs arguments, la Cour de justice de la CEDEAO853 rendit sa décision le 27 octobre 2008.

Sur la forme, elle « Rejette les exceptions d'irrecevabilités de la requête soulevée par le République du Niger en tous ses points» et « Reçoit dame Hadijatou Mani Koraou en sa qualité à agir » :

Sur le fond, la Cour

1. Dit que la discrimination dont a été l'objet dame Hadijatou Mani Koraou n'est pas imputable à la République du Niger ;

2. Dit que dame Hadijatou Mani Koraou a été victime d'esclavage et que la République du Niger en est responsable par l'inaction de ses autorités administratives et judiciaires ;

3. Reçoit dame Hadijatou Mani Koraou en sa demande de réparation des préjudices subis et lui accorde une indemnité forfaitaire de dix millions de francs CFA (10.000.000) ;

4. Ordonne le paiement de cette somme à dame Hadijatou Mani Koraou par la République du Niger ; [...J »854

De cette décision de la Cour de justice de la CEDEAO, nous nous attarderons sur deux de ses points, à savoir la reconnaissance de l'esclavage subi par la requérante et la condamnation de l'État du Niger à réparer le préjudice causé par l'inaction à dame Hadijatou Mani Koraou à hauteur de dix millions de francs CFA. A travers ces deux points, la décision de la Cour de la CEDEAO a été perçue par plus d'un observateur comme étant historique.

852 Paragraphe 29 décision op.cit.

853 La Cour était constituée du juge Aminata Mallé SANOGO (Présidente), du juge Awa Daboya NANA (Membre), du juge El-Mansour TALL (membre) et de Me Athanase ATTANON (Greffier).

854 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.315-316.

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Historique du fait que, pour la première fois, une organisation africaine condamne un État africain pour esclavage par inaction et lui impose la réparation financière du dommage ainsi causé. Le terme inaction employé ici par les juges de la Cour vient donner un sens, dans le contexte africain, aux responsabilités des États parties à l'égard des normes internationales, notamment en droits de l'Homme, à la prise de mesures nécessaires au plan interne par les parties aux traités. Ainsi, la responsabilité de l'État se voit engagée pour des abus causés par un particulier, car il n'a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher cet abus et de surcroit admet cet abus sur son territoire.

A travers ce cas intéressant, on ne peut qu'espérer que la CJCEDEAO poursuive son action dans cette dynamique afin qu'elle puisse demeurer un recours efficace pour les enfants qui verront leurs droits violés par les Etats parties.

Comme on peut le constater, au niveau régional, il n'existe pas non plus de juridictions spécialisées dans la protection de l'enfant. Depuis, les Cours européenne, américaine, jusqu'à celles africaines, il n'existe pas de Cour spéciale qui traite de la question de l'enfant.

Une importante faiblesse de ces cours régionales africaines, réside dans l'omission des cas de violations graves au droit international humanitaire dans le cadre de la protection des enfants. Heureusement, qu'en pareil cas, les enfants victimes peuvent à travers leurs Etats se tourner vers la Cour pénale internationale au regard des compétences de celle-ci.

- Au niveau universel : La CPI, une juridiction internationale compétente en matière d'infractions graves commises à l'égard des enfants

Le vingtième siècle a été de mémoire d'homme, l'une des périodes de l'histoire où ont été commis les crimes les plus atroces. C'est dans cette logique que Winston Churchill dans une déclaration faite devant la chambre des communes du Royaume-Uni le 25 Octobre 1941 affirmait : « ces exécutions d'innocents, faites de sang-froid ne pourront que retomber sur les sauvages qui les ordonnent et sur les exécutants (...) »855. Cet appel lancé par Churchill a commencé par se matérialiser à travers les tribunaux d'après-guerre. Ce faisant, la vision de tous était de mettre en place une juridiction impartiale capable de prévenir et de réprimer

855 SZUREK (S.) « La formation du droit international pénal », ASCENSIO (H.), DECAUX (E.) et PELLET (A.), (dir.), Droit International pénal, Paris, Cedin, Ed. A. Pedone, 2000, p.7.

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tout crime d'atteinte aux droits de l'homme. Cela a conduit, plusieurs décennies plus tard, à la création de la CPI, malgré les différentes contradictions soulevées par les différents acteurs, en présence à Rome ; la communauté internationale a franchi une étape historique le 17 juillet 1998856 en adoptant le statut de Rome. L'article 1er du statut de Rome est libellé comme suit : « il est créée une Cour pénale internationale en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales ».

Comme toute juridiction, la CPI a une compétence attributive ou matérielle qui se retrouve à deux niveaux. Elle permet, tout d'abord, à travers une politique de sensibilisation de prévenir tous les actes constitutifs de violations massives des droits de l'homme, et corrélativement des droits de l'enfant. Sa mission de prévention se traduit à travers un volet de sensibilisation, sur la fin de l'impunité des auteurs des crimes les plus graves touchant et obérant la sensibilité de la communauté internationale.

Ensuite, elle est instituée pour réprimer tous les présumés auteurs de violations de ces droits. Son rôle est donc non seulement préventif mais aussi répressif.

Basée à la Haye, la Cour pénale internationale est une juridiction permanente chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre857, et ce à compter du 1er juillet 2002 ,donnée comme date d'entrée en vigueur du statut de Rome.

A ce jour, 123 États sur les 193 membres de l'ONU ont ratifié le Statut de Rome et acceptent l'autorité de la CPI858. Au nombre de ces Etats, figure la Côte d'Ivoire qui a signé le statut de Rome le 30 novembre 1998 et ratifié le 15 février 2013859.

856 En effet, cent soixante (160) Etats ont participé à la « Conférence diplomatique des plénipotentiaires des Nations Unies sur la Création d'une Cour criminelle internationale ». Le statut de la CPI a été adoptée dans la nuit du 17 au 18 juillet 1998 par cent vingt (120) voix pour, sept (7) contre (Chine, USA, Inde, Israel, Barhein, Qatar, et Vietnam) et vingt et un (21) abstentions (notamment les pays arables). De plus, douze (12) pays n'ont pas pris part au vote.

857 Statut de la cour pénale internationale, article 1.

858 https://www.icccpi.int/fr_menus/asp/states%20parties/Pages/the%20states%20parties%20to%20the%20ro me%20statute.aspx( consulté le 10/11 /2015).

859 https://www.icc-cpi.int/fr_menus/asp/states%20parties/african%20states/Pages/Cote_d_Ivoire.aspx(
consulté le 24/11/2015).

326

Relativement à la Côte d'Ivoire, notons qu'en date du 18 avril 2003, sous la Présidence de Monsieur Laurent GBAGBO, la Côte d'Ivoire, par le truchement de son ministre des affaires étrangères, a fait une déclaration de reconnaissance de la Compétence de la CPI conformément à l'article 12-3 du Statut de Rome, par laquelle l'Etat de Côte d'ivoire donnait pouvoir à la CPI d'identifier, de poursuivre et de juger les auteurs et complices des actes commis sur le territoire ivoirien depuis les évènements du septembre 2002860. Aussi ,par une lettre datée du 14 décembre 2010, l'actuel Président de la République , Monsieur Alassane OUATTARA , dit confirmer la déclaration datée du 18 avril 2003.Toutefois, contrairement, au contenu de cette lettre antérieure, la lettre de confirmation précise que « ...j'engage mon pays la Côte d'Ivoire, à coopérer pleinement et sans délai avec la cour pénale internationale, notamment en ce qui concerne tous les crimes et exactions commis depuis mars 2004... »861. A première vue, l'on peut se réjouir de l'engagement de la Côte d'Ivoire au statut de Rome car cela permettrait de faire la lumière sur les atrocités commis dans ce pays durant la crise ivoirienne. Toutefois, une analyse à froid des deux lettres offre matière à interrogation. En effet, l'on observe non sans inquiétudes que le point de départ donné comme période devant couvrir la compétence de la CPI diverge ; alors que le premier courrier vise la date de septembre 2002, la seconde lettre limite cette période à compter de mars 2004. Pourquoi une telle divergence ? En bonne logique juridique fondée sur l'intérêt des victimes, il serait indiqué que l'on remonte à la période de septembre 2002 pour la simple raison que la seconde lettre entend à travers son objet, confirmer, la lettre datée du septembre 2003. Mieux cela permettrait à toutes les victimes de la crise ivoirienne débutée depuis le 19 septembre 2002 et notamment les enfants d'avoir droit à une justice impartiale.

Par ailleurs, la Chambre préliminaire III a, le 4 octobre 2011, fait droit à la requête du Procureur d'ouvrir une enquête de sa propre initiative concernant la situation en Côte d'Ivoire862. L'évolution de cette enquête a conduit au transfèrement de M. Laurent GBAGBO et Charles BLE GOUDE à la CPI, à l'exclusion des autres présumés auteurs de violations à l'encontre des enfants. En tout Etat de cause, nous pensons qu'il serait mieux

860 https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/CBE1F16B-5712-4452-87E7-4FDDE5DD70D9/279779/ICDE1.pdf (consulté le 09/11/2015).

861 https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/498E8FEB-7A72-4005-A209-C14BA374804F/0/ReconCPI.pdf
(consulté le 09/11/2015).

862 http://www.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/ (consulté le 09/11/2015).

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indiqué de mener un procès à l'égard de toute personne soupçonnée de crimes commis à l'égard des enfants durant la crise ivoirienne. Cela permettrait d'aboutir à une justice impartiale, complète et bénéfique à toute la Côte d'Ivoire. Ces différents procès pourraient s'inspirer de celui ayant impliqué M. Thomas LUBANGA dans le cas des crimes commis à l'égard des enfants en République démocratique du Congo. Cela dit, il apparait opportun d'analyser l'affaire Thomas Lubanga dans laquelle le juge de la CPI a entre autres, déclaré coupable le prévenu pour crimes commis à l'égard des enfants.

En effet, le 14 mars 2012, M. Lubanga a été déclaré coupable, en qualité de co-auteur, des crimes de guerre consistant en l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de 15 ans dans la Force patriotique pour la libération du Congo (FPLC), et les faire participer activement à des hostilités, dans le cadre d'un conflit armé ne présentant pas un caractère international du 1er septembre 2002 au 13 août 2003 et ce, sur la base de l'article 8-2-e-vii du Statut de Rome. Le 10 juillet 2012, Thomas Lubanga Dyilo a été condamné à une peine totale de 14 ans d'emprisonnement de laquelle sera déduit le temps qu'il a passé en détention à la CPI863. Au cours du procès, le témoin n° 10, une fille, ancien enfant soldat, a témoigné qu'elle avait été conscrite à l'âge de 13 ans et avait été, à plusieurs reprises, agressée sexuellement par ses commandants. Un autre témoignage entendu au procès a montré que certaines jeunes filles étaient tombées enceintes et avaient été contraintes à avorter et à utiliser des herbes locales comme traitement864.

En dehors de la situation des enfants soldats, la CPI a pour rôle de juger les différentes violations des droits de l'enfant survenues lors des conflits, donc en violation des Conventions de Genève. Ainsi, concernant le crime de génocide, l'article 6 du statut incrimine tout « transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe »865commis « dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux »866. Ce crime va donc à l'encontre des mesures des conventions de Genève prévoyant le maintien de la cellule familiale et le rapprochement des familles, mesure défendue par nombre d'organisations humanitaires dont le C.I.C.R.

863 http://www.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/ sepSituations/Situation+ICC+0104/ (consulté le 09/11/2015).

864 http://www.soros.org/sites/default/files/lubanga-proces-20120302.pdf consulté le 09/11/2015).

865 Article 3 paragraphe e du Statut de Rome du 17 juillet 1998.

866 Article 6 du statut de Rome du 17 juillet 1998.

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Autre violation du DIH pour laquelle la Cour pénale Internationale intervient, la réduction en esclavage de mineurs caractérisant un crime contre l'humanité au sens de l'article 7 paragraphe 2c du statut867. Réduire en esclavage un enfant reviendrait à violer l'article 49 de la Convention III de Genève de 1949 prévoyant l'interdiction de faire réaliser des travaux à des personnes n'ayant pas l'âge et la condition physique de les réaliser.

A l'analyse, on observe que de par leurs compétences, ces juridictions judiciaires apparaissent comme une réelle opportunité offerte aux enfants de Côte d'ivoire à l'instar leurs décisions.

2. Une opportunité au regard de leurs décisions à caractère contraignant

Respectant le principe « res judicata pro veritate habetur » qui signifie que la chose jugée doit être tenue pour la vérité, l'autorité de chose jugée exclut que ce qui a été jugé puisse être méconnu ou contesté. De ce fait, les décisions des Cours judiciaires régionales et de la CPI sont contraignantes. Leurs décisions ont valeur de loi et s'imposent à tous. Ces Cours étant des juridictions judiciaires, leurs décisions ont une force obligatoire incontestable.

Ainsi, « les Etats parties... s'engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer l'exécution dans le délai fixé par la Cour »868. De même, les arrêts de la Cour de Justice ont force obligatoire à l'égard des Etats Membres, des Institutions de la Communauté, et des personnes physiques et morales869.

Les décisions sont applicables uniquement pour les parties au litige. En cela, certains parlent de l'autorité relative de chose jugée et non erga omnes. La Côte d'Ivoire a ratifié le Protocole à la Charte Africaine des droits de l'Homme et des Peuples portant création de la Cour870, entrainant ipso facto, le respect par cet Etat, des décisions que la Cour prendrait à son endroit.

867 Par « réduction en esclavage », on entend le fait d'exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants ; »

868 Article 30 du protocole de la Charte africaine instituant une Cour.

869 Article 15 paragraphe 4 du traité révisé de la CEDEAO.

870 La Côte d'Ivoire a ratifié cet instrument en date du 07 janvier 2003.

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Si de façon apparente, la Côte d'Ivoire est tenue de se conformer aux décisions de ces différentes Cours, il n'en reste pas moins que la saisine de ces cours obéisse à certaines règles draconiennes qui rendent les recours inaccessibles.

B. DES RECOURS DIFFICILEMENT ACCESSIBLES

Les recours sont difficilement accessibles du fait des obstacles aux communications individuelles (1) et de ceux liés à leur recevabilité, particulièrement l'épuisement des voies de recours internes (2).

1. Les obstacles aux communications individuelles devant la Cour africaine

Les obstacles aux communications sont nombreuses, mais celles qui sont plus pertinentes et méritent une attention particulière concernent la déclaration spéciale et le pouvoir de la Cour.

- La déclaration spéciale ou la clause d'option

La déclaration spéciale ou la clause d'option est une condition initiale de saisine de la Cour africaine. A travers elle, cette Cour fait une discrimination entre les personnes publiques et les personnes privées. En effet, pour la dernière catégorie de personnes, l'accès à la Cour nécessite que les Etats parties mis en cause ou violateurs des droits de l'enfant, aient fait une déclaration spéciale pour reconnaitre la compétence juridictionnelle de la Cour.

Au niveau africain, pour qu'une personne privée puisse saisir la Cour africaine, l'Etat mis en cause doit avoir préalablement « fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour »871. En d'autres termes, le consentement du présumé responsable des violations des droits de l'enfant est exigé pour qu'il puisse être attrait devant cette Cour. Le protocole reste strict et ferme sur cette condition. Il précise que « la Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5 (3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration ».

L'exemple de la clause d'option qui peut, du reste, être faite « à tout moment de la ratification... » suffit à elle seule à fermer l'accès du prétoire au justiciable. Les Etats en général et les Etats africains en particulier acceptent difficilement, voire mal d'être attraits

871 Article 34 par.6.

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par des particuliers et, qui plus est, devant une juridiction internationale. Certes, l'admission du recours individuel devant cette Cour constitue, un progrès certain. En cela, le système africain devance son homologue américain872, qui ne prévoit pas un tel recours. Mais, donner d'une main et reprendre de l'autre ne vaut absolument rien. Aussi, reste-t-il en retrait par rapport au système européen qui, tout en instituant le recours individuel, ne reprend pas la clause d'option873

Ainsi, les personnes privées, les organisations non gouvernementales observatrices auprès de la Commission, sont limitées dans la saisine de la Cour africaine par cette déclaration spéciale. Sans cette déclaration, l'Etat qui aurait commis une violation, ne peut être attrait devant cette juridiction, même après avoir ratifié le Protocole instituant la Cour.

Pourtant, sur vingt-six (26) Etats parties au Protocole, seulement sept ont déposé leur déclaration spéciale, pour permettre aux individus de saisir la Cour en cas de violations de leurs droits. L'absence de déclaration serait un frein à l'exercice de recours judiciaire. L'enfant des pays non parties à ce protocole et n'ayant pas fait de déclaration se trouve ainsi privé de recours judiciaire à même de protéger efficacement ses droits au niveau continental. Ainsi, l'enfant se trouve face à un recours judiciaire difficilement accessible.

Il convient en outre d'espérer qu'un Etat puisse attraire un autre devant la Cour pour d'éventuelles violations des droits de l'enfant ou que la victime elle-même puisse la saisir par l'intermédiaire de la Commission. Passé l'obstacle de la déclaration spéciale, la victime doit faire face au pouvoir de la Cour.

- Le pouvoir de la Cour

Le pouvoir de la Cour, ici, s'entend du privilège accordé à celle-ci. Ce pouvoir semble très large, étant donné qu'il donne la possibilité ou non à l'individu de déposer des requêtes. De sorte que celui-ci, en plus de la déclaration spéciale, est confronté à un autre obstacle, contenu dans le protocole de la Charte instituant la Cour Africaine, notamment en son article 5, paragraphe 3 qui dispose : « La cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non-gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur auprès de la

872 Art.44, 45, 46 de la Convention américaine des droits de l'homme.

873 Art. 3 du protocole n°9 du 6 novembre 1990 et art.34 de la convention européenne telle qu'amendée par le protocole n° 11 du 11 mai 1994 et entré en vigueur le 1er novembre 1998.

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Commission d'introduire des requêtes directement devant elle conformément à l'article 34 (6) de ce Protocole. ».

Cet obstacle, pour le Professeur DEGNI-SEGUI, réside dans l'appréhension du verbe « peut » qui est renforcée par le verbe « permettre ». Pour lui, ces deux verbes, viennent durcir les conditions d'accès à la Cour, par « une autorisation préalable »874. La Cour investie de ce pouvoir semble tout mettre en oeuvre ou du moins cherche des astuces pour décourager le particulier qui entend revendiquer ses droits.

Mais espérons avec le Professeur que ce raffermissement des conditions de saisine en cas de violation des droits de l'enfant ne mettra pas à mal l'intérêt supérieur de celui-ci. Aussi, convient-il de révéler que l'inaccessibilité de cette Cour réside également dans les obstacles liés à la recevabilité, notamment dans le cas d'épuisement des voies de recours internes.

2. Les obstacles liés à la recevabilité : l'épuisement des voies de recours internes

Diverses conditions données comme cumulatives sont exigées pour la saisine de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples. Mais, c'est la condition tenant à l'épuisement des voies de recours qui fera l'objet d'un intérêt particulier ; cette condition, bien qu'elle soit contraignante peut être contournable.

- Une condition contraignante

Suivant le droit international coutumier, l'épuisement préalable des recours internes subordonne l'action internationale875. La règle s'applique également en droit international des droits de l'homme et conforte l'idée selon laquelle il est souhaitable que toute controverse relative aux droits de l'homme soit portée à l'attention des autorités internes, en particulier judiciaires876. En d'autres termes, l'épuisement des voies de recours, c'est-à-dire

874 DEGNY-SEGUY(R.), Les droits de l'homme en Afrique Noire francophone, Théories et réalités, 2ème ed. CEDA, Avril 2001, p.193.

875 Voy. notamment CIJ, Interhandel, (Suisse c. Etats-Unis), arrêt sur les exceptions préliminaires du 21 mars 1959, Rec., 1959, p.27 : « La règle selon laquelle les recours internes doivent être épuisées avant qu'une procédure internationale puisse être engagée est une règle bien établie du droit international coutumier ; elle a été généralement observée dans les cas où un Etat prend fait et cause pour son ressortissant dont les droits auraient été lésés dans un autre Etat en violation du droit international. Avant de recourir à la juridiction internationale, il a été considéré en pareil cas nécessaire que l'Etat où la lésion a été commise puisse y remédier par ses propres moyens, dans le cadre de son ordre juridique interne. ».

876 Pour un rappel, vo. Cour interam. Dr. h., Velasquez Rodriguez c. Honduras, arrêt du 29 juillet 1988, fond, Série C n°4, §61.

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la saisine des juridictions doit être exercée au plan interne, et n'avoir pas aboutie877. Elle vise avant tout à préserver la souveraineté des Etats en leur permettant de régler en interne les litiges qui les concernent. Elle se justifie davantage par des considérations politiques que par des impératifs juridiques liés au droit international des droits de l'homme878. Elle fait ainsi écho à la logique de subsidiarité du contentieux international des droits de l'homme et à l'idée selon laquelle le premier garant des droits de l'homme doit être le juge interne879. Les organes judiciaires internationaux de protection n'interviennent pour leur part qu'afin de pallier d'éventuelles déficiences de ce dernier. La Cour Européenne rappelle l'importance de ce principe en soutenant qu'il est « est primordial que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revête un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l'homme. La Cour a la charge de surveiller le respect par les Etats contractants de leurs obligations au titre de la Convention. Elle ne peut et ne doit se substituer aux Etats contractants auxquels il incombe de veiller à ce que les droits et libertés fondamentaux consacrés par la Convention soient respectés et protégés au niveau interne. La règle de l'épuisement des voies de recours internes est donc une partie indispensable du fonctionnement de ce mécanisme de protection »880.

La règle relative à l'épuisement des voies de recours est le plus souvent l'une des conditions qui demande le plus d'attention aussi bien pour la saisine de la Cour africaine que pour les comités des droits de l'enfant, au niveau universel et régional. Cette condition semble être la plus contraignante, à en croire aux garanties juridictionnelles accordées à l'individu dans les juridictions nationales, notamment ivoiriennes, surtout quand il s'agit d'attraire l'Etat devant le juge administratif. En effet, le requérant est le plus souvent confronté à des nombreux obstacles qui rendent cette condition très contraignante. Comme obstacle, le coût élevé des frais judiciaires, la lenteur des procédures judiciaires, et même la dépendance des juges peuvent être un blocage, un frein à l'épuisement des voies de recours.

877 HENNEBEL (L.) et TIGROUDJA (H.), Traité de droit international des droits de l'homme, Editions A. Pedone, 2016, pp.499-514.

878 En ce sens, I. Brownlie, Principles of public international law, Oxford : OUP, 1998, 5e éd., p.497.

879 En ce sens : Comité dr. h., T.K. c. France, décision d'irrecevabilité du 8 novembre 1989, communication n°220/1987, §8.3.

880 Cour eur. dr.h. , (GC), Demopoulos et autres c. Turquie, décision d'irrecevabilité du 1er mars 2010, req. n°46113/99 et al., §69.

333

Ce blocage entraine le plus souvent, l'individu à recourir vers un autre moyen qui lui permettra de défendre ses droits. Ce genre de situations peuvent amener le justiciable à tourner le dos aux juridictions nationales car les lenteurs de la justice ne sont rien d'autre que les dénis de justice qui amène les justiciables à s'en défier. Le justiciable qui compte exercer un recours devant la Cour continentale ou régionale, pourrait se voir pris au piège, par les juridictions nationales. Cependant, il semblerait qu'une marge de manoeuvre est laissée au requérant, celui-ci pourrait contourner les juridictions nationales.

- Une condition contournable

L'épuisement des voies de recours, condition cumulative avec d'autres conditions tout aussi importante, peut être contournable.

L'opportunité est accordée au requérant qui ne peut obtenir de recours au niveau interne. Dans le cadre de la Cour africaine, c'est l'article 56 paragraphe 5 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui tout en fixant une condition de recevabilité, en pose ses limites. En effet, la requête doit être postérieure « à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ». Cette impossibilité doit être due à un prolongement anormal de la procédure judiciaire ou autre susceptible de réparer le tort par lui subi.

Il en va ainsi des cas, où il n'existe pas de recours internes, ou si ces recours sont inefficaces et illégaux. Comme exemple topique, l'affaire Internationale Pen c/le Nigeria datée du 31 Octobre 1998 : il a été déclaré recevable, une communication contre l'Etat du Nigeria, qui n'avait pas épuisé des voies de recours internes. En fait, dans celle-ci, il était question des décrets qui interdisaient aux tribunaux ordinaires d'examiner en appel les décisions des tribunaux spéciaux. Cette interdiction était assortie de sanctions pour quiconque tentait de le faire. L'impossibilité d'épuiser les voies de recours internes, n'a eu aucune incidence sur la recevabilité de la communication.

334

Aussi, la Commission africaine a clairement affirmé que « la règle de l'épuisement des recours internes ne s'applique que dans les situations où lesdits recours sont disponibles et accessibles »881.

Par ailleurs, la Cour de Justice de la CEDEAO se démarque particulièrement au niveau de ses règles de procédure. En effet, celles-ci se distinguent des autres procédures classiquement connues au niveau régional. Comme l'affirme KANE Thierno, pour être audacieuse et précieuse, cette innovation se veut totalement différente du dispositif institué pour les Cours régionales en Europe et en Amérique : « ni commission de filtrage des requêtes individuelles, ni exigence de l'épuisement de voies de recours internes à l'image de ses ainés »882. Dans ces conditions, ce système apparait manifestement efficient, le requérant étant dispensé de démontrer la preuve préalable de l'épuisement des voies de recours internes.

La célérité de la procédure est gage d'administration d'une bonne justice et non un handicap pour une garantie effective des droits de l'enfant. Ce verrou procédural se trouve ainsi levée par l'effet de cette technique, et entraine en conséquence un afflux massif de requêtes auxquels se trouve confrontée la Cour de la CEDEAO depuis 2005883.

Mieux, la Cour de Justice de la CEDEAO dans l'affaire « Dame Hadijatou Mani Koraou c/ la République du Niger »884 tout en admettant le caractère subsidiaire de sa juridiction, ne manque pas non plus de désavouer la partie défenderesse qui arguait que « « la saisine de la juridiction communautaire est subordonnée à l'épuisement des voies de recours internes »885. Ainsi pour KANE Thierno, c'est donc à juste raison que la Cour de la CEDEAO affirma que la protection des droits de l'homme par des mécanismes internationaux tout en demeurant subsidiaire peut s'accommoder avec une interprétation très

881 CoADHP, Affaire 54/91, 61/91, 164/97, 2010/98- Malawi African Association, Amnesty International, Mme Sarr DIOP, Union Internationale des droits de l'Homme et RADDHO, Collectif des veuves et ayant droits, Association Mauritanienne des droits de l'Homme c. Mauritanie

882 KANE (T.), La Cour de justice de la CEDEAO à l'épreuve de la protection des droits de l'homme, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal, mémoire de maitrise en sciences juridiques, 2012, disponible sur : https://www.memoireonline.com/02/14/8706/La-Cour-de-Justice-de-la-CEDEAO--l-epreuve-de-la-protection-des-Droits-de-l-Homme.html

883 Ibidem

884 CJ CEDEAO Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger du 27 octobre 2008.

885 Ibid.

335

souple de la règle de l'épuisement des voies de recours internes.886 Cette position semble d'ailleurs avoir été déjà affirmé par la Cour Européenne des Droits de L'Homme dans l'affaire Wilde, Ooms et Versyp c/ la Belgique du 18 juin 1971 , en ces termes : « conformément à l'évolution de la pratique internationale, les Etats peuvent bien renoncer au bénéfice de la règle de l'épuisement des voies de recours internes »887. La lecture des décisions de la Cour de justice de la CEDEAO offre de constater que ce principe demeure une constante, quoique des Etats incriminés, ne cessent de brandir et d'opposer l'argument tenant au non épuisement des voies de recours internes par des requérants.

Il ressort de de cette analyse que le mécanisme de protection institué par la CEDEAO pour préserver les droits de l'homme est à bien des égards révolutionnaire et peut constituer un mécanisme efficace de protection des droits de l'enfant. Celui-ci tient principalement à la simplicité, à la lisibilité de l'édifice institutionnel.

3. Les handicaps propres à la CPI inhibant son efficacité

L'examen de la CPI révèle l'existence de nombre d'handicaps susceptibles d'inhiber son efficacité dans la protection des droits de l'enfant. Ces handicaps peuvent être recherchés au niveau des limitations statutaires de compétence tenant aux pouvoirs du procureur, celle tenant à la déclaration d'incompétence fixées à l'article 124 du statut de Rome ainsi qu'à une limite fonctionnelle tenant au manque d'instruments coercitifs.

S'agissant des limitations statutaires de compétence tenant aux pouvoirs du Procureur, le statut de Rome confère au procureur la mise en oeuvre de l'action répressive internationale. Ceci va au-delà de son pouvoir d'agir « propio motu » et de diligenter des enquêtes d'initiative. Cette faculté rend son travail politiquement sensible. Son pouvoir discrétionnaire pose alors problème888. Cette liberté de choix du procureur découlant du pouvoir d'appréciation contenu aux articles 15 et 53 du statut de Rome suppose que le procureur peut engager des poursuites lorsqu'il a connaissance d'une infraction aux termes

886 KANE (T.), La Cour de justice de la CEDEAO à l'épreuve de la protection des droits de l'homme, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal, mémoire de maitrise en sciences juridiques, 2012, disponible sur : https://www.memoireonline.com/02/14/8706/La-Cour-de-Justice-de-la-CEDEAO--l-epreuve-de-la-protection-des-Droits-de-l-Homme.html

887 Cit. Par le juge de la CEDEAO dans l'arrêt, Dame Hadjijatou Mani Koraou c/ la République du Niger.

888 Article 53 du statut de Rome.

336

du Statut de Rome ; mais cela n'a aucun caractère obligatoire ou impératif à son égard. Ce qui apparait somme toute dommage car en principe, le Procureur devrait engager des poursuites dès lors qu'il existe des faits incriminés par le Statut de Rome. Au regard des enjeux inhérents à l'action de la CPI, juger dans un contexte politique, le pouvoir discrétionnaire du Procureur ne peut que faire l'objet de controverses. Le procureur, autorité compétente pour enclencher l'action répressive bénéficie d'une large marge de manoeuvres dans la mise en oeuvre de son pouvoir décisionnel. Cette faculté est contestable dans la mesure où elle est présentée comme non respectueuse du principe de l'égalité devant la justice et l'indépendance des juridictions car elle permet à l'autorité poursuivante le pouvoir de classement d'une affaire et ne reconnait pas aux seules juridictions de jugement, le pouvoir de mettre fin à un procès. S'il refuse de diligenter une enquête d'initiative, il ne peut y être contraint même pas, par la chambre préliminaire. Il se doit juste d'aviser ceux qui lui ont fourni les renseignements de son refus d'enquêter sans qu'aucun recours ne lui soit accordé. Les critiques apportées aux pouvoirs du Procureur sont motivées par la politisation de cette fonction. Cela tient tout d'abord au fait que le plus souvent les vainqueurs d'un conflit se servent de lui afin d'obtenir une sanction pénale contre les perdants. En d'autres circonstances, ce pouvoir aurait constitué une garantie d'efficacité contre la politisation de la juridiction à supposer que le Procureur soit indépendant.

Le statut de Rome ne prédétermine pas les situations justifiant l'ouverture d'une enquête ou des poursuites. Ce pouvoir de choix de la nécessité de l'ouverture d'une enquête entraine des reproches et des suspicions quant à ses préférences à agir contre un individu ou dans le cas d'un pays.

L'efficacité de la CPI dans la défense des droits de l'enfant et la mise en oeuvre des exigences profondes de l'humanité dépend aussi en grande partie de son pouvoir d'exercer efficacement la compétence que lui confère son statut.

Toutefois, le statut de Rome recèle en lui-même des clauses limitatives de compétence au nombre desquelles l'exemption de compétence fixée à l'article 124 qui nuit, à n'en point douter aux droits des enfants victimes de crimes de guerre.

Le statut de Rome recèle en lui-même plusieurs clauses limitatives de la compétence de la CPI. Les Etats ont la faculté de refuser la compétence de la CPI en matière de crimes de

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guerre selon les termes de l'article 124 du statut de Rome. Cela veut dire que l'article 124 du statut de Rome prévoit qu'un Etat partie au statut de Rome a la possibilité d'exclure, pour une période de sept (7) ans à partir de son entrée en vigueur la compétence de la CPI. Cela revient à instaurer pour les crimes de guerre un régime différent de celui qui est applicable aux autres crimes relevant de la compétence de la CPI. Cette disposition de l'article 124 renverse le principe d'acceptation automatique de la compétence de la CPI en introduisant une exemption spéciale pour les crimes de guerre.

Cette situation soulève des interrogations : existe-t-il une hiérarchisation parmi les crimes ? Pourquoi a-t-on prévu un tel privilège au profit des Etats et au mépris des droits des victimes à la réparation ? Le principe de complémentarité des juridictions nationales déjà exploitées machiavéliquement par des Etats comme la Côte d'Ivoire n'est pas déjà un gros avantage au profit des Etats ? A vrai dire, cela remet en question l'engagement d'un Etat à ne pas commettre des crimes de guerre et donne l'impression que les crimes de guerre sont moins graves que les autres crimes mentionnés dans le statut de Rome. De plus cette disposition dite temporaire est susceptible de s'inscrire dans une plus grande durée puisque loin d'être considérée comme automatiquement caduque au bout des sept (07) années. En effet, il est simplement prévu que l'assemblée des Etats parties doit réexaminer cette disposition lors d'une conférence ultérieure de révision du statut de Rome. Bien que le statut de Rome ait interdit aux signataires de faire des réserves, on constate que les réserves susceptibles d'être faites y ont été déjà intégrées, et nuisent aux droits de certains enfants et aux droits de toute autre personne victime de crimes de guerre. La raison sur laquelle s'appuie un Etat partie au Statut de Rome pour exclure la compétence de la CPI en matière de crimes de guerre consiste souvent dans la volonté de protéger ses militaires au cours de leurs missions à l'étranger. Ce faisant, on légifère sur le droit de tuer sans être jugé durant sept ans et restreint largement la compétence de la CPI.

Une limite fonctionnelle tenant au manque d'instruments coercitifs inhibe également l'efficacité de la Cour pénale internationale.

Comme les tribunaux spéciaux, la CPI a besoin de la coopération des Etats pour mener à bien des enquêtes et poursuites. C'est pourquoi, le statut de Rome consacre un chapitre à

338

cette nécessaire coopération des Etats à son action889. Même si les Etats ne font pas obstruction aux activités de la CPI, cette dernière est dans l'impossibilité de mener directement des investigations. Par ailleurs, elle ne dispose pas d'une force de police pour exécuter ses décisions. Elle devient ainsi impuissante et incapable de protéger les enfants victimes quand les Etats refusent de collaborer avec elle.

La CPI ne peut mener des investigations qu'avec le consentement des Etats qui l'autorisent donc à le faire sur le territoire. Du fait d'ailleurs qu'elle ne dispose pas d'un effectif assez conséquent pour mener à bien ses investigations, elle recourt toujours aux structures étatiques pour l'accompagner dans cette tâche. Ce faisant, elle est parfois limitée dans les informations qui lui sont transmises car les Etats sont amenés à faire une rétention d'informations pour diverses raisons. Si la CPI avait la possibilité de mener directement ses investigations, elle pourrait rentrer en possession de certaines informations sans forcément recourir aux Etats. Non seulement la CPI se retrouve dans l'impossibilité de mener directement des investigations, mais elle ne dispose pas également d'une force d'exécution de ses décisions.

En principe, en s'inspirant des difficultés auxquelles étaient confrontés les tribunaux pénaux internationaux l'ayant précédé, on aurait dû penser à la dotation d'une force de police ou d'exécution de ses décisions. On ne devrait pas seulement miser sur la coopération avec les Etats. Si la CPI disposait de sa propre force de police, elle la lancerait à la recherche des présumés auteurs de violations graves des droits de l'enfant, faisant l'objet d'un mandat d'arrêt. La force de police ici souhaitée, est une force en vue d'exécuter les ordres de la juridiction. C'est pour lui permettre de faire preuve de célérité dans les dossiers qu'il est nécessaire qu'elle se dote d'une telle force. Avec cette force, les auteurs présumés savent qu'ils seront traqués et ne pourront plus bénéficier de la complicité passive des forces de police des Etats qui auraient initialement pour mission de les appréhender. A défaut d'une force de police propre, la CPI peut recourir à des forces multinationales relevant directement du Conseil de sécurité et qui sont déployées dans le cadre d'opérations internationales de restauration de la paix. La CPI se doit de modifier la donne. Une force de paix déployée dans un Etat en crise interne ou en conflit avec un voisin pourrait se voir confier par le CSNU, explicitement, la tâche de rechercher et d'arrêter des auteurs de crimes relevant de la

889 Article 86 intitulé « obligation générale de coopérer ».

339

compétence de la CPI, si ce n'est pas le CSNU qui l'aurait saisie. Cette proposition pourrait trouver son fondement dans l'alinéa 6 de l'article 87 du statut de Rome. Tout dépend de la volonté des Etats membres du CSNU. La résolution datée du 28 mars 2013, du CSNU sur la République Démocratique du Congo(RDC)890 en est une illustration. Cette résolution a décidé le déploiement « à titre exceptionnel et sans créer de précédent » d'une « brigade d'intervention » chargée de « neutraliser » et de désarmer les groupes menaçant l'autorité de l'Etat et la sécurité des civils dans l'est du pays. Si ce n'est pas le cas, elle risque de ne jamais mettre la main sur certains présumés auteurs de crimes relevant de la compétence de la CPI, au nombre desquels les infractions graves portant sur les enfants.

CONCLUSION DU TITRE 2

Conscient que l'enfant ne peut limitativement contribuer à la garantie de ses propres droits, la détermination des droits à lui reconnus entraine une modulation supplémentaire du rôle des acteurs du système de protection, d'application et de contrôle des droits de l'enfant. Dès lors, des structures politiques, judiciaires et sociales de base ont été mises en place pour garantir à l'enfant, l'effectivité de ses droits. L'appréciation sur le fonctionnement de ses structures au profit de l'enfant offre de voir les nombreuses limites et défis qui entourent leur efficacité dans la réalisation de leurs missions. En effet, en l'état actuel, l'encadrement de l'enfant par la famille est encore insuffisant, pendant que l'implication de l'Etat reste inefficiente comparativement à son rôle sans cesse croissant tant au niveau des organes internes qu'internationaux, et les moyens restent parfois inadaptés. Les organes anciens et nouveaux de protection et de contrôle des droits de l'enfant au niveau national comme international offrent de noter que les mesures anciennes et nouvelles sont certes des réponses apportées par ces organes dans l'exercice de leurs fonctions respectives dans la réalisation des droits de l'enfant mais, elles mettent aussi en lumière les difficultés réelles des organes nationaux et internationaux, et notamment celles de l'Etat ivoirien qui, incontestablement apparait comme le dernier recours possible des familles et de l'enfant.

890 28 mars 2013-conseil de sécurité-Résolution 2098.

340

Somme toute, les mécanismes nationaux, internationaux de promotion, de protection et de contrôle des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, apparaissent comme des instruments généreux dans la proclamation des droits précis qui puissent permettre d'anéantir le venin de leur faiblesse. Malgré ses limites, ce stade de l'embellie juridique et institutionnelle est franchi. Mais l'ultime étape reste l'effectivité de ces droits proclamés au regard des faits. Sur ce plan des incertitudes demeurent au regard de l'effectivité de la protection des droits de l'enfant à l'épreuve des réalités locales.

341

Seconde partie :

L'EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DES

DROITS DE L'ENFANT A L'EPREUVE DES

REALITES LOCALES

Il ne s'agira pas ici de reprendre des considérations théoriques relatives aux droits de l'enfant, qui au demeurant, ont été analysées dans la première partie. L'utilité de cette partie ne peut être réellement ressentie que si et dans la mesure où il s'attache à éclairer la spécificité de l'état des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire au regard des réalités locales. Nous nous assignons, en conséquence, de montrer ce que les faits offrent au regard. En d'autres termes, ici plus qu'ailleurs, il convient d'aller au-delà de ce que suggère le texte pour tenir compte du contexte, qui ne s'accorde pas, toujours, tant s'en faut, avec les règles qui sont réputées le régir. Le texte, en bien des cas sert d'habillage, voire de camouflage à des réalités dont on voudrait cacher la nudité891. L'expression « paradoxe édifiant892 » usité par Claire Brisset, apparait approprié au regard des faits. En effet, pour être utile, cette expression oppose la réalité des conditions de vie de nombre d'enfants en Côte d'Ivoire aux indéniables progrès du droit. La situation des enfants non déclarés, des enfants non scolarisés, des enfants abusés sexuellement, des enfants soldats, etc... en est une illustration. Il en va de même des droits économiques, sociaux et culturels reconnus aux enfants. Ce paradoxe est stupéfiant en raison du décalage parfois notoire qu'il met en exergue mais aussi, en raison de l'effet de tolérance devant l'inacceptable. C'est donc un truisme d'affirmer que la Côte d'Ivoire, à l'instar de nombre de pays africains est le théâtre des atteintes plurielles aux droits de l'enfant. Ces atteintes revêtent des formes diverses et précises qu'il importe d'examiner avant de tenter d'en rechercher des remèdes appropriées.

Ainsi après avoir mis en lumière les manifestations préoccupantes de l'ineffectivité (Titre 1), nous proposerons d'identifier les conditions d'une effectivité améliorée (Titre2).

342

891 WODIE (F.), Institutions politiques et droit constitutionnel en Côte d'Ivoire, PUCI, 1996, p.29.

892 BRISSET (C.), Un monde qui dévore ses enfants, Liana Levi, Paris, 1997, p.46.

343

Titre I : DES MANIFESTATIONS PREOCCUPANTES DE L'INEFFECTIVITE

344

L'ineffectivité se traduit par des manifestations préoccupantes et multiformes portant atteinte aux droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Par l'expression « manifestations préoccupantes de l'ineffectivité », on se réfère ici aux violations et abus inhibant l'effectivité optimale des droits de l'enfant.

On le sait : les «violations des droits de l'homme» recouvrent des transgressions par les États, des droits garantis par le droit national, régional et international et les actes et omissions directement imputables à l'État comportant un manquement à la mise en oeuvre d'obligations légales dérivées des normes concernant les droits de l'homme893. Les violations interviennent lorsqu'une loi, une politique ou une pratique contrevient délibérément à, ou ignore délibérément, des obligations incombant à l'État, ou lorsque l'État s'abstient d'une norme de conduite requise ou d'un résultat requis. Des violations supplémentaires interviennent lorsqu'un État déroge à ou supprime des protections des droits de l'homme existantes. Tous les droits humains (civils, culturels, économiques, politiques et sociaux) imposent aux États trois types d'obligations distinctes : respecter, protéger, et faire. Le manquement d'un État à l'une quelconque de ces obligations constitue une violation des droits de l'homme. Bien que la réalisation entière de certains aspects de certains droits ne soit possible que de manière progressive, cela n'altère pas la nature des obligations légales des États, et ne signifie pas non plus que tous les droits comportent des composantes qui sont toujours sujettes à une application immédiate.

Pour ce qui concerne spécifiquement les droits économiques, sociaux et culturels, des violations peuvent intervenir aussi lorsque l'État manque à satisfaire « les niveaux minimums essentiels des droits » énoncés par le Comité international des droits économiques et sociaux (ICESCR), et donc un État où « toutes personnes en nombre significatif sont privées d'aliments essentiels, de soins de santé primaires essentiels, d'abri et de logement de base, ou des formes les plus élémentaires de l'éducation, se trouve, à première vue, en violation de l'ICESCR ». Ces obligations minimales de base s'appliquent sans égard à la disponibilité de ressources dans le pays concerné, ni à quelque autre facteur ou difficulté.

Toute discrimination fondée sur l'allégation de la race, la couleur, le sexe, la langue, l'opinion politique ou autre, l'origine nationale ou sociale, la richesse, la naissance ou tout

893 Haut-commissariat aux droits de l'homme, Série sur la formation professionnelle n°7, Manuel de Formation sur le Monitoring des droits de l'homme, 2004, p.38.

autre statut ayant pour effet d'annihiler ou d'altérer l'égale jouissance ou exercice de tout droit de l'homme est constitutive d'une violation des droits de l'homme.

L'expression « abus des droits de l'homme » qui se veut plus large que violations, recouvre les atteintes aux droits humains commises par la conduite des acteurs non étatiques (Individus, entreprises...)894.

Dans ce titre premier, nous essayerons donc d'analyser les atteintes aux droits de l'enfant en période de paix (Chapitre 1) avant d'analyser le cas particulier des atteintes en situation d'urgence ou de guerre (Chapitre 2).

345

894 Ibid.

346

Chapitre I :

LES ATTEINTES AUX DROITS DE L'ENFANT EN PERIODE DE PAIX

A l'image des Nations dites développées qui sont confrontées à de grandes questions touchant la dignité humaine, la vie, et qui préoccupent actuellement toute l'humanité à savoir le clonage humain, l'euthanasie, l'avortement..., la Côte d'Ivoire, à l'instar de nombre de pays africains a aussi ses préoccupations du fait de sa culture. Ici, il s'agira d'évoquer quelques tares de la culture ivoirienne, qui ont résisté malheureusement au temps et qui compromettent son intégration dans le processus d'universalisation et d'unification des cultures par la mondialisation, en entamant sa contribution à la tradition universelle des droits de l'enfant. Comme on l'a constaté plus haut, l'arsenal normatif et institutionnel en Côte d'Ivoire est relativement dense. Il existe une véritable prise de conscience ; mais quelle est la réalité de la situation des enfants sur le territoire ivoirien ? Suffit-il de proclamer des droits pour qu'ils soient effectifs ? En Côte d'Ivoire comme ailleurs dans le monde, les réalisations ont été inversement proportionnelles aux promesses comme l'affirmait le Secrétaire général Koffi Annan dans son rapport sur les enfants895. Les droits de l'enfant continuent toujours à faire l'objet de violations qui ne sont souvent pas sanctionnées. Ces violations existent dans toutes les sociétés, mais prennent une ampleur grave en Afrique, et singulièrement en Côte d'Ivoire. A défaut de mettre en lumière toutes les formes d'atteintes aux droits de l'enfant, nous mettrons l'accent sur celles qui nous paraissent les plus importantes au regard de leur gravité. Ainsi, analyserons-nous successivement les atteintes liées à la survie, au développement personnel et à la participation de l'enfant (Section 1) avant de nous appesantir sur les atteintes aux enfants contre toute forme d'abus (Section 2).

895 ONU, Rapport du Secrétaire général « Nous, les enfants : examen de fin de décennie de la suite donnée au Sommet mondial pour les enfants » (A/S-27/3) du 4 mai 2001, examiné par le Comité préparatoire de la session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée aux enfants, lors de sa troisième session, en juin 2001.

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SECTION I. DES ATTEINTES LIEES A LA VIE ET AU DEVELOPPEMENT PERSONNEL DE L'ENFANT

Les manifestations des violations affectant l'existence et la survie de l'enfant (Paragraphe 1), une diversité d'atteintes au droit à l'éducation et au développement personnel des enfants (Paragraphe 2) et les atteintes aux formes de participation des enfants (Paragraphe 3) seront successivement mises en exergue.

§ 1. DES MANIFESTATIONS DES VIOLATIONS AFFECTANT L'EXISTENCE ET LA SURVIE DE L'ENFANT

Elles sont manifestes à travers les atteintes au droit à l'identité et à la nationalité des enfants (A) mais aussi via celles afférentes à la santé de l'enfant (B).

A. LES ATTEINTES AU DROIT A L'IDENTITE ET A LA NATIONALITE DES ENFANTS, UNE NEGATION DU DROIT A L'EXISTENCE JURIDIQUE

La négation du droit à l'existence juridique des enfants s'explique par l'existence d'enfants non déclarés (1) et d'enfants apatrides (2).

1. Des enfants non déclarés

L'enregistrement des naissances consiste à faire enregistrer par les autorités administratives, la naissance des enfants. Le deuxième paragraphe de l'article 24 du PIDCP ajoute le droit de l'enfant d'être enregistré immédiatement après la naissance et d'avoir un nom, dans le but de réduire les risques d'enlèvement, de vente ou de traite d'enfants et les autres traitements contraires aux droits prévus dans le Pacte896.

Consacrée par la Convention relative aux droits de l'enfant en son article 7897, l'obligation de déclaration des naissances est affirmée depuis 1964 par la loi ivoirienne et stipule que la déclaration est gratuite, et doit se faire dans les trois mois qui suivent la naissance898.

896 HENNEBEL (L.), La jurisprudence du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, Bruxelles : Bruylant, 2007, p.290.

897 Article 7 alinéa 1 CIDE : « L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaitre ses parents et d'être élevé par eux. ».

898 Article 41 loi 99-691 ; voir aussi BROU KOUAKOU (M.), Cours de droit civil, droit des personnes, droit de la famille, Les éditions ABC, 2013, p.123.

348

Dès la naissance, les parents ont le devoir de déclarer le nom, le prénom et la date de naissance du nouveau-né auprès des autorités. La déclaration de naissance est un support préalable à la réalisation des droits de l'enfant car elle atteste de son existence officielle899. Déclarer un enfant, c'est implicitement actionner en sa faveur tous les mécanismes de protection : accès à des services de base, dont la vaccination, les soins de santé et l'inscription dans un établissement scolaire900.

En enregistrant la naissance, l'État reconnaît officiellement l'existence de l'enfant et officialise son statut au regard de la loi. Par ailleurs, grâce à cet enregistrement sur les registres de l'état civil, un enfant pourra établir sa filiation, c'est-à-dire les liens de parenté qui l'unissent à son père et à sa mère.

L'identité permet l'intégration de chaque enfant au sein de la société. L'enregistrement de la naissance de l'enfant et l'attribution de sa nationalité lui octroient sa capacité juridique ou sa capacité de jouissance901. Cela signifie que, comme toute personne, il sera officiellement reconnu en tant que membre de la société et qu'il sera titulaire de droits et obligations. Le nom, le prénom, la date de naissance, le sexe et la nationalité de la personne sont nécessaires à la compréhension du droit à l'identité. Grâce à ces informations, une personne devient un sujet de droit (détenteur et obligataire de droit).

Cette identité permettra aussi à l'enfant de bénéficier d'une protection juridique par le biais de ses parents et de l'État. Il pourra ainsi bénéficier du régime de protection des mineurs de son pays, qui le protégera notamment contre les diverses formes de maltraitance et d'exploitation.

Par ailleurs, les enfants délinquants bénéficieront du régime des peines pour mineurs qui est un régime de peines adapté à leur âge, leur discernement et leur maturité.

À l'inverse, un enfant sans identité sera invisible aux yeux de la société et ne bénéficiera pas d'une protection et des services sociaux essentiels à son développement.

899 KOMAN (Y.G.), La convention relative aux droits de l'enfant : vers une évolution des droits d'expression et de défense des intérêts de l'enfant en Côte d'Ivoire ? , Mémoire de fin de cycle, E.N.A Côte d'Ivoire, p.14.

900 Ibidem.

901 Dans ce sens, ABACACI (A.), VIORICA (D.) HAGEANU (C.), Droit civil. Les personnes. Maison d'Edition All Beck, Bucarest, 2004, p.41. ; COCA-COZMA (M.), GRACIUNESCU (C.M.), LEFTERACHE ( L.V.), La justice pour les mineurs, Etudes théoriques et de jurisprudence. L'analyse des modifications législatives dans le domaine, maison d'édition Universul Juridic, Bucarest, 2003, p.371.

349

Malheureusement, de nombreux enfants sont toujours non déclarés en Côte d'Ivoire. Ainsi, en 2000, deux tiers des naissances des enfants de moins de 5 ans étaient encore non enregistrés902. En 2006, cette proportion avait reculé pour atteindre un peu plus de la moitié des enfants, soit 55%903. Suivant les conclusions de l'EDSCI-III 2011-2012, 35 % des enfants de moins de 5 ans et 24% des enfants de 0-17 ans n'existaient pas légalement, faute d'avoir été enregistrés à l'état civil904 ; on estime que 65% des enfants de moins de 5 ans ont été déclarés à l'état civil, mais seulement 45% avaient un acte de naissance. Le taux d'enregistrement est plus élevé chez les enfants de 15 à 17 ans (85%). Aujourd'hui, on estime à 2.800.747 le nombre d'enfants de 0 à 17 ans non enregistrés, dont près de 1, 3 millions de moins de 5 ans et 1.552.236 enfants en âge de scolarisation (5-17 ans)905. Malheureusement, ce report de la déclaration entraine les parents dans des procédures judiciaires complexes et couteuses, pour l'obtention d'un jugement supplétif.906

L'amélioration de la situation globale entre 2006 et 2012 cache de grandes disparités entre les enfants selon la région où ils habitent, le milieu dans lequel ils vivent (urbain 84%, rural 47%) et le niveau de vie (plus pauvre 36% plus riches 90%)907. En milieu rural, le problème de l'enregistrement des naissances se pose avec acuité : trois enfants sur cinq de moins de 18 ans sont enregistrés par rapport à neuf sur dix en milieu urbain. Dans ces régions de l'Ouest, du Nord-Ouest et du Nord, seulement un enfant sur cinq de moins de 18 ans possède l'extrait de naissance. Des disparités énormes sont observées entre les zones rurales ou urbaines. Les femmes en milieu rural accouchent au village alors qu'en milieu urbain elles peuvent plus facilement avoir accès à des maternités où la déclaration est facilitée.

902 UNICEF, Analyse de la situation de l'Enfant en Côte d'Ivoire 2014 « vers une société plus équitable dans pays émergent », Octobre 2014, p.55.

903 UNICEF, Analyse de la situation de l'Enfant en Côte d'Ivoire 2014 « vers une société plus équitable dans pays émergent », Octobre 2014, p.55.

904 Idem.

905 Idem.

906 Voir articles 82 à 84 de la loi ivoirienne relative à l'état civil ; aux termes de l'article 82 : « le défaut d'acte de l'état civil peut-être supplée par jugement rendu sur simple requête présentée au tribunal ou à la section du tribunal du lieu où l'acte aurait dû être dressé » ; Pour une déclaration de naissance à l'état civil non faite dans le délai : TPI Gagnoa, jugt n°139 du 10/08/2005, inédit).

907 UNICEF, Analyse de la situation de l'Enfant en Côte d'Ivoire 2014 « vers une société plus équitable dans pays émergent », Octobre 2014, p.55.

350

Ces nombreux enfants non déclarés n'existent pas aux yeux de la loi. Puisqu'on ne connait pas leur âge, ils n'auront pas la protection minimale conférée aux mineurs, contre les mariages précoces, le travail des enfants, la détention et les poursuites judiciaires, l'enrôlement dans les forces armées. Ils ne bénéficient d'aucune protection, contre l'abus et l'exploitation. Un enfant non enregistré sera une marchandise plus attirante pour un trafiquant d'enfants. L'invisibilité des enfants non enregistrés fait que la discrimination, l'abandon et les abus dont ils sont victimes auront plus de risque de passer inaperçus. Plus tard, il leur sera impossible d'obtenir un passeport, de solliciter un emploi reconnu, d'ouvrir un compte en banque, de contracter un mariage légal, de se présenter à des élections, ou de voter. En un mot, cette frange de la population se trouve donc potentiellement exclue du bénéfice de certains services sociaux de base y compris la protection spéciale due aux mineurs. Les enfants non enregistrés d'aujourd'hui, qui deviendraient des adultes de demain, seraient en marge de la vie économique, au-delà de la compromission de leur participation citoyenne. Il en va ainsi de l'apatridie qui frappe nombre d'enfants vivant en Côte d'Ivoire. Pour être une éventuelle conséquence de la non déclaration des naissances, la situation des enfants apatrides constitue manifestement un déni de leur droit à la nationalité.

2. Des enfants apatrides

Au sens juridique, la nationalité des personnes physiques présente un double caractère interne et international908.

D'une part, de ce premier point de vue, il appartient à tout Etat souverain de régler par sa propre législation909, l'acquisition de sa nationalité et au demeurant, de déterminer qui sont ses nationaux, et quelles règles s'appliquent à eux910, indépendamment du fait qu'ils se trouvent sur son territoire911, et distinctes de celles applicables aux étrangers. Du fait que le droit international laisse à chaque Etat le soin de régler l'attribution de sa propre

908 DUPUY (P-M) et KERBRAT (Y.), Droit international public, 13e édition, Dalloz, 2016, p.94.

909 Affaire Nottebohm, (Lichtenstein C. Guatemala), Arrêt de la Cour Internationale de Justice, 6 avril, 1955, Recueil 1955, p.20.

910 GUTMAN (D.), Droit international privé, 4e édition Dalloz, 2004, p.308 et 310.

911 DUPUY (P-M) et KERBRAT (Y.), Droit international public, 13e édition, Dalloz, 2016, p.94.

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nationalité912, a fortiori, il en fait un attribut exclusif de l'Etat, à savoir le lien juridique de rattachement effectif de l'individu à un Etat913.

D'autre part, de ce second point de vue, s'il revient à chaque Etat de déterminer sa nationalité conformément à son droit interne, le droit international lui impose cependant des limites à l'octroi de sa nationalité914. C'est ainsi que selon la résolution A/RES/55/153 de l'Assemblée générale des Nations Unies relative à la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d'Etats, elle « relève essentiellement du droit interne, dans les limites tracées par le droit international »915. Aucun Etat, quel qu'il soit, ne peut donc imposer sa nationalité de manière arbitraire ou en violation des règles coutumières916. Ce qui signifie que si la nationalité est essentiellement régie par la législation nationale, en revanche, la compétence de l'Etat n'est en la matière, ni exclusive, ni totalement discrétionnaire, puisqu'il ne peut, ni ignorer, ni contrarier les conventions existantes dans ce domaine. Il n'existe pas, au profit de toute personne, un droit à la nationalité917. Plus précisément, le droit à la nationalité, s'il existe, n'appartiendrait qu'aux seuls nationaux, conformément aux législations en vigueur.

Cette tautologie compréhensible veut simplement dire que le droit né de l'appartenance nationale est un droit intrinsèquement lié à la nation et, pour y prétendre, il faut au préalable réunir les conditions d'appartenance à cette nation et, donc les conditions de jouissance de la nationalité procédant de cette appartenance. C'est que le principe de la souveraineté de l'Etat, complété par des velléités de nationalisme, domine tout le régime de la nationalité.

912 Affaire Nottebohm, Arrêt précité, p.23.

913 Ibidem, p.23.

914 SFDI, Droit international et nationalité, Colloque de Poitiers, Paris, Pedone, 2012, 528p. (Ouvrage collectif portant sur l'ensemble des aspects du droit à la nationalité en droit international).

915 Sur le rapport de la sixième commission (A/55/610, l'Assemblée Générale des Nations unies a adopté la résolution 55/153 relative à la nationalité des personnes physiques en relation avec la succession d'Etats, voir documents officiels de l'Assemblée générale, cinquante quatrième session, supplément n°10 et rectificatif (A/54/10 et corr.2).

916 Reuter (P.), Institutions Internationales, P.U.F, 1955, p.114.

917 Sauf à donner un caractère obligatoire à l'article 15 de la DUDH qui péremptoirement, affirme, sans en donner les moyens de réalisation, que « Tout individu a droit à une nationalité » et que « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité », DE SCHUTTER (O.), TULKENS (F.) et VAN DROOGHENBROECK (S.), Code de droit international des droits de l'homme, Bruxelles-Avers, Bruylant-Maklu, 2000, 526p (rééd.2003, 767 p.).pp.15-16 ; voir aussi, FULCHIRON (H.), « Les enjeux contemporains du droit français de la nationalité à la lumière de son histoire », Pouvoirs, 1/2017 (n°160), p.717.

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Sans préjudice des « droits acquis », ce principe domine en effet tout le régime juridique ivoirien de la nationalité et conduit à constater qu'en droit ivoirien, il n'existe pas un droit « à », mais plutôt un droit « de » la nationalité. L'état actuel du droit de la société internationale encourage également ce genre de régime918. La nationalité est le lien juridique et politique qui rattache un individu à un Etat. Elle est le lien le plus fréquent entre un Etat et sa population. Selon la Cour internationale de justice (CIJ), la nationalité est l'expression juridique du fait que l'individu auquel elle est conférée est plus étroitement rattaché à la population de l'Etat qui la lui confère qu'à celle de tout autre Etat919. La CIJ la définit ainsi dans l'arrêt Nottebohm : « La nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs. »920. Chaque Etat détermine et désigne librement ses nationaux. Les conditions d'acquisition de la nationalité sont déterminées, de façon discrétionnaire et sous réserve des engagements internationaux921, par le droit national. Elles peuvent ainsi différer d'un Etat à l'autre. C'est là une question que le droit international laisse à la compétence discrétionnaire de chaque Etat ; et cette question de nationalité peut être réglée soit par la Constitution, soit par une loi.

Pour les personnes physiques, la nationalité est conférée soit initialement par la filiation (Jus sangunis) et/ou le lieu de naissance (Jus soli), soit ultérieurement par le mariage, l'adoption, la naturalisation ou le choix qui est exceptionnellement possible.

Manifestant à cet égard son entière souveraineté et son indépendance, le droit positif ivoirien organise son droit de la nationalité en définissant non seulement ce qu'il entend par

918 Il est faux à cet égard, d'affirmer qu'un certain droit international ferait obligation aux Etats d'accorder, nolens volens, la nationalité à certaines catégories spécifiques. Aux termes, en effet, de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie du 30 août 1961, texte généralement évoqué au soutien d'une telle thèse, les Etats parties à cette convention internationale avaient convenu, certes, qu' « ...il (était) souhaitable de réduire les cas d'apatridie par voie d'accord international » et d'accorder, dans ce cadre, la nationalité à des personnes qui, nées, sur leur territoire, ne pourraient autrement obtenir une autre nationalité que celle à laquelle elles peuvent prétendre. Mais, cette attribution de la nationalité se fait nécessairement aux conditions souverainement posées par chaque Etat à l'acquisition de sa nationalité. Pour le texte de cette convention, consulter http://www.unhcr.fr/53be5ad09.html (consulter le 15/03/2016).

919 BESSON (S.), Droit international public, abrégé de cours et résumés de jurisprudence, Stampfli Editions, 2011, p.34.

920 Rec. CIJ 1955 p. 4/23.

921 Cf. Avis consultatif sur les décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, 1923, CPJI Série B n°4 p.7.

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ivoirien c'est-à-dire en édictant les critères d'attribution de la nationalité ivoirienne, et d'autre part, en posant les conditions d'acquisition de la nationalité ivoirienne.

En Côte d'Ivoire, la question de la nationalité est régie par la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 portant Code de la nationalité ivoirienne modifié par la loi du 07 octobre 1964 et la loi n°72-852 du 21 décembre 1972. L'article 1er, alinéa 1er de ce code énonce : « La loi détermine quels individus ont à leur naissance la nationalité ivoirienne à tire de nationalité d'origine ». Le problème fondamental qui se pose, ici, est celui de savoir comment s'acquiert cette nationalité : par le sol ? Ou par le sang ? Ou encore par le sang et par le sol, à la fois ?

Se prononçant sur la question, Monsieur Koménan Roland ZAKPA soutient que l'Etat de Côte d'Ivoire ne retient que la nationalité par le sang car « si le législateur dans la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 avait prévu dans l'acquisition de la nationalité ivoirienne le principe du droit du sol (jus soli) , il faut se rendre à l'évidence que le choix a été clair avec la modification législative du 21 décembre 1972 qui a exclu le principe du jus soli dans notre nationalité »922. Au soutien de sa thèse, il allègue : « en effet, les articles 17 et suivants de la loi prévoyaient des cas de nationalité ivoirienne au bénéfice des étrangers en raison de leur naissance et de leur résidence sur le sol ivoirien. Ainsi donc l'enfant mineur né en Côte d'Ivoire, de parents étrangers, pouvait réclamer la nationalité ivoirienne par déclaration si, à la date de sa naissance, il avait en Côte d'Ivoire sa résidence habituelle depuis au moins cinq années consécutives et si la preuve de sa naissance résultait d'une déclaration à l'état civil. Dans la même veine, les enfants nés en Côte d'Ivoire d'agents diplomatiques ou de consuls de carrière de nationalité étrangère pouvaient également réclamer la nationalité ivoirienne. Il en était de même de l'enfant né en Côte d'Ivoire de parents étrangers, de l'enfant confié depuis cinq années au moins à un service public ou privé d'assistance à l'enfance et enfin de l'enfant qui, ayant été recueilli en Côte d'Ivoire, y a été élevé par une personne de nationalité ivoirienne. Toutes ces règles qui consacraient dans la législation ivoirienne, la nationalité par le droit du sol ont été abrogées comme pour indiquer que notre pays ne reconnait que la nationalité par le jus sanguinis923. ».

922 ZAKPA (R.K.), Code de la nationalité et code électoral, in Réformes institutionnelles en Côte d'Ivoire. La question de l'éligibilité, Actes du Séminaire international de l'ADIR, PUCI, Janvier 1999, p.114.

923 Idem. p.115.

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On ne peut le nier : ce raisonnement comporte quelques vérités. Toutefois, on ne peut y adhérer sans réserve.

Au fond, la loi n° 72-852 du 21 décembre 1972 qui modifie celle du 15 décembre 1961 ne reconnait pas un seul système. Plutôt, elle retient les deux systèmes que sont : le jus soli (droit du sol), et le jus sanguinis (droit du sang). Tout d'abord, en vertu de son article 6, est ivoirien, l'enfant né en Côte d'Ivoire (jus soli), sauf si ses deux parents sont étrangers (jus sanguinis). Ensuite, aux termes de son article 7 « est ivoirien l'enfant né à l'étranger (jus soli) d'un parent ivoirien (jus sanguinis) ».

Il ressort ainsi clairement de la loi de 1972 une consécration expresse, à la fois, du jus soli et du jus sanguinis. Mais, un constat s'impose : il apparait dans cette loi précitée, une prééminence patente du jus sanguinis sur le jus soli : celui-là prime celui-ci, car tout enfant qui naît d'un parent ivoirien est ipso facto Ivoirien ; en d'autres termes, l'Ivoirien ne peut naitre que d'un Ivoirien. D'où le fait de naître d'un parent ivoirien est une condition nécessaire et suffisante pour que l'enfant acquière, de manière originaire, la nationalité ivoirienne.

Contrairement à l'opinion du Professeur Komenan Roland ZAKPA qui n'est guère satisfaisante, ni soutenable, celle du Doyen Francis Vangah WODIE mérite pleine adhésion car il affirme : « L'article 6 de la loi ivoirienne dispose que tout individu né en Côte d'Ivoire est ivoirien, sauf si ses deux parents sont étrangers. L'article 7 ajoute : est ivoirien l'individu né en Côte d'Ivoire d'un parent ivoirien). C'est la nationalité d'origine successivement et émulativement régie par le jus soli et le jus sanguinis924 ».

Pareillement, cette position a été retenue par les accords de Linas Marcoussis. En effet, c'est du 15 au 23 janvier 2003 que s'est tenue à Linas-Marcoussis (France) une Table Ronde des forces politiques ivoiriennes, à l'invitation du Président de la République française. Ont pris part à cette rencontre : le Front Populaire Ivoirien (FPI), le Mouvement des Forces d'Avenir (MFA), le Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO), le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire - Rassemblement Démocratique Africain ( PDCI-RDA), le Parti Ivoirien des Travailleurs (PIT), le Rassemblement Des Républicains (RDR), l'Union Démocratique et Citoyenne

924 WODIE (F.), Institutions politiques et droit constitutionnel en Côte d'Ivoire, op. cit.p.65.

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(UDCY) et l'Union pour la Démocratie et la Paix en Côte d'Ivoire (UDPCI). Les travaux ont été présidés par Monsieur Pierre MAZEAUD. Ce dernier était assisté du juge Kéba MBAYE, de l'ancien Premier Ministre Seydou Diarra et de facilitateurs désignés par l'ONU, l'Union Africaine et la CEDEAO.

La Table Ronde de Linas-Marcoussis a estimé que la loi n°61-415 du 14 décembre 1961 portant code de nationalité925 ivoirienne modifiée par la loi n°72-852 du 21 décembre 1972 est « fondée sur une complémentarité entre le droit du sang et le droit du sol »926. Au fond, il s'agit de la nationalité d'origine acquise de plano dès la naissance, par le fait d'un parent ivoirien.

Cette nationalité se dissocie nettement de la nationalité octroyée par décret après enquête, à savoir : la naturalisation. Aux termes de l'article 26 de la loi du 21 décembre 1972, la naturalisation ne peut être accordée qu'à l'étranger justifiant de sa résidence habituelle en Côte d'Ivoire pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de sa demande.

La loi ivoirienne n'interdit pas le cumul de la nationalité ivoirienne avec une autre nationalité. Cette circonstance peut entrainer des cas de plurinationalité. Un même ivoirien peut, par conséquent, avoir une double nationalité ou une triple nationalité, voire au-delà. Et, cela apparait un peu comme anormal ; c'est même contraire à la lettre de l'article 15 de la Déclaration universelle de 1948 qui dispose que « tout individu a droit à une nationalité ». C'est pourquoi, selon l'analyse du Doyen WODIE, « chaque individu ne devrait jamais avoir qu'une nationalité, l'acquisition d'une nationalité devant entrainer la perte d'une autre nationalité ; c'est par le respect de ces exigences que la Nation pourra fortifier son unité, par le jeu de la naturalisation ; car, elles seules permettent de découvrir et d'organiser le degré d'attachement à la Nation à laquelle on voudrait appartenir ; personne n'a réellement une double nationalité, une nationalité l'emporte toujours sur une autre et tend à la chasser. Accorder « généreusement » la nationalité, l'octroyer avec un certain laxisme, c'est conduire vers l'abaissement du statut national, en rendant de plus en plus lâche le

925 La Table Ronde a trouvé que ce code de nationalité comporte des dispositions ouvertes en matière de naturalisation par acte de pouvoirs publics, et constitue un texte libéral et bien rédigé. Cf. Annexe du Programme du gouvernement de réconciliation nationale des Accords de Linas-Marcoussis, Point 1.

926 Voir l'Annexe du Programme du gouvernement de réconciliation nationale des Accords de Linas-Marcoussis. Point 1.

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noeud de la solidarité nationale. La nationalité doit être la manifestation d'un attachement affectif et effectif à la collectivité ; ainsi, se trouvera favorisée la construction de la Nation »927.

Ces différences d'interprétation des lois relatives à la nationalité sont susceptibles de donner naissance à des cas d'apatridie928 de nombre de personnes, notamment les enfants. Être un « apatride », c'est être sans nationalités929, voir, donc sans pièces d'identité. Or, sans pièce d'identité, on ne peut pas par exemple s'inscrire à l'école, ouvrir un compte dans une banque ou encore se marier ou voter. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), il y a 10 millions d'apatrides dans le monde. Le HCR a récemment lancé une campagne qui s'appelle « J'appartiens »930 pour tenter d'améliorer la situation d'ici dix ans.

Selon le HCR, il existerait 700 000 apatrides931 en Côte d'Ivoire. Justifiant le nombre élevé d'apatrides en Côte d'Ivoire, Mohamed Touré, le représentant du HCR en Côte d'Ivoire affirme : « La raison fondamentale de l'apatridie en Côte d'Ivoire est historique. La colonisation a rapporté dans le territoire ivoirien des centaines de milliers de gens pour travailler dans les plantations de cacao. A l'Indépendance, en 1960, ces personnes ne sont pas retournées en Haute-Volta (Burkina Faso). Elles sont restées en Côte d'Ivoire et n'ont pas bénéficié à l'époque de la nationalité, ou elles n'ont pas pris la nationalité, et n'avaient pas pris non plus la nationalité burkinabè puisqu'elle n'existait pas. Donc on estime le chiffre à peu près à 400 000 personnes »932. De plus, poursuit-il, « A côté de cela, il existe aussi un autre chiffre qui est un chiffre de 300 0000 personnes, qui sont à l'origine des enfants abandonnés, parce que simplement la loi en Côte d'Ivoire, malheureusement, ne donne pas de nationalité à un enfant qui a été trouvé sans parents. Donc, la Côte d'Ivoire s'est engagée depuis à rectifier cette erreur juridique, qui permet à tout un ensemble de

927 WODIE (F.), Institutions politiques et droit constitutionnel en Côte d'Ivoire, PUCI, 1996, pp. 65-66.

928 Ibid.

929 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, PUF, 10eme édition, 2014, p.70.

930 Lancé le mardi 4 novembre 2014 par l'UNHCR, la campagne dénommée « I Belong » (J'appartiens) a un objectif ambitieux mais nécessaire : celui de mettre fin à l'apatridie au cours des 10 prochaines années.

931 http://www.rfi.fr/afrique/20141109-cote-ivoire-apatrides-hcr-700-000-lancement-campagne-enfants-
abandonnes-(consulté le 04/11 /2015).

932 http://www.rfi.fr/afrique/20141109-cote-ivoire-apatrides-hcr-700-000-lancement-campagne-enfants-
abandonnes- (consulté le 04/11/2015).

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personnes aujourd'hui de pouvoir se présenter devant un juge, de pouvoir démontrer qu'effectivement, elles remplissent toutes les conditions pour pouvoir bénéficier de la nationalité ivoirienne ». Ainsi, il ressort de l'argumentaire du représentant du HCR, que de nombreux enfants abandonnés dès leur naissance en Côte d'Ivoire n'ont pu voir leur naissance déclarée ; ce qui a eu pour effet de faire d'eux des apatrides.

Dépourvus d'une nationalité, ils sont aussi non bénéficiaires des droits qui s'y rapportent, car comme le mentionne la lettre ouverte du HCR, « L'apatridie peut signifier une vie sans éducation, ni soins de santé ou emploi formel, une vie sans liberté de mouvement, sans espoir ni perspective d'avenir »933.

A côté du droit à l'existence qui est ainsi malmené, le droit à la survie se trouve aussi compromise eu égard aux atteintes au droit à la santé et à un environnement sain dont sont victimes nombre d'enfants en Côte d'Ivoire.

B. LES ATTEINTES AU DROIT A LA SANTE ET A UN ENVIRONNEMENT SAIN DE L'ENFANT

La constitution de l'OMS définit, dans son préambule, la santé comme étant : « un état de complet bien-être physique, mental, et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité934». Le droit à la santé est un droit individuel corollaire du droit à la vie car il a pour finalité de servir le droit à la vie. Le droit à la santé en tant que droit de la « conservation de l'espèce humaine935 » est un droit créance. Il est garanti par l'article 24 de la CIDE qui dispose que « l'enfant a le droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier des services médicaux ». L'article 14 alinéa 1 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant a été plus explicite en reconnaissant à l'enfant, le droit de jouir du meilleur état de santé physique, mental et spirituel possible.

933 http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=33654#.VtXpxPnhDIU (consulté le 04/11/2015).

934 Préambule de la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, adoptée lors de la Conférence internationale de la santé, tenue à New-York du 19 au 22 juillet 1946, (entrée en vigueur le 7 avril 1948) disponible sur www.who.int/governance/eb/constitution/fr/. (Consulté le 04/11/2015).

935 RAKOTOARISON (J.), Introduction au droit à la santé, in Rapport des deuxièmes journées des responsables des Chaires et Instituts d'Afrique de l'Ouest et Centrale travaillant dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratie, Cotonou du 28 au 31 juillet 2003, p.174.

Cf. Observation Générale IV° 14 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies en son paragraphe 33 (1999).

358

Le droit à la santé est un droit inclusif. Le droit au meilleur état de santé possible nécessite donc la mise en oeuvre de plusieurs autres droits économiques, sociaux et culturels936. P. HUNT, dans son tout premier rapport en tant que rapporteur spécial sur le droit qu'à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible affirme que : « le droit à la santé est un droit global dans le champ duquel entrent non seulement les prestations de soins de santé appropriées en temps opportun, mais aussi les facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l'accès à l'eau salubre et potable et à des moyens adéquats d'assainissement, l'hygiène du travail et du milieu et l'accès à l'éducation et à l'information relatives à la santé, notamment la santé sexuelle et génésique »937. Ainsi, conformément à cette approche, on comprend combien d'autres droits tels que le droit à l'eau, à l'alimentation, au logement ou à l'environnement sont consubstantiels au droit à la santé, car la santé est à la fois conditionné par la jouissance de certains droits tout autant qu'elle est bien souvent la condition de jouissance d'autres droits dont le droit à la vie938.

En tant qu'idéal visant à atteindre, pour chacun, « le meilleur état de santé physique, mentale et sociale possible », le droit à la santé suppose la réalisation d'un certain nombre d'exigences sanitaires qui apparaissent comme ses véritables dérivés. Ces droits dérivés constituent, en même temps, les contours exacts de ce droit. Il s'agit ainsi, d'abord, du droit à une alimentation saine et équilibrée. Il s'agit ensuite, du droit à un environnement sain et propice au développement. Il s'agit, enfin, du droit à un logement décent, trois droits de portée autonome certes, mais qui peuvent tout autant être rattachés au droit à un meilleur état de santé physique, mentale et sociale.

Il est souvent lié à l'accès aux soins de santé et à la construction d'hôpitaux. Toutefois, il a une portée bien plus large et il englobe un grand nombre de facteurs qui peuvent nous aider à mener une vie saine. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, les appelle les « facteurs déterminants pour la santé »939.

936 LAVALLEE (C.), La protection internationale des droits de l'enfant : entre idéalisme et pragmatisme, Bruylant, 2015, p.210.

937 Rapport du Rapporteur spécial, le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint, 13 février 2003, E/CN.4/2003/58,§23.

938 HENNEBEL (L.) et TIGROUDJA (H.), Traité de droit international des droits de l'homme, Editions A. Pedone, 2016, pp.1257-1274.

939 HCDH-OMS, Le droit à la santé, Fiche d'information n°31, p.3.

359

Ils comprennent l'approvisionnement en eau potable et l'assainissement ; une alimentation saine ; une alimentation suffisante, et un logement décent ; des conditions de travail et environnementales saines, une éducation à la santé et la diffusion d'information, l'égalité entre les sexes940. Le droit à la santé garantit des droits, notamment, le droit à un système de protection de la santé offrant à tous, la possibilité de bénéficier du meilleur état de santé possible, le droit à la prévention et au traitement ainsi qu'à la lutte contre les maladies, l'accès aux médicaments essentiels, la santé maternelle, infantile et procréative ; un accès égal et en temps voulu aux services de santé de base ; la fourniture d'une éducation à la santé et d'informations y relatives ; la participation de la population au processus de prise de décisions sur les questions de santé aux niveaux national et communautaire.

Les services de santé, les biens et infrastructures doivent être disponibles, accessibles, acceptables et de bonne qualité. Des infrastructures, des biens et des services opérationnels et en nombre suffisant doivent être disponibles au sein des Etats. Tel n'est pas le cas en pratique car nombre d'enfants vivant sur le territoire ivoirien n'arrivent pas à se soigner faute d'infrastructures ou de spécialistes ou en raison de l'inaccessibilité des services de santé.

Les autorités dirigeantes ont constamment violé le droit à la santé et à la sécurité sociale, On peut l'illustrer en se référant à une enquête diligentée par la LIDHO dans les CHU qui a révélé des atteintes graves au droit à la santé, Il ressort de cette enquête les résultats poignants suivants941 :

« 1° en dépit de leur architecture imposante, et somptueuse pour certains, ces établissements connaissent un état de délabrement avancé. Ainsi, bien des salles d'hospitalisation, lorsqu'elles peuvent encore recevoir des malades, sont dépourvues de climatisation, d'eau, de literie propre ,
·

2° des services complets et non des moindres, sont partiellement ou totalement fermés. Il s'agit des services de radiologie, exploration fonctionnelle, réanimation, de la banque de sang et de la néonatalogie du CHU de Yopougon. L'institut de cardiologie d'Abidjan, le service des maladies infectieuses tropicales du CHU de Treichville connaissent la même infortune ,
·

940 HCDH-OMS, Le droit à la santé, Fiche d'information n°31, p.3.

941 KOFFI KONAN (E.), Les droits de l'Homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, thèse de doctorat unique de droit public, Université de Cocody-Abidjan, UFR-SJAP, 2008, p.87.

360

3° dans ces centres, ceux des services encore fonctionnels sont totalement engorgés, surpeuplés et dépassés. Il n'est donc pas rare que des malades s'entendent conseillés de délaisser un service donné, pour s'orienter vers un autre centre qui ne peut non plus les accueillir, faute de disponibilité ou d'infrastructures ,
·

4° le sous-effectif du personnel, notamment paramédical ne laisse pas de surprendre, au regard du nombre de médecins et d'infirmiers diplômés d'Etat, en attente de leur intégration à la fonction publique ,
·

5° du matériel de soins et d'équipements tout aussi précieux qu'en grand nombre, se trouve dans un triste état de vétusté et est parfois hors d'usage ,
·

6° dans les services d'urgence, il est exigé des patients, de jour comme de nuit, une redevance, avant toute intervention, De ce fait, des malades meurent, dans l'attente du paiement de cette redevance et, par conséquent, sans les soins attendus ,
· cela parfois en dépit des engagements formels des parents de ces malades
»942. Bien que portant sur un état des lieux opéré en 2000, cette description faite par la LIDHO demeure d'actualité au regard de la situation actuelle des établissements hospitaliers ivoiriens tant au niveau quantitatif que qualitatif.

Il est déplorable, voire choquant, de constater que les pouvoirs publics ne prennent guère de mesures significatives adéquates de nature financière, technique et humaine pour rendre fonctionnels les services et équipements des centres hospitaliers de la Côte d'Ivoire.

Agissant ainsi, ils portent gravement atteinte au droit à la santé qui est un droit fondamental reconnu à tout individu et garanti943 par les grands instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant auxquels la Côte d'Ivoire est partie944.

942 Voir la Déclaration de la LIDHO relative à la situation des centres hospitaliers universitaires (CHU), du 30 août 2000, à Abidjan.

943 Le droit à la santé est aussi garanti par l'article 7 de la constitution ivoirienne du 1er Août 2000.

944 L'article 16 de la Charte africaine dispose :

« 1. Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.

2. Les Etats parties à la présente Charte s'engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l'assistance médicale en cas de maladie. » ;

L'article 12 du pacte énonce « les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit qu'à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre... ».

L'article 25 de la déclaration prescrit : « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille... ».

361

A la vérité, il est souvent difficile, pour les pays pauvres de satisfaire à ces nombreuses obligations consistant à protéger la santé des populations, notamment des enfants, et de leur assurer une assistance médicale en cas de maladie. Mais, en Côte d'Ivoire, des efforts certains ont été consentis, en ce domaine, par les pouvoirs publics. Il n'empêche que de nombreux enfants font face à d'énormes problèmes de santé faute d'accès aux médicaments, d'insuffisances d'infrastructures ou d'éloignement des centres de santé. Qui plus est, certains ne mangent pas à leur faim. Avant le déclenchement de la crise politico-militaire ivoirienne945, le système de santé ivoirien avait atteint un niveau de performance parmi les meilleurs d'Afrique sub-saharienne. Mais, durant la récente crise qu'a connue ce pays, ce système s'est trouvé de façon notable fragilisé. L'Etat n'arrivait plus à répondre aux besoins sanitaires élémentaires des populations, notamment dans les zones rebelles. On notait alors et continuons de noter une résurgence de toutes sortes de foyers d'épidémies : choléra, rougeole, fièvre jaune, paludisme, méningite, etc. Ce qui n'a pas manqué de retentir négativement sur l'état de santé des enfants.

Heureusement, grâce à l'appui de l'OMS et d'autres partenaires, le Gouvernement ivoirien a pu réaliser dans divers domaines, des urgences sanitaires. A titre illustratif, dans la prévention contre le paludisme, l'OMS a appuyé le ministère de la Santé « dans la distribution de moustiquaires imprégnées aux femmes enceintes et enfants de moins de 5 ans »946. En outre, de février 2004 à décembre 2005, grâce à l'appui de l'OMS, de l'Unicef et d'autres partenaires, l'Etat de Côte d'Ivoire a pu organiser neuf (9) campagnes de vaccination de rattrapage contre la rougeole : d'où, « plus de 5 millions d'enfants, âgés de 0 à 5 mois, ont pu être vaccinés à chaque passage des journées nationales de vaccination contre la poliomyélite, et plus de 9 millions d'enfants de 9 mois à 14 ans l'ont été contre la rougeole »947. On le voit : malgré la crise politico-militaire, des efforts constants ont été

945 Cette crise présentée à tort comme une opposition des chrétiens du sud contre les musulmans du nord a été déclenchée le 19 septembre 2002 par une rébellion armée qui attaqua plusieurs casernes militaires du pays avec des armes lourdes. Pour nous, la crise ivoirienne ne saurait être réductible à une opposition entre un nord musulman « rebelle » et un sud chrétien « loyaliste ». Au recensement de 1998, sur les 15,4 millions d'habitants, 39% se déclarent musulmans, 30% chrétiens, 12% animistes. Seuls 29% des musulmans de Côte d'Ivoire résident dans le Nord, et Abidjan, capitale économique et capitale de la « zone gouvernementale », abritait 20% des musulmans du pays. Mieux le secrétaire général de la rébellion, M. Guillaume SORO est chrétien et même ancien séminariste, alors que l'ancien Président de l'Assemblée Nationale, Mamadou KOULIBALY, sous le régime de Laurent Gbagbo, est musulman.

946 Voir Reflets Nations Unies n°4, Juin 2006, p.11.

947 Idem, p. 12.

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déployés par le Gouvernement ivoirien et des partenaires onusiens et européens afin que le droit à la santé ne soit pas une utopie totale en Côte d'Ivoire.

De même, il existe des obligations étatiques découlant des droits dérivés du droit à la santé. Dans le domaine de l'environnement, l'Etat a d'abord l'obligation urgente, entre autres, d'assurer l'hygiène publique et de veiller à son respect par toute la population. L'Etat a, ensuite, l'obligation de bien entretenir tout ce qui concourt à la santé et au bien-être des enfants et, partant de toute la population. L'Etat a, ensuite, l'obligation de bien entretenir tout ce qui concourt à la santé et au bien-être de la population (l'eau, l'électricité, la voirie...) et de créer notamment des aires publiques de stationnement, de divertissement et/ou de repos, de manière à contribuer au confort vital de la population. Malheureusement, le droit à l'environnement sain des enfants, apparait comme un droit souvent malmené en Côte d'Ivoire.

Consacré non seulement par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples948, mais aussi par le Protocole additionnel relatif aux droits des femmes949 , l'environnement se loge au coeur des grandes préoccupations contemporaines de l'être humain. Et, parce que toutes les personnes humaines ont un droit fondamental à un environnement approprié pour leur santé et leur bien-être , il pèse sur tous les Etats, une obligation fondamentale, à savoir : « conserver l'environnement et les ressources naturelles au profit des générations présentes et futures, maintenir l'écosystème, dispenser les règles écologiques, établir les priorités

948 L'article 24 de cette Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dispose : « Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement ».

949 Article 18 Protocole additionnel relatif aux droits des femmes en Afrique : «

1. Les femmes ont le droit de vivre dans un environnement sain et viable.

2. Les États prennent les mesures nécessaires pour:

a) assurer une plus grande participation des femmes à la planification, à la gestion et à la préservation de l'environnement ainsi qu'à l'utilisation judicieuse des ressources naturelles à tous les niveaux;

b) promouvoir la recherche et l'investissement dans le domaine des sources d'énergies nouvelles et renouvelables et des technologies appropriées, y compris les technologies de l'information, et en faciliter l'accès et le contrôle aux femmes ;

c) favoriser et protéger le développement de la connaissance des femmes dans le domaine des technologies indigènes.

d) réglementer la gestion, la transformation, le stockage et l'élimination des déchets domestiques ;

e) veiller à ce que les normes appropriées soient respectées pour le stockage, le transport et l'élimination des déchets toxiques. ».

363

relatives à l'environnement, en tout état de cause, coopérer de bonne foi en vue de la mise en oeuvre de leurs droits et obligations relatifs à l'environnement et au développement. »950.

On comprend dès lors, que se pose sur tous les points de la planète, un problème majeur, à savoir : « l'écodéveloppement »951 qui est l'indispensable conciliation du développement et de l'environnement. Et, cela se justifie par ceci que la question de l'environnement est née des effets des avancées technologiques et industrielles des sociétés modernes, et que l'on a senti, ou ressenti, la nécessité de gérer les ressources naturelles sans les dilapider, ou les gaspiller, et aussi de préserver l'environnement qui semble, partout, fort menacé. Ainsi, en 1972, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) a établi le principe « pollueur-payeur »952.

Curieusement, chez les Etats africains, qui n'ont pas de moyens techniques et financiers suffisants pour la reconversion de leurs industries, et qui sont généralement pauvres et sous-développés, le développement n'a pas de prix : on y constate alors un désir ardent et effréné au développement ou à la croissance économique, et ce, quel que soit le sacrifice ou le prix écologique à payer.

Dans ces circonstances, l'Afrique est devenue, aujourd'hui, le théâtre de problèmes environnementaux : nuisance d'activités industrielles polluantes, absence d'assainissement des eaux usées et des eaux d'égouts, mauvaise gestion des ordures ménagères et des déchets industriels. Plus grave, l'Afrique est devenue le dépotoir, ou la « poubelle » des pays industrialisés ou développés qui viennent y déverser leurs produits toxiques. L'affaire du Probo Koala en Côte d'Ivoire l'illustre éloquemment. En voici les faits :

950 MBAYE (K.), Les droits de l'Homme en Afrique, op. cit, p.211.

951 SACHS (I.), « Ecodéveloppement : une approche de planification », In : Economie rurale. n°124, 1978, pp.16-22. ; BERR (E.), « L'écodéveloppement comme fondement d'une économie politique du développement soutenable », In. Revue Francophone du Développement Durable, n°2, octobre 2013, 20 p. ; BERR (E.), « Le développement soutenable dans une perspective post keynésienne : retour aux sources de l'écodéveloppement », Économie appliquée, tome LXII, n°3, 2009, p.221-244.

952 OCDE- Direction de l'environnement, Le principe pollueur-payeur, Analyses et Recommandations de l'OCDE, Paris 1992, p.1-56. ; TRUDEAU (H.), « La responsabilité civile du pollueur : de la théorie de l'abus de droit au principe du pollueur-payeur », In. Les cahiers du droit, vol.34, n°3, 1993, pp.783-802. ; BELANGER (M.), « La faute civile en matière de responsabilité pour dommages environnementaux », dans FORMATION PERMANENTE DU BARREAU DU QUEBEC, Développements récents en droits de l'environnement, Cowansville, Editions Yvon Blais, 1991, pp. 149-161. ; PREVOST (A.), Les dommages en droit de l'environnement, dans Formation permanente du Bareau du Québec, Op. cit. , pp.205-221.

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Le 17 Aout 2006, un affréteur dénommé Jorge Marrero, de la société néerlandaise Trafigura LTD, s'adresse au représentant de Puma Energy953 à Abidjan, pour lui trouver, dans la capitale ivoirienne, une société capable d'enlever et de traiter les « slops954 » d'un navire battant pavillon panaméen : le « Probo Koala ».

Le Capitaine NZI KABLAN, représentant local de Puma, transmet cette requête à l'agent consignataire WAIBS-CI (West African International Business Services-Côte d'Ivoire) qui, à son tour, choisit la compagnie TOMMY955 qui venait, fraichement, d'être agréée en qualité d'avitailleur spécialisé dans le vidange, l'entretien et le soutenage des navires par arrêté N°0016MT/DGAMP/DTMFL du 12 juillet 2006 du Ministre des Transports.

Le vendredi 18 aout 2006, à 17 heures, au Port Autonome d'Abidjan (quai Petroci), le Probo Koala accoste et procède, pendant 30 heures, au déchargement de son contenu : 528 m3 de produits chimiques (chimicals slops), c'est-à-dire « 400 tonnes de boues issues du raffinage pétrolier, riches en matière organique et en éléments soufrés très toxiques956 (hydrogène sulfuré, H2S et mercaptans) ».

Des camions citernes affrétés par la compagnie TOMMY ont, ensuite pris ces produits puants et polluants, hautement toxiques, pour aller les déverser dans la nature, de façon disséminée, dans la quasi-totalité des communes d'Abidjan. En effet, en plus de la décharge d'Akouedo, une multitude de sites ont été découverts au fil des jours : Plateau-Dokoui, Vridi Canal, Ndotre, forêt du banco, Abobo-Baoulé, ravin de Coquivoire à Abobo Anador,

953 PUMA ENERGY est une filiale ( à 100%) de Trafigura LTD.

954 Les slops sont des quantités importantes de résidus huileux qui s'apparentent à des boues de type « mayonnaises ». Ils sont des émulsions inverses très stables d'eau dans le pétrole brut contenant des éléments solides. Voir LUCENA (E.), VERDUN (P.) AURELLE (Y.) SECQ (A.), « Nouveau procédé de valorisation des « slops » de raffineries et déchets huileux par distillation hétéro azéotropique », in Oil& Gas Science and Technology-Rev. IFP, Vol.58 (2003), n°3, p.353.

955 Petite société à responsabilité limitée, dotée d'un capital de 2,5 millions de FCFA, et fondée fraichement, Tommy semble avoir été spécialement créée pour piloter l'opération.

956 Contrairement aux « slops » ordinaires qui sont de simples eaux souillées, ces slops du « Probo Koala » sont des produits chimiques très toxiques comprenant notamment : l'anhydride sulfureux (SO2), l'hydrogène sulfureux (H2S), la soude caustique (NAOH). Dans le fax adressé le 17 Aout 2006 à M. NZI Kablan de Puma Energy, M. Jorge MARRERO a donné les précisions suivantes : « veuillez noter que les eaux usées à bord sont une mixture du gasoil avec la soude caustique et une forte concentration de sulfure. En raison de cette forte concentration en sulfure, la mixture a une forte odeur et doit être retirée du navire et stockée convenablement pour éviter les problèmes environnementaux et des problèmes avec des autorités (...) En raison du taux qui dépasse 2000 mg/l, ces eaux ne doivent pas être considérées comme des eaux Marpol mais des eaux usées chimiques ». Voir Fraternité Matin n°12556, du mercredi 13 septembre 2006.

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derrière le corridor de Gesco (sur la route d'Alépé), route d'Anyama957. Le déversement de toute cette quantité de `slops' à Abidjan, intra-muros et extra-muros, autorise à dire que la Côte d'Ivoire est devenue une « poubelle ».

A la vérité, ces déchets de haute toxicité, « qui émettent des vapeurs irritantes, suffocantes et asphyxiantes »958 ont eu des incidences extrêmement négatives sur l'environnement, la santé et la vie des populations.

En particulier, il y a eu pollution de l'air et de l'eau, destruction de la faune et de la flore, contamination des sols et des produits agricoles proches des sites de déversement. En outre, les populations ont été atteintes de maladies et de douleurs de divers genres : toux sèches, diarrhées, troubles respiratoires, brulures, démangeaisons, rougeurs et éruptions cutanées, maux de gorge, douleurs thoraciques, irritations de poumons, conjonctivites , convulsions, ballonnements de ventre, saignements du nez, picotements des yeux, céphalées, troubles gastriques, larmoiements, etc. Il en est résulté des évanouissements, des comas et des morts959. L'extrême fétidité et nocivité des odeurs émanant des produits toxiques ont aussi provoqué la fermeture de nombreux domiciles et lieux de travail, des déplacements de population à l'intérieur de la ville d'Abidjan, des zones très touchées vers les quartiers les moins infectés, c'est-à-dire plus sains et plus viables.

On le voit, dans cette affaire, « Probo Koala »960, les Ivoiriens, et en particulier, les enfants se sont vus gravement, voire, massivement, atteints dans leurs droits fondamentaux, notamment : droit à un environnement sain, droit à la santé, droit à la vie, droit à l'intégrité physique, droit au travail, droit à la paix. Et nul ne sait à ce jour, les effets actuels, continus

957 Communes et sous quartiers ayant été victimes du déversement des déchets toxiques.

958 Voir Fraternité Matin n°12556 du mercredi 13 septembre 2006, p.3.

959 Selon le quotidien « Le Jour Plus », il y eu quinze morts et cent mille (100.000) personnes intoxiquées. Voir le Jour Plus n°1064, du Jeudi 29 mars 2007, p.3.

960 Cette affaire de « Probo Koala », ou de catastrophe écologique ivoirienne, a entrainé de multiples interpellations, arrestations ou détentions dont celles de : Kouassi YAO, Théophile YOBOUE et Anne-Marie TETIALOU (douaniers en poste, au Port Autonome d'Abidjan, le 19 Aout 2006) ; Kablan NZI (de Puma Energy) ; Nolia Amoakon ( de Waibs-ci) ; Ibrahima Konaté et Ugborugbo Salomon Amejuma ( de Tommy), Colonel Tibé Bi Balou (Directeur des Affaires maritimes et portuaires). Le 14 septembre 2006, le Premier Ministre Charles Konan BANNY a suspendu certaines autorités politiques et administratives de leurs fonctions, motif pris de ce qu'elles auraient pris part au trafic des déchets toxiques. Ce sont : Marcel GOSSIO (Directeur Général du Port Autonome d'Abidjan) ; M. GNAMIEN Konan (Directeur Général des Douanes ivoiriennes) ; M. Pierre Djédji AMONDJI (Gouverneur du District d'Abidjan). Voir jeune Afrique n°2384, du 17 au 23 septembre 2006.

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et futurs de ces déchets sur les enfants, et les habitants de la Côte d'Ivoire en général. Bien que non souhaitables, ces conséquences inconnues affecteront, inéluctablement la vie et la santé des enfants d'aujourd'hui et de demain, eu égard à la nature de ces déchets déversés en Côte d'Ivoire ; ce faisant les droits à la santé et à un environnement sain des enfants se trouvent compromis à l'instar de leurs droits à l'éducation et au développement personnel qui sont en proie à une diversité d'atteintes.

§ 2. LES ATTEINTES AU DROIT A L'EDUCATION ET AU DEVELOPPEMENT PERSONNEL DE L'ENFANT

Nous aborderons ici les atteintes au droit à l'éducation (A), un faible développement des activités d'éveil (B) avant d'envisager la question du mariage forcé ou précoce qui se présente comme une pratique traditionnelle néfaste (C).

A. LES ATTEINTES AU DROIT A L'EDUCATION

Le concept d'éducation revêt plusieurs acceptions mais pour les besoins de la présente étude, nous retiendrons que l'éducation est « (...) l'action de développer les facultés morales, physiques et intellectuelles des individus appartenant à une société961 ». L'éducation est la pierre angulaire du développement de tout être humain en général et de l'enfant en particulier962. Le droit à l'éducation peut être considéré comme « le pivot des droits de l'enfant963» étant entendu que « c'est l'éducation qui donne, en fait, à l'enfant toute son humanité et toute sa dignité964 ». La CDE, en proclamant en son article 28, le droit à l'éducation, est allée plus loin en mettant en exergue les objectifs à atteindre par l'éducation. Elle doit en effet viser à favoriser l'épanouissement de la personne de l'enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques dans toute la mesure de leur potentialité. Ce droit à l'éducation a été repris par la Charte Africaine des Droits et

961 MENGUE (F.), « Introduction au droit à l'éducation », in Rapport des deuxièmes journées des responsables des Chaires et Instituts d'Afrique de l'Ouest et Centrale travaillant dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratie, Cotonou du 28 au 31 juillet 2003, p.174.

962 Cf. Observation Générale n° 13 du Comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies de 1999 en son paragraphe 1 (vingt et unième session) : « l'éducation est à la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de l'exercice des autres droits inhérents à la personne humaine. » .

963 UNICEF, La voix des jeunes, disponible sur : www.unicef.org/voy/frenc/explore/education/(consulté le 04/11/2015).

964 AGOSSOU (C.), op.cit, p.13.

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du Bien-être de l'enfant en son article 11. Le rôle de l'éducation dans le devenir de l'enfant n'est donc plus à démontrer.

Selon la Cour interaméricaine des droits de l'homme dans l'affaire Villagran Morales c/ Guatemala (paragraphe 84), « l'éducation favorise la possibilité de jouir d'une vie digne et contribue à prévenir des situations défavorables au mineur et à la société965». Si on emprunte à la psychologie de l'enfant, sa réflexion n'est pas encore développée, son corps aussi et ses agissements sont instructifs, voire naïfs, sinon maladroits. C'est une créature au départ sans culture, que la société à travers la famille et l'école, doit élever et éduquer966. Cette éducation est destinée à favoriser l'épanouissement moral et personnel de l'enfant. Dès lors, s'il est un impératif pour la société d'éduquer l'enfant, l'éducation est pour ce dernier, un droit fondamental967.

Sur le plan de l'épanouissement moral, l'éducation de l'enfant vise, au sens de l'Article 29 de la CDE, à le préparer moralement et intellectuellement à s'assumer une fois devenu majeur. Pour ce faire, l'éducation scolaire doit être à même d'inciter le développement de ses aptitudes intellectuelles. Il s'agit dans l'ensemble, d'inculquer à l'enfant pendant sa formation intellectuelle et multidimensionnelle, un ensemble de valeurs morales, sociales, culturelles et politiques nécessaires à la compréhension du monde. L'épanouissement intellectuel se trouve donc au bout de la transmission à l'enfant, d'un savoir positif graduellement développé, qui favorise son développement mental, la culture de son raisonnement et la perception spontanée mais profonde du sens des questions de la vie quotidienne voir existentielles968. L'épanouissement intellectuel de l'enfant conduit à la formation de sa personnalité. Cette personnalité est la base rationnelle de l'affirmation des caractères de l'adulte qui sommeillent en lui969. La personnalité acquise sera simplement renforcée et soignée au fil du temps pour lui permettre de se réaliser dans tous les maillons

965 MARTIN-CHENUT (K.), « La conciliation juridique de l'enfant dans la jurisprudence interaméricaine des droits de l'homme » in RSC, Paris, Dalloz, N° 2, avril-juin 2008, p.426.

966 MONTAIGNE, De l'institution des enfants, Essais. Livre premier, Paris, Nouveaux Classiques Larousse, 1965, pp.49-81.

967 Article 28 CDE ; Article 11 CADBE.

968 En ce sens, l'Art 11-2a de la CADBE est explicite : « l'Education de l'enfant vise à : a) promouvoir et développer la personnalité de l'enfant, ses talents ainsi que ses capacités mentales et physiques jusqu'à son plein épanouissement(...) ».

969 MONTAIGNE, De l'institution de l'enfant, opcit., pp.50-61.

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de la chaîne sociale et de devenir autonome. C'est pourquoi, Monsieur Alain SERIAUX affirme à propos de l'enfant que « l'éducation qu'il a reçu...a justement pour objet de l'aider à conquérir cette autonomie »970.

Suivant la Convention relative aux droits de l'enfant « Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation..., rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous, ...encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire...et prennent des mesures appropriées, telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin »971.

L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous, en fonction de leur mérite. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.

En application de ces obligations, l'Etat de Côte d'Ivoire s'efforce de réduire le taux d'analphabétisme qui atteint un seuil inquiétant. Le taux brut de scolarisation est passé de 2,8% en 2000/2001 à 6,9% en 2013-2014972. Ces résultats restent largement en deçà des prévisions à cause de la mobilisation insuffisante des ressources publiques pour ce secteur et la faible capacité des communautés à soutenir financièrement les encadreurs pour ce qui est des initiatives communautaires. Par ailleurs, la préscolarisation demeure un phénomène urbain (83%)973. Les défis à relever sont le développement intensif du préscolaire en général et singulièrement en zone rurale qui n'enregistre à ce jour que 17% des effectifs scolarisés. La mise en oeuvre de la politique « une école, une classe primaire » sera d'un apport appréciable974.

970 SERIAUX (A.), « Tes père et mère honoreras : Réflexions sur l'autorité parentale en droit français contemporain » in R.T.D.C., 1986, p.268.

971 Article 28, alinéa.1a§b. (CDE).

972 Ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement technique, Examen national 2015 de l'Education pour tous, Rapport-Bilan de mise en oeuvre de l'EPT en Côte d'Ivoire, novembre 2014, p.12.

973 Ibid.

974 Ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement technique, Examen national 2015 de l'Education pour tous, Rapport-Bilan de mise en oeuvre de l'EPT en Côte d'Ivoire, novembre 2014, p.13.

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La pauvreté étant le premier obstacle au droit à l'éducation, différentes mesures ont été prises par les autorités ivoiriennes en vue d'en atténuer les effets sur l'exercice du droit à l'éducation des enfants. Ainsi, ont été prises, des mesures d'accompagnement tels que le recrutement massif d'enseignants, la distribution gratuite de kits et manuels scolaires, la construction et la réhabilitation des salles de classes et des cantines scolaires, la valorisation des initiatives communautaires (écoles communautaires, écoles islamiques), l'assouplissement des conditions d'accès à l'école975.

Par exemple, sous la première République976, le Gouvernement ivoirien a instauré, dans l'enseignement primaire, le prêt-location d'ouvrages scolaires. Et, eu égard à la modicité du loyer à payer, les populations de plus de soixante-deux (62) sous-préfectures, considérées comme faisant partie des régions les plus pauvres de la Côte d'Ivoire (pour la plupart dans le Nord) ont pu bénéficier d'ouvrages scolaires à moindre coût. En 1999, 823000 manuels scolaires, sur un total de 1 134 000 acquis par l'Etat leur ont été gratuitement offerts977. En 2016, des Kits scolaires ont aussi été distribués dans plusieurs régions du pays. Ainsi, dans la région du Haut Sassandra, le Ministre de l'Education Nationale a pour cette année scolaire offert 270950 kits scolaires aux différentes écoles primaires dans le village de Gouagnani dans la sous-préfecture de Bédiala, en présence des acteurs du système éducatif, du corps préfectoral et des leaders politiques978.

Et, la mise en oeuvre des différents programmes a permis, entre 1963 et 2001, la multiplication par 6,5 du nombre de classes dans l'enseignement primaire : de 7725, ce nombre est passé à 47554. Dans l'enseignement secondaire, le nombre de classes a été multiplié par 20, passant, par là même, de 587 à 11800. Quant à l'effectif d'élèves dans le primaire, il a été multiplié par 60, passant ainsi de 33551 à 2102852, tandis que dans le secondaire général, il a été multiplié par 31, soit de 22229 à 687000. Le taux brut de scolarisation en 1999/2000 est, en matière d'accessibilité, estimé à 73,4 %. Le taux de scolarisation des garçons est de 53% contre 44,3% chez les filles. En milieu rural, ces taux

975 Ibid.

976 La première République ivoirienne a existé de 1960 à 2000.

977 KOFFI KONAN (E.), Les droits de l'Homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Tome 1, thèse de doctorat unique de droit public, Université de Cocody-Abidjan, UFR-SJAP, 2008, p.152.

978 KOUADIO (E.), « 270950 Kits aux écoliers », in Fraternité Matin n°15539, cité par le service de Communication de la documentation et des archives-Ministère de l'éducation nationale de la République de Côte d'Ivoire, Revue de presse du mardi 27 septembre 2016, p.2.

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sont respectivement de 43,5% chez les garçons et 34,31% chez les filles. Entre 1999 et 2000, l'effectif des filles scolarisées a augmenté de 3,6% contre 3,2% chez les garçons979.

De même, sous le régime actuel, le projet d'instauration de l'école obligatoire en Côte d'Ivoire pour les enfants de 6 à 16 ans a été adopté au cours d'un séminaire gouvernemental qui a eu lieu le 01er avril 2015 au Palais présidentiel980.

Il découle de tout ce qui précède que l'Etat de Côte d'Ivoire déploie quelques efforts afin que tout enfant vivant sur son territoire puisse pleinement jouir du droit à l'éducation. Toutefois, des incertitudes demeurent quant à l'effectivité optimale de ces droits.

Avant la crise politico-militaire ivoirienne, des efforts ont été déployés de façon notable, par l'Etat ivoirien pour favoriser la mise en oeuvre du droit à l'éducation : ce qui a permis de réduire, par là même, le taux d'analphabétisme. Ainsi, pour l'année scolaire 2001-2002, le

979 KOFFI KONAN (E.), Les droits de l'Homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Tome 1, thèse de doctorat unique de droit public, Université de Cocody-Abidjan, UFR-SJAP, 2008, p.160.

980 « L'objectif, donc, de ce séminaire, est de réfléchir et de discuter sur toutes les conditions qui vont permettre à ce projet présidentiel d'être un succès. Nous avons beaucoup parlé de statistiques, des tranches d'âge concernées, le nombre de classe à construire, quel peut être l'apport du secteur privé, le nombre et le type d'enseignants qu'il faut. Ce sont toutes ces discussions qui vont faire l'objet d'une présentation formelle au chef de l'Etat lundi prochain... » Propos du Premier ministre Daniel Kablan DUNCAN. Le ministre de l'éducation nationale, Madame Kandia CAMARA, a renchéri pour indiquer que ce sont 5% des enfants du primaire qui ne sont pas scolarisés pour 95, 5% de taux de scolarisation. Pour elle, cela reste un défi à révéler : « Dans les années à venir, ce sont 14.000 salles de classes qui seront nécessaires pour accueillir tous les enfants en âge d'être scolarisés. Pour ce faire, il va falloir recruter des enseignants, continuer la politique sociale du Président de la République qui est la gratuité de l'école. Il faut prévoir des kits scolaires, des manuels, des cantines. C'est de cela que nous avons parlé à ce séminaire. Mais, il y en aura un second présidé, cette fois-ci par le président lui-même. Après, nous irons devant l'Assemblée Nationale pour présenter le projet. Et ce que nous attendons des Ivoiriens, c'est qu'ils s'approprient ce projet. Parce qu'aucun pays au monde, n'a pu atteindre l'émergence sans une politique éducative, concernant la scolarisation universelle, c'est-à-dire 100% d'enfants scolarisés », a-t-elle révélé avant de poursuivre : « c'est un défi pour le pays, mais c'est un défi qui peut être réalisé au vu des acquis. Il faut savoir que pour que le programme puisse démarrer à la rentrée prochaine, il faudra 3.855 salles de classes. A ce jour, nous avons lancé la construction de 3000 salles de classes. Et le Premier ministre nous a indiqué que des dispositions seront prises pour que le programme démarre dès la rentrée prochaine. ». La première responsable du ministère de l'éducation nationale est revenue sur les troubles que le système éducatif a connus. Elle s'est voulu rassurante : « Les salaires seront bel et bien débloqués, le Président Ouattara l'a confirmé. C'est le Président lui-même qui a pris la décision de débloquer, après 27 années, tous les salaires des fonctionnaires seront revalorisés. Il maintient sa décision et je confirme ici que les salaires seront bel et bien débloqués. Ce que nous souhaitons, c'est que l'ensemble des syndicats lève son mot d'ordre de grève, et que tous les enseignants et les élèves reprennent le chemin de l'école dès la fin des vacances de Pâques, pour que nous puissions poursuivre l'année scolaire, mais aussi bien préparer les examens, dont les dates ont été annoncées. Et cela, afin que nous puissions tous ensemble obtenir de bons résultats de fin d'année aux différents examens pour le bonheur de nos enfants et de nous-mêmes, leurs parents. Et, ce dans l'intérêt de la Côte d'Ivoire », a exhorté Kandia Camara.

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taux brut de scolarisation était-il de 89,3% pour les garçons et 67,1% pour les filles, soit 73,8% pour les deux sexes981. Mais eu égard au conflit armé qui a éclaté le 19 septembre 2002, le système éducatif ivoirien a connu un recul : il fut même particulièrement sinistré : des écoles détruites, des enseignants assassinés, des enfants enrôlés pour la guerre. Dans la zone anciennement sous contrôle gouvernementale, en raison des déplacements massifs des populations, la demande en matière éducative, excédait largement « les capacités d'accueil des établissements scolaires »982 déjà insuffisantes avant la crise. En zone ex-rebelle, « la détérioration des infrastructures scolaires et le manque d'enseignants titulaires-80% des enseignants sont des bénévoles, ont gravement affaibli le système éducatif et le nombre d'enfants scolarisés a considérablement baissé »983. Du fait de la crise politico-militaire, le nombre d'enfants privés de la scolarité primaire a été estimé, pour l'année 2002, à « plus de 700000 ». Mais après trois années, « ce chiffre est passé à plus d'un million, sans compter les enfants, qui même sans la crise, étaient hors du circuit scolaire ou n'y accédait pas en raison de l'inadéquation entre l'offre et la demande sociale d'éducation et/ou en raison des autres freins à la mise en oeuvre d'une politique d'éducation pour tous. Les filles restent l'un des groupes les plus vulnérables... »984 ; Ce triste constat du système éducatif ivoirien n'est point l'apanage de la Côte d'Ivoire en Afrique de l'Ouest. C'est d'ailleurs, ce qui ressort des résultats d'une étude réalisée par l'Enseignant-Chercheur Chrysal KENOUKON qui affirme sans ambigüité que le droit à l'éducation n'est pas véritablement réalisé au Benin et au Togo. Selon lui, «le système éducatif au Benin et au Togo ne tient pas compte de leurs réalités sociologiques, culturelles et de leurs besoins de développement. L'école primaire ne donne qu'une connaissance théorique et l'enseignement secondaire et celui universitaire accusent également des faiblesses de même nature, liées notamment au déséquilibre numérique985».

A l'instar du droit à l'éducation, le droit aux loisirs se veut quasi ineffectif en Côte d'Ivoire à travers un faible développement des activités d'éveil.

981 Voir Reflets Nations Unies n°4, juin 2006, p.16.

982 Ibidem.

983 KOFFI (K. E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, idem, 2008, p.252.

984 Ibidem.

985 KENOUKON (C. A.), Effectivité et efficacité des normes fondamentales et prioritaires de l'OIT : cas du Bénin et du Togo, Genève BIT, 2007, p.132.

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B. UN FAIBLE DEVELOPPEMENT DES ACTIVITES D'EVEIL

L'un des pôles d'épanouissement et de développement de l'enfant est sa participation à des activités récréatives ainsi que le reconnaît la convention relative aux droits de l'enfant. C'est pourquoi, elle fait obligation aux Etats parties, de mettre à la disposition des enfants « les moyens appropriés de loisirs et d'activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d'égalité.986 »

Le jeu, les loisirs et activités récréatives ne se limitent pas à la simple activité de distraction et de divertissement. Bien au-delà et ce, d'un point de vue physiologique, il s'avère être une panacée au maintien d'une bonne santé physique et mentale de l'enfant. Les premiers pas des enfants en bas âge sont le plus souvent obtenus par la pratique de certains jeux. De même, certains enfants frappés de handicaps corporels ou psychiques recouvrent la santé à l'exercice de certains jeux à caractère rééducatif. Ainsi, des activités comme la lecture et le sport ont pu permettre à bon nombre d'enfants, d'afficher des aspects plus gais et de se soustraire des conditions délétères dans lesquelles ils vivent.

Aussi, doit-on reconnaître au jeu, aux loisirs un puissant vecteur de socialisation de l'enfant. A cet effet, par le jeu, le sport, les loisirs, les enfants apprennent à comprendre la société et sa dynamique, à développer l'esprit d'initiative et de créativité. Quant aux activités collectives, elles suscitent des rapports d'interaction, favorisant l'esprit de communion, d'entraide et de compréhension. Le jeu devient un support de formation et de détection des qualités intrinsèques de chaque enfant. L'importance des jeux et autres activités d'éveil pour le développement de la petite enfance n'est plus à démontrer. En effet, le jeu stimule l'épanouissement des capacités sensorielles, psychomotrices et mentales chez le petit enfant. Et tous les enfants de 0 à 8 ans devraient avoir droit au jeu à travers des espaces aménagés à cette fin, accéder à des jouets appropriés à leur âge et sous la vigilance de parents attentifs ou de personnel spécialisé, etc. De nombreux parents ne parviennent pas à offrir un cadre de vie oisif et stimulateur à leurs enfants. Et de nombreux enfants n'ont jamais eu la chance de posséder entre leurs mains des jouets leur appartenant. Ce qui les conduit souvent à rechercher chez les voisins et très souvent dans la rue, avec d'autres enfants de leur âge, des occasions de jeu qui comportent parfois des dangers pour eux-mêmes. Qui plus est, les rares

986 Article 31 CIDE.

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espaces collectifs de jeux aménagés pour les enfants ont aujourd'hui disparu, les sites les abritant se sont mués en lieux d'habitations ou de commerce.

Justifiant le non réalisation de ce droit aux loisirs en Côte d'Ivoire, le Professeur Francis WODIE, en sa qualité de candidat à l'élection présidentielle affirme : « Une société où le droit au travail n'existe pas, le droit aux loisirs risque de n'être que pure illusion. Le loisir, en effet, n'est possible que si les besoins vitaux sont satisfaits ; or, le loisir reste une activité nécessaire, créatrice et enrichissante, qui demande à être organisée et rendue accessible, ce temps libéré est essentiel si l'on veut rendre à l'homme sa véritable dimension d'homme total. Culture, art et loisir constituent trois composantes essentielles de la vie de la Nation comme de chaque être, parce que la vie a besoin de cette dimension ludique pour atteindre le meilleur de la créativité et de l'épanouissement individuel et collectif »987. C'est pourquoi, l'Etat de Côte d'Ivoire se doit de créer des aires de jeux pour enfants, soutenir les activités qui s'y dérouleront afin de donner à chaque enfant, sans discrimination, la joie de vivre. Cette joie de vivre est malheureusement une pure vue de l'esprit pour nombre d'enfants engagés dans les liens d'un mariage forcé ou précoce qui apparait manifestement comme une pratique traditionnelle néfaste.

C. LE MARIAGE FORCE ET/OU PRECOCE : UNE PRATIQUE TRADITIONNELLE NEFASTE

La notion de mariage forcé doit s'entendre comme étant un mariage conclu sans le consentement valable des deux parties. En d'autres termes, l'un comme l'autre « futurs époux » n'a pas eu ou n'ont pas eu le choix de se soustraire à la contrainte exercée par la famille. L'article 3 de la loi ivoirienne sur le mariage énonce que « chacun des futurs époux doit consentir personnellement au mariage. Le consentement n'est pas valable s'il a été extorqué par la violence ou s'il n'a été donné que par suite d'une erreur sur l'identité physique ou civile de la personne ». Or, dans ce type de mariage, l'absence de consentement personnel est claire. Le plus souvent, la future épouse subit des violences indicibles de la part de sa famille dont la priorité est de conclure « une affaire ». La Convention internationale des droits de l'enfant interdit et condamne le mariage d'enfants988. En outre,

987 WODIE (F.), 100 questions-100 réponses pour la Côte d'Ivoire nouvelle, Programme de gouvernement du P.I.T, 2009, p.30.

988 Voir Article 12 CIDE :

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l'alinéa 2 de l'article 16 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dispose que les fiançailles et les mariages d'enfants n'ont pas d'effets juridiques989. La Charte africaine sur les droits de l'enfant se prononce également sur le mariage précoce en interdisant les mariages et les fiançailles d'enfants. De plus, selon la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le libre consentement est une condition fondamentale de validité du mariage ; le « oui » donné doit être exempt de vice, libre et éclairé. Nier ce principe entrainerait une atteinte à un droit fondamental énoncé dans les textes nationaux comme internationaux.

Malgré son interdiction juridique formelle, cette pratique ancestrale demeure encore ancrée dans les usages dans certains milieux en Côte d'Ivoire, violant ainsi, les droits de l'enfant. Selon l'Unicef « Le mariage d'enfants a pour conséquences probables la grossesse et la maternité chez ces adolescentes, ce qui entraine des risques non négligeables pour la

« 1. Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. »

989Article 16 Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes :

1. Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme :

a) Le même droit de contracter mariage ;

b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement ;

c) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution ;

d) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants ; dans tous les cas, l'intérêt des enfants sera la considération primordiale ;

e) Les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l'espacement des naissances et d'avoir accès aux informations, à l'éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d'exercer ces droits;

f) Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d'adoption des enfants, ou d'institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale; dans tous les cas, l'intérêt des enfants sera la considération primordiale;

g) Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne les choix du nom de familles d'une profession et d'une occupation;

h) Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d'acquisition, de gestion, d'administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu'à titre onéreux.

2. Les fiançailles et les mariages d'enfants n'auront pas d'effets juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, seront prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l'inscription du mariage sur un registre officiel.

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santé de la mère et du bébé. Les jeunes filles, une fois mariées, sont censées effectuer la majeure partie des tâches ménagères. Leur jeunesse et leur manque d'expériences les expose à la violence familiale et aux sévices sexuels, y compris à des rapports sexuels non désirés avec leur mari. Il y a peu de chances que celui-ci les protège en utilisant un préservatif, ce qui les expose au risque de contracter des infections sexuellement transmissibles, notamment le VIH »990.

En effet, le mariage forcé entrave le développement de l'enfant, le prive de son éducation, de sa santé et de son avenir et représente un risque particulier pour la santé des jeunes filles. En effet, celles-ci sont trop jeunes, d'une part, pour avoir des relations sexuelles et, d'autre part, pour supporter les conséquences d'une grossesse. Ainsi, elles meurent donc très souvent en couches ou survivent avec de graves séquelles sur le plan de leur santé. De plus, les enfants victimes de mariages forcés sont privés de leur droit à l'éducation et, par conséquent, du droit d'accès à un avenir meilleur. En Côte d'Ivoire, le mariage précoce reste une pratique coutumière qui nuit gravement au développement et à l'avenir des enfants et demeure donc une problématique grave et d'actualité. En effet, il est par exemple estimé que 35% des femmes entre 20 et 24 ans ont été mariées avant 18 ans, et 8% avant 15 ans991.

Le mariage précoce992 est une pratique violant les droits humains universellement reconnus mais également les lois ivoiriennes. Nombreux sont les instruments internationaux qui interdisent et condamnent le mariage d'enfants. L'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant se rapporte d'une certaine façon au mariage précoce en stipulant que l'enfant a le droit d'exprimer librement son opinion pour toute décision qui le concerne. La Convention interdit également toute sorte de brutalité, de violence sexuelle et d'exploitation préjudiciables au bien-être de l'enfant. En outre, l'alinéa 2 de l'article 16 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dispose que les fiançailles et les mariages d'enfants n'ont pas d'effets juridiques. La Charte africaine sur les droits de l'enfant se prononce également sur le mariage précoce en interdisant les

990 UNICEF, Progrès pour les enfants, Un bilan de la protection de l'enfant, New York, septembre 2009, p.11.

991 Girls not brides, where does it happen? : http://www.girlsnotbrides.org/where-does-it-happen/ (consulté le 25 novembre 2014).

992 Le mariage précoce est le mariage des enfants ou adolescents âgés de moins de 18 ans .Si un tel mariage est contesté par la suite, il est assimilé à un détournement de mineur, qui est une faute pénalement sanctionnée à travers les articles 355 à 359 du Code pénal ivoirien.

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mariages et les fiançailles d'enfants. En effet, la loi n°64-375 du 7 octobre 1964 modifiée par la loi n°83-800 du 2 Août 1983 relative au mariage énonce en son article premier que : « l'homme avant vingt ans révolus, la femme avant dix-huit ans révolus, ne peut contracter mariage » sauf si le Procureur le leur accorde pour motifs graves. Les motifs graves, c'est notamment lorsque la jeune fille porte une grossesse ou s'est déjà volontairement établie sous le même toit que son futur époux. En dehors donc de ces motifs, nul n'a le droit de donner en mariage une mineure de moins de 18 ans. Cela est valable tant pour le mariage légal que pour le mariage coutumier. La loi dans ce cadre est donc particulièrement protectrice à l'égard des enfants, favorisant ainsi leur liberté d'exercer leur droit de choisir. De plus, si consentement il y a, sa valeur et sa validité peuvent être remise en cause compte tenu du jeune âge des deux parties, notamment en ce qui concerne leur capacité.

En Côte d'Ivoire, les principales données existantes sur la question sont fournies par des enquêtes de démographie et de santé (EDS CI III) réalisées en 2012. Ainsi, l'EDS 2012 montre que : 20,7% d'adolescentes de 15 à 19 ans sont mariées ou en union, 36% des femmes mariées ou en union ont moins de 18 ans ; 12% avait déjà atteint l'âge de 15 ans lors du mariage. En revanche, seuls 6% des hommes sont en union avant les 18 ans. Le phénomène de mariage précoce est pratiqué dans toutes les régions de la Côte d'Ivoire avec une plus grande propension au Nord et au Nord-Ouest. En effet, dans ces deux régions, 50% des femmes âgées de 25-49 ans se sont mariées avant l'âge légal qui est de 18 ans. L'âge médian au mariage varie considérablement entre les milieux urbain et rural et les chiffres disponibles confirment que c'est dans ce dernier milieu rural que le mariage précoce est plus important. Les résultats de l'EDS-CI III montrent qu'en Côte d'Ivoire, les adolescentes issues d'un milieu rural ou défavorisé (45%) sont quatre fois plus exposées à une union précoce que celles issues d'un milieu urbain ou aisé (11%).

Or, ces grossesses prématurées contribuent à des taux de mortalité maternelle et infantile élevés. En outre, un mariage précoce expose beaucoup plus les filles à de graves risques pour leur santé liés à la grossesse et à l'accouchement. En effet, elles sont exposées à des pathologies dont elles gardent parfois des séquelles à vie telles que la stérilité ou les fistules obstétricales993. A cette réalité macabre, s'additionne le fait que de nombreuses adolescentes,

993 La fistule obstétricale est la constitution d'une communication anormale (une fistule) entre la vessie et le vagin (fistule vésico-vaginale) ou entre la vessie et le rectum (fistule vesico-rectale) survenant à la suite d'une

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contraintes à des mariages précoces, sont victimes de violences domestiques prolongées et parfois d'abandons ; ce qui plonge ces jeunes filles dans une extrême pauvreté et accroît le risque de les voir basculer dans la prostitution ou le suicide.

Depuis quelques années, des actions de sensibilisation et des actions de prévention ont été menées pour lutter contre ce fléau994. Cependant, malgré les impacts positifs de ces actions, beaucoup reste encore à faire, car elles ont été parcellaires et ne s'inscrivent pas dans des actions programmatiques ciblant la lutte contre les mariages précoces. Ces actions sont limitées dans la mesure où elles ne prennent pas en compte tous les aspects liés à certaines problématiques (économique, culturel, communautaire...).

En tout état de cause, qu'il soit forcé ou précoce, le mariage des enfants en Côte d'Ivoire constitue une atteinte au droit au mariage librement consenti et à la famille. En effet, « A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage et lors de sa dissolution. Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a le droit à la protection de la société et de l'Etat »995. Quoique libre, le mariage996 obéit, dans le droit positif ivoirien, à certaines conditions de fond et de

grossesse compliquée. Elle survient d'ordinaire pendant un accouchement prolongé, quand une femme n'obtient pas la césarienne qui serait nécessaire. La fistule est un problème mondial, mais elle est surtout commune en Afrique. http://www.who.int/features/factfiles/obstetric_fistula/fr/ (consulté le 20/06/2017) ; https://www.unfpa.org/sites/default/files/resource-pdf/FR-SRH%20fact%20sheet-Fistula.pdf ( consulté le 20/06/2017).

994 L'édition 2012 de la Commémoration de la Journée Internationale de la Fille organisée par la Côte d'Ivoire s'inscrit dans une dynamique d'appui aux initiatives du Gouvernement, de la Société Civile et des organisations religieuses dans les activités de sensibilisation de masse sur le phénomène du mariage précoce. Des campagnes de sensibilisations ont été menées par des ONG nationales et internationales comme ODAFEM, ONEF, IRC... et par les partenaires internationaux. Face à la situation spécifique des mariages précoces, les réponses apportées s'inscrivent dans le cadre des engagements régionaux et internationaux. Grâce à ces actions conjuguées plusieurs leaders religieux et communautaires sont engagés dans la lutte contre le phénomène du mariage précoce.

995 Article 16 alinéa 1 D.U.D.H.

996 Selon le Professeur Anne Marie ASSI-ESSO, « Dans le droit traditionnel africain, le mariage est une convention par laquelle deux groupes parentaux (clan, lignage) consentent à l'union d'un homme et d'une femme. Par-delà les époux, le mariage traditionnel est l'union de deux familles. Cette conception traditionnelle a été abandonnée par le législateur ivoirien pour une conception occidentale.

Le mariage moderne est l'union d'un homme et d'une femme qui consentent seuls à se prendre désormais pour époux selon un certain rituel ».

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forme. Les conditions de fond, qui sont au nombre de six, sont fixées par la loi n°64-375 du 07 octobre 1964 relative au mariage, modifiée par la loi n°83-800 du 2 août 1983.

Initialement, la différence de sexe997 signifiait que les futurs époux doivent être de sexes différents ou opposés. Par conséquent, le mariage homosexuel998 est formellement interdit en Côte d'Ivoire et est assimilé à un acte inexistant. En ce qui concerne l'âge matrimonial, la déclaration universelle de 1948 ne fixe pas un âge précis pour le mariage. Elle se borne à affirmer que l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille à partir de l'âge nubile. Quant à la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant adoptée en juillet 1990 à Addis-Abeba (Ethiopie), elle dispose que les mariages d'enfants sont interdits et que « l'âge minimal requis pour le mariage est de 18 ans »999. Mais, la loi ivoirienne du 07 octobre 1964 modifiée par celle du 2 août 1983, énonce que le mariage est de vingt (20) ans révolus pour l'homme et dix-huit (18) ans révolus pour la femme. Ainsi, l'âge matrimonial est donc différent de celui de la majorité civile qui est de vingt et un (21) ans pour les deux sexes. Pourtant, le Comité a considéré que l'âge nubile « devrait être fixé en fonction de la capacité des futurs époux de donner leur libre et plein consentement personnel »1000 et « selon les mêmes critères pour les hommes et pour les femmes (...) de façon à permettre à la femme de prendre une décision en toute connaissance de cause et sans contrainte dans les formes et les conditions prescrites »1001.

Voir ASSI-ESSO (A.-M.), Précis de droit civil. Les personnes- La famille, L.I.D.J, Abidjan, 2e édition, 2002, p.239.

997 Articles 1 et 4 de la loi sur le mariage.

998 La question du mariage homosexuel rentre dans le cadre de la problématique des LGBT qui fait désormais l'objet de débat au niveau des Nations Unies ; Voir à ce sujet, la Déclaration des Nations Unies sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre ; CCPR/C/50/D/488/1992 (31 Mars 1994) Toonen c. Australia, Communication n°. 488/1992, paragraphe 8. 2 (établissant que la pénalisation des comportements homosexuels en Tasmanie était une violation du droit à la vie privée garanti par l'art. 17 du PIDCP) ; De la même façon, la Cour européenne des droits de l'homme interprète les dispositions relatives à la vie privée et à la discrimination prévues par la Charte européenne des droits de l'homme comme s'appliquant aux LGBT. Voir : C.E.D.H., Salguero da Silva Mouta (1999) App n° 33290/96, paragraphe.34-36 (retenant que le déni de droits parentaux fondé sur l'orientation sexuelle constituait un cas inacceptable de discrimination) ; C.E.D.H., Dudgeon v. UK (1983) App n° 7525/76, ECHR, séries A, n° 45 (retenant que la loi interdisant les pratiques homosexuelles en Irlande du Nord viole le droit à la vie privée du plaignant) ; voir aussi les Principes de Jogjakarta sur l'application du droit international des droits humains en matière d'orientation sexuelle et d'identité de genre.

999 Voir Article 21 de la Charte africaine des droits et du Bien-être de l'enfant.

1000 CCPR, Observation générale n°19 : La protection de la famille, le droit au mariage et l'égalité entre époux (article 23), 27 juillet 1990, par.4.

1001 CCPR, Observation générale n°28 : Egalité des droits entre hommes et femmes (article 3), 29 mars 2000, par.23.

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En tout état de cause, l'âge matrimonial, l'âge nubile ou encore âge de puberté ne fait que présumer l'aptitude physiologique au mariage. C'est pourquoi, en dessous de cet âge, l'homme et la femme peuvent, exceptionnellement, contracter mariage s'ils obtiennent une dispense d'âge accordée par le procureur de la République, et ce pour des motifs graves, comme l'hypothèse de la grossesse qui constitue une preuve patente de leur aptitude physiologique.

La troisième condition est le consentement personnel des époux1002, soit l'expression de la volonté manifeste de l'homme et la femme d'être uni par le lien conjugal. Un tel consentement doit être sérieux et exempt de vice. En effet, « consensus non concubitus facit nuptias »1003 dit l'adage. Dès lors, c'est à bon droit que le consentement est exigé par l'article 16 précité de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui dispose : « Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux ». Quant à l'article 21 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, il interdit « la promesse de jeunes filles et garçons en mariage ».

Aux termes de l'article 3 de la loi ivoirienne sur le mariage, les futurs époux1004 doivent consentir personnellement à leur mariage, et ce, qu'ils soient majeurs ou mineurs. Cependant, lorsqu'ils sont encore mineurs, le consentement des futurs conjoints doit être complété soit par celui des père ou mère, qui exerce les droits de la puissance paternelle, soit celui du tuteur1005 ou soit par celui du juge. Ce même mariage prévoit deux vices du consentement au mariage, savoir la violence et l'erreur sur l'identité physique ou civile de la personne. Par application de cette nécessité du consentement libre et éclairé, un enfant ne peut être contraint par ses parents à épouser une personne contre son gré.

1002 Article 3de la loi ivoirienne du 07 octobre 1964 modifiée par celle du 2 août 1983.

1003 « C'est le consentement, non le coucher, qui fait le mariage ». ROLAND (H.), Lexique juridique des expressions latines, 6e édition, 2014, p.57.

1004 Pareillement, l'article 6 (a) du Protocole à la charte africaine et des peuples relatifs aux droits de la femme en Afrique énonce que : « Aucun mariage n'est conclu sans le plein et libre consentement des deux époux ». 1005 Aux termes de l'article 8, alinéa 2 de la loi sur le mariage, le droit de consentir au mariage du mineur revient au tuteur lorsque les père et mère sont morts, inconnus ou dans l'impossibilité de manifester leur volonté, s'ils n'ont pas de résidence connue ou s'ils sont l'un et l'autre déchus des droits de la puissance paternelle. A défaut de tuteur, l'autorisation échoit au juge : elle est demandée par requête au président du tribunal ou de la section de tribunal de la résidence du mineur.

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Toutes les conditions susmentionnées sont des conditions de fond1006 auxquelles s'ajoutent des conditions de forme comme la célébration du mariage par un officier de l'état civil. En effet, aux termes de l'article 19 de la loi relative au mariage, « seul le mariage célébré par un officier de l'état civil a des effets légaux »1007. Tel n'est pas le cas de ces mariages précoces et/ou forcés qui se pratiquent clandestinement au mépris des lois de la République ivoirienne.

Outre cela, l'on constate une atteinte plurielle au droit des enfants à la participation.

1006 Les autres conditions de fond sont les suivantes :

La prohibition de la bigamie : ayant opté pour le mariage monogamique, le législateur ivoirien a prohibé la bigamie en ces termes : « nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du précédent... » . Cette prohibition expresse de la bigamie entraine, en bonne logique, celle de la polygamie et de la polyandrie. Il s'ensuit qu'il est interdit à un même homme d'avoir simultanément plusieurs épouses, et à une même femme d'avoir simultanément plusieurs maris. C'est dire que le mariage présuppose que les futurs conjoints soient célibataires, divorcés ou veufs.

Dans la pratique, les femmes mariées soutiennent avec hargne l'interdiction de la polygamie prescrite par la loi car elles n'aimeraient pas partager leurs époux avec d'autres femmes. A contrario, les femmes célibataires ont toujours contesté et vilipendé la loi prohibant la polygamie qu'elles trouvent inique, en ce sens que cette loi réduit sérieusement leur chance d'avoir un mari.

Quant aux hommes, ils contournent, par des manières diverses cette prohibition de la polygamie. Certains contractent plusieurs unions coutumières, et vivent sous le même toit avec leurs « épouses coutumières » optant ainsi délibérément de vivre en marge du droit moderne. D'autres contractent un mariage légal, puis entretiennent une ou plusieurs « illégitimes », c'est-à-dire des maitresses, cela, en dehors du domicile conjugal, et au mépris du droit interne et international.

La prohibition de l'inceste : S'inspirant de l'anthropologie, la loi ivoirienne sur le mariage interdit, pour des raisons de moralité et de santé, l'union conjugale entre certains parents. Ainsi, aux termes de l'article 10, le mariage est prohibé, en ligne directe, entre tous les ascendants et descendants et les alliés de la même ligne. Autrement dit, le mariage est interdit entre père et fille, mère et fils, grand-père et petite fille, grand-mère et petit-fils, entre arrière-grands-parents et leurs petits-enfants.

Selon l'article 11, le mariage est prohibé, en ligne collatérale, entre frère et soeur. Il est, en outre, prohibé entre oncle et nièce, tante et neveu et entre alliés au degré de beau- frère et belle-soeur, lorsque le mariage qui produisait l'alliance a été dissous par le divorce. Exceptionnellement, certains parents peuvent être autorisés à se marier entre eux s'ils obtiennent une dispense du procureur de la République, et ce, pour des causes graves. Le respect du délai de viduité : le délai de viduité est de trois cent (300) jours ; ce qui correspond à la durée maximale d'une grossesse. Ce délai est fixé par l'article 9 de la loi sur le mariage selon lequel la femme ne peut contracter un nouveau mariage qu'après trois cents (300) jours révolus depuis la dissolution du mariage précédent. Ce délai peut être abrégé dans deux hypothèses : d'une part, il prend fin de plano en cas d'accouchement ; d'autre part, il prend fin par décision du juge à la demande de la femme, lorsqu'il est évident que depuis trois cents (300) jours révolus, le mari n'a pas cohabité avec elle. Au fond, le respect du délai de viduité permet d'éviter la confusion de paternité.

1007 Il procède de là que le législateur ivoirien n'accorde point de valeur juridique aux mariages coutumiers et aux mariages religieux.

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§ 3. DES ATTEINTES AUX FORMES DE PARTICIPATION DE L'ENFANT

La participation peut être définie comme l'action de prendre part à quelque chose, par le fait d'être impliqué dans le processus de décision qui nous concerne ou qui concerne la communauté au sein de laquelle nous vivons1008. Toutefois la participation ne se limite pas à donner son avis ou son opinion sur une question, une situation ou une institution, définies par quelqu'un d'autre ; elle implique de pouvoir contribuer à l'élaboration de la question, à la détermination des objectifs et à la structure de l'organisation ou de l'institution1009. Ce droit de participation des enfants est affirmé à l'article 12 de la Convention des Nations Unies en ces termes : « 1. Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité... »1010. La reconnaissance du droit de l'enfant de participer aux décisions qui sont prises en son nom ou à son sujet nous force à sortir du discours concernant le pouvoir d'agir de l'adulte pour assurer le bien-être de l'enfant, via le principe de l'intérêt de l'enfant, pour envisager également le pouvoir d'agir de l'enfant lui-même en tant que gardien de ses propres droits1011. Il s'agit d'un changement important dans la manière de concevoir les droits de l'enfant. Le droit de participation s'apparente au droit à l'autonomie1012 ; Ce changement de perspective ne pouvait qu'entrainer son lot de critiques1013. Malgré ces

1008 LAVALLEE (C.), La protection internationale des droits de l'enfant : entre idéalisme et pragmatisme, Bruylant, 2015, p.66.

1009 LAVALLEE (C.), La protection internationale des droits de l'enfant : entre idéalisme et pragmatisme, Bruylant, 2015, p.66.

1010 ZANI (M.), 1996, La convention internationale des droits de l'enfant : Portée et Limites, Lyon Publisud, pp.225-239, voir annexe 3 pp.97-107.

1011 LAVALLEE (C.), « La parole de l'enfant devant les instances civiles ; une manifestation de son droit de participation selon la Convention internationale relative aux droits de l'enfant », in V. FORTIER et S. LEBREL-GRENIER (dir.), La Parole et le droit, Rencontres juridiques Montpellier-Sherbrooke, éd. R.D.U.S., 2009, pp. 121-137.

1012 LAVALLEE (C.), La protection internationale des droits de l'enfant : entre idéalisme et pragmatisme, Bruylant, 2015, p.65.

1013 THOMAS (N.), « Toward a theory of Children's participation », Int'l J. Child. Rts., vol.15, 2007, pp.199-218, spéc. p.202.

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critiques, désormais, dans une société démocratique, tous les citoyens ont le droit de participer, y compris les enfants. Leur donner l'information adéquate à leur âge, les écouter, les associer aux prises de décisions, à la maison, à l'école, au village, dans leur quartier, est de la responsabilité de tous les Etats ayant ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant qui place la participation comme l'un de ses quatre principes fondamentaux1014.

Malgré cette reconnaissance juridique de la participation des enfants, en Côte d'Ivoire, on observe une quasi-inexistence du droit à la participation au niveau familial et scolaire (A) et une négation du droit à la participation à la vie publique et socio-économique (B).

A. LA QUASI INEXISTENCE DU DROIT A LA PARTICIPATION AU NIVEAU FAMILIAL ET SCOLAIRE

Elle se traduit par un faible niveau de participation à la vie familiale ainsi qu'à la vie scolaire.

1. Un faible niveau de participation à la vie familiale

La reconnaissance du droit de l'enfant à la prise de parole modifie théoriquement les relations traditionnelles entre les enfants et leurs parents. Ces derniers ne sont plus simplement considérés comme des prestataires de services ou des titulaires d'obligations parentales exercées dans un but de protection, ils doivent désormais agir de manière à donner aux enfants un espace pour exprimer leur opinion et ainsi prendre une part active aux décisions qui les concernent1015. En pratique, les enfants et les jeunes participent rarement aux débats sur les problèmes ainsi qu'à la prise de décisions qui se rapportent à eux. Les parents sont dans la plupart des cas, les premiers et les derniers à décider à leur place. Et les enfants sont presque toujours informés après coup, de ce qui a été décidé pour eux. Souvent, quand ils expriment leur volonté ou leurs décisions (choix en matière d'éducation, liberté de sortir, choix religieux, etc.), ils se heurtent à l'incompréhension et à la réprobation de leurs parents. Relativement au débat relatif à la notion « d'intérêt supérieur de l'enfant », et de la capacité de ce dernier à pouvoir l'apprécier par lui-même, « Peu d'auteurs se sont lancés

1014 UNICEF, Fiche Thématique, Unicef-France, 2010, p.1.

1015 MEUNIER (G.), L'application de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant dans le droit interne des Etats parties, coll. « Logiques juridiques », Paris, L'Harmattan, 2002, p.66.

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dans cet exercice périlleux car le flou et la géométrie variable qui entourent le concept rendent la chose difficile1016 ». Au départ, les enfants ont été exclus du monde réel. L'argument invoqué de manière récurrente par ceux qui sont opposés à l'idée d'accorder des droits autonomes aux enfants est que « les enfants ne sont pas assez mûrs physiquement, intellectuellement et émotionnellement, et n'ont pas l'expérience nécessaire pour porter un jugement rationnel sur ce qui est ou n'est pas dans leur intérêt 1017».

Il s'ensuit que la liberté de participation tout comme la liberté de religion, est théoriquement exerçable directement par l'enfant ; l'interprétation qui en découle l'est surtout sur le fondement du droit des parents1018 . Cette attitude des parents peut se justifier sur la base de la Déclaration sur l'élimination de toutes formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction1019 qui prévoit le droit des parents d'élever l'enfant selon leurs préceptes religieux ou leurs croyances. En définitive, les enfants sont privés de leur droit d'exprimer leur opinion sur toute question les intéressant, surtout lorsqu'il s'agit de leur propre personne, encore moins de leurs parents (accusation à tort, intention de séparation ou de divorce des parents, etc.) ; Ainsi, continuent-ils à subir les choix et décisions imposés et souvent inappropriés de leurs parents et de leurs frères et soeurs plus âgés.

Il en va aussi du faible niveau de participation à la vie de l'école.

2. Un faible niveau de participation à la vie scolaire

Les enfants peuvent demander à être entendus sur l'élaboration de certaines politiques publiques1020. Tel n'est pas le cas au niveau du secteur éducatif. Au niveau éducatif, la participation des enfants souffre d'un ensemble de conflits allant de la cellule familiale

1016 ZERMATTEN (J.), « L'intérêt supérieur de l'enfant, de l'analyse littérale à la portée philosophique », in Working report de l'Institut International des Droits de l'Enfant : Children Rights and Burma, IDE, 2003, p.15.

1017 VERHELLEN (E.), « Evolution et développement historique de l'éducation de l'enfant et de la participation des enfants à la vie familiale », in Conseil de l'Europe, évolution du rôle des enfants dans la vie familiale : participation et négociation, Strasbourg, actes de la Conférence de Madrid, 1994, p.5.

1018 VAN BUEREN (G.), The international Law on the Rights of the Child, op. cit. cit., note 64, p.151.

1019 Déclaration sur l'élimination de toutes formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, Doc. Off. A.G.N.U.,36e sess., Doc. N.U. A/RES/36/55( 25 novembre 1981).

1020 ANG (F.) et al., « Participation rights in the UN Convention on the rights of the child » , Participation Rights of Children, Antwerpen-Oxford, Intersentia, 2006, p.17.

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jusqu'à l'école. Il existe souvent un gouffre entre le désir des enfants et les préoccupations des parents. Les parents ont en général un modèle qu'ils veulent imprimer à leurs enfants sans tenir compte du caractère propre de ceux-ci et donc des opportunités qui seraient les meilleures pour eux en matière d'éducation1021. Cette situation conflictuelle est malheureusement exacerbée par le système éducatif ivoirien actuel qui ne favorise pas la flexibilité en ce qui concerne les démarcations que pourraient faire certains enfants avant même d'avoir complété leur formation scolaire. En effet, certains enfants ont des prédispositions soit littéraires, soit technologiques, soit artistiques, qui les poussent à ne s'intéresser qu'à ces seuls aspects de la vie éducative et à en négliger les autres. Toutefois, aucune structure socio-éducative ou pédagogique ne permet la prise en compte de l'opinion des élèves sur les différents curricula véhiculés à l'école ainsi que sur la qualité de l'enseignement.

L'un des moyens susceptibles d'impliquer les enfants aux programmes scolaires est l'institution des coopératives scolaires. Une coopérative scolaire est un regroupement d'adultes et d'élèves qui décident de créer un projet éducatif en s'inspirant de la pratique associative et coopérative1022. Malheureusement, les coopératives sont désormais inexistantes, notamment en milieu urbain. De même, les modules de formation introduisent des notions sur l'hygiène et l'environnement sans toutefois associer réellement les enfants à la perception de leur contenu. En conséquence, on relève un certain désintérêt pour certains enseignements chez de nombreux élèves, lorsque leurs prédispositions ne sont pas encouragées.

Pour favoriser la mise en oeuvre du droit des enfants à la liberté d'association, le Comité des Nations Unies encourage les Etats à favoriser l'établissement d'organisation d'enfants

1021 A la vérité, au moment de décider choix des orientations relatives aux filières proposées pour la première année du Lycée (classe de seconde), une bonne partie des parents imposent souvent à leurs enfants le choix des filières scientifiques présentées à tort ou à raison comme celles pouvant assurer un avenir professionnel certain à l'enfant, alors que celui-ci est parfois doué pour une série littéraire au regard de ses résultats scolaires et de son projet professionnel. Qui plus est, certains parents imposent à leurs enfants d'embrasser des filières conformes au projet professionnel non abouti des parents, de sorte qu'à terme ces enfants puissent accomplir le métier ou la fonction que le père ou lé mère n'ont pu exercer pour diverses raisons. Ce constat ressort des entretiens réalisés auprès de certains élèves du Lycée Sainte Marie d'Abidjan, le Lycée Mixte de Yamoussoukro, du Collège secondaire protestant de Dabou.

1022 CATTIER (F.), « Les Coopératives scolaires », In. Revue des Etudes Coopératives n°25 Octobre-Décembre 1927, pp.1, 2 et 3 ; BERTHELOOT, La mutualité scolaire CNDP, Orléans 1910, p.10 ; MABILLEAU (L.), Guide de la Coopération scolaire, INRP, Paris, 1961, p.15.

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dans les écoles et dans les municipalités. La nécessité d'être majeur pour siéger au Conseil d'administration de certains organismes ou pour exercer des activités politiques peut également devenir une limite aux droits des enfants à la participation. Le Comité se dit préoccupé par certaines de ses limites et encourage les Etats à les revoir dans le but de faciliter l'exercice du droit d'association pour les personnes mineures1023.

Au-delà du cadre familial et scolaire, les enfants sont aussi exclus de toute participation à la vie publique et socio-économique.

B. L'EXCLUSION DE TOUTE PARTIPATION A LA VIE PUBLIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE

Une approche cohérente de la Convention induit que la parole de l'enfant constitue l'un des éléments permettant de déterminer son intérêt1024. Malheureusement on note une négation du droit à la participation à la vie publique et socio-économique ; cette négation est ponctuée par une faible participation à la vie publique politique et associative(1), une participation à la vie économique comme obligation familiale (2) et une faible participation aux services sociaux de base (3).

1. Une faible participation à la vie publique politique et associative

L'organisation traditionnelle du pouvoir présente de fortes rigidités qui excluent les enfants notamment les filles de la prise de décision. En effet, l'exercice du pouvoir est réservé aux ainés de sexe masculin. Et même quand il arrive que certains enfants soient au centre des litiges familiaux à caractère communautaire, le règlement des conflits impose la représentation de leurs parents. Ou alors quand ceux-ci sont entendus, leurs opinions traduisent plus le bon vouloir de leurs parents que leur intime conviction.

Il existe un lien étroit entre le droit à la liberté d'expression et le droit à la liberté d'association et de réunion pacifique, bien qu'ils ne soient pas prévus au même article. En

1023 HODGKIN (R.) et NEWELL (P.), Implementation Handbook for the Convention on the Rights of the child, 3eéd., New-York, United Nation Publication, 2007, p.198.

1024 LUCKER-BABEL (M.-F.), « L'écoute de l'enfant devant les tribunaux civils : lecture de la Convention sur les droits de l'enfant et de quelques législations nationales », in P.D. JAFFE (dir.), Défier les mentalités. La mise en oeuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, Université de Genève, 1998, p.253.

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effet, ces droits visent l'un comme l'autre à favoriser la participation de l'enfant au sein de différents groupes1025. L'article 15 de la CIDE se borne à reprendre succinctement ce que prévoient déjà les autres instruments internationaux1026 . Il en va ainsi de l'article 20 de la DUDH et des articles 21 et 22 du PIDCP qui, eux, sont orientés davantage vers la protection des droits syndicaux. Cependant, une interprétation large s'avère nécessaire dans le cas des enfants. En effet, si le droit d'association vise nécessairement les organisations d'enfants travailleurs, il comprend aussi les organisations d'étudiants dans le cadre scolaire et les groupes communautaires militant pour diverses causes. En outre, la vie politique et administrative moderne est également dominée par les adultes. Toutefois, sous l'influence des mutations socio-politiques, on assiste de plus en plus à un nombre croissant de jeunes dans les associations à caractère politique1027. En effet, les structures politiques des partis semblent permettre une réelle participation des jeunes (enfants) aux activités militantes. Cependant, la prise de décision est, en général, très centralisé au niveau de l'organe de décision ultime. Même à ce dernier niveau, le secrétariat ou le cabinet du président du parti, reste le lieu de la dernière prise de décision et relève des adultes. Les statistiques disponibles ne permettent malheureusement pas de différencier la participation effective des jeunes de moins de 18 ans selon le sexe afin de saisir le poids de leur participation effective. Cependant, l'observation empirique montre que les enfants sont généralement confinés au rôle de faire-valoir (mobilisation sociale, campagne électorale, etc.) dans les organes de jeunes des partis politiques, alors que les adultes tendent à être prédominants à tous les autres niveaux. Même si aujourd'hui la constitution du Parlement des enfants1028 traduit la reconnaissance du droit à la participation des enfants, il apparait plus comme une structure de promotion qu'une institution dont les actions et propositions se traduiraient concrètement dans les choix et décisions politiques.

Quant aux associations de jeunes, elles existent tant en milieu urbain que rural. Ce sont par exemple, les associations de jeunes handicapés, les associations de jeunesse

1025 VAN BUEREN (G.), The international Law on the Rights of the Child, coll. « International Studies in Human Rights », vol.35, Dordrecht-Boston-London, Martinus Nijhoff Publishers, 1995, p.144.

1026 Voir Article 20 de la DUDH, les articles 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

1027 On peut citer entre autres, la Jeunesse du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (JPDCI), la Jeunesse du Front Populaire Ivoirien (JFPI), la Jeunesse du Rassemblement des Républicains (JRDR).

1028 Le parlement des enfants a été institué par décret n°2013-857 du 19 décembre 2013.

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confessionnelle ou laïque telles que le scoutisme1029, la jeunesse estudiantine catholique, les associations de jeunesse musulmane et les associations de jeunes ressortissants de localités ou de régions. Ces associations sont souvent regroupées au sein de la fédération des mouvements et associations de jeunesse et l'enfance (FEMAJECI). Mais leur vocation reste, la plupart du temps, récréative ou socioculturelle ou dans quelques rares cas socioprofessionnels. Aussi, elles se trouvent très souvent confrontées aux problèmes financiers et organisationnels qui limitent leur champ d'intervention.

2. Une participation à la vie économique comme obligation familiale

La participation à la vie économique pour la plupart des enfants apparaît plutôt comme un ensemble d'obligations envers la famille, qu'une capacité de décider du type d'emploi ou du moment où il faut exercer cet emploi. En effet, les adolescents et les jeunes de certaines régions rurales les plus pauvres, ont l'obligation d'aider les parents dans les activités champêtres, surtout pendant les périodes critiques du calendrier cultural, qui demandent une forte main d'oeuvre. Lorsque les enfants refusent de se soumettre aux activités champêtres, ils peuvent être privés de nourriture et de sortie. Ce phénomène s'observe aussi en milieu urbain où certains adolescents sont obligés de travailler au sein de l'entreprise familiale pour assurer la continuité de leur scolarisation. Certains enfants sont parfois obligés de faire de l'école à temps partiel. Dans les familles pauvres, chaque membre doit contribuer aux charges familiales. Cependant, les enfants travaillent plus sous l'influence des pratiques traditionnelles et des décisions des parents plutôt que sur leur réelle initiative ; En outre, ils ne bénéficient pas souvent des fruits de leur travail, car les revenus de leurs différentes activités reviennent bien souvent aux parents ou aux employeurs.

3. Une faible participation aux services sociaux de base

S'agissant de l'accès aux services sociaux de base tels l'éducation et la santé, les enfants n'ont pour la plupart pas le choix de l'initiative, même si ces enfants contribuent aux charges familiales dans la mesure où ces derniers vivent encore chez les parents. Une analyse des déterminants socio-économiques de la demande des soins de santé à Abidjan révèle que dans

1029 SCOUTS, Le Scoutisme : éducation pour la vie, pp.1-36 ; SAVARD (P.), « L'implantation du scoutisme au Canada français », In. Les cahiers des dix, n°43, 1983, p.207-262.

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la majorité des cas, le choix des types de recours pour les enfants étaient dicté par les parents. Les raisons évoquées résultaient du fait que le père est le chef de famille et donc la première personne habilitée à prendre ce genre de décision. Dans les autres cas, la famille était en droit de le faire. L'accès aux services sociaux de base par les enfants est déterminé, non seulement par la capacité économique dont peuvent disposer les jeunes pour s'offrir les avantages y afférant, mais plus, par leur implication effective dans la gestion de ces services. Mais, en réalité, les enfants sont absents des différents organes de gestion et de décision des services sociaux de base. En effet, tant au niveau des centres de santé, des programmes d'eau, assainissement, d'insertion socioprofessionnelle, de jeux-loisirs et activités récréatives, etc, les jeunes ne sont pas associés à la prise de décision, encore moins à la gestion de ces différents programmes sectoriels. En outre, ces programmes qui se limitent souvent à quelques enquêtes de routine, sont conçus et imposés aux enfants sans une réelle implication de ceux-ci quant à la prise de décision sur les questions relatives à leur accès à ces services sociaux ainsi qu'à leur fonctionnement mais également aux perspectives d'avenir qui s'offriront à eux. Et cette restriction se radicalise davantage pour les enfants des campagnes issus de familles analphabètes ou défavorisés au sein desquelles le poids de la tradition se conjugue avec les contraintes économiques pour priver les enfants de leur droit à la parole. On le sait, les gens s'adaptent à leurs conditions socio-économiques ; ils ne revendiquent que ce à quoi ils pensent pouvoir accéder. Comme le souligne Pierre Bourdieu, il existe une corrélation très étroite entre les « probabilités objectives », scientifiquement construites (par exemple les chances d'accès à tel ou tel bien, telle ou telle formation universitaire...) et les « espérances subjectives » que constituent précisément les besoins et les motivations qui y sont liés pour les satisfaire1030. Un besoin social n'est donc pas « naturel », il est construit socialement dans l'interaction entre un individu et son environnement. Les personnes intègrent dans l'expression de leurs besoins les dispositions qui sont les leurs, en l'occurrence celles qui sont inculquées par les possibilités et les impossibilités, les libertés et les nécessités, les facilités et les interdits1031. Ce sont ces dispositions qui engendrent

1030 BOURDIEU (P.), Le sens pratique, Paris Editions de Minuit, 1980, p.81.

1031 La somme de ces dispositions, explique Bourdieu, génère des conditions objectives que la science appréhende à travers des régularités statistiques (écarts entre les territoires, représentation de tel groupe dans telle filière scolaire...). Cf. HBILA (C.), « La participation des jeunes des quartiers populaires : un engagement autre malgré des freins », In. Sociétés et jeunesse en difficulté (en ligne N°14) (Printemps 2014) http://sejed.revues.org/7608 (consulté le 22 novembre 2016).

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d'autres dispositions en matière de besoins en quelque sorte pré-adaptés à leurs exigences. Ainsi, chez une partie des jeunes des quartiers populaires, les pratiques les plus improbables se trouvent exclues, très souvent avant même tout examen, au titre d'impensables. Là où des jeunes, de par leur environnement de socialisation et leurs parcours socio-éducatifs, sont en capacité de penser des projets culturels, sociaux et humanitaires, etc., d'autres, au contraire, ils en sont malheureusement exclus par les décideurs ; Or, l'une des premières conditions fixées à la participation des enfants , aussi bien par les décideurs locaux que les professionnels de jeunesse, implicitement plus qu'explicitement, est celle du dépassement de leurs intérêts particuliers et immédiats. Il leur est demandé de se projeter en situant l'objet auquel se réfère la participation au plus haut niveau de généralité. Comme le note Régis Cortesero, il s'agit d'amener les jeunes gens à changer d'échelle pour se comporter comme des « vrais citoyens », visant l'universalité d'un « bien commun », celui que les pouvoirs publics auront définis et pour lequel ils en attendent une légitimation1032. Le fait de ne pas les associer peut être perçu comme un renvoi à leurs intérêts privés et communautaires, et correspond à une forme classique de délégitimation que l'on observe dans toutes les scènes délibératives où il est question de discréditer des acteurs1033.

Outre les atteintes afférentes à la survie et au développement, en Côte d'Ivoire, les enfants sont également victimes de toutes sortes d'abus.

1032 CORTESERO (R.), « La participation en débat » In. HBILA (C.) et BIER (B.), Conduire un projet expérimental en direction des jeunes des quartiers populaires, Nantes, éditions de Réso Villes, 2014, p.107. 1033 HBILA (C.), « La participation des jeunes des quartiers populaires : un engagement autre malgré des freins », In. sociétés et jeunesse en difficulté (en ligne N°14) (Printemps 2014) http://sejed.revues.org/7608 (consulté le 22 novembre 2016).

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SECTION II. LA PROTECTION DES ENFANTS CONTRE TOUTES FORMES D'ABUS

Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violences, d'atteintes ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon, de violences sexuelles, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou de ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié1034.

Les Nations Unies ont invité les Etats à « renforcer les mécanismes et programmes nationaux et internationaux de défense et de protection des enfants, en particulier, des filles, des enfants abandonnés, des enfants des rues, des enfants victimes d'une exploitation économique et sexuelle, à des fins notamment de pornographie ou de prostitution ou pour la vente d'organes des enfants victimes de maladies, dont le SIDA, des enfants réfugiés et déplacés, des enfants en détention, des enfants mêlés à des conflits armés, ainsi que des enfants victimes de famine et de la sécheresse ou d'autres situations d'urgence »1035. En dépit de cette invite, en Côte d'Ivoire, on observe trois situations insoutenables : d'une part, les abus touchant les « enfants des rues » (paragraphe 1), les pires formes de travail des enfants qui constituent un traitement inhumain de l'enfant (paragraphe 2) et enfin, la situation des enfants victimes de traite et le trafic regardée comme une négation de l'existence humaine de l'enfant (paragraphe 3).

§ 1. LES ABUS TOUCHANT LES ENFANTS DES RUES

Pour mieux comprendre les divers abus portés aux enfants dans les rues (B), il apparait important de préciser la notion d'enfants des rues (A) qui traduit un certain échec de la responsabilité parentale et étatique.

1034 Article 19, alinéa 1 CDE.

1035 Déclaration adoptée à la Conférence Mondiale des Nations Unies sur les Droits de l'Homme tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993.

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A. DEFINITION DE LA NOTION D'ENFANTS DES RUES

La notion d'enfant des rues ne désigne pas une catégorie stable ; Il convient en premier lieu de souligner que la notion d'enfant des rues désigne un phénomène très hétérogène : certains enfants vivent en permanence dans les espaces publics ; d'autres y passent la journée pour y travailler, mais rentrent dormir chez eux le soir ; d'autres, au contraire, font des apparitions très irrégulières au domicile familial. Certains enfants ont été chassés de chez eux, d'autres se sont enfuis, souvent attirés par une bande qui vit déjà dans la rue, certains sont accusés de sorcellerie1036, d'autres encore ont subi des sévices...Pour tenter de saisir ces différentes situations, les acteurs de terrain emploient le plus souvent des catégories : ils parlent ainsi d'enfants de la rue, d'enfants dans la rue, voire parfois même d'enfants à la rue. Cette notion est relativement récente, puisqu'elle a été systématisée dans le milieu des années 1980. C'est ainsi que, pour l'Afrique, les participants au Forum de Grand-Bassam1037 (en mars 1985) décidèrent de rompre avec des termes comme « délinquants » et pire « prédélinquants », pour adopter les notions plus neutres d' « enfants de la rue » (en permanence) et d' « enfant dans la rue » (le jour seulement »)1038. En France, les travailleurs sociaux préfèrent parler de mineurs isolés ou de jeunes en errance, mais le phénomène reste similaire : il s'agit bien d'enfants en rupture avec leur cellule familiale, qui vivent et dorment dans les espaces urbains1039. En Côte d'Ivoire, ces appellations désignent en réalité deux situations : La première, et de loin celle qui regroupe la majorité de ces jeunes, vise les

1036 En Côte d'Ivoire comme dans nombre de pays africains, les accusations de sorcellerie semblent être également l'un des facteurs importants d'augmentation du phénomène des enfants de la rue. Pour plus d'infos, voir, Alexandre CIMPRIC, Les enfants accusés de sorcellerie, Etude anthropologique des pratiques contemporaines relatives aux enfants en Afrique, Unicef, Avril 2010, 66 p. ; Les autorités d'une ville au Nord d'Angola ont identifié en en 2007, 432 enfants vivant dans les rues à cause d'une accusation de sorcellerie (La Franière, 2007). Cf. The impact of accusations of Witchcraft against Children in Angola. An Analysis From The Human Rights Perspective, UNICEF.

1037 Ville historique et ancienne capitale de la Côte d'Ivoire (1893-1900),Grand-Bassam est située à 43 kilomètres à l'est d'Abidjan, ; Classée au patrimoine mondial de l'Unesco, elle fait partie des départements composant la région du Sud-Comoé.

1038 Le Forum de Grand-Bassam (Côte d'Ivoire), organisé par le BICE et l'UNICEF, fut la première rencontre consacrée au phénomène des enfants de la rue en Afrique subsaharienne. Il rassembla près d'une centaine de participants, venus de 14 pays d'Afrique francophone, ainsi que des représentants d'organisations internationales et d'ONG européennes, et élabora des documents d'une grande richesse (Cf. MARGUERAT (Y.) , POITOU (D.), dir., A l'écoute des enfants de la rue en Afrique noire, Paris, Fayard/Marjuvia, 1994, pp.91-152.

1039 Il ne s'agit pas ici seulement du cas des mineurs isolés roumains, phénomène récemment très médiatisé, mais bien de jeunes tout à fait français (voir par exemple le témoignage recueilli par Jean-Claude Alt, « En France aussi...Trois ans dans la rue à Paris », Jeunesses marginalisées n°2, 2003, pp. 85-86.

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enfants qui passent la journée dans la rue mais ont un endroit où passer leurs nuits. La seconde situation regroupe les enfants qui évoluent et dorment dans la rue, où ils résident.

Les perceptions que le commun des mortels peut avoir des enfants des rues sont souvent nourries de fantasmes et d'idées préconçues : « deux modalités coexistent pour les rendre visibles : la violence qu'ils exercent à l'égard des classes moyennes, (...) et les médias qui s'emparent avec un immense talent de leur image pour l'agiter aux yeux du monde, soit comme épouvantails, soit encore comme victimes pitoyables... »1040. Quoi qu'il en soit, ces enfants des rues vivant en Côte d'Ivoire ou ailleurs en Afrique, font l'objet de divers abus dans les rues.

B. LES DIVERS ABUS PORTES AUX ENFANTS DANS LES RUES

S'inspirant des différents travaux menés par Varindra Tarzie VITTACHI, Richardo LUCCHINI distingue cinq catégories de besoins dont la satisfaction concerne en particulier, l'enfant1041 :

- 1°) Les besoins liés à la survie et au maintien de la vie (air, eau nourriture, chaleur, sécurité morale et matérielle...) ;

- 2°) les besoins liés à la protection de la vie (abri, sécurité, hygiène, soins préventifs ou curatifs...) ;

- 3°) les besoins liés à l'enrichissement de la vie (éducation, prise de conscience de son identité, sentiment d'appartenance...) ;

- 4°) les besoins d'agrément et de divertissement (développement des dons innées, formation professionnelle...) ;

- 5°) Les besoins liés à l'épanouissement (développement des dons innés, formation professionnelle).

De 1 à 5, l'ordre d'urgence dans la satisfaction de ces besoins est décroissant, que ce soit d'ailleurs pour les enfants comme pour les adultes. En ce qui concerne, les enfants des rues,

1040 TESSIER (S.) « Distances, ponts, liens et chausse-trappes », in S. Tessier, dir.,A la recherche des enfants des rues, Paris, Karthala, collection Questions d'enfances, 1995, p.16.

1041 VITTACHI (V.T.), « Droits de l'enfant, devoirs envers l'enfant », in Tribune internationale des droits de l'enfant, Volume 3, n° 3, 1986, p. 14, cité par R. Lucchini, Enfant de la rue, pp.13- 14.

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la satisfaction de ces différents besoins est évidemment plus ou moins précaire, et elle ne les touche pas tous de manière uniforme. Les enfants devront ainsi surtout « lutter 1042» afin de satisfaire en priorité les besoins de la première et deuxième catégorie (survie et protection) ; ils attachent aussi généralement beaucoup d'importance aux besoins relevant de la quatrième catégorie (jeux et divertissements)1043.

Les besoins primaires des enfants des rues ne sont pas satisfaits. En effet, les enfants n'ont pas accès à l'éducation, aux soins de santé, à la nourriture, à un logement décent et sécurisant. Et ces enfants ne sont ni assez grands pour travailler. Les enfants en déshérence vivent en rupture atténuée ou prononcée avec leurs familles. La rue devient le lieu privilégié de socialisation : l'apprentissage des comportements non-conformistes (violence, drogue, VIH, délinquance), les stratégies de survie.

De plus en plus dans la rue, les enfants sont plus vulnérables et n'ont ni les ressources physiques et morales pour résister aux agressions extérieures (environnement malsain, violences). Ils sont exposés à de nombreux risques tels que les accidents de la circulation, les abus et sévices sexuels (prostitution, pédophile, viol, etc.) et toutes sortes de violences et d'exploitation économique. Ces enfants sont en situation extrêmement difficile. Ils ne bénéficient d'aucune mesure de protection et quelques-uns parmi eux sont obligés d'élire domicile dans les habitations inachevées, bars, restaurants ou coins de rue, s'exposant ainsi aux nombreuses maladies et autres intempéries. La rue peut être aussi un lieu de travail cruel et dangereux, menaçant souvent la vie même des enfants1044. Beaucoup d'enfants travaillent dans les rues pour s'assurer leur survie ou celle de leur famille. Ils cirent les chaussures, lavent et gardent les voitures, portent des colis, ramassent des objets recyclables. Ce sont des enfants dans la rue, pas nécessairement des enfants des rues1045. Une forme spécifique du travail des enfants dans/ de la rue est celle de la mendicité.

1042 C'est le mot fréquemment employé par les enfants de la rue en Côte d'Ivoire pour décrire leurs conditions de vie.

1043 PIROT (B.), Enfants des rues d'Afrique Centrale, Ed. Karthala, 2004, p.50-51.

1044 Voir l'Affaire dite des enfants de la rue ou affaire Villagrán Morales et autres, arrêt du 19 novembre 1999, op.cit.

1045 L'UNICEF a établi une distinction entre enfant de la rue et enfant dans la rue, le premier étant l'enfant qui ne vit que dans la rue, celui qui a perdu tous liens familiaux, le deuxième, celui qui passe beaucoup de temps dans la rue, souvent celui qui travaille dans la rue et qui rentrent quotidiennement dans leur famille, mais qui a gardé des liens familiaux.; voir à ce sujet : SALMON (L.),, « Les enfants de la rue à Abidjan », Socio-

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Au total, l'existence du phénomène des enfants en déshérence ou de la rue traduit l'échec collectif de la famille et de la société. Ce faisant, elle met en lumière la vulnérabilité et l'impuissance des enfants puis leur accès limité aux services sociaux de base. Cette situation des enfants des rues est en contradiction avec les articles 181046 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) sur le droit à la protection familiale et 201047 du même texte et relatif aux droits privés de famille. Les risques qu'ils encourent dans la rue sont en contradiction avec les prévisions de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), notamment, en son article 19 sur le droit des enfants à la protection contre les mauvais traitements, toutes les formes de violence et abus sexuels, son article 32 relatif à leur protection contre l'exploitation économique, en son article 33 sur la protection contre la consommation et le trafic de stupéfiants, de même qu'avec son article 39 sur le droit à la réadaptation et à la réinsertion des enfants.

Les enfants de la rue constituent un véritable problème national et l'accroissement du phénomène inquiète la communauté et appelle les autorités publiques et la société civile ainsi que les familles à des réponses pressantes. Car, ces enfants sont des personnes en devenir

anthropologie [En ligne], 1 | 1997, disponible sur : http://journals.openedition.org/socio-

anthropologie/76#quotation ( consulté le 12/11/2016).

1046 Article 18 CIDE :

« 1. Les Etats parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l'intérêt supérieur de l'enfant.

2. Pour garantir et promouvoir les droits énoncés dans la présente Convention, les Etats parties accordent l'aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l'enfant dans l'exercice de la responsabilité qui leur incombe d'élever l'enfant et assurent la mise en place d'institutions, d'établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants.

3. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour assurer aux enfants dont les parents travaillent le droit de bénéficier des services et établissements de garde d'enfants pour lesquels ils remplissent les conditions requises. ».

1047Article 20 CIDE

« 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'Etat.

2. Les Etats parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.

3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalahde droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. ».

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qui nécessitent de la part des adultes, une meilleure protection à l'image des enfants victimes des pires formes de travail des enfants considérés comme un traitement inhumain de l'enfant.

§ 2. LES PIRES FORMES DE TRAVAIL DES ENFANTS : UN TRAITEMENT INHUMAIN DE L'ENFANT

Tout d'abord, il s'agira ici, de mettre en exergue les formes classiques de travail des enfants qui menacent considérablement l'intérêt de l'enfant (1) ; ensuite, il conviendra d'analyser l'épineuse question de l'exploitation sexuelle des enfants qui constitue manifestement, une forme particulière de travail inhumain et dégradant (2).

1. Les formes classiques de travail des enfants

La protection des enfants contre l'exploitation de leur force de travail se fonde sur l'article 32 de la CIDE mais également, sur l'Article 19 qui affirme le droit de l'enfant d'être protégé contre les mauvais traitements. Un enfant est ainsi considéré au travail ou exploité, dans le sens de la CIDE, lorsque le travail exercé est incapacitant ou constitue un obstacle à la jouissance des autres droits qui sont reconnus à l'enfant dans la Convention sur les Droits de l'Enfant, notamment les droits à la santé, à l'éducation, et aux loisirs. Mieux, l'enfant peut être considéré économiquement actif quand bien même son travail n'est pas rémunéré1048. Il peut être économiquement actif au sein d'une entreprise, que celle-ci soit familiale ou non, à la condition que le produit ou le service soit destiné au marché. Cette manière de concevoir le travail de l'enfant fait en sorte que les jeunes qui travaillant à l'extérieur de leur famille comme employés domestiques sont des enfants économiquement actifs, alors que ceux qui travaillent au sein de leur famille ne sont pas considérés comme tel. Le travail doit donc générer un revenu même si l'enfant n'est pas celui qui en bénéficie directement. Pour déterminer quels sont les enfants économiquement actifs, le BIT a établi quatre catégories d'enfants : ceux qui se consacrent à temps plein à l'école, ceux qui se consacrent à temps plein au travail, ceux qui combinent les deux types d'activités, et ceux qui ne sont ni à l'école ni au travail1049. Le BIT qualifie ces derniers de « no where children », des enfants invisibles dont le statut n'est pas bien défini. Cette dernière catégorie est très large. Elle inclut les

1048 BHUKUTH (A.), « Le travail des enfants : limites de la définition », In. Mondes en développement, t.37, vol. 2, n°146, juin 2009, pp. 27-32, spéc. p.28.

1049 Ibid.

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enfants qui exercent une activité domestique familiale ainsi que les enfants de la rue. Or la majorité des enfants de la rue exercent un travail pour survivre. Ce travail constitue la plupart du temps une activité marchande, mais ils ne sont pourtant pas comptabilisés par le BIT.

La définition de l'OIT, fondée sur la notion d'économie, ne fait pas l'unanimité. D'autres organisations ont choisi une définition plus large. Par exemple l'ONG Save the Children définit le travail des enfants dans un sens beaucoup plus large, c'est-à-dire comme : « (...) des activités que les enfants effectuent pour contribuer à la vie économique de leur famille ou à la leur. Cela englobe donc le temps passé à des corvées d'entretien de la maison ainsi que des activités génératrices de revenus, à la maison ou à l'extérieur. Les activités agricoles non rémunérées que de nombreuses filles et garçons accomplissent dans les fermes familiales, ainsi que les corvées domestiques que font beaucoup d'enfants chez eux sont donc englobées dans cette définition. Le travail peut être à temps plein ou à temps partiel1050 ». Cette définition a le mérite d'inclure les enfants de la rue et les enfants qui sont engagés dans les activités illicites1051.

Traditionnellement, en Côte d'Ivoire comme en Afrique, le travail des enfants constitue : un mode d'acquisition des connaissances ; une responsabilité, parfois à valeur économique, confiée à l'enfant dans la division des tâches familiales et communautaires, un facteur d'intégration sociale. Les garçons accompagnent leur père dans ses activités productives, tandis que les filles vont rejoindre leur mère pour les seconder tant dans les travaux domestiques que dans les activités productives que celles-ci mènent, conformément à la division sexuelle des tâches au sein de la famille traditionnelle. Ce schéma reste particulièrement prégnant dans les sociétés rurales ivoiriennes, où chaque membre de la famille se voit assigner non seulement un statut et des responsabilités sociales, mais aussi un rôle productif dans l'économie domestique. Dans ce contexte, le travail de l'enfant, en fonction de sa capacité, participe tout autant d'un processus éducatif que d'une reconnaissance de son statut, en tant qu'être social mais aussi comme un élément de la chaine de production, au sein de la famille. L'oisiveté ou la paresse est ainsi souvent considérée

1050 L'ALLIANCE INTERNATIONALE SAVE THE CHILDREN, Position de Save the Children sur les

enfants et le travail, Londres, mars 2003, disponible sur
http://resourcecentre.savethechildren.se/sites/default/files/documents/4566_0.pdf(consulté le 11/11/2016) 1051 BHUKUTH (A.), « Le travail des enfants : limites de la définition », In. Mondes en développement, t.37, vol. 2, n°146, juin 2009, p.28.

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comme un des pires maux qui menace l'enfant dans son développement physique et moral. Le travail constitue ainsi un des principaux moyens d'intégration et de reconnaissance de l'enfant aussi bien à l'intérieur de la famille qu'à l'extérieur de celle-ci.

Cependant, depuis longtemps déjà, et cela dans un contexte de paupérisation tant des couches urbaines que rurales, les logiques économiques de rentabilité et de profit, du côté de la demande, et de survie du côté de l'offre de main d'oeuvre enfantine, sont venues supplanter la symbolique de participation de l'enfant à la vie professionnelle et économique des parents, pour ne retenir que la valeur marchande de son travail. De travail éducatif et socialisant, on est passé au travail exploitant et marginalisant.

En Côte d'Ivoire, les résultats d'une étude menée en 2008 par le SIMPOC rapportent qu'un quart environ des enfants de 5-17 ans sont économiquement occupés.58% de ces enfants sont utilisés dans l'agriculture, 23 % dans le commerce et 10% dans l'industrie. Environ 1/5 des enfants travaillant dans l'agriculture ont été identifiés comme travailleurs dans les secteurs de café et de cacao. Ces enfants économiquement actifs travaillent plus de 42 heures par semaine1052. Selon d'autres sources, plus récentes, 19, 7% des enfants âgés de 10 à 14 ans sont considérés comme des enfants au travail en Côte d'Ivoire.

Les enfants qui travaillent en Côte d'Ivoire le font, la plupart du temps, sous la tutelle d'un adulte, souvent chargé d'en assurer la protection et l'éducation. On retient quatre types de statut pour les enfants travailleurs. La majorité des enfants qui travaillent le font surtout comme :

- Aides familiaux : ce statut concerne la majorité des filles domestiques1053, mais aussi la majorité des enfants travaillant en zone rurale, filles comme garçons ;

- Apprentis : ce statut concerne surtout les garçons du secteur informel urbain, mais peut viser aussi les filles ;

Mais on peut également trouver des enfants qui travaillent comme :

1052 KONE (K..S.), Du travail des enfants au travail décent des jeunes en Côte d'Ivoire. Eléments de politique pour l'action publique, BIT, 2010, p.13.

1053 Le travail domestique est une activité très répandue et socialement acceptée bien que comportant à elle seule tous les facteurs de risque aggravé pour les jeunes filles employées comme domestiques.

399

- Indépendants : c'est le cas des enfants de la rue, en particulier les garçons (les filles travaillant dans la rue sont le plus souvent sous tutelle adulte) ;

- Salariés : c'est le cas des enfants en particulier de nationalité étrangère, qui travaillent comme ouvriers agricoles dans les plantations, mais aussi de certaines filles domestiques (les plus âgés).

Outre la situation à risque des enfants de la rue, où on assiste notamment à la progression de deux activités particulièrement dangereuses pour l'enfant, que sont la collecte des ordures ménagères et la mendicité1054, la situation des apprentis n'en est pas moins dangereuse pour la santé et le bien-être de l'enfant. Les conditions qui entourent désormais l'apprentissage professionnel posent le problème :

- Du développement psychologique, dans un contexte, où l'apprentissage met directement le jeune enfant dans un système commandé par d'évidents rapports de production, où on attend du jeune apprenti docilité et mimétisme ;

- Du mode d'acquisition des connaissances, dans un contexte où le maitre mot est souvent analphabète et l'apprentissage se fait par observation ;

- Des conditions dangereuses de travail, dans les locaux insalubres, sans aucun respect des normes de sécurité et d'hygiène, du fait le plus souvent d'une occupation irrégulière des sols ;

- De l'exploitation de la force de travail de l'enfant, dans un contexte où les objectifs de production marchande l'emportent sur ceux de la formation.

Les enfants travaillant en zone rurale constituent la plus grande proportion des enfants travailleurs. Les enfants qui travaillent dans l'agriculture, essentiellement comme aides familiaux, sont particulièrement exposés en raison de l'utilisation de produits parfois toxiques et l'usage, sans protection ni formation de matériel archaïque ou non adapté à leur petite taille.

Par ailleurs, les enfants qui travaillent dans les mines ne courent pas moins de dangers que ceux qui évoluent dans l'agriculture même si le secteur minier ne concerne encore

1054 HUMAN RIGHTS WATCH, Sénégal « Sur le dos des enfants » Mendicité forcée et autres mauvais traitements à l'encontre des talibés au Sénégal, Avril 2010, p.19.

400

qu'une minorité d'enfants travailleurs en Côte d'Ivoire. Les enfants qui encourent le plus de risques sont ceux qui travaillent à plein temps, compte tenu de la nature des tâches à accomplir ; ils accomplissent seuls toutes les étapes de la recherche des minerais, notamment, le creusage et l'extraction. L'existence d'enfants travaillant dans les mines en Côte d'Ivoire, compte tenu de son extrême visibilité, est parfaitement connue. Et pourtant, aucune action vigoureuse, qu'elle soit gouvernementale ou non gouvernementale n'a été déployée en leur direction afin de les soustraire à des conditions de vie dangereuses et particulièrement compromettantes pour leur développement physique et mental. La situation des enfants n'a jusqu'à présent, fait l'objet d'aucune étude scientifique rigoureuse destinée à mesurer l'ampleur du phénomène, analyser ses ramifications économiques et sociales ainsi que les besoins et opportunités d'avenir pour les enfants qui y vivent et/ou y travaillent. Toutefois, plus récemment, l'ONG de défense des droits humains dénommée Actions pour la Protection des Droits de l'Homme (APDH)1055 a produit un rapport en mettant en exergue les conséquences nuisibles de ces activités d'extraction des mines sur bien de droits humains1056et notamment sur les enfants.

Outre les conditions de travail qui exposent les enfants à des risques pour leur santé et leur développement, il importe d'examiner, le cas particulier des enfants exploités sexuellement qui, pour être préoccupant, constitue manifestement, une forme de traitement inhumain et dégradant.

2. Le cas particulier de l'exploitation sexuelle des enfants

Les pratiques liées à l'exploitation sexuelle des enfants sont difficiles à définir juridiquement. Selon l'auteur Geraldine Van Bueren, l'exploitation sexuelle des enfants peut se définir comme étant : « the use of children to meet the sexual needs of others, at the expense of the children's emotional and physical »1057. Cette définition inclut une multitude d'activités à caractère sexuel telles que la pornographie infantile, la prostitution juvénile, la

1055 http://www.apdhci.org/ (consulté le 18/12/2016).

1056 APDH, Côte d'Ivoire-HIRE, Mine d'or ou mine de malheur, Plaidoyer pour le respect du droit des populations à un environnement sain, édition 2015,pp.42-51.

1057 VAN BUEREN (G.), «The international Law on the Rights of the Child », coll. International Studies in Human Rights, vol.35, Dordrecht-Boston-London, Martinus Nijhoff Publishers, 1995, p.275.

401

traite et le tourisme sexuel impliquant des enfants1058. Bien que ces activités aient en commun l'exploitation de la sexualité des enfants à des fins commerciales, il est possible de les distinguer de l'abus et de l'agression sexuelle en ce sens que ceux-ci n'impliquent pas nécessairement un caractère commercial1059. En effet, l'abus sexuel peut se définir plutôt comme : « the involvement of dependent, developmentally immature children and adolescents in activities they do not truly comprehend, to which they are unable to give informed consent, or that violate the social taboos of family roles1060 ». Ainsi, l'exploitation sexuelle peut, dans certaines situations, inclure également l'abus et l'agression sexuelle. Dans le présent travail et afin de s'accorder avec les textes internationaux en vigueur, la définition la plus restrictive de l'exploitation sexuelle, c'est-à-dire celle incluant un caractère commercial, est retenue. La vulnérabilité des enfants se trouve accentuée dans les pays où la commercialisation de l'industrie du sexe est souvent fleurissante1061. Et la Côte d'Ivoire fait incontestablement partie de ces pays.

La pornographie infantile est définie comme « toute représentation, par quelques moyens que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou assimilées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, à des fins principalement sexuelles»1062.

L'exploitation du corps des enfants dans la prostitution et dans la production de matériel pornographique est considérée comme une forme d'esclavage moderne. L'ampleur de ce type d'exploitation est extrêmement difficile à mesurer, mais l'OIT estimait, en 2005, qu'environ 1,39 millions de personnes étaient victimes d'exploitation sexuelles dans le

1058 MUNTARBHORN (V.), « Article 34 : Sexual exploitation and Sexual Abuse of Children », in A. ALEN et al. (dir.), A commentary on the United Nations Convention on the Rights of Child, Leiden-Boston, Matinus Nijhoff Publishers, 2007, p.2.

1059 VAN BUEREN (G.), «The international Law on the Rights of the Child», op. cit., note 177, p.275. 1060 IRELAND (K.), Wish you weren't here : The sexual exploitation of Children and the Connection with Tourism and International Travel, Overseas Department working paper n°7, London, Save The Children Fund, 1993, p.2, cité in MUNTARBHORN (V.), « Sexual exploitation of Children » In. Human Rights Study Series, n°8, New-York-Genève, United Nations publication, 1996, p.1.

1061 SVENSSON (N.L.), « Extraterritorial Accountability : An Assessment of the Effectiveness of Child Sex Tourism Laws », In. Loy. L.A. Int'l & Comp. L. Rev., vol.28, n°3, 2006, p.641-664, spéc. p. 643.

1062 L'article 2 c du protocole facultatif à la CIDE.

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monde. Les enfants représentaient environ 43% des victimes et 98 % de celles-ci seraient de sexe féminin1063. Les études font état de graves troubles psychologiques pour les enfants1064.

Un autre canal par lequel l'exploitation sexuelle des enfants se développe et prend une envergure incontrôlable est le tourisme sexuel impliquant des enfants. C'est une notion relativement nouvelle qui se réfère au cadre touristique au sein duquel les abus de mineurs ont lieu1065. « La dégradation de la situation des enfants du fait de la pratique généralisée du tourisme sexuel et de l'instauration des réseaux de pédophiles à travers le monde interpelle les consciences1066». Les adeptes du tourisme sexuel sont, dans environ 95% des cas, des hommes qui proviennent majoritairement des pays industrialisés et qui voyagent vers des pays défavorisés1067. L'Unicef estime qu'environ 30 à 35 pour cent des travailleurs du sexe sont âgés de 12 à 17 ans1068. L'industrie du sexe est, pour les pays industrialisés et pour les pays en voie de développement, un marché très lucratif. Certains y voient un frein à la volonté réelle des Etats à réduire ce type d'industries1069. Les fournisseurs de pornographie infantile et de prostitution juvénile peuvent donc répondre plus facilement à la demande puisque la globalisation de l'économie et le perfectionnement des réseaux du crime transnational organisé facilitent grandement la perpétuation de ces infractions1070.

1063 BIT, Rapport du Directeur général, Une alliance mondiale contre le travail forcé. Rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (Raport I (B), présenté lors de la quatre-vingt-treizième session de la Conférence internationale du Travail, Genève,

2005, pp.1-16, disponible sur :
http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@declaration/documents/publication/wcms_082333.p df (consulté le 04/05/2018).

1064 2ème congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants, Etude thématique sur la pornographie enfantine, p.13.

1065 UNICEF, La situation des enfants dans le monde, 2006, p.41.

1066 http://www.libertzone.org/bis.htm : « L'affaire Dutroux » est une affaire criminelle qui a eu lieu en Belgique dans les années 1990, et a connu un retentissement mondial. Le protagoniste de l'affaire, Marc Dutroux, était, entre autres, accusé de viol et de meurtre sur des enfants et de jeunes adolescentes, ainsi que d'activités communément associées à la pédophilie, et fut condamné pour ces faits.

1067 POULIN (R.), « La prostitution des enfants, la notion de consentement et la Convention relative aux droits de l'enfant », in T. COLLINS et al. (dir.), Droits de l'enfant : actes de la Conférence internationale, Ottawa 2007, Montréal Wilson & Lafleur, 2008, p.187-203, spéc. p. 191.

1068 UNICEF, Protection de l'enfant contre la violence et les mauvais traitements. La traite des enfants, 5 mai 2009, disponible sur www.unicef.org/french/protection/index_exploitation.html. (Consulté le 05/04/2015) 1069 SVENSSON (N.L), « Extraterritorial Accountability: An Assessment of the Effectiveness of Child Sex Tourism Laws », In. Loy. L.A. Int'l & Comp. L. Rev., vol.28, n°3, 2006, p.622.

1070 HIGGINS-THORNTHON (S.), « Innocence Snatched: A Call for a Multinational Response to Child Abduction that facilitates Sexual Exploitation », In. GA. J. Int'L &Comp. L., vol.31, 2003, pp.619-648, spéc.p.621.

403

L'exploitation sexuelle constitue une violation de plusieurs des droits fondamentaux des enfants car elle entraine souvent d'autres types d'atteintes à leur santé et à leur sécurité. En particulier, les enfants sexuellement exploités présentent un risque accru de développer une dépendance à la drogue. Dans un tel contexte, se livrer à la prostitution ou à la production de matériel pornographique devient un moyen de satisfaire cette dépendance. Outre les atteintes psychologiques, la santé et la survie des enfants peuvent être compromises, notamment par le virus du VIH/SIDA. Les enfants exploités sexuellement doivent répondre à la demande d'un grand nombre de clients et sont soumis à des pratiques sexuelles à risques, accentuant la probabilité qu'ils contractent la maladie. L'exploitation sexuelle des enfants repose également sur une croyance erronée selon laquelle les enfants, à cause de leur jeune âge ne peuvent pas être porteurs du virus. Ce mythe contribue à augmenter la demande pour des enfants de plus en plus jeunes1071.

En Côte d'Ivoire, de nos jours, de plus en plus d'enfants, en particulier, les jeunes filles, sont victimes à l'école ou ailleurs, de sévices et d'exploitation sexuelle. Ces souffrances constituent dans les médias, des faits divers. Les jeunes filles sont abusées sexuellement en famille, violées, poussées à la prostitution et au commerce sexuel ; les jeunes garçons sont les victimes de pédophiles pervers. Les sévices sexuels sont des sujets tabous, de telle sorte qu'il n'y a pas de données statistiques disponibles. Les auteurs sont des membres de la famille vivant en promiscuité, les employeurs des jeunes filles en domesticité, les enseignants, les clients occasionnels, ou encore des personnes travaillant dans les institutions. Quelques faits l'attestent clairement :

En cours 1997, deux fillettes K.A. âgée de 9 ans (en classe de CE1) et G.A, âgée de 10 ans (en classe de CE2) ont subi les « assauts sexuels » de Félix ZOKOU, directeur d'école primaire dans le village d'Obregón (Gagnoa). Sollicitées pour effectuer des travaux dans son bureau, les deux gamines ont été déflorées, violées à plusieurs reprises par le directeur qui apparait comme un obsédé sexuel. Ce dernier a alors, été poursuivi pour viol et attentat à la pudeur devant le tribunal (correctionnel) de Gagnoa, et condamné « à 5 ans d'emprisonnement ferme et 200 mille francs CFA d'amende »1072.

1071 DORAIS (M.) « L'exploitation sexuelle des enfants : des situations et des réflexions », In. L. LAMARCHE et P. BOSSET (dir.), Des enfants et des droits, Sainte-Foy, PUL, 1997, pp.60-63.

1072 Voir Actuel n°420 du mardi 30 décembre 1997, p.8.

404

Le 18 mars 2002, la petite K.A.A., âgée de 12 ans élève en classe de 6° au collège municipal de Hiré, a été aussi violée par l'abbé Jean Marc TAYORO, curé de la paroisse Saint François d'Assise de Hiré. Sollicitée par ce dernier pour balayer sa chambre, la fillette accepta humblement et s'exécuta. Mais le curé la rejoignit dans la chambre, ferma la porte et l'entraina dans son lit. Malgré les cris de K.A.A., rien n'y fit ; le prêtre abusa d'elle. Saisi par les parents de la victime, le tribunal de Divo a condamné « l'homme de Dieu à 24 mois d'emprisonnement ferme et à 75000 francs d'amende»1073. A la vérité, ce viol ou attentat à la pudeur a encore soulevé le problème crucial de la crise de valeurs morales et religieuses et celui du déclin de l'éthique religieuse.

A côté des abus sexuels commis sur les enfants de sexe féminin, il y en a d'autres commis sur enfants de sexe masculin.

A titre illustratif, en mars 2000, un pédophile impénitent dénommé ZAMBI a été appréhendé après avoir sodomisé sa neuvième (9ème) victime qui était le petit garçon C.N.J. Louis, âgé de 12 ans, et élève en classe de 5ème. 1074 Après son assouvissement, sexuel immoral, ZAMBI a menacé le petit C.N.J. Louis de mort, au cas où il divulguerait ce qui s'est passé. Indignés devant le piteux état, ses parents l'ont conduit « au CHU de Treichville ou le docteur Kouadio KOFFI a attesté la sodomie perpétrée »1075 sur le gamin. Les parents ont ensuite porté plainte au 16e arrondissement de Yopougon.

Tous ces faits ci-dessus rapportés constituent, à l'évidence de graves atteintes à l'intégrité physique et morale de l'enfant. Ils sont condamnés par les instruments nationaux, et internationaux de protection des droits de l'homme auxquels la Côte-d'Ivoire est partie.

En effet, la Constitution ivoirienne de 2016 dispose que la personne humaine est sacrée1076 ; de sorte qu'elle interdit les violences physiques1077. En outre, le Code pénal ivoirien punit le viol1078, l'attentat à la pudeur1079 et l'outrage public à la pudeur1080. Ensuite,

1073 Voir Fraternité Matin du mercredi 22 mai 2002, p.12.

1074 Voir Soir Info n°1677 du mardi 14 mars 2000, p.12.

1075 Ibid.

1076 Article 2Constitution de 2016.

1077 Article 5 Constitution de 2000 ; Article 5Constitution de 2016.

1078 Article 354 du code pénal ivoirien.

1079 Articles 355, 356,357 ,358 et 359du code pénal ivoirien.

1080 Article 360 du code pénal ivoirien.

405

406

la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples énonce que la personne humaine est inviolable. Et, il en tire les conséquences en disposant que tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne1081. Quant à la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, elle interdit les pratiques négatives ou préjudiciables à la santé et au bien-être, voire à la vie de l'enfant1082 . A cet égard, elle invite les Etats parties à prendre des mesures tendant à protéger l'enfant contre toute forme d'exploitation ou de mauvais traitements sexuels1083 .

De même, l'article 19 de la Convention Onusienne relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 invite les Etats parties à prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation y compris la violence sexuelle.

Malgré cette protection expresse et diverse, par des textes nationaux et internationaux, on constate, aujourd'hui, que les affaires de viol, d'attentat à la pudeur, d'outrage public à la pudeur commis avec violence, ou brutalité, bref, d'abus sexuels dont les enfants sont victimes en Côte-d'Ivoire, notamment en milieu scolaire, demeurent nombreuses et fréquentes.

Selon une étude effectuée et publiée en décembre 2002 par l'ONG « SOS violences sexuelles », il ressort que sur un échantillon de 500 élèves issus de plusieurs établissements d'Abidjan et ses banlieues (248 garçons et 252 filles), il y a 136 cas d'abus sexuels, soit un taux de prévalence de 27,2%1084. Il s'agit de cas de viols (33,09%), de tentatives de viol (14,7%), d'attouchements (41,18%), de harcèlement (11,03%). Les statistiques révèlent aussi que les victimes de sexe masculin représentent 25,73% contre 74,27% chez les filles. Les lieux de commission de ces abus sexuels sont divers : l'acte se passe chez la victime (26%) ; chez l'agresseur (14,70%) ; en milieu scolaire (10,29%) ; dans des lieux non précisés (35,3%).Relativement aux agresseurs, les hommes apparaissent en tête avec74,26%1085 contre 13,97% de femmes (agresseurs).Ces agresseurs proviennent tantôt de l'extérieur de

1081 Article 4 Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. 1082 Article 21 Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. 1083 Article 27 Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. 1084 Voir Le Jour n°2297 du jeudi 12 décembre 2002, p.8.

1085 Voir Le Jour n°2297 du jeudi 12 décembre 2002, p.8.

la famille (61,77%), tantôt de l'intérieur de la famille (27,20%). L'âge des enfants les plus touchés se situe entre 10 et 14 ans1086.

Plus récemment, une étude effectuée entre 2016 et 2017, intitulée « analyse situationnelle de l'exploitation sexuelles des enfants à des fins commerciales en Côte d'Ivoire »1087 a été publiée par l'ONG SOS Violences sexuelles. Cette étude portant sur les villes d'Abidjan, de Man, de Bassam et Korhogo concernait 251 jeunes filles et garçons1088. Il ressort de cette étude que la prostitution est la principale cause des ESEC. Mieux, 62% des victimes interrogées ont été exploitées dans la prostitution par le biais d'un intermédiaire quand l'exploitation sexuelle des enfants dans le voyage et le tourisme (ESEVT) concerne 16% des enfants enquêtés1089. L'étude indique, également, une vulnérabilité particulièrement élevée à l'ESEC chez les mineurs autour de l'âge de 16 ans. 47,93% des filles victimes sont analphabètes, contre 9,23% des garçons parmi la population enquêtée1090.

Les enfants interrogés dans le cadre de cette étude, affirment, avoir recours à l'ESEC pour subvenir à leurs propres besoins (primaires ou secondaires) ainsi qu'à ceux de leur famille avec une forte proportion d'enfants victimes de nationalité ivoirienne (79,2%)1091.

L'étude témoigne d'une pluralité de contextes familiaux parmi les 251 enfants interrogés. En effet, 13,5% d'entre eux affirment vivre avec leurs deux parents biologiques, 13,6% chez

1086 Voir Le Jour n°2297 du jeudi 12 décembre 2002, p.8.

1087 SOS violences sexuelles, Analyse situationnelle de l'exploitation sexuelles des enfants à des fins commerciales en Côte d'Ivoire, 2016, 82p ; ECPAT France, KOIDIO KROUWA (A.L.) et MESNER (D. C.), Analyse situationnelle de l'exploitation sexuelles des enfants à des fins commerciales en Côte d'Ivoire, 2016, 82p.

1088 https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur-
lexploitation-sexuelle-des-mineurs/ (Consulté le 16/12 //2017).

1089 https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur-
lexploitation-sexuelle-des-mineurs/ ; http://geopolis.francetvinfo.fr/abus-sexuels-des-fillettes-enceintes-par-milliers-dans-les-ecoles-ivoiriennes-141883(Consulté le 16/12 //2017).

1090 https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur-
lexploitation-sexuelle-des-mineurs/ (Consulté le 16/12 //2017).

1091 https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur-

lexploitation-sexuelle-des-mineurs/ (Consulté le 16/12 //2017).

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un des deux parents, 32,8% chez d'autres membres de leur famille, 22% avec des personnes sans lien de parenté et 9,7% disent vivre seuls1092.

La prostitution gagne de plus en plus les jeunes filles dont l'âge se situe entre 12 et 15 ans. Elle se développe principalement en milieu urbain, notamment dans les grandes agglomérations à foyer industriel, portuaire et économique. La prostitution enfantine est soit régulière ou occasionnelle, informelle. Une nouvelle forme du commerce sexuel impliquant les enfants est la migration des filles prostituées de ville en ville (vers Abidjan, San Pedro, Bouaké) des villages vers les villes selon les flux monétaires liées aux activités saisonnières. Dans les quartiers périphériques et les bidonvilles de San Pedro, les jeunes filles se livrent à la prostitution dans la zone portuaire. Les enfants victimes d'abus sexuels et d'exploitation sexuelle sont vulnérables aux MST. La santé physique des enfants victimes est préoccupante. Ils sont pour la plupart sous-alimentés, et beaucoup de filles prostituées souffrent de maladies vénériennes. Le SIDA revêt une importance particulière pour les enfants victimes d'abus sexuels, de viols et les enfants prostitués. Les complications gynécologiques et une santé fragile sont d'autres problèmes auxquels sont confrontés les enfants victimes.

En un mot, quelle que soit sa forme, le travail des enfants entre directement en conflit avec deux des dispositions fondamentales de la CIDE, que sont l'interdiction de la discrimination1093 et l'intérêt supérieur de l'enfant1094. En entretenant la spirale de la pauvreté et de l'exclusion, le travail des enfants est une conséquence des inégalités d'aujourd'hui et une cause des inégalités de demain. Le travail des enfants procède d'un choix, qui sacrifie l'intérêt de l'enfant à celui des parents et/ou des employeurs. Le travail forcé, défini par l'article 2 alinéa 1 de la convention n° 29 de l'OIT comme tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré, prive l'homme de sa liberté. Il se distingue des autres formes du travail des enfants par une certaine restriction des mouvements de l'enfant, une violence mentale ou physique, l'absence de consentement et ou/ une forme de contrôle au-delà de la normale1095. Le travail forcé en tant que régime de servitude affecte gravement le

1092 https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur-

lexploitation-sexuelle-des-mineurs/ (Consulté le 16/12 //2017).

1093 Article 2 CIDE.

1094 Article 3 CIDE.

1095 Article 2 alinéa 1 de la Convention n° 29 de l'OIT sur le travail forcé de 1930.

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corps physique du travailleur ; pire, il viole les droits fondamentaux de l'enfant, notamment, le droit à la dignité, à la liberté, le droit d'aller et de venir, la liberté contractuelle. Le travail forcé concerne environ 5,7 millions d'enfants dans le monde. Il a été estimé qu'entre 10000 et 15000 enfants du Mali travaillent dans les plantations de la Côte-d'Ivoire1096. C'est l'intérêt supérieur de ces enfants qui est ainsi sacrifié à l'autel d'un travail indigne et inhumain qui ne va pas sans conséquence sur la réalisation de nombre de droits fondamentaux de l'enfant.

Le travail de l'enfant, à l'instar de toute forme d'exploitation économique des enfants, les place dans une situation d'activité imposée ou non et dont une tierce personne tire une satisfaction ou un profit matériel, économique, moral ou financier. Elle a pour effet de « compromettre à plus ou moins brève échéance le développement physique, mental, moral, spirituel et social de l'enfant». Elle suppose aussi «trop d'heures consacrées au travail, des atteintes à la dignité et au respect de soi des enfants»1097. Ce faisant comme l'a démontré Mme BELLO Sakinatou dans sa thèse, le travail des enfants porte atteinte à leurs droits civils1098 et à leurs droits économiques et sociaux1099.

Tout comme l'intérêt de l'enfant serait un indicateur de protection de l'enfance contre le travail, l'interdiction du travail des enfants serait également considérée comme le ferment de la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant. Toutes ces formes d'exploitation constituent des terres fertiles pour la violation des droits les plus élémentaires de l'enfant. L'âge des enfants, leur vulnérabilité et les conditions hideuses dans lesquelles ces activités se mènent ne contribuent aucunement à la sauvegarde de leur intérêt. Il convient alors de les supprimer non seulement légalement mais aussi en pratique par la mise en oeuvre de mesures

1096 UNICEF, Rapport de l'Atelier sous régional sur le trafic des enfants domestiques, en particulier des filles domestiques, dans la région d'Afrique de l'Ouest et du Centre, Abidjan, 1999, cité par BIT, Halte au travail forcé, rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Genève, 2001, p.22.

1097 UNICEF, op.cit., p.26.

1098 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, Dissertation, zur Erlangung des Grades eines Doktors der Rechte der Rechts- und Wirtschaftswissenschaftlichen Fakultät der Universität Bayr, 2013, 425p. ;

1099 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, Dissertation, zur Erlangung des Grades eines Doktors der Rechte der Rechts- und Wirtschaftswissenschaftlichen Fakultät der Universität Bayr, 2013, 425p.

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vigoureuses et de lever toute ambiguïté sur la question du travail des enfants aussi bien en Côte d'Ivoire qu'ailleurs dans le monde.

A l'instar du travail des enfants, la traite des enfants est également un déni de la nature d'être humain de l'enfant.

§ 3. LA TRAITE DES ENFANTS, UN DENI DE LA NATURE D'ETRE HUMAIN DE L'ENFANT

Après avoir précisé le sens de la notion de traite des enfants (A), nous exposerons les différentes formes de traite (B) .

A. DEFINITION DE LA NOTION DE TRAITE DES ENFANTS

«La traite des enfants» est la nouvelle formule consacrée pour désigner ce qu'on appelait dans un passé récent, «le trafic des enfants»1100 . Ce changement de terminologie de l'appellation du phénomène dans la pratique des organisations internationales de protection des droits de l'enfant, n'est sans doute pas fortuit1101. En effet, le mot «trafic» fait référence au « commerce », et il est défini comme un « Commerce immoral ou illicite, fait de monnayer des choses non vénales »1102 ; Ce qui implique une vente. Donc parler de «trafic d'enfants» reviendrait à parler de «commerce des enfants», c'est-à-dire de la vente des enfants. Quant au mot «traite», son étymologie nous renvoie aux mots latins «trahere, tractus» qui veulent dire «tirer», «trainer»1103, et seraient composés de «abstrahere» qui veut dire « traîner loin de » ou « séparer » et de «abstractio» qui veut dire «enlèvement »1104. Dès le XVIIe siècle, on peut noter que la traite signifiait « action de

1100 En effet, c'est ce qui ressort de la pratique des organisations internationales, des Nations-Unies de protection des enfants Comme le Fond des Nations Unies pour l'enfance, et l'Organisation Internationale du Travail.

1101 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, 425p.

1102 http://www.cnrtl.fr/etymologie/trafic (consulté le 12/11/2017).

1103 ROBERT (P.), Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Le Robert, Paris, 1972, p.618. ; http://www.cnrtl.fr/etymologie/traite (consulté le 12/11/2017).

1104 Ibid.

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retirer de l'argent » et faisait référence à la «traite des nègres » et à partir du XXème siècle, elle faisait référence à la «traite des blanches»1105. Ainsi, la notion «de traite des enfants » signifierait une « action de tirer de l'argent des enfants » soit par leur travail, soit par leur exploitation de quelque manière que ce soit1106.

Il ressort de ce qui précède que l'appellation «la traite des enfants» convient mieux pour désigner la pratique visée par les normes internationales de protection des enfants.

Selon le Dictionnaire des Droits de l'Homme, la traite trouverait « son origine dans un arrangement international du 18 mai 1904 qui réprimait la «la traite des blanches» puis, en 1921, le champ d'action est élargi aux femmes, sans autre précision, et aux enfants. Comme les droits de l'homme, le second conflit mondial fait apparaître des formes nouvelles de traite, notamment en matière de travail obligatoire ;...»1107. On note donc que le phénomène n'est pas récent, même si sa conception a évolué dans le temps.

Aux termes de l'article 3- a) du Protocole de Palerme, la « »traite des personnes» désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantage pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes » . Trop vague et trop générale, cette disposition de l'article 3 alinéas a), ne permet pas d'avoir une idée précise de la notion de traite. A la limite, nous avons l'impression qu'elle énumère un certain nombre de critères pouvant entrer dans la définition de la «traite des personnes». Cependant, il précise à l'alinéa b), que « le consentement d'une victime de la traite des personnes à l'exploitation envisagée, telle qu'énoncée à l'alinéa a) du présent article, est indifférent lorsque l'un

1105 ROBERT (P.), Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Le Robert, Paris, 1972, p.618.

1106 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, 425p.

1107 ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.) et autres, Dictionnaire des Droits de l'Homme, Paris, PUF, 2008, 864 p., p.741.

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quelconque des moyens énoncés à l'alinéa a) a été utilisé ». A l'alinéa c) le protocole précise que « Le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil d'un enfant aux fins d'exploitation sont considérés comme une «traite des personnes» même s'ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l'alinéa a) du présent article. »

Toute analyse faite de ces dispositions, il ressort de la notion de traite retenue par le Protocole de Palerme, trois éléments essentiels. D'abord, la traite des personnes implique le déplacement d'une personne ; par une autre personne ; et elle doit impliquer l'exploitation de la personne déplacée. En ce qui concerne le premier élément : «le déplacement d'une personne», elle implique que la personne victime soit déplacée d'un point de départ vers un autre point de destination. Le deuxième élément quant à lui, implique l'intervention d'une tierce personne dans le déplacement ; ce qui implique un intermédiaire (le trafiquant) qui ferait usage de tromperie, de la force, de la fraude, d'enlèvement, d'abus d'autorité etc. sous réserve des dispositions de l'alinéa c) ; et enfin, le troisième élément implique «l'exploitation de la personne déplacée» (la victime de la traite). Cette dernière condition implique l'exploitation sexuelle de la personne déplacée, le travail ou service forcé, la servitude de la personne exploitée et le prélèvement d'organes sur son corps, sous réserve de l'alinéa `b'.

Ainsi donc, aux termes du Protocole de Palerme, la traite des personnes désignerait, le déplacement contraint ou non d'une personne par une autre en vue de son exploitation forcée ou non. Or l'alinéa d) de l'article 3 du Protocole stipule que «l'enfant« « désigne toute personne âgée de moins de 18 ans. » Par conséquent, la traite des enfants désignerait le déplacement de toute personne âgée de moins de 18 ans par une autre personne sous la contrainte ou non en vue de son exploitation forcée ou non. Relevons cependant que la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant n'ont pas défini la notion de la traite des enfants. Mais elles l'ont

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abordée aux articles 351108, pour la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant, et 291109 pour la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

Les circonstances de la traite des enfants sont les suivantes : Il s'agit de personnes de moins de 18 ans ; d'un processus de recrutement contraint et forcé ; d'un transport entre ou hors les frontières nationales ; La situation finale, dans laquelle se retrouve la victime après la traite, est celle du sans droit se trouvant dans l'obligation d'exécuter des travaux inhumains ou dangereux.

Dans ce système, l'enfant apparaît comme une marchandise ou un objet d'échanges1110. Le but de la traite dépend de l'âge et du sexe de l'enfant : les garçons sont généralement destinés pour le travail forcé dans de grandes plantations ou le trafic de drogue tandis que les filles sont plutôt destinées à l'exploitation sexuelle ou domestique. Les enfants peuvent aussi être exploités dans des réseaux de mendicité organisés, envoyés pour des réseaux d'adoption illégaux ou pour des mariages forcés. Les traites s'opèrent aussi bien à l'intérieur des pays qu'entre différents pays ainsi qu'à l'échelle mondiale. Il convient donc d'étudier ces différentes formes de traite.

B. LES DIFFERENTES FORMES DE TRAITE DES ENFANTS

En Afrique, on observe une nouvelle forme d'esclavage des enfants que traduit bien Joëlle Billé : « l'esclavage et la traite de Noirs existent encore en Afrique, mais, cette fois-ci, les négriers sont les Africains eux-mêmes, et leurs marchandises, des enfants Africains 1111». Compte tenu de l'attraction économique qu'elle continue d'exercer sur les pays de la sous-

1108 La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant en son article 35 dispose en effet que : « Les États parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit ».

1109 Quant à l'article 29 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant il dispose que : « Les États parties à la présente Charte prennent les mesures appropriées pour empêcher : a) l'enlèvement, la vente ou le trafic d'enfants à quelque fin que ce soit ou sous toute forme que ce soit, par toute personne que ce soit, y compris leurs parents ou leur tuteur légal [...] »

1110 UNICEF, Le travail international des enfants dans le Sud du Benin, diagnostic, ampleur et analyse des mécanismes, une étude préliminaire, Cotonou, 1997, p.20 cité par Flavien TINPKO, op.cit., p. 19.

1111 BILE (J.), « L'esclavage : le bateau de la honte », In. L'Autre Afrique, 19 décembre 2001-8 janvier 2002. ; BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, 465p.

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région, la Côte d'Ivoire figure parmi les pays récepteurs d'enfants dans le cadre de traite transfrontalière (2), mais elle connait également un phénomène de traite interne (1) d'enfants qu'il convient d'analyser au préalable.

1. Existence d'une traite interne d'enfants

La traite interne est celle qui se pratique à l'intérieur des frontières d'un même État. Autrement dit, lorsqu'on parle de traite interne, on sous-entend que le point de départ et la destination finale de la victime de la traite se situent tous deux sur le territoire du même État1112. Dans ce cas, les enfants victimes de la traite au plan interne sont souvent déplacés des villages et campagnes du pays vers les grandes villes du même pays. Comme l'a souligné le rapport de Human Rights Watch, les enfants victimes de la traite interne sont souvent destinés à travailler sur les marchés et comme domestiques1113.

Selon les connaissances actuelles, cette forme de traite consisterait en un mouvement d'enfants du Nord-Est de la Côte d'Ivoire, notamment la région de Bondoukou, et ne concernerait que les filles, afin de répondre à une demande domestique de main d'oeuvre infantile à Abidjan. Elle repose sur les réseaux internes de migration des communautés, et s'appuie à l'origine sur les réseaux traditionnels d'entraide et de solidarité. L'enfant est déplacé, en Côte d'Ivoire, par des adultes unis par des liens familiaux, communautaires ou ethniques. Cette forme de traite concerne beaucoup les enfants issus de l'ethnie « Koulango » qui sont déplacés vers Abidjan. Elle vise surtout les petites filles, et relève d'une véritable activité économique menée par des femmes originaires de la région de Bondoukou. Mais les avis sont partagés sur le degré de responsabilité de la communauté elle-même dans ce trafic.

Le problème de traite des jeunes filles Koulango qu'on utilise comme filles domestiques à Abidjan existe et préoccupe l'ensemble de la communauté koulango de Bondoukou. Ce trafic ne bénéficie pas de la caution des membres de la communauté koulango de Bondoukou. « Comment peut-on accepter de faire des sacrifices pour inscrire sa fille à

1112 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.45.

1113 RAPPORT HUMAN RIGHT WATCH, Aux frontières de l'esclavage. Traite des enfants au Togo, Mars 2003, Vol.15, N°8 (A), p.1.

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l'école et accepter plus tard de la remettre volontairement à quelqu'un pour qu'on aille l'utiliser comme une machine et qu'à chaque passage au village, votre fille ne vous rapporte que trois ou quatre morceaux de pagne de piètre qualité ? » interroge d'ailleurs un père de famille issu de cette de communauté Koulango.

En réalité, c'est plus par contrainte financière que par volonté manifeste de remettre les enfants à des esclavagistes que certaines familles assistent de façon impuissante au départ de leurs filles vers Abidjan. Selon ce père de famille, « La culture du Koulango ne cautionne pas ce type de trafic. Nous ne sommes pas contents de ce qui se passe mais nous sommes obligés de les laisser partir puisque nous ne sommes pas certains de leur réserver un meilleur avenir en les maintenant ici (à Bondoukou). C'est le niveau de pauvreté dans la région qui oblige donc certains parents à ne rien faire pour empêcher le départ de ces enfants ».

Les auteurs de cette forme de traite sont des femmes originaires de la région de Bondoukou et installés à Abidjan. « Il y en a même qui ont fait de la traite ou du trafic de jeunes filles leur plantation de café, c'est à dire leur principale source de revenus. Dire qu'il existe des personnes d'autres régions qui s'adonnent à cette pratique est une contrevérité. Ce sont nos propres filles de la région, nos propres parents qui prennent ce trafic ou traite de jeunes filles Koulango comme leurs plantations de cacao ; elles considèrent ce trafic comme leurs entreprises. Elles s'enrichissent sur le dos de ces pauvres filles et de leurs familles » soutient un autre chef d'une communauté Koulango que nous avons interrogé.

Comme on le voit à travers les affirmations précitées, en général, les enfants victimes de la traite sont manipulés par des personnes issues de leurs familles ou de leur région.

A Côté de cela, les filles de plus de 15 ans décident, en général, de leur propre gré de se rendre à Abidjan ou dans les autres grandes villes du pays pour chercher du travail. Toutefois, il n'est pas exclu que ces jeunes filles soient happées dans des réseaux professionnels de placement. Cependant, avec le développement de certaines cultures de rente telle la culture de l'anacardier dans la région de Bondoukou, la migration des filles, et par conséquent les perspectives de traite, a été peu ou prou freinée. L'introduction de cette culture de rente a quelque peu amélioré la situation financière de nombreuses familles.

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Au Bénin, le phénomène est aussi courant. En effet, selon une étude menée par le gouvernement béninois avec la collaboration de l'Unicef en 20061114, « environ 40.317 enfants étaient victimes de la traite au moment de l'enquête. Au plan interne, les filles victimes de la traite sont surtout utilisées à des fins de travaux domestiques et d'exploitation sexuelle, tandis que les garçons sont exploités comme travailleurs dans les plantations, vendeurs ambulants, ouvriers sur les chantiers de construction et dans le secteur de l'artisanat. »1115

A côté de la pratique de la traite interne des enfants, d'autres enfants victimes de traite sont amenés hors de leur territoire national pour être exploités en Côte d'Ivoire.

2. La traite transfrontalière d'enfants vers la Côte d'Ivoire

A l'instar de quelques grandes routes de trafic international1116 identifiées dans le passé par l'OIT, il existe aujourd'hui, une véritable traite transfrontalière des enfants vers la Côte d'Ivoire. Du fait de sa stabilité politique d'antan, de sa prospérité économique relative, et de sa légendaire hospitalité et ce malgré les accusations injustes de pays xénophobe, la Côte-d'Ivoire est confrontée, depuis environ deux décennies, au trafic transfrontalier d'enfants. Des individus peu recommandables de la sous-région, appâtés par le gain facile, se livrent à ce commerce humain humiliant, qui rappelle étrangement l'esclavage. Et, la Côte d'Ivoire est devenue un pays d'accueil pour des enfants issus du Bénin, du Burkina Faso, du Ghana, du Mali, du Nigéria et du Togo.

En ce qui concerne la traite internationale, nous distinguerons la traite régionale ou transnationale (sur le même continent) et la traite inter- continentale ou transatlantique1117.

1114 UNICEF, Note d'information La traite au Bénin : des chiffres et des faits. Ce document peut être consulté sur le site : www.unicef.org/wcaro/WCARO_Benin_Factsheet_Fr_TraiteDesEnfants.pdf( consulté le 10 décembre 2014). ; BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.45.

1115 US EMBASSY, Rapport 2009 sur la traite des personnes, peut être consulté sur le site : http://cotonou.usembassy.gov/utils/ (consulté le 10 décembre 2014).

1116 OIT, Le mal insupportable au coeur des hommes : le trafic des enfants et les mesures d'éradication, Genève, BIT, 2003.

1117 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.45.

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Dans le premier cas, les enfants victimes sont recrutés dans un État et sont conduits dans un autre État destinataire ; les deux États sont du même continent. Dans ce processus, les enfants peuvent traverser un ou plusieurs État(s) de transit avant la destination finale1118.

La Côte d'Ivoire est surtout connue, dans ce domaine, comme un pays récepteur1119. Cinq réseaux ont, jusqu'à présent été identifiés :

- Le réseau togolais qui achemine essentiellement des garçons dans le secteur informel abidjanais1120, plus particulièrement les menuiseries de Yopougon ;

- Les réseaux ghanéen et béninois qui acheminent essentiellement des filles vers Abidjan, pour le travail domestique1121 ;

- Les réseaux maliens et burkinabés qui acheminent les garçons, en majorité des adolescents, vers les plantations. Les villes de Korhogo et de Bouaké constituent les carrefours de cette traite, les enfants sont ensuite dispersés vers les plantations de coton, mais et de riz dans la région de la Marahoué (notamment dans les environs des villes de Bouaflé, Zuénoula, Gohitafla), mais également vers les plantations de café et de cacao et ce dans les régions forestières du pays1122.

La traite d'enfant est une réalité vivante sur le territoire ivoirien. A preuve, en avril 2000, 158 enfants maliens ont été « victimes d'un trafic de main d'oeuvre à bas prix1123 » en Côte-d'Ivoire. Exploités par des planteurs burkinabés et maliens, ils faisaient de pénibles travaux agricoles. Découverts par les autorités ivoiriennes, ils ont été rapatriés aussitôt au Mali. De même, le 26 février 2002, neuf (9) enfants (8 filles et 1 garçon), dont l'âge variait entre 13 et 17 ans, ont été interceptés à Niellé (au nord de la Côte-D'ivoire), puis « rapatriés sur leur

1118 Cf. Le Rapport de Human Rights Watch, op. cit.

1119 Bureau International du Travail (BIT-OIT) / Programme International pour l'Abolition du Travail des Enfants (IPEC), 2004 - Itinéraires transfrontaliers de la traite des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre. In : Projet LUTRENA, Genève, mars, 2004, 17 p. ; http://geopolis.francetvinfo.fr/trafic-d-enfants-en-cote-d-ivoire-dans-l-enfer-des-plantations-de-cacao-150983 (consulté le 10/10/2015).

1120 http://www.rfi.fr/emission/20140824-togo-sokode-lutte-trafic-enfants (consulté le 10/11/2015).

1121 ANTI SLAVERY, Rapport de recherche sur le trafic des enfants entre le Gabon et le Bénin, Avril 2000, pp.8-9.

1122 http://geopolis.francetvinfo.fr/trafic-d-enfants-en-cote-d-ivoire-dans-l-enfer-des-plantations-de-cacao-150983(consulté le 10/10/2015). ; TANO (M. A..), « Crise cacaoyère et stratégies des producteurs de la sous-préfecture de Méadji au sud-ouest ivoirien », In. Économies et finances, Université Toulouse le Mirail - Toulouse II, 2012 ; BASIC, La face cachée du chocolat, mai 2016, p.47.

1123 Voir l'Inter n°607 du mercredi 3 mai 2000, p.8.

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terre natale 1124». Le trafiquant de ces enfants, Yacouba TOGOLA, ressortissant malien qui faisait fortune en vendant ses petits compatriotes, et cela, sous le couvert de convoyeur dans des cars de transport CTB assurant la ligne sous régionale Sikasso-Bouaké. Par cette pratique scélérate, il faisait entrer, depuis 1997, ses victimes sur le territoire ivoirien contre des sommes de quinze mille (15000) à vingt mille (20000) F CFA remis à leurs parents ; puis il les `revendaient', à cinquante mille (50000) F CFA chacun, à des Maliens ou Burkinabé, exploitants agricoles de café et de cacao en Côte-d'Ivoire1125.

Dans sa politique de lutte contre ce phénomène pernicieux, l'Etat de Côte-d'Ivoire a arrêté près d'une centaine de trafiquants en 2001, qui ont été condamnés à des peines lourdes (entre 5 et 10 ans de prison)1126. Au cours de la même année, cinq cent cinquante (550)1127 enfants victimes de trafic, ont été interceptés par les forces de l'ordre, et rapatriés dans leur pays d'origine, pays pourvoyeur.

Selon une étude du Bureau International du Travail (BIT), la majorité des enfants victimes de la traite transnationale sont convoyés du Bénin vers le Nigeria et le Gabon, bien que certains soient également envoyés au Cameroun, au Togo, en Côte d'Ivoire, au Ghana, au Congo, en République Centrafricaine, et probablement en Guinée Bissau. Un petit nombre d'enfants victimes de traite vivant au Bénin proviennent d'autres pays, surtout du Togo, du Niger et du Burkina Faso1128.

Dans le second le cas, les enfants victimes de la traite sont convoyés d'un continent vers un autre1129. On se souvient ainsi des scandales de l'Etireno, ce « bâteau de la honte » avec comme cargaison des enfants1130, de la mort tragique de la petite Victoria Climbé de nationalité ivoirienne, « bonne à tout faire », en février 2000, à peine âgée de huit ans. En général, « chaque année, quelque deux cents mille enfants des régions les plus pauvres

1124 Voir Soir Info n°2240, du lundi 11 février 2002, p.12.

1125 KOFFI (K. E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Thèse unique de doctorat en droit

public, Université de Cocody, UFR SJAP, 2008, Tome 2, p.138.

1126 Voir Rapport sur la situation générale du trafic des enfants, janvier 2001, op. cit.

1127 Idem.

1128 US EMBASSY, Rapport 2009 sur la traite des personnes.

1129 UNESCO, La traite des personnes au Togo: facteurs et recommandations, Document stratégique Série pauvreté n° 14.4 (F) Paris 2007, p.22.

1130 OLENKE (F.), « Trafic d'enfants africains, Etireno, le bateau de l'esclavage », In. Courrier International, n°580, 13-19 décembre 2001, p.66.

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d'Afrique sont vendus comme esclaves1131 » ; « Au niveau transatlantique, il est établi que les pays du golfe arabo-persique (Liban, Arabie Saoudite) et les pays d'Europe (Italie, France, Allemagne, Belgique) accueillent des victimes de traite en provenance du Bénin. Ces régions attirent les personnes à la recherche de meilleures opportunités1132.

Cependant, l'on assiste quelques fois à des mouvements de migration simple ou illégale impliquant les mineurs et il est important de distinguer ces migrations de la traite pour éviter tout amalgame. Si la migration peut être considérée comme le déplacement de population d'un pays à un autre, pour s'y établir1133, il faut noter qu'elle peut être interne ou internationale. Tout comme la traite, la migration interne se déroule à l'intérieur d'un même État et celle internationale va au-delà des frontières étatiques (régionale et transatlantique). Elle peut être légale ou illégale. Dans le premier cas, la migration s'effectue dans le respect des normes en vigueur du pays de départ et du pays de destination. Par contre, la migration illégale se fait en toute clandestinité au mépris des lois réglementant les migrations. Les clandestins prennent fréquemment des risques importants pouvant mettre leur propre vie en péril afin de rejoindre des pays présentant des conditions de vie qu'ils espèrent meilleures. Ils n'hésitent donc pas à tout abandonner pour tenter l'aventure souvent par l'intermédiaire des passeurs peu honnêtes qui leur font payer un prix exorbitant et tout ceci, dans des conditions très dangereuses qui dans certains cas, peuvent leur coûter la vie.

Selon l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), « Le phénomène migratoire compte parmi les grandes questions mondiales qui jalonneront le XXIème siècle, tant il est vrai que les personnes en mouvement de par le monde sont aujourd'hui plus nombreuses qu'elles ne l'ont jamais été. On estime à environ 192 millions de personnes qui se trouvent aujourd'hui hors de leur pays de naissance, ce qui représente à peu près 3 % de la population mondiale. »1134 et il semble qu'aujourd'hui, près de 200 millions de personnes vivent de manière temporaire ou permanente hors de leur pays d'origine.1135

1131 OLENKE (F.), « Trafic d'enfants africains, Etireno, le bateau de l'esclavage », In. Courrier International,

n°580, 13-19 décembre 2001, p.66.

1132 UNESCO et le Programme Intersectoriel Élimination de la Pauvreté, op.cit. p.23.

1133 http://www.cnrtl.fr/etymologie/migration (consulté le 13/12/2016).

1134 V. A propos de migrations, sur le site: www.iom.int/jahia/Jahia/about-migration/lang/fr (consulté le

13/12/2016).

1135 Voir www.encyclopedie-dd.org/Migrations-Pour-un-Pacte-mondial (consulté le 13/12/2016).

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De tout ce qui précède, il ressort qu'en ce qui concerne les migrations légales, elle se fait par un libre choix des personnes et très souvent, l'on ne l'associe pas à la traite. Par contre, la migration clandestine ou illégale impliquant les enfants, même si en apparence, elle se fait librement, peut déboucher sur la traite des enfants. En effet, il arrive que les candidats à l'immigration illégale ou clandestine soient pris au piège par leurs intermédiaires qui les exploitent. C'est dire que les migrations et la traite ont des points communs en ce qui concerne la mobilité des personnes et que les migrations clandestines peuvent être source de traite.

Cependant, que ce soit la traite ou la migration illégale, les personnes victimes sont souvent à la recherche d'un avenir meilleur, soit de leur propre volonté ou de la part de leurs géniteurs.

Outre les risques liés à leur exploitation économique, les enfants victimes de traite, sont confrontés aux dangers et conséquences néfastes suivantes :

- Perte de l'identité et des origines familiales, en particulier lorsqu'il y a franchissement de frontière et/ou que l'enfant est jeune ;

- Clandestinité et mise en servitude ;

- Aggravation des mauvais traitements liés à l'isolement relationnel induit par le déplacement.

A côté de ces formes d'atteintes d'ordre général, dont tout enfant peut être victime, se trouvent des formes d'atteintes aux droits de l'enfant qui prennent un accent de gravité en certaines circonstances particulières, notamment de guerre ou d'urgence.

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Chapitre II :

DES ATTEINTES D'UNE GRAVITE PARTICULIERE EN SITUATION DE
GUERRE OU D'URGENCE

Déjà difficiles à réaliser en temps normal, l'état des droits de l'enfant s'aggrave non seulement pour les enfants en conflit avec la loi mais aussi ces droits ont vécu un véritable enfer durant le conflit armé ivoirien.

A l'origine, les prisons n'étaient conçues que pour y enfermer des individus dans l'attente de châtiments aussi divers et effrayants que l'écartement, la potence, la décapitation, les galères ou le bannissement, le poing ou la langue coupée, la marque au fer rouge, l'aveu public du crime, le pilori ou le carcan1136.Aujourd'hui, même si la prison reste le lieu où la société enferme les individus qu'elle considère comme dangereux, il reste que la conception de la détention a évolué1137. Dans l'esprit des législations pénales modernes, elle n'est plus conçue comme la maison des supplices effroyables tels qu'ils sont décrits de façon poignante dans le célèbre ouvrage « Surveiller et punir » de Michel FOUCAULT1138. Sous l'influence de l'idée fondamentale de respect des droits de l'homme, la prison essaie de s'humaniser1139. On retrouve dans les instruments relatifs aux droits de l'homme, les fondements essentiels de l'humanisation de la privation des libertés connue sous le nom « d'emprisonnement ».

1136 FAVARD (J.), Les prisons, Dominos/Flammarion, 1994, p.10.

1137 FAUGERON (C.), « Réformer la prison », In. Les cahiers de la sécurité intérieure, n°3, Paris, 1998, p.5 et s. FAVARD (J.), Les prisons, op. cit., p.64 et s.

1138 FOUCAULT (M.), Surveiller et punir, Ed. Gallimard, 1975, p.41 et s.

1139 Concernant l'humanisation de la privatisation de liberté, voir Bernard BOULOC « Pénologie. Exécution des sanctions adultes et mineurs », op.cit.., n°217.

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Comment ne pas admettre que les rédacteurs des deux déclarations sur les droits de l'homme (1789 et 1948) ont été inspirés par la philosophie humaniste de la répression pénale dont les bases ont été jetées par le fameux Traité des délits et des peines (1764) de C. BECCARIA, lorsqu'elles affirment que « nul ne doit être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels ou dégradants »1140, ou encore « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires (...) »1141 ? Quoi qu'il en soit, il est une vérité irréfutable : les droits de l'homme ont fait une remarquable incursion dans le champ pénal au point qu'ils influencent l'exécution des sentences et le fonctionnement des prisons. Conscient du fait que la privation de liberté peut concerner aussi bien les personnes adultes (hommes et femmes) que les enfants (mineurs), le Pacte s'est également intéressé au traitement pénitentiaire des mineurs. Aussi, pour éviter tout processus de contamination, il est indiqué que le régime pénitentiaire auquel sont soumis les condamnés à l'emprisonnement doit tenir compte de la nécessité de séparer les adultes des mineurs1142, de prévoir un régime particulièrement adapté aux jeunes délinquants à leur âge et à leur statut légal1143, et dont le but est de favoriser leur amendement et leur reclassement social1144. Les instruments internationaux relatifs à l'enfant contiennent également quantité de dispositions se rapportant aux modalités de détention des mineurs dans les législations qui connaissent la privation de liberté en matière de minorité. Plus proche du droit des mineurs, la Convention internationale des droits de l'enfant énonce que : « Les Etats s'engagent à ce que tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. (...) »1145. Qu'en est-il au plan national ivoirien ? Ces principes coïncident-ils avec la situation des mineurs incarcérés en Côte d'Ivoire ? Pour y répondre, on examinera la violation des droits du mineur en conflit avec la loi (Section 1).

Aux termes de l'article 38 de la Convention relative aux droits de l'enfant, « les Etats parties s'engagent à respecter et à faire respecter les règles du droit humanitaire international qui leur sont applicables en cas de conflit armé et dont la protection s'étend

1140 Art.5, Déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée le 10 décembre 1948.

1141 Art.7, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

1142 Art.10-3, Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966.

1143 Ibid.

1144 Ibid.

1145 Art.37, Convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

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aux enfants (...) »1146 . Cet article renvoie aux règles du droit international humanitaire protégeant les enfants dans les conflits armés1147. Il y a malheureusement peu de pays où beaucoup d'enfants peuvent s'épanouir dans un climat de paix : nombreux sont les enfants conditionnés par une culture de guerre1148. Cette militarisation des enfants, qui envahit de plus en plus nos sociétés, préoccupe de plus en plus les Etats et les OI car malgré les dispositions du droit international humanitaire, qui accorde une protection particulière aux enfants, ces derniers sont les victimes directes ou indirectes des conflits armés. Durant la crise ivoirienne, les droits de l'enfant ont fait l'objet de diverses atteintes par les différents belligérants. Cela a été confirmé par le Secrétaire Général de l'Onu en ces termes : « En Côte d'Ivoire, les enfants sont exposés à un certain nombre de violations graves, notamment meurtres ou mutilations, recrutement et utilisation d'enfants soldats, viols et autres sévices sexuels (en particulier s'agissant des filles), enlèvements et attaques dirigées contre des écoles et des hôpitaux»1149. Pour être pluriformes suivant les régions où elles ont été perpétrées, ces violations se sont traduites par des atteintes graves aux droits de l'enfant pendant le conflit armé ivoirien (Section 2).

1146 Art. 38 § 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, 1989.

1147 Voir KRILL (F.), « Convention des nations unies relative aux droits de l'enfant. Article 38 sur les enfants

dans le conflits armés contesté », Diffusion, n° 12, août 1989, pp. 11-12.

1148 DAVID (E.), Principes de droit des conflits armés, 3e éd., Bruylant, 2002, 994 p.

1149Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc.

ONUS/2006/835, p.4

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SECTION I. LA VIOLATION DES DROITS DU MINEUR EN CONFLIT AVEC LA LOI

Durant l'exercice des missions de police nationale de l'Etat, les enfants en conflit avec la loi bénéficient d'une protection insuffisante (Paragraphe 1) ; cette situation de déni des droits devient alarmante pour les enfants détenus ou incarcérés (Paragraphe 2).

§ 1. UNE PROTECTION INSUFFISANTE DU MINEUR LORS DE L'EXERCICE DES MISSIONS DE POLICE NATIONALE DE L'ETAT

La Côte d'Ivoire comme tous les Etats modernes reconnait deux types de missions dans l'activité administrative de l'Etat : une mission de police administrative, essentiellement préventive, et d'autre part, une mission de service public à caractère industriel et commercial. C'est dans l'exercice de ses missions de service administrative que la police dans les différents contrôles qu'elle opère dans la rue en vue d'assurer le maintien de l'ordre public est amené à opérer des contrôles d'identité. Ce contrôle reste problématique pour la garantie de la liberté d'aller et venir des citoyens du fait d'un exercice parfois arbitraire de ses pouvoirs, notamment par un contrôle au faciès. En France comme ailleurs, mais plus particulièrement en Côte d'Ivoire, objet de l'étude, les personnes errantes, comme les enfants de la rue sont particulièrement menacés. Les contrôles dont ils font l'objet en dehors des situations de risque, entrainent souvent des retentions administratives (A) ou rétentions judiciaires (B) illégales.

A. DANS LE CADRE DES RETENTIONS ADMINISTRATIVES

L'opération de contrôle et vérification d'identité peut être définie comme l'acte d'un agent de l'autorité publique consistant à demander à un particulier, sous les conditions posées par la loi, de justifier son identité aux fins de l'examen du justificatif fourni, en tout lieu où cet agent se trouve légalement1150. En l'état actuel du droit français, les agents de l'autorité, qu'ils agissent dans le cadre de leurs activités de police administrative1151 ou

1150 BUISSON (J.), « Contrôles et vérifications d'identité », In. J-CI, proc. Pén. ;, 1998, Fasc. 10, art. 78-1 à 78-5.

1151 PICARD (E.), La notion de police administrative, LGDJ, 1984, 445p.

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judiciaire1152, disposent de pouvoirs contraignants que l'on peut résumer sous deux aspects. Tout d'abord, ils ont la possibilité, lorsque certaines conditions sont réunies, d'inviter une personne déterminée à justifier, par tout moyen, de son identité. Ensuite, à défaut de justification, ils ont la faculté de la retenir sur place ou dans les locaux de la police pour un maximum de quatre heures1153. Ces deux opérations qui se déroulent dans l'ordre chronologique, sont pour la première le contrôle d'identité et pour la seconde, la vérification d'identité1154.

Il existe également en droit ivoirien deux types de contrôles d'identité de nature judicaire et administrative. Et, la question de la distinction entre police judicaire et police administrative sur laquelle la jurisprudence française s'est souvent prononcée, se pose également en droit ivoirien. Nous n'entrerons pas dans le détail des observations faites sur les critères de distinction entre les deux types de police1155. Toutefois, contrairement au droit français, le législateur ivoirien n'attribue pas de compétences de police administrative aux officiers de police judicaire bien que parfois, « la complexité des opérations de police et le dédoublement fonctionnel de certaines autorités 1156» rendent difficile la distinction entre les

1152 Il y a police judiciaire si les actes ou les faits juridiques à qualifier sont en relation avec une infraction pénale déterminée (CE Sect., 11 mai 1951, Consorts Baud, Rec.265, S 1952.3.13, concl. J. Devolvé, note Drago, mort d'un tiers dans la recherche de personnes ayant commis des infractions) ; A l'inverse, en l'absence de relation avec une telle infraction, les mesures appartiennent à la police administrative (TC, 7 juin 1951, Dame Noualek, Rec.636, concl. J. Devolvé, S 1952.3.13., note Drago, blessures occasionnées par une arme à feu à un tiers lors d'une opération de maintien de l'ordre ; TC, 26 mars 1990, Devossel, Dr. adm. 1990.331). 1153 LASSALLE (J-Y), « Enquête préliminaire », In. J-CI, proc. Pén. 1990, art.75 à 78.

1154 Ibid.

1155 Cependant, il n'est pas impossible que les mesures et les opérations de police changent de nature et donc de qualification en raison de l'évolution de la situation. Une opération de police administrative peut ainsi devenir une opération de police judiciaire : Voir en ce sens Affaire Demoiselle Motsch (TC, 5 décembre 1977, Demoiselle Motsch, Rec.671, AJDA 1978.444, chr.) ; Dans des cas plus complexes à régler comme l'affaire Le Profil (TC, 12 juin 1978, Soc. Le Profil, Rec.648, concl. Morisot, AJDA 1978.444, chr., D 1979. IR.50, obs. Moderne) , le Tribunal des conflits adopte un principe unificateur destiné à simplifier la matière ; ainsi dans une espèce où le Tribunal des conflits reconnait la compétence de la juridiction administrative au motif que le préjudice, intervenu au cours d'une opération, qui, de police administrative ( protection des personnes et des biens), est devenue une opération de police judiciaire (infraction constituée, inaction des policiers dans la poursuite), résulte essentiellement des conditions d'organisation de la police administrative. Il est donc inutile d'exercer deux actions en réparation en séparant ce qui relèverait de la police administrative et de la police judiciaire. La nature de l'opération a changé mais on n'en tient pas compte : la réparation relève pour l'ensemble de la juridiction administrative. La solution ainsi adoptée se résume au principe que la compétence est établie en considération de la nature de l'opération de police dans laquelle le dommage trouve sa cause. 1156 En ce sens, V. l'ouvrage du Professeur DEGNY SEGUY (R.), L'administration et le droit administratif, Ed.N.E.A., Abidjan, 1996, p.198 et s.

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deux types de police. Pour le professeur René DEGNI SEGUI1157, la police administrative relève de la compétence de l'administration qui s'assigne deux grandes missions : la mission de prestation qui s'incarne dans le service public et la mission de prescription. Selon lui, « la mission de prescription se réalise dans la police administrative qui consiste pour l'administration à maintenir l'ordre public1158 ». Aussi, il définit la police administrative comme « une activité destinée à prévenir un trouble à l'ordre public exercée exclusivement par l'administration1159». En droit ivoirien, l'administration détient donc l'exclusivité des compétences en matière de police administrative « destinée à prévenir le désordre, à empêcher que l'ordre public a été déjà troublé et si celui-ci est troublé, à le rétablir 1160». Il s'ensuit que l'officier de police judicaire ne peut effectuer des opérations que dans le strict cadre de la police judiciaire. Il n'intervient que lorsque l'ordre public a été déjà troublé pour en réprimer les auteurs. Il n'est autorisé à intervenir que « lorsqu'une infraction à la loi pénale a été commise, pour la constater, rassembler les preuves, appréhender les auteurs et les livrer aux autorités judiciaires 1161». La police judiciaire a pour objet « la recherche d'une infraction précise », non « la surveillance générale1162 ». Pour éviter toute confusion entre les compétences de police administrative et celles de police judicaire, le législateur ivoirien, par la loi n°63-2 du 11 janvier 19631163, a supprimé les pouvoirs de police judiciaire auparavant reconnus aux préfets et aux sous-préfets. Ces derniers étant des autorités administratives, ils ne peuvent exercer de compétences en matière pénale.

Du point de vue du maintien de l'ordre public, ces contrôles ont pour but premier, non la recherche de l'auteur d'une infraction déjà commise, mais la prévention de l'infraction. Cependant, ils posent quelques problèmes liés à l'exercice des libertés individuelles. Raison pour laquelle, en raison du caractère contraignant des pouvoirs de police, il est utile que le législateur impose des limites qui tiennent compte à la fois du respect de la légalité, des

1157 Ibid.

1158 Ibid. p.197. 1159 Ibid. p.198. 1160 Ibid. p.198.

1161 Ibid., p.199.

1162 C.E., 11 mai 1951, Consort Baud S.1952.313. 1163 Art. 30. C.P.P. iv.

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libertés publiques et du contrôle juridictionnel 1164: « il s'agit de concilier la nécessité de maintenir l'ordre public avec le respect des libertés de citoyens »1165.

Qu'il s'agisse de contrôles d'identité à caractère judiciaire ou de contrôles d'identité préventifs, ces différentes opérations s'appliquent aussi bien aux majeurs qu'aux mineurs. Le droit ivoirien ne fait pas de distinction entre mineurs et majeurs en matière de contrôle d'identité. Ce qui rend la question de la protection du mineur délicate au regard des principes directeurs de la justice des mineurs et au regard des instruments protecteurs des droits de l'enfant. En effet, il est paradoxal que l'on veuille protéger le mineur contre la rigueur du système pénal tout en admettant la possibilité de le soumettre à des mesures de police en dépit du caractère contraignant de celles-ci. L'article 61 du code de procédure pénale ivoirien relatif aux contrôles d'identité ne fait état d'aucune garantie majeure quant au respect des droits et libertés reconnus aux mineurs, même lorsque ces opérations se déroulent dans le cadre d'une enquête judiciaire. Le mineur est traité dans les mêmes conditions de rigueur que l'adulte.

Pourtant, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant énonce très clairement que « Dans toute action concernant un enfant entreprise par une quelconque autorité, l'intérêt de l'enfant sera la considération primordiale1166 », avant d'ajouter que « Tout enfant accusé ou déclaré coupable d'avoir enfreint la loi pénale a droit à un traitement spécial compatible avec le sens qu'à l'enfant de sa dignité et de sa valeur (...) »1167. Le régime général des contrôles d'identités institué par l'article 61 alinéa 2 du code de procédure pénale ivoirien est peu conciliable avec l'intérêt de l'enfant qui, pour être efficacement défendu, nécessite que le mineur soit soumis dans toute procédure à un traitement particulier ou spécifique1168 comme le recommande la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. A vrai dire, l'article 61 du code de procédure pénale ivoirien multiplie les occasions d'atteinte à la liberté d'aller et venir dans la mesure où les contrôles et vérifications d'identité sont parfois suivis d'une rétention des individus contrôlés. Certes, le texte n'évoque pas

1164 Ibid., p.218.

1165 Ibid.

1166 Art.4 §1 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

1167 Art.17§1 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

1168 DUPONT-BOUCHAT (M.-S.), PIERRE Eric (Dir.), Enfance et justice au XIX siècle , Coll. Droit et

Justice, Ed. P.U.F., Paris, 2001, p.12 et s.

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l'éventualité d'une rétention dans l'hypothèse d'un contrôle d'identité. Mais, en pratique les vérifications auxquelles se livre la police ne peuvent avoir lieu sans recourir à cette mesure. L'élaboration d'un cadre juridique permettant aux policiers de mener leurs opérations dans la légalité s'avère donc utile.

Aussi, en raison du manque de moyens et d'un effectif suffisant pour la mise en oeuvre d'une politique de prévention et d'assistance, la brigade des mineurs se contente de sa mission répressive : effectuer des rafles dans certains quartiers réputés dangereux, déférer les mineurs auteurs d'infractions dont elle se saisit par le biais des commissariats de police, l'administration ou par des particuliers. Si l'intervention des services de police dans le cadre d'une enquête judicaire n'a rien d'illégale au regard des dispositions du code de procédure pénale, en revanche les missions de prévention en dehors de toute infraction ne vont pas sans poser quelques problèmes.

Le concept de « police de proximité »1169 ou de « l'îlotage »1170 n'apparaît pas de façon officielle dans le discours des autorités ivoiriennes chargées de la sécurité. Cependant, la sécurité comme enjeu pour le développement n'en reste pas moins une priorité pour l'Etat ivoirien. Dans les pays africains où la rue est devenue le dernier refuge pour les adolescents en situation d'exclusion, il est évident que la présence policière dans les quartiers difficiles semble être le seul moyen pour prévenir les actes de délinquance commis sur la voie publique. A Abidjan et dans la majorité des villes ivoiriennes, il est constant de rencontrer la plupart des enfants abandonnés à la rue. Il s'agit d'adolescents issus de quartiers périphériques très pauvres. Regroupés en bandes, ils exercent toutes sortes de petits métiers : cireurs, vendeurs à la sauvette, porteurs de bagages etc. mais, sous le couvert de « petits boulots », certains s'adonnent à des activités illicites (abus et revente de stupéfiants,

1169 FRANCOPOL, Guide : La police de proximité, un concept appliqué à la francophonie, collection d'ouvrages FRANCOPOL, Montréal 2015, 74p. ; sur les principes d'une police démocratique voir : Centre pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées, Standards internationaux relatifs aux forces de police-Guide pour une police démocratique, (DCAF)- Genève, 2008, pp.11-31. ; Par cette plus grande proximité, la police cherche à gagner le respect du public, afin d'obtenir sa coopération pour faire respecter les lois CHALOM (M.), « La police communautaire de PEEL à GOLDSTEIN, détours et détournements », ,In. Les cahiers de la sécurité intérieure, n°37, 3e trimestre 1999, p.216. ; voir aussi MAFART (J.) « La gendarmerie nationale et la proximité », in. Revue de la gendarmerie nationale, n°192 et 193, Paris : ADDIM, 1999-3-4, juillet-décembre 1999, p.37.

1170 MOUHANNA (C.), « Une police de proximité judiciarisée », In. Déviance et Société 2/2002 (Vol.26), p.163-182 disponible sur www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2002-2-page-163.htm. (Consulté le 15/02/2016).

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dégradations de biens publics ou privés etc.). Une étude menée par l'Institut de criminologie de l'Université d'Abidjan1171 a montré que le « travail » des enfants de la rue n'a rien de valorisant. Il ne permet pas à ces jeunes d'échapper à la précarité. Mais en réalité, il servirait plutôt de rempart à des activités délictueuses. Certes, les services de sécurité ont acquis par expérience que la montée de la délinquance dans les villes est le fait d'adolescents agissant sans la moindre crainte de l'autorité. Mais, cela suffit-il à prendre les jeunes des quartiers dits à haut risque comme la cible privilégiée des opérations de police ? Les contrôles de police constituent-ils un moyen efficace de lutte contre la délinquance des enfants ? Vraisemblablement, ils permettent de retrouver de petits délinquants recherchés. Leur caractère dissuasif est réel et leur capacité à sécuriser certaines zones n'est pas négligeable. Mais, à moins d'être permanentes, ces opérations ne produisent qu'une efficacité passagère.

La réalité est que les contrôles effectués lors des rondes policières dont on ignore, a priori, dans quel cadre elles s'inscrivent, se soldent par des rétentions de mineurs quand ceux-ci ne disposent pas de documents administratifs permettant de les identifier. Les adolescents interpellés sont retenus dans les locaux de la police, le temps selon les policiers, d'établir leur identité et de prévenir, si besoin en était, les parents. Mais, en pratique il est difficile de parvenir à cette fin, car bien souvent, il s'agit de mineurs qui n'ont plus d'attaches familiales, rejetés, orphelins ou immigrés clandestins. A l'évidence, les contrôles d'identité suivis d'une rétention non assortie de garanties, quelle que soit leur nature, sont incompatibles avec la lettre et l'esprit de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant qui dispose : « Tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'avoir commis une infraction à la loi pénale a droit à une assistance juridique, à la présomption d'innocence, à une procédure spéciale, à être entendu par une autorité ou une instance judiciaire compétente »1172. La violation de cette disposition devient effective dès l'instant où la police ivoirienne décide de retenir un mineur dans ses locaux sans en référer à l'autorité judiciaire, tombant ainsi sous le coup d'une détention illégale. C'est pourquoi, la Côte d'Ivoire devrait s'inspirer du système français en la matière. En effet, compte tenu du caractère contraignant des contrôles et vérifications d'identité pour les libertés individuelles, le législateur français s'est résolu à élaborer un cadre juridique réglementant ces opérations. Le dispositif tente de concilier

1171 SISSOKO (A.), « Abidjan : une situation relativement bien maîtrisée », op. cit. p.253.

1172 Art.40 de la Convention internationale relative aux droits des enfants du 20 novembre 1989.

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l'ordre social et le respect des droits de l'homme et aux prévisions de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme1173.

En effet, par défiance vis-à-vis des rétentions policières, la législation française organise au profit de la personne retenue, une garantie par des prescriptions immédiatement protectrices des libertés individuelles. Ainsi, les mineurs tout comme les majeurs incapables de justifier de leur identité lors d'un contrôle d'identité peuvent être retenus dans les locaux de la police pour une durée qui ne peut excéder quatre heures ou huit heures à Mayotte, à compter du contrôle effectué1174. La loi du 03 septembre 19861175 prévoit que le procureur de la République doit être informé lorsque la mesure s'applique à un mineur. Par ailleurs, dans l'hypothèse où l'individu interpellé est un mineur, l'officier de police judiciaire doit informer son représentant légal afin que « sauf impossibilité », celui-ci puisse l'assister1176. Les parquets sont invités à donner « toutes instructions utiles pour que soit évité un recours systématique aux contrôles d'identité concernant les mineurs1177 ». En théorie, le système est favorable à la protection du mineur. Mais l'objectif recherché ici est peu réalisable. En effet, comment peut-on protéger efficacement un individu quand on ignore tout de sa personne ? Les garanties offertes aux mineurs ne peuvent fonctionner réellement que si les policiers parviennent sans difficulté à les identifier lors des contrôles. La situation se complique lorsque les individus contrôlés ne peuvent justifier de leur identité par la présentation d'un document officiel (carte d'identité, carte d'étudiant, passeport etc.). Dans ces conditions, il est évident que les garanties précédemment évoquées interviendront un peu plus tard, c'est-à-dire quand les policiers auront terminé leur mission de vérification : vérifier qu'il s'agit d'un mineur, relever les empreintes, effectuer des prises photographiques, prévenir le procureur de la République, prévenir les parents etc. Il s'agit d'une opération

1173 L'article 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme reconnaît à toute personne arrêtée le droit d'être informée, dans le plus bref délai, des raisons de son arrestation et des accusations portées contre elle (§2), d'être présentée à un magistrat habilité et au besoin d'être libérée durant la procédure (§3). Le principe étant la liberté, le texte prévoit également que toute personne privée de sa liberté par une arrestation a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne éventuellement sa libération si cette détention s'avère illégale.

1174 Art.78-3 al.3, C.P.P. franc.

1175 Art.78-3, Loi n°86-1004 du 03 septembre 1986, J.O. Rép. Franç., 4 septembre 1986, p.1074. ; modifiée par la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006- art. 114 JORF 25 juillet 2006.

1176 Art.78-3 al.3, C.P.P. franc.

1177 Circ. Minist. just. 15 octobre 1991.

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délicate qui exige une certaine compétence et nécessairement un temps pouvant excéder le délai de quatre heures imposées par l'article 78-3 alinéa 3 du code de procédure pénale. Bien évidemment, le temps ou la durée réelle des opérations joue en faveur de la police, le tout se soldant par des rétentions prolongées assimilables à des gardes à vues déguisées.

Il est regrettable que le législateur ivoirien de son côté n'ait pas prévu des dispositions particulières pour les mineurs concernant les contrôles et vérifications d'identité. Les mineurs appréhendés au cours des contrôles de police ne bénéficient d'aucune protection juridique au mépris des recommandations de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Tout dépend du bon vouloir des policiers qui décident de leur sort. Ceux qui n'ont pas d'antécédents judiciaires sont généralement relâchés. Par contre, ceux bien connus des services de police comme étant de petits délinquants, seront retenus plus longtemps. Ces derniers subissent le même traitement que les jeunes délinquants interpellés à la suite d'un dépôt de plainte. Les contrôles et vérification d'identité des mineurs en Côte d'Ivoire, ne sont accompagnés d'aucune garantie particulière visant à protéger le mineur contre la rigueur et les abus attachés à ce type d'opération. Cette situation s'aggrave en matière de garde à vue qui s'assimile en pratique à une véritable privation illégale de liberté.

B. DANS LE CADRE DES RETENTIONS JUDICIAIRES

La garde à vue est une mesure restrictive de liberté, décidée par la police judiciaire ou la gendarmerie afin de maintenir à leur disposition, dans des locaux prévus à cet effet, et pour une certaine durée, une personne dont la rétention est nécessaire au bon déroulement d'une enquête judiciaire1178. A l'instar des contrôles et vérifications d'identité, la garde à vue est une mesure coercitive suivant laquelle, des individus sont retenus dans les locaux de la police pour une durée variable selon le type d'infraction et qui, tout en n'étant ni prévenus, ni mis en examen, doivent cependant rester à la disposition des autorités de police ou de gendarmerie pour les nécessités de l'enquête1179. Il s'agit d'une mesure très grave dans la

1178 LEROY (J.), « Garde à vue », J.- CI., 1995, art.53 à 73, p.4. ; GIUDICELLI (A.), « La garde à vue après la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 », AJ Pénal, 2004, p.261. ; GUINCHARD (S.) et BUISSON (J.), Procédure pénale, 3ème éd., Litec, 2005, n°1965. ; DELAGE (P-J), « La sanction des nullités de la garde à vue : de la sanction juridictionnelle à la sanction « parquetière » », Archives de politique criminelle, vol. 28, n°1, 2006, pp.135-152.

1179 GIUDICELLI (A.), « La garde à vue après la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 », In. AJ Pénal 2004, p.261. ; BUISSON (J.), La garde à vue dans la loi du 15 juin 2000, RSC 2001, p.28-30.

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mesure où elle a parfois pour effet de priver la personne qui en fait l'objet de sa liberté au-delà du délai légal.

En dépit de l'atteinte qu'elle porte aux libertés individuelles, la garde à vue reste l'un des outils de travail des policiers agissant au nom de la loi ou sous les ordres de l'autorité judiciaire. Dans la procédure pénale ivoirienne ainsi que celle de nombre de pays africains francophones, tout comme en droit français, la garde à vue peut être ordonnée dans trois cas de figure. En premier lieu, en cas de crime ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, les personnes se trouvant sur les lieux de l'infraction, les personnes susceptibles de fournir des renseignements ainsi que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre l'infraction peuvent être pour les nécessités de l'enquête, placées en garde à vue pendant vingt-quatre heures en droit français1180, pendant quarante-huit heures en droit ivoirien1181. En second lieu, l'officier de police judiciaire peut, dans le cadre d'une enquête préliminaire et pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue, une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction1182. Enfin, l'officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue pour les nécessités de l'exécution d'une commission rogatoire du juge d'instruction1183. Cependant, le législateur ivoirien et son homologue français n'ont pas accordé les mêmes garanties aux personnes gardées à vue. Dans le premier cas, c'est-à-dire en droit français, les droits des personnes placées en garde à vue ont été renforcés par une succession de lois1184. En revanche, en droit ivoirien, très peu de garanties accompagnent le placement en garde à vue. Quelles sont ces garanties et quelle est la part réservée aux mineurs faisant l'objet d'une procédure judiciaire ?

En droit ivoirien, l'exemple de la procédure pénale ivoirienne est à cet effet patent. La garde à vue peut s'étendre sur une période excessivement longue et atteindre quarante-huit heures avec des possibilités de reconduite. En mettant l'accent sur la répression, le système pénal ivoirien a quelque peu négligé, la nécessité de la protection des libertés individuelles.

1180 Art.61, 62 et 63, C.P.P. fr.

1181 Art.63 et 64, C.P.P. Iv.

1182 Art.154, C.P.P. fr. ; art.76, C.P.P.Iv.

1183 Art.154, C.P.P. fr.; art.154 nouveau C.P.P. iv. (Loi n°69-371 du 12 août 1969). 1184 Les lois du4 janvier 1993, 24 août 1993, 1er février 1994 et 15 juin 2000.

La défense pénale notamment durant la phase non juridictionnelle du procès pénal a été purement et simplement éludée. Or, les principes directeurs de toute procédure pénale dans un Etat de droit s'appuient essentiellement sur la recherche d'un équilibre entre la nécessité de la répression des comportements tombant sur le coup de la loi pénale et le respect des droits et des libertés fondamentaux durant toutes les phases de la procédure1185. Et, le rôle de l'avocat dans la quête de ce juste milieu est déterminant. Au-delà de la défense de l'intérêt du suspect, de l'accusé et de la victime, l'avocat a pour rôle de protéger les droits de l'homme. En effet, il lui appartient de renforcer la légalité et l'égalité devant la justice pénale. Aussi, sert-il de contre-pouvoir de l'Etat afin d'atteindre un équilibre entre la fonction répressive de l'Etat et les exigences propres aux droits des individus1186. Ainsi, la loi du 15 juin 2000 a prévu l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue avec la possibilité d'une seconde intervention à la vingtième heure1187.

Contrairement au droit français, la garde à vue des mineurs en droit ivoirien n'est pas entourée de garanties particulières s'inscrivant dans la logique de la protection des intérêts des mineurs faisant l'objet d'une procédure judiciaire comme le souhaite la Convention internationale des droits de l'enfant ou la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Le droit ivoirien ne fait pas de distinction entre mineur et majeur en garde à vue. Force est de reconnaitre que les rédacteurs du code de procédure pénale ivoirien ont eu une timide réaction quant à l'intérêt que représente la protection des droits fondamentaux durant la phase policière du procès pénal.

En pratique, durant sa garde à vue, le mineur est astreint au régime classique du droit pénal ivoirien. A l'image des procédures pénales africaines, la durée de la garde à vue à proprement parler est excessive. Elle est portée à quarante-huit heures1188 avec la possibilité d'une reconduction d'un nouveau délai de quarante-huit heures avec l'accord du procureur

1185 Interview de Guang Zhong CHEN « Essors à la fin de siècle. Démocratie, légalité et rationalité », In. Chinese Lawyers, n°5, 1996, p.16, cité par Ping SUN et Haifeng ZHAO « Le rôle de l'avocat dans la politique criminelle chinoise », R.S.C., n°4, 1999, p.795.

1186 SUN (P.) et ZHAO (H.) « Le rôle de l'avocat dans la politique criminelle chinoise », Op.cit., p.804. 1187 Article 114 de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant l'instruction, la détention provisoire, le juge des libertés et de la détention et le jugement correctionnel ; Cette intervention de l'avocat a été confirmée par la Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 portant réforme de la garde à vue ; Article 63-3-1 du code de procédure pénale français.

1188 Art.63 et 64, CPP iv.

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de la République ou du juge d'instruction. La seule garantie prévue par la loi est la possibilité offerte au gardé à vue de se faire examiner par un médecin. Mais, il faut préciser ici qu'il ne s'agit pas d'un droit proprement dit puisque la désignation du médecin relève en fait du pouvoir discrétionnaire du procureur de la République : « s'il l'estime nécessaire, même à la requête d'un membre de la famille de la personne gardée à vue, le procureur de la République peut désigner un médecin qui examinera cette dernière à n'importe quel moment des délais prévus par l'article 63 »1189.

L'absence de régime spécial pour les mineurs est contraire à la lettre et à l'esprit des instruments internationaux fondateurs des droits de l'enfant et aux principes directeurs de la justice des mineurs. La ratification de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant par l'Etat de Côte d'Ivoire aurait pu inspirer une réforme de la procédure pénale dans la perspective d'une bonne administration de la justice des mineurs.

En ce qui concerne la question relative à l'administration de la justice des mineurs, la Charte part du principe que tout enfant accusé ou déclaré coupable d'avoir enfreint la loi pénale a droit à un traitement spécial. Elle invite les Etats signataires à faire prévaloir l'intérêt de l'enfant dans toute action le concernant1190. L'appel à la prise en compte des spécificités de l'enfance est accompagné d'un certain nombre de garanties juridiques. En ce sens, les Etats parties à la Charte doivent veiller en particulier à ce que tout enfant accusé d'avoir enfreint la loi pénale bénéficie de la présomption d'innocence1191, qu'il soit informé dans le détail des accusations portées contre lui, qu'il bénéficie des services d'un interprète s'il ne peut comprendre la langue utilisée1192, et reçoive une assistance légale ou autre appropriée pour préparer sa défense1193. Le problème de la défense du mineur devant la justice, notamment devant les instances répressives telles que la police est très important, car non seulement il met en scène la liberté du jeune prévenu qui peut être entravée, mais aussi son avenir qui risque d'être compromis par l'expérience négative d'un passage devant un juge ou d'une condamnation pénale. En procédure pénale ivoirienne, la question de la défense du

1189 Art.64 al. 1er, CPP iv.

1190 Art.17-1 et art.4-1 de la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. 1191 Art.17-2 c.i de la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. 1192 Art.art.17-2c-ii de la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. 1193 Art.art.17-2c-iii de la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

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mineur n'apparaît qu'à la phase du jugement. Ce qui est fort regrettable et contraire aux prescriptions internationales.

L'exemple ivoirien constitue une renonciation implicite à un droit essentiel : le droit à un procès équitable reconnu à tout individu. En matière pénale, l'évocation de l'idée largement défendue de « procès équitable » renvoie automatiquement à une autre, à savoir : le respect des droits fondamentaux. Et, c'est ici que l'on retrouve toute la portée de la présomption d'innocence1194 et les prérogatives de la défense pénale dont les exigences se conjuguent avec la garantie plus générale du procès équitable1195. La question de savoir si les personnes gardées à vue ont droit aux garanties du procès équitable s'est souvent posée. Certes, il est vrai que les droits de la personne gardée à vue se situent sur le terrain très controversé de la privation de liberté avant le jugement. Mais, on ne comprend pas pourquoi une privation de liberté avant tout jugement doit empêcher celui qui n'est encore qu'un suspect de revendiquer le droit à un procès équitable1196.

Les violences corporelles sont également des moyens fréquemment utilisés par la police ivoirienne pour obtenir des aveux de culpabilité. Les mineurs délinquants arrêtés lors des opérations de police judiciaire en Côte d'Ivoire sont placés en garde à vue parfois durant des semaines dans les locaux insalubres des commissariats ou des cellules infestées de la préfecture de police. Ils ne bénéficient d'aucune assistance médicale, ni juridique. La plupart des adolescents qui arrivent au cabinet des juges des enfants présentent un état physique marqué par les coups de matraque. En somme, l'officier de police judiciaire en droit ivoirien dispose d'une importante marge de manoeuvre dans la conduite des enquêtes, sans doute par souci de renforcer l'efficacité de la police sur le terrain de la répression des infractions. Il n'est pas rare que des enfants servent de main-d'oeuvre gratuite utilisée par des agents peu scrupuleux pour accomplir certaines tâches : nettoyer les locaux des commissariats, etc. Au total, on note en Côte d'Ivoire, plusieurs irrégularités lors de la garde à vue des mineurs

1194 LAZERGES (C.), « La présomption d'innocence en Europe », In. Archives de politique criminelle, vol.26, n°1, 2004, pp.125-138.

1195 ALLIX (D.), « Le droit à un procès équitable. De l'accusation en matière pénale à l'égalité des armes », In. Justices, n°10, 1998, p.21. ; AMNESTY INTERNATIONAL, Pour des procès équitables, Les Editions francophones d'Amnesty International, Paris, 2001, pp.87-89. ; HENNEBEL (L.) et TIGROUDJA (H.), Traité de droit international des droits de l'homme, Editions A. Pedone, 2016, pp.1304-1360.

1196 ALLIX (D.), « Le droit à un procès équitable. De l'accusation en matière pénale à l'égalité des armes » In. Justices, n°10, 1998, p.21, p.25.

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(non-assistance du mineur par un médecin, rétentions abusives, exactions physiques et morales) qui ne sont pas malheureusement pas sanctionnées. Contrairement à cette réalité ivoirienne, en France, l'inobservation des règles relatives à la garde à vue peut entrainer l'annulation des actes irréguliers1197.

Il revient donc à l'enfant victime d'exactions lors de sa garde à vue ou de sa rétention ou bien lésée par un acte d'en invoquer l'irrégularité devant la Chambre d'accusation. La chambre d'accusation est la seule juridiction du second degré compétente pour se prononcer sur la nullité de l'acte entaché, la responsabilité et la sanction à l'encontre de ou des officiers de police judiciaire mis en cause1198. Aussi, toute partie peut invoquer la nullité devant les juridictions correctionnelles et les juridictions de simple police. Celles-ci peuvent, après avoir entendu le Ministère public et les parties, prononcer l'annulation des actes qu'elles estiment atteints de nullité et décider si l'annulation doit s'étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure1199.

Une autre situation qui achève de choquer est la situation des enfants incarcérés ou détenus dans des prisons.

§ 2. LA SITUATION DU MINEUR INCARCERE

S'interroger sur la situation des mineurs incarcérés, revient à se demander d'une part, si les normes internationales relatives aux droits de l'enfant sont prises en compte par les législations nationales dans l'élaboration du régime d'exécution des condamnations des mineurs à la peine d'emprisonnement et, si d'autre part, ces règles sont réellement appliquées. Le premier point à examiner dans ce paragraphe concerne le cadre juridique de la détention des enfants délinquants parce que, contrairement à ce que beaucoup pensent, le droit est rentré dans les prisons1200. En ce sens, les détenus qui, dans l'imagerie populaire, ne sont soumis qu'à des obligations, se voient reconnaitre aussi des droits1201. Cependant, il

1197 DUMONT (J.), « Nullités de l'information », In. J.-Cl. Proc. Pén., 1997, comm. Art.170-174.

1198 Art.224 et s. C.P.P. iv.

1199 Art.174 al.1er C.P.P.iv.

1200 KIEKEN (A.), Le droit en prison, Mémoire de DEA droit et justice, mention justice, Université de Lille

II, 2001, 77p.

1201 FAVARD (J.), « Les prisons », op. cit., p.64 et s.

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ne suffit pas d'élaborer des règles pour les voir appliquer. Encore faut-il les faire respecter, créer les conditions de leur application effective.

Sur le plan purement théorique, le droit ivoirien et le droit français se rejoignent en ce qui concerne les conditions de détention des mineurs de 18 ans. En Côte d'Ivoire, le décret n° 69-182 du 12 mai 1969 rappelle que « les mineurs incarcérés sont soumis à l'emprisonnement collectif. La séparation des mineurs et des adultes doit être réalisée aussi complètement que possible. Ils bénéficient, quant au couchage, à la nourriture et à l'habillement, d'un régime spécial dont les modalités sont fixées par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la justice »1202.

Quand bien même les mineurs incarcérés peuvent faire l'objet d'une punition de cellule disciplinaire1203 pour le non-respect du règlement intérieur de l'établissement, conformément aux articles 52, 53 et 54 du même décret, ils doivent avoir accès autant que faire se peut à un espace situé en plein air, tant que les conditions atmosphériques et les nécessités du service le permettent1204. Selon le texte, ils doivent faire l'objet d'une attention particulière durant leur détention. Aussi, « leur surveillance directe est assurée par des éducateurs spécialisés qui dirigent leur activité et observent leur comportement pour en faire rapport au juge des enfants »1205.

Mais dans la réalité, elles ne sont guère respectées comme en témoignent les conditions carcérales généralement précaires ou difficiles des mineurs incarcérés (A) et le cas particulier des jeunes filles incarcérées (B).

A. DES CONDITIONS CARCERALES GENERALEMENT PRECAIRES ET DIFFICILES

La surpopulation, l'insalubrité des locaux d'emprisonnement, la malnutrition et la permanence des maladies constituent les caractéristiques des prisons accueillant les enfants en Côte d'Ivoire.

1202 Art.33, Décr.n°69-182 du 12 mai 1969. 1203 Art.35 al.2, Décr. n°69-182 du 12 mai 1969. 1204 Art.35 al.1, Décr. n°69-182 du 12 mai 1969. 1205 Art.36, Décr. n° 69-182 du 12 mai 1969.

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1. La surpopulation

L'Afrique détient un palmarès inégalable, notamment en matière de violations des normes pénitentiaires et des droits de l'enfant1206. En Afrique, peu de pays disposent d'établissements pénitentiaires destinés à recevoir les mineurs condamnés par les juridictions répressives1207. Quand ils existent, ils sont vétustes, insalubres et surpeuplés. Les enfants qui y sont placés subissent des multiples violences physiques (tortures, coups, abus sexuels, etc.). Ces exactions sont exercées sur la personne des mineurs par les codétenus adultes et par certains gardiens de prison1208. Manifestement, la surpopulation carcérale se combine bien avec la précarité. Elle affecte la prise en charge des jeunes détenus. La vie carcérale comporte des contraintes insupportables surtout par une population carcérale de plus en plus jeune1209.

A Abidjan, les mineurs condamnés à des peines d'emprisonnement sont confiés, au même titre que les adultes délinquants, à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (M.A.C.A). Grâce à un stage de recherches effectué au BICE, nous avons eu accès à cet établissement pénitentiaire, interrogé le régisseur, les surveillants et les mineurs détenus. Pour avoir une idée exacte des conditions de vie des enfants incarcérés, il a fallu parfois confronter les propos des responsables et ceux des mineurs afin d'évaluer la pertinence des propos recueillis pour n'en retenir que l'essentiel.

On le sait : les prisons en Afrique sont essentiellement caractérisées par leurs effectifs pléthoriques. Il est en effet rare de voir une prison dont les effectifs correspondent à sa capacité d'accueil. Il y a généralement un rapport de disproportionnalité entre les capacités d'accueil des établissements et le nombre de prisonniers. Une des caractéristiques

1206 OLINGA (D.-A.), « La Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Essai de présentation », op. cit., p.53 et s.

1207 NIZIGIYIMANA (P.C.), L'amélioration des conditions sanitaires dans les prisons du Burundi, Mémoire Master of Advanced Studies en Action Humanitaire, Juin 2012, 79p. ; AHONTO (L.), « Mineurs en prison. Des conditions de vie déplorables », In. L'autre Afrique, n°56 du 14 au 21 juillet 1998, p.33. ;

https://bice.org/fr/les-enfants-oublies-des-prisons-ivoiriennes/(consulté le 18/01/217) ;
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/03/27/dans-l-enfer-de-la-prison-pour-mineurs-d-

abidjan_4602568_3212.html(18 /01/2017); http://geopolis.francetvinfo.fr/ces-prisons-africaines-
transformees-en-couloirs-de-la-mort-72809( consulté le 20/01/2017)

1208 Ibid.

1209 ONUCI, Situation des établissements pénitentiaires de Côte d'Ivoire, Juillet 2005-Avril 2006, Aout 2006, p.3.

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fondamentales des milieux carcéraux ivoiriens est, ainsi que nous pouvons l'observer, la surpopulation. En Côte d'Ivoire, la maison d'arrêt et de correction d'Abidjan qui abrite le COM n'échappe pas en effet à cette triste réalité d'une démographie pénitentiaire toujours en hausse.

Cette inadéquation, entre les capacités d'accueil des prisons et la population carcérale infantile toujours en inflation, est génératrice d'autres problèmes qui contribuent de façon essentielle à rendre précaires les conditions d'existence dans les centres de détention des mineurs. Il s'agit par exemple de la promiscuité avec ce que cela comporte d'effets pervers. La promiscuité a pour effet de rapprocher des délinquants de diverses catégories les uns des autres et, par-là, augmenter les risques de corruption des détenus peu ou pas du tout dangereux au contact de grands délinquants ou criminels. Pire encore, la promiscuité, fruit de la surpopulation, favorise la formation de véritables bandes de délinquants. Il ne s'agit pas seulement en effet, pour les détenus moins dangereux d'apprendre, d'autres détenus récidivistes et dangereux, des méthodes pour mieux commettre des infractions pénales, mais il s'agit aussi dans certains cas de former avec eux des groupes d'amis qui auront pour finalité de continuer, après remise en liberté, dans la voie de la délinquance.

La surpopulation comme nous le voyons, constitue un véritable problème à la MACA : elle contribue souvent à faire du COM, un lieu d'apprentissage et de formation à la délinquance, un lieu criminogène. Elle rend la vie carcérale insupportable pour les enfants et favorise des violences de toute espèce non seulement entre détenus mais encore entre détenus et personnel pénitentiaire. Elle ne permet donc pas un meilleur suivi des détenus par le personnel. C'est alors qu'il revient à chacun de se débrouiller. En plus, la surpopulation ne permet pas de tenir les locaux de détention en bon état.

2. La question de l'insalubrité des locaux d'emprisonnement

L'hygiène individuelle et collective sur laquelle insistent certains instruments juridiques est quasi-absente des COM et prisons ivoiriennes. En Côte d'Ivoire, la législation pénale organise en théorie un système pénitentiaire qui accorde une place importante à l'hygiène des détenus dans les prisons. L'article 154 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires énonce que : « les locaux de détention et en particulier les dortoirs doivent répondre aux exigences de l'hygiène (...) ». Dans le même

ordre d'idées, l'article D. 349 du code de procédure pénale français dispose que : « l'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité (...) ». Malheureusement dans les faits, l'hygiène dans les prisons pâtit de la vétusté et de l'encombrement1210.

En un mot, il manque, en plus une organisation émanant de l'administration pénitentiaire, qui permette aux détenus de nettoyer plus ou moins régulièrement leurs cellules. Ainsi, les cellules se transforment progressivement en dépotoir ou porcherie. Par manque de contrôles exigeants du personnel pénitentiaire, l'hygiène ne constitue en aucun cas, une préoccupation majeure. Il appartient généralement à chaque détenu de rendre son petit espace de vie propre. C'est alors que certaines cellules sont moins sordides que les autres. Dans le cas où les détenus apparaissent négligents, parce que dégoûtés de leurs conditions de détention, les cellules sont incontestablement sales, insalubres. C'est dans cette insalubrité des locaux que nombre de prisonniers vivent, avec ce que cela comporte de risques.

Le premier choc, c'est l'odeur. Celle des excréments, engluée dans une humidité poisseuse impossible à chasser dans des couloirs sans lumière. Ces odeurs nauséabondes s'expliquent par la défaillance du système de canalisation et d'évacuation des eaux usées et de pluie1211. Durant la saison des pluies, le rez-de-chaussée du bâtiment est inondé par des eaux émanant des fosses septiques1212. Chaque semaine pourtant, les bénévoles de certaines ONG tels la fondation Amigo, des religieux catholiques pour la plupart, aident les enfants à balayer leur dortoir et à récurer les sanitaires, constamment bouchés. Les détenus volontaires sont nombreux, visiblement heureux de s'acquitter d'une corvée qui leur permet de retrouver quelques millimètres de propreté là où la crasse semble s'être inexorablement incrustée. La tâche est éreintante : au premier étage, celui des dortoirs, il n'y a pas d'eau courante. L'unique robinet, qui ne fonctionne que quelques heures par jour, se trouve dans la cour au rez-de-chaussée. Qui plus est, selon des enfants détenus, le cadre insalubre crée un cadre

1210 ONUCI, « Situation des établissements pénitentiaires de Côte d'Ivoire, Juillet 2005-Avril 2006 », Aout 2006, p.3.

1211 COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME DE COTE D'IVOIRE, L'Etat des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport annuel 2015, p.38.

1212 COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME DE COTE D'IVOIRE, L'Etat des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport annuel 2015, p.39.

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propice à la présence de rats ou souris qui se font le plaisir de leur manger la corne des pieds pendant leur sommeil.

Une autre triste réalité achève de choquer : Une situation vraisemblable à la vue des rares moustiquaires installées dans les dortoirs, qu'aucun crochet n'a été prévu pour tendre : les quelques protections vertes sont nouées aux néons cassés ou aux barreaux des fenêtres, dans un enchevêtrement fébrile de fils qui menace de s'effondrer. Ce qui ne manque pas d'inquiéter vu que ces fils conduisent certainement de l'électricité. Pour ceux des enfants privés du bénéfice de moustiquaires, leur peau noire s'efface presque sous les marques roses laissées par les piqûres. Les moustiques n'ont pas à chercher loin pour se reproduire, car la cour et ce qui ressemblait un jour, à un terrain de basket, sont partiellement noyés sous les flaques d'eau stagnante, sans parler des eaux usées qui remontent après chaque pluie.

Mais, nous constatons une violation du droit au logement dans les établissements pénitentiaires. En prison, outre le droit à la nourriture, les conditions d'hygiène et le droit à la santé constituent un autre droit inaliénable de tous.

L'accès à l'eau est une condition essentielle pour la propreté et le bien-être des mineurs détenus. Les règles de la Havane recommandent que dans « Tout établissement (...), chaque mineur doit disposer en permanence d'eau potable1213 ». Au Centre d'observation des mineurs d'Abidjan, les détenus n'ont pas à leur disposition de l'eau de façon permanente1214 . Il y existe un seul point d'eau à faible débit1215. Pour bénéficier d'eau dans les dortoirs et les sanitaires, les mineurs sont obligés de transporter l'eau depuis le rez-de-chaussée jusqu'aux dortoirs1216. Contrairement aux mineurs du COM d' Abidjan, les mineurs internés au MAC de Dabou disposent d'un point d'eau d'accès facile1217. Il convient de noter que les mineurs de ces deux centres ne reçoivent aucune dotation en savon, éponge et serviette pour

1213 Point 37 des Règles de la Havane.

1214 COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME DE COTE D'IVOIRE, L'Etat des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport annuel 2015, p.39.

1215 Ibid.

1216 COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME DE COTE D'IVOIRE, L'Etat des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport annuel 2015, p.39.

1217 Ibid.

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assurer leur propreté corporelle et l'hygiène de leurs vêtements, facteurs d'une bonne santé.1218

L'insalubrité est ainsi une autre caractéristique des établissements pénitentiaires en Côte d'Ivoire. Vivre sale parait être normale, aussi bien pour les responsables en charge des prisons en Côte d'Ivoire que pour les détenus qui finissent par l'intérioriser inconsciemment. De ce point de vue, il n'y a pas lieu de s'étonner de l'état de sordidité affectant les prisons. Les choses se passent comme si, de manière spontanée, les pouvoirs publics choisissent que les prisons soient sales ; ce pour mieux corriger, sinon punir les enfants délinquants. Cependant, cet état d'insalubrité pénitentiaire avancée contribue de façon essentielle à l'apparition de maladies susceptibles de mettre la vie des enfants détenus en danger de mort. Nous comprenons alors pourquoi la prison est présentée comme un mouroir.

Au total, toute cette situation est contraire aux règles de la Havane qui recommandent en leur point 31 que « les mineurs détenus doivent être logés dans des locaux répondant aux exigences de l'hygiène et de la dignité humaine ». Contrairement au COM d'Abidjan, il y a lieu de noter que le quartier des mineurs de la MAC de Dabou est quant à lui bien entretenu et est d'une propreté satisfaisante1219.

3. De la malnutrition à la permanence des maladies

Tout établissement est tenu de veiller au respect de l'alimentation du mineur, qui doit être convenablement préparée et présenté aux heures usuelles des repas, et satisfaisant en qualité et en quantité1220.

Le problème lié à l'alimentation est la malnutrition, en raison de la qualité douteuse et l'insuffisance des vivres. En effet, la malnutrition représente une peine supplémentaire, un surplus d'injustice. Le droit à la nourriture est le premier des droits à garantir, étant

1218 COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME DE COTE D'IVOIRE, L'Etat des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport annuel 2015, p.39.

1219 COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME DE COTE D'IVOIRE, L'Etat des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport annuel 2015, p.39.

1220 HCDH, Les droits de l'homme et les prisons. Manuel de formation aux droits de l'homme à l'intention du personnel pénitentiaire, série sur la formation professionnelle n°11, New York et Genève, 2004, pp.59-61.

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essentielle à la survie. Selon le dernier rapport de l'ONUCI sur les prisons ivoiriennes1221, la malnutrition serait la cause principale de la mortalité en prison et ce en raison des moyens dont disposent les prisons de Côte d'Ivoire.

Chaque prisonnier reçoit en moyenne une ration alimentaire par jour d'une valeur de 120 francs CFA1222, qui représente moins de la moitié du budget des pays voisins pour l'alimentation des détenus. Quant aux repas, il n'y a pas de petit-déjeuner, et à midi, on livre aux mineurs d'énormes marmites, réparties entre du riz compact et une sauce aux morceaux de viandes rares et douteux. D'après les bénéficiaires, « Il y a des cailloux, du sable, c'est immangeable » ; cette affirmation est souvent relayée par la presse et le commun des mortels en Côte d'Ivoire. Et de façon irresponsable, les éducateurs n'hésiteraient pas à cacher les marmites lors des visites des juges des enfants pour éviter que ces derniers ne constatent l'état piteux de la nourriture servie aux enfants. Pour notre, part, nous estimons que de tels agissements sont de nature à être assimilés à des traitements inhumains et dégradants1223.

Il est encore plus difficile de comprendre la manière dont le budget du Centre d'Observation des Mineurs (COM) est réparti quand on sait que tous les repas viennent de la Maison d'Arrêt et de Correction d'Abidjan (MACA) voisine. Un lien qui brouille davantage la frontière censée séparer les deux établissements. Cependant, grâce à l'action charitable des ONG et notamment le BICE1224, le MESAD et la communauté musulmane, on constate une légère amélioration dans les conditions d'alimentation. Ces ONG n'hésitent pas à offrir une fois par semaine une nourriture de qualité acceptable qui est effectivement servie aux enfants.

En définitive, le décret relatif à la ration alimentaire quotidienne des prisonniers qui remontent à 1952, n'est pas respecté, et presque pour ainsi dire tombé en désuétude. Cependant les gouvernants doivent porter une attention particulière à l'amélioration de l'alimentation des détenus.

1221 ONUCI, « Situation des établissements pénitentiaires de Côte d'Ivoire, Juillet 2005-Avril 2006 », Aout 2006, p.3.

1222 Ibid., p.3.

1223 HCDH, Les droits de l'homme et les prisons. Manuel de formation aux droits de l'homme à l'intention du personnel pénitentiaire, série sur la formation professionnelle n°11, New York et Genève, 2004, p.37. 1224 Durant le stage par nous effectué au BICE, nous avions participé à cette opération de distribution de repas qui avait lieu tous les jeudis à 12h, et ce dans le cadre des actions du programme Enfance Sans Barreaux (ESB).

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Les différents lieux d'emprisonnement des enfants en Côte d'Ivoire sont également des réservoirs de multiples maladies. Dans ces lieux, les détenus sont exposés aux maladies telles que le paludisme, les maladies pulmonaires comme les bronchites, les pneumopathies, la tuberculose...les diarrhées, les dermatoses, les troubles de vision et les conjonctivites. Ces maladies, ainsi que nous pouvons le remarquer sont liées aux conditions de détention qui sont dans l'ensemble précaires. Dans le cas du paludisme, il faut noter que les prisonniers ne se protègent pas efficacement contre les moustiques qui en sont les agents vecteurs. Ils ne dorment pas en effet sous moustiquaire. Il n'est donc pas surprenant, dans ces conditions où aucune mesure n'est prise pour se protéger, que des détenus tombent régulièrement malades de paludisme. Les conditions sanitaires des mineurs sont de plus en plus dégradées : Nombreux souffrent de maladies cutanées, de paludisme et autres infections microbiennes. Ils prétendent ne recevoir aucun soin médical. Or, pour banal que cela puisse apparaître, la santé dans les prisons touche également au domaine des droits de l'homme et la promotion des droits des détenus. B. BULTHE écrit à ce propos : « En raison de sa fonction et des qualités humaines que celles-ci requiert, la médecine est un des garants du respect des droits de l'homme tant dans la société que dans les établissements pénitentiaires (...). Si au siècle dernier, le régime dans les prisons était celui d'un minimum jugé indispensable, pour l'entretien de la santé et des forces des détenus, c'est d'un droit à la santé qu'il s'agit aujourd'hui1225 ».

En principe, il appartient à l'Etat, principal organisateur du système pénal et à l'administration pénitentiaire, de maintenir l'état de santé physique et mentale des détenus. La privation que constitue l'incarcération devrait être mise à profit pour assurer un dépistage complet des infections dont ils peuvent être atteints et de les traiter1226. Cela suppose bien entendu que les établissements pénitentiaires disposent d'infirmeries équipées et que la présence médicale et para médicale soit renforcée1227.

1225 BULTHE (B.), « Rapport à la 2e session d'étude du centre international de recherches et d'études sociologiques pénales et pénitentiaires de Messine » In. Rev. Dr. pén. et crim., n° 4, 1982, p.299. cité par BERNARD (F.) « Pour un véritable statut de la médecine pénitentiaire », Rev. Pénit. et dr. pén., 1981, pp.29-30.

1226 Rapport présenté au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire par M. AYMARD, 1er au 10 novembre 1977, Rev. Pénit. et dr. pén., 1978, p.61.

1227 Ibid.

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Les diarrhées sont dues principalement à l'alimentation qui est de mauvaise qualité. Quant aux dermatoses et aux maladies pulmonaires, la raison est à trouver dans des conditions hygiéniques déjà évoquées qui laissent singulièrement à désirer. Nous ne le dirons jamais assez, l'écrasante majorité de la population carcérale mineure du COM d'Abidjan dort presque à même le sol, c'est-à-dire sur de simples nattes dans des cellules insalubres. Cette population carcérale est donc, ainsi qu'il apparait, régulièrement en contact avec la poussière, la saleté. Il faut également noter que, si les détenus ont un peu d'eau à leur disposition, ils manquent cependant dans la plupart des cas de savons. Dans ce sens, il est difficile pour eux de prendre véritablement soin de leur corps et de tenir en permanence leurs vêtements propres. Ainsi, se comprennent les multiples maladies dermiques comme la gale. Pour les troubles de vision et les conjonctivites, il faut seulement rappeler ici que les prisonniers n'ont pas le bénéfice de promenades journalières dans l'enceinte de la prison. Il en résulte logiquement des problèmes de vision pour la simple raison qu'ils sont constamment enfermés dans les cellules où l'éclairage est défectueux, où la pénombre est souvent la règle.

Il convient par ailleurs de souligner, un aspect peu ou prou positif : le COM et le nouveau centre d'observation des mineurs disposent d'un personnel soignant ; mais malheureusement, là où il y a une présence de quelques infirmiers ou médecins, il n'y a souvent pas de médicaments qui permettent d'administrer les premiers soins aux détenus souffrants. Ainsi, le personnel soignant est parfois désarmé en face des enfants malades. Les instruments juridiques nationaux et internationaux disposent que tout mineur a le droit de recevoir des soins médicaux, tant préventifs que curatifs1228. Les visites dans les établissements pénitentiaires révèlent l'intervention partielle des infirmiers d'Etat. L'action menée par les infirmiers s'analyse essentiellement par la prescription d'ordonnances médicales, sans pouvoir véritablement faire bénéficier aux mineurs détenus des soins appropriés.

Comme on le voit, les mineurs incarcérés sont détenus dans des situations précaires en raison de l'absence d'hygiène et de soins de santé appropriés ; ce qui ne manque pas de retentir négativement sur leur état de santé.

1228 Art.12 PIDESC, Art. 25 D.U.D.H., Principe 9 des Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus ; Règles 23 et 25 de l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

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Enfin, notons que certains détenus peuvent avoir importé des maladies dans les prisons. En effet, à leur entrée en prison, ils ne font pas l'objet de visites médicales : de ce point de vue, ils représentent un risque de contamination majeur pour les autres. Il y a donc une nécessité de faire quelque chose pour les prisons qui deviennent de plus en plus des milieux à haut risque. Nous le voyons : les prisons pour mineurs en Côte d'Ivoire sont des lieux plus ou moins oubliés, des lieux qui ne paraissent pas attirer de façon particulière l'attention des autorités publiques.

Au terme de la comparaison entre les recommandations des divers instruments juridiques et la réalité carcérale, on peut s'autoriser à affirmer que les droits de l'enfant trouvent difficilement une application effective dans les centres de détention des mineurs car la réalité pénitentiaire est plus ou moins éloignée des textes qui ont, eux, pour visée le souci de la sauvegarde de la dignité humaine. Mais, cet écart est susceptible d'être réduit, il peut être comblé. C'est dans cette perspective que nous pouvons comprendre pourquoi la gestion des espaces carcéraux en Côte d'Ivoire laisse une part trop belle à la négligence.

Au-delà des conditions générales précaires caractéristiques des conditions de détention des enfants, il importe de relever le cas particulier des enfants de sexe féminin qui vivent aussi dans des conditions extrêmement précaires.

B. LE CAS PARTICULIER DES JEUNES FILLES INCARCEREES

La direction de l'administration pénitentiaire, chargée de la gestion et du contrôle des établissements pénitentiaires n'a jusqu'à ce jour créé de cellule propre ou appropriée pour l'incarcération des mineurs de sexe féminin ou pour leur réinsertion sociale.

Les visites dans les maisons d'arrêt et de correction d'Abidjan, de Dabou et de Bassam révèlent que les filles mineures sous mandat de dépôt ou sous ordonnance de garde provisoire demeurent dans les mêmes geôles que les femmes adultes1229.

A la maison d'arrêt et de correction d'Abidjan, le bâtiment femme est appelé « KREMLIN » par les prisonniers eux-mêmes, parce qu'il est difficile d'accès. Ce bâtiment regroupe tous les prisonniers de sexe féminin, enfant ou adulte ayant commis toutes sortes

1229 COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME DE COTE D'IVOIRE, L'Etat des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, Rapport annuel 2015, p.35

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d'infractions. Néanmoins, les filles mineures sont approximativement séparées des femmes. Elles sont logées dans une cellule à elles réservée, mais restent en contact avec celles-ci car partageant les mêmes espaces de loisirs1230. Cette situation est alarmante car il faut se préoccuper de leur réintégration sociale : A la MACA, les jeunes filles comme les femmes évoluent dans un même environnement sans égard à leur statut et à la gravité des infractions commises par chacune d'entre elles. Cette organisation présente des risques pour la resocialisation car elle met dans un même espace des prévenues et des condamnées dont certaines sont des récidivistes. Seule une bonne séparation permet d'éviter de transformer le bâtiment F en une « école du crime » où les plus aguerries forment les novices. Durant la journée, tout le monde se côtoie. Les mineures qui sont censées rejoindre le Centre d'Observation des mineurs (COM), y demeurent faute de dispositions particulières, le COM n'accueillant en pratique que les mineurs délinquants de sexe masculin.

Les mineures sont de deux ordres : les délinquantes présumées ou condamnées et les enfants vivant avec leurs mères délinquantes détenues. Ceux-ci doivent en principe être remis aux services sociaux ou à l'orphelinat (cas des femmes enceintes ayant accouché en prison ou arrêtées alors qu'elles étaient en compagnie de leur progéniture). Cette solution est adoptée lorsque la femme n'a pas un parent prêt à assumer la tutelle de l'enfant. Du fait des défaillances des services de l'assistance sociale et du refus des mères de se séparer de leurs enfants, ces derniers sont contraints de demeurer en prison, alors qu'aucun fait ne leur est reproché. Certains enfants vivent avec leur mère en prison. En théorie, cet état de choses ne dure pas ; dans la plupart des juridictions, il existe des lignes directrices qui stipulent l'âge maximum auquel un enfant peut demeurer en prison, variant de quelques mois à quelques années. Cependant, ces lignes directrices ne sont pas toujours respectées parce que les enfants n'ont personne pour les prendre en charge ; en Inde par exemple, des enfants de 15 ans seraient demeurés en prison avec leurs parents parce que personne n'était venu les chercher1231. Certaines juridictions, notamment dans certains pays développés tels la

1230 Ibid.

1231 JANS (2007) «No takers for children of jailed parents» In. PxPG news, sur le site

http://www.rxpgnews.com/india/No-takers-for-children-of-jailed-parents_11779.shtml (consulté en mars 2007).

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Norvège, le Danemark ne permettent pas que des enfants vivent en prison, quel que soit leur âge1232.

Des recherches indiquent que le fait de laisser de jeunes enfants (en âge préscolaire) en prison avec leur mère peut renforcer le lien entre la mère et l'enfant et éviter à quelques-uns, des effets nuisibles de la séparation. Toutefois, les enfants devront vivre dans les mêmes conditions que les parents emprisonnés, ce qui souvent ne convient pas. Certains pays tels que le Cambodge ou l'Inde1233 ne prévoient pas toujours des allocations supplémentaires de nourriture pour les enfants, ce qui signifie que les parents doivent partager avec leurs enfants des repas (souvent insuffisant et/ou inadéquats)1234. C'est aussi le cas en Côte d'Ivoire et dans certains pays de la sous-région ouest africaine tels le Togo, le Bénin, le Burkina où les enfants vivant en Prison avec leur mères détenues, ne bénéficient d'aucun régime alimentaire adapté à leurs spécificités. Toute personne se trouvant au sein de ces lieux de détention, doit se satisfaire de la nourriture commune, faite pour tout le monde, sans aucune considération tenant à l'âge ou même à l'état de santé de de certaines personnes détenues.

En outre, les mères dont les enfants sont en prison avec elles trouveront difficile de ne jamais avoir aucun répit et ne seront donc pas en mesure de profiter des possibilités de formation ou de travail offertes par la prison si aucune disposition n'existe pour la prise en charge des enfants1235. Cela peut nuire à leurs chances d'une bonne réinsertion dans la société à leur sortie de prison ; ce qui peut avoir des répercussions sur leurs enfants.

Selon une étude en provenance du Cambodge, sept femmes prisonnières sur dix ayant des enfants ont dit qu'elles ne pouvaient pas allaiter et/ou n'avaient pas suffisamment de lait pour leur bébé1236. Nul doute que ce constat fait au Cambodge est le même en Côte d'Ivoire

1232 SALGADO (A.), BARJONNET (F.), TEBOL (N.) et MOEMERSHEIM (M.), Le régime juridique du mineur dans les pays scandinaves, Rapport de recherche Master 2, 2015, pp.20-25.

1233 RAKESH (S.) (2006), «Looking after children of women prisoners» sur le site Infochange analysis http://www.infochangeindia.org/analysis128.jsp (consulté en mars 2007).

1234 HILLARY (M.) (2002), Innocent Prisoners: a LICADHO report on the rights of children growing upin prisons, pp.15-16.

1235 ANN (C.), «Forgotten Families - the impacts of imprisonment» In. Family Matters Winter 2001, p.36. D'un autre côté, la qualité de la relation mère-enfant peut être meilleure s'il existe un soutien dans la prise en charge des enfants (par exemple de la part d'autres prisonniers ou des cours d'éducation disponibles en prison), ou du fait que la mère est peu sollicitée par ailleurs.

1236 HILLARY (M.), Innocent Prisoners: a LICADHO report on the rights of children growing upin prisons, 2002, p.17.

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au regard de la qualité de la nourriture servie aux jeunes filles mères vivant derrière les barreaux. Les autorités carcérales ivoiriennes devraient veiller à ce que les femmes enceintes et celles qui allaitent reçoivent une alimentation adéquate, leur assurant, à elles et à leurs enfants, un développement sain.

Le cadre de vie de la mineure délinquante offre peu de perspectives. S'il est propre, il ne réunit pas pour autant toutes les conditions d'hygiène requises à cause de la gale, des puces et des chiques qui nécessitent que les locaux soient déparasités régulièrement. En outre, la nourriture constitue un problème car elle se résume à un repas unique peu à propos. Pour l'essentiel, l'alimentation des détenues vient de l'extérieur, de la part des parents et amis qui, par des dons de repas ou d'aliments frais, contribuent à l'entretien du délinquant.

Evidemment, les conditions de détention et la nature des dispositions possibles pour la garde des enfants ailleurs doivent être prises en compte. Il y a cependant accord sur le fait que pendant la durée de leur séjour en prison avec leurs parents, la vie des enfants doit être aussi semblable que possible à celle qu'ils mèneraient à l'extérieur et ils ne devraient pas être sujets aux restrictions de liberté auxquelles les autres résidents de la prison sont soumis.

La Côte d'Ivoire gagnerait à s'inspirer de plusieurs prisons étrangères offrant des installations spéciales pour les enfants vivant avec leurs parents. Dans certains pays, des logements pour mères et enfants sont souvent fournis1237 et certaines prisons disposent de crèches ou d'écoles pour les enfants de détenus comme c'est le cas de celle de Pul-i-Charki en Afghanistan1238.

Les mauvais traitements infligés aux détenus mineurs ou majeurs constituent bien une réalité de l'univers carcéral. Malheureusement, de l'extérieur, il n'est pas facile de les repérer en raison de « la loi du silence » qui règne dans les prisons et de l'esprit de solidarité entre les gardiens. Cela est possible seulement grâce à un contact direct avec les détenus concernés ou encore grâce à des enquêtes réalisées par des organismes indépendants tels que le

1237 PENAL REFORM INTERNATIONAL, Annual Report 2005,2006, p.22.

1238 BRINLEY (B.) «22 to a cell - life in a notorious Afghan prison» In. The Guardian, London, 2007, p8.

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C.P.T1239., l'Observatoire International des Prisons (O.I.P.)1240 ou les organisations de défense des droits de l'homme1241, et les organisations onusiennes1242.

Au-delà de la sphère pénitentiaire, la souffrance infligée aux enfants en Côte d'Ivoire s'est amplifiée à travers des atteintes graves aux droits de l'enfant durant le conflit armé ivoirien.

1239 Le Comité contre la torture est un organe des Nations Unies composé d'experts indépendants, qui est chargé de surveiller l'application par les Etats parties de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984.

Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Comité contre la torture, http://www2.ohchr.org/french/bodies/cat/ (consulté le 10 /11/2017).

1240 « L'Observatoire international des prisons (OIP) a pour objectifs la surveillance des conditions de détention des personnes privées de liberté et l'alerte sur les manquements aux droits humains dont la population carcérale peut faire l'objet. Son objectif principal est donc de « briser le secret » qui entoure les lieux de détention. Avec comme références les droits de l'homme et le respect de la personne humaine, l'OIP considère que chacun a droit, en tous lieux, à la reconnaissance de sa personnalité juridique et que nul ne peut être soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'OIP agit en dehors de toute considération politique et se positionne en faveur de l'application des textes nationaux et internationaux relatifs aux droits humains quel que soit le motif qui a présidé à la détention de la personne considérée. » L'Observatoire international des prisons (OIP), Notice 2016, Pour le droit à la dignité des personnes détenues, p.11 disponible sur : http://oipbelgique.be/fr/wp-content/uploads/2017/01/Notice-2016.pdf (consulté le 10/11/2017).

1241 Voir la thèse du Professeur MELEDJE DJEDJRO F., La contribution des organisations non gouvernementales à la sauvegarde des droits de l'homme, Thèse pour le doctorat de droit public, Faculté de droit et des sciences politiques et sociales, Université d'Amiens, 23 octobre 1987, 553p.

1242 ONUCI-Division des droits de l'homme, Rapport sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire Janvier- Février 2005, Mars 2005, pp.10-11 ; Département des opérations de maintien de la paix, « Une paix durable par la justice et la sécurité », In. Actualités pénitentiaires, Volume 3, Septembre 2011, pp.10-11.

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SECTION II. LES ATTEINTES GRAVES AUX DROITS DE L'ENFANT EN PERIODE DE CONFLIT ARME

La préservation des enfants contre les conséquences dramatiques des effets des conflits armés constitue un impératif moral, une responsabilité juridique et une question relevant de la paix et de la sécurité internationale. En outre, le Conseil de sécurité a défini les crimes contre les enfants en temps de guerre comme une « menace potentielle pour la paix et la sécurité internationales » ; le Conseil laisse ouverte la possibilité d'imposer des sanctions sévères, voire d'intervenir en vertu du Chapitre 7 de la Charte des Nations Unies en réponse à ces crimes. Ainsi, pour le Conseil de sécurité, la protection des enfants durant les conflits armés constitue un aspect majeur de toute stratégie complète de règlement des conflits armés, et devrait être une priorité pour la communauté internationale1243 . C'est dans cet esprit que l'Assemblée générale des nations unies et nombre d'organismes du système des Nations Unies, ont à plusieurs reprises, préconisé l'octroi d'une protection spéciale aux enfants par toutes les parties en conflit1244. L'Onu par le biais de son Secrétaire général a repéré six violations graves commises durant les conflits armés1245, selon la possibilité de les suivre et de les vérifier, leur caractère flagrant et leur gravité sur la vie des enfants1246. La qualification juridique de ces violations se fonde sur le droit international pertinent : droit humanitaire international, droit international des droits de l'homme et droit pénal international. Durant les conflits armés, le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme doivent être respectés, une attention spéciale étant accordée aux enfants souvent privés de toute défense contre les violences1247 .

1243 Voir, par exemple, les résolutions du Conseil de sécurité 1261 (1999), 1314 (2000), 1379 (2001), 1460

(2003) 1539 (2004), 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011) et 2068 (2012).

1244 Voir par exemple, la Déclaration de l'Assemblée Générale « Un monde digne des enfants », en annexe à la résolution A/RES/S-27/2 (2002) adoptée à l'unanimité. Voir aussi A/RES/62/141 (2008) et A/RES/63/241(2009).

1245 https://childrenandarmedconflict.un.org/publications/lessixviolationsgraves.pdf (Consulté le 10/06/2015).; Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques, Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013), 32p.

1246 S/RES/1612 (2005).

1247 Le droit des traités relatifs aux droits de l'homme s'applique à tout moment, mais certaines dispositions des traités prévoient des dérogations en période d'urgence. Voir par exemple, art. 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966).

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En effet, la Cour internationale de justice (CIJ), ainsi que plusieurs traités fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme établissent clairement que le droit relatif aux droits de l'homme n'est pas complètement supplanté par le DIH, et peut toujours s'appliquer directement au cours d'un conflit : « La protection offerte par les conventions régissant les droits de l'homme ne cesse pas en cas de conflit armé, si ce n'est par l'effet de clauses dérogatoires du type de celle figurant à l'article 4 du pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies. Dans les rapports entre le droit international humanitaire et le droit relatif aux droits de l'homme, trois situations peuvent dès lors se présenter : certains droits peuvent relever exclusivement du droit international humanitaire ; d'autres peuvent relever exclusivement du droit relatif aux droits de l'homme ; d'autres enfin peuvent relever à la fois de ces deux branches du droit international1248 ».

Cependant, la rébellion armée, déclenchée dans la nuit du mercredi 18 juin au jeudi 19 septembre 20021249, a provoqué, sans nul doute, les plus graves violations de droits que la Côte d'Ivoire ait connues depuis son indépendance. Cette nuit-là, les Ivoiriens s'étaient réveillés sous les détonations de mitrailleuses, les éclats d'obus, les secousses des rafales de kalachnikovs, d'armes lourdes et automatiques. Ce qui était supposé être une mutinerie des « zinzins » et « Bahéfouè »1250 était en réalité, une tentative de coup d'Etat qui s'était muée

1248 CJI, « Legal consequences of the Construction of a wall in the Occupied Palestinian Territory », Advisory Opinion, ICJ Reports 2004, 9 juillet 2004. Voir CIJ, « Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo v. Ouganda) », jugement, Rapports CIJ 2005, 19 décembre 2005 ; CCPR/C/21/Rev.1/Add.11 (2001), Comité des droits de l'homme, commentaire général 29, states of Emergency (art.4) ; E/C.12/1/Add.69, Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels : Israel, 2001

1249 Au moment où cette rébellion armée avait éclaté dans son pays, le Président Laurent GBAGBO était en visite officielle en Italie. Rentrée précipitamment, il prononça le discours suivant :

« Je suis rentré pour reprendre ma place à la tête de l'Etat et à la tête des forces armées de Côte d'Ivoire (...). Chers amis, ne vous y trompez pas, c'est la Côte d'Ivoire qui est attaquée. Mon pays est attaqué. Mon devoir est de faire front. Je suis donc rentré pour continuer la bataille que les forces de l'ordre, de défense, de sécurité ont entamée (...). Malgré toute notre bonne volonté, on engage la guerre. Contre notre bonne foi, on engage la guerre. Eh bien, je vous le dis aujourd'hui : quiconque vient vers moi avec un rameau d'olivier à la main, je lui donnerai un baiser, et je l'embrasserai. Mais quiconque vient avec une épée, je sortirai une épée et nous nous battrons (...). J'engage toutes les forces de défense et toutes les forces de sécurité (...). Et que la bataille commence (...). L'heure du patriotisme a sonné. L'heure du courage a sonné. L'heure de la bataille a sonné. On nous impose une bataille. Menons-la avec courage, avec détermination et honneur. » Laurent GBAGBO, « Que la bataille s'engage », in Le Patriote, Hors-Série, Edition Spéciale n°5. Septembre 2003, p.3.

1250 Quand le général Robert GUEI était devenu Chef de l'Etat, chef de la junte militaire, à la suite du putsch de décembre 1999, il a rappelé dans l'Armée, pour sa garde personnelle, environ 500 anciens militaires qui avaient été déjà démobilisés. Ce sont ceux-là qu'on a appelés les « Zinzins « et les Bahéfouès ». Et, ces derniers auraient pris les armes pour manifester contre leur démobilisation prévue au mois de décembre 2002. « Zinzin »

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en une rébellion armée soutenue par des mercenaires et des puissances étrangères. Cette crise « sans précédent »1251 a été ponctuée par l'exploitation militaire des enfants (Paragraphe 1), ainsi que des violations graves aux droits fondamentaux de l'enfant (paragraphe 2).

§ 1. L'EXPLOITATION MILITAIRE DE L'ENFANT DURANT LE CONFLIT ARME IVOIRIEN

L'exploitation militaire des enfants au cours d'un conflit n'est pas un phénomène nouveau ou spécifique à la Côte d'Ivoire. Elle existait déjà en Europe et est désormais interdite grâce aux législations internes des pays1252. Malheureusement, elle ne fait que progresser dans les pays en développement1253. Il en a été ainsi durant le conflit ivoirien marqué par l'enrôlement des enfants (A) à qui sont confiés des activités dont la nature et les conséquences méritent d'être analysées (B).

A. L'ENROLEMENT DES ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMES

Dans les années 1990, de nouveaux conflits ont vu le jour, ainsi qu'une prolifération de nouveaux Etats revendiquant un rôle à part entière sur le plan international1254. Le nombre croissant des conflits de longue durée qui affectent certains pays, notamment ceux de l'Afrique, causant la perte de soldats adultes, les avancées technologiques en matière d'armement, la prolifération d'armes légères et faciles à manipuler sont autant de facteurs qui ont contribué à un accroissement du recours aux enfants soldats1255. Le plus souvent, les enfants soldats sont âgés de 15 à 18 ans, mais le recrutement peut avoir lieu dès l'âge de 10

est un mot français qui sert à qualifier un individu bizarre, un peu fou. « Bahéfouè est un mot Akan, utilisé tantôt comme nom, tantôt comme adjectif, et qui signifie « sorcier ».

1251 GBAGBO (S.), « Adresse aux ivoiriens et Ivoiriennes » In. Fraternité-Matin n°11388, du lundi 21 octobre 2002, p.10.

1252 BADIANE (S.), Les enfants aux deux bouts du fusil : un défi majeur pour le système des Nations Unies et la communautéì internationale, Presses Universitaires de Dakar (PUD), 2004, 453p.

1253 C'est en Afghanistan, en Birmanie, en Afrique, Soudan au Cambodge, en Colombie, au Guatemala, au Libéria, au Pérou, la Birmanie, le Cambodge, le Guatemala, le Pérou et le Soudan, au Sri Lanka et en Turquie que l'on utilise de façon massive les enfants dans les conflits.

1254 AHLSTROM (C.), Victimes de conflits : rapport destiné à la campagne mondiale pour la protection des victimes de guerre, Département de recherches sur la paix et les conflits, Université d'Uppsala, 1991, pp. 615.

1255 Constatation d'Olara OTTUNU, représentant spécial du secrétaire général de l'Onu, lors du débat sur la résolution 1260 du conseil de sécurité, dans la nuit du mercredi 25 à jeudi 26 Août 1999, à New York. Voir www.un.org (consulté le 20/05 /2012).

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ans, voire même plus jeune : au Cambodge, en Sierra Leone et en Ouganda, des enfants soldats avaient 5 ans1256. En Côte d'Ivoire, de nombreux enfants endoctrinés ont pris part volontairement aux hostilités tandis que d'autres sont enlevés à leur famille pour être recrutés de force ou obligés de rejoindre les forces armées1257.

1. L'embrigadement ou endoctrinement idéologique et le recrutement volontaire des enfants

La conscription consiste à inscrire sur les rôles de l'armée, des jeunes gens qui ont l'âge légal pour le service militaire.1258 La conscription ou l'engagement d'enfants de moins de 15 ans ou leur utilisation pour participer activement aux hostilités tant dans des conflits armés non internationaux est qualifiée de crime de guerre par le Traité de Rome instituant la Cour Pénale Internationale1259. Selon le dictionnaire Robert, l'action d'embrigader vise à « rassembler, réunir un certain nombre de personnes sous une même autorité et en vue d'une action commune ». L'embrigadement en soi n'est pas nécessairement mauvais, sauf s'il accompagne d'une idéologie qui l'éclaire, lui sert de motivation, de support ou de guide1260. Il ne pose donc aucun problème lorsqu'il tend à réaliser les principes inscrits dans la charte des Nations Unies, notamment dans son article 1er selon lequel, l'un des buts de l'ONU est de « réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes d'ordre économique, social, intellectuel et humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »1261.

L'embrigadement idéologique apparaît sous la forme négative lorsqu'il empêche une éducation saine et harmonieuse de l'enfant1262. Il y a embrigadement idéologique de l'enfant

1256 Voir www.savethechildren.org (consulté le 15/02/2015).

1257 BADIANE (S.), Les enfants aux deux bouts du fusil : un défi majeur pour le système des Nations Unies et la communautéì internationale, Presses Universitaires de Dakar (PUD), 2004, 453p.

1258 www.cntrl.fr/definition/conscription (consulté le 15/02/2015).

1259 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

1260 TORELLI (M.), La protection internationale des droits de l'enfant , travaux du centre d'études et de recherche de droit international et de relations internationales de l'Académie de droit international, la Haye, 1979, PUF, 1983, p.147.

1261 PISIER-KOUCHNER (E.), « Protection de la jeunesse et contrôle des publications », In. Revue internationale du droit d'auteur, 1973, pp.55-159.

1262 Voir la Déclaration des droits de l'enfant des Nations Unies, 20 déc. 1959.

chaque fois qu'une politique ou une pratique contraire à un principe des Nations Unies tend à provoquer, à maintenir ou à consolider un ordre social donné, ce qui peut conduire à un esprit d'intolérance et d'incompréhension pouvant être source de conflits sociaux majeurs1263.

Beaucoup d'enfants de moins de dix-huit ans rejoignent volontairement les forces armées nationales ou les milices, pensant trouver une meilleure sécurité1264. En effet, l'enfant choisit de s'engager pour des raisons économiques, il considère son engagement comme une opportunité financière, un moyen de gagner sa vie, voire de s' « élever dans l'échelle sociale et de parvenir ainsi à une certaine position sociale », mais aussi pour des raisons sociales1265. La plupart d'entre eux sont soit séparés de leur famille ou orphelins et souhaitent venger leur famille après avoir été eux-mêmes maltraités ou avoir été témoins de mauvais traitements, soit sont issus de milieu pauvre et encouragés par leurs parents à intégrer les forces armées1266. Ces enfants sont les plus exposées à l'enrôlement, ils sont souvent guidés par la recherche d'une stabilité et par l'espoir de sortir de la pauvreté, d'autant que les groupes armés, pour les attirer, promettent nourriture, un endroit où dormir, et un réseau social1267. Pour les parties en conflit, l'enfant est une proie facile à manipuler en raison de son incrédulité, de son incapacité à comprendre la gravité de ses actes1268.

En Côte d'Ivoire, le rapport du Secrétaire général de l'ONU reconnait sans ambages que : «Toutes les parties ont enrôlé ou utilisé des enfants lors du conflit armé».1269

Amnesty International, dans un rapport publié en 20051270, reconnait que « dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, depuis le début du conflit interne en septembre 2002, plusieurs

1263 TORELLI (M.), « La protection internationale des droits de l'enfant », op. cit., p.148.

1264 Voir rapport MACHEL (G.), « Impact des conflits armés sur les enfants », Document ONU A/51/306, New York, 1996.

1265 ICRC, « Protocole facultatif à la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant concernant l'implication des enfants dans les conflits armés », Argumentaire du comité international de la Croix-Rouge, Genève, 27 oct. 1997, R.I.C.R., n°829, pp.113-132.

1266 Amnesty International, « L'engagement volontaire dans les forces armées nationales des enfants n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans », in www.amnestyinternational.be (consulté le 15/02/2015).

1267 Voir rapport MACHEL (G.), op.cit.

1268 Amnesty International, « La République démocratique du Congo : enfants en guerre », 9 sept. 2003, in www.amnestyinternational.be (consulté le 15/02/2015).

1269 Rapport du Secrétaire général de l'ONU "Les enfants et les conflits armés", DOC. ONU A/58/546- S/2003/1053, p.11.

1270 Amnesty international, Rapport AFR 31/003/2005.

organisations non gouvernementales de défense des droits humains ainsi que l'ONU ont signalé à de nombreuses reprises des cas de recrutement et d'utilisation d'enfants-soldats par toutes les parties au conflit ». Les parties au conflit ici visés, sont notamment les forces gouvernementales d'une part et les forces rebelles regroupées au sein des Forces Nouvelles, d'autre part.

De même, l'article 4(3) (c) du Protocole II relatif aux conventions de Genève, qui gouverne les conflits armés non internationaux, stipule que « les enfants qui n'ont pas atteint l'âge de quinze ans ne doivent jamais être recrutés dans les forces armées ou groupes armés ni être autorisés à prendre part aux hostilités».

Malgré cette interdiction formelle des normes de droit international, la conscription a malheureusement été une pratique qui a toujours existé sur tous les continents ; une analyse historique offre de noter que le recrutement de jeunes enfants ne concerne pas que les pays en développement. En effet, des pays d'Europe, le Canada et les Etats-Unis acceptent des enfants de moins de 18 ans1271. Par exemple, des enfants soldats de 17 ans recrutés par la Grande Bretagne sont morts à l'occasion de la guerre des Malouines en 1982, de la guerre du Golfe en 1990/1991, et de la mission internationale de maintien de la paix au Kossovo (KFOR)1272 en 1998 et 1999, malgré l'interdiction des Nations Unies de recourir aux personnes de moins de 18 ans dans de telles opérations.

Avant la Côte d'Ivoire, des campagnes d'enrôlement des enfants, par le biais de la presse, des médias, mais aussi par l'enseignement ou dans des mouvements de jeunesse1273 ont été mis en oeuvre au Congo. Par exemple, le 7 août 1998, un communiqué officiel diffusé par la radio nationale du Congo, avait appelé les enfants et jeunes âgés de douze à vingt ans à rejoindre l'armée congolaise, en réaction aux récents mouvements de révolte contre le gouvernement d'alors1274. Au Congo, les principales parties qui ont recruté les enfants dans

1271 www.amnesty.asso.fr (consulté le 15/02/2015).

1272 DORLHIAC (R.), « La supervision internationale à l'épreuve du Kosovo indépendant », In. Bulletin du maintien de la paix, Bulletin n° 95 Septembre 2009, pp.3-4.

1273 Voir Human Rights Watch, in www.hrw.org/french (consulté le 18 janvier 2015).

1274 Voir la condamnation de Human Rights Watch de l'enrôlement des enfants dans les conflits armés et l'appel à leur démobilisation, New York, 11 août 1998, in www.hrw.org/french (consulté le 20 Janvier 2015).

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les conflits armés sont le RCD1275-Goma, l'armée du gouvernement congolais, les Maï Maï, le RCD-ML et les groupes armés en Ituri1276.

Les responsables militaires dans la crise ivoirienne ont aussi eu recours à la conscription. En 2006, le HCR avait signalé qu'une vingtaine d'enfants membres de la force supplétive du LIMA1277 opérant aux côtés des FANCI, avaient été recrutés dans le camp de réfugiés libériens de Nicla, à l'ouest de la Côte d'Ivoire1278. En effet, le conflit militaire ayant endeuillé, ensanglanté et détruit le Liberia voisin à partir de décembre 1989, avait forcé des milliers de Libériens dont des enfants à fuir les combats et les exactions des factions en conflit. Ce faisant, ces libériens fuyant la guerre ont trouvé refuge, pour la plupart, dans les pays voisins avec qui, ils partagent d'ailleurs une communauté de langue1279. Au nombre de ces Etats voisins, figure en bonne place, la Côte d'Ivoire. Malheureusement, pour ces

1275 Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD).

1276 Voir Amnesty international, « Les principaux partis qui recrutent les enfants soldats », 9 sept. 2003, in www.amnestyinternational.be( 20 Janvier 2015).

1277 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

1278 Rapport du Secrétaire général de l'ONU, sur"Les enfants et les conflits armés", DOC ONU A/61/529- S/2006/826, p.6. ; https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

1279 En effet, les GIO (ethnie libérienne) et les Yacouba de Côte d'Ivoire parlent la même langue ; C'est le cas également pour les Krahn (ethnie libérienne) et les Guéré (Ethnie ivoirienne) parlent aussi la même langue ; Avant de commencer sa révolution, Charles Taylor a recruté deux cents hommes dans le Nimba qu'il a transformés en Forces Spéciales. C'est dans la même province qu'il a débuté sa guerre, avec un mouvement dont la composition était à 90% constituée de Gio. C'était alors l'heure de la vengeance contre les Krahn qui ont longuement été leurs bourreaux. Après la mort de Doe, les Krahn se sont regroupés au sein de l'Ulimo pour combattre Taylor. Le NPFL majoritairement Gio et l'Ulimo majoritairement Krahn se sont ainsi affrontés pendant sept ans sans qu'il y ait de vainqueur. Mais après le recours aux urnes, c'est finalement Taylor qui l'a emporté. Après les élections, les jeunes Krahn ont massivement quitté le Liberia pour se réfugier dans la région des Guéré dans l'ouest de la Côte d'Ivoire. Les Krahn et les Guéré parlent la même langue. De la Côte d'Ivoire, les jeunes Krahn ont été recrutés en grand nombre pour former la rébellion du LURD. Quand les jeunes Yacouba ont formé le MPIGO pour venger Robert Gueï, ils ont été épaulés par les Gio. Les Krahn, eux, sont alors allés épauler les forces loyalistes pour stopper l'évolution du MPIGO vers la région guéré. Comme quoi, l'ennemi de mon ennemi est mon ami. Ainsi la rivalité Krahn-Gio s'est déplacée en Côte d'Ivoire à une grande échelle cette fois, avec d'un côté les Krahn et les Guéré, et de l'autre, les GIO et les Yacouba. C'était donc un nouveau volet de la crise ivoirienne car les forces libériennes déployées dans l'ouest de la Côte d'Ivoire échappaient au contrôle de leurs parrains respectifs. Celles du côté du MPIGO n'acceptent pas les ordres de Félix Doh. Ils n'hésitent d'ailleurs pas à ouvrir le feu sur les éléments du MPIGO qui cherchent à les rappeler à l'ordre. Quand ils rentrent dans un village ou une ville guéré, c'est la terreur qu'ils y sèment. De même dans le camp des jeunes Krahn qui combattent aux côtés des forces loyalistes : lourdement armés, ils détruisent tout ce qui est Gio. Voir ZOOM DOSSO, RFI, Le conflit tribal libérien resurgit en Côte d'Ivoire in RFI 20/03/2003 disponible sur : www1.rfi.fr/actufr/articles/039/article_20889.asp (Consulté le 20 Juillet 2016).

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réfugiés libériens, au plus fort du conflit ivoirien, les camps de réfugiés ont servi de viviers pour les différentes forces en conflit en Côte d'Ivoire.

2. Le recrutement forcé ou obligatoire des enfants

Alors que des enfants prennent volontairement part aux hostilités, d'autres sont enrôlés de force par les différents belligérants. Le recrutement des enfants peut en effet se faire de façon violente tant par les armées régulières que par les groupes d'opposition armée1280. Le recrutement forcé et violent consiste à enrôler, sous la menace, voir la violence, les nouvelles recrues ou soldats : « Un grand nombre d'enfants sont embrigadés après avoir été menacés. Les groupes armés les enlèvent dans les rues, dans les villages qu'ils attaquent ou dans leurs écoles»1281. En Côte d'ivoire, ce procédé fut particulièrement usité par les groupes rebelles ivoiriens, catégorie à laquelle appartiennent les Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN)1282. Ainsi, dans un rapport publié en 2002 sur la Côte d'Ivoire, Amnesty International révélait que « des centaines de jeunes gens y compris des enfants âgés d'à peu près quatorze ans avaient été enrôlés dans les forces armées du Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) qui contrôle le nord de la Côte d'Ivoire depuis le soulèvement armé de septembre 2002 »1283. Cette allégation a été confirmée par l'ONG Human Rights Watch : « Dans chaque unité libérienne de cinq ou six combattants liée au MPIGO, il y avait habituellement au moins un enfant soldat, souvent de dix à douze ans seulement, armé d'une mitraillette ». Mieux, cette ONG précise qu' :« En Côte d'Ivoire, les rebelles se sont livrés à des exactions généralisées à l'encontre des civils dans certaines zones sous leur contrôle.

1280 La coalition belge contre l'utilisation des enfants soldats, « Qui recrute les enfants soldats ? », in www.enfant (Consulté le 22 janvier 2015).

1281 DHOTEL (G.), Les enfants dans la guerre, Edit. Essentiels n°154, 1999, Milan Eds, p.38.

1282 Les Forces armées Forces Nouvelles est la nouvelles appellation des différents mouvements rebelles nés à l'origine et au cours du conflit mais qui se sont ensuite fusionnés. Il s'agit notamment du :

MPCI : né de la crise qui a débuté le 19 septembre 2002, il est majoritairement formé d'éléments originaires du nord musulman, mais ne se réclame pas d'une appartenance ethnique et l'ensemble de la population ivoirienne y est représentée. Bénéficiant du soutien d'officiers supérieurs, et fort d'une dizaine de milliers de combattants, le mouvement contrôlait la moitié nord du pays et une partie du centre, soit 40% du territoire. MPIGO : Apparu le 28 novembre avec la prise de la ville de Danané, près de la frontière libérienne, il est majoritairement composé d'éléments Yacouba, ethnie commune au Liberia et à la Côte d'Ivoire.

MJP : Apparu conjointement le 28 novembre 2002 en revendiquant la prise de la ville de Man, à l'ouest du pays, le MJP est limité au grand ouest. Voir PIGEAUD (F.), France - Côte d'Ivoire, une histoire tronquée, Vents d'ailleurs, 2015, pp.33-37.

1283 Amnesty International, Rapport AFR 31/003/2005.

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Exécutions extrajudiciaires, massacres, tortures, cannibalisme, mutilations, recrutement et utilisation d'enfants soldats»1284.

L'enrôlement forcé d'adolescents était une pratique courante au Guatemala, que ce soit dans les rangs de l'armée ou des patrouilles de défense civile1285. De même, au Congo, face à une recrudescence des attaques par les milices maï maï, le RCD-GOMA avait lancé une campagne intensive de recrutement au cours de laquelle, de nombreux enfants dont les plus jeunes avaient 8 ans, ont été enrôlés souvent contre leur gré : au Congo, des soldats du RCD-Goma, soutenus par le Rwanda, ont enlevé de jeunes enfants sur le chemin de l'école ou de l'église, voire dans leur propre maison, pour les amener dans des camps d'entrainement militaire et les envoyer se battre au front aux côtés des forces rebelles1286. En Ethiopie, les milices ou la police parcouraient les rues pour recruter de force, le moindre jeune. Au Burundi, un grand nombre d'élèves ont été enlevés par les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD) afin qu'ils servent comme soldats dans la guerre que le mouvement menait contre le gouvernement du Burundi1287.

De peur de voir leurs enfants kidnappés, les parents refusent de les envoyer à l'école ; d'autres préfèrent faire diversion à l'arrivée des soldats recruteurs pour permettre à leurs enfants de s'échapper1288. Lors d'un communiqué de presse, la conseillère principale pour la Division africaine de Human Rights Watch (HRW), Alison Des Forges, a précisé que « les soldats qui sont censés protéger ces enfants les enlèvent et les envoient au front(...) »1289. A la suite de HRW, Amnesty International constate que des milliers d'enfants sont enlevés et contraints à se battre. Il cite l'exemple en Sierra Leone du groupe armé d'opposition Revolutionary United Front (RUF, Front Révolutionnaire Uni) créé par Foday Sankoh en 1989, et l'Armed Forces Revolutionary Council (AFRC, Conseil Révolutionnaire des forces armées) : plus de 10 000 enfants ont été enlevés pour être soit utilisés comme esclaves

1284 HUMAN RIGHTS WATCH, "Prise en deux guerres : violence contre les civils dans l'ouest de la Côte d'Ivoire", Août 2003 Volume 15, Rapport No. 14 (A), p.41.

1285 Voir www.amnestyinternational.be (consulté le 23 janvier 2015).

1286 HUMAN RIGHTS WATCH, « Congo : des enfants enrôlés de force par un groupe rebelle », New York, 29 mai 2001, in www.hrw.org( 23 janvier 2015).

1287 HUMAN RIGHTS WATCH, « Burundi : enlèvement d'enfants pour des actions militaires », New York, 13 déc.2001.

1288 UNICEF, « Des milliers d'enfants se réfugient en Guinée pour tenter d'échapper aux guerres qui déchirent l'Afrique de l'Ouest », Genève, 4 nov. 2003.

1289 HUMAN RIGHTS WATCH, « Congo : des enfants enrôlés de force par un groupe rebelle », op.cit.

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sexuels, soit recrutés de force comme soldats1290. Depuis 1991, les troupes de Foday Sankoh avaient déclenché une guerre civile dans l'est du pays et enrôlé les enfants pour faire main basse sur les diamants sierra-léonais1291. En 1998, la Commission des droits de l'Homme, dans sa résolution 1998/75 a dénoncé les enlèvements d'enfants perpétrés dans le Nord de l'Ouganda par l'Armée de résistance du Seigneur, et demandé la libération immédiate de ces enfants détenus1292.

Au-delà des frontières ivoiriennes et africaines, de nombreux enfants grandissent avec la guerre et sont soumis au recrutement forcé par diverses parties, comme en Afghanistan, au Pakistan, en Sierra Leone, au Sri Lanka où le groupe d'opposition armé des Tigres de la libération avait constitué des bataillons composés presque uniquement d'enfants1293.

Que ce soit en Côte d'Ivoire ou ailleurs, plusieurs raisons peuvent expliquer le recrutement d'enfants. Il s'agit de renforcer les effectifs, de minimiser les pertes de soldats réguliers et même de réduire les coûts financiers de la guerre. Remplacer les soldats tués ou blessés et renfoncer les effectifs est un impératif pour les forces belligérantes. En effet, «...plus un conflit dure, plus la probabilité qu'on fasse appel à des enfants est grande. Il faut bien remplacer, à un moment donné, les soldats adultes tués ou blessés. La plupart du temps ces « remplaçants » sont des enfants parfois très jeunes... »1294. En réalité, certaines familles peuvent être menacées de confiscation de leurs biens ou de violences physiques si elles refusent « d'offrir » leurs enfants à la cause1295.

Cette pratique, quoique contraire aux règles du droit international humanitaire et au droit des conflits armés, présente des avantages militaires pour les belligérants : « Les enfants constituent de la chair à canon bon marché. On les paye moins cher que des adultes ...Un officier rebelle en République Démocratique du Congo, opposé au président Kabila, n'hésite

1290 AMNESTY INTERNATIONAL, « Sierra Leone », Bulletin d'information 202/00, 20 oct.2000.

1291 Voir www.ridi.org ( 23 janvier 2015).

1292 HAUT COMMISSARIAT DES NATONS UNIES AUX DROITS DE L'HOMME, « Enlèvement d'enfants du Nord de l'Ouganda », Résolution de la Commission des droits de l'homme 1998/75, 58e séance, 22 Oct. 1998.

1293 Voir www.hrw.org/french(consulté le 23 janvier 2015).

1294 DHOTEL (G.), op cit. p.39.; https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

1295 COHN (I.), Goodwin-Gill (G.), « Child soldiers, the Role of children in armed conflict », Oxford, Clarendon press, 1994, pp.50-51.

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pas à dire : "Les kadogos-[enfants-soldats] font de très bons soldats. Ils ne pensent à rien. Ils obéissent, ne songent pas à retrouver leur femme ou leurs enfants. Ils n'ont pas peur !...Ils pensent que se battre l'arme à la main est un jeu, alors ils n'ont pas peur."»1296

Que le recrutement soit volontaire ou forcé, il s'avère contraire aux dispositions des instruments internationaux des droits humains et du droit humanitaire. Une fois recruté, quelle est la nature et les conséquences des activités de l'enfant recruté ?

B. LA NATURE ET LES CONSEQUENCES DES ACTIVITES DE L'ENFANT RECRUTE

L'enfant participe de différentes façons dans les conflits (1). Mais, les conflits armés ont de graves conséquences sur les enfants (2), qu'ils soient impliqués directement ou indirectement.

1. Les différentes formes de participation

Une fois recrutés de force ou volontairement, les enfants sont éloignés de leur famille et transférés dans des camps d'entrainement où ils apprennent à manier les armes et suivent un entrainement physique intense, ainsi qu'un endoctrinement. L'enfant participe de manière directe ou indirecte aux conflits.

Selon des commentateurs des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève, « la participation directe aux hostilités implique un lien direct de cause à effet entre l'activité exercée et les coups qui sont portés à l'ennemi, au moment où cette activité s'exerce et là où elle s'exerce »1297. La participation directe aux hostilités se distingue de la participation à l'effort de guerre qui est souvent demandée à la population, à des degrés divers1298. Ainsi, la grande majorité des enfants sont forcés à prendre part aux combats, et sont parfois amenés

1296 DHOTEL (G.), ibid.; https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016). 1297 SANDOZ (Y.), SWINARSKI (C.), ZIMMERMANN (B.) (éd.), « Commentaires des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du 12 août 1949, CICR », Genève, 1986.

1298 Ibid. 633. L'effort de guerre a été défini comme « étant l'ensemble des activités nationales qui, par leur nature ou leur but, doivent contribuer à la défaite militaire de l'adversaire » (Actes XI, CDDH/III/SR.2, p.15).

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de force à se placer en première ligne. Leurs missions consistent notamment à détecter les positions ennemies et à servir d'appât, de garde du corps des commandants1299.

En revanche, la participation indirecte comprend les actes comme la recherche et la transmission d'informations militaires, le transport d'armes et de munitions, la garde des exploitations de pétrole ou de diamants, cuisinier, etc1300. Ces enfants insouciants sont utilisés comme des espions qui traversent les lignes de front pour recueillir de l'information sans grande difficulté parce que leur trop grande jeunesse ne laisse soupçonner la mission dangereuse qui leur est confiée. Et, lorsque leurs bras sont assez forts pour soutenir une arme, «ils se retrouvent en première ligne ou sur des champs de mines, souvent sacrifiés»13 ; Mieux, ils constituent une sorte de sentinelles contre les attaques, parce que leur réplique aux attaques ennemies alerte les soldats adultes dont l'on veut préserver la vie parce que ces derniers coûtent chers.

A ces atouts que représente le recrutement d'enfants-soldats pour les belligérants, l'on doit ajouter qu'ils sont obéissants et dociles aux consignes et à la discipline imposée par les adultes. Qui plus est, cet officier congolais justifiant l'injustifiable énonce que : « Ils sont souvent inconscients face au danger, ils désertent rarement et ne se plaignent pas1301». Le témoignage de cet officier rebelle congolais exprime bien, s'il en est encore besoin, les avantages pour les forces belligérantes de recruter des enfants, quel que soit le procédé. Ces enfants insouciants sont utilisés comme des espions qui traversent les lignes de front pour recueillir de l'information sans grande difficulté parce que leur grande jeunesse ne laisse soupçonner la mission dangereuse qui leur est confiée. Cependant, cette participation a eu un impact sur l'intégrité physique et morale de l'enfant.

2. L'impact sur l'intégrité physique et morale de l'enfant

L'enfant qui participe aux hostilités risque non seulement la mort, mais il expose également à celle-ci les personnes qui deviennent sa cible, du fait de son comportement

1299 République démocratique du Congo, « Les enfants font la guerre », Amnesty international, communiqué de presse du 9 mars 2003, AFR 62/036/2003.

1300 SANDOZ (Y.), SWINARSKI (C.), ZIMMERMANN (B.) (éd.), « Commentaires des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du 12 août 1949, CICR », Genève, 1986, p.925. 1301DHOTEL (G.), ibid.

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immature. On peut citer l'exemple des enfants utilisés dans des missions suicides1302. C'est en particulier la violence des conflits et l'éloignement de leurs proches qui rendent vulnérable l'enfant sur le plan physique et psychologique.

Les enfants soldats subissent d'abord des souffrances physiques en raison des lourdes charges qu'ils doivent porter, mais aussi parce qu'ils sont souvent en contact avec la drogue et l'alcool. Les filles, à défaut de combattre, sont abusées sexuellement risquant des grossesses non désirées ou d'être contaminées par le virus du SIDA, voire dans certains cas données comme « femmes » aux commandants militaires1303 et autres soldats.

Le peu de nourriture et les conditions dans lesquelles ils vivent les affaiblissent davantage. Par exemple en Mozambique, entre 1981 et 1988, le conflit armé avait causé la mort de 454 000 enfants1304. Ils subissent non seulement les châtiments corporels que leur infligent leurs supérieurs, mais ils peuvent être aussi torturés, maltraités, voire exécutés lorsqu'ils tombent aux mains de l'ennemi1305.

L'enfant soldat subit également des traumatismes psychologiques en raison des enlèvements, parfois violents, et de l'éloignement de leur famille. De même, lorsque l'enfant est forcé de commettre des atrocités, de tuer et de mutiler des personnes, voire les membres de sa propre famille ou des voisins, il lui sera difficile de retrouver un équilibre et de s'intégrer dans la vie civile.

En dehors des enfants militairement exploités dans le conflit ivoirien, le conflit ivoirien a également eu un autre impact sur les enfants : celui de porter atteinte à leurs droits fondamentaux.

1302 Amnesty international a récemment condamné l'utilisation d'enfants dans les attentats-suicides et autres attaques visant des civils imputables aux groupes armés palestiniens, les qualifiant de crimes contre l'humanité. Le 24 mars 2004, un palestinien âgé de seize ans transportant des explosifs a été intercepté, alors qu'il tentait de passer le poste de contrôle de l'armée israélienne d'Huwara, à l'entrée de la ville de Naplouse, en Cisjordanie. Voir également la Newsletter de la coalition pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats, Easy to forget, easy to exclude, 11 mai 2004, in www.childsoldiers.org (Consulté le 21 Mars 2015).

1303 Voir HUMAN RIGHTS WATCH, « Données sur les enfants soldats », in www.hrw.org (21 Mars 2015). 1304 Voir Rapport MACHEL (G.), op. cit. p. 54.

1305 Voir AMNESTY INTERNATIONAL, « Des milliers d'enfants soldats » , op.cit., p 66.

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§ 2. LES ATTEINTES GRAVES AUX DROITS FONDAMENTAUX DE L'ENFANT DURANT LE CONFLIT IVOIRIEN

Pour une bonne présentation de l'ampleur des exactions commises à l'égard des enfants durant le conflit ivoirien, il apparait opportun de distinguer successivement les graves violations des droits de l'enfant commises en zone sous contrôle des forces rebelles (A) de celles qui se déroulés en zone sous contrôle des forces gouvernementales (B).

A. EN ZONE SOUS CONTROLE DES FORCES REBELLES

Dans la zone contrôlée par les rebelles, les atteintes graves aux droits de l'enfant et au droit international humanitaire perpétrées relèvent essentiellement des atteintes au droit à la vie et l'intégrité physique. Il s'agit : des viols, des traitements inhumains et exécutions sommaires, des charniers. On les analysera successivement.

1. Des viols massifs

Le viol de guerre est considéré comme illégal par le droit humanitaire depuis longtemps, les atrocités sexuelles ont été ignorées par le tribunal de Nuremberg et soulevées uniquement lors des procès de Tokyo1306. Reconnaissant ce manquement lié au genre dans les poursuites pour crimes de guerre, les groupes de défense des droits des femmes ont ardemment combattu pour que ces crimes soient inclus dans le statut de Rome ainsi que dans la TPIR et le TPIY. En résultat de ces efforts « le DIH et le droit pénal international disposent désormais des règles les plus féministes au monde en matière de punition des viols et des violences sexuelles1307 »

Les rebelles, hommes sans foi ni loi, violaient systématiquement et massivement les femmes, qu'elles soient mineures ou majeures. Et, il convient de déplorer que beaucoup de

1306 MACKINNON (C.) , « Women's September 11th: Rethinking the international Law of conflict », Harvard International Law Journal, vol.47 (2006), p.15.

1307 HALLEY (J.), « Rape in Berlin: Reconsidering the criminalisation of rape in the international law of armed conflict », In. Melbourne Journal of international law, vol.9, 2008, (citant les propos d'Elisabeth Bernstein « La politique sexuelle des nouveaux abolitionnistes », Differences : A Journal of feminist cultural studies, vol.18, n°3, 2007, p.143.

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filles à bas âge ont été, déflorées, contraintes à perdre leur virginité. Bénéficiant du climat d'insécurité et d'impunité qui caractérise le contexte de conflit et de division du territoire, les viols et autres violences sexuelles à l'égard des enfants se sont développés. Plusieurs violations de droits se trouvent regroupées dans cette énumération. Il y a d'une part le viol à proprement parler qui est une infraction pénale criminelle et d'autre part les autres violences sexuelles faites aux enfants qui sont fermement condamnées par les Nations Unies1308.

Dans le cadre de son mécanisme de protection des enfants et de suivi des violations des droits des enfants, l'Onuci a rapporté plusieurs cas de viol commis sur les enfants et constaté que « l'insécurité rampante et la détérioration de l'infrastructure sociale et administrative qui sont la conséquence du conflit ont notablement contribué au niveau élevé de violence sexuelle à l'encontre des filles et des femmes enregistrés en Côte d'Ivoire. Le climat d'impunité des crimes sexuels a en outre exacerbé le problème ».1309 Ledit rapport relève les cas ci-après :

« a) Le 17 novembre 2005, une fille de 15 ans aurait été violée dans un quartier de Belleville II (Bouaké). Elle faisait partie d'un groupe de cinq filles ayant confirmé aux spécialistes des droits de l'homme être employées comme danseuses et prostituées dans le quartier ,
· b) Le 18 décembre 2005, une jeune fille de 17 ans aurait été sexuellement agressée à Guiglo par neuf hommes non identifiés. Selon les informations disponibles, l'enquête ouverte par la gendarmerie n'a pas progressé ,
· C) Le 5 mars 2006, à Alépé, une fille de 15 ans a été violée à plusieurs reprises par un élément du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS). Une enquête a été ouverte par la gendarmerie mais il semble que celle-ci n'ait pas progressé ,
·

d) L'ONU s'est mise en relation avec les FAFN pour exprimer ses vives préoccupations au sujet du viol d'une fille de 14 ans, survenu en mars 2006 à Bouaké alors que celle-ci était détenue par les FAFN. L'affaire a conduit les FAFN à donner un ordre de commandement à l'effet de libérer la fillette, lequel est cité dans la section VI ci-dessous ,
·

1308 Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques, Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013), pp.16-17.

1309 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835, pp. 7 et 8.

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e) Le 26 juin 2006, les spécialistes des droits de l'homme de l'ONUCI ont signalé qu'une écolière de 15 ans aurait été violée par un élément des FAFN à Danané. Un membre du personnel de l'école a informé l'ONUCI du fait que les viols étaient courants dans l'école mais que les parents préféraient garder le silence par peur de représailles. »

A Bouaké, ville assiégée par les rebelles depuis le 19 septembre 2002, les filles violées se comptaient par centaines. Toutefois, le cas de K. Chantal1310, était particulièrement poignant. Prise en otage par les rebelles, à Bouaké, du Jeudi 19 septembre au mercredi 02 octobre 2002, elle a connu l'enfer sur terre, subi les pires atrocités pendant treize (13) jours : au vrai, elle a été violée à plusieurs reprises par cinquante (50) hommes. Le témoignage de la victime est attristant et émouvant : « c'était un calvaire (...). Ils abusaient de moi à souhait et à volonté. J'ai été violée par au moins une cinquantaine de personnes au total. A chaque fois, c'étaient de nouvelles têtes qui abusaient de moi (...) sans préservatif. C'étaient des personnes qui parlaient soit l'Anglais soit le Bambara. Durant tout ce temps, je n'ai ni bu ni mangé (...) Les assaillants ne se lavaient pas, sauf avec des mixtures supposées leur apporter des forces surnaturelles »1311, racontait-elle.

A l'Ouest, des jeunes filles qui ont été violées se comptaient par milliers. Selon le rapport de Human Rights Watch, autour de Zouan-Hounien, « il y a tellement de viols (...) on n'en parle pas. Les rebelles commettent le viol devant le mari1312, le font regarder puis le force à se mettre sur les genoux pour les remercier »1313. Au regard des mariages précoces, il apparait certain qu'au nombre des personnes violées, figrent des enfants au sens du droit international.

A Man, des femmes et filles violées ont été prises en otage et étaient devenues des « épouses » des hommes de la rébellion. Ce sont elles qui leur préparaient à manger. Mais, ce « mariage forcé » était éphémère. En effet, après une « vie conjugale » qui ne pouvait excéder dix (10) jours, la rupture était toujours consommée car les « maris » devaient aller combattre ailleurs. Souvent, les mêmes femmes et filles subissaient les assauts sexuels des hommes appartenant à un autre groupe de rebelles remplaçant les précédents. C'est

1310 K. Chantal est un nom d'emprunt. Voir Soir Info n°2440 du lundi 21 octobre 2002.

1311 Voir Soir Info n° 2449, du mardi 22 octobre 2002, p.4.

1312 Le mari était obligé d'assister à la scène car s'il opposait un refus, il serait immédiatement exécuté.

1313 Rapport de HUMAN RIGHTS WATCH in L'Inter n°1583 du mardi 19 Août 2003, p.7.

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pourquoi, les « maris » jaloux tuaient leurs « épouses » avant d'aller au combat. Ainsi, dans la ville de Kouibly, des jeunes filles, au nombre de cinquante (50), qui ont été enlevées et violées par des rebelles1314 qui en ont fait leurs « épouses », ont été, par la suite, « passées aux armes »1315, avant le départ de leurs « époux ».

Dans la zone rebelle, qui était une véritable jungle, le viol en réunion exercé sur les filles mineures était toujours pathétique, voire effroyable. Tel était l'assaut sexuel subi par une petite fille de douze (12) ans, dans un petit village situé entre Bangolo et Duékoué, à l'écart de la route : elle avait été violée par quatre (4) membres des forces rebelles parlant le Yacouba. Le témoignage de sa tante est attendrissant : « ils ont violé ma nièce, elle avait douze ans, une petite fille qui n'avait même pas de seins. Elle pleurait mais ils l'ont quand même prise. Elle ne pouvait même pas marcher après »1316, disait-elle.

A Guiglo, dans la sous-préfecture de Péhé, une femme enceinte qui revenait du marigot, a été aussi l'objet d'un viol en réunion perpétré par six rebelles. Et, après l'avoir violée, ils « ont piétiné son ventre alors qu'elle portait une grossesse de deux mois, puis, ils lui ont introduit un bâton dans le sexe. La grossesse est perdue »1317

Tous les faits ci-dessus rapportés sont constitutifs de graves violations des droits de l'homme et du droit humanitaire. En effet, ce sont des viols ou attentats à la pudeur accompagnés de prise d'otages, de tortures, de traitements cruels, inhumains et dégradants.

Or, aux termes de l'article 4 du 2ème protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, sont prohibés en tout temps et en tout lieu à l'égard des personnes qui ne participent plus aux hostilités, « les atteintes à la dignité de la personne, notamment, les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur ». En outre, les articles 7 et 8 du Statut de la Cour pénale internationale (C.P.I.) disposent que « le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable » constituent des crimes contre l'humanité et des

1314 Ces rebelles seraient essentiellement des Burkinabè et des Libériens. Voir Soir Info n°2626 des mercredis et jeudi 29 mai 2003, p.6.

1315 Idem.

1316 Rapport de HUMAN RIGHTS WATCH, In. l'Inter n°1583, op. cit., p.6. 1317 Idem.

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crimes de guerre en cas de conflit armé interne. Dès lors, les viols commis de façon systématique et massive, par les rebelles sont des crimes extrêmement graves, voire imprescriptibles, relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. A la vérité, le viol a, de tout temps, été redoutable et redouté, car les victimes conservent les séquelles qui en résultent pendant longtemps. Il provoque la propagation de maladies sexuellement transmissibles, de graves traumatismes, des grossesses, non désirées, la rupture des liens de fiançailles et de mariage.

Outre le viol, d'autres violations inqualifiables des droits de l'homme ont été commises à l'encontre des enfants, en zone rebelle : ce sont notamment, les traitements inhumains et exécutions sommaires.

2. Des enfants victimes de traitements inhumains et d'exécutions sommaires

Les traitements inhumains et exécutions sommaires sont expressément prohibés par le droit humanitaire.

A cet égard, en cas de conflit armé non international, les forces gouvernementales et les insurgés sont tenus de respecter un ensemble de règles minimales, appréhendées comme des règles d'humanité. Ces dernières sont principalement contenues dans les quatre conventions de Genève et leurs protocoles additionnels.

Ces règles minimales régissant les conflits armés non internationaux, prévues par l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949, sont complétées par celles du deuxième protocole de 1977. Aux termes de l'article 4, paragraphe 1er de ce protocole, « toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités, qu'elles soient ou non privées de liberté, ont droit au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs convictions et de leurs pratiques religieuses. Elles seront en toutes circonstances traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable. Il est interdit d'ordonner qu'il n'y ait pas de survivants ». Son paragraphe 2 ajoute que sont prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des mêmes personnes : les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ; les punitions collectives ; la prise d'otage ; les actes de terrorisme ; les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le

viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur ; l'esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes ; le pillage ; la menace de commettre tous ces actes précités.

Quant au paragraphe 3 de l'article 4, il dispose que les enfants recevront les soins et l'aide dont ils ont besoin. Notamment, ils devront recevoir une éducation, y compris une éducation religieuse et morale, telle que la désirent leurs parents ou, en l'absence de parents, les personnes qui en ont la garde ; ensuite, les enfants de moins de quinze (15) ans ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités. A cet égard, des mesures seront prises, si nécessaire et, chaque fois que ce sera possible, avec le consentement des parents ou des personnes qui en ont la garde à titre principal en vertu de la loi ou de la coutume, pour évacuer temporairement les enfants du secteur où des hostilités ont lieu vers un secteur plus sûr du pays, et pour les faire accompagner par des personnes responsables de leur sécurité et de leur bien-être.

L'article 7 du même Protocole II de 1977énonce que « tous les blessés, les malades et les naufragés, qu'ils aient ou non pris part au conflit armé, seront respectés et protégés. Ils seront, en toutes circonstances, traités avec humanité et recevront, dans toute la mesure du possible et dans les délais les plus brefs, les soins médicaux qu'exige leur état. Aucune distinction fondée sur des critères autres que médicaux ne sera faite entre eux ». Par ailleurs, les circonstances le permettront, toutes les mesures possibles seront prises sans retard pour rechercher et recueillir les blessés, les malades et les naufragés, les protéger contre le pillage et les mauvais traitements et leur assurer les soins appropriés, ainsi que pour rechercher les morts, empêcher qu'ils soient dépouillés et leur rendre les derniers devoirs1318 Le personnel sanitaire et religieux, les unités et moyens de transport sanitaires doivent être aussi respectés et protégés1319

Les ouvrages contenant des forces dangereuses, comme les barrages, les digues, les centrales nucléaires de production électrique ne doivent pas être attaquées, lorsque de telles pratiques peuvent causer des pertes sévères dans la population civile.

1318 Article 8Protocole II de 1977.

1319 Articles 9 et 11Protocole II de 1977.

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En vertu de l'article 13 du Protocole II, la population civile et les personnes civiles jouissent d'une protection1320 générale contre dangers résultant d'opérations militaires. Pour cela, ni la population civile1321, en tant que telle ni les personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile. Seules les personnes civiles qui participent directement aux hostilités, et pendant la durée de cette participation, ne peuvent bénéficier de cette protection.

L'article 14 dispose, en outre, qu'il est interdit d'utiliser contre les personnes civiles la famine comme méthode de combat. C'est pourquoi, il est interdit d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage à cette fin des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation.

Aux termes de l'article 17 du même protocole II, les déplacements forcés sont interdits. Le paragraphe 1er de l'article 17 dispose à cet effet : « Le déplacement forcé de la population civile ne pourra être ordonné pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas où la sécurité des personnes civiles ou des raisons militaires impératives l'exigent. Si un tel déplacement doit être effectué, toutes les mesures possibles seront prises pour que la population civile soit accueillie dans des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'alimentation ». Quant au paragraphe 2 de l'article 17, il énonce que « les personnes civiles ne pourront pas être forcées de quitter leur propre territoire pour des raisons ayant trait au conflit. »

Ces règles claires, expressément exprimées, par l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949 et le deuxième protocole additionnel qui forment le noyau dur du droit humanitaire, en matière de conflit armé non international, n'ont guère été respectées en Côte d'Ivoire.

1320 Conformément à l'article 16 du protocole II, les biens culturels et les lieux de culte bénéficient également de protection. En effet, il est interdit de commettre tout acte d'hostilité dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres d'art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et de les utiliser à l'appui de l'effort militaire.

1321 La population civile est constituée par l'ensemble des personnes civiles. Les personnes civiles ne sont pas porteuses d'armes et ne participent pas aux combats ; en cas de doute sur le statut d'une personne, elle est considérée comme civil.

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A preuve, certaines régions du pays, qui ont été occupées depuis le 19 septembre 2002, sont parsemées d'ossements humains, de crânes et de squelettes humains, en raison de multiples exécutions sommaires. Cette boucherie humaine en zone rebelle, a commencé dans les villes de Bouaké et Korhogo où des gendarmes, policiers et militaires ont été exécutés sans ménagement. Selon M. Faustin TOHA « le seul port de treillis était synonyme de mort (...). Pièces d'identité arrachées, ils sont déshabillés et ensuite c'est la rafale d'armes automatiques qui fait le reste »1322. En outre, au centre et au nord de la Côte d'Ivoire, les rebelles écumaient les villages et enlevaient les jeunes : ceux qui refusaient d'être enrôlés étaient automatiquement exécutés. L'enrôlement était obligatoire, même pour les enfants mineurs de moins de quinze (15) ans : il y a avait alors des enfants soldats dans les rangs des assaillants.

La situation était, à la vérité, dramatique dans cette zone. Le culte du mort n'y était point respecté à cause des nombreuses tueries, et aux décès dus à la famine, aux intempéries et endémies. Pire, les exécutions sommaires s'étaient aggravées à partir du 26 octobre 2002 lorsque les villes de Korhogo et Bouaké ont été déclarés « zones de guerre » par le Gouvernement ivoirien. En effet, outre les corps habillés, des civils y compris les enfants ont été enlevés à leur domicile, faits prisonniers puis exécutés par des rebelles1323.

Pour libérer la ville de Bouaké, les forces loyalistes ont lancé une offensive contre les rebelles les dimanches et lundi 7 octobre 2002. Malheureusement, cette tentative de reconquête de la capitale du centre s'est soldée par une défaite humiliante pour l'armée régulière. Mais ayant découvert les corps calcinés de leurs camarades, les rebelles s'en sont pris violemment aux populations civiles, notamment aux résidents des quartiers Ahougnansou, Nimbo, Broukro et N'gattakro. Avec des guides, « ils sont entrés dans des cours où ils ont exécutés les hommes, laissant les femmes et les enfants (...), ont obligé plusieurs hommes en armes à se mettre nus et défiler avec des cordes au cou »1324. A

1322 TOHA (F.), « Comment les rebelles exécutent et torturent les soldats loyalistes », in La Bombe n°586, du lundi 9 décembre 2002, p.3.

1323 KOFFI (K. E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Thèse unique de doctorat en droit public, Université de Cocody, UFR SJAP, 2008, Tome 2, p.190.

1324 Voir L'Inter n° 130 du vendredi 11 octobre 2002, p.4.

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Mankono, une famille1325 de treize personnes a été entièrement exécutée alors qu'elle célébrait des funérailles.

Le jeudi 26 décembre 2002, les élus et cadres du Grand Centre1326 ont rencontré le Président Gbagbo Laurent pour lui dresser le bilan des exactions et exécutions sommaires perpétrées par les rebelles dans leur région. Il ressort de ce bilan que de nombreux civils, des autorités traditionnelles et politiques ont été enlevés, battus, séquestrés, voire exécutés sans raison apparente. Il ressort des propos de M. Jean Claude KOUASSI, Président du Conseil Général de Bouaké, que la situation humanitaire dans le grand Centre était particulièrement dramatique car les exécutions arbitraires et extrajudiciaires étaient aggravées par la famine et les épidémies : « pénuries de denrées alimentaires et de produits de première nécessité, de médicaments, accentuée par la fermeture des banques, pharmacies (...), l'impossibilité d'accès aux soins »1327.

A la vérité, l'extrême ouest de la Côte d'Ivoire a payé le lourd tribut de cette « guerre sale »1328 car, là-bas, l'horreur avait atteint son paroxysme. En effet, dans cette zone, des torrents de sang ont coulé, des êtres humains y compris des enfants ayant été décapités ou égorgés comme des animaux. Il y a eu des têtes perforées et écrasées, des bras et des oreilles coupées, des pieds broyés par des roquettes, des organes sexuels perforés ou arrachés, des langues coupées, des dos tailladés1329.

A Toulepleu, dans le village de Seizimbly, Mme Vaha Raymonde « qui portait une grossesse de 7 mois de son mari Péhé Rigobert, a vu son ventre ouvert (opéré) à la machette par les assaillants avant de l'égorger 1330». A Toa-Zéo, à six kilomètres de Duékoué, les rebelles ont jeté quatre jeunes gens dans un puits avant de les arroser de balles. En outre, à Duékoué, des couples ont été découpés à la machette ; et des corps non ensevelis ont été dévorés par des chiens et des charognards. A Bloléquin, des crimes effroyables ont été aussi

1325 Il s'agit de la famille de M. Amani TIEMOKO, sous-préfet d'Anyama, Voir L'Inter n° 130 du vendredi 11 octobre 2002, p.4.

1326 Le Grand centre comprend : Dimbokro, Toumodi, Katiola, Dabakala, Yamoussoukro, Bouaké, Tiébissou 1327 KOUASSI (J.-C.), « C'est la faim qui fait fuir les populations », in 24 heures n°188, du mercredi 16 octobre 2002, p.2.

1328 C'est une expression du Président Laurent GBAGBO.

1329 KOFFI (K. E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Thèse unique de doctorat en droit public, Université de Cocody, UFR SJAP, 2008, Tome 2, p.192.

1330 Soir Info n°2531, des samedi 1er et dimanche 02 février 2003, p.8.

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commis. A titre d'exemple, les rebelles ont ligoté, dans une case, six personnes avant d'y mettre le feu1331.

A Bohobly, gros village du département de Toulepleu, déguisés en militaires FANCI, les rebelles ont demandé au chef dudit village de réunir toute la population pour un message du Président GBAGBO Laurent. Le Chef a alors convoqué, avec empressement, tout le village, et ce, sont tous les villageois réunis que les rebelles ont arrosés de balles, « tuant près d'une centaine de personnes dont le chef »1332.

A Ziabli, aux environs de Man, les rebelles avaient ligoté trois membres d'un comité d'autodéfense composé d'enfants. Puis, à l'aide d'une corde, ils avaient attaché leurs mains à un véhicule « qui avait roulé à pleine vitesse pendant trois kilomètres. Puis les rebelles ont égorgé l'un d'eux, ont décapité un autre et ont fusillé par balle le troisième »1333.

Dans ces circonstances, l'ouest montagneux était devenu un vaste cimetière où les cadavres jonchaient les brousses et campements, les villes et villages, les pistes et routes, les puits et marigots.

Selon l'agence catholique dénommée Agence Misna, les atrocités commises par les rebelles sont assimilables à des crimes contre l'humanité : « exécutions sommaires, personnes âgées brûlées vives dans leurs maisons, civils contraints à enterrer leurs propres parents ou amis, cadavres jetés dans les puits pour contaminer la source d'eau d'un village et le rendre inhabitable »1334.

Ces violations graves et massives des droits de l'homme-enfant et du droit humanitaire ont provoqué un exode forcé et massif des populations vers les localités sous contrôle gouvernementale. Hommes, femmes et enfants ont dû affronter les dangers et intempéries pour échapper aux exactions et exécutions sommaires quotidiennement et sauvagement perpétrées par les bandes armées. Mais, certains fugitifs malheureux ont été rattrapés et exécutés par les rebelles. Des femmes enceintes ont été éventrées de façon impitoyable. D'autres ont dû accoucher en pleine brousse, sans aucune assistance médicale. Dans la

1331 Idem.

1332 KOHON (L.), « Massacre à l'ouest : des villages incendiés, des habitants tués », in Fraternité-Matin des

samedi 1er et dimanche 2 mars 2003, p.15.

1333 Rapport de HUMAN RIGHTS WATCH, in L'Inter n°1583, op. cit., p.6.

1334 Voir Fraternité-Matin n° 11547 du mardi 6 mai 2003, p.14.

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débandade, des vieillards et enfants ont été abandonnés sur le chemin de l'exode, et des enfants se sont égarés dans la forêt : de nombreuses familles s'étaient ainsi disloquées.

Au fond, à l'Ouest, combattaient des acteurs multiples : les forces régulières ou loyalistes, le MPIGO, le MJP, le MPCI, les mercenaires libériens, les mercenaires sud-africains, les mercenaires sierra léonais, le FLGO, les comités d'autodéfense villageois luttant contre les pillards et les rebelles, plusieurs petits mouvements de la rébellion libérienne, etc. Le Ministre Roger BANCHI, chef rebelle du MPIGO, a alors avoué en mars 2003 : « La situation à l'ouest est hors de contrôle. Personne ne peut dire exactement ce qui s'y passe »1335. Dans cet imbroglio, l'ouest était devenu une véritable poudrière où les morts se comptaient par milliers. La description de cette situation chaotique dans le grand ouest par le Professeur BLEOU MARTIN est extrêmement émouvante : « Les populations de l'Ouest de la Côte d'Ivoire vivent une situation qui se confond en tous points avec l'enfer (...) des rebelles ivoiriens, fortement appuyés par des Libériens, pillent, violent, amputent, torturent ou tuent par centaines et au quotidien les populations civiles. Les personnes qui parviennent à se réfugier dans les forêts sont repérées grâce à la fumée qui s'élève des feux destinés à la cuisson de leur nourriture ; traquées, puis rattrapées, ces personnes subissent les pires atrocités : l'extermination. Livrées à elles-mêmes, sans protection ni défense, les populations de l'ouest, qui n'ont pas réussi encore à s'éloigner des zones sous contrôle rebelle, sont aujourd'hui gravement menacées d'extermination »1336.

On le voit : les violations des droits et du droit humanitaire subies par les populations des zones assiégées, notamment les enfants, étaient effroyables et graves. Parce qu'elles étaient sans protection et sans défense, ces populations avaient eu le sentiment d'être abandonnées et oubliées1337. C'est pourquoi, l'ex chef de l'Etat avait réagi le 31 décembre 2002 en ces termes : « non, mes chers compatriotes, oublier les habitants du nord, du centre et de l'ouest,

1335 Voir Fraternité Matin n°11547, du mardi 6 mai 2003, p.14.

1336 BLEOU (M.), Déclaration de la LIDHO relative aux massacres des populations civiles dans l'ouest du pays, le 28 février 2003, Abidjan.

1337 C'est dans l'attente angoissante, les cadres et Elus du Grand Centre se sont indignés de la hiérarchisation des zones occupées quant à leur libération : « Sakassou a été occupée avant Daloa...S'il y a plusieurs Côte d'Ivoire qu'on nous le dise et nous en tirerons les conséquences », ont-ils martelé sans passer par quatre chemins pour exiger du gouvernement, la libération immédiate de Sakassou comme il l'a fait pour d'autres villes de l'Ouest. Voir l'Inter n°1375 du Samedi 7 et dimanche 8 décembre 2002, p.4

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c'est oublier la Côte d'Ivoire elle-même. La Côte d'Ivoire demeure une et solidaire (...) ; j'ai reçu ce pays avec 322463 km2, je le rendrai à mon successeur avec 322463 km2 »1338.

Ce discours exprimant des sentiments de compassion et de solidarité n'a pas permis aux populations des villes et régions assiégées de recevoir la protection minimale attendue. Au contraire, les atteintes au droit à la vie se sont aggravées, avec la multiplication des charniers et fosses communes.

3. La découverte de charniers d'enfants

Charniers contre charniers, massacres contre massacres : tel fut le drame qu'a vécu la Côte d'Ivoire coupée en deux, depuis le 19 septembre 2002 où des massacres et charniers se sont multipliées aussi bien dans la zone rebelle que dans la zone gouvernementale.

Dans la zone sous contrôle rebelle où l'autorité du pouvoir central a fondu en quelques heures comme du beurre au soleil, « des fils de ce pays aidés de mercenaires étrangers et soutenus par des pays voisins et de nébuleuses puissances financières » ont commis, quotidiennement, de graves violations des droits de l'enfant. Dans l'offensive menée par les troupes des FANCI pour faire cesser les exactions sans nom, sont survenues, en cascade, de nombreux charniers et fosses communes découverts çà et là.

Ici, nous évoquerons exclusivement le charnier composé essentiellement des enfants, à l'exclusion des nombreux autres charniers1339 qui ont été commis par les forces en présence.

A deux kilomètres d'un village dénommé BAOUBLI, gisait dans une rivière, un charnier composé essentiellement d'enfants. Décrivant ces charniers, M. SERY BEAUGOSSE affirme : « Dans l'eau, des corps sans vie flottent, entamés par la décomposition et, rejetés par les poissons et toute la faune carnivore des eaux, plus dégoûtés que repus par la vue de ce spectacle horrible. Des corps sans visage, sans nom, pratiquement nus, auxquels personne ne saura jamais donner une identité. Et, qui n'auront peut-être jamais l'heure d'être enfouis dans une modeste sépulture sont là, au grand air. Un peu plus loin sur la terre

1338 Voir le Jour n°2313, du jeudi 2 janvier 2003, p.3.

1339 A Bouaké, un charnier de 86 corps a été découvert par l'agence MISNA, agence de presse catholique basée à Bouaké ; Il s'agit de tueries de civils et de gendarmes commises dès les premiers jours de la rébellion. Voir « Rapport d'Amnesty International », in L'Inter, n°1442, du jeudi 27 février 2003, p.3-4 ; pour plus d'informations sur les différents charniers, voir KOFFI Konan Elisée, Les Droits de l'Homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, thèse de doctorat, pp196-203.

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ferme, apparaissent les squelettes de ceux qui furent jadis des êtres humains »1340. Par ailleurs, dans la plupart des villages, les puits ont été transformés en tombes, des corps humains y ayant été jetés ; ce qui a posé de sérieux problèmes d'eau potable.

Relativement, aux charniers susvisés, gisant en nombre indéterminé dans la zone sous contrôle rebelle, et constituant des violations extrêmement graves des droits de l'enfant et du droit humanitaire, une question majeure et récurrente se pose, à savoir : Qui sont les auteurs d'un tel carnage ? Ou encore qui a causé ce charnier composé d'enfants ? A priori, on pourrait penser que les rebelles sont responsables de ces tueries perpétrées en zone rebelle. Or, pour montrer aux yeux de l'opinion internationale et nationale qu'ils n'ont rien à se reprocher, ces derniers avaient demandé l'ouverture d'une enquête internationale, et ce pour situer les responsabilités. De l'autre côté, les autorités régulières ivoiriennes d'alors s'étaient dégagées de toute responsabilité en invoquant que la localité qui a été le théâtre du carnage était sous la responsabilité des forces rebelles. A cet égard, le lieutenant YAO YAO, Ex-porte-parole de l'état-major des FANCI avait affirmé : « les forces républicaines ne se sentent pas concernées par cette affaire. Ces tueries ne peuvent qu'être imputées aux assaillants (...) dont les méthodes sont connues de tous »1341.

Face à cette situation où chacune des parties en conflit niait sa responsabilité dans ces massacres perpétrées à l'endroit des enfants, seule une enquête fouillée, rigoureusement diligentée, permettrait de déterminer, avec netteté, les responsables de ces nombreuses tueries et exactions. Malheureusement jusqu'à ce jour, aucune enquête émanant d'une juridiction nationale ou internationale comme la CPI n'a pu permettre de situer les responsabilités des auteurs de ce carnage de nombreux enfants.

1340 SERY (B.), « Un charnier découvert à Fengolo (Duékoué) », in L'oeil du Peuple n°337, du lundi 16 juin 2003, p.6.

1341 Voir le Patriote 2002, n°986 du lundi 9 décembre 2002, p.2.

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Ces crimes sus analysés peuvent être qualifiés de crimes de génocide1342, de crimes contre l'humanité1343 ou de crimes de guerre1344.

Il suit de ce qui précède que les graves violations du droit à la vie et à l'intégrité physique commises en zone rebelle font partie des crimes les plus graves (qui touchent l'ensemble de la communauté internationale) relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.

Dans la zone assiégée où il n'y a ni police, ni gendarmerie, ni justice, la crise militaro-politique ivoirienne a eu des effets extrêmement néfastes, avec son cortège de violations graves et massives des droits fondamentaux des enfants. En zone gouvernementale, la situation n'a pas non plus été rose : il s'y est également produit des violations graves des droits ayant plongé les enfants dans les profondeurs abyssales du désespoir.

B. EN ZONE SOUS CONTROLE GOUVERNEMENTALE

A l'instar de la zone rebelle, la zone gouvernementale a été le théâtre d'atteintes graves aux des droits de l'enfant. Plusieurs personnalités1345 importantes du pays y compris l'ex

1342 En effet, aux termes de l'article 6 du Statut de Rome, on entend par crime de génocide l'un des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

« Meurtre de membres du groupe; Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »

1343 Quant à l'article 7, il dispose « qu'il y a crime contre l'humanité lorsqu'il est commis, dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque, l'un des actes suivants : meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de population, emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, torture, viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable, disparitions forcées de personnes, autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale... »

1344 Selon l'article 8 du même statut de Rome, il y a crime de guerre, lorsqu'il a été commis des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, notamment l'un quelconque des actes suivants visant des personnes protégées par les dispositions des Conventions de Genève : l'homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique ou à la santé, etc.

1345 Déjà, au lendemain de cette tentative de coup d'Etat du 19 septembre, le Ministre d'Etat chargé de la Défense et de la Protection civile, Monsieur LIDA Kouassi Moise, avait fait état de plus de deux cent soixante-dix (270) morts, dont quatre-vingt (80) loyalistes et trois cents (300) blessés. Parmi ces personnes tuées, il y a : Me Emile Boga DOUDOU (Ministre d'Etat de l'intérieur et de la décentralisation, fidèle compagnon du Président Laurent GBAGBO) dont le domicile a été littéralement bombardé à coups de lance-roquettes ; M.

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chef d'Etat, le Général Robert GUEI1346 et des membres de sa famille ont été exécutées dès les premières heures. Certes, les atteintes aux droits commises à l'égard des enfants qui y ont été commises sont d'origines diverses. Mais, il convient de retenir ici celles perpétrées par les milices privées, celles résultant des affrontements interethniques ou intercommunautaires, et celles afférentes à l'opération dignité qui se sont révélés particulièrement meurtrières.

DAGROU LOULA (Lieutenant-colonel, commandant de base à Bouaké) ; M. DALY OBRE ( colonel des FANCI) ; M. ADAMA DOSSO (Capitaine, chef de sécurité du Président du RDR) ; M. COULIBALY Fabien (Capitaine, aide de camp du Général Robert GUEI) ; M. Robert GUEI ( Général, ex-chef d'Etat-Major des FANCI, ex-chef de la junte militaire, ex-chef d'Etat durant la transition militaire de 24 décembre 1999 au 20 octobre 2000), son épouse GUEI Doudou Rose, quelques membres de sa famille et une dizaine de gardes rapprochées furent également tués.

1346 Une semaine avant le jour fatidique du 19 septembre, le général GUEI a animé une conférence de presse à Abidjan où il a fustigé le comportement du Président GBAGBO et du F.P.I. en ces termes :

« Face aux nombreux problèmes des Ivoiriens, le F.P.I. nous avait promis des solutions miracles. Aujourd'hui, les choses sont devenues pires qu'auparavant. Les opérateurs économiques sont écrasés par la pression fiscale. Certains ont même déjà fui pour aller s'installer dans les pays voisins. Et pourtant, le F.P.I. criait hier sur tous les toits, promettaient bonheur, bonne gouvernance, transparence et bien-être à tous, dès la prise du pouvoir. Les paysans attendent toujours les 3000 FCFA le kg de café. Dans certaines régions aujourd'hui, le kilogramme est à 75 FCFA (...). Chaque Ivoirien a quotidiennement (...) sa dose de farine.

Dans les journaux, on lit tous les jours « GBAGBO a roulé GUEI dans la farine », « GBAGBO a roulé ADO dans la farine », « GBAGBO a roulé BEDIE dans la farine ». Quel est donc ce chef d'Etat qui se transforme en boulanger pour pétrir toujours la farine, et pour rouler tout le monde dans cette farine. Le pain se fait, vous le savez, avec de la levure. Et ce que le F.P.I. ne doit pas oublier, c'est qu'un jour, cette même farine sans levure sociale va lui boucher les narines et la gorge, parce qu'elle sera pétrie par le peuple qui sait ce que GBAGBO ne sait pas.

Le peuple n'est pas dupe. Les Ivoiriens sont écrasés par le poids de l'insécurité et de la pauvreté, ce que le F.P.I. combattait hier. Le pouvoir F.P.I. arrête des citoyens, les emprisonne, les torture sans l'ombre d'une preuve et sans égard pour le respect de leurs droits fondamentaux (...). Aujourd'hui, on invente des scénarios de tueries. Et on tue réellement pour créer des veuves et des orphelins. Dès qu'un Ivoirien n'est pas d'accord avec une certaine façon de voir les choses, il est curieusement agressé quelques jours plus tard. Quel est ce régime qui ne craint même pas Dieu et pourtant organise à longueur d'années, séminaires, retraites et groupes de prières (...). Où allons-nous ? (...) le F.P.I. qui moralisait hier la société ivoirienne vient d'aggraver la pauvreté des parents d'élèves. De 6000 FCFA de frais d'inscription, on passe à 50 000 FCFA, c'est-à-dire une augmentation de 833% (...). Laurent GBAGBO a déjà oublié qu'il était le dictionnaire vivant des Ivoiriens. C'est avec lui que les Ivoiriens ont appris à mémoriser les mots « briser », « casser », « tuer », « braiser », « démissionner », « bloquer », « marcher », « boycott actif », « frapper les professeurs ». Aujourd'hui, c'est le même Laurent GBAGBO qui n'aime pas le désordre. On interdit les marches (...).

Après avoir critiqué Yamoussoukro et Daoukro, GBAGBO a transformé Mama en Yamoussoukro et Daoukro bis en moins de deux ans (...) comme quoi la critique est aisée et l'art difficile (...). Pendant que les ivoiriens ont faim, pendant que les parents d'élèves et d'étudiants sont soucieux du sort de leurs enfants avec des frais d'inscription trop élevés, voilà que le père de la Refondation est à la plage, ne faisant que jouer aux cartes, au football et s'offrant des repas copieux. Voilà ce qu'est devenue la Côte d'Ivoire d'HOUPHOUET (...). Je lance un appel vibrant à tous les partis politiques de rester vigilants » Voir Le Jour n°2228 des samedi 14 et dimanche 15 septembre 2002, p.2.

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1. Des atteintes aux droits de l'enfant imputables aux milices privées

La typologie des milices1347 (a) décrite, on s'attèlera à présenter leur mode opératoire et son impact sur les droits de l'enfant (b).

a. La typologie des milices et leurs caractéristiques durant la crise

Pendant la crise ivoirienne, un autre phénomène, tout aussi redoutable que répréhensible a vu le jour : les milices privées. Elles ont poussé comme des champignons : Groupement des Patriotes (GPP), Front de Libération du Grand Ouest (FLGO), Alliances des Patriotes Wê (A.P.W.E.), Union Patriotique de résistance du Grand Ouest (U.P.R.G.O), Mouvement Ivoirien pour la Libération de l'Ouest de la Côte d'Ivoire (M.I.LO.C.I.), etc. L'appui aux opérations militaires est le fait de ces milices, en l'occurrence celles notoirement connues qui bénéficient du programme de désarmement-démobilisation-réinsertion. Nées dans les régions où les forces régulières ont le plus essuyé des défaites au début des hostilités, ces milices constituent entre autres, une réserve pour ces forces qui ont démontré leur incapacité à endiguer seules et repousser les offensives rebelles de fin 2002.

En 2005, « le FLGO, le MILOCI, l'APWE et l'UPRGO dans l'ouest (Guiglo) à l'ouest du pays ont libéré 400 enfants. Toutefois, selon une tendance inquiétante observée dans la région, les partenaires de la protection de l'enfance au Libéria et en Côte d'Ivoire ont signalé que des enfants avaient été recrutés ou ré-recrutés, de l'autre côté de la frontière qui sépare le Libéria et la Côte d'Ivoire, par des groupes armés qui opèrent en Côte d'Ivoire.»1348.

Comme toute milice, ces milices portaient visiblement des armes. Mieux, elles ont même revendiqué leur prise en charge dans le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion. Parmi les membres de ces milices, figuraient des enfants1349. La réinsertion

1347 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (consulté le 10/06/2016).

1348 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et les conflits armés, Doc. ONUA/61/529- S/2006/826 du 26 octobre 2006, p.7. ; https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (consulté le 10/06/2016).

1349 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (consulté le 10/062016).

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apparait ici, comme un moment clé qui consiste à trouver, pour tous les enfants démobilisés, une alternative viable à la vie militaire. Cela signifie leur donner accès à l'enseignement, à une formation professionnelle, à un emploi, etc.1350 « Il faut s'assurer qu'on soit capable de leur offrir un avenir, que l'on soit capable de rouvrir les écoles. Et donc il faut investir dès maintenant dans un plan de démobilisation des enfants. Mais surtout un plan de démobilisation qui va s'accompagner d'une réinsertion de ces enfants dans la vie active »1351.

A côté de ces milices militaires, ils existaient aussi de groupements politiques que nous qualifions de « milices politiques ». Bien qu'elles ne soient pas officiellement désignées milices, le mode opératoire de ces groupes amène à s'interroger sur leur typologie. Ces groupes utilisent des méthodes d'actions violentes à savoir :

- Attaques contre les troupes de maintien de la paix, du personnel1352 et des biens des Nations Unies ;

- Sabotage des infrastructures et des symboles du pouvoir en place, ou des partis adverses ;

Toutes ces milices opéraient dans la zone gouvernementale, parfois au vu et au su de tous, y compris des autorités nationales politiques et militaires du pays et ce, malgré l'impact négatif de leurs modes opératoires sur les enfants et leurs droits.

b. L'impact des modes opératoires des milices sur les enfants

Les milices utilisaient plusieurs méthodes. Au nombre de ces modes opératoires figuraient des massacres de populations, des occupations d'écoles et centres de santé, des

1350 FOFACK (E.-W.), « Les enfants victimes des conflits armés : pratiques et lutte en Afrique », Note d'Analyse du GRIP, 3 Aout 2015, Bruxelles, p.12.

1351 HAZARD (E.), cité dans « RCA : entre 6000 et 10 000 enfants soldats dans les groupes armés », RFI, 19 décembre 2014 (consulté le 12 mars 2016).

1352 L'interdiction de diriger une attaque contre les casques bleus est une règle du droit international humanitaire coutumier, voir règle 33, droit international humanitaire coutumier, CICR ; Article 8 (2) (b) (iii) du Statut de Rome de la CPI.

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manifestations violentes et des attaques contre les forces de maintien de la paix et des blocages des convois du système des Nations Unies et des ONG1353.

- Les massacres et assassinats des enfants1354

«L'expansion au sein de l'armée et l'utilisation de milices mal ou non entraînées se sont révélées désastreuses pour la population civile, qui a subi des atteintes quotidiennes aux droits humains».1355 Ces milices équipées en toutes sortes d'armes légères identifiaient les présumés "infiltrés" et les châtiaient. Ces châtiments consistaient en des exécutions sommaires ou des disparitions forcées. Plusieurs cas de disparitions ont été à tort ou à raison imputés à ces milices qui utilisent aussi des enfants enrôlés dans leurs rangs. En 2005, selon un rapport d'Amnesty International «...des membres du Mouvement de libération de l'ouest de la Côte d'Ivoire (MILOCI), une milice progouvernementale ont lancé une attaque sur la ville de Logoualé (à 450 Km au nord-ouest d'Abidjan) contre des positions tenues par les Forces Nouvelles...Parmi les combattants interceptés par l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire, se trouvaient deux enfants, âgés de dix et onze ans apparemment d'origine libérienne».1356 Pendant leurs opérations, ces milices ont enregistré des meurtres et mutilations notamment sur les enfants en raison de leur fragilité1357.

Les meurtres et mutilations d'enfants interviennent aussi dans un contexte de tensions intercommunautaires liées au conflit. Des milices progouvernementales et les forces armées des forces nouvelles (FAFN) auraient soutenu des ethnies qui s'affrontent violemment sans épargner les enfants1358 ; Des cas de violations rapportés par les Nations Unies l'illustrent:

1353 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

1354 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-

dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016). ; Bureau du
Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques, Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013), pp14-15.

1355 HUMAN RIGHTS WATCH, Côte d'Ivoire : le coût de l'impasse politique pour les droits humains, rapport du 21 décembre 2005, p.8.

1356 Amnesty International, Rapport AFR 31/003/2005. ; https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

1357 Ibid.

1358 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

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« a) Le 21 avril 2005, plusieurs assaillants non identifiés ont exécuté une famille de l'ethnie Yacouba à Petit Logouale (dans la zone de confiance). Deux enfants, un garçon et une fille, et leur père ont été tués à la machette, tandis que leur mère a été abattue ;

b) Le 1er juin 2005, des assaillants non identifiés ont attaqué les villages de Guitrozon et Petit Duékoué, où vivent principalement des membres de l'ethnie Guéré. Il a été signalé que 41 personnes, dont 3 nourrissons, avaient été tuées dans une maison ; que le ventre d'une femme enceinte avait été ouvert à la machette à Guitrozon; et que plusieurs maisons avaient été incendiées alors que les occupants, dont plusieurs enfants, étaient encore à l'intérieur. Peu après ces attaques, le 6 juin 2005, sept membres de l'ethnie Dioula, dont quatre enfants, auraient été exécutés par des individus non identifiés dans le quartier de Latif et Cokoma ;

c) Le 16 avril 2006, le bataillon ghanéen a escorté la police des Nations Unies au village de Bania, dans la zone de confiance, où des membres de la communauté ont identifié un individu accusé d'avoir tué deux enfants dans le cadre d'activités de sorcellerie ;

d) Le 28 juin 2006, six personnes, dont un enfant d'un an, ont été tuées par des assaillants non identifiés dans le village de Boho, à 29 kilomètres de Bangolo. Cette attaque faisait suite à la découverte, le 24 juin 2006, des corps de deux enfants burkinabés dans le village de Duekpé1359. »

Comme le montre ce rapport, par leurs actions, les milices ont porté atteinte au droit à la vie de plusieurs enfants ; il en va de même des droits à l'éducation et à la santé qui ont été ruinés par une constante occupation des écoles et centres de santé durant la crise ivoirienne. - Une occupation des écoles et centres de santé, une pratique préjudiciable à l'enfant

Les écoles et les hôpitaux sont des institutions civiles offrant souvent un abri et une protection aux enfants en période de conflit1360. Les attaques perpétrées contre les écoles et

1359 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835 du 25 octobre 2006, pp. 5 et 6.

1360 Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques, Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013), p.18.

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hôpitaux1361 contreviennent en principe au droit international humanitaire, et peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité1362. La quatrième Convention de Genève proscrit le ciblage de biens à caractère civil, mettant l'accent sur l'importance des écoles et des hôpitaux pour la population civile, en particulier, les enfants1363. Le ciblage intentionnel des écoles ou hôpitaux sans impératif militaire est interdit au nom du principe juridique de distinction, à savoir que les biens à caractère civil doivent être distingués des objectifs militaires et protégés contre les conséquences des opérations militaires. Il s'agit là d'une règle coutumière du droit international applicable à toutes parties dans les situations de conflit1364. La protection offerte aux écoles et aux hôpitaux est globale : selon le droit coutumier international et le droit des traités, une partie au conflit doit s'abstenir de cibler ou d'attaquer des écoles et des hôpitaux situés au sein de ses propres populations civiles ou de celles situées sous son contrôle1365. Le ciblage ou la destruction délibérés des écoles ou des hôpitaux (ou d'autres biens de caractère civil) peuvent constituer de graves violations du droit des conflits armés1366. La protection générale accordée aux écoles et aux hôpitaux comporte une unique exception : « à moins et aussi longtemps qu'ils constituent des cibles militaires », autrement dit, s'ils sont utilisés à des fins militaires1367. En outre, le droit international humanitaire précise que si, dans la confusion de la guerre, un doute existe quant

1361 Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques, Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013), pp.19-21.

1362 HENCKAERTS (J-M) et DOSWALD-BECK (L.) (dir. Publ.), Droit international humanitaire coutumier, tome I : Règles, Bruylant/CICR, 2006, p46.

1363 Art.11 et 18 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ; art. 48 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève. Ainsi, l'art. 48 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève dispose que : « ...les Parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu'entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires et, par conséquent, ne diriger leurs opérations que contre des objectifs militaires ».

1364 Art. 48 et 52 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève ; règle coutumière 7, HENCKAERTS (J-M) et DOSWALD-BECK (L.) (dir. Publ.), Droit international humanitaire coutumier, tome I : Règles, Bruylant/CICR, 2006, p. 34. ; Art. 48 et 52 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève ; art. 13, 1) du deuxième protocole additionnel aux conventions de Genève ; CIJ, Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires.

1365 Règles coutumières 10 à 22, HENCKAERTS (J-M) et DOSWALD-BECK (L.), op. cit. p. 46 ; art. 50 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (pour les puissances occupantes).

1366 Art. 147 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ; art. 85 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève ; règles coutumières 10-13, HENCKAERTS (J-M) et DOSWALD-BECK (L.),, op.cit., p.46.

1367 Ibid. ; art. 52 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève.

484

à savoir si une école ou un hôpital constitue un objet militaire ou civil, la présomption de base reste qu'un bâtiment normalement destiné à des usages civils demeure un bien de caractère civil1368. La Cour internationale de justice a également déclaré la protection des civils et des biens de caractère civil d'une importance primordiale au titre du droit international humanitaire1369. De même, le TPIY a développé une solide jurisprudence sur la nécessité de protéger les écoles et les hôpitaux de toute attaque, par exemple dans les affaires Kupreskic (2000) et Kordic et Cerkez (2001)1370. Le statut de Rome étend la responsabilité pénale pour ces actes, en prévoyant la compétence explicite de la CPI pour poursuivre ou punir ceux qui dirigent intentionnellement des attaques contre les écoles ou les hôpitaux lors des conflits armés. Ces actes constituent des crimes de guerre indépendamment de savoir s'ils se produisent durant un conflit armé ou non1371. Dans sa résolution 1998 (2011) adoptée en juillet 2011, le Conseil de sécurité a demandé instamment aux Etats parties au conflit de s'abstenir de toutes actions entravant l'accès des enfants à l'éducation, et a demandé en particulier au Secrétaire général de poursuivre la surveillance et le suivi concernant l'utilisation des écoles à des fins militaires1372. L'utilisation des écoles à des fins militaires expose les enfants aux attaques et entrave leur droit à l'éducation ; mieux elle, entraîne des taux élevés d'abandon scolaire, en particulier, parmi les filles. Elle peut également conduire à la prise pour cibles d'écoles lors des attaques. En novembre 2012, un groupe d'experts composé de représentants d'Etats membres, d'organisations régionales, d'experts militaires, d'acteurs de la protection de l'enfance, de spécialistes de l' éducation, ainsi que de juristes du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme ont élaboré les Projets de lignes directrices de Lucens pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation militaire durant les conflits armés, en dégageant une

1368 Art. 15 et 52 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève ; art. 9 à 11 et 18 du deuxième protocole additionnel aux conventions de Genève.

1369 CIJ (1996), Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires.

1370 Affaires Kupreskic (2000) et Blaskic (2000). Dans l'affaire Kupreskic, le TPIY a déclaré : « les attaques délibérées lancées contre les civils ou biens de caractère civil font l'objet d'une interdiction absolue par le droit international humanitaire. » Dans l'affaire Blaskic, la Chambre d'appel du TPIY a déclaré l'accusé coupable d' « attaques intentionnelles dirigées contre les biens de caractère civil ».

1371 Art. 8, 2), b et 8, 2), e du Statut de Rome.

1372 S/RES/1998 (2011) ; http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1998(2011) ( consulté le 14/02/2016).

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série de principes soumis à l'aval des gouvernements1373. Ces lignes directrices visent à accroître la connaissance et la compréhension, et à améliorer la surveillance et le suivi, tout en prônant une législation nationale claire et explicite sur l'interaction des forces militaires avec les écoles et les élèves, ainsi qu'à intégrer ces lignes directrices dans la formation et la doctrine militaires. En dépit de ces interdictions consignées par les normes internationales, la situation déjà préoccupante du droit à l'éducation de l'enfant, a été aggravée par l'occupation des centres scolaires et de santé à la faveur de la crise par des hommes en armes.

Ainsi, les milices militaires présumés progouvernementales se sont emparées de certaines écoles et centres de santé et en ont fait leur base. Le 12 juin 2006, une centaine d'éléments d'une milice connue sous le nom de Groupe des patriotes pour la paix (GPP) a occupé un centre pour enfants, le centre de l'école pilote d'Adjamé, une commune populaire d'Abidjan ; Cet incident a empêché les enfants de se rendre dans ce centre en cette période. « L'occupation a duré jusqu'au 17 juin 2006, c'est-à-dire jusqu'à ce que la Gendarmerie nationale intervienne, après de fermes condamnations et des efforts de sensibilisation concertés des Nations Unies...»1374. Cette occupation a privé ces enfants de leur droit à l'éducation. Le Ministère de la famille et des affaires sociales avait aussi déclaré qu'en 2003, le même groupe de miliciens avait aussi occupé l'Institut de formation et d'éducation féminine, un centre de formation professionnelle pour jeunes filles toujours situé à Adjamé. L'occupation avait duré jusqu'en 2005, année durant laquelle, prenant ses responsabilités, l'armée gouvernementale officielle (FANCI) a expulsé le GPP et pris possession des locaux1375.

A l'instar des milices proches de l'ancien régime ivoirien, dans la partie nord de la Côte d'Ivoire, précisément, dans les zones anciennement sous contrôle des rebelles appelés forces nouvelles, l'occupation et la destruction des infrastructures scolaires a empêché pendant plusieurs années, l'organisation des cours et examens de fin d'année. Ce n'est qu'en 2006

1373 Global Coalition to Protect Education from Attack , Questions et réponses sur les lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation à des fins militaires durant les conflits armés, 2014, 11 p.

1374 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONUS/2006/835 du 25 octobre 2006, p.6. ; https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851

(Consulté le 10/06/2016).

1375 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

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que l'organisation des examens a été rendue de nouveau possible dans le nord, après des efforts de sensibilisation concertés des Nations Unies1376. De même, de nombreux sites hospitaliers servaient de camps aux forces ex-rebelles ; ce qui n'était pas sans conséquences sur la qualité et la quantité de soins à administrer aux enfants vivant sur ces territoires occupés.

Il s'agit, dans ces différents cas, d'atteintes graves au droit à l'éducation1377 , au droit aux soins de santé1378reconnu aux enfants dans la convention relative aux droits de l'enfant.

Outre cela, des enfants ont été acteurs ou victimes des manifestations et attaques violentes contre les forces de maintien de la paix.

- Des enfants acteurs et victimes des manifestations et attaques violentes contre les forces de maintien de la paix

Les enfants sont souvent utilisés par l'Alliance des Jeunes Patriotes pour le sursaut national, groupe présumé favorable au FPI, dans de violentes manifestations de masse organisées dans les territoires sous le contrôle du Gouvernement, au cours desquelles ils courent le risque d'être tués ou blessés1379. Ainsi «...des enfants sont utilisés comme barricades humaines pour bloquer l'accès des soldats de la paix des Nations Unies au cours des épisodes de violence, en particulier dans les territoires sous contrôle du Gouvernement. Le 26 juillet 2005, au lendemain des attaques d'Agboville et d'Anyama, une importante foule organisée, comprenant plusieurs enfants et des femmes portant un bébé sur leur dos, a ainsi bloqué un convoi militaire de l'ONUCI à Petit Yapo, empêchant tout accès à ces zones.»1380. Parfois, ces méthodes ont conduit à des incidents qui ont occasionné un bilan humain très lourd y compris dans les rangs des mineurs. « C'est ainsi aussi qu'en janvier 2006, une manifestation de masse à Guiglo, au cours de laquelle des soldats de maintien de la paix des

1376 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

1377 Article 28 CIDE.

1378 Article 24 al. 2.b) CIDE.

1379 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2015).

1380 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONUS/2006/835 du 25 octobre 2006, p.3.

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Nations Unies ont aussi été attaqués, s'est soldée par la mort de cinq Ivoiriens, dont deux enfants âgés de 14 et 16 ans »1381.

La protection du personnel humanitaire et de son équipement constitue l'une des plus anciennes maximes du droit des conflits armés1382. Le personnel humanitaire, son équipement et les bâtiments ou autres objets qu'il utilise bénéficient d'une protection spécifique en vertu des Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels1383. Les parties au conflit doivent garantir toute liberté de circulation au personnel humanitaire autorisé, soumis aux seuls impératifs militaires1384. Les transports et moyens médicaux sont spécifiquement fournis avec d'autres protections, considérées comme faisant partie du droit international coutumier1385.

- Les blocages des convois humanitaires destinés aux enfants : le refus d'accorder à un accès à l'aide humanitaire

Le refus de l'accès à l'aide humanitaire aux enfants et les attaques contre les travailleurs humanitaires1386 assistant les enfants est prohibé par la quatrième convention de Genève et ses protocoles additionnels1387. Ce refus de l'accès ou de ces attaques peuvent constituer un crime de guerre et un crime contre l'humanité1388. En outre, selon un principe du droit international coutumier, les parties au conflit doivent autoriser et faciliter l'aide pour les

1381 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU A/61/529-S/2006/826, p.7.

1382 Voir, par exemple, art. 15 de la Convention de la Haye (1907).

1383 Art. 70, 4) et 71, 2) du premier protocole additionnel aux conventions de Genève ; art. 18, 2) du deuxième protocole additionnel aux conventions de Genève.

1384 Art. 60 et 61 Genève IV ; art. 71 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève ; art. 18 du deuxième protocole additionnel aux conventions de Genève ; règle coutumière 56, HENCKAERTS (J-M) et DOSWALD-BECK (L.) (dir. Publ.), Droit international humanitaire coutumier, tome I : Règles, Bruylant/CICR, 2006, p.267.

1385 Règles coutumières 31 et 32, HENCKAERTS (J-M) et DOSWALD-BECK (L.) (dir. Publ.), Droit international humanitaire coutumier, tome I : Règles, Bruylant/CICR, 2006, p. 267.

1386 Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques, Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013), pp.23-24.

1387 Art. 23, 142 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ; art. 54, 70 et 77 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève ; art. 14 et 18 du deuxième protocole additionnel aux conventions de Genève.

1388 Art. 8, 2), b et 8, 2), e du statut de Rome.

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personnes civiles dans le besoin, soumises à leur contrôle1389. La fourniture de ces secours doit être impartiale et conduite sans aucune distinction de caractère défavorable, par exemple basée sur la race, l'âge ou l'apparition ethnique1390.

L'autorisation de porter secours à une population civile, notamment aux enfants, ne saurait être refusée par une partie au conflit de manière arbitraire. De même, chaque partie doit s'abstenir de toute entrave délibérée à l'envoi de secours à des populations civiles dans le besoin dans des régions tombées sous son contrôle1391. Le conseil de sécurité, l'Assemblée générale et le Conseil des droits de l'homme ont condamné à plusieurs reprises ces entraves1392. L'accès des organismes des Nations Unies aux enfants touchés par les effets néfastes de la crise ivoirienne, n'était généralement pas entravé, sauf dans les zones où des hostilités et des violences imprévisibles périodiques ont éclaté. C'est ainsi, par exemple que dans la ville de Guiglo à l'ouest du pays, la prestation de services aux enfants a été très problématique pendant plusieurs mois en raison des violents incidents de janvier 2006, lors desquels le personnel onusien a été évacué après l'attaque de soldats de la paix des Nations Unies par une foule nombreuse, dans laquelle se trouvaient des enfants1393. Priver les enfants de l'accès à l'aide humanitaire peut violer plusieurs droits fondamentaux, notamment le droit à la survie et le droit d'être à l'abri de la faim, droits fondamentaux exercés par tous1394. Mieux le refus d'autoriser l'accès à l'aide humanitaire engage la responsabilité pénale, même en temps de guerre.

- Les enlèvements d'enfants

1389 Règle coutumière 55, HENCKAERTS (J-M) et DOSWALD-BECK (L.) (dir. Publ.), Droit international humanitaire coutumier, tome I : Règles, Bruylant/CICR, 2006, p. 34 p.258. Art. 55 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

1390 Ibid ; art. 23 de la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ; art. 70, 2) du premier protocole additionnel aux conventions de Genève.

1391 Art. 23 et 55 Genève IV ; art. 70, 3) du premier protocole additionnel aux conventions de Genève.

1392. Voir par exemple, résolution 824 (1993) du Conseil de sécurité, résolution 55/2 de l'Assemblée générale, résolution 1995/77 de la Commission des droits de l'Homme.

1393 https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10./06/2015).

1394 Voir par exemple, art. 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; art. 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

489

L'enlèvement d'enfant1395 se définit comme le « fait de déplacer, soit par fraude ou violence, soit sans ces circonstances des mineurs de l'endroit où elles se trouvaient ou dans lequel ils avaient été régulièrement placées, qui constitue, dans ce dernier cas, une soustraction d'enfant... ».1396 Il s'agit d'un acte répréhensible prévu et puni par le code pénal ivoirien en ses articles 370 à 372. L'article 370 en son alinéa 1er dispose : «Quiconque, par fraude ou violence, enlève sous quelque forme que ce soit des mineurs des lieux où ils étaient placés par ceux à l'autorité desquels ils étaient soumis est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de 500 000 à 50 000 000 de francs». La tentative est également punissable. A l'instar des autres violations graves des droits de l'enfant, cette pratique a fait l'objet d'une ferme condamnation dans la résolution 1612 du Conseil de Sécurité des Nations Unies1397.

De même, la Convention relative aux droits de l'enfant, en son article 35 dispose in fine : « Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit ». Dans le contexte de crise ivoirienne, plusieurs cas d'enlèvements de mineurs ont été enregistrés et rapportés par les Nations Unies.1398 Le rapport des Nations unies indique les cas suivants :

1395 Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques, Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013), pp.21-22.

1396 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, PUF, 10e édition mise à jour, « Quadrige » : 2014, p. 400. ; Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques, Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013), pp.21-22.

1397 En 2005, la Résolution 1612 du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a créé le Mécanisme de surveillance et de communication de l'information sur six violations graves commises contre des enfants en situation de conflit armé par des forces ou groupes armés : recrutement ou utilisation d'enfant, enlèvements d'enfants, meurtres ou mutilations d'enfants, vols ou autres actes graves de violence sexuelle, attaques contre des écoles ou des hôpitaux, refus d'accès à l'aide humanitaire. L'objectif de cette résolution est d'assurer la collecte systématique d'informations objectives, précises et fiables sur les violations graves commises contre des enfants en situation de conflit armé...menant à des réponses éclairées, concertées et efficaces pour la protection et la prise en charge des enfants...et pour assurer le respect des normes et standards internationaux en matière de protection des enfants.

Voir ég. https://www.memoireonline.com/12/11/5005/La-protection-de-lenfance-dans-les-pays-africains-sortant-dune-crise-armee--cas-de-la-Cte-dIv.html#_Toc312218851 (Consulté le 10/06/2016).

1398 Rapport du Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835.

490

« a) Le 15 juin 2005, une fillette de 12 ans a été enlevée à Korhogo (nord de la Côte d'Ivoire) et amené au Mali, où elle a été contrainte à se marier. Son père se serait apparemment rendu au Mali dans l'espoir de la libérer, mais il aurait été menacé par les ravisseurs et le mari, qui lui aurait dit qu'il serait arrêté par les autorités maliennes s'il ne quittait pas le pays ,
·

b) En avril 2006, un écolier de 8 ans a été enlevé à Abidjan, dans la commune de Marcory. Il a eu les yeux arrachés lors de ce qu'on soupçonne être une pratique rituelle ,
·

c) En juillet 2006, la gendarmerie nationale basée à Agboville, en zone gouvernementale, a arrêté un certain nombre d'individus soupçonnés de faire partie d'un réseau de traite et de vente d'enfants. Trois suspects de sexe féminin ont été appréhendés dans l'opération et quatre enfants enlevés, âgés de 2 à 5 ans, retrouvés séquestrés sur les lieux. Après enquête, la gendarmerie a arrêté un homme qui semble être le cerveau et le meneur du réseau. L'affaire est en attente de jugement ».

Ces cas qui témoignent de l'ampleur du phénomène ont été favorisés par la porosité des frontières, le climat conflictuel, l'insécurité et la détérioration des structures sociales et administratives.

En zone gouvernementale, l'opération dignité a aussi entrainé de graves violations des droits de l'enfant et du droit humanitaire.

491

CONCLUSION DU TITRE 1

Il ressort de tout ce qui précède que les droits de l'enfant sont loin d'être effectifs en Côte d'Ivoire. Ils sont malmenés aussi bien par les particuliers que par les pouvoirs publics, aussi bien en temps de paix, notamment dans les centres de détention, qu'en période de troubles ou de conflit armé. Ces sont des violations qui portent atteinte à l'intégrité physique et morale des enfants. Ces violations constituent des atteintes à l'intégrité physique parce qu'il peut en résulter des coups et blessures sur la personne du mineur. Elles constituent aussi des atteintes morales parce qu'elles laissent subsister des séquelles morales faites de traumatismes au niveau des enfants victimes.

Dans un pays candidat à l'émergence, l'atteinte portée aux droits de l'enfant suscite une réaction épidermique1399. La Côte d'Ivoire est un pays où les droits de l'enfant se portent mal. En effet, la réalité sur le terrain nous met à l'évidence du fait que la République de Côte d'Ivoire est loin d'avoir gagné le pari de rendre effectifs les droits de l'enfant sur son territoire. Quels en sont les causes profondes ? Et comment y faire face ? Ce sont ces interrogations qui constitueront la trame de notre analyse dans le point suivant portant sur les conditions d'une effectivité améliorée.

1399 PHILIPPE(X.), « Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudences constitutionnelle et administrative françaises », P.U.A.M., Economica, 1990, p.342. Pour VERDIER (J-M.), Libertés et travail, Problématique des droits de l'homme et rôle, D. 1998 chron. p.63, face à une atteinte aux libertés, « le sentiment est vif de la commission d'un acte grave ». Selon P. ROUBIER au contraire, « les masses populaires (...) demeurent indifférentes à la lésion du droit des autres » ; « L'ordre juridique et la théorie des sources du droit », in Etudes RIPERT (G.), LGDJ, 1950, p 9s, spéc. p.22). Dans le même sens : LECLERQ (J.), Leçons de droit naturel, t. I, Le fondement du droit et de la société, éd. Wesmael, 3e éd. 1947, n°33), pour qui la plupart des individus « ne discernent l'injustice que lorsqu'ils en sont victimes, et, en réalité, ne sont pas mus par la

justice ». ; https://www.humanium.org/fr/cote-d-ivoire/ (consulté le 17/12/2017) ;
http://www.gouv.ci/_actualite-article.php?recordID=5114 (consulté le 17/12/2017).

492

Titre II : LES CONDITIONS D'UNE EFFECTIVITE AMELIOREE

493

Que faire ? Comment y faire face ? : Telles sont les questions fondamentales qui se posent face aux manifestations préoccupantes de l'ineffectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

Proposer des solutions, c'est supposer une pluralité de problèmes minant l'effectivité des droits de l'enfant, et le problème est celui des droits de l'enfant en crise en Côte d'Ivoire. La crise de l'effectivité des droits de l'enfant est multidimensionnelle. C'est-à-dire juridique, politique, économique, institutionnelle, morale, individuelle et communautaire. L'État de Côte d'Ivoire n'a jusqu'à ce jour, pas pu apporter des solutions à tous les problèmes auxquels il aurait dû apporter des solutions appropriées ; en bien des cas, il les a aggravés, en accentuant les distorsions, les écarts et les déséquilibres entre les prescriptions internationales et les réalités locales. L'évidence est là, qui commande de réorganiser les actions de l'État. La nécessité des ajustements est devenue évidente pour espérer aboutir à une effectivité optimale ou améliorée.

La crise des droits de l'enfant, qui affecte profondément la Côte d'Ivoire au point d'en constituer une des caractéristiques au même titre que le sous-développement auquel elle est d'ailleurs intimement liée, appelle des préconisations de mesures en faveur d'une effectivité améliorée (Chapitre 2). Mais, celles-ci supposent que soient identifiées au préalable, les causes principales de l'ineffectivité de ces droits fondamentaux de l'enfant (Chapitre 1).

494

Chapitre I :

L'IDENTIFICATION DES CAUSES D'INEFFECTIVITE DES DROITS
FONDAMENTAUX DE L'ENFANT

En Côte d'Ivoire, l'ineffectivité des droits de l'enfant comme des droits de l'homme résulte d'une imbrication de plusieurs facteurs1400. Certains sont visibles et apparents ; d'autres sont sournois, mal connus, cachés, détectables seulement à partir d'études approfondies et rigoureuses. Pour les besoins de clarté, on aurait pu les regrouper en deux catégories : les facteurs juridiques et les facteurs extra-juridiques. Toutefois, une telle option nous aurait conduit à un plan difforme, les données extra-juridiques étant plus nombreuses. Aussi, aux fins de mieux cerner les causes d'ineffectivité des droits fondamentaux de l'enfant, nous aborderons successivement, les causes tenant à la complexité des règles internationales de protection des droits de l'enfant et à la conclusion tardive des conventions internationales par la Côte d'Ivoire (Section 1), les causes de l'ineffectivité du droit à la survie, au développement et à la participation des enfants (section 2), avant d'examiner les causes des abus contre toute forme de protection des enfants (section 3).

1400 MADIOT (Y.), Considérations sur les droits et les devoirs de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 1998, p.166

ss.

495

SECTION I. LES CAUSES TENANT A LA COMPLEXITE DES REGLES INTERNATIONALES DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET A LA CONCLUSION TARDIVE DES CONVENTIONS INTERNATIONALES

Une des difficultés d'application des droits de l'enfant promus et protégés par les normes internationales et régionales de protection des droits de l'enfant découle du caractère conditionné de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels (DESC)1401. Ce particularisme des DESC est clairement affirmé à l'article 4 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant qui dispose : « Les États parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources disponibles,... ». Quant à la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, elle n'a pas adopté la même démarche, qui consiste à viser clairement et de façon générale tous les droits économiques, sociaux et culturels. Elle y va article par article. Ainsi, peut-on lire par exemple à l'article 13 alinéa 2 et 3 que : « Les États parties à la présente Charte s'engagent, dans la mesure des ressources disponibles, à fournir à l'enfant handicapé et à ceux qui sont chargés de son entretien, l'assistance qui aura été demandée et qui est appropriée compte tenu de la condition de l'enfant... » ; À l'article 20 al. 2 de la même Charte, on peut lire ceci :

« Les États parties à la présente Charte, compte tenu de leurs moyens et de leur situation nationale, prennent toutes les mesures appropriées pour :

a) Assister les parents ou autres personnes responsables de l'enfant, et en cas de besoin, prévoir des programmes d'assistance matérielle et de soutien, ...

b) Assister les parents ou autres personnes responsables de l'enfant pour les aider à s'acquitter de leurs tâches vis-à-vis de l'enfant,...

c) Veiller à ce que les enfants des familles où les deux parents travaillent bénéficient d'installations et de services de garderie.

1401 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.257.

496

Ces deux normes, d'une certaine manière demandent les efforts des États parties dans la limite « des ressources disponibles » pour la mise en oeuvre de certains droits de l'enfant. Cependant, nous allons nous focaliser sur le cas de l'article 4 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant (CIDE), non seulement à cause de son caractère universel, mais aussi à cause des éléments d'analyse qu'offrent les organes des Nations Unies comme le Comité des droits de l'enfant et le Conseil économique et social1402. Nous verrons donc comment l'article 4 de la CIDE pourrait être interprété comme un obstacle à l'effectivité des droits de l'enfant au regard des conséquences de l'article 4 de la CDE sur la réalisation des droits de l'enfant (Paragraphe 1). Aussi, les réticences de l'Etat ivoirien à l'égard des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant expliquent également l'ineffectivité partielle de ces droits au regard de la conclusion tardive des instruments internationaux par le pays (Paragraphe 2).

§ 1. ANALYSE DE L'ARTICLE 4 DE LA CIDE COMME FACTEUR EXPLICATIF DE L'INEFFECTIVITE DES DROITS DE L'ENFANT

A la lecture de l'article 4 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, le premier élément qui interpelle est la distinction entre la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et les autres droits. Ainsi, peut-on lire : «Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils [États] prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources disponibles,...». Or, nulle part dans la convention, une distinction claire n'est opérée entre cette catégorie de droits et d'autres. Les droits civils et politiques ? Sans doute. Car, c'est à ce jour, les deux principales catégories de distinction en droits humains matérialisées par les deux pactes de 19661403. Cette distinction de ces droits peut partiellement expliquer l'ineffectivité des droits sociaux et économiques. De même, subrepticement, l'article 4 de la CDE n'apparait-il pas comme une violation du principe de la-non-discrimination, se muant par là même en vecteur d'ineffectivité des DESC-enfants ?

1402 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.257.265.

1403 Ibid.

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La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant ne distingue pas explicitement entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels de l'enfant. Néanmoins, la spécification faite pour la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels par les rédacteurs de la Convention traduit une volonté de distinction entre ces deux catégories traditionnelles des droits humains. Ceci nous ramène aux divergences idéologiques et politiques qui ont amené l'Assemblée des Nations Unies à adopter les droits de DUDH1404 en deux pactes distincts, caractérisés par une hiérarchisation des droits humains1405. En effet, les droits du PIDCP1406 étaient considérés comme des droits de la première génération alors que les droits du PIDESC1407 étaient considérés comme les droits de la deuxième génération, donc secondaires dans leur mise en oeuvre.

En effet, si d'un côté : « Les États parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources disponibles, [...] ». Cela nous amène à croire que ce deuxième libellé n'a pas la même portée juridique que la première phrase de l'article : « Les États parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention. [...] ». Le caractère impératif et obligatoire de tous les droits reconnus dans la Convention ne ferait aucun doute dans la première formulation, tandis que la formulation de l'article 4 de la CIDE laisse apparaitre subtilement, le caractère conditionné d'une certaine catégorie de droits contenus dans la Convention : les droits sociaux, économiques et culturels. Ceci nous confirme la distinction opérée dans les deux pactes de 1966.

Or, si la doctrine, en matière de droits de l'homme, est restée unanime sur le caractère obligatoire des droits civils et politiques contenus dans le pacte relatif aux droits civils et politiques, il n'en a pas toujours été le cas pour ce qui concerne les droits économiques,

1404 HENNEBEL (L.), TIGROUDJA (H.), Traité de droit international des droits de l'Homme, Editions A. Pedone, 2016, p.164-165.

1405 Pour plus d'informations sur les divergences de position qui ont marqué l'adoption des deux Pactes, v. le site d'Amnesty international : http://www.amnesty.ch/fr/themes/économie-et-droits-humains (25/02/2015) 1406 Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

1407 Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels.

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sociaux et culturels contenus dans le pacte de 1966. Ces derniers se caractériseraient par leur réalisation progressive, donc «non-immédiate» voire «non obligatoire» pour les États parties.

Mais, si le caractère obligatoire et non conditionné des droits reconnus par le Pacte relatif aux droits civils et politiques ne fait aucun doute, tel n'est pas le cas de la seconde catégorie des droits humains énumérés dans le Pacte de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dont le caractère obligatoire reste conditionné.

Les droits économiques, sociaux et culturels sont répertoriés dans le pacte international de 1966. Ce pacte, on le sait, compte au total 31 articles.

Le caractère programmé des droits économiques, sociaux et culturels trouve sa source à l'alinéa 1 de l'article 2 du Pacte DESC qui stipule :

« Chacun des États parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationale, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement l'exercice des droits reconnus dans le Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives ».

Cette disposition a été et continue d'être la justification du non-respect des droits contenus dans le Pacte, notamment les droits économiques et sociaux. Plusieurs auteurs1408 se sont déjà penchés sur la question pour montrer le caractère non-immédiat et difficilement justiciable de ces droits. En faisant le parallèle entre la disposition de l'alinéa 1er de l'article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, on se rend compte que ces deux dispositions ont la même finalité : la protection particulière de l'enfant. C'est donc dire que dès l'élaboration des deux Pactes en 1966, l'importance et le caractère primordial de la

1408 DEGNI-SEGUI (R.), Les droits de l'homme en Afrique noire francophone. Théories et Réalités », Abidjan, Imprimob, 1998, 196 p.; BETH (L.), « Discourse in Development : A Post-Colonial Theory Agenda for the UN Committee on Economic, Social and Cultural Rights », In. Journal of Gender, Social Policy § the Law, vol. 10, N°. 3 (September 2002), p.536.

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protection particulière de l'enfant étaient déjà reconnus au point de la rendre obligatoire dans le Pacte relatif aux droits civils et politiques1409.

Ainsi, en reprenant en son article 4 la disposition de l'alinéa 1er de l'article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant a manqué de se servir de la disposition de l'article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pour rendre obligatoires tous les droits de l'enfant.

Pourquoi les droits économiques, sociaux et culturels dans la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants doivent être à réalisation progressive ? A cette question, la réponse qui revient souvent est : le souci de prendre en compte la situation économique des pays. A cela, il faut bien entendu ajouter la recherche de compromis entre les Etats en présence. Or, comme l'a souligné le Professeur Hugues FULCHIRON, la recherche de compromis ou d'unité conduit à l'élaboration de règle à minima, sans manquer de qualifier la Convention internationale relative aux droits de l'enfant de texte « aux ailes coupés ». 1410. Bref, tous les pays n'ayant pas le même niveau économique, leurs obligations relatives aux droits économiques, sociaux et culturels de l'enfant ne seront pas les mêmes. Mais la volonté d'avoir une norme universelle de protection des droits de l'enfant ne découle-t-elle pas de la prise de conscience des besoins particuliers de l'enfant ? Donc, de la prise en compte de ses droits fondamentaux ? Et quels sont ces droits fondamentaux ? Est-ce la liberté de réunion et d'association ? Le respect de sa vie privée ? La liberté d'expression, et le droit à une religion de son choix ? L'accès à l'information et aux médias ? Hélas non ! Car, selon nous, pour des millions d'enfants à travers le monde aujourd'hui et des milliers d'enfants ivoiriens, ces droits ne devraient aucunement pas être regardés comme étant plus importants que les DESC des enfants. Et pour cause, que représentent ces droits pour des enfants qui sont privés du droit à l'éducation, du droit à l'alimentation, du droit à la santé, du droit à une famille ou du droit à la protection sociale ?

1409 Même si nous devons reconnaitre que la reprise du même droit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels porte à confusion, et témoigne d'une certaine indécision des rédacteurs des Pacte.

1410 FULCHIRON (H.), « Les Conventions internationales. Présentation sommaires », in L'enfant et les Conventions internationales, Dir. RUBELLIN-DEVICHI (J.) et FRANK (R.), Lyon, Presse Universitaire de Lyon, 1996, pp.19-33, p.27.

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C'est donc dire que les droits fondamentaux de l'enfant ne sauraient être perçus de la même manière que ceux de l'adulte, encore que ceux de celui-ci peuvent aussi être sujet à débat, eu égard aux besoins vitaux de l'être humain. Ainsi, en tenant compte des besoins particuliers de l'enfant, nous pouvons nous permettre de donner quelques indications sur ce qui peut être considéré comme les droits fondamentaux de l'enfant. Ils peuvent se présenter comme suit : le droit à la famille, le droit à la santé, le droit à l'alimentation, le droit à l'éducation, le droit à la protection sociale, etc. D'ailleurs, nous retrouverons quelques-uns de ces droits dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne1411.

De même, certains auteurs français comme Philippe ARDANT pensent que dans les pays en développement fondés sur des valeurs traditionnelles, religieuses et philosophiques propres, les droits fondamentaux ne devraient pas être conçus à l'exemple des pays développés1412. L'auteur préconise plutôt une adaptation des droits fondamentaux à ces pays en tenant compte des impératifs de consolidation ou de construction de l'unité nationale et d'un Etat fort1413.

Alors, si tous les enfants ne sont pas en mesure de jouir de leurs droits fondamentaux, que leur reste-t-il comme droits ? On est bien tenté de dire, pas grande chose. Et l'article 4 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, en prévoyant des mesures particulières qui enlèvent aux droits économiques et sociaux leur caractère obligatoire pour tous les États parties, handicape la jouissance effective des droits fondamentaux de l'enfant, donc ce qui leur importe le plus. Et cela se ressentira dans la mise en oeuvre de la Convention dans les pays que l'on considère, à tort ou à raison, comme des pays «pauvres» ou à «ressources limitées».

1411 Cf. Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 7 décembre 2000 (entrée en vigueur le 1er décembre 2009), in JOCE, 2000/C364/01, 18 décembre 2000, pp. 1-22. ; HENRY (J.) et STEINER et al., International Human Rights in Context : Law, Politics, Morals (3d éd. 2007), p.1014-1015.

1412 ARDANT (Ph.), « Les problèmes posés par les droits fondamentaux dans les Etats en voie de développement », in Association Française des constitutionnalistes, Droit constitutionnel et droits fondamentaux, Rapports français au II ème Congrès Mondial de l'Association International de Droit constitutionnel, Paris-Aix-en-Provence, 31 août-5 septembre 1987, Economica/PUAM, Paris/Aix-en-Provence, 1987, pp.107-124.

1413 Ibid, p.117 ss.

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L'égalité des États en droit international1414, est un principe important des règles de droit international, même si, pour toute personne avertie et habituée au fonctionnement du droit international, ce principe relève plus de la théorie que de la pratique. Mais, il n'empêche, le principe est posé : « L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine des tous ses membres. »1415. Ce principe qui signifie que tous les États membres de l'Organisation des Nations Unies ont la même capacité d'exercer des droits et d'assumer des obligations en droit international, nonobstant toutes différences de puissance, de richesse, de développement, entre autres1416, impose aussi que les États traitent donc l'ensemble de la population qu'ils représentent, de la même manière quel que soit leur développement économique.

Dès lors, dire que les droits économiques, sociaux et culturels soient mis en oeuvre « ...dans toutes les limites des ressources disponibles », suppose que chaque État sera évalué, dans la mise en oeuvre desdits droits au regard de sa situation particulière. Ainsi, la Convention relative aux droits de l'enfant pose, dès le départ, une différenciation dans la jouissance des droits de l'enfant entre les États parties. En d'autres termes, les enfants vivant dans un pays «riche1417« ou un pays «pauvre1418« ne peuvent revendiquer la jouissance des mêmes droits. D'où une certaine discrimination1419. On le sait : La discrimination consiste en tout traitement différent qui tend à refuser à des individus, à des groupes d'individus des droits ou des avantages qui sont reconnus à d'autres ailleurs1420. Le principe de la nondiscrimination, présent dans toutes les normes internationales relatives aux droits humains, refuse pourtant cette différence de traitement, y compris la Convention relative aux droits de

1414 BESSON (S.), Droit International Public-Abrégé de cours et résumés de jurisprudence, Stampfli Editions SA Berne.2011, p.75. ; Art.2 par.1 Charte de l'Onu « L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres. » qui reprend l'article 4 de la Convention de Montevideo : « States are juridically equal, enjoy the same rights, and have equal capacity in their exercise. The rights of each one do not depend upon the power which it possesses to assure its exercise, but upon the simple fact of its existence as a person under international law ».

1415 Art 2.1 de la Charte des Nations unies.

1416 Cf. CORNU (G.), Vocabulaire Juridique, Paris, PUF, 2011, p.387.

1417 SAUVY (A.), « Le tiers-Monde ».In. Sous-développement et développement, PUF, 1961, pp.383-393. ; 1418 CLARK (C.), « Population et niveaux de vie » In. Revue internationale du Travail, août 1953, 68, 2, pp.103-124.

1419 BELLOUBET-FRIER(N.), « Le principe d'égalité », AJDA, 1998, n° spécial, p.152. ; BORGETTO (M.), « Le principe d'égalité en droit public français », In. Définir les inégalités des principes de justice à leur représentation sociale, DRESS, collection MIRE, 1999, p.41.

1420 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2011, p.387.

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l'enfant (qui reprend dès le premier paragraphe de son préambule les principes de la Charte des Nations Unies qui sont ceux d'égalité et le caractère inaliénable des droits humains).

On peut alors se demander s'il appartient à une norme internationale, qui se veut protectrice des droits de l'enfant au plan universel, de poser ainsi une certaine discrimination, à tout le moins, une différence au niveau du traitement des enfants quant au bénéfice des DESC selon qu'ils vivent dans un pays pauvre ou pays riche. Pourtant, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant a posé, à travers son article 4, une règle discriminatoire dans la jouissance des droits économiques sociaux et culturels entre les enfants par rapport à leur pays d'existence.

Pourquoi l'enfant de Monaco ou de Liechtenstein1421 peut revendiquer son droit d'aller à l'école et de jouir d'une protection sociale alors que l'enfant de l'Erythrée ou de la République démocratique du Congo (RDC), ne peut revendiquer le même droit ?1422 Pourquoi l'enfant du Luxembourg ou de la Suisse doit revendiquer son droit d'aller à l'école et de jouir d'une protection sociale alors que l'enfant du Burundi et la République Centrafricaine ne peut revendiquer le même droit ?1423 Le Luxembourg et la Suisse sont en tête du classement des pays à Revenu National Brut (PNB) par habitant élevé en 2015, avec respectivement 103187 Dollars US et 82178 Dollars1424 US. De même, la République démocratique du Congo apparaissait dans un récent rapport de l'Unicef1425 comme le pays qui a le Produit National Brut (PNB) par habitant le plus faible, 180 Dollars US en 2010 ; ce qui faisait de ce pays l'un des plus pauvres du monde. Or la République Démocratique du Congo est un vaste pays qui regorge de richesses naturelles, notamment les ressources

1421 Monaco et Liechtenstein étaient en tête du classement des pays à Revenu National Brut (PNB) par habitant élevé en 2010, avec respectivement, 197.460 Dollars US et 136.540 Dollars US. Cf. Rapport Unicef, Situation des enfants dans le monde 2012, pp.110-115.

1422 L'Erythrée et la République Démocratique du Congo ont les indicateurs PNB les plus faibles, avec respectivement 340 Dollars US et 180 Dollars US. Rapport Unicef situation des enfants dans le monde 2012, op cit. ; Le Burundi et la République Centrafricaine ont les indicateurs PNB les plus faibles, avec respectivement 315 Dollars US et 339 Dollars US.

1423 Luxembourg et Suisse sont en tête du classement des pays à Revenu National Brut (PNB) par habitant élevé en 2015, avec respectivement 103187 Dollars US et 82178 Dollars US. Cf. Rapport Unicef, Situation des enfants dans le monde 2015.

1424 Cf. Rapport UNICEF, Situation des enfants dans le monde 2015.

1425 UNICEF, Rapport 2012 sur la situation des enfants dans le monde.

minières et énergétiques, telles que : le diamant, l'or, le cuivre, le cobalt, le pétrole etc., donc l'un des pays potentiellement plus riches du continent africain1426.

Au regard de ces données, il ne fait aucun doute que la République démocratique du Congo et la République centrafricaine, au regard des institutions des Nations unies, apparaissent comme des États pauvres ou Pays Moins Avancés (PMA) pour nous conformer à la terminologie de règle. Mais que cache en réalité cette situation de pauvreté d'un pays, potentiellement, aussi riche que la RDC et la Centrafrique ? En 2015, les pays les moins avancés, dans le monde sont au nombre de 501427 et parmi eux, on dénombre 34 États africains1428, dont la République Démocratique du Congo et la République centrafricaine. Mais, si en réalité la corruption1429 et la non valorisation des ressources au niveau des pays africains1430 ne font plus de doute, la situation la plus énigmatique est celle de la guerre qui caractérise la grande majorité des pays africains riches en ressources naturelles1431.

Cette situation a pour conséquence le pillage des richesses nationales par les protagonistes et le maintien des populations dans la misère ; ce qui, en fin de compte, fausse les données sur la richesse des États1432, donc de leur potentiel économique à assurer les droits économiques et sociaux notamment, à leurs populations. En somme, l'article 4 de la Conventions des Nations unies, permet d'éviter la réalisation optimale des droits

1426 Info disponible sur le site de l'agence de presse des nations Unies : www.relations-nations-unies.agence-presse.net sur les 10 pays les plus pauvres du monde en 2010. (Consulté le 07 septembre 2012.).

1427 Ils étaient 49 en 2009, à ceux-là s'ajoute le soudan du sud reconnu comme Etat par les Nations unies en 2011. Cf. doc. « Les pays les moins avancés » in ligne sur : http://www.unohr.org (consulté le 15/02/2015). 1428 Y compris le soudan sud. Car en 2009 le Soudan faisait partie de la liste. V. doc. « Les pays les moins avancés », op.cit

1429 Comme l'affirme Michel DOUCIN, « la Corruption en détournant les modes démocratiques et en privant les Etats de ressources nécessaires à l'exercice de leurs fonctions de base en matière de garanties et production de services de base, viole indirectement la plupart des droits humains Fondamentaux. » ; Lire aussi : BLUNDO G., DE SARDAN (J.P. Olivier), La corruption au quotidien-Politique africaine n°83, Octobre 2001, Karthala., CARTIER-BRESSON (J.), « Corruption , libéralisation et démocratisation-Introduction », In. Revue Tiers Monde, Janvier 2000, p.21.

1430 Information disponible sur le site de l'agence de presse des nations Unies : www.relations-nations-unies.agence-presse.net sur les 10 pays les plus pauvres du monde en 2010. Consulté le 07 septembre 2012. 1431 Comme le témoigne la publication des Nations Unies : « Contre les diamants de guerre », les diamants extraits des mines en Afrique ont rapporté sur les marchés du monde entier des milliards de dollars servant à financer des insurrections en Angola, en Sierra Leone et en République démocratique du Congo. Le document est disponible sur : http://www.un.org/fr/africarenewal/vol14no4/diamants.htm . (Consulté le 15/02/2015). 1432 Principe de disposer de leurs ressources économiques ; ABI-SAAB (G.), « La souveraineté permanente sur les ressources naturelles », In. BEDJAOUI Mohammed (sous dir.), Droit international, bilan et perspectives, Paris, éd. A. Pedone, t.2, 1991, p.639-661.

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économiques sociaux et culturels des enfants en Afrique, à l'instar de l'attitude de la Côte d'ivoire marqué par la conclusion tardive des conventions internationales de protection de l'enfant.

§ 2. DES CAUSES D'INEFFECTIVITE TENANT AUX RETICENCES DE LA COTE D'IVOIRE A L'EGARD DES CONVENTIONS INTERNATIONALES DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT

Les réticences de l'Etat ivoirien à l'égard des conventions internationales relatives aux droits de l'homme-enfant ont deux principales justifications.

Jalouse de sa souveraineté, l'Etat de Côte d'Ivoire manifeste de la réticence vis-à-vis des conventions internationales touchant les droits de l'homme, notamment à l'égard de celles qui pourraient fortement restreindre sa liberté de se gouverner et de s'administrer. En réalité, par cette réticence, la Côte d'Ivoire protège sa souveraineté contre les Etats et les individus. Mieux, elle considérait les droits de l'homme comme une matière relevant des « affaires intérieures »1433 relevant de la compétence nationale de chaque Etat. C'est d'ailleurs ce souci de la protection de la souveraineté nationale qui justifia la longue réticence de la Côte d'Ivoire à l'égard du statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.

A l'image de nombre de pays au monde. La Côte d'ivoire a toujours protégé sa souveraineté contre les individus. Eu égard à cette protection, chaque Etat fait écran entre le droit international et l'individu ; de sorte qu'il est toujours difficile pour tout individu d'être directement titulaire de droits et d'être tenu d'obligations au plan international. Ainsi, dans son avis consultatif du 3 mars 1928, la C.P.J.I. a relevé que « selon un principe de droit international bien établi, un accord international ne peut, comme tel, créer directement des droits et des obligations pour les particuliers »1434. On comprend alors qu'il y ait une grande opposition des Etats à la saisine des institutions protectrices des droits de l'homme-enfant par les individus. D'où leur réticence à ratifier des traités internationaux permettant d'ouvrir à l'individu, le prétoire des tribunaux internationaux ou des organes quasi-juridictionnels.

1433 Voir Article 2, paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies qui dispose : « aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ».

1434 Affaire relative à la compétence des tribunaux de Dantzig (Pays-Bas c. Etats-Unis d'Amérique), avis consultatif du 3 mars 1928, CPJI Série B n°15 p.4.

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Un tel recours apparait aux yeux des pouvoirs publics comme une atteinte à leur souveraineté.

C'est pourquoi, ce pays a toujours manifesté de la réticence à conclure les conventions internationales offrant un recours aux individus au niveau international. Par exemple, elle a conclu tardivement les conventions suivantes : le protocole se rapportant au PIDCP auquel elle a adhéré le 5 mars 1997, soit trente et un (31) ans après son adoption ( 16 décembre 1966) ; la charte africaine des droits de l'homme et des peuples à laquelle elle a adhéré le 27 décembre 1991, soit dix (10) ans après son adoption ( 27 juin 1981) ; la Convention contre la torture et autres peines cruels, inhumains ou dégradants à laquelle elle a adhéré le 18 décembre 1995, soit onze (11) ans après son adoption ( 10 décembre 1984). Toutes ces conventions autorisent la recevabilité des requêtes individuelles devant les institutions protectrices des droits de l'homme. On comprend alors que la Côte d'Ivoire ait manifesté de la méfiance à l'égard de telles conventions. Que la Côte d'Ivoire puisse être attraite devant un organe international de protection des droits de l'homme par une simple requête individuelle, était là, aux yeux des pouvoirs publics ivoiriens, comme une atteinte grave à la souveraineté de leur pays. Ainsi, se trouve justifiée la réticence de la Côte d'Ivoire vis-à-vis de certaines conventions internationales. Par une telle réticence, la CI entend protéger sa souveraineté contre les particuliers.

Eu égard à l'hétérogénéité de la population ivoirienne au plan religieux, linguistique et culturel, les hommes se sentaient moins citoyens d'un Etat que membres d'une tribu. Il fallait alors déployer tous les efforts nécessaires pour surmonter tous ces clivages tribaux et régionaux, donc lutter sans complaisance contre le tribalisme et le régionalisme afin d'obtenir l'unité tangible et infrangible attendue de la nation ivoirienne, riche de la diversité de ces cultures complémentaires ; le développement de la Côte d'Ivoire étant à ce prix. C'est pourquoi, au départ, la Côte d'Ivoire s'était montré réticente vis-à-vis des conventions internationales relatives aux droits de l'homme, notamment à l'égard des conventions qui lui paraissaient inadaptées ou dangereuses au contexte socio-politique du moment. En tout cas, elle en a conclu très peu avant 19901435.

1435 Voici quelques conventions internationales auxquelles la CI est partie avant 1990 : « Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ( 1961) ;

Conventions de Genève du 12 Août 1949 ( 1961) ;

Protocole de New York relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967 (1972) ;

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La réalité ivoirienne laisse voir que les réticences de la Côte d'Ivoire à l'égard des conventions internationales sont aussi justifiées par le souci de la croissance économique. Après l'indépendance, l'Etat de Côte d'Ivoire s'est alors lancé dans une politique spectaculaire de diversification de sa production agricole, afin de parvenir à la croissance économique recherchée. Dans un tel contexte, les droits de l'homme étaient considérés comme des impedimenta à cette croissance économique ; d'où, ils ont été relégués au second plan : en effet, leurs promotions étaient aux yeux des pouvoirs publics ivoiriens, comme un luxe, car selon eux, elle ne s'accommode guère avec la faim, la sous-alimentation et la malnutrition.

Par conséquent, c'est à juste titre que Monsieur Kéba MBAYE affirme : « Beaucoup de dirigeants des pays en développement, partant du fait que leur politique doit essentiellement être tournée vers les politiques susceptibles de faire progresser la qualité de la vie des populations, mettent en veilleuse le respect des droits de l'homme. »1436. Dès lors il n'est pas étonnant que, au nom de la croissance économique, les droits de l'homme aient été quotidiennement foulés aux pieds en Côte d'Ivoire. Pour le Professeur Yves MADIOT, pour un pays sous-développé (comme la Côte d'Ivoire), « Les droits économiques et sociaux les plus importants ne peuvent pas être mis en oeuvre. Le droit à la sécurité sociale, par exemple, absorberait l'intégralité du budget (...). Le droit au travail ne peut être garanti (il ne l'est déjà pas dans les Etats industrialisés) dans une société à très faible croissance (...). Les libertés traditionnelles ne sont pas garanties. Les libertés d'association et de réunion, la liberté de presse ou les libertés individuelles ne peuvent s'implanter »1437.

A la vérité, il est remarquable et regrettable qu'en Côte d'Ivoire, à l'exclusion du miracle économique des années 70, la croissance économique recherchée n'a pu être atteinte, malgré les réticences vivaces manifestées à l'égard des conventions internationales sur les droits de l'homme au lendemain de l'accession à l'indépendance. Aujourd'hui, les pouvoirs publics se sont rendus comptent que les droits de l'homme constituent un facteur essentiel à la croissance économique et à l'unité nationale, donc au développement de la Côte d'Ivoire.

Protocole additionnel I aux conventions de Genève du 8 juin 1977 (1989) . »

1436 MBAYE (K.), « Droits de l'homme et pays en développement », In. Mélanges René-Jean DUPUY, Op. cit, p.216.

1437 MADIOT (Y.), Droits de l'Homme et Libertés publiques, op. cit., p.72.

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En somme, que la volonté de conclure une convention portant sur les droits fondamentaux de l'être humain n'ait pu être manifestée de la part de la Côte d'Ivoire depuis des mois, voir, depuis plus d'une décennie, après son adoption, l'on est en droit de penser qu'il s'agissait d'un refus de conclure, qui malheureusement, favorise la non réalisation de certains droits. Car par ces retards dans la conclusion des conventions internationales, les droits de l'enfant se trouvaient insuffisamment consacrés au niveau conventionnel et donc loin d'être effectivement mis en oeuvre.

Les causes liées à la complexité des normes internationales et à la réticence de l'Etat ivoirien à conclure des conventions internationales protégeant les droits humains ayant été examinées, il importe de nous intéresser à celles relatives à l'ineffectivité du droit à la survie, au développement et à la participation des enfants.

SECTION II. LES CAUSES DE L'INEFFECTIVITE DU DROIT A LA SURVIE, AU DEVELOPPEMENT ET A LA PARTICIPATION DES ENFANTS

Ici, seront analysées successivement, les résistances au droit à la vie et à la survie de l'enfant (Paragraphe 1), celles tenant au développement de l'enfant (Paragraphe2), puis celles afférentes à la participation des enfants (Paragraphe 3).

§ 1. LES CAUSES DE L'INEFFECTIVITE DU DROIT A LA VIE ET A LA SURVIE DE L'ENFANT

On analysera dans ce paragraphe, les résistances tenant aux causes immédiates notamment, le développement des pandémies accablantes (A) celles afférentes aux causes sous-jacentes (B), puis celles relatives aux causes structurelles (C).

A. LES RESISTANCES TENANT AUX PANDEMIES ACCABLANTES : LE DEVELOPPEMENT DES MALADIES INFECTIEUSES ET PARASITAIRES

Quand on sait que les pays en voie de développement concentrent 90% des épidémies1438, force est de constater que la prévalence des maladies est révélatrice de l'inégalité entre pays pauvres et pays riches, et qu'elle est un obstacle majeur au développement économique et

1438 PIRAGES (D.), « Maitriser les maladies infectieuses », in Institut worldwatch sur le développement durable, L'Etat de la planète, Redéfinir la sécurité mondiale, Rapport, Genève, 2005, p.51-74.

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social d'un Etat. Pour justifier l'idée suivant laquelle, les grandes pandémies figurent indubitablement parmi les handicaps les plus redoutables à la réalisation du droit à la vie et à la survie, nous évoquerons principalement les maladies courantes (1) et les autres maladies attentatoires à la survie de l'enfant (2).

1. Les maladies courantes

Les niveaux de mortalité infanto-juvénile observés sont liés au développement des maladies infectieuses, parasitaires et virales. Les affections liées aux problèmes de santé infantile, telles que le paludisme1439, les infections respiratoires aigües, le VIH/SIDA1440, les maladies évitables par la vaccination, la malnutrition, l'anémie, le faible poids à la naissance sont les cas les plus fréquents, diagnostiqués au cours des consultations dans les centres de santé visités.

Selon l'EDS de 1998-1999, plus d'un tiers (36%) des enfants de moins de 5 ans ont eu la fièvre au cours des deux semaines ayant précédé l'enquête. Ce qui indique qu'ils peuvent avoir souffert de paludisme ou d'autres maladies graves. S'agissant du paludisme, en 2002, on estimait en Côte d'Ivoire, à près de 2 millions de cas de paludisme par an avec une prédilection chez les enfants de moins de 5 ans1441. En 2014, la prévalence du paludisme chez les enfants âgés de moins de cinq ans était de 18%1442.

Les infections respiratoires aigües (IRA) sont aussi très souvent des maladies diagnostiquées chez les enfants. Ainsi, parmi les enfants de moins de cinq ans, 4% avaient présenté des signes d'infections respiratoires aigües (IRA) au cours des deux semaines ayant

1439 FAKIH (C.), Le paludisme en Côte d'Ivoire. Etat des lieux, Stratégies de lutte, Thèse de doctorat-pharmacie, Université de Bordeaux, 2014, 144p.

1440 UNICEF-ONUSIDA-OMS-FNUAP, Enfants et Sida. Quatrième bilan de la situation- Unissons-nous pour les enfants contre le SIDA, 2009, 56p. ; WALKER (N.) SCHWARTLANDER (B.) et BRYCE (J.), « Meeting international goals in child survival and HIV/AIDS » The lancet, 360 : 9329, 27 juillet 2002, pp.284-288. ; COMITE DES DROITS DE L'ENFANT, Commentaire général n°3 : Le VIH/SIDA et les droits de l'enfant, (CRC/GC/2003/1), 2003.

1441 TETCHI (Y.D.), COULIBALY (K.I), OUATTARA (A.) et al. Evaluation de la prise en charge du paludisme chez les enfants de 0 à 15 ans dans les districts sanitaires du projet Fonds mondial en CI, Mali médical, 2012, XXVII, 3, pp.17-20.

1442 REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire : vers une société plus équitable dans un pays émergent », Septembre 2014, p.40.

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précédé l'enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples de la Côte d'Ivoire portant sur la période 2011-20121443.

De même, l'une des causes immédiates résulte de la pandémie du SIDA. En effet, on estime, chaque année à 15000, le nombre de nouveaux cas chez l'enfant, soit un tiers (30%) des cas notifiés. Les conséquences sociales sont dramatiques étant donné que de nombreux enfants âgés de 0 à 5 ans, s'ils ne meurent pas avant l'âge préscolaire, risquent de ne pouvoir avoir accès à l'éducation. Par ailleurs, la demande de soins pour les enfants atteints du SIDA connaît une hausse remarquable. L'ampleur du phénomène résulte surtout de la transmission du VIH de la mère à l'enfant1444, l'excision1445, la circoncision1446 et les scarifications pratiquées avec des objets non stérilisées.

2. Les autres maladies attentatoires à la survie de l'enfant (l'anémie, la malnutrition, les maladies évitables, les maladies diarrhéiques)

Les maladies diarrhéiques constituent la deuxième cause de morbidité chez les enfants de moins de 5 ans en Afrique, au sud du Sahara et plus particulièrement en Côte d'Ivoire.1447Elles sont à l'origine de nombreux cas de déshydratation qui représentent, dans

1443 Ministère de la Santé et de la lutte contre le SIDA (MSLS) et l'Institut National de la Statistique (INS) et ICF International, Enquête Démographique et de Santé et à Indicateurs Multiples de la Côte d'Ivoire 20112012 : Rapport de synthèse. Calverton, Maryland, 2013, p.9.

1444 ONUSIDA, Transmission du VIH de la mère à l'enfant, Collection Meilleures pratiques de l'Onusida, Mars 1999, pp.2-3 ; Selon l'ONUSIDA, dans la majorité des cas, l'infection à VIH chez les enfants de moins de quinze ans résulte d'une transmission mère-enfant (TME).

1445 INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE (INS) et MINISTERE DE LA LUTTE CONTRE LE SIDA (Côte d'Ivoire) et ORC Macro. Enquête sur les indicateurs du Sida, Côte d'Ivoire 2005. Calverton,

Maryland, p.178-179 ; UNICEF, Fiche d'information : mutilations génitales féminines/excision in Pour chaque enfant. Santé, Education, Egalité, Protection-Faisons avancer l'humanité, p.2, disponible sur www.unicef.org/french/protection/files/Mutilations_Genitales.pdf ( Consulté le 23/04/2016).

1446 La circoncision est une pratique rituelle réalisée par de nombreuses civilisations depuis l'Antiquité. On la retrouve dans l'Ancien Testament (Genèse, XVII : 10-12) et etait pratiquée par tous les juifs et musulmans

de par le monde. Elle a, en revanche, été abandonné par la religion chrétienne, sous l'égide de Paul de Tarse,

même si la circoncision où le prépuce n'est pas retiré, mais simplement incisé latéralement. ; La première publication suggérant que les sujets circoncis seraient partiellement protégés contre une infection par le virus

du Sida par rapport aux sujets non circoncis a été rapportée par Fink en 1986 dans une lettre éditoriale au New England Journal of Medicine ;Voir FINK(A.J.), A possible explanation for heterosexual male infection with AIDS. N. Engl J Med 1986 ; 315 : 1167. ; SIEGFRIED N., MULLER M., DEEKS J., VOLMINK J., EGGER M., LOW N. et al. HIV and male circumcision-a systematic review with assessment of the quality of studies. Lancet Infect Dis 2005. 5/165-73.

(B.), DOUMBIA (M.), SY (I.), DONGO (K.), AGBO-HOUENOU (Y.), HOUENOU (P.V.),

1447 KONE

FAYOMI (B.), BONFOH (B.), TANNER (M.), CISSE (G.), « Etude des diarrhées en milieu urbain à Abidjan

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bien des proportions significatives, des états morbides et des décès chez les enfants de moins de cinq ans. En 2012, près d'un enfant de moins de cinq ans (18%) avait eu la diarrhée1448 au cours des deux semaines ayant précédé l'enquêté démographique et de santé de 20112012. Les enfants de 12-23 mois ont été les plus affectés (29%). Globalement, 22% des enfants souffrant de diarrhée ont bénéficié d'une thérapie de réhydratation par voie orale (TRO), c'est-à-dire un sachet de SRO ou une solution maison ; 49% des enfants ont bénéficié d'une TRO ou une augmentation des quantités de liquide. Par contre, 27% des enfants n'ont reçu aucun traitement.1449La pointe de la prévalence de la diarrhée intervient au cours de la période de sevrage chez les enfants âgés de 6 à 23 mois avec des taux de 30 à 35% respectivement pour les enfants de 6-11 mois et 12-23 mois1450.

En 1998, l'EDS 2 révèle que la proportion des enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition chronique (rapport taille-pour âge) était estimée à 25% contre 24 % en 1994. Selon ces mêmes résultats de l'EDS2, la malnutrition (qu'elle soit chronique ou sévère) est plus prononcée chez les filles (27% et 10%) que les garçons (24% et 9%). Suivant l'EDS-MICS 2011-2012, 30% des enfants de moins de cinq ans ont une taille trop petite par rapport à leur âge, accusant ainsi un retard de croissance ou souffrant de malnutrition chronique. Selon cette enquête la malnutrition chronique est plus élevée en milieu rural qu'en milieu urbain (35% contre 21%) et dans les régions du Nord et du Nord-Est (39% chacune) que dans les autres1451. La prévalence du retard de croissance varie selon le niveau d'instruction de la mère (32% des enfants dont la mère est sans aucune instruction ont un retard de

par l'approche écosanté », Vertigo- La revue électronique en sciences de l'environnement, Hors-série 19, Aôut 2014, disponiible sur https://vertigo.revues.org/14976 ( consulté le 25/06/2017).

1448 La diarrhée est la plus sérieuse des maladies liées au manque d'accès à l'eau potable, à l'hygiène et l'assainissement ; Selon l'Unicef, elle tue à elle seule 5000 enfants par jour dans le monde. En affaiblissant les enfants, la diarrhée fait aussi augmenter la mortalité causée par des maladies qui surviennent quand l'organisme est tellement faible qu'il est incapable de se défendre : par exemple des maladies comme les infections respiratoires aigües. ; KONE (B.), DOUMBIA (M.), ADJI FX., Approche écosystémique à la gestion des maladies diarrhéiques en milieu périurbain : cas d'un village lagunaire dans la commune de Yopougon (Abidjan-Côte d'Ivoire). Rapport final du projet du Centre Suisse de Recherche Scientifique, 2007, 81p. ; DEPEAU (S.) , RAMADIER (T.), « Les trajets Domicile-Ecole en milieux urbains : Quelles conditions pour l'autonomie de l'enfant de 10-12 ans?, » In. Psychologie & société, n°3, 2005, pp. 81-112 ;

1449 Ministère de la Santé et de la lutte contre le SIDA (MSLS), Institut National de la Statistique (INS) et ICF International, Enquête Démographique et de Santé et à Indicateurs Multiples de la Côte d'Ivoire 2011-2012 : Rapport de synthèse. Calverton, Maryland, USA, 2013 p.9.

1450 Ibid.

1451 Ibid. p.12.

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croissance contre 16% des enfants dont la mère a atteint un niveau secondaire ou plus)1452. Un autre facteur de différenciation des niveaux de malnutrition est le milieu de résidence avec une zone rurale où la malnutrition atteint un niveau très élevé par rapport à celui de la zone urbaine.

Au-delà des résistances sus analysées, il importe d'examiner celles de nature sous-jacente qui expliquent l'ineffectivité optimale du droit à la vie et à la survie de l'enfant.

B. LES OBSTACLES SOUS-JACENTS A LA REALISATION DU DROIT A LA VIE ET A LA SURVIE DE L'ENFANT

Les causes sous-jacentes ont trait aux facteurs liés aux comportements des populations, notamment de la mère (1) et à des difficultés d'accès aux services sociaux de base (2).

1. Les résistances liées aux comportements de la mère

Le droit à la vie et la survie de l'enfant peut être compromis par moult facteurs liés au comportement de la mère : grossesses à risques, un mauvais suivi sanitaire de la grossesse et de l'accouchement, la faible pratique de l'allaitement maternel, l'analphabétisme de la mère.

Les grossesses à risques constituent une des causes des violations du droit à la survie des enfants en Côte d'Ivoire. Le niveau élevé de la mortinatalité1453 peut s'expliquer par les grossesses d'enfants par femme et le rapprochement des naissances1454. En effet, une femme de 18 ans sur deux, vivant en milieu rural a déjà eu un enfant ou est enceinte pour la première

1452 Ibid. p.12.

1453 KOFFI (A.) Mortinatalité : facteur de risque à propos de 780 cas colligés en 2 ans à la maternité d'ABOBO SUD à ABIDJAN- Résumé des rapports et communications au 5ème congrès de la SAGO à DAKAR, décembre 1998 (inédit) ; Voir aussi, HENRIPIN (J.), « L'inégalité sociale devant la mort : la mortinatalité et la mortalité infantile à Montréal » in Recherches sociographiques, Québec : Les Presses de l'Université Laval, vol.2, n°1, janvier-mars 1961, pp.3-34.

1454 USAID, La planification et l'espacement idéal des grossesses pour la santé-Guide de Référence pour le formateur,Extending Service deliver(esd),2008, p.5. ; voir aussi, Dav (A.), HALE (L.), RAZZAQUE (A.), RAHMAN (M.), « Effects of interpregnancy interval and outcome of the preceding pregnancy on pregnancy outcomes in Martlab, Bangladesh, BJOG, 2007 ; SETTY-VENUGOPAL (V.), MPH et USHMA (D.), ROBEY (B.), Population Reports-Espacement des naissances.Trois ans à cinq ans sauvent des vies, in, Série L, n°13-Questions de santé mondiale, Population Information Program, Center for Communication Programs, the Johns Hopkings Bloomberg School of Public Health, USA, Eté 2002, 23p.

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fois. En outre, l'indice de fécondité1455 se situe actuellement à 5,2 avec une tendance à la hausse en milieu rural (6,3 contre 4,02 en zone urbaine). Or, avant l'âge de 25 ans et au-delà de quatre enfants, les issues de grossesse présentent des risques de décès des bébés pendant l'accouchement. Par ailleurs, l'intervalle intergénésique est court, notamment en milieu rural où il est moins de deux ans entre deux naissances Ce sont là autant de facteurs qui rendent difficiles l'accouchement et la survie des nouveaux nés1456.

De même, un mauvais suivi sanitaire de la grossesse1457 et de l'accouchement explique aussi les atteintes à la survie des enfants. Selon les Résultats de l'EDS de 1998, pour une naissance sur cinq (20%) les mères ne sont pas allées en consultations prénatales, indispensables pour un meilleur suivi du foetus. En 2000, selon le MICS ce taux a considérablement baissé pour atteindre 3,3% des mères, dont 1,2% en milieu urbain et 5% en milieu rural. Par ailleurs, en 1998, près de la moitié des enfants de 12 à 23 mois n'étaient pas vaccinés contre les maladies du PEV. Cependant, en 2000 un enfant de 12 à 23 mois sur onze (9,6 %) n'a reçu aucun vaccin. On peut, par conséquent affirmer que 23% des mères n'ont que partiellement ou pas du tout eu recours aux services de vaccination. En milieu urbain, cette proportion est moins faible qu'en zone rurale. En somme, la faible surveillance prénatale ainsi que la non-immunisation ou l'immunisation partielle des enfants contre le tétanos néonatal (21,4% ne sont pas vaccinés en 2000) et les maladies du PEV ont constitué des facteurs importants de décès infantiles.

1455 L'indice de fécondité ou encore taux de fécondité, peut se définir comme le nombre moyen d'enfants par femme en âge de procréer (à ne pas confondre avec le taux de natalité). ; Suivant les chiffres de l'an 2015 estimés par le WORLD FACTBOOK de la CIA, le taux de fécondité de la Côte d'Ivoire s'élève à 3, 54.

1456 PRUAL (A.), « Grossesse et accouchement en Afrique de l'Ouest. Vers une maternité à moindre risque ? », Santé Publique 1999, volume 11, n°2, pp.167-185.

1457 DIARRA NAMA (A.J.), ANGBO (O.), KOFFI (M.N.), KOFFI (M.K.) YAO (T.K.), WELFFENS EKRA (C.), « Morbidité et mortalité liées aux transferts obstétricaux dans le districts sanitaire de Bouaflé en Côte d'Ivoire », In Santé publique, volume 11, n°2, 1999, pp.193-201 : pour cette étude , les auteurs estiment que la couverture prénatale effective des femmes enceintes évacuées était faible car seulement 46,4% des femmes avaient effectuées plus de trois consultations prénatales. Qui plus est, l'absence de suivi prénatal est fréquemment associée à la morbidité et la mortalité maternelle et périnatale car c'est le rapport quantité-qualité des consultations prénatales qui permet le dépistage des grossesses à risque et la référence précoce de celles-ci ; ROONEY (C.), Soins prénatals et santé maternelle : Etude d'efficacité. OMS, Programme de Santé maternelle et maternité sans risque. WHO.MSM/92.4 :72.

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Quant à l'allaitement maternel, l'OMS et l'Unicef recommandent un allaitement maternel1458 exclusif jusqu'à l'âge de 4 à 6 mois afin de garantir un meilleur état de santé de l'enfant (immunité contre les maladies, croissance normale, etc.). Cela résulte d'une recommandation de santé publique de portée mondiale1459. De façon générale, l'allaitement est quasi-universel en Côte d'Ivoire ; car en 1998, la majorité (98%) des enfants nés dans les cinq années ayant précédé l'EDS ont été allaités pendant un certain temps. Cependant, en 2000, seulement un enfant de 0 à 3 mois sur huit (11,4%) est seulement nourri au sein maternel, dont 13,8% en milieu urbain et 9,5 % en zone rurale. Les raisons souvent évoquées en milieu urbain à l'encontre de l'allaitement maternel est que celui-ci rend les seins flasques et fait perdre à la femme sa beauté. D'autres raisons tiennent à un phénomène de mode qui trouve l'utilisation du biberon une certaine sorte d'ascension sociale. D'autres raisons tiennent encore à certaines activités économiques de la mère. Effectivement, les mères évoluant dans les secteurs modernes de production semblent interrompre plus rapidement l'allaitement maternel exclusif du fait de l'emploi du temps que leur impose le monde de l'emploi.

A partir des années 2005, la situation semble avoir évolué de manière positive. En effet, suivant l'EDS-MICS de 2011-2012, la quasi-totalité des enfants nés dans les cinq années ayant précédé l'enquête, soit 97% ont été allaités1460. Cependant seulement 12% des enfants de moins de six mois étaient exclusivement nourris au sein et 64% des enfants de 6-9 mois avaient reçu des aliments de complément. Ce qui amène à dire que 36% des enfants de plus

1458 L'allaitement au sein exclusif signifie que le nourrisson ne reçoit pas d'autre aliment ou boisson, pas même de l'eau que le lait maternel (y compris le lait exprimé de sa mère ou le lait d'une nourrice) pendant les six (6) premiers mois de la vie, mais qu'il peut néanmoins recevoir des sels de réhydratation orale, des gouttes et des sirops ( vitamines, minéraux et médicaments) ; Stratégie mondiale pour l'alimentation du nourrisson et du jeune enfant-Résolution de l'Assemblée mondiale de la santé-1er mai 2001 WHA54 A54/INF.DOC./4 ; BIDAT(E.) : « L'allaitement maternel protège le nourrisson de l'allergie »: In. Revue Française d'Allergologie. 2010 ; 50(3) : 292-294 ; CASTETBON (K.), DUPORT (N.), HERCBERG (S.) : « Allaitement maternel et santé » In. Revue d'Epidémiologie et de Santé Publique. 2004 Oct , 52(5) :475-480 ; TURCK (D.) , « Allaitement maternel : les bénéfices pour la santé de l'enfant et de sa mère ».In. Archives de pédiatrie. 2005 Dec ; 12(S3) :145-165.

1459 Conformément aux conclusions et recommandations de la consultation d'experts (Genève, 28-30 mars 2001) ayant couronné l'examen systématique de la durée optimale de l'allaitement exclusif au sein (voir le document Organisation mondiale de la santé-cinquante quatrième assemblée mondiale de la santé A54/INF.DOC./4 (point 13.1 de l'ordre du jour provisoire 1er mai 2001). Voir aussi la résolution WHA54.2. 1460 Ministère de la Santé et de la lutte contre le SIDA (MSLS) et l'Institut National de la Statistique (INS) et ICF International, Enquête Démographique et de Santé et à Indicateurs Multiples de la Côte d'Ivoire 20112012 : Rapport de synthèse. Calverton, Maryland, MSLS, INS et ICF International, 2013 p.11.

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de 6 mois n'ont pas pu recevoir une alimentation de complément et ce, en violation des recommandations de l'OMS et l'UNICEF qui indiquent qu'à partir de six mois , tous les enfants devraient recevoir une alimentation de complément, car à partir de cet âge, le lait maternel seul n'est plus suffisant pour assurer une croissance optimale de l'enfant. Il est recommandé que les enfants de 6-23 mois soient allaités et nourris avec au moins quatre groupes d'aliments différents et que les enfants allaités soient nourris un nombre minimum de fois par jour selon leur âge1461. Les enfants de 6-23 mois non allaités devraient consommer du lait ou des produits laitiers chaque jour ainsi que quatre groupe d'aliments au moins quatre fois par jour. Les résultats indiquent que ces recommandations n'ont été appliquées que pour 5% des enfants allaités et 4% des enfants non allaités1462.

Il existe aussi un rapport étroit entre le niveau d'instruction de la mère et l'état de santé des enfants. En effet, les différents indicateurs de morbidité et de mortalité infantile et infanto-juvénile montrent des valeurs significatives chez les enfants dont les mères ont un faible niveau d'instruction1463. Cela se traduit surtout en milieu rural où le taux d'alphabétisme des femmes1464 reste encore faible. En effet, le taux de mortalité infantile a plus augmenté en milieu rural qu'en milieu urbain du fait de la grande majorité des femmes rurales analphabètes.

1461 Au moins deux fois par jour pour les enfants allaités de 6-8 mois et, au moins, trois fois par jour pour les enfants allaités de 9-23 mois.

1462 Ministère de la Santé et de la lutte contre le SIDA (MSLS) et l'Institut National de la Statistique (INS) et ICF International, Enquête Démographique et de Santé et à Indicateurs Multiples de la Côte d'Ivoire 20112012 : Rapport de synthèse. Calverton, Maryland, USA : MSLS, INS et ICF International, 2013, p.11.

1463 RAVELOMANANA (T.), RAKOTOMAHEFA (M.), RANDRIANAIVO (N.), RAOBIJAONA (S.H.), BARENNES (H.), « Education des mères et gravité de l'état des enfants présentés aux urgences de l'hôpital Joseph-Raseta-Befelatanana, Madagascar. Quelles implications ? », Bull. Soc. Patho. Exot., Société de pathologie exotique et Springer-Verlag France 2010, 5p. ; Voir également PANICO (L.), TO (M.) et THEVENON (O.), « La fréquence des naissances de petit poids : quelle influence a le niveau d'instruction des mères ? » , In. Population & Sociétés n°523, Juin 2015, 4p. ; BAYA (B.), « Instructions des parents et survie de l'enfant au Burkina Faso : Cas de Bobo-Dioulasso » , Les dossiers du CEPED n°48, Paris, Janvier 1998, 34p. ; BARBIERI (M.), Les déterminants de la mortalité des enfants dans le tiers monde, 2ème tirage, 1991, 40p.

1464 Lors de la cérémonie du lancement de la campagne de sensibilisation et de lutte contre l'analphabétisme dans la région du Iffou en date du 05 novembre 2014, Mme Marie-Reine OGOU, directrice régionale de l'Education nationale et de l'enseignement technique (DRENET) de Daoukro, au niveau national ivoirien, la population analphabète est de 51%, avec une proportion de 62% chez les femmes qui va jusqu'à 70% en milieu rural ; MBOW (P.), Analphabétisme, pauvreté des femmes : cas du Sénégal, UNESCO-AFRIQUE, Dakar, Mars 1993, n°6.

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Les difficultés d'accès aux services sociaux de base constituent en outre, une autre forme de résistance sous-jacente qui entame la vie et la survie des enfants en Côte d'Ivoire.

2. Les difficultés d'accès aux services sociaux de base

Elles se résument au faible accès à l'eau potable1465 ainsi qu'un déficit d'assainissement adéquat1466.

En Côte d'Ivoire, une partie importante des ménages ruraux et les ménages urbains pauvres vivant souvent dans les quartiers précaires et les bidonvilles1467, n'ont pas accès à l'eau potable. Selon les résultats de la MICS 2000, un ménage sur cinq n'avait pas accès à l'eau potable avec de fortes disparités entre le milieu urbain (11,2%) et le milieu rural (25,8%). Plus récemment, les résultats de la MICS 2012 évaluaient à 78 % le nombre de ménages utilisant des sources améliorées pour l'eau de boisson1468. Au-delà de ces chiffres, on constate qu'en zone rurale, le contact et la consommation directe de l'eau de puits, de marigots, de rivières sans traitement préalable sont fort répandus malgré quelques efforts

1465 FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL, Côte d'Ivoire : Stratégie de réduction de la pauvreté Rapport d'Etape au titre de l'année 2009 du FMI, n°09/156, Juillet 2009, pp.67-68. ; TIA (L.) SEKA (G.), « Acteurs privés et approvisionnement en eau potable des populations de la commune d'Abobo (Côte d'Ivoire) ». Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography (en ligne), vol. (2)., pp.15-28. URL : http://laurentienne.ca/rcgt (Consulté le 20 novembre 2015) ; OMS et UNICEF, Atteindre l'OMD relatif à l'eau potable et à l'assainissement : le défi urbain et rural de la décennie. Genève, OMS. 2007.

1466 L'assainissement concerne divers domaines tels que l'évacuation des eaux usées et de ruissellement, l'évacuation des déchets solides, l'évacuation des excréta et le traitement de tous ces éléments. Malgré son importance pour la santé, l'assainissement n'est pas développé en Côte d'Ivoire. En effet, très peu de villes disposent de schémas directeurs d'assainissement encore moins de système d'assainissement ; voir à ce sujet : FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL, Côte d'Ivoire : Stratégie de réduction de la pauvreté Rapport d'Etape au titre de l'année 2009 du FMI, n°09/156, Juillet 2009, pp.66-67.

1467 PNUD, Diagnostics et plans d'amélioration des quartiers précaires des 13 communes du District d'Abidjan, 2014, 155 p. ; YAO, (K. P.), Développement urbain et prolifération des quartiers précaires à Abidjan : le cas du quartier Banco 1 (commune d'Attécoubé), Institut National Polytechnique Houphouët Boigny de Yamoussoukro, 2010, 115 p. ; GRISOT (M.), Abidjan rase les bidonvilles des quartiers à risques , disponible sur : http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/10/03/abidjan-rase-les-bidonvilles-des-quartiers-a-risques_4499834_3244.html ( consulté le 12/10/2015) ; Lire aussi : ONU-HABITAT: Guide pour l'Evaluation de la Cible 11 : Améliorer sensiblement la vie de 100 millions d'habitants des bidonvilles. Nairobie, 2003, 19 p. ; ONU-HABITAT, Sortir des bidonvilles : un défi mondial pour 2020, Nairobi, 2012, 75 p.

1468 MINISTEREDE LA SANTE ET DE LA LUTTE CONTRE LE SIDA (MSLS) et l'INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE (INS) et ICF International, Enquête Démographique et de Santé et à Indicateurs Multiples de la Côte d'Ivoire 2011-2012 : Rapport de synthèse. Calverton, Maryland, USA : MSLS, INS et ICF International, 2013 p.24.

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entrepris par les pouvoirs publics. En outre, il est parfois donné de constater que le recours à l'eau de puits et de marigot est lié à des jugements de valeur. Ainsi, relativement aux habitudes de consommation en eau, en milieu rural, certaines populations accordent la préférence à l'eau de puits ou des sources tout simplement parce qu'elle aurait un meilleur goût que l'eau de pompe. Cette eau non potable est utilisée aussi bien pour la cuisine, la lessive que pour la toilette, notamment des nouveau-nés. Par ailleurs, les points d'eau existant ne bénéficient d'aucune mesure de protection particulière et constituent l'endroit idéal pour les jeux des enfants ou de consommation d'eau pour les animaux domestiques1469. De telles attitudes et comportements exposent ainsi de nombreuses populations, notamment les enfants à des risques de contamination certaine par les maladies hydriques1470 et liées au manque d'hygiène.

Suivant les estimations du JMP 2014, environ 80% des ivoiriens ont accès à une source d'eau améliorée1471. L'accès est plus élevé en milieu urbain (92%) par rapport au milieu rural (68%). Néanmoins, il faut noter que peu de progrès véritable empêchera probablement la Côte d'Ivoire d'atteindre ses cibles de l'OMD pour ce qui a trait à l'eau potable. Il faut noter que l'accès à une source dite « améliorée » ne garantit ni la durabilité, ni la qualité de l'accès à l'eau potable1472. En effet, la faible maintenance des systèmes et des points d'eau est l'une des grandes problématiques du secteur, notamment en milieu rural. Pour ce qui est de la qualité de l'eau, le système international de monitorage mis en oeuvre par l'Unicef et l'OMS considère seulement le type d'infrastructure et non pas la qualité de l'eau à la source. Le JMP estime que le type d'infrastructure permet d'évaluer la potabilité de l'eau. Il demeure néanmoins préférable de tester la qualité de l'eau, un élément prévu par le système de monitorage post-20151473. Ici, ce système de monitoring fournit l'information nécessaire

1469 Ceci est visible dans nombre de lieux du pays, et même au quartier dioulabougou situé dans la capitale politique du pays (Yamoussoukro) que nous avons visité en juillet 2017.

1470 LARBI BOUGUERRA (M.), « Eau et santé »in La Mise en oeuvre du droit à l'eau, Actes du XXIXème Congrès ordinaire de l'IDEF, Schultess, 2006, p.125.

1471 JOINT MONITORING PROGRAMME (JMP) : Données pour la Côte d'Ivoire (Links), 2014.

1472 SHAHEED (A.), Why « improved » water Sources are not always safe. WHO Bulletin, Apr 2014. http://ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3967570/ (consulté le 04/03/2015).

1473 WASH, Targets and indicators post-2015: Recommendations from international Consultations, Avril 2014. WSSCC. (http: // www.wsscc.org/sites/default/hles/post-2015_wash_targets_factsheet_12pp.pdf. (Consulté le 25/06/2015)

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pour évaluer la marche de tout programme sanitaire et permet de faire des ajustements pendant son exécution.

Les ménages qui s'approvisionnent aux sources publiques doivent transporter et stocker l'eau. L'eau potable risque d'être contaminée par les ménages lors du transport et du stockage de l'eau puisée aux sources publiques. Le mode de stockage, notamment l'utilisation de récipients non-nettoyés régulièrement, serait un grand vecteur1474de la contamination des eaux. Cette contamination est difficilement évitable en raison des comportements négatifs persistants. La promotion des moyens de traitement de l'eau à domicile (filtres et produits chlorés), la sensibilisation des populations en découlant visent à remédier à ce problème.

En matière d'assainissement1475, la majorité des ménages, notamment en zone rurale, ne dispose pas de systèmes d'égouts, ni de caniveaux de drainage des eaux usées et pluviales1476. En 2000, seulement, un ménage sur deux (59,1%) disposait de moyens adéquats d'évacuation des excréta, dont 80,2% en milieu urbain et 36,8% en milieu rural. Cela cause des problèmes de stagnation des eaux usées et pluviales qui constitue des endroits ou les enfants aiment fréquemment s'amuser. Ce faisant, nombre d'entre eux finissent par contracter certaines maladies.

Suivant le JMP 2014, seulement 22% de la population a accès à une installation d'assainissement améliorée, 33% en milieu urbain et 10% en milieu rural. Le pourcentage de la population n'ayant pas accès à une latrine et qui pratique la défection à l'air libre est très élevé : 28% au niveau national, 6% en milieu urbain et 51% en milieu rural. Cette situation expose les enfants au risque de contamination par des parasites tels les vers intestinaux pour lesquels un traitement médicamenteux n'est efficace qu'à court terme1477.

1474 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire 2014. Vers une société plus équitable dans un pays émergent, p.53-54.

1475 GUISSE (E.H.), Rapport entre la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et la promotion de la réalisation du droit à l'eau potable et à l'assainissement, E/CN.4/Sub.2/2002/10 du 25 juin 2002, pp.10-13.

1476 DONGO (K.), KOUAME (F.K), KONE (B.), BIEM (J.) TANNER (M.), CISSE (G.), « Analyse de la situation de l'environnement sanitaire des quartiers défavorisés dans le tissu urbain de Yopougon à Abidjan, Côte d'Ivoire », Vertigo-la revue électronique en sciences de l'environnement, Vol. 8, n°3 ? Décembre 2008, disponible sur http://vertigo.revues.org/6252 (Consulté le 06 /06/2017).

1477 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire 2014. Vers une société plus équitable dans un pays émergent, p.53-54.

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En outre, la mauvaise gestion des ordures ménagères1478 ou des déchets1479contribue à accroitre les risques de maladie des populations, notamment chez les enfants. En effet, l'accroissement de la population dans les villes a mécaniquement entrainé celui de la production d'ordures ; cependant, les besoins exprimés en termes d'évacuation et les systèmes de collecte et de traitement des ordures ménagères ainsi que des eaux usées, surtout en milieu urbain, reste encore une préoccupation pour le Gouvernement et les populations. Par exemple, à Abidjan, le ramassage des ordures ménagères par camion qui assurait plus de la moitié des évacuations traverse une crise de gestion des déchets du fait de la forte croissance démographique qui impose une demande de plus en plus forte à des capacités gouvernementales insuffisantes. Ainsi, voit-on se développer parallèlement, un réseau informel de type privé pour le ramassage des ordures qui lui-même se heurte au problème de l'acheminement des ordures collectées vers la décharge d'Akouédo1480 soumise à un progressif engorgement. Dans les autres villes, les pratiques sont similaires à celles du milieu rural. En effet, les décharges y sont mal aménagées et la nature environnante (caniveaux, broussailles, ruelles, etc.) se transforme en de véritables dépotoirs1481.

Cela explique en partie les cas de contamination en matière fécale chez les enfants de moins de cinq ans. D'où les morbidités telles que la malnutrition, les maladies diarrhéiques, la dysenterie, le choléra, etc. chez les enfants de moins de cinq ans. En ville particulièrement, l'industrialisation croissante de l'économie et les habitudes quotidiennes engendrent des déchets toxiques et produisent progressivement une pollution urbaine1482. Tout ceci concourt

1478 AMANDINE (H.), « Centralisation, décentralisation et accès aux services urbains : le cas de l'enlèvement des ordures ménagères à Abidjan », Belgeo, 3-4, 2009, pp.425-438.

1479 SANE (Y.), « La gestion des déchets à Abidjan : un problème récurrent et apparemment sans solutions », In. African Journal of Environmental Assessment and Management, 4,1, 2002, pp.13-22.

1480 ADJIRI (O.A.), MAFOU (C.K.), KONAN (P.K.), « Impact de la décharge d'Akouédo (Abidjan-Côte d'Ivoire) sur les populations : étude socio-économique et environnementale » In. International Journal of Innovation and Applied Studies, vol.13. N°4, Déc.2015, pp.979-989. ; SANE (Y.), « La gestion des déchets à Abidjan : un problème récurrent et apparemment sans solution », Revue africaine de gestion et d'évaluation environnementale, vol.4, n°1, 2000, pp.5-10.

1481 ADEPOJU (G.O.) et KUMUYI (A.J.), « Chapitre 1 : La gouvernance et la gestion des déchets en Afrique » dans : O.G. Adepoju, KUMUYI (J.A.), KOFFI A., A.J.L. MOUGEOT, LUSUGGA K.M.J., SWWILLING M.et HUTT D., La gestion des déchets urbains : des solutions pour l'Afrique, CRDI/Editions Karthala, 2002, pp.5-10.

1482 GBINLO (R.), Organisation et financement de la gestion des déchets ménagers dans les villes de l'Afrique Subsaharienne : le cas de la ville de Cotonou au Bénin. Economies et finances, Thèse de doctorat, Université d'Orléans, 2010, pp.18-21.

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à une dégradation de plus en plus marquée du cadre de vie et de l'environnement qui est responsable de nombre de maladies affectant considérablement la santé des enfants.

C. LES RESISTANCES STRUCTURELLES

Au plan structurel, on relève des causes d'ineffectivité liées aussi bien à la gestion et l'inadaptation des politiques sanitaires et à des contraintes économiques ainsi qu'à des pesanteurs socioculturelles.

1. Les facteurs liés à la gestion et à l'inadaptation des politiques sanitaires et à des contraintes économiques

Ces facteurs tiennent au mauvais ciblage des politiques nutritionnelles, aux inégalités dans la distribution régionale et intra-ménage des denrées alimentaires.

Un mauvais ciblage des politiques nutritionnelles1483 apparait comme l'une des causes structurelles des atteintes à la vie et aux problèmes de survie de l'enfant. L'un des arguments qui font défaut à cette politique est l'exécution de transferts bien ciblés envers les enfants les plus touchés, c'est-à-dire ceux vivant dans les zones rurales les plus reculées et ceux qui vivent en milieu urbain dans des conditions d'insalubrité permanente. Aussi, note t'on, le manque de cohérence avec les habitudes alimentaires des populations surtout celles du milieu rural. Les programmes nutritionnels sont en effet basés sur la juxtaposition des principes diététiques modernes aux systèmes alimentaires des populations. La conséquence est la mauvaise adoption des nouveaux régimes par les populations, surtout lorsqu'il s'agit de mères ayant un niveau de scolarisation faible.

Les inégalités dans la distribution régionale et intra-ménage des denrées alimentaires1484 ont aussi des répercussions sur les disponibilités alimentaires. Il en résulte une réduction de

1483 MAIRE (B.), DELPEUCH (F.), PADILLA (M.), LE BIHAN (G.), « Le ciblage dans les politiques et programmes nutritionnels », In. Researchgate, Janvier 1993, pp34- 57. ; MAIRE (B.), DELPEUCH (F.),TRAISSAC (P.), Aspects statistiques du ciblage des politiques et programmes nutritionnels dans les pays en développement, pp.79-98. disponible sur www.horizon.documentation.ird.fr (consulté le 15 décembre 2016).

1484 DIRECTION DES STATISTIQUES, DE LA DOCUMENTATION ET DE L'INFORMATIQUE (DSDI) DU MINISTERE DE L'AGRICULTURE ET DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE (INS), Rapport sur la dynamique de la consommation alimentaire en Côte d'Ivoire, Mars 2011, pp.48-58. ; AKINDES

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la consommation par tête et une dégradation automatique du bien-être nutritionnel des groupes les plus défavorisées et vulnérables que sont les enfants. De même, avec la crise économique1485, la raréfaction des ressources étatiques s'est traduite par la réduction des subventions aux produits alimentaires de première nécessité pour les ménages urbains. En conséquence, la réduction du pouvoir d'achat des ménages qui s'en est suivi a aussi réduit les marges d'amélioration de leurs régimes alimentaires. Dans de telles conditions, il n'est pas rare de retrouver des enfants de moins de cinq ans souffrant de carences alimentaires1486 qu'il est indispensable de combler pour leur garantir une croissance normale. De même, les cas de malnutrition et d'anémie sont étroitement liés à la faiblesse de l'allaitement maternel ainsi qu'à des habitudes et pratiques alimentaires défavorables.

2. Les pesanteurs socio-culturelles

En Afrique, et notamment dans certaines zones rurales ivoiriennes, il existe certaines conceptions selon lesquelles, il n'est pas conseillé de donner certains aliments à manger aux enfants car ceux-ci sont susceptibles de faire des enfants de petits voleurs ou encore des amorphes. Ainsi, au sein des ménages, la répartition de la nourriture entre les membres n'est souvent pas à l'avantage des enfants et surtout lorsqu'il s'agit de ménages ruraux. Les enfants sont souvent exposés au risque de malnutrition protéine-énergétique à cause des interdictions qui pèsent sur leur régime alimentaire en ce qui concerne certains aliments riches en protéines (viande, poissons, oeufs, ...) qui, pour la plupart de temps sont réservés aux adultes et aux plus âgés. Heureusement, ces pratiques commencent à disparaître.

Les causes de l'ineffectivité du droit à la vie et à la survie ayant été examinées, il importe de mettre en exergue celles tenant à l'ineffectivité du droit au développement des enfants.

(F.), « Dévaluation et alimentation », Les Cahiers de la Recherche-Développement (40), CIRAD, Paris, 1995, pp.24-42.

1485 BRICAS (N.), « L'effet de la crise sur l'alimentation des populations urbaines en Afrique » In Crise et population en Afrique. Crise économique, politique d'ajustement structurel et dynamiques démographiques, VALLIN, J. et COUSSY, J. eds., Les Etudes du CEPED (13), Paris, EHESS-INED-INSEE-ORSTOM-Université de Paris VI . pp.183-207.

1486 CONSEIL NATIONAL POUR LA NUTRINITION (CNN)-REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE, Analyse de la situation nutritionnelle en Côte d'Ivoire, rapport Juillet 2015, pp.7-12. ; Lire aussi, AGUAYO (V.M.) ADOU (P.), « La malnutrition en Côte d'Ivoire : un appel à l'action » In. African Journal of Food and Nutritional Sciences Vol 2 n°2 ? 2002, pp. 86-91.

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§ 2. LES CAUSES DE L'INEFFECTIVITE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT DE L'ENFANT

On examinera successivement les causes intrafamiliales (A) et les causes extra-familiales de l'ineffectivité du droit au développement (B).

A. LES CAUSES INTRAFAMILIALES DE L'INEFFECTIVITE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT

L'examen des causes intrafamiliales amène à distinguer successivement les causes liées à l'environnement familial et scolaire (1), les autres causes imputables à la famille (2) ainsi que celles qui sont directement imputables aux enfants eux-mêmes (3).

1. Les causes liées à l'environnement familial et scolaire

Les difficultés socio-familiales et affectives, le surcroît de travail chez les élèves, la faible perception de l'importance de l'école par les jeunes et les carences alimentaires sont autant de facteurs explicatifs de l'ineffectivité partielle du droit au développement.

Les difficultés affectives rencontrées par de nombreux enfants dans le cadre des familles incomplètes, dissociées, avec les mères isolées ainsi que les maladresses d'éducation affective contribuent à consolider les fixations et les conflits affectifs qui devraient être surmontés à la fin de la deuxième enfance (entre 3 et 6 ans)1487. C'est ce qu'on observe chez les enfants distraits, opposants, butés ou chapardeurs ; ces difficultés qui peuvent conduire à un désintérêt pour l'école, constituent également des obstacles au développement des capacités mentales de ces enfants et donc à un faible niveau de rendement scolaire. Au cours de l'adolescence, les changements physiologiques, psychologiques, et de comportements contribuent à accentuer les difficultés des enfants.

De nombreux enfants sont également soumis à un surcroit de travail tant à l'école qu'à la maison, notamment dans les familles démunies où les enfants participent très tôt et de façon active aux différentes activités domestiques et ou économiques de leur famille. Ainsi, la charge de travail qu'ils subissent ne leur permet pas toujours d'avoir le temps nécessaire

1487 LAARABI (S.), Les stratégies publicitaires : le marché de l'enfant, Mémoire de recherche, Ecole supérieure de technologie, 2007, p.11.

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pour apprendre et assimiler les différentes disciplines enseignées à l'école et peut expliquer les faibles rendements constatés chez de nombreux élèves issus de familles pauvres1488.

Quant aux carences alimentaires, pour de nombreux élèves, le nombre de repas consommés est insuffisant en quantité à cette période de croissance et de changement physiologique. En effet, les données recueillies sur le terrain révèlent que certains élèves ont un repas par jour, tandis que d'autres ont deux repas ou trois repas par jour suivant leur origine familiale1489. La qualité nutritive des mets est aussi un problème en milieu scolaire où se pose déjà le nombre insuffisant de cantines scolaires sur le territoire national1490.

2. Les autres causes imputables à la famille

La faible perception des missions de l'école, la non déclaration des naissances à l'état civil1491, le nombre élevé d'enfants à charge1492, l'utilisation des enfants comme force de travail, une mauvaise appréhension des rôles éducatifs et de la démission des parents, la pénibilité des tâches de la mère, l'absence de communication entre parents et enfants sont autant de causes imputables à la famille et qui minent également l'effectivité du droit de l'enfant au développement.

Aujourd'hui, le nombre de jeunes diplômés sans emploi tend à renforcer les préjugés selon lesquels l'école ne garantit pas nécessairement une réussite professionnelle ou sociale. D'où une faible perception des missions de l'école. Par ailleurs, le nombre important d'analphabètes dans les hauts niveaux de la vie économique et politique exerce une influence sur certains parents qui préfèrent intégrer très tôt leurs enfants à leurs activités agricoles ou commerciales ou encore à l'apprentissage d'un métier, au détriment d'une scolarisation

1488 Lire également, SCHLEMMER (B.), « Le BIT, la mesure du travail des enfants et la question de la scolarisation », Cahiers de la recherche sur l'éducation et les savoirs, Hors-Série n°1, « Pouvoirs et mesure en éducation » (A. VINOKUR, coord.), 2005, pp.229-248.

1489 Entretien réalisé avec des élèves des villes de Yamoussoukro, Abidjan, Bouaké, Taabo, Daloa

1490 DIRECTION NATIONALE DES CANTIQUES SCOLAIRES MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE, Programme d'alimentation scolaire et du programme intégré de pérennisation des cantines scolaires, 2017, 23p.

1491 CANTRELLE (P.), L'état civil en Afrique sub-saharienne : historique d'un malentendu et espoirs pour l'avenir, Communication préparée pour la Conférence Africaine sur la Population, Johannesburg, Afrique du Sud, session 61 : L'Etat civil en Afrique : quelques enjeux, 2015, 34p. ; UNICEF, L'enregistrement à la naissance : un droit pour commencer. Digest Innocenti, n°9 Mars 2002, 31p. ;

1492 En effet, il est évident que les ménages pauvres composés de plusieurs enfants, se voient dans l'obligation de faire un choix quant aux enfants à scolariser.

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jugée longue, coûteuse et inadaptée au marché de l'emploi. Cette tendance semble être prononcée chez les parents analphabètes ou d'un niveau d'instruction faible.

Le nombre élevé d'enfants à charge est aussi une cause imputable à la famille : Dans de nombreuses familles, le nombre d'enfants est non seulement élevé mais en plus, l'intervalle qui sépare deux naissances reste court, notamment en milieu rural. Chaque année, plusieurs parents se trouvent confrontés à une forte demande en matière de scolarisation et les parents n'arrivent pas à assurer convenablement la prise en charge des enfants. Cette situation est due à la non pratique du planning familial1493. Pour chaque enfant, les familles devront alors faire face aux nombreuses dépenses scolaires (frais d'inscription, tenues scolaires, manuels, cahiers, et autres frais liés à la scolarisation). Ainsi, les stratégies en matière de scolarisation sont orientées par les capacités à scolariser un certain nombre d'enfants ou à privilégier les garçons au détriment des filles. Ainsi, les autres enfants devront attendre d'éventuelles opportunités pour accéder à l'école à un âge avancé, ou être orientés vers un système d'apprentissage plus ou moins formel, moins long et engageant moins de frais.

Comme il a déjà été dit, l'utilisation des enfants comme force de travail compromet aussi le développement de l'enfant. En milieu rural et dans certaines petites entreprises ou industries du secteur informel1494, certains élèves sont des forces de travail quotidiennes et sollicitées pour les activités économiques. Ils constituent une main d'oeuvre pratique et corvéable et bon marché pour les travaux agricoles et les activités ouvrières qui, répandues sur presque toute l'année scolaire, constituent la principale source de revenu de nombreux ménages ruraux et urbains défavorisés. Ainsi, il est fréquent de constater qu'en pleine année scolaire, de nombreuses familles, principalement agricoles, retirent leurs enfants de l'école pour les faire participer aux travaux champêtres, notamment dans les régions du Nord, du Nord-Est et du Nord-Ouest1495.

Une mauvaise appréhension des rôles éducatifs et la démission des parents mettent aussi sérieusement à mal l'éducation des enfants.

1493 ZAKARI (C.), « Les facteurs de la contraception au Burkina Faso », In. La planification familiale en Afrique, n°5, 2005, p. 51.

1494 BONNET (M.), « Le travail des enfants en Afrique », Revue internationale du travail, vol. 132, n/ 3,1993, pp. 411-430. ; JACQUEMIN (M.), « Travail domestique et travail des enfants : le cas d'Abidjan (Côte-d'Ivoire) ». In: Tiers-Monde, tome 43, n°170, 2002, pp. 307-326. ; GUEU (D.), « Le travail des enfants dans les marchés de nuit d'Abidjan », European scientific journal, 2012, 177-186.

1495 Entretien avec des instituteurs à Bondoukou, Korhogo, Bouna et Odienné.

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Pour beaucoup d'enfants, comme cela est fréquent chez les filles-mères, les femmes vivant dans les familles monoparentales1496, en milieu rural et même dans certaines familles urbaines biparentales, le père est très souvent démissionnaire de son rôle éducatif. Car l'on a toujours considéré que l'éducation des enfants est une fonction essentiellement dévolue à la femme. Ainsi, même quand ils sont présents, certains pères ne participent qu'à l'éducation de leurs enfants que sur le plan économique. Et, les marques d'attention les plus observées se traduisent souvent en termes de représailles. Dans ce contexte, la mère presque toujours occupée et sans moyens, ne peut à elle-seule, assurer une éducation totale du petit enfant, qui pourtant a besoin d'une présence paternelle, garante d'une sécurité affective et émotionnelle. D'autres encore et dans la majorité des cas, sont convaincues que l'éducation de l'enfant se résume à son alimentation et aux soins qui lui sont apportés, négligeant ainsi le champ des relations sociales à travers lesquelles l'enfant, dans la famille et à l'école où avec d'autres enfants de son âge s'initie, par le jeu, aux premiers apprentissages de la vie sociale. Malheureusement, de nombreuses mères sont ignorantes en matière de suivi sanitaire et nutritionnel de leurs enfants. En matière d'éducation, la plupart des parents s'impliquent très peu ou pas du tout dans le suivi scolaire1497 de leurs enfants qu'ils considèrent comme relevant exclusivement des enseignants et du système éducatif coupé de la famille ; pourtant, il revient à la famille de favoriser l'assimilation de l'enseignement reçu à l'école. Ainsi, au retour de l'école, certains élèves n'ont pas la chance d'être encadrés à la maison afin de se faire expliquer les enseignements qu'ils n'auraient pas compris ; De la sorte, les lacunes s'accumulent et les résultats scolaires sont peu satisfaisants.

Le contexte socioculturel traditionnel influence dans une large mesure les comportements des parents et ce, par le biais de l'absence de communication entre parents et enfants. En

1496 ALGAVA (E.), Les familles monoparentales : des caractéristiques liées à leur histoire matrimoniale, DRESS, Etudes et Résultats, n° 218, février 2003 ; SECHET(R.), DAVID (O.), QUINTIN(P.), « Les familles monoparentales et la pauvreté », In. La Documentation française, Les Travaux de l'Observatoire national de la pauvretéì et de l'exclusion 2001-2002, 2002, pp. 247-290.

1497 Cela est surtout vrai pour les parents analphabètes et dans une moindre mesure pour nombre de parents instruits qui faute de temps, n'arrivent pas à encadrer leurs enfants à la maison. Mieux la plupart d'entre eux attend le résultat final en fin d'année scolaire pour savoir si oui ou non l'enfant est admis en classe supérieure ; BERGONNIER-DUPUY (G.) & ESPARBES-PISTRE (S.), « Accompagnement familial de la scolarité : le point de vue du père et de la mère d'adolescents (en collège et lycée) ». In.. Les sciences de l'éducation-Pour l'Ere Nouvelle, vol.40, n°4, 2007, pp.21-45. ; DESLANDES (R.) & CLOUTIER (R.), « Pratiques parentales et réussite scolaire en fonction de la structure familiale et du genre des adolescents ». Revue française de pédagogie, vol. 151, n°1,2005, pp.61-74.

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effet, en Côte d'Ivoire comme dans d'autres pays d'Afrique, les enfants sont soumis à une autorité parentale qui n'accorde que peu d'importance au dialogue entre parents et enfants. Les problèmes liés à la sexualité, restent en bien de lieux, notamment dans les campagnes, encore considérés comme un tabou.

3. Les causes imputables aux enfants

Entre six (6) et douze (12) ans, la plupart des enfants ne perçoit pas encore l'utilité de l'école qui apparaît pour eux comme un endroit de rencontres avec d'autres élèves avec lesquels ils entretiennent des relations de jeux. L'école n'est pas encore perçue comme un lieu d'apprentissage devant permettre une préparation à la vie d'adolescents et d'adultes. Cette perception de l'école peut constituer chez certains élèves, une raison suffisante pour la recherche du moindre effort. Ainsi, certains élèves en milieu rural préfèrent se consacrer à des activités moins contraignantes et plus oisives telles que les parties de chasse, de pêche, de baignade. Ce qui peut expliquer le niveau du taux de redoublement1498 et d'abandon ou de déperdition scolaire1499.

L'ampleur des problèmes auxquels sont confrontés les jeunes met également en lumière le faible niveau de connaissance et de prise de conscience de la gravité des fléaux actuels.

De nombreux jeunes ignorent encore ou négligent les dangers auxquels ils s'exposent en adoptant des comportements à risques, ainsi que leur rôle au sein de la famille et de la société. Certains jeunes ont une mauvaise perception de la réalité socio-culturelle et économique du pays. Alors, l'oisiveté à laquelle ils sont soumis les conduit peu à peu à s'adonner aux vices liés à la consommation de tabac1500, d'alcool et à la sexualité à risque. Les problèmes qui

1498 Ministère de l'éducation nationale-Direction de l'Informatique, de la Planification, de l'Evaluation et des Statistiques (DIPES), L'état de l'école en Côte d'Ivoire. Rapport d'analyse, 2008-2009, pp.57-60. Disponible sur www.men-dpes.org ; CONFEMEN, BERNARD (J.-M.), SIMON (O.) VIANOU (K.), Le redoublement : mirage de l'école africaine ? Programme d'analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN, 2005, 100p. ; EISEMON (T.O), Réduire les redoublements : problèmes et stratégies, Unesco, Paris, 1997, 59p.

1499 NCHO LAUGBA (A.D.), Déperdition scolaire, emploi et niveau de vie à Abidjan : cas des jeunes femmes des communes de Cocody et Yopougon, pp.3-4, disponible sur www.erudite.univ-paris-est.fr/evenements/colloques (Consulté le 20/12/2016) ; SAWADOGO (B. J.) et SOURA (A.B.), L'abandon précoce en milieu scolaire : Analyse et recherche de modèle explicatif, ROCARE, Décembre 2002, pp.28-44. 1500 Selon l'OMS, le tabagisme tue près de six millions de personnes chaque année, dont plus de 600000 fumeurs passifs (Source : WHO Global Health Risks : Mortality and burden of disease attibutable toselected major risks. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2009).

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minent les enfants et les adolescents persistent et s'amplifient, très souvent avec la complicité de certains responsables politiques, administratifs et municipaux ainsi que celle de certains parents, qui n'hésitent pas à installer leur commerce de boissons dans les quartiers et aux abords des écoles1501.

Une autre catégorie de résistances affectant le développement ou l'éducation de l'enfant relève de facteurs de nature sous-jacente.

B. LES CAUSES EXTRA FAMILIALES

Seront abordées successivement les causes directes imputables à la communauté (1),les causes tenant à l'insuffisance des services sociaux de base (2), les causes tenant à l'inadéquation des services sociaux de base (3) et les contraintes socio-économiques et culturelles affectant le développement optimal de l'enfant (4) .

1. Les causes directes imputables à la communauté

Les résistances imputables à la communauté sont de plusieurs ordres : la précarité du cadre et du niveau de vie, le problème de l'accessibilité géographique, la libre circulation et l'accès facile aux excitants, l'influence négative des médias, la faiblesse de la sensibilisation, un faible accès aux loisirs en milieu scolaire et familial. On en examinera quelques-unes à titre d'illustration.

S'agissant de la précarité du cadre et du niveau de vie1502, en Côte d'Ivoire, de nombreux enfants issus de familles démunies naissent et grandissent dans des conditions d'existence difficiles. Le nombre de quartiers précaires et leur augmentation met clairement en lumière la problématique de l'encadrement de la petite enfance. En effet, le poids des bidonvilles, dans la population pauvre de la ville d'Abidjan et dans nombre de provinces du pays,

1501 Une simple visite à Abidjan, notamment à Yopougon , Abobo, Marcory et bien de villes de l'intérieur de pays amène à observer que bien d'établissements scolaires ont pour voisinage immédiats, de nombreux bars ou maquis tenus par des parents d'élèves, des hommes publics et qui fonctionnent aussi bien durant les heures de cours. Nombre d'élèves censés être en classe s'y trouvent malheureusement aux heures de cours. Le silence des autorités étatiques, notamment municipales achèvent de surprendre, au vu de tous éléments et notamment de l'âge des enfants fréquentant ces lieux.

1502 MENGOH (B.), Cadre de vie, pauvreté et santé en milieu rural au Congo. L'exemple de la région de la Sangha occidentale, In. Rev. CAMES-Série B, vol. 02, 2000, pp.47-58.

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notamment, San Pedro1503 a grossi ; ce qui traduit un durcissement ou une détérioration des conditions de logement déjà précaires d'une partie de la population. Au-delà de ce type de logements n'offrant pas des garanties de confort et de sécurité, la précarité découlant de la forte densité par rapport au nombre de pièces, induit un mode de vie promiscuitaire défavorable à un encadrement sain de la petite enfance, notamment dans les ménages pauvres. En outre, il y a le cas des enfants qui naissent en prison ou en milieu rural où il n'existe aucune structure d'encadrement de la petite enfance. De même, en matière de scolarisation, l'on note une nette différence entre pauvres et non pauvres ; en effet, les taux bruts de scolarisation (primaire et secondaire) augmentent avec le niveau de revenu ; l'on constate une certaine précocité dans l'inscription des enfants issus de ménages non pauvres et un retard quand il s'agit de ceux de familles pauvres. En effet, le coût total moyen d'éducation constitue une préoccupation majeure pour bon nombre de parents et va même jusqu'à constituer un obstacle à la scolarisation des enfants, notamment les filles. Pour les familles démunies, les dépenses totales d'éducation représentent parfois la moitié ou le tiers des dépenses estimées. Et leurs enfants n'ont pas la totalité des fournitures nécessaires à une scolarisation favorable malgré les efforts des pouvoirs publics ces dernières années à travers la distribution des kits scolaires1504.

Aussi, l'épineux problème de l'accessibilité géographique, explique aussi la crise du droit à l'éducation de l'enfant. Chaque jour de nombreux élèves sont obligés de parcourir plusieurs kilomètres pour avoir accès à l'école. Si à Abidjan, la plupart des élèves bénéficient de la quasi-gratuité du transport1505 pour se rendre dans leurs écoles respectives, dans les autres villes et en milieu rural, les élèves rejoignent leurs écoles à pied ou par d'autres moyens de transport suivant la situation financière des familles. Dans certains villages, ils sont obligés de traverser des cours d'eau ou des zones de forêt, parce que ne disposant pas

1503 Située dans le sud-ouest de la Côte d'Ivoire, La ville de SAN PEDRO est le deuxième pôle économique du pays, en raison notamment du fait qu'elle abrite le deuxième port du pays. Ce port est considéré comme le

premier port mondial en matière d'exportation de fèves de
cacao.www.news.abidjan.net/h/527512.html(Consulté le 15 Novembre 2016).

1504 http://news.abidjan.net/h/599278.html (consulté le 25/01/2017).

1505 En effet, à Abidjan, les élèves et étudiants bénéficient d'une subvention de l'Etat leur permettant d'avoir droit à une carte de transport en bus moyennant respectivement la somme de 3000 FCFA (soit 4, 573 euros) ou 5000 FCFA ( soit 7,622 euros) selon qu'ils sont inscrits en cours du jour ou cours du soir par mois ; en revanche, il n'existe pas un tel système dans les autres villes du pays ; les seuls existant relèvent des entreprises de transport privé avec des coûts parfois élevés pour certains parents. Sur les couts des cartes scolaires à Abidjan, voir www.sotra.ci/www/s3/index.php/2014-10-24-15-43-20 (consulté le 17/06/2017).

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d'école à proximité. Et durant toute l'année scolaire, ces milliers d'enfants sont obligés de braver les dangers de la circulation et les autres intempéries pour pouvoir bénéficier des bienfaits de l'école. Ce problème d'accessibilité géographique et ses corollaires conduisent certains parents à ne pas scolariser leurs enfants ou même, à pousser certains élèves à abandonner l'école qui n'est pas toujours perçue dans ces fondements socio-éducatifs.

S'agissant de la libre circulation et l'accès facile aux excitants, il est à remarquer qu'en Côte d'Ivoire, la commercialisation du tabac et de l'alcool est libre et très étendue, eu égard à la floraison de kiosques à tabac et de maquis-bars dans toutes les localités du territoire national, même aux abords des collèges et lycées. Et l'achat de ces différents produits par les enfants ne constitue aucune préoccupation, ni pour certains adultes encore moins pour les commerçants eux-mêmes. Aussi, les actions de promotion de certaines grandes firmes de cigarettes et de tabac, sans restriction d'âge ni présentation des dangers auxquels expose l'abus de ces drogues, contribuent à renforcer leur forte circulation et à favoriser un accès facile et une forte consommation par les enfants.

L'influence négative des médias1506 explique aussi les problèmes liés au développement des enfants. Certains programmes proposés par les médias audiovisuels ivoiriens sont inadaptés aux normes et valeurs prônées par le système éducatif en général. En effet, de plus en plus, les films présentés sur les antennes nationales font l'apologie de la violence, du sexe, de la drogue, du banditisme, etc. Et les larges diffusions dont ils font l'objet finissent par apparaître chez de nombreux adolescents comme une norme, l'expression d'une certaine liberté caractérisant les pays développés qui continuent de constituer notre seul modèle de référence. L'existence du phénomène « enfants microbes »1507 en est une illustration. Le mode opératoire des « enfants microbes » en Côte d'Ivoire est similaire à celui des Kaluna ( enfants de la rue agissant principalement à Kinshassa formant des gangs de jeunes délinquants au Congo. Toutefois, l'inspiration du mode opératoire provient d'un film brésilien à succès mettant en scène un gang d'enfants dans les favelas. Le film en question

1506 LUTANGU SELETI (S-M.), Médias audiovisuels et dépravation des moeurs. Constat fait aux enfants, adolescents et adultes de KINSHASSA ; MLA, « Les enfants et les médias »In. Paediatrics & Child Health. 4.5, 1999, pp.357-362. ; COMMISSION FAMILLE, EDUCATION AUX MEDIAS, Rapport à l'attention de Madame Nadine MORANO. Secrétaire d'Etat chargé de la Famille et de la Solidarité, Juin 2009, p.8 disponible sur www.ladocumentationfrançaise.fr/var/storage/rapports-publics/064000516.pdf (consulté le 14 janvier 2016).

1507 www.rfi.fr/emission/20150515-enquete-microbes-abidjan (consulté le 17/06/2017).

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est appelé la Cité de Dieu, film brésilien, coréalisé par Fernando Meirelles et Katia Lund sorti en 2002. Il est adapté du roman du même nom écrit par l'auteur brésilien Paulo LINS en 1997 retraçant l'histoire de ZEPEKIGNO qui commença une carrière d'enfant de la rue avant de devenir un redoutable chef de gangs et narcotrafiquant. Cela signifie que la commission de censure des programmes télévisés1508 reste elle-même limitée dans ses actions par une faible appréciation de leur rôle dans l'information, l'éducation et le divertissement des populations, notamment des enfants.

Au regard de l'importance des problèmes que rencontrent les enfants, il est certain que les actions de sensibilisation sont inexistantes ou insuffisantes ou alors inadéquates tant au niveau familial, scolaire que des institutions d'information, d'éducation et de communication. En effet, hormis les campagnes médiatisées et les actions de certaines associations et Ongs sur les MST-SIDA, qui sont de plus en plus adressées aux adolescents, aucune politique nationale ne se traduit concrètement par des actions familiales, scolaires ou communautaires devant informer les adolescents sur les différents problèmes de la vie, en général et sur les questions socio-économiques émergentes afin de les préparer à une vie adolescente et adulte responsable. Par exemple, le dépistage précoce de l'infection par le VIH SIDA se trouve encore confronté à quelques réticences chez les adolescents qui peuvent s'expliquer par un manque d'informations et de sensibilisation. En effet, la persistance de certains préjugés (mauvaise connaissance de la maladie et de son mode de transmission) et l'environnement social peu favorable à l'acceptation de la maladie du SIDA (exclusion sociale des personnes infectées ou maladies du sida), constituent autant de facteurs limitant l'efficacité de la promotion d'un dépistage précoce1509.

A cela, s'ajoute le faible accès aux loisirs en milieu scolaire et familial. On le sait : Le jeu, le sport et les loisirs ont pour avantage, à travers les nombreuses occasions d'initiative, d'interaction et de créativité, de développer chez l'élève le goût de l'effort, l'amour de la lecture et du calcul, la maitrise du langage et la stimulation de la mémoire, qui à long terme

1508 Pour plus d'infos sur cet organe, Voir Ordonnance n°2011-75 du 30 avril portant érection du Conseil National de la Communication Audiovisuelle (CNCA) en Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) et Décret n°2011-475 du 21 décembre 2011.

1509 UNICEF, Vers une génération sans sida. Enfants et Sida. Sixième bilan de la situation, 2013, pp.2-3 disponible sur www.unicef.fr/sites/default/files/userfiles/2013_rapport_vih_numero_6.pdf (consulté le 03/05/2015); ETCHEPARE (M.), « La lutte contre le sida en Afrique : perspectives et responsabilités ». Med. Trop., 2004, pp.579-586.

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favorise le processus d'intégration sociale non seulement dans l'école, mais aussi dans la famille et dans la société toute entière. Cependant, hormis les terrains de football existant dans la plupart des écoles, il y a un manque véritable d'équipements socio-éducatifs et sportifs tels que les bibliothèques1510, les salles de musique ou des espaces aménagés pour des activités autres que le football. De la sorte, le champ de distraction et d'apprentissage des élèves demeure restreint et exclut la possibilité pour certains d'entre eux, d'avoir accès aux loisirs et aux divertissements en milieu scolaire. En outre, de nombreux parents peu soucieux de l'importance du divertissement à l'âge scolaire et/ou plus préoccupés par les résultats scolaires, n'hésitent pas à sacrifier le temps de repos et de divertissement de leurs enfants au profit d'un surcroît d'heures d'études ou de travaux manuels productifs. En Côte d'Ivoire, et singulièrement à Abidjan, il n'est pas rare de constater que les habitats collectifs confiés aux sociétés immobilières sont réalisés sur des terrains où les risques de glissement et d'effondrement ne sont pas à négliger1511. Les appartements construits sont exigus et les plans d'urbanisme ne prévoient pas toujours des espaces verts ou des salles de jeux nécessaires à l'accès des jeunes aux loisirs, aux activités récréatives et culturelles fondamentales à leur plein épanouissement physique et psychologique1512.

En définitive, plusieurs élèves restent encore soumis à des stratégies institutionnelles et familiales qui exercent une pression sur l'instruction à outrance au détriment du divertissement, pourtant nécessaire au développement de leurs facultés mentales. Ce qui explique souvent, la faiblesse des résultats scolaires chez certains enfants.

1510 En effet, il est aujourd'hui rare de voir dans les lycées et collèges, des bibliothèques ; mieux quand elles existent, elles sont peu équipées sinon disposent d'ouvrages d'une ancienneté choquante. ; Face à ce problème, le Gouvernement ivoirien a décidé en 2015 de construire une bibliothèque appelée « La Bibliothèque de la Renaissance africaine d'Abidjan (BRAA)». Elle sera bâtie sur une superficie d'un hectare et logée dans les locaux de la Direction des examens et concours (DECO). Se voulant à la fois numérique et physique, cette bibliothèque figurera parmi les dix plus grandes bibliothèques d'Afrique et sera la première d'Afrique noire."

http://news.abidjan.net/h/577058.html(consulté le 12 Janvier 2016) ;
http://www.ppp.gouv.ci/uploads//Projet39.pdf (consulté le 12 Janvier 2016).

1511 Récemment, l'effondrement de la dalle d'un immeuble en Construction sur le boulevard Valéry-Giscard d'Estaing à Treichville a fait dix-huit victimes à Abidjan ; déjà en date du mardi 07 janvier 2014, un immeuble s'était effondré dans la commune de Yopougon au quartier Maroc faisant au moins 6 morts.

1512 MINISTERE DE LA CONSTRUCTION ET DE L'URBANISME : Législation et Réglementation et matière de Foncier et d'Urbanisme. Fiches Instrumentales Annexées à la Directive n° 94-01 du 21 novembre 1994, 56p. ; ALPHONSE (Y.D.), « Baraques et Pouvoirs dans l'agglomération Abidjanaise », In Ville et Entreprise, L'Harmattan, 2000, pp.25-63., pp.337/456.

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2. Les causes tenant à l'insuffisance des services sociaux de base

L'insuffisance et l'inégale répartition des structures et du personnel, le manque de moyens matériels et logistiques dans les structures sociales, la démotivation du personnel enseignant et le faible rendement interne et externe du système éducatif constituent à n'en point douter autant de résistances d'ordre structurel qui mettent à mal le développement de l'enfant.

Sur l'ensemble du territoire national, on observe, une insuffisance et inégale répartition des structures et du personnel ; on dénombre peu de structures d'encadrement de la petite enfance dont 40 centres de Protection de la petite enfance (CPPE) et 57 centres sociaux. Et pour l'enseignement préscolaire, on compte aujourd'hui, 226 écoles et 1456 classes pédagogiques pour l'ensemble de la Côte d'Ivoire. Au niveau de l'enseignement primaire, le ratio moyen de la capacité d'accueil des élèves se situe à 43 élèves pour une classe. Cependant, dans certaines régions et dans les grandes villes comme Abidjan, Bouaké, Yamoussoukro, Daloa etc., il arrive fréquemment que les classes soient surpeuplées et on peut enregistrer des ratios allant de 50 à 70 élèves par classe. Ainsi, lors d'une récente cérémonie de remise de table bancs au Lycée Moderne de Ferkessédougou en date du samedi 29 octobre 2016 dont le donateur était le Président de l'Assemblée Nationale, M. Guillaume SORO1513, le Proviseur, M. GNONOGO Désiré Alala, a indiqué que l'effectif par classe de sixième s'élevait à 125 élèves contre un effectif de 105 par classe de troisième1514. Toujours, selon le proviseur, cette situation pose de réels besoins en ressources humaines, soit 43 professeurs, des éducateurs, des inspecteurs d'éducation et d'orientation, mais aussi des besoins en infrastructures (tables-bancs, bureaux d'enseignants), des problèmes récurrents d'électricité, de manque de salles de classe...1515

Au rythme de la croissance démographique de la population scolarisable, on estime, selon le Ministère de l'Education Nationale à 1000, le nombre de nouvelles classes qu'il faut construire chaque année pour assurer l'encadrement des enfants qui ont accès à l'école.

1513 Monsieur Guillaume SORO est l'actuel Président de l'Assemblée nationale ivoirienne ; il fut également chef de la rébellion armée qu'a connu la Côte d'Ivoire ; Il fut également ministre ivoirien de la communication (Août 2004 à Aout 2005), ministre d'Etat, de la Reconstruction et de la réinsertion (28 décembre 2005-4 avril 2007) et Premier Ministre à deux reprises, à savoir du 4 avril 2007 au 6 décembre 2010, puis du 11 avril 2011 au 8 mars 2012.

1514 www.news.abidjan.net/h/603376.html (consulté le 02/11/2016)

1515 Ibid.

Malheureusement, l'évolution du nombre des écoles reste très faible et chaque année, plusieurs enfants se voient refuser l'accès à l'école. Selon des informations recueillies sur le terrain, de nombreux enfants ont été refusés au CP1 par manque de place dans les écoles primaires. Par ailleurs, le taux de redoublement au CM2 s'explique par l'impossibilité pour de nombreux élèves d'avoir accès à la classe de 6ème. Ainsi comparée à la population infanto-juvénile, ces structures offrent de très faibles capacités d'accueil pour une réelle prise en charge des groupes cibles. En outre, les structures existantes sont inégalement réparties sur l'ensemble du territoire et procèdent d'un phénomène urbain. En effet, la quasi-totalité des structures est localisée dans la région Sud. De même, les ressources humaines sont également insuffisantes et inégalement réparties. Dans les zones rurales et la région Nord du pays, le déficit a été accentué par le programme de départ volontaire des enseignants de la fonction publique et de la mise à la retraite automatique des fonctionnaires après trente années de service accompli1516. Selon la thèse du Dr Kangah, cinq enseignants du primaire décèdent par semaine et leur indisponibilité avant décès a duré 6,2 mois1517. L'auteur montre que l'absentéisme des enseignants a une incidence sur des élèves dont les résultats scolaires se sont avérés mauvais. Tous ces facteurs ont provoqué un déficit d'enseignants dont les conséquences se traduisent par la faiblesse de l'encadrement des élèves et les mauvais rendements scolaires qui en résultent. En outre, la trop grande mobilité du personnel enseignant contribue à aggraver le déficit dans certains établissements scolaires. En effet, pour beaucoup de fonctionnaires et agents de l'Etat, certaines régions, notamment les régions frontalières du Nord et les localités rurales, apparaissent comme des terres d'exil. Du coup, l'on assiste très souvent au niveau du personnel enseignant à une vacance de poste illustrée généralement par des mutations hors commissions ou par des certificats médicaux justifiant de nombreuses absences en pleine année scolaire. L'incapacité des pouvoirs publics face aux conséquences d'une telle morbidité ou vacance du personnel est alors préjudiciable à une forte scolarisation et à l'efficacité du système éducatif, particulièrement dans les régions et les localités ci-dessus énumérées.

1516 Voir DIABAGATE (I.), Problématique de la retraite en Côte d'Ivoire : analyse comparative des systèmes de la CGRAE et la CNPS, DEA Sociologie du travail et des entreprises, Université d'Abidjan, 2008, 143p. 1517 KANGAH (A.), Le VIH/SIDA et le corps des enseignants, quel impact sur le système éducatif ivoirien, Thèse de doctorat de Médecine. UFR des Sciences médicales, Université de Cocody, 1999, p.57.

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La précarité des conditions de travail des personnels sociaux se traduit également, outre l'absence et l'insuffisance des structures, par un déficit notoire de moyens matériels et logistiques. En effet, de nombreux centres sont sous-équipés en matériel de bureau, en matériel d'éveil socio-éducatif encore moins en logistique. Cela a pour conséquence de limiter l'efficacité des actions menées dans les centres existant dans les grandes villes mais surtout de rendre limitative, voire, impossible une réelle couverture des autres villes et des zones rurales où les besoins sont souvent plus accentués.

La crise politique et économique qui frappe le pays avec ses corollaires comme le chômage, a contraint de nombreux jeunes à se tourner vers le métier d'enseignant. Pour beaucoup d'entre eux, ce choix s'est fait sans une connaissance approfondie des problèmes relatifs à cette profession et sans une réelle motivation ou encore une vocation pour ce travail. De fait, il existe une véritable démotivation du personnel enseignant1518. Ainsi, confrontés à des salaires jugés insuffisants, certains enseignants se désistaient dans l'accomplissement de leur fonction éducative1519. En outre, le surpeuplement des classes, le sous-équipement en matériel pédagogique et didactique, etc., concourent à démotiver bon nombre d'enseignants dont les absences répétées, le laxisme et l'indifférence vis-à-vis de la pratique pédagogique ont une mauvaise influence sur la qualité des enseignements donnés aux élèves.

S'agissant du faible rendement interne et externe du système éducatif, notons que le système éducatif ivoirien est en proie à certaines contradictions. D'abord, les infrastructures ne permettent pas d'accueillir tous les enfants ayant réussi à leur concours d'entrée en sixième ou au BEPC ; les taux d'admission et de scolarisation des enfants au premier cycle et au second cycle de l'enseignement secondaire se situent encore à un niveau très bas. Certes

1518 KOFFI (A.P.), Inégalités éducatives en Côte d'Ivoire : l'impact des pratiques éducatives sur la performance des établissements publics d'enseignement secondaire ivoiriens, 2011, pp.7-8., disponible sur http://services.univ-rennes2.fr/reso/outils/INEDUC/Koffi-AffouePhilomene_ineduc2015.pdf (consulté le 15/06/2017).

1519 Des salaires dits « à double vitesse ». Ces salaires ont été à la base de nombreuses grèves des enseignants, tant du secondaire que du supérieur au début.

BAMBA (N.), CONTAMIN (B.), DIOMANDE (K.) et KOULIBALY (M.), Crise économique et Programmes d'ajustement structurel en Côte d'Ivoire. Dans Crises et Ajustements en Côte d'Ivoire. Les dimensions sociales et culturelles, 1992, pp. 10-23. ; TOH (A.) et GAUTHIER (C.), « Impacts des programmes d'ajustement structurel sur le système éducatif ivoirien : Retour pour une analyse sociologique des conditions de vie et de travail des instituteurs de l'enseignement primaire public en Côte d'Ivoire ». In. Journal africain de communication scientifique et technologique, 2011, pp.1657-1680. ; TOH (A.), Précarisation de la profession enseignante au primaire en Côte d'Ivoire. Formation et profession, 2017,25(2).

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les résultats atteints sont encourageants. Le taux brut de scolarisation sur la période est passé de 74 % en 2000/2001 à 94,7% en 2013/2014 (MENET/DSPES). Le taux brut d'admission au CP1 s'est également amélioré, atteignant le seuil moyen de 97,8%, soit 100,2% pour les garçons et 95,2% pour les filles en 2013/20141520. Toutefois, des disparités d'accès à l'éducation persistent entre sexes et entre régions : la parité filles/garçons n'est pas encore totale, les enfants à besoins spécifiques tels que les enfants handicapés (1,8% scolarisés en 2012) ne sont pas encore pris en compte1521. En outre, le taux brut de scolarisation dans le secondaire reste encore très faible. Ce qui signifie qu'un nombre non négligeable d'adolescents ont été privés de leur droit à l'éducation, notamment les jeunes filles qui accèdent plus difficilement que les garçons aux niveaux supérieurs d'instruction. Par conséquent, ces nombreux adolescents quand ils n'ont pas la chance d'être inscrits par leurs parents dans un circuit informel d'insertion sociale se retrouvent à la maison ou dans les rues. Le collège de proximité se présente comme une réponse à bon nombre de problèmes qui pèsent sur le développement de cycle d'enseignement. En effet, le collège de proximité contribue de façon décisive à l'élargissement de ce cycle d'enseignement aux groupes défavorisés qui sont notamment les populations rurales, les filles ; ce type d'établissement participe aussi à l'atténuation des difficultés existentielles qui influent négativement sur la rétention et les résultats scolaires des élèves amenés à poursuivre leurs études loin de leurs familles. En outre, les programmes de formation à l'école n'accordent que peu de place aux questions relatives aux problèmes majeurs et actuels de la jeunesse en général et de l'enfance en particulier. En plus, les enseignements liés à l'éducation civique et morale sont essentiellement limités à l'instruction des élèves plutôt que de se traduire en véritables séances d'IEC susceptibles de susciter en eux, un changement de comportements. Ensuite, durant des années, il n'existait aucune structure éducative formelle d'insertion professionnelle pour ces nombreux enfants qui n'allaient plus ou n'étaient jamais allés à l'école afin de garantir leur insertion dans le tissu social. On peut se réjouir du fait que la situation ait évolué avec la création de l'AGEFOP et de la récente agence emploi jeune1522.

1520 MEN, Examen national 2015 éducation pour tous, p13. 1521 Ibid.

1522 Pour plus d'informations sur cette structure, voir : www.emploijeunes.com(consulté le 17/06/2017).

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Cette situation sus-évoquée a pour corollaire l'inadéquation des services sociaux de base donnée comme un autre facteur explicatif de cette ineffectivité du droit au développement de l'enfant.

3. Les causes tenant à l'inadéquation des services sociaux de base

La faiblesse des politiques de développement intégré et de promotion de la jeunesse, les coûts d'écolage élevé au préscolaire constituent la traduction de l'inadéquation des services sociaux de base.

L'un des facteurs explicatifs des comportements déviants des enfants réside dans la faiblesse de la politique de promotion de la jeunesse. En effet, la politique éducative extra-scolaire1523 globale et intégrée en faveur des enfants non scolarisés, déscolarisés ou scolarisés vise à assurer à ceux-ci, un développement harmonieux à travers la formation, l'orientation, l'insertion sociale, les loisirs, les sports, la culture, et la prévention sociale. Cependant, les activités menées par le canal des départements ministériels, les collectivités locales et les ONGs sont souvent limitées en milieu scolaire ou en zone urbaine et dans le temps par des actions ponctuelles. En outre, s'il est évident que l'un des facteurs qui favorisent la dépravation chez les jeunes et les adolescents, est l'inactivité, l'oisiveté, c'est parce que les politiques de promotion de la jeunesse sont inadaptées aux réalités des groupes-cibles ou encore parce que les actions entreprises sont peu connues ou alors les résultats restent peu perceptibles. En effet, les différents programmes d'aide à la jeunesse ne tiennent toujours pas compte des disparités régionales, des différents milieux et niveaux de vie des jeunes et des adolescents, de leurs capacités de mobilisation et de participation, etc. De la sorte, les moins instruits et les plus pauvres restent toujours en dehors des circuits d'accès aux projets qui leur sont destinés. Par exemple, les bourses d'études et les fonds sociaux octroyés ne vont pas nécessairement à ceux qui en ont le plus besoin. En milieu rural, aucune politique ne permet de maintenir les enfants sur place ou de les intégrer dans les différentes activités économiques de leur famille ou de leur communauté, car les différentes interventions visent surtout les adultes en activité. En outre, même quand ces programmes sont destinés aux adultes, c'est-à-dire aux parents, ils restent verticaux et ne développent

1523 SIMKINS (T.), La planification de l'éducation extrascolaire : stratégies et contraintes, in perspectives, vol. VIII, n°2, 1978, pp.201-212.

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aucune approche globale qui favorise le développement des enfants par les parents eux-mêmes.

Les frais de scolarité apparaissent aussi élevés au niveau de l'enseignement préscolaire. En Côte d'Ivoire, les structures de l'enseignement préscolaire1524 relèvent pour une bonne part, surtout du secteur privé1525. Les coûts pratiqués n'obéissent pas à la même logique que dans le secteur public qui vise le principe d'équité. Et les facteurs tels que la faiblesse de l'offre par rapport à une forte demande ainsi que la faible concurrence et le niveau d'intervention limité du secteur public se conjuguent pour maintenir les frais d'écolage à un niveau non seulement élevé mais supérieur aux coûts offerts par l'enseignement primaire public. Par conséquent, de nombreuses familles à faible revenu se trouvent confrontés à des coûts d'écolage qui se situent au-dessus de leur pouvoir d'achat et préfèrent attendre que leurs enfants aient 5 ou 6 ans pour les inscrire au CP1. Malheureusement, pendant cette période d'attente, rien de particulier n'est fait pour encadrer et suivre ces enfants avant leur accès à l'enseignement primaire public.

Un autre facteur expliquant l'ineffectivité partielle du droit au développement de l'enfant est à rechercher dans les contraintes socio-économiques et culturelles.

4. Les contraintes socio-économiques et culturelles affectant le développement optimal de l'enfant

Les contraintes socio-économiques et culturelles affectant le développement optimal de l'enfant sont plurielles : l'inefficacité des investissements, l'instabilité du cadre institutionnel et le manque de coordination ministérielle, les mutations socio-économiques et le déclin de valeurs traditionnelles positives, les croyances religieuses, le mariage forcé et précoce de la jeune fille, la pauvreté des parents.

1524 En 2008-2009, il existait 1069 écoles préscolaires dont 689 dans le public. Voir Ministère de l'Education Nationale, Direction de l'informatique, de la planification, de l'évaluation et des statistiques, L'état de l'école en Côte d'Ivoire. Rapport d'analyse 2008-2009 disponible sur www.men-dpes.org/new/FILES/pdf/stats/rapports/rap_ana_20082009.pdf ; TROUILLET (B.), L'éducation préscolaire : quelques aspects et problèmes internationaux, 1970, p.124.

1525 AIGLEPIERRE (R.), « L'enseignement privé en Afrique subsaharienne. Enjeux, situations et perspectives de partenariats public-privé, » In. A Savoir n°22, Août 2013, pp.45-59.

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L'inefficacité des investissements apparait manifestement comme une véritable résistance au développement et au bien-être des enfants. Au niveau du financement du secteur de l'Education1526, l'essentiel des efforts de l'Etat est orienté vers l'éducation primaire. En moyenne, sur la période 2006-2015, ce secteur éducatif a reçu 36 % du budget total du système éducatif1527. Viennent ensuite respectivement le secondaire général premier cycle (22%), le supérieur avec 17% et enfin le secondaire général avec une part de 13%. La part dévolue à la formation professionnelle et technique s'élevait à 8% tandis que le préscolaire et l'éducation non formelle reçoivent respectivement les faibles parts de 3% et 1%. Comparée aux années antérieures, on peut constater une certaine réaffectation budgétaire (légère toutefois) réalisée au profit du secondaire et du supérieur. Cette modification des priorités budgétaires se heurte au besoin de scolarisation sous-tendus par une forte croissance démographique de la population scolarisable. Les efforts entrepris n'ont pas permis d'améliorer de façon significative les structures d'accueil et les capacités d'encadrement ni de réduire les coûts d'éducation primaire par élève encore élevé, notamment pour ceux issus de familles démunies. Les ménages continuent de financer la grande part des activités connexes mais essentielles à l'enseignement, à savoir les divers appuis à la scolarité (63%) et surtout les ouvrages et matériels pédagogiques dont la part des ménages se situe à 79% de toutes ces dépenses1528 . Ainsi, le taux de scolarisation reste encore faible au regard de l'objectif de 100% que s'est fixé la Côte d' Ivoire.

L'une des principales contraintes du secteur des affaires sociales réside dans son instabilité institutionnelle et le manque de coordination ministérielle. Souvent rattaché au secteur de l'emploi, tantôt au secteur de la santé publique, le secteur des affaires sociales n'arrive pas à trouver un cadre institutionnel le mieux approprié pour définir un véritable plan d'action qui permette une meilleure programmation et planification des activités à

1526 Pour une bonne compréhension du financement de l'éducation en Côte d'Ivoire, voir : HALLAK (J.), POIGNANT (R.), Les aspects financiers de l'éducation en Côte d'Ivoire, Unesco, Paris, 1966, 43p. ; UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire 2014. Vers une société plus équitable dans un pays émergent, p.53-54.p.75.

1527 Ministère de l'éducation nationale de la République de Côte d'Ivoire et UNESCO, Le financement de l'éducation en Côte d'Ivoire, 2006-2015, Sur le modèle des comptes nationaux de l'éducation volume I : Analyse et Annexe 1, 28 Juillet 2016, p.22.

1528 Ministère de l'éducation nationale de la République de Côte d'Ivoire et UNESCO, Le financement de l'éducation en Côte d'Ivoire, 2006-2015, Sur le modèle des comptes nationaux de l'éducation volume I : Analyse et Annexe 1, 28 Juillet 2016, p.23.

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mener. Car chaque changement de tutelle ministérielle entraine une redéfinition des rôles et des attributions qui a pour conséquence d'accentuer la lenteur des procédures administratives et l'exécution des activités. A cela, il faut ajouter le manque de coordination dans la gestion des structures du personnel en charge de la petite enfance. Cette tranche d'âge implique à la fois, les ministères de la Santé, de l'Education, de la Famille et des Affaires sociales. Cependant, la définition des rôles, attributions et actions à mener ne permettent pas, au niveau global, une réelle coordination pour la prise en charge et le suivi de la petite enfance. Ainsi, les champs d'action demeurent restrictifs et les efforts entrepris par secteur sont limités par l'absence ou le faible niveau d'intervention des autres secteurs concernés. Pourtant, le développement de la petite enfance suppose non seulement, un encadrement médical adéquat mais aussi et surtout des structures qui offrent de réelles possibilités d'éveil affectif, sensoriel, cognitif et éducatif. Toutes ces hésitations montrent que l'Etat ivoirien accordent une priorité à l'enseignement primaire, qui commence dès l'âge de 6-7 ans, ce au détriment de la petite enfance.

Un autre facteur explicatif réside dans les mutations socio-économiques et le déclin des valeurs traditionnelles. Dans la société traditionnelle, l'organisation et le fonctionnement social étaient régis par des règles strictes. Et les structures sociales traditionnelles1529 telles que la famille, les classes d'âge adulte1530, le conseil des sages ou la chefferie1531, la religion, les rites d'initiation, etc. avaient pour rôle d'assurer et de maintenir la cohésion du groupe. La transgression des normes sociales conduisait à de sanctions graves et le respect des traditions perpétuait la survie du groupe. Dans cet univers fortement hiérarchisé, les enfants devaient respect et considération aux groupes d'âge plus âgés. Le système éducatif, en général, et l'éducation sexuelle des jeunes en particulier participe à une intégration sociale qui s'étend à tous les niveaux de la vie de la communauté. Or, de nos jours, il semble que ces valeurs fondamentales sont bouleversées. Sous le poids des mutations socio-économiques et culturelles, on assiste à un affaiblissement des institutions traditionnelles.

1529 PAULME (D.), « Structures sociales traditionnelles en Afrique Noire », In : Cahiers d'études africaines, vol.1, n°1, 1960. pp.15-27.

1530 SPERBER (D.), PAULME (D.), « Classes et associations d'âge en Afrique de l'Ouest. » In : L'homme, 1972, tome 12 n°3. P.132.

1531 NDRI (K..), « Recherches sur l'exercice du pouvoir local en Côte d'Ivoire », In. Cahiers Africains d'Administration Publique, n°57, pp.4-5. ; Dans une perspective historique, voir, AMON d'ABY, Le problème des chefferies traditionnelles en Côte d'Ivoire, Imprimerie Jemmapes, Paris, 1958, p.12.

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En effet, l'économie de marché, l'instruction, les médias, les dynamiques familiales, etc. induits par l'urbanisation1532 offrent un nouveau cadre de référence aux enfants qui s'opposent aux vertus de la société traditionnelle. Les enfants sont engagés dans une évolution des moeurs et l'aspiration à plus de liberté entrainent très souvent un rejet de la tradition et un manque de respect envers les adultes. Cependant, cette nouvelle vision de la vie inspirée par les jeunes traduit bien des formes de dépravation et d'exclusion. En outre, dans cet environnement citadin caractérisé par un anonymat urbain, les réseaux de solidarité fragilisés et reconstruits sur des bases ethniques, religieuses, professionnelles, avec comme fondement la recherche du profit, finissent par créer plusieurs formes d'exclusion dont de nombreux enfants sont en définitive les principales victimes.

Quant aux croyances religieuses, en Côte d'Ivoire comme dans nombre de pays africains1533, elles sous-tendent dans une large mesure, les comportements des populations. Dans un tel contexte psychologique, certains parents croient que les difformités de leurs enfants sont la résultante de la transgression de lois sociales et les recours pour rétablir cet équilibre social s'identifient dans la consultation des guérisseurs1534 et tradipraticiens1535 au détriment de structures spécialisées. Par ailleurs, certaines mères, du fait des préceptes religieux vis-à-vis de l'aumône1536, trouvent en l'exposition de leurs enfants à la rue (cas de certains jumeaux handicapés), la solution pour leur offrir des chances de survie. Et même si ces différents cadres peuvent constituer des solutions intermédiaires et ponctuelles, ils ne peuvent couvrir toute la dimension d'une réelle prise en charge.

1532 HAUMONT (N.) et MARIE (A.) (sous la dir.), Politiques urbaines dans les pays en voie de développement, L'Harmattan, Col. Villes et entreprises, Paris 1987, Tome I, 342p. ; ROCHEFORT (M.), Le défi urbain dans les pays du sud, Ed. L'Harmattan, 2000, 184p.

1533 ATSU-DETE (T.), La protection du mineur et du majeur atteint de troubles mentaux en droit Togolais, Thèse de doctorat Université Jean Moulin Lyon 3, 2004, 431p.

1534 La médecine traditionnelle a été officiellement reconnue en Côte d'Ivoire comme faisant partie du secteur privé de santé par le décret n° 96-678 du 25 octobre 1996 aux articles 1 et 2. Elle est classée au niveau primaire de la pyramide sanitaire, selon les décrets n°96-876 du 25 octobre 1996, privés n°96-877 du 25 octobre 1996 portant classification et organisation des établissements sanitaires. Une direction de promotion de la médecine traditionnelle a été créée au ministère de la santé pour organiser et superviser les activités des tradipraticiens de santé.

1535 Selon l'OMS, 80% des populations rurales vivant dans les pays en développement utilisent la médecine traditionnelle comme premier moyen de recours. Voir KROA (E.) et al. Analyse de la collaboration entre médecines traditionnelle et moderne dans la région du Sud Bandama (Côte d'Ivoire), Revue CAMES-Série Pharm. Méd. Trad. Afr., 2014 ; 17 (1) :21-27.

1536 NDIAYE (P.O.), « Aumône et mendicité : un autre regard sur la question des talibé au Sénégal », Cahiers de la recherche sur l'éducation et les savoirs, 14/2012, pp.295-310.

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La pauvreté des parents reste aussi l'un des facteurs explicatifs de la crise du droit à l'éducation et au développement : En effet, la pauvreté a été aggravée avec la crise. Ainsi, le taux de pauvreté a connu une progression de 10 points entre 2002 et 2008, soit de 38,4% à 48,9%1537. Suivant le rapport 2011 du PNUD, l'indice de pauvreté multidimentionnelle se situait à 61,5%. Au niveau de l'indice du développement humain, le pays occupait le 171ème rang mondial sur 187 avec un IDH qui est passé de 0,43 en 2010 à 0,45 en 20131538.Mieux, selon la dernière enquête sur la mesure des niveaux de vie réalisée par la banque mondiale, l'indice de pauvreté est de 46% en 20151539 dernier recensement de la population en 2014. Par ailleurs, les ménages pauvres comprennent un nombre élevé de personnes. De la sorte, les stratégies familiales privilégient un certain type de dépenses telles que l'alimentation, et la satisfaction des besoins sociaux de base des enfants demeurent préoccupantes pour les parents qui n'arrivent pas à répondre aux besoins de leurs enfants. Ainsi, de nombreux enfants sont obligés de trouver les voies et moyens susceptibles de satisfaire aux exigences de la vie matérielle. Malheureusement, les solutions adoptées ne sont pas toujours les meilleures, car certains préfèrent s'adonner à la violence. Compte tenu de la situation précaire du niveau de revenus de leurs parents, certaines jeunes filles s'adonnent à la prostitution et des jeunes garçons au proxénétisme afin de subvenir à leurs besoins vitaux dont la santé, l'alimentation, et parfois l'habillement, l'éducation. Et, il arrive parfois que de tels comportements bénéficient de l'assentiment et de la complicité de certains parents. Les années de récession économique et de crise armée qu'a connues la Côte d'Ivoire se sont caractérisées, au plan social par de nombreux licenciements1540, la faiblesse du pouvoir d'achat1541 des populations, une faible utilisation des services sociaux de base, etc ; en d'autres termes, par une forte paupérisation des couches vulnérables de la population, notamment des femmes. Ainsi, de nombreux ménages se sont investis dans plusieurs

1537 Ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement technique, Examen national 2015 de l'Education pour tous : Côte d'Ivoire, novembre 2014, p.7.

1538 Ibid.

1539 www.banquemondiale.org/fr/country/Côtedivoire/overview (consulté le 26/11/2016).

1540 MULLER (A.), « La législation de protection de l'emploi à l'épreuve de la crise économique. Une revue globale de la réglementation des licenciements collectifs pour motifs économiques », Note d'information de dialogue n°3, BIT, septembre 2011, p.1.

1541 VERGNE (C.), AUSSEUR (A.), « La croissance de l'Afrique subsaharienne : diversité des trajectoires et des processus de transformation structurelle », In. Macro-économie et développement, mai 2015, pp. 1- 50 ; CHEVALLIER (A.), LE GOFF (M.), « Dynamiques de croissance et de population en Afrique subsaharienne », In. Paranoma du CEPII, 2014, pp. 1-17.

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domaines d'activités informelles à caractère agricole, industriel ou commercial. Cependant, ces nouvelles orientations familiales ou féminines impliquent très souvent un surcroît de travail et ne génèrent que de faibles revenus, qui n'arrivent pas à bien souvent couvrir les besoins nutritionnels, sanitaires, éducatifs qu'induit une réelle prise en charge des enfants.

Tous ces facteurs méritent d'être considérés individuellement et faire l'objet de mesures étatiques appropriées en vue de réduire le degré d'ineffectivité du droit au développement.

Qu'en-t-il des facteurs explicatifs de la faible participation des enfants ?

§ 3. LES CAUSES LIEES A LA FAIBLE PARTICIPATION DES ENFANTS

Des facteurs de nature immédiate (A) et sous-jacente (B) constituent de fortes résistances à la participation effective des enfants.

A. LES CAUSES IMMEDIATES

La faible implication communautaire (1), l'ignorance par les enfants de leurs droits (2) l'absence de prise de conscience des jeunes de leur rôle couplée à la crise de confiance et la recherche du gain immédiat (3) constituent autant de facteurs explicatifs d'ordre immédiat à la participation des enfants.

1. Une faible implication communautaire

La participation des enfants à la vie associative se heurte très souvent à la faible implication des parents et des collectivités locales. En effet, les associations de jeunes reçoivent rarement le soutien moral encore moins matériel de leurs parents. Ainsi, les enfants livrés à eux-mêmes et sans expérience de la vie associative se trouvent confrontés à de nombreux problèmes. Aussi, il arrive que certains parents, en voyant leurs enfants, militer ou s'épanouir dans des associations à vocation coopérative ou politique, se désengagent de leurs obligations de prise en charge vis-à-vis de ceux-ci. En outre, les collectivités locales ne jouent pas toujours leur rôle dans l'encadrement technique et financier des associations des enfants. Tous ces facteurs tendent à rendre peu perceptibles de réelles intentions de création d'association chez les jeunes, encore moins les actions que celles qui existent

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entreprennent. A côté d'une faible implication communautaire, l'ignorance des enfants de leurs droits explique aussi partiellement leur non-participation.

2. L'ignorance des enfants de leurs droits

Le fait que les enfants ne participent pas aux différents niveaux de prise de décision au sein de la famille, de l'école de la vie politique, associative et communautaire résulte aussi en partie de leur ignorance en matière de droits1542 (droit à la santé, droit à l'éducation, droit au jeu, droit à participation). En effet, dans les différents milieux socioculturels africains, en général et ivoiriens en particulier, la notion de droits des enfants apparait toujours comme une valeur importée, subversive et inadaptée aux normes traditionnelles. Ainsi, certains parents restent toujours ancrés dans la survivance des pratiques coutumières discriminatoires et privatives à l'égard des enfants. Et même si aujourd'hui, la scolarisation permet à de nombreux enfants d'apprendre à lire, à écrire, à s'exprimer, à avoir une vision différente de la vie et une plus grande ouverture d'esprit, ceux-ci demeurent encore sous informés de l'existence d'un cadre juridique qui favorise et garantit la réalisation des droits qui leur sont dévolus. Bien souvent plus instruits que leurs parents, les enfants ignorent leurs droits parce que les actions menées (séminaires, ateliers, conférences et autres) en vue de faire connaitre ces droits, notamment à travers la vulgarisation de la Convention relative aux droits de l'enfant, sont ponctuelles, de courte durée et essentiellement orientées vers des groupes-cibles autres que les enfants eux-mêmes. Les droits de l'enfant doivent donc sortir du vase clos de l'intellectualisme, descendre des cimes de l'académisme pour être intériorisés par les enfants et la population1543. Seule la connaissance des droits de l'enfant par les enfants et la population pourrait créer une contrainte morale et politique envers les gouvernants.

En outre, l'absence de prise de conscience des enfants de leur rôle, leur crise de confiance et la recherche du gain immédiat entravent aussi l'effectivité du droit à la participation des enfants.

1542 Préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : «Considérant que l'ignorance l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics... ».

1543 NOUROU-TALL (S.), « La problématique du respect des droits de l'homme en période de conflit armé », in L'Afrique de l'Ouest et la tradition universelle des droits de l'homme (dir. Denis MAUGENEST et Théodore HOLO), Les éditions du CERAP, Abidjan 2006, p.69.

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3. De l'absence de prise de conscience des enfants de leur rôle à la crise de confiance et la recherche du gain immédiat

Les enfants sont en général peu soucieux des enjeux de la vie politique économique et sociale. Leur engagement dans des mouvements associatifs est surtout lié au souci de se retrouver pour s'amuser. La prolifération des clubs de vacances et de manifestations culturelles1544 en est la preuve. A ce jour, hormis, le Parlement des enfants qui semble limité à un niveau politique et centralisé, il n'est pas encore apparu en Côte d'Ivoire, des associations d'enfants initiées par eux-mêmes qui militent dans le sens d'une pleine autonomie dans la prise de décision qui les concernent tant au niveau familial, scolaire que social. En conséquence, la société ne leur reconnait pas le droit de cité, étant supposés être moins aptes à discerner par rapport aux adultes et aux personnes âgées.

De même, très souvent, chez les enfants, lorsque l'intention de création d'association est assortie d'une mobilisation de fonds propres nécessaires à la constitution du groupe ou à la création des activités, celle-ci se heurte à une méfiance souvent généralisée. Car pour certains, la constitution de cette association vise essentiellement à rechercher l'intérêt des initiateurs au détriment de l'intérêt collectif. Pour d'autres, la motivation exprimée dans la constitution des associations est sous-tendue par la recherche ou l'attente de gains immédiats. Ainsi, dès lors que les gains escomptés ne se font pas sentir, la crise de confiance s'intensifie et le groupe se disloque. Seuls arrivent à survivre quelques associations d'obédience politique qui reçoivent de temps à autre l'appui matériel et financier de leurs organisations politiques.

Quid des résistances sous-jacentes à la participation effective des enfants ?

B. LES CAUSES SOUS-JACENTES

Le faible niveau d'éducation des parents et une faible collaboration entre parents et enseignants (1), en passant par l'accès limité et une faible implication à la diffusion de l'information (2) ainsi que la faiblesse des réseaux d'association de jeunes (3) constituent autant de résistances sous-jacentes à une effectivité satisfaisante du droit à la participation des enfants.

1544 La plupart des émissions télévisées ou radiophoniques culturelles dédiées à la jeunesse portent en général sur des concours de danse ou de chants ; ce qui nous apparait peu appropriée.

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1. Le faible niveau d'éducation des parents et une faible collaboration entre parents et enseignants

L'analphabétisme de certains parents1545 freine le processus de communication avec les enfants au niveau de la cellule familiale. Il est généralement constaté que les familles instruites semblent consacrer un temps non négligeable à la communication interfamiliale. Les enfants de ces familles ont la liberté d'exprimer leurs besoins aux parents. Cela est dû à l'accumulation d'informations et d'opportunités d'échanges dont bénéficient les parents de ces enfants. En conséquence, ces parents comprennent que par l'apprentissage de la libre expression à leurs enfants, ils permettent à ces derniers de libérer en eux, les forces de l'imagination et de la créativité nécessaire à leur épanouissement social futur. Les enfants des familles pauvres dont les parents sont pour la plupart analphabètes n'ont malheureusement pas cette possibilité car les parents attachés au culte de la hiérarchie ne comprennent pas qu'il faut laisser aux enfants, la latitude de s'exprimer et de donner leurs opinions sur certains évènements familiaux et sociaux les concernant.

En milieu rural, il n'existe souvent pas de comité ou d'association de parents d'élèves capables de défendre les droits et devoirs des enfants scolarisés1546. Les parents ayant pour préoccupation l'utilisation d'une main d'oeuvre gratuite ne rencontrent pratiquement aucune résistance de la part de l'enseignant lorsqu'ils viennent retirer leurs enfants des classes, même si cette pratique devient de moins en moins répandue.

Un accès limité et une faible implication à la diffusion de l'information explique aussi partiellement la négation du droit à la participation des enfants.

1545 SEURAT (A.), Contexte d'alphabétisation dans le contexte africain, thèse, Université de Bourgogne, 2012, 255 p. ; FINK (C.), « L'éducation des femmes et le développement en Afrique subsaharienne », Economies and finances, 2011, p. 51.

1546 C'était le cas en France encore au XIXe siècle et même dans la moitié du XXe siècle.

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Un accès limité et une faible implication à la diffusion de l'information

Aujourd'hui, l'information est diffusée à la fois par la télévision, la radio et internet. En Côte d'Ivoire, il existe des émissions radio1547 et télé1548 consacrés aux enfants. Ainsi, au nombre des nombreuses stations de radio de proximité créés à Abidjan au cours de ces dernières années, la plupart d'entre elles s'affichent comme des radios pour jeunes1549. En plus, il existe plusieurs magazines qui traitent des problèmes de l'enfance/jeunesse1550. Cependant, cette frange de la population n'est pas associée aux décisions quant au type d'émissions et au moment où ces émissions doivent passer. Il n'existe en effet, pas encore de radio ou de magazine pour enfants et animés par eux-mêmes, devant leur permettre d'exprimer leurs différentes opinions sur les problèmes émergents et les concernant. Tout ceci limite à n'en point douter la participation des enfants à l'instar de la faiblesse des réseaux d'association d'enfants.

3. La faiblesse des réseaux d'association d'enfants

Les réseaux d'associations d'enfants existent dans la plupart des régions de Côte d'Ivoire. Cependant, leurs objectifs sont pour la plupart peu favorables à la constitution d'un groupe de pression. Les préoccupations des enfants au niveau des associations sont surtout de type socioculturel. Ils ont souvent recours à certaines hautes personnalités ou entreprises pour les sponsoriser à l'occasion de leurs manifestations culturelles. Certains enfants en profitent pour tisser des relations solides pour des emplois futurs. Cependant, ces associations qui pourraient être favorables à la prise du contrôle des centres de décisions ne sont généralement pas gérées dans ce sens. Dans le cadre des partis politiques, il existe des groupements de jeunes/enfants. Cependant, la segmentation et la hiérarchisation des places qui régit le fonctionnement de ces partis réduit la marge de participation des jeunes aux prises de décision. Pire, les leaders de ces jeunes ne sont pas forcément des enfants au sens du droit international.

1547 Le « Mercredi des enfants » présenté sur les antennes de la radio Côte d'Ivoire ; l'émission « droits des enfants » présenté et animé par les enfants sur les antennes de la Radio Yopougon.

1548 L'émission « Wozo vacances » qui a lieu chaque année pendant les vacances scolaires sur les antennes de la radio télévision ivoirienne.

1549 Africa Leaders FM, La voix du Nzi dimbokro , Radio amitié de Yopougon, Radio Arc-en-ciel d'Abobo, Radio ATM Port-Bouet, Radio Bia Fm d'Aboisso, Radio Binkadi de Ferké).

1550 Exemples de Magazines dédiés aux enfants en Côte d'Ivoire : « Kids » et « Planète enfants ».

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Par ailleurs, des causes d'ordre structurel justifient également aussi la faible participation des enfants.

C. LES CAUSES STRUCTURELLES

Les résistances structurelles à la pleine réalisation de la participation des enfants sont : l'influence des structures traditionnelles d'éducation (1) et la faiblesse du cadre institutionnel (2).

1. L'influence des structures traditionnelles d'éducation

Les normes sociales sont souvent contraignantes en matière de participation des enfants à la prise de décision. La parole est un concept fort complexe dans la culture africaine et par conséquent, elle se prête difficilement à une quelconque définition. Cette difficulté est accentuée par l'extrême complexité de la philosophie du langage qu'il serait impossible d'affronter ici. La parole représente un pouvoir, un moyen pour le sujet d'influencer autrui et de transformer le monde1551. Elle sert à exprimer la pensée1552 ; c'est un outil de transmission du message. Ainsi entendue, l'usage de la parole requiert que le sujet ait un discernement suffisant, de nature à comprendre la portée de ses dires. Il requiert un certain « savoir -parler » qui reste l'apanage, l'attribut d'une personne en mesure de distinguer le bien et le mal. En effet, la société traditionnelle est hiérarchisée et le droit à la parole n'est pas reconnu aux enfants1553. La prise de parole en assemblée est souvent regardée comme un manque de respect envers les ainés. En effet, parce que l'on considère que les enfants ne sont pas aptes à prendre des décisions importantes, notamment en ce qui concerne la vie de famille et leur propre avenir alors même que certains enfants prennent une part active aux travaux domestiques ou dans la constitution des revenus de certains ménages.

1551 BOURDIEU (P.), Ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982, pp. 99 à 102 spécialement p. 101.

1552 GARDINER (A. H.), Langage et acte de langage. Aux sources de la pragmatique, Lille, Presse Universitaire de Lille, 1989, p. 23.

1553 EZEMBE (F.), L'enfant africain et ses univers. Paris : Editions Karthala. , 2009, pp. 49-50.

2. La faiblesse du cadre institutionnel

Les structures socio-éducatives ou pédagogiques chargées de l'élaboration des modules de formation, de la recherche de la qualité de l'enseignement, de l'octroi des bourses et de l'orientation des élèves ne fonctionnent sur aucune disposition qui implique directement les élèves eux-mêmes sur les problèmes liés à leur environnement scolaire à telle enseigne que ces derniers apparaissent plus comme des apprenants et non comme de véritables acteurs de l'école. Toutefois, s'agissant de l'attribution des bourses, des efforts ont été consentis ces dernières années avec la participation de la fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI)1554 au sein des commissions d'attribution de logements en résidences universitaires.

Au-delà des résistances sus-évoquées, il persiste de fortes résistances à l'atteinte d'une effectivité du droit à la protection des enfants.

SECTION III. LES CAUSES DES ABUS CONTRE TOUTES FORMES DE PROTECTION DES ENFANTS

Les facteurs explicatifs de l'errance des enfants décrits (Paragraphe 1), nous évoquerons ceux relatifs à l'exploitation économique, des sévices et exploitation sexuels des enfants (Paragraphe 2), pour enfin mettre en lumière les facteurs explicatifs de la persistance des violations des droits des enfants en conflit avec la loi et en période de conflit armé (Paragraphe 3).

§ 1. LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA DESHERENCE DES ENFANTS

La rupture avec la famille et les mauvais traitements des enfants (A), les mauvaises conditions de vie et la sous-scolarisation des enfants (B) combinées avec les multiples résistances de nature structurelle (C) sont les facteurs explicatifs de la déshérence des enfants.

1554 DAH-DJI (S.W.), Côte d'Ivoire, il faut sauver le « soldat fesci », L'Harmattan, 2010, 270p ; KONATE (Y.), « Les enfants de la balle. De la Fesci aux mouvements de patriotes », In. Politique africaine, vol. 89, n°. 1, 2003, pp. 49-70. ; OULAGOUE (B.), FESCI, le rêve brisé ? : Côte d'Ivoire, L'Harmattan, 2017, 144p.

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A. LA RUPTURE AVEC LA FAMILLE ET LES MAUVAIS TRAITEMENTS DES ENFANTS

Considérant la rupture avec la famille, notons que le phénomène des enfants de la rue est lié, en partie, à la crise d'adolescence chez de nombreux enfants, notamment les garçons. En effet, à cet âge, les enfants ont tendance à vouloir s'imposer aux parents, avoir la liberté de faire tout ce qu'ils veulent. Cette situation entraîne souvent des conflits dont l'issue finale peut être la fugue1555. L'enfant coupé de son milieu familial n'a aucune protection et reste particulièrement vulnérable. La dislocation de la cellule familiale est un facteur prédisposant à la déshérence chez les enfants de condition sociale modeste ou pauvre. Elle résulte d'un déficit profond de communication entre les parents et les enfants. Les enfants sont dans la rue parce qu'ils n'ont pas rencontré une oreille attentive, un adulte disposé à les écouter.

De même, la plupart des enfants vivant dans la rue ont été victimes de mauvais traitements. Les enfants sont exposés à des sévices corporels1556 et sexuels de la part de leurs parents ou leurs substituts. Il s'agit des bastonnades ou corrections paternelles, les punitions, les privations de nourritures et de soins, les abandons d'enfants. Face à ces souffrances physiques et morales l'enfant trouve son salut et sa liberté dans la rue. Bien que réprimés par les textes en vigueur, les mauvais traitements sur les enfants continuent d'être tolérés dans la pratique. L'enfance maltraitée est une enfance meurtrie qui n'a plus la protection familiale et légale. La rue devient alors pour de nombreux enfants maltraités, le lieu de réalisation de

1555 KARAM (R.), Mieux comprendre la fugue des adolescents pris en charge en milieu substitut, décembre 2013, 106p. ; MORENO (F.), « Fugues et dépressions à l'adolescence » In. Sauvegarde de l'enfance : Adolescence et errance (49 (2), Revue de l'Association Française pour la sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence. Paris, 1994, pp.143-148.

1556 Observation générale n°8 « le droit de l'enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (art. 19, 28 (par.2) et 37, entre autres ». Cette observation a pour but de mettre en lumière l'obligation incombant à tous les Etats parties à la Convention de prendre rapidement des dispositions aux fins d'interdire et d'éliminer tous les châtiments à l'égard des enfants et d'exposer les mesures législatives, les autres mesures de sensibilisation et les mesures éducatives qu'il appartient aux Etats de prendre. Plus encore, de s'attaquer au problème de la large acceptation ou tolérance à l'égard des châtiments corporels contre les enfants et les éliminer, tant dans la famille qu'à l'école ou dans tout autre contexte. L'idée fondamentale est que cette interdiction est non seulement une obligation incombant aux Etats parties, mais aussi un moyen stratégique déterminant sur la voie de la réduction et de la prévention de toutes les formes de violence dans la société. Pour mettre fin aux châtiments corporels, il faut alors améliorer les lois, procéder à une harmonisation d'autant que la plupart des Etats ont ratifié le CDE, la CADBE par la plupart des Etats Africains, faute de quoi, l'idée persistera toujours qu'infliger une douleur à un enfant au nom de la discipline est normale et dans son intérêt supérieur.

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leur personne. Les mauvaises conditions de vie et la sous-scolarisation des enfants apparaissent aussi comme des facteurs explicatifs de la déshérence des enfants.

B. LES MAUVAISES CONDITIONS DE VIE ET LA SOUS-SCOLARISATION DES ENFANTS

Les enfants en déshérence vivent dans des milieux pauvres et démunis. Nés dans des quartiers périurbains, les enfants proviennent des habitats modestes et précaires caractérisés par la promiscuité. Les enfants de la rue sont sans domicile fixe ou dorment à la belle étoile. Ils exercent pour la plupart des petits métiers peu rémunérateurs du secteur informel. La misère et la pauvreté sont les caractéristiques communes de la situation socioprofessionnelle précaire de leurs parents.

Quant au phénomène de la sous scolarisation des enfants, il peut s'expliquer par le fait que dans certaines familles, les enfants sont non scolarisés ou déscolarisés et très tôt, ils s'insèrent dans les circuits informels de production. En effet, notons que la majorité des enfants de la rue ne savent ni lire, ni écrire. Ceci met bien en lumière le problème de la sous-scolarisation en Côte d'Ivoire. La défaillance du système scolaire et l'absence d'alternatives appropriées pour les enfants non scolarisés et déscolarisés contribuent à accentuer la présence de plus en plus forte d'enfants dans la rue et le recours aux activités de subsistance, aux stratégies de survie. Ainsi, de nombreux enfants exclus du système scolaire et éducatif se retrouvent dans la rue.

Des résistances de nature structurelle justifient également la forte présence des enfants dans les rues.

C. LES MULTIPLES RESISTANCES DE NATURE STRUCTURELLE

L'insuffisance des structures et du personnel d'encadrement, les difficultés d'insertion socioprofessionnelle, le nombre élevé d'enfants à charge, l'érosion des valeurs traditionnelles d'entraide et de solidarité, la pauvreté des parents, l'urbanisation et les dynamiques familiales apparaissent comme divers facteurs de nature structurelle encourageant la persistance du phénomène des enfants de la rue.

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L'absence ou l'insuffisance des structures appropriées d'encadrement et d'apprentissage pour recevoir les enfants les place davantage dans une situation de marginalité permanente. Les services de base urbains dans les zones marginalisées destinées à améliorer les conditions de vie de la population sont insignifiants. Il existe peu de services de base urbains. Les équipes d'assistance socio-éducative en milieu ouvert n'ont pas été développées et celles mises en place se sont évanouies dans les services administratifs.

Aussi, sans qualification et sans niveau d'instruction élevé, les enfants ont des difficultés d'insertion dans le tissu économique. Ils ne peuvent donc accéder à un emploi rémunérateur. D'où la tendance au recours aux activités de type informel et au travail en domesticité chez les filles. Les dispositifs publics d'insertion professionnelle des jeunes (AGEFOP, AGEPE, IFEF) ont montré leurs limites, même si, on note une croissance dans la sortie de certains enfants en nombre très réduit de la marginalité. En outre, la contribution des ONGs, bien que dynamique ne vise qu'une partie des groupes cibles. L'éducation non formelle1557 et l'alphabétisation fonctionnelle1558 des jeunes ne sont pas mises en oeuvre par les autorités publiques, pour rendre les enfants en déshérence actifs afin de participer à la vie économique et sortir ainsi de la marginalité. Enfin, le faible appui aux initiatives des jeunes 1559(financement de projets, activités génératrices de revenus) ne permet pas de façon efficace, leur intégration sociale et l'autopromotion des enfants en difficultés.

La taille du ménage est aussi un facteur favorisant la déshérence des enfants qui ne trouvent pas assez de place dans ce type de ménage. Les enfants de la rue sont généralement issus de familles nombreuses. Et dans cette fratrie, ils occupent généralement les derniers

1557 Selon l'Unesco, l'éducation non formelle (ENF), peut être définie comme « toute activité organisée et s'inscrivant dans la durée qui n'entre pas exactement dans le cadre des systèmes éducatifs formels composés des écoles, des établissements d'enseignement supérieur et des universités, ainsi que des autres institutions éducatives formellement établies » ; BORDES (V.), L'éducation non formelle, Les dossiers de la science de l'éducation, 2012, pp. 7-11. ; KERLAN (A.), POIZAT (D.), « L'éducation non formelle. » In: Revue française de pédagogie, volume 146, 2004. pp. 201-202. ;

1558 UNESCO, Guide pratique d'alphabétisation fonctionnelle. Une méthode de formation pour le développement, Paris, Unesco, 1972, 168p. ; DUMONT (B.), L'alphabétisation fonctionnelle au Mali : une formation pour le développement, UNESCO, 1973, 63 p.

1559 Toutefois quelques efforts sont actuellement en cours, notamment à travers le fonds national de la jeunesse est un Etablissement public à caractère industriel et commercial de l'Etat de Côte d'Ivoire créé par décret du 10 octobre 2012 modifiant le décret n°92-154 du 16 mars 1992 portant création, organisation et fonctionnement du fonds. Ce fonds a pour objectif principal de soutenir toute initiative des jeunes pouvant contribuer à leur insertion socio-économique.

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rangs. Si le nombre important d'enfants est considéré coutumièrement comme une richesse, dans le contexte actuel marqué par une récession économique, le chômage et l'exclusion sociale, il constitue un poids assez lourd pour des familles de conditions de vie modestes et pauvres.

On observe aussi une érosion des valeurs traditionnelles : La pression sociale et économique défavorable est tellement forte et présente qu'on assiste dans la société ivoirienne à l'érosion et l'effritement des valeurs sociales de solidarité, d'entraide. Les communautés sont tellement sollicitées qu'elles ne peuvent plus répondre aux besoins de leur membre et recourir à la solidarité qui caractérisait les relations sociales et intercommunautaires. Involontairement même, la famille devient un espace de tension, du fait que les droits seront forcément en concurrence et chaque composante de l'association des individus éprouvera la suppression de ces droits par rapport à l'autre. Si avant la famille avait le souci d'établir le bien commun, aujourd'hui elle est confrontée à l'inspiration démesurée de ses composants à l'autonomie et à l'individualisation ; ce qui heurte à sa logique d'institution. « La famille est moins conçue comme un groupe que comme cadre de l'épanouissement personnel des individus qui la composent, et particulièrement de l'enfant »1560.

Par ailleurs, les raisons qui ont conduit ces enfants dans la rue découlent, selon eux, de la volonté de se doter d'une autonomie financière afin de pouvoir se prendre en charge eux-mêmes ; Car les parents étant pauvres, ils n'arrivent pas toujours à subvenir à leurs besoins. En effet, face à la crise économique qui a engendré une paupérisation progressive des ménages, beaucoup de familles (ménages) sont confrontés à l'incapacité de satisfaire la plupart des besoins sociaux de leurs enfants (alimentation, santé, éducation). Les réalités sur le niveau de vie en Côte d'Ivoire révèlent qu'il s'ensuit une réduction de la quantité et de la qualité des repas, l'aggravation de certaines maladies ou des décès dans plusieurs ménages, la déscolarisation ou la non-scolarisation de nombreux enfants, etc. Devant cette situation alarmante, de nombreux enfants ont eu recours à la rue pour vendre des produits de consommation ou encore pour être laveurs et gardiens de véhicules, etc.

1560 FULCHIRON (H.), « De l'intérêt de l'enfant aux droits de l'enfant » in Une Convention, plusieurs regards. Les droits de l'enfant : une belle déclaration ! Et après ? Introduction aux droits de l'enfant, Tome 1, 1997, p.20.

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S'agissant de l'urbanisation et les dynamiques familiales, notons qu'en ville, l'industrialisation et ses corollaires induisent des modes de vie familiaux nouveaux. En effet, l'accentuation des difficultés économiques au cours de la dernière décennie et surtout l'absence d'emploi ainsi que le chômage ont mis en évidence le retard dans la constitution des familles. Le recul de l'âge du mariage et l'augmentation des ruptures en union1561, conduisent à une pluralité de situations familiales. Dans ce contexte de profondes mutations, l'unité familiale traditionnelle, la famille élargie tend progressivement à faire place à de nouveaux types de familles où les différents rôles attribués et exercés par les enfants ainsi que les rapports d'âge et de sexe, construits par une vision du monde et de la culture occidentale, se sont modifiés.

Que les enfants soient dans une famille élargie ou réorganisée, ils y font souvent l'objet de mépris, d'indifférence ou de mauvais traitements du fait de leur filiation. A ce propos, on observe que bon nombre d'enfants de la rue sont battus dans leur nouvelle maison (familles). En outre, la plupart des familles monoparentales a une femme à sa tête en qualité de chef de ménage. Bien souvent, cette femme est plus vulnérable sur le plan économique, car les femmes disposent généralement de moins de revenus que les hommes1562. Dès lors, les enfants issus de ce type de famille bénéficient moins ou presque pas de prestations liées à leur survie et à leur développement. Cette situation pose bien souvent un problème d'éducation des enfants car l'autorité paternelle y est absente. Par ailleurs, les enfants ne vivent pas toujours avec leurs parents. Car, parfois plusieurs unités familiales alliées se trouvent sous l'autorité du même chef. Les familles polygamiques font souvent l'objet de discorde et de rivalité entre les épouses ou leurs enfants et entre les différentes unités familiales qui les composent. Et la satisfaction des besoins socio-éducatifs et médicaux des enfants repose malheureusement sur des choix arbitraires, parfois à leur détriment. Toutes ces différentes situations familiales expliquent la déshérence de nombreux enfants. Par ailleurs, l'exploitation économique et sexuelle des enfants explique aussi en partie, une ineffectivité du droit à la protection des enfants

1561 DESROSIERS (H.) et LE BOURDAIS (C.), « Progression des unions libres et avenir des familles biparentales », In. Recherches féministes, vol. 9, n° 2, 1996, p. 65-83.

1562 Du fait du poids de nos traditions qui les marginalisent. Et parce que la majeure partie des femmes ignorent leurs droits. Elles se contentent de peu.

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§ 2. LES CAUSES DE L'EXPLOITATION ECONOMIQUE ET SEXUELLE DES ENFANTS

On peut dissocier les causes du travail et la traite d'enfants (A) de celles relatives à la persistance des sévices et exploitations sexuels des enfants (B).

A. LES CAUSES DU TRAVAIL ET DE LA TRAITE DES ENFANTS

On analysera successivement les résistances d'ordre immédiat (1), d'ordre sous-jacent (2), puis celles d'ordre structurel (3).

1. Les résistances d'ordre immédiat

Le travail précoce et le trafic des enfants sont favorisés par une offre insuffisante d'éducation et de formation, la forte demande d'une main d'oeuvre enfantine bon marché et soumise, le désir des enfants de migrer à la recherche d'une promotion économique et sociale et l'ignorance des risques.

Les enfants sont en situation de travail parce qu'ils sont exclus du système éducatif. En effet, les enfants qui n'ont pas été soumis à une obligation scolaire sont obligés de travailler, d'apprendre un métier manuel avant d'avoir 15 ans. Le système éducatif ivoirien a une rentabilité relativement faible, notamment au niveau du primaire étant donné les forts taux d'abandon et de redoublement1563. En outre, le taux de scolarisation dans le primaire, ne progresse pas suffisamment et reste encore caractérisé par une sous-scolarisation des filles malgré des efforts enregistrés ces dernières années1564. Les différences s'accentuent selon les régions. Les études réalisées sur la question attestent que plus de 3/4 des petites bonnes1565

1563 Le taux net de scolarisation primaire est de 68% et le taux net de scolarisation secondaire s'élève à 29%. 1564 Voir MINISTERE DE LA SANTE ET DE LA LUTTE CONTRE LE SIDA (MSLS) et l'INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE (INS) et ICF International, Enquête Démographique et de Santé et à Indicateurs Multiples de la Côte d'Ivoire 2011-2012 : Rapport de synthèse. Calverton, Maryland, USA : MSLS, INS et ICF International, 2013, pp.28-29.

1565 KRA KONAN (G. L.), « Travaux domestiques et activités scolaires des élèves-filles en milieu urbain : une analyse des effets », European Scientific Journal November, 2015, pp 242-363. ; INS, DGT, OIT, IPEC, Enquête nationale sur le travail des enfants 2005, 2008, Rapport Final, 148 p. ; JACQUEMIN (M.), « Travail domestique et travail des enfants, le cas d'Abidjan (Côte d'Ivoire) », In Tiers-Monde, Tome 43, n°170, 2002, pp.307-326. ; JACQUEMIN (M.), « De jeunes travailleuses migrantes si (in)visibles : les «petites domestiques» d'Afrique de l'ouest : Perspectives comparatives à partir de l'exemple des fillettes et jeunes filles au travail à Abidjan », Centre d'Etudes Africaines, Centre for Migration Studies, Migration,

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a une base instructive faible en raison de la non scolarisation et des échecs scolaires, créant ainsi un raccourci dans le circuit scolaire (déscolarisation). Les enfants victimes de trafic ou traite présentent les mêmes caractéristiques, car ils sont constitués essentiellement de populations analphabètes et déscolarisées. Ils sont donc plus mobiles et susceptibles de tomber sous le charme de la promesse d'un emploi ou d'une activité rémunérée. Il convient donc de développer davantage les opportunités d'éducation et de formation qui sont actuellement insuffisantes.

L'absence de l'obligation scolaire durant des années a été un facteur déterminant du travail précoce des enfants. Le faible accès à l'éducation mettait les enfants en situation d'oisiveté ou d'inactivité et les rendait plus vulnérables, compte tenu de leur faible niveau d'instruction. Aujourd'hui, avec l'institution de l'école obligatoire au niveau du primaire, il y a lieu d'espérer que la situation évoluera. Encore faut-il que les modalités du caractère obligatoire et gratuit de l'école soient mieux définies et précisées, afin de limiter les manquements à cette obligation.1566

Le travail des enfants correspond en outre, à une demande de main d'oeuvre croissante. La captation de la main d'oeuvre enfantine répond aux besoins du marché et des ménages. De plus en plus, les employeurs marquent leur préférence pour la main d'oeuvre enfantine qui est à la fois bon marché, mais surtout soumise et corvéable. En outre, le recours à la force de travail de l'enfant, notamment de la jeune fille domestique répond aux besoins du ménage d'accueil1567. En effet, il permet de libérer d'autres forces de travail au sein du ménage, essentiellement, celles de la femme et de diversifier les sources de revenu. C'est ainsi qu'en plus des tâches domestiques, certains enfants se voient confier des activités manuelles rémunératrices pour le compte de la famille d'accueil ou de l'employeur ; il s'agit de la vente ambulante par les « petites vendeuses ».

Globalisation et Poverty, Rockefeller Foundation, DFID, Paris,2009, 33p. ; SAVE THE CHILDREN, Ca-la, c'est difficile : L'exploitation du travail des enfants en Côte d'Ivoire, Abidjan, 2009, 84 p.

1566 Ministère délégué à la famille, Les manquements à l'obligation scolaire, rapport Luc MACHARD, janvier 2003, 169p.

1567 JACQUEMIN (M.), « Travail domestique et travail des enfants, le cas d'Abidjan (Côte-d'Ivoire) ». In: Tiers-Monde, tome 43, n°170, 2002. Femmes en domesticité. Les domestiques du Sud, au Nord et au Sud. pp. 307-326 ; ANTOINE(P.) et GUILLAUME (A.), Une expression de la solidarité familiale à Abidjan : enfants du couple et enfants confiés, Les familles d'aujourd'hui (Colloque international de Genève, 17-20 septembre 1984), Paris, orstom, 1984 13 p. ; BICE, Les petites bonnes à Abidjan. Travail ou exploitation ?, Abidjan, BICE Côte-d'Ivoire, 1998, 168 p.

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Dans le secteur minier d'exploitation artisanale, la main d'oeuvre enfantine semble plus appropriée pour des raisons socio-culturelles. L'enfant est perçu comme présentant une virginité capable de capter le trésor (diamant, or) enfoui dans les profondeurs du sol, argileux et parfois en dessous des roches1568. Dans le secteur agricole, la main d'oeuvre enfantine s'accroit et tend à se substituer aux ouvriers agricoles adultes. Ainsi, dans certaines plantations de la région forestière du pays, des enfants de 7 à 17 ans répondent aux besoins exprimés par les exploitants. La demande est tellement forte que l'on recourt à une main d'oeuvre enfantine pour satisfaire aux besoins.

Le désir des enfants de migrer à la recherche d'une promotion économique et sociale est aussi donné comme un facteur explicatif de la traite et du travail des enfants1569. Les enfants qui sont dans l'oisiveté et l'inactivité recherchent une promotion économique et sociale. D'où leur désir de migrer de la zone rurale vers la ville pour un meilleur être, à la recherche de sources de revenus. Le désir de l'enfant de migrer correspond parfois aux projets des parents. Ainsi, les jeunes filles migrent en zone urbaine, notamment à Abidjan en vue de préparer leur mariage, et parfois à la recherche de moyens financiers pour subvenir à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants ou petits frères restés au village ou l'accompagnant. Le travail est perçu comme un moyen d'ascension sociale. La prestation du jeune travailleur a pour contrepartie une rémunération, qui constituera une épargne capitale pour la réalisation de certains projets, dont l'aide à la famille. Chez les enfants migrants étrangers, le travail en Côte d'Ivoire est envisagé comme une source de revenus suffisants pour satisfaire certains besoins parfois personnels : achat d'un vélo, de tenues vestimentaires et de jouets. Le travail précoce et la migration des enfants répondent ainsi à des aspirations économiques et sociales1570.

Malheureusement, les enfants travailleurs sont ignorants des risques du travail précoce et des conditions de travail. Cette ignorance s'explique par leur jeune âge et leur faible niveau d'instruction. Au moment du recrutement ou du placement, les risques du travail ne sont pas

1568 KIHANGI KYAMWAMI (P.), Travail des enfants dans le site minier d'exploitation artisanale de Bisie en territoire de Walikale. Une crise oubliée en République Démocratique du Congo, Anvers, Aout 2013, p.22. 1569 DIALLO (Y.), Les déterminants du travail des enfants en Côte d'Ivoire, Document de travail n°5 Université Montesquieu-Bordeaux IV, France, 2002, 16 p.

1570 JACQUEMIN (M.), De jeunes travailleuses migrantes si (in) visibles: les «petites domestiques» d'Afrique de l'Ouest, perspectives comparatives à partir de l'exemple des fillettes et jeunes filles au travail à Abidjan, Centre d'études africaines, Paris, 2009, 33 p.

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expliqués aux enfants. Et parfois, le ferme désir de travailler ne permet pas d'appréhender les risques inhérents au travail sollicité. Se pose aussi la question de leur maturité. Tout ceci participe de la persistance du phénomène du travail des enfants à l'instar des facteurs sous-jacents ponctués entre autres, par le faible niveau de vie des familles et la prolifération des agences de placement.

2. Les causes sous-jacentes de la persistance du travail des enfants

Au nombre des facteurs sous-jacents, figurent le faible niveau de vie des familles d'origine, la prolifération des agences de placement et d'intermédiaires occasionnels, le statut social des enfants dans la société traditionnelle et les réseaux de solidarité et les pratiques discriminatoires fondées sur le sexe. Tous ces facteurs contribuent à pérenniser la pratique du travail des enfants.

Le faible niveau de vie des familles d'origine figure en première ligne de ce catalogue d'arguments. Si certains enfants s'occupent à exercer un métier pour leur survie, d'autres sont placés en situation de travail pour des raisons de profit. Les enfants en situation de travail ou de trafic sont issus de familles pauvres. C'est la pauvreté1571 des parents qui conduit les enfants au travail. Et le niveau élevé de pauvreté des parents est source de motivation pour certains enfants qui les conduit au travail précoce. La plupart des enfants domestiques sont issus de ménages vivant en zone rurale ou en zone urbaine pauvre ou périphérique. Dans ces familles d'origine, la plupart des parents sont sans emploi. Quant aux familles en zone rurale, le père est planteur ou cultivateur et la mère est ménagère. Les milieux de résidence d'origine des parents se caractérisent par un faible accès aux services sociaux de base. A cela s'ajoute, l'insuffisance et l'inégale répartition des infrastructures éducatives et sanitaires. Cette situation encourage la mobilité1572 des enfants vers la ville,

1571 LACHAUD (J.P.), Le travail des enfants et la pauvreté en Afrique : Un réexamen appliqué au Burkina Faso, disponible sur www.ged.u-bordeaux4.fr/ceddt96.pdf (consulté le 20/11/2016); DIALLO (Y.), « Les déterminants du travail des enfants en Côte d'Ivoire », Journal of economic literature, I2, I3, J2, J4. ; DIALLO (Y.). « Les déterminants du travail des enfants en Côte d'Ivoire. », Journal of economic literature, I2, I3, J2, J4, Grootaert, C. 1998. «Child labor in Cote d'Ivoire», in Grootaert C. And Patrinos A.P. (eds), The policy of child labor: A comparative study, New York: ST. Martin Press.

1572 UNICEF, Quelle protection pour les enfants concernés par la mobilité en Afrique de l'Ouest ? Nos positions et recommandations. Rapport régional de synthèse-Projet « Mobilités »-Projet régional commun d'étude sur les mobilités des enfants et des jeunes en Afrique de l'Ouest et du centre, 83p. disponible sur www.unicef.org/wcaro/french/Rapport_FR-web.pdf (consulté le 20/11/2016).

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dans l'espoir de trouver un cadre plus propice à leur épanouissement, en échange de leur force de travail.

Le niveau d'éducation des parents est un autre facteur favorisant la précocité dans le travail et la mobilité des enfants. L'ensemble des études menées sur la question relève que les parents des enfants placés en domesticité ou dans d'autres secteurs informels, sont analphabètes. Tous ces facteurs placent l'enfant dans une situation de vulnérabilité permanente qui devient une proie facile pour les placeurs d'enfant comme en témoigne la prolifération des agences de placement1573 et d'intermédiaires occasionnels

Pour répondre à la forte demande de main d'oeuvre enfantine, certaines personnes fournissent des prestations en contrepartie d'une commission conséquente. Cet intermédiaire peut être soit un parent qui prétend rendre service de façon occasionnelle ou un véritable professionnel qui exerce dans une structure de placement et de recrutement. Ce dernier est chargé de recruter les enfants dans leurs villages et les placer auprès d'un employeur ou d'une famille d'accueil. L'intermédiaire qui recrute dans les lieux de résidence des enfants est souvent une femme vivant en zone urbaine, qui apparait comme un modèle de réussite, parfois une ancienne domestique, faisant jouer les relations familiales et communautaires. Elle agit la plupart du temps, à la demande des parents.

En zone urbaine, le marché du placement est dominé par des agences informelles. Ces agences ont pignon sur rue et alimentent les ménages, les maquis1574 et restaurants en main d'oeuvre domestique infantile. Nombreux sont les employeurs qui ont recours à ces agences pour satisfaire leur besoin en domestiques ou petites bonnes ainsi qu'à des parents qui sont à la recherche d'une activité salariée pour leurs enfants1575. Pour la seule ville d'Abidjan, on dénombre une centaine d'agences de placement d'enfants, lesquelles agences sont pour la plupart informelles et clandestines1576. Ces agences travaillant dans l'illégalité occupent des espaces bien connus. On les appelle communément « marché noir » ou « marché kunta

1573 ROLLET (C.), « Les placements d'enfants : historique et enjeux. » In Revue Quart Monde, 2001, 178, pp.9-13.

1574 Ce terme désigne les bars en Côte d'Ivoire.

1575 JACQUEMIN (M.), Travail domestique et travail des enfants, le cas d'Abidjan (Côte d'Ivoire). In : Tiers-Monde, tome 43, n°170, 2002, pp.314-315.

1576 Pourtant, en Côte d'Ivoire, l'ouverture et l'exploitation d'un bureau de placement payant est soumis à un agrément, Décret n°96-193 du 7 mars 1996 relatif aux bureaux de placement payant.

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kinté1577 ». Chaque agence peut placer entre 20 à 30 petites bonnes par jour selon des informations recueillies durant nos enquêtes de terrain. Ce dynamisme des agences de placement montre l'ampleur du phénomène de trafic ou de traite d'enfants à des fins d'exploitation de leur travail. Le placement des enfants victimes de trafic ou de traite obéit aux mêmes règles. Ici, le recrutement se fait dans le pays d'origine de l'enfant par des ressortissants du pays. Les intermédiaires travaillent en professionnels exerçant en collaboration avec des transporteurs et des pisteurs1578.

Le statut social des enfants dans la société traditionnelle et les réseaux de solidarité fournissent aussi des éclairages à la compréhension à la prégnance de cette pratique.

En Afrique, le travail des enfants et les pratiques solidaires apparaissent comme deux réalités sociologiques intimement liées. En effet, dans la société ivoirienne traditionnelle, le travail est considéré comme une ressource pédagogique. L'enfant apprend les règles du métier et les techniques culturales et agricoles, les règles sociales auprès de son père ou de sa mère. La socialisation de l'enfant par le travail productif est donc une nécessité sociale qui tend aujourd'hui vers une exploitation. En outre, la mobilité infantile participe aux réseaux de solidarité et d'entraide ainsi qu'au renforcement des liens de parenté. Dès leur jeune âge, les enfants sont confiés au lignage, à un parent, pour son éducation, sa socialisation. Cette pratique de confier les enfants a favorisé le trafic ou la traite d'enfants. C'est ainsi que dans le cas du travail interne, le recruteur d'enfants est un membre de la communauté villageoise ; ce qui instaure auprès des parents de l'enfant des relations de confiance et de reconnaissance. Les trafiquants d'enfants abusent de la naïveté et de la pauvreté des familles pour recruter leurs enfants et les placer dans les réseaux internes et internationaux de trafic ou de traite d'enfants.

1577 Cette expression « KINTA KUNTE » n'est pas fortuite ; Il évoque l'histoire d'un personnage de fiction, héros du roman Racines d'Alex Haley et des films télévisés dénommés « RACINES ». Dans ce film, KUNTA KINTE d'origine mandingue fut capturé et amené loin de sa terre natale à Annapolis où il fut vendu à un planteur en Virginie.

1578 BICE, Les petites bonnes à Abidjan. Travail ou exploitation ?, Abidjan, BICE, Côte d'Ivoire, 1998, 168p. ; DIOP (R.), Secteur informel et exploitation du travail des enfants : une étude de deux réseaux pourvoyeurs d'enfants loués à Abidjan, Abidjan, Université d'Abidjan, Département de sociologie, mémoire de maitrise, 1987, 99p.

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Par ailleurs, les pratiques discriminatoires fondées sur le sexe1579 justifient aussi le travail des enfants, notamment de sexe féminin. Dans certaines régions de la Côte d'Ivoire (Nord et Nord-Est), les pratiques éducatives sont basées sur la discrimination à l'égard de la fillette1580. Les enfants sont au centre de stratégies familiales qui privilégient le jeune garçon par rapport à la jeune fille. C'est ainsi que les jeunes filles qui n'ont pas accès à l'éducation sont promises au mariage ou au travail domestique. Non-scolarisés, elles sont prédestinées aux métiers manuels, très peu rémunérés. Dans ces situations, le choix des parents est déterminant pour l'avenir de l'enfant, particulièrement, la petite fille.

Au-delà des facteurs sus-évoqués, des facteurs de nature structurelle apparaissent comme une clé de compréhension de ce triste phénomène de travail des enfants.

3. Les résistances structurelles à la lutte contre le travail des enfants

Au niveau structurel, les résistances résident au niveau du manque d'efficacité de la volonté politique et l'inadaptation ou l'inexistence d'une législation nationale spécifique qui a eu cours durant de longues années, ainsi que la surveillance insuffisante des frontières et la méconnaissance des droits de l'enfant.

Comme déjà indiqué, la Côte d'Ivoire a ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant depuis le 04 février 1991, mais elle a attendu plus de 7 ans avant d'adopter et déposer son rapport initial au comité des droits de l'enfant. La ratification de la convention n'a pas été suivie immédiatement de textes d'application. Bien qu'ayant toujours existé1581, le travail précoce et l'exploitation des enfants se sont davantage répandus parce qu'il n'y avait pas de moyens d'inspection appropriés. Les contrevenants à l'interdiction du travail des enfants n'étaient pas systématiquement sanctionnés. Le code du travail ivoirien ne réglementait pas le travail des enfants dans le secteur informel ou parallèle qui occupait la plupart des enfants concernés. En outre, le trafic ou la traite d'enfants est une nouvelle criminalité qui longtemps

1579 Rapport de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère français des affaires étrangères, Les violences de genre en milieu scolaire d'Afrique subsaharienne francophone, 2012, 28p. ; MBASSA MENICK (D.), « Les abus sexuels en milieu scolaire au Cameroun : résultats d'une recherche-action à Yaoundé » In. Médecine tropicale, n° 62-1, p. 58-62, 2002.

1580 Note de situation de la Fédération internationale des associations des droits de l'homme, Naitre fille, c'est surmonter beaucoup d'obstacles, 7 mars 2016, 8 p.

1581 http://www.archives18.fr/article.php?laref=482

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n'a pas été réprimée en tant qu'infraction spécifique. En un mot, cela traduisait le manque d'efficacité de la volonté politique et l'inadaptation ou l'inexistence d'une législation nationale spécifique qui a eu cours durant des années. Cette situation encourageait les trafiquants et exploiteurs d'enfants qui se constituaient en réseaux.

De surcroît, la surveillance insuffisante des frontières1582 encourage encore aujourd'hui la persistance de ce phénomène. Le trafic transfrontalier d'enfants est favorisé par la tradition de migration des travailleurs saisonniers1583 ou agricoles1584 en Côte d'Ivoire. La perméabilité des frontières a permis aux trafiquants de développer des réseaux de placement d'enfants. Les enfants victimes de trafic sont envoyés sur le territoire avec la complicité ou le laxisme de certains agents chargés de veiller sur la sécurité aux frontières1585.

La méconnaissance des droits de l'enfant par les placeurs d'enfants et les employeurs expliquent aussi en partie la pratique. En effet, ceux-ci ignorent, pour la plupart encore, que le travail précoce des enfants est contraire au bien-être de l'enfant et constitue une violation de leurs droits fondamentaux1586. La majorité des agences de placement et les parents ignorent que l'âge minimum d'admission à l'emploi est fixé à quinze (15) ans et que le placement est prohibé dans certains lieux1587. Et lorsque les droits de l'enfant sont connus des différents acteurs, ils sont inappliqués. Il n'y a donc pas un programme efficace de vulgarisation des dispositions de la CIDE et des autres normes pertinentes de protection des droits de l'enfant à l'intention de cette catégorie de personnes.

1582 GU KONU (E.), Les frontières en Afrique de l'ouest, sources et lieux d'information in Hommes et Migrations, n°1160, décembre 1992, p.24.

1583 OIM, Migration en Côte d'Ivoire-Profil National , 2009, 114p. ; FALL (P.D.), « Travailler en circulant. La circulation en Afrique de l'Ouest et de l'Afrique de l'Ouest à l'Afrique du Sud », In. Migrations-Société 18 (107), 2006 : pp.233-251.

1584 DIALLO (Y.), Les enfants et leur participation au marché du travail en Côte d'Ivoire, Thèse de Doctorat ès Sciences économiques, Université Montesquieu Bordeaux IV, 355p.

1585 Les forces de l'ordre ivoirienne ont récemment mis fin aux activités peu recommandable d'un trafiquant d'enfants. En effet, Yacoub BARI de nationalité togolaise a été mis aux arrêts, le jeudi 12 juin 2016 à Noé (Villé Frontalière entre la Côte d'Ivoire et le Ghana) par la police des Frontières. Ce trafiquant en compagnie de six enfants (3 filles et 3 garçons) dont l'âge varie de 4 à 16 ans en provenance de Boaré dans la sous-préfecture de Dapaong au Togo. Après son arrestation, Yacoub BARI a été déféré au Tribunal d'Aboisso où il a été condamné à une peine d'emprisonnement de douze (12) mois et à payer une amende de cent mille Francs (100.000 Fcfa). Les enfants ont été quant à eux, mis à la Maison d'accueil Padre Pio de Yaou à Bonoua avant leur retour dans leur pays d'origine.

1586 PECES (G.)- MARTINEZ (B.), Théorie générale des droits fondamentaux, Série droit, LGDJ, 2004, pp.34-36.

1587 Débit de boisson, restaurants, sites miniers et aurifères.

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Cela dit, il importe d'analyser à présent, les résistances tenant à la persistance des sévices et exploitations sexuels des enfants.

B. LES RESISTANCES TENANT A LA PERSISTANCE DES SEVICES ET EXPLOITATIONS SEXUELS

Outre les mauvaises conditions de vie et une sexualité précoce non maitrisée (1), seront examinés les dysfonctionnements familiaux, le travail des jeunes filles en domesticité, l'influence du milieu de vie (2), et d'autres fortes résistances d'ordre structurel (3).

1. Les mauvaises conditions de vie et une sexualité précoce et non maitrisée

On le sait : Les enfants vivant dans des conditions difficiles sont plus exposés aux sévices et abus sexuels. La plupart des parents d'enfants victimes de prostitution vivent dans des conditions de précarité, de misère et parfois des situations d'extrême pauvreté. La prostitution des filles constitue un moyen pour améliorer leurs conditions de vie. Dans cette stratégie de lutte pour la survie, les enfants n'ont pas assez de ressources physiques et morales pour résister à la pression familiale ou du milieu et ils sont poussés, sinon, livrés à la prostitution dès leur puberté. Aussi, certains parents ne se soucient pas de la provenance de l'argent rapporté à la maison par les enfants, du commerce sexuel ou même les encouragent à cette pratique1588.

Une sexualité précoce1589 et non maitrisée est un autre facteur déterminant de l'exploitation sexuelle des enfants. De plus en plus, de jeunes filles atteignent la puberté1590 très tôt. La précocité de l'âge de la puberté à 10 ou 12 ans place les jeunes filles dans une situation de besoins physiques. Dans ces circonstances, elles prennent conscience des potentialités qu'offrent leur corps et le commerce du sexe en découlant pour pouvoir sortir de la pauvreté. Les rapports sexuels précoces et non maitrisés moyennant finances, placent les enfants dans une situation de dépendance dont profitent les clients et les réseaux de

1588 KOUTOUAN (N.C.), Etude sur la prostitution enfantine et les réseaux de traite dans les communes de Yopougon et d'Adjamé, GTZ, 2007, p.30.

1589 BOISLARD PEPIN (M.A.), Précocité sexuelle et comportements sexuels à risque à l'adolescence : étude longitudinale des facteurs individuels, familiaux, dans le groupe d'amis et contextuels associés, Thèse de doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal, Février 2010, 249p.

1590 PIENKOWSKI (C.) et GRANDJEAN (S.), La puberté avant l'âge in Nouveaux aspects, juillet 2009, 42 p.

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prostitution enfantine. Par ailleurs, les dysfonctionnements familiaux et le travail des jeunes filles en domesticité expliquent aussi la persistance des sévices et exploitations sexuels des enfants.

2. Les dysfonctionnements familiaux et le travail domestique des enfants

Les dysfonctionnements familiaux et le travail domestique des enfants constituent inévitablement des terreaux fertiles à leur exploitation économique et sexuelle.

La dislocation de la cellule familiale place les enfants dans une situation de vulnérabilité certaine. N'ayant pas le soutien et l'attention d'une famille unie et solidaire, les enfants notamment, les jeunes filles sont des victimes désignées d'abus sexuels et d'exploitation sexuelle. En effet, il arrive que le père abandonne sa famille laissant la mère avec plusieurs enfants à nourrir, soigner et sans protection. Les enfants issus d'un tel cercle familial sont plus exposés car fragiles et extrêmement vulnérables.

Le travail domestique des enfants est parfois un paravent à l'exploitation sexuelle. Les jeunes filles employées de domiciles privés, de restaurants ou débits de boissons sont plus exposées aux abus sexuels de la part des hommes, de la famille ou des clients de l'exploitation commerciale. Selon le Bureau International Catholique pour l'Enfance (BICE), la plupart des filles employées de maison a essuyé les avances sexuelles du patron ou ont été victimes d'abus sexuels et de viol, parfois collectif. Il arrive parfois que sous le couvert du travail domestique, certaines filles se livrent à la prostitution occasionnelle ou informelle pour augmenter leur revenu, si elles ne sont pas initiées par leur employeur qui en tire un profit économique certain.

Outre cela, des facteurs d'ordre structurel justifient l'exploitation sexuelle des enfants.

3. Les résistances d'ordre structurel

Pour être nombreuses, ces résistances se rapportent essentiellement au manque d'efficacité de la répression, l'effondrement des valeurs traditionnelles, les unions précoces et forcées et le développement des réseaux.

S'agissant du manque d'efficacité de la répression, il est à noter que les enfants victimes de sévices ou d'abus sexuels éprouvent une gêne à dénoncer les auteurs. Et lorsque les

auteurs sont dénoncés, on observe une réticence des autorités de police à identifier les coupables et à les poursuivre en justice. En tout état de cause, le système de répression pénale n'est pas efficace car les faits de viol sont souvent ignorés ou disqualifiés et les auteurs ne sont pas sévèrement sanctionnés. La crainte de représailles finit par convaincre les enfants victimes à abandonner toute poursuite.

Quant à l'effondrement des valeurs traditionnelles1591, on constate malheureusement que les normes de bon comportement et les mécanismes traditionnels d'encadrement de la société (sanctions sociales) s'effondrent. L'on assiste à une dépravation des moeurs1592 et l'incitation délibéré des jeunes à la débauche1593. Cette situation est favorisée par certaines croyances qui véhiculent l'idée de richesse et de puissance grâce aux rapports sexuels avec un enfant. La banalisation des valeurs morales et l'abandon des règles de protection des enfants font de ces derniers, des objets de plaisirs sexuels.

Quant au développement des réseaux, dans le cas de la prostitution enfantine et de la pédophilie, la demande s'organise en cercles fermés et réseaux. Le proxénétisme1594 se développe et de plus en plus de jeunes couvrent cette demande croissante. Cette situation est due au manque de volonté politique pour aborder de front ce problème. L'indifférence ou la complicité de la police et la puissance des instigateurs ont contribué à l'organisation du milieu et l'expression du marché du sexe impliquant les enfants.

En sus, dans la plupart des communautés, le mariage précoce des filles est un projet social de premier ordre. Dès l'enfance, la jeune fille est proposée en mariage et elle doit rejoindre son partenaire, même si elle n'a pas achevé son développement physique ou même si elle s'y oppose. C'est donc ce corps frêle qui doit subir des rapports sexuels inopportuns. Le traumatisme causé à la jeune fille aura des conséquences sur sa santé physique et son bien-

1591 ACHEBE (C.), Le monde s'effondre, Editions Présence Africaine, juillet 2000, 250 p.

1592 KOUTOU (N. C.), DOUABELE (A.-C.), KOFFI (A. P.), KANON (G. L.), ETTIEN (A.M.), Crises et violence en milieu universitaire ivoirien : impact sur les valeurs de l'Université, 2007, 28 p.

1593 UNICEF, Exploitation et abus sexuels des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre : Evolution de la situation, progrès accomplis et défis à surmonter depuis le Congrès de Yokohama (2001) et la Conférence Arabo-Africaine de Rabat (2004), novembre 2008, 71 p.

1594 MARON (M.), C'est la prostituée qui fait le proxénète, Dr. pén. 1990, n°2, chron. 1. ; PRADEL (J.) et DANTI-JUAN (M.), Droit pénal spécial, 4ème édition 2007/2008, Cujas, n°772 ;

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être psychologique. Les unions coutumières ou religieuses précoces cachent les souffrances des enfants1595.

Une autre forme de résistances qui ne peut être passée sous silence a trait à celles relatives aux enfants en conflit avec la loi et ceux en situation d'urgence.

§ 3. LES CAUSES DE LA PERSISTANCE DU PHENOMENE DES ENFANTS EN CONFLIT AVEC LA LOI OU DES ATTEINTES AUX DROITS DES ENFANTS EN PERIODE DE CONFLIT ARME

Seront successivement analysées, les résistances tenant à la persistance du phénomène des enfants en conflit avec la loi (A) puis celles tenant aux graves atteintes aux droits de l'enfant en période de conflit armé (B).

A. LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA PERSISTANCE DU PHENOMENE DES ENFANTS EN CONFLIT AVEC LA LOI

Après avoir abordé les résistances immédiates (1), nous examinerons les résistances lointaines(2) qui expliquent la situation des enfants en conflit avec loi.

1. Les facteurs immédiats

La dislocation de la cellule familiale et les carences éducatives, le développement de la délinquance juvénile, l'influence du groupe et l'ignorance des risques constituent autant de causes directes qui font perdurer le phénomène des enfants en conflit avec la loi.

S'agissant de la dislocation de la cellule familiale et des carences éducatives, notons que la famille est le milieu naturel dans lequel se forme la personnalité de l'enfant1596. La dislocation du tissu familial par l'éclatement ou l'éloignement du couple, la perturbation du cercle familial par l'arrivée d'un nouveau conjoint sont de nature à déséquilibrer l'enfant qui cherche des repères sociaux. Dans ce cas, les carences éducatives qui s'observent chez les enfants en danger moral sont des facteurs aggravant de la déviance et de la délinquance juvénile. Ainsi, le processus de socialisation de l'enfant est interrompu et l'enfant qui

1595 Centre de développement de l'OCDE, « Examen du bien-être et des politiques de la jeunesse en Côte d'Ivoire », Projet OCDE-UE Inclusion des jeunes, Paris 2017, pp.108-109.

1596 KARBOWNICZEK (J.), La famille et la créativité de l'enfant à l'âge préscolaire Synergies Pays riverains du Mékong n°1-2010, p.196.

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traverse sa crise d'adolescence est le plus porté sur la facilité et le passage à l'acte délictuel. Selon les données recueillies au CREA, alors que certains pensionnaires sont non scolarisés, d'autres sont d'un niveau primaire et peu d'entre eux ont un niveau secondaire. C'est dire que si l'ignorance et l'analphabétisme1597 sont l'une des causes de la délinquance, l'échec scolaire et l'exclusion sont des facteurs déterminants dans la marginalité1598 des jeunes. L'éclatement de la famille contribue à la déviance1599 des jeunes. Il ressort de nos entretiens que la plupart de ces enfants provient de famille désunie ; d'autres sont des orphelins. Ce qui les place dans une situation de précarité, d'oisiveté et d'exclusion sociale propice à la délinquance.

La délinquance juvénile1600 est un phénomène social qui tend à se développer ces dernières années. Elle se manifeste en milieu urbain, compte tenu des mouvements migratoires et des concentrations de population dans les villes. Les mineurs délinquants commettent des délits de subsistance, des larcins pour leur survie. Ils enfreignent la loi pour couvrir des besoins vitaux pressants : l'alimentation, l'habillement, les soins primaires1601... Les attaques contre les biens d'autrui prédominent et se caractérisent par des délits de vol1602,

1597 SEURAT (A.), Contexte d'alphabétisation dans le contexte africain, thèse, Université de Bourgogne, 2012, 255 p. ; FINK (C.), L'éducation des femmes et le d ìdéveloppement en Afrique subsaharienne, Economies and finances, 2011, p. 51.

1598 IRITIE (N.D.), Echec scolaire et devenir comportemental des adolescentes vivant dans les quartiers précaires à Abidjan : Le cas de YAHOSEI dans la commune de Yopougon, Mémoire de maitrise criminologie 2005 Université de Cocody-UFR de criminologie, 2005, 90p. ; VULTUR (M.), « Les jeunes qui abandonnent les études secondaires ou collégiales : rapport à l'école et aux programmes d'aide à l'insertion socioprofessionnelle », Revue des sciences de l'éducation, vol.35, n°1, pp.55-67 ; VULTUR (M.), « Aux marges de l'insertion sociale et professionnelle »In. Nouvelles pratiques sociales, vol 17, n°2, 95-108.

1599 SICOT (F.), « Conflits de culture et déviance des jeunes de banlieue », Revue européenne des migrations internationales, vol.23-n°2, octobre 2010, pp.29-56 ; BRION (F.), TULKENS (F.) « Conflit de culture et délinquance. Interroger l'évidence », Déviance et société, vol.22, n°3, pp.235-262.

1600 Ministère de la Justice, « Justice, Délinquance des enfants et des adolescents. Etat des connaissances Actes de la journée du 2 février 2015 » In. Justice des enfants §des adolescents quel projet pour notre société ?, Mai 2015, 165p.

1601 Article 104 code pénal ivoirien « Il n'y a pas d'infraction lorsque les faits sont commis pour préserver d'un danger grave et imminent la vie, l'intégrité corporelle, la liberté ou le patrimoine de l'auteur de l'acte ou d'un tiers, et à la condition que le danger ne puisse être écarté autrement et que l'auteur use de moyens proportionnés aux circonstances. ».

1602 Art. 392 et suivants du code pénal ivoirien « Quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol ». ; Vol simple : Art. 393 du CP ; vol aggravé : art. 394 du CP).

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les abus de confiance1603, l'escroquerie1604 et la grivèlerie1605 Les atteintes contre l'intégrité physique d'autrui (agressions, coups et blessures volontaires, abus sexuels) représentent aussi un pourcentage non négligeable des cas. La détention et la consommation des stupéfiants (drogues) sont reprochées à une quantité d'enfants non négligeable. Le sentiment d'insécurité qui est ressenti par la population a suscité des réactions sociales qui se traduisent par l'emprisonnement des enfants qui ont enfreint la loi1606.

L'influence du groupe et l'ignorance des risques exposent les enfants à la commission d'infractions. Les enfants en conflit avec la loi sont entrainés par leur groupe d'âge, par les mauvaises fréquentations. Par l'effet de groupe, ils participent à des actes délictuels avec des jeunes plus âgés et se retrouvent seuls face aux autorités répressives. Les frustrations accumulées par l'enfant en famille et les conditions difficiles d'existence peuvent amener les enfants à trouver réconfort au sein d'un groupe ou d'une bande. Les nouvelles valeurs développées par le groupe sont une référence pour lui. Ainsi, les enfants sont influencés par leur milieu de vie et de fréquentation et ils ignorent les risques réels des actes délictuels qu'ils sont amenés à poser. Les enfants en danger moral développent de nouvelles valeurs qui sont parfois à l'opposé des normes ou règles de conduite admises en société.

A ce type de résistances, des causes lointaines expliquent également la pérennisation des enfants en conflit avec la loi.

2. Les causes lointaines de la pérennisation des enfants en conflit avec la loi

Elles sont liées à la pauvreté des ménages et des conditions de vie des enfants, à l'attitude de réprobation de la communauté à l'égard des enfants en conflit avec la loi.

Deux enfants sur trois privés de liberté sont issus de familles démunies, dans lesquelles l'un ou les deux parents sont au chômage. Ainsi, le revenu du foyer ne permet pas de subvenir aux besoins de toute la famille. Les enfants en conflit avec la loi sortent souvent

1603 Art. 401 du CP ivoirien.

1604 Art. 403 et suivants du Code pénal ivoirien.

1605 Art.398 du code pénal ivoirien.

1606 En Côte d'Ivoire, les mineurs dont l'âge est inférieur à 13 ans ne peuvent être condamnés à une peine d'emprisonnement ; Les juges peuvent appliquer aux mineurs de 13 à 16 ans des peines d'emprisonnement. Mais ces peines doivent être exceptionnelles. Le juge doit en principe leur préférer des mesures éducatives.

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des milieux défavorisés, vivent dans les habitats précaires. Dans ces milieux de vie, l'enfant n'a presque pas accès aux services sociaux de base.

Le mépris et l'indifférence de la communauté attise les actions des enfants candidats à la commission des infractions. Le sentiment d'insécurité suscité par les atteintes contre les personnes et leurs biens a provoqué des réactions de mépris et d'indifférence de la communauté et des parents à l'égard des enfants en conflit avec la loi. Les enfants incarcérés sont abandonnés par leur famille et sont considérés comme des bons à rien, des parias. Le manque d'attention et de visites familiales aux enfants détenus contribue à renforcer le sentiment de solitude, d'incertitude des enfants qui ont transgressé la loi. N'ayant aucun contact avec l'extérieur, les enfants ont un faible apport nutritionnel et en soins médicaux. Ils sont plus ou moins oubliés par la communauté.

B. LES CAUSES DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANT EN PERIODE DE CONFLIT ARME

Il s'agit principalement du conflit armé ivoirien et des crises successives qu'ont connues certains pays de la sous région africaine.

La région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre est gagnée par les conflits armés internes1607 qui affectent directement les populations civiles, plus particulièrement les enfants. Depuis son indépendance jusqu'aux récents évènements de 2002, la République de Côte d'Ivoire est restée un Etat de paix. C'est ainsi que les populations civiles des pays limitrophes en conflit armés ont trouvé refuge en Côte d'Ivoire. Parmi les populations déplacées, la situation des enfants non accompagnées1608 reste très préoccupante. Les populations civiles fuyant la guerre civile au Liberia ont été accueillies par les populations ivoiriennes autochtones dans les zones d'accueil (Guiglo, Danané, Tabou et Toulepleu). La guerre civile du Liberia a eu un impact considérable sur la Côte d'Ivoire, Etat voisin qui a

1607 SATCHE (B.R.), Les conflits armés internes en Afrique et le droit international, thèse de doctorat en droit, 2008, 482p. ; SCHINDLER (D.), « The different types of armed conflicts according to the Geneva Convention and protocols »In. R.C.A.D.I., 1979, volume 163.

1608 COMITE DES DROITS DE L'ENFANT, « Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d'origine », Observation générale n°6, CRC/GC/2005/6 (2005) §84. ; « Mineurs non accompagnés », in La Revue de Rabat, La lettre d'information du Dialogue Euro-Africain sur la Migration et le Développement (Processus de Rabat), n°1 Les groupes vulnérables, p.2. ; Au niveau européen, voir, NISRINE EBA NGUEMA, « La protection des mineurs migrants non accompagnés en Europe », La Revue des droits de l'Homme, 7/2005 disponible sur htpp:// revdh.revues.org/1147 (consulté le 15 décembre 2016).

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déployé des moyens supplémentaires et subi parfois la dégradation de son environnement dans les zones d'accueil. Cette situation s'est aggravée avec une décennie de crise politico-militaire qu'a vécue la Côte d'Ivoire depuis 20021609. Il nous faut donc rêver d'une Côte d'Ivoire débarrassée de tout conflit et de toute guerre, pour ensuite vouloir construire un Etat de droit propice à l'effectivité des droits. Dans la procession de cette Côte d'Ivoire nouvelle, la trêve du conflit ou de la guerre ne sera que l'annonce du droit de la paix et le triomphe du droit à la paix1610. Toutefois la paix tant recherchée doit-elle être obtenue par la guerre ? La réponse à la question semble négative. L'avènement de la paix impose une tout autre logique que celle héritée de l'adage : « si tu veux la paix prépare la guerre ». En effet, l'histoire nous enseigne que chaque fois que les canons se sont tus, les hommes ont toujours nécessairement eu recours au dialogue, à la négociation et à la médiation, seuls moyens garantissant l'accès à la cité idéale dont nous aspirons tous à être les citoyens : la société cosmopolitique1611. Si la maxima civitas1612 doit se faire pour tous les Ivoiriens, elle ne saurait se faire sans eux. L'Etat de droit procède de la volonté de respect des institutions républicaines et de restauration de la dignité humaine, par laquelle le projet de paix1613 devient réalité1614. Les Ivoiriens doivent donc rompre définitivement avec la guerre. Cette rupture devrait servir de référence pour exorciser en chaque ivoirien, notamment, tous les acteurs politiques, l'amour de la guerre en méditant ces sages paroles : « Il faut maintenant que je retourne sur mes pas, et que j'ôte à ceux qui font la guerre, presque tout ce qu'il semble que je leur aie accordé, (...) car (...), il était certainement plus honnête et plus louable, selon le sentiment des gens

1609 ACKA SOHUILY (F.), « Conflit et guerre pour la paix en Afrique : de quel droit », In. L'Afrique de l'Ouest et la tradition universelle des droits de l'homme, Editions du CERAP, colloque d'Abidjan 13, 14 et 15 mars 2006, p.163 et s.

1610 SOMMAGURA (C.), « Réflexions et convictions sur l'humanitaire d'aujourd'hui et demain » in Revue internationale de la Croix Rouge, juin 2000, Vol.82, n°837, p.295.

1611 KANT (E.), Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique(1784), trad. J.M. Muglioni, Bordas, Paris, 1981.

1612 Civitas maxima est une expression d'origine latine qui signifie « communauté internationale ». Elle renvoie aussi à une doctrine juridique qui affirme que tous les êtres humains en tant que membres de la communauté internationale partageant un certain nombre de valeurs et s'entendent sur le fait que les violations les plus graves commises à l'encontre de ces valeurs appellent une réponse équitable et vigoureuse, sans peur ni faveur pour aucun. Cette doctrine considère qu'il existe un intérêt individuel et que cet intérêt commun doit les amener à faire en sorte que les crimes les plus graves ne restent pas impunis.

1613 KANT(E.), Projet de paix perpétuelle (1795), trad. J. Gibelin, 6e éd. Vrin, Paris 1988.

1614 ACKA SOHUILY (F.), « Conflit et guerre pour la paix en Afrique : de quel droit ? » In. L'Afrique de l'Ouest et la tradition universelle des droits de l'homme, Editions du CERAP, colloque d'Abidjan 13, 14 et 15 mars 2006, p.163 et s.

de bien, de s'en abstenir »1615. Pour réconcilier la Côte d'Ivoire avec son humanité et la créditer de la paix qui lui est nécessaire et propice à une effectivité des droits de l'enfant, une sagesse nouvelle s'impose aux ivoiriens, intimant son ordre à la pensée et à l'action : si tu veux la paix, prépare la paix !

Les causes identifiées, une autre condition essentielle pour espérer une amélioration de l'effectivité des droits de l'enfant, consisterait à préconiser des mesures significatives face à cette crise d'effectivité.

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1615 GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, (1687), Livre III, Chapitre X, Paragraphe 1.

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Chapitre II :

LES MESURES PRECONISEES EN FAVEUR D'UNE EFFECTIVITE
AMELIOREE

Le point le plus critique des droits de l'enfant comme de tout droit de l'homme constitue à n'en point douter sa mise en oeuvre, sinon sa réalisation. Dans la réalisation des droits de l'enfant, les conditionnements d'ordre politique, pragmatique et empirique ont souvent pris le pas sur les considérations purement juridiques et positivistes. L'effectivité, la vigueur et la satisfaction d'un droit s'évaluent à l'aune des modalités, des mécanismes et des standards de sa mise en oeuvre. C'est pourquoi, eu égard aux violations constatées et ponctuées par les phénomènes de violence, abus et exploitation à l'égard des enfants, il apparait justifié de déterminer quelques modalités, sinon propositions pouvant contribuer à mieux protéger les enfants et leurs droits.

Il est évident que la résorption des problèmes liés aux droits et à la protection de l'enfant, relève de la conjonction de diverses considérations d'ordre juridique, sociologique, politique, économique, anthropologique et autres. Cela ressort de la nature multidimensionnelle même des droits de l'enfant, en tant que droit de l'homme. Une meilleure protection de l'enfant devant aboutir à une effectivité optimale des droits à lui reconnus, sera le résultat d'un ensemble de politiques sociales efficaces. En effet, la prise en compte des facteurs structurels et subjacents qui contribuent au phénomène de la violence à l'égard des enfants et de violations de leurs droits commande que des solutions spécifiques à chaque forme de résistance puissent être suggérées. Une telle entreprise apparaitrait comme une véritable gageure. Des politiques éducatives, de santé publique, de sécurité et de justice, de lutte contre la pauvreté sont autant d'éléments qui contribueront de manière indirecte mais fondamentale à l'atteinte d'une effectivité optimale. Non sans les négliger, nous proposerons des solutions de nature transversale qui nous semblent être à même de contribuer à réduire significativement le déficit d'effectivité des droits de l'enfant. Ces propositions viseront à donner un véritable coup d'accélérateur aux engagements pris lors de la ratification des Conventions internationales pertinentes relatives aux droits de l'enfant ; mieux elles devraient pouvoir contribuer à assurer la réalisation pleine, sinon, optimale des droits de l'enfant et permettre que celui-ci soit protégé contre toute forme de violences, abus et exploitation. Il apparait donc impérieux de renforcer le système national de mise en oeuvre

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des droits de l'enfant, entendu comme l'ensemble des dispositifs juridiques règlementaires et administratifs de prévention et de réponse à la violence et aux violations de droits affectant les enfants. Pour ce faire, nous reprenons les propositions formulées par l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfant en Côte d'Ivoire et qui sont contenus dans un document1616. En effet, la pertinence des mesures proposées par ces acteurs à l'issue de nombreuses consultations menées durant la période d'octobre 2010 à mai 2012, a permis d'imprimer à ces propositions une meilleure qualité grâce à la contribution de nombreux experts, des communautés, des Ongs, des représentants des institutions étatiques , des institutions spécialisées de l'Onu... Mieux, par cela seul que ce processus consultatif a permis d'approfondir la pratique de la participation démocratique et de progresser dans la modernisation de la gestion des affaires publiques au service de la protection de l'enfant, les propositions en résultant méritent notre pleine adhésion. Aussi, convaincu de l'importance de ces mesures et de leur capacité à contribuer à une meilleure effectivité des droits de l'enfant, nous pensons que les pouvoirs publics gagneraient à se l'approprier et les implémenter pour un mieux-être des enfants en Côte d'Ivoire.

Pour y arriver, trois actions importantes méritent d'être mis en oeuvre : une réforme profonde de la stratégie de prise en charge des enfants (Section 1), une plus grande priorité à donner aux actions de prévention des atteintes aux droits de l'enfant (Section 2) et un renforcement bénéfique des mesures d'assistance aux enfants victimes (Section 3).

1616 REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE, Politique nationale de protection de l'enfant, version préliminaire, 17 octobre 2012, inédit, 56p.

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SECTION I. UNE REFORME PROFONDE DE LA STRATEGIE DE PRISE EN CHARGE DES ENFANTS

Cela passe d'une part, par une adaptation du cadre juridique et fonctionnel (Paragraphe 1) ; d'autre part, par l'utilité d'une nouvelle coordination et d'une meilleure mobilisation des financements (Paragraphe 2).

§ 1. UNE ADAPTATION NECESSAIRE DU CADRE JURIDIQUE ET FONCTIONNEL

Pour être nécessaire, le renforcement du cadre juridique (A) devrait être accompagné d'un fonctionnement institutionnel plus efficace (B).

A. UN CADRE JURIDIQUE PLUS RENFORCE

La Côte d'Ivoire se doit de redynamiser son arsenal juridique de protection des enfants. Au regard du nombre des conventions internationales protectrices des droits de l'enfant et des droits de l'homme auxquelles la Côte d'Ivoire est partie, on peut affirmer que le problème de la réalisation ne réside pas véritablement aujourd'hui au niveau du défaut de ratifications. Toutefois, à côté des instruments à caractère contraignant, les Nations Unies ont, dans le cadre de la justice pour mineurs élaboré un ensemble de règles qui, même si elles n'ont pas de caractère contraignant, forment un tout solide et cohérent, allant de la prévention de la délinquance des mineurs, aux règles relatives à l'organisation de la justice jusqu'aux conditions de l'exécution des sanctions privatives de liberté. Il s'agit : des règles de Beijing1617, des règles de Riyad1618 et celles de la Havane1619. La prise en compte de ces règles par la Côte d'Ivoire pourrait influencer positivement le traitement des enfants dans le cadre de la justice pour mineurs.

1617 VAN BUEREN (G.) et TOOTELL (A-M), Règles Minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs-Règles de Beijing, in Défense des Enfants International, normes internationales relatives aux droits de l'enfant, 1995, Tome 4 p.1.

1618 CAPPELAERE (G.), Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile-Principes directeurs de Riyad, in Défense des Enfants International, normes relatives aux droits de l'enfant, Tome 2, p.3.

1619 VAN BUEREN (G.), Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, in Défense des Enfants International, normes relatives aux droits de l'enfant, Tome3 , 1995, p.3

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Bien qu'en soi, ces règles se présentent sous la forme d'une recommandation n'ayant pas de caractère contraignant, nombre d'entre elles le sont devenues en vertu de leur intégration dans le droit des traités. Par ailleurs, elles reprennent plus en détail les principes fondamentaux sur lesquels repose la Convention sur les droits de l'enfant de 1989. Pour être des règles servant de cadre internationalement accepté, leur prise en compte, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, par tout État moderne contribuerait inéluctablement à contrer les effets nocifs de la privation de liberté en garantissant le respect des droits de l'enfant.

L'obligation de respecter et l'obligation de garantir, certains traités de droits de l'homme imposent à l'Etat une obligation de mise en conformité du droit interne avec les engagements internationaux1620. Cela implique entre autres, l'adoption, l'amendement ou l'abrogation de lois nécessaires à cette mise en oeuvre effective des droits de l'homme dans l'ordre interne. Les environnements légal et réglementaire doivent faire l'objet d'un véritable toilettage, du moins, d'une révision approfondie et progressive. Mieux, comme l'indique Jean Jacques ROUSSEAU, « un peuple est toujours maître de changer ses lois, même les meilleures »1621 afin de mieux s'adapter aux réalités actuelles. Au regard des atteintes et facteurs explicatifs de l'occurrence de certaines atteintes aux droits de l'enfant, il importe d'opérer une totale mise en conformité du cadre légal (1) et du cadre réglementaire (2) avec les normes et standards internationaux.

1. La mise en conformité du cadre législatif avec les normes et standards internationaux

L'adaptation du cadre légal national avec les normes et standards internationaux1622 en matière de droits de l'enfant apparait comme une priorité au regard des engagements internationaux pris par l'Etat de Côte d'Ivoire.

1620 HENNEBEL (L.), TIGROUDJA (H.), Traité de droit international des droits de l'Homme, Editions A. Pedone, 2016, p.663.

1621 Cité par GICQUEL (J.) et GICQUEL (J-E.), Droit constitutionnel et Institutions politiques, Paris, Montchrestien, 21e édition, 2007, p.180.

1622 Le standard peut être défini comme « un type de disposition indéterminée, plutôt utilisé par le juge, dont le caractère normatif est l'objet de contestations et qui met en jeu certaines valeurs fondamentales de normalité, de moralité ou de rationalité » RIALS (S.), Le juge administratif français et la technique du standard. LGDJ,

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Au regard de la persistance des atteintes aux droits de l'enfant, il apparait urgent d'établir une législation nationale globale. Cette législation devrait pouvoir établir et préciser le statut de l'enfant dans la société, contenir des dispositions pour la protection de l'enfant, ainsi que la mise en oeuvre de tous les droits de l'enfant et intégrer les dispositions sectorielles qui soutiennent la mise en oeuvre de ces mêmes droits. Cette nouvelle législation devrait renforcer ou consolider les dispositions pertinentes actuelles et prévoir des nouveaux mécanismes juridiques de protection des droits en puisant par exemple dans la législation française, qui apparait comme une banque de données à laquelle puisent les Etats africains de tradition française. Les dispositions afférentes au droit à la protection et aux modalités de mise en oeuvre de ce droit seront contenues dans cette législation globale. A cette fin, les mesures suivantes devraient être prises :

- l'élimination par voie légale de toute forme de discrimination statutaire et successorale1623 concernant les enfants nés hors mariage1624, par la suppression du statut d'enfant adultérin1625 ;

1980, p.3 ; RIALS (S.), « Les standards, notions critiques du droit », In., PERELMAN (Ch.), R. VANDER ELST (dir.), Les notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Bruylant, 1984, p.40.

1623 En France, la loi du 3 décembre 2001, relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions du droit successoral, a abrogé les dispositions discriminatoires dont faisait l'objet « l'enfant naturel dont le père ou la mère était, au temps de la conception, engagé dans les liens du mariage » (l'enfant dit adultérin) pour consacrer la pleine et entière égalité successorale entre tous les enfants, légitimes, naturels, simples ou adultérins et l'ordonnance du 4 juillet 2005, portant réforme de la filiation, a consacré le principe d'égalité des filiations (article 310 du code civil), faisant disparaitre les notions même d'enfant légitime et d'enfant naturel. Cependant, toute distinction n'a pas disparu car l'inégalité continue à frapper les enfants incestueux ne pouvant établir leur filiation maternelle et paternelle. L'article 310-2 du code civil prohibe l'établissement d'une relation incestueuse, en cas d'inceste absolu et l'enfant dont la filiation est établie à l'égard de l'un de ses parents, ne peut établir sa filiation à l'égard de l'autre, « par quelque moyen que ce soit ». Par le biais de l'arrêt du 6 janvier 2004 ( 1re Civ., 6 janvier 2004, Bull. 2004, Bull. 2004, I, n°2, pourvoi n°01-01.600), la Cour de cassation a interdit aux parents de recourir à l'adoption pour obtenir l'établissement de ce lien de filiation. En conséquence, cet enfant est privé de droits dans la succession de l'un de ses parents ; THIERRY (J.), Doit-on accorder aux enfants adultérins les mêmes droits successoraux qu'aux enfants ?, D. 2000. Chron. 157.

1624 Voir 1re Civ., 6 janvier 2004, Bull.2004, I, n°10, pourvoi n°02-13-901 ; 1re Civ., 7 juin 2006, Bull.2006, I, n°297, pourvoi n° 04-19.176 ; 1re Civ., 14 novembre 2007, Bull.2007, I, n°360, pourvoi n°06-13.806 ; 1re Civ., 15 mai 2008, I, n°139, pourvoi n° 06-19.331). En France, la Cour de Cassation a expressément jugé que, sous réserve d'accords amiables déjà intervenus, les nouveaux droits successoraux des enfants naturels dont le père ou la mère était, au temps de la conception, engagé dans les liens du mariage, sont applicables aux successions ouvertes au 4 décembre 2001 et n'ayant pas donné lieu à partage avant cette date. ; sur la question des enfants.

1625 Voir CEDH, 1er Février 2000, Mazurek, requête n°34406/97 ; J.332, note J. Thierry et chron. B. Vareille p.626 ; JCP 2000. Ed. G. n°14, p.643, note GOUTTENOIRE (A.)-CORNUT et SUDRE (F.) ; JCP 2000. Ed.

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- la détermination légale d'un âge minimum ou d'un plancher pour le consentement sexuel qui soit en adéquation avec la notion d'enfant ;

- La fixation légale de l'obligation de signalement1626 à l'égard de toute personne soupçonnant et /ou ayant des indices clairs de maltraitance, négligence, abus et exploitation de l'enfant1627 ;

- la détermination légale de manière claire des responsabilités institutionnelles en matière de protection de l'enfant et ou de détention de l'autorité administrative en matière de protection de l'enfant ;

- Une meilleure régulation de la protection de remplacement pour les enfants privés de protection parentale ;

- la clarification ou explicitation des mesures de protection administrative1628 et judiciaire1629 et les contours des situations de danger ;

- Une meilleure et efficace redéfinition des procédures de protection dans les cas de violences domestiques1630 ;

- Une reconnaissance légale de la gratuité du certificat médico-légal1631 pour les enfants victimes ;

N. n° 9, p.396 ; DEFRENOIS, 2000.654, obs. MASSIP (J.) ; Tirant les conséquences de la condamnation de la France par la Cour EDH, la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 a abrogé toutes les dispositions discriminatoires touchant les enfants adultérins.

1626 Article 40 code pénal français.

1627 Loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance entend par « information préoccupante tout élément d'information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu'un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger, puisse avoir besoin d'aide. Cette information doit faire l'objet d'une transmission à la cellule départementale pour évaluation et suite à donner » ; Voir HANAOUI-ATIF (H.E), Le signalement des maltraitances à enfants par les médecins généralistes, Thèse de doctorat, Université Joseph Fourier Faculté de médecine de Grenoble, 2012, pp1-112.

1628 ROSENCZVEIG (J-P), Le dispositif français de protection de l'enfance, Editions Jeunesse et droit, Nouvelle édition, 2005, pp-627-747. ; Voir également, GAUDIN (P.), « Gérer différemment la protection des familles et des enfants », Libres propos T.S.A, n°23 juin 1989, pp.15-16.

1629 ROSENCZVEIG (J-P), Le dispositif français de protection de l'enfance, Editions Jeunesse et droit, Nouvelle édition, 2005, pp.749-1158.

1630 VASSELIER-NOVELLI (C.) et HEIM (C.), « Les enfants victimes de violences conjugales », In. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 1/2006 (n°36), pp.185-207 ;

1631 MINISTERE DE LA JUSTICE, DIRECTION DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GRACES, Guide relatif à la prise en charge des mineurs victimes, Septembre 2015.

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- L'institution de la possibilité pour les associations de défense des droits humains de se porter partie civile dans les poursuites des auteurs de violence contre les enfants1632.

Il convient aussi d'opérer une profonde révision de la loi pénale ivoirienne pour une meilleure protection de l'enfant contre toute forme de violence. Pour y parvenir, le champ d'application matérielle et les dispositions de droit pénal devraient être révisés de la manière suivante :

- le nécessaire renforcement de l'interdiction de toute forme de violences et d'abus sexuels, de corruption d'enfants et de sollicitation d'enfants à des fins sexuelles ;

- Une claire définition et criminalisation du viol et agressions sexuelles ; - L'introduction du crime d'inceste ;

- Un renforcement de l'interdiction de toutes formes d'exploitation des enfants, y compris par la prostitution1633, la pornographie, l'exploitation sexuelle dans les voyages et le tourisme, la traite et la vente d'enfants, l'adoption illégale, le travail ou les services forcés, l'esclavage moderne et les pratiques analogues, à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit ;

- Une ferme interdiction de toutes les formes d'exploitation d'enfants résultant du recours aux nouvelles technologies1634 ;

- Une claire interdiction de toutes les pratiques traditionnelles ou coutumières néfastes telles que le mariage précoce1635 ou forcé et les mutilations génitales féminines ;

1632 THOMAS (F.), GERAGHTY et al, « L'accès à la justice : problèmes, modèles et participation des non-avocats à la prestation de services juridiques » in, L'accès à la justice en Afrique et au-delà. Pour que l'Etat de droit devienne une réalité, PENAL REFORM INTERNATIONAL, 2007, pp.70-71.

1633 KOUTOUAN (N.C.), Etude sur la prostitution enfantine et les réseaux de traite dans les communes de Yopougon et d'Adjamé, Projet LTTE, inédit, 79p.

1634 ECPAT INTERNATIONAL, La violence contre les enfants dans le cyberspace. Une contribution à l'Etude mondiale des Nations Unies sur la violence à l'égard des enfants, 2005, pp.70-105 ; ROISNE (P-L.), La construction de l'Espace de liberté, sécurité et justice au sein de l'Union européenne face à la cybercriminalité : le défi de la lutte contre la pédopornographie sur l'Internet ; M-JONES (L.), « Regulating child pornography on the internet-the implications of Article 34 of the United Nations Convention on the Rights of the child », in International Journal of Children's Rights, 1998, vol.6, p.70.

1635 Cf Majorité sexuelle « La majorité sexuelle désigne l'âge à partir duquel un mineur peut avoir une relation sexuelle consentie avec un majeur n'ayant pas autorité sur lui, sans que ce dernier ne risque des poursuites pénales » (article 227-25 du Code pénal français). Un adulte peut donc avoir une relation sexuelle consentie avec un mineur sans encourir de sanctions pénales lorsque ce mineur a atteint l'âge minimum de 15 ans. Le

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- Une ferme interdiction de l'exposition des enfants à des contenus violents ou dommageables, quelle que soit leur origine ou le moyen de diffusion ;

- Une ferme et totale interdiction de toute forme de violences ayant lieu en institution1636 et aggravation des peines d'abus d'autorité ;

- L'interdiction de toute forme de violences à l'école ;

- L'interdiction de tous les châtiments corporels et autres punitions ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux enfants, aussi bien physiquement que psychologiquement ;

- L'interdiction de l'exposition des enfants aux violences au foyer/au sein de la famille ;

- La fixation des délais de prescription1637 pour les infractions pénales commises à l'égard de l'enfant suffisamment longs pour permettre les poursuites une fois que l'enfant a dépassé l'âge de la majorité ;

Ces mesures d'ordre légal adoptées, il importe de conformer les dispositions réglementaires aux normes internationales pour une protection juridique complète des enfants victimes.

2. La mise en conformité du cadre réglementaire national avec les normes et standards internationaux

Il convient d'élaborer des règlements de protection sectoriels par l'adoption des normes et standards pour le fonctionnement des services de protection de l'enfance et ce, en vue du

législateur estime que le mineur a, à cet âge, un "consentement éclairé". En pratique, il est déduit de ce texte que l'âge de la majorité sexuelle est fixé à 15 ans en France.

Toutefois, même si le mineur a 15 ans ou plus, l'adulte risque des poursuites pénales dès lors qu'il est un ascendant ou a une autorité de droit ou de fait sur le mineur ou dès lors qu'il abuse de l'autorité que lui confère ses fonctions (article 227-27 du Code pénal). Dans cette situation, la peine encourue est de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Selon le conseil constitutionnel français, l'article 227-25 du code pénal a pour effet de fixer à quinze ans l'âge de la « majorité sexuelle » définie comme l'âge à partir duquel un mineur peut valablement consentir à des relations sexuelles (avec ou sans pénétration) avec une personne majeure à condition que cette dernière ne soit pas en position d'autorité à l'égard du mineur. Décision n° 2014-448 QPC du 6 février 2015.

1636 JEANNE (Y.), Penser la violence des jeunes placés en institution, Thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2, 2006, 357p.

1637 ROUVIERE (F.), « La distinction des délais de prescription, butoir et de forclusion ». Les Petites Affiches, Edition Lextenso, 2009, p.7-11.

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renforcement de leurs actions de protection à l'égard des enfants. Ces règlements devraient dicter et préciser les normes auxquelles les personnels sont tenus de se conformer vis-à-vis des enfants dans la routine de la prestation de services. L'ensemble des professionnels travaillant au contact des enfants devraient avoir l'obligation de se conformer strictement à ces règlements et appliquer à la lettre, les consignes concrètes de protection dictées par les règlements de protection.

Dans le même ordre d'idées, une politique de recrutement et déploiement des cadres administratifs de la protection de l'enfant devrait être adoptée : Des critères de sélection relatifs à la protection de l'enfant contre toute forme de violences, abus et exploitation devront être intégrés dans les systèmes de recrutement des personnels1638 travaillant dans les services administratifs de protection de l'enfant et dans les institutions qui accueillent des enfants en prise en charge avec hébergement et accueil de jour. Seront également clairement définies dans une politique de recrutement et d'affectation des personnels, les connaissances, aptitudes et compétences exigées des cadres administratifs de la protection de l'enfant.

Le cadre légal et réglementaire renforcé, le cadre institutionnel devrait à son tour connaître une véritable refonte pour un mieux-être des enfants.

B. UN FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL PLUS EFFICACE

Cette redynamisation du cadre institutionnel passe par le renforcement des compétences par les formations initiales et continues (1), la nécessaire amélioration du système de prestation de services (2) et une nécessaire mise en place d'un système d'information, de suivi et évaluation en matière de protection de l'enfant (3).

1. Le renforcement des compétences par les formations initiale et continue

Les ressources humaines chargées de la protection de l'enfant devraient disposer des capacités nécessaires pour exécuter leurs rôles. Pour ce faire, il apparait nécessaire de

1638 CONSEIL SECTORIEL DES RESSOURCES HUMAINES DES SERVICES DE GARDE A L'ENFANCE, Normes professionnelles des gestionnaires de services de garde à l'enfance, 2013, Ottawa, p.16.

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renforcer les capacités et compétences1639des ressources humaines chargées de la protection de l'enfant.

De par leur formation, tous les personnels de l'administration publique1640 ou du secteur privé qui exercent au service ou en contact avec des enfants dans les domaines de la sécurité, de la santé, de l'éducation, de l'action sociale, des sports et loisirs, du travail et dans tout autre service public doivent être en mesure d'assumer les responsabilités générales par rapport au bien-être et à la sécurité des enfants qui dérivent de leur fonction publique1641.

Ainsi, la formation initiale et continue des professionnels des services orientés vers les enfants devrait être axée autour de :

- La nécessité d'un traitement des enfants avec respect et dignité1642 en toutes circonstances et l'instauration progressive d'une culture de conduites et pratiques dénuées de toute forme de maltraitance et abus ;

- L'instauration d'actions préventives de lutte contre la violence touchant les enfants. Deux axes majeurs pourraient être considérés : d'une part, donner des conseils aux parents et aux responsables sur le bien-être général de l'enfant et sur les potentiels risques à éviter. Pour des situations délicates, les acteurs de la protection de l'enfant devraient être assez outillés afin de fournir des informations et orientations aux parents et responsables sur les services disponibles pour un conseil adapté et/ou une éventuelle prise en charge ; d'autre part, l'information et la sensibilisation des enfants relativement à des questions de protection.

- La détection : Ici, la formation des acteurs de la protection devrait accorder une importance particulière sur l'état de bien-être général des enfants et la capacité de détecter

1639 CONSEIL SECTORIEL DES RESSOURCES HUMAINES DES SERVICES DE GARDE A L'ENFANCE, Normes professionnelles des gestionnaires de services de garde à l'enfance, 2013, Ottawa, p.38. ; UNESCO- SECTEUR DE L'EDUCATION, Principes du renforcement des capacités en planification des politiques éducatives et en gestion des ressources, Paris, 2013, p-33-68.

1640 GARAS (F.), La sélection des cadres administratifs, contribution à l'étude de la réforme de l'Etat, Thèse de doctorat, Université de Poitiers, 1936, p.5.

1641 N'DAH (P-A.), Modernisation de l'Etat africain, Abidjan, Les éditions du CERAP, 2003, p.60.

1642 NEIRINCK (C.), « La dignité humaine ou le mauvais usage juridique d'une notion philosophique. » In. P. PEDROT (dir.) Ethique, Droit et dignité de la personne, Mélanges en l'honneur de Christian BOLZE, Economica, Paris, 1999, pp.39-50. ; HENNETTE-VAUCHEZ (S.), GIRARD (C.), JEANNIN (L.), LOISELLE (M.), ROMAN (D.), La dignité de la personne humaine : recherche sur un processus de juridicisation , PUF, 2005, 318p.

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les cas des enfants victimes1643 ou courant le risque d'être victimes de violation de leur intégrité physique et émotionnelle ;

- L'obligation et la procédure de signalement à leur responsable, à l'autorité1644 administrative1645, à la police, ou au procureur, ou au tribunal, des cas d'enfant en situation de risque sérieux ou de violence avérée.

Cette mise à niveau devrait être progressivement réalisée par le biais de programmes de formation continue et de formation initiale. Ces formations devraient être dispensées aux travailleurs sociaux, policiers, magistrats, enseignants, directeurs d'école, éducateurs, personnes travaillant dans des institutions pour enfants, travailleurs humanitaires, responsables d'activités de jeunesse et sports.

De même, un programme de formation continue devrait être élaboré à l'intention des responsables et des travailleurs sociaux chargés de l'autorité administrative en matière de protection de l'enfant. Ce programme portera sur le développement de connaissances approfondies sur les droits de l'enfant, sur le cadre juridique et réglementaire, sur l'acquisition des compétences et aptitudes nécessaires à l'exécution des interventions de prévention, de détection et de prise en charge, sur les capacités d'impulser une dynamique nouvelle à la collaboration intersectorielle en matière de prévention et prise en charge, y compris la protection de remplacement, en particulier avec le secteur de la justice. Le programme inclura la gestion des difficultés personnelles, éthiques et juridiques de l'intervenant. Ce programme fera l'objet d'intégration progressive dans les programmes de formation initiale de ces professionnels1646.

De plus, un programme de formation continue conjointe des intervenants dans la protection de l'enfant au niveau local s'avère aussi important.

1643 BROWN (W.K), « Les évolutions positives de l'enfant vulnérable : présentation d'un cas de comportement délinquant », in L'enfant vulnérable/sous la dir. de E.J. ANTHONY et al. Paris : PUF, 1982, p.439-450. ; OIF-DIRECTION DE LA PAIX, DE LA DEMOCRATIE ET DES DROITS DE L'HOMME, Guide pratique, Entendre et accompagner l'enfant victime de violences, STIPA, Paris, 2015, 98p.

1644 KERNEIS (S.), Dictionnaire de la culture juridique, ALLAND (D.)& RIALS (S.) dir., PUF, 2003, p.111 et s.

1645 FORTAT (N.), Autorité et responsabilité administrative, thèse de doctorat-Université François-Rabellais, 2011, 497p.

1646 Ibid.

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Un programme de formation continue devrait être élaboré et mis en place. Il sera basé sur l'expérience directe qui favorise la formation interdisciplinaire et associe des domaines de l'action sociale1647, de la justice, de la santé, de la sécurité et de l'éducation et concourt à la définition d'un modèle d'intervention et au renforcement du réseau local. Chaque acteur doit être en mesure de comprendre et maitriser son propre rôle et les rôles des autres intervenants et des formes de coopération nécessaires dans la poursuite du but commun, la protection de l'enfant et de son intérêt supérieur.

Mises en application, ces propositions permettraient de doter la Côte d'Ivoire d'un nouveau type d'acteurs de protection de l'enfant qui serait véritablement qualifiés et disposeraient d'une importante culture en matière de protection de l'enfance. Il faudrait accompagner cette importante culture acquise à l'issue de ces formations, d'une nécessaire amélioration du système de prestation de services afin d'aboutir à une protection efficace des enfants.

2. La nécessaire amélioration du système de prestation de services

Il s'agira ici de mieux organiser et renforcer le système de prestation de services1648. Cela devrait permettre aux structures de prestation de services de disposer d'orientations et de moyens efficients et efficaces pour une prestation de services de qualité.

On le sait : en cas de violences commises à l'égard d'un enfant, l'une des obligations à la charge de l'Etat est l'obligation de facere1649ou encore obligation de faire. Pour y arriver, il devrait disposer de services dotés de l'autorité administrative de la protection de l'enfant.

1647 LAFORE (R.) et BORGETTO (M.), Droit de l'aide et de l'action sociale, Montchrestien, 5ème édition, 2004, p.54 ; BUISSON (C.), Justice et solidarité : pour une refondation philosophique de l'action sociale, thèse de doctorat de philosophie, 2009, p385 ; BARREYRE (J-Y), BOUQUET (B.), CHANTREAU (A.), LASSUS (P.) Sous la dir. de), Dictionnaire critique de l'action sociale , Paris, Bayard éditions,1995, p.26 ; HARDY (J-P), Guide de l'action sociale contre les exclusions, Paris, Dunod, 1999, p.9 ; ces différents ouvrages présentent l'action sociale comme étant un terme indéterminée et paradoxale : « Il n'y a pas de définition juridique et administrative de l'action sociale. Alors que l'aide sociale est constituée par un ensemble de « prestations », l'action sociale est un ensemble d'actions et de services visant au développement social et à la mise en oeuvre de solidarités ».

1648 DELPAL (B.) et LE COZ (G.), Contribution à la cartographie de l'action sociale, Rapport n° RM2006-125P Novembre 2006, pp.4-12

1649 PIGNARRE (G.), A la découverte de l'obligation de praestare-Pour une relecture de quelques articles du code civil, RTD Civ. 2001, p.41. ; ROLAND (H.), Lexique juridique des expressions latines, 6e édition, LexisNexis, 2014, p.111

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Au niveau opérationnel, l'autorité administrative de protection de l'enfant sera confiée aux structures d'action sociale existantes. Ces structures disposeront d'un mandat clair, de procédures de prise en charge et de personnels formés pour les mettre en oeuvre. L'autorité administrative de la protection de l'enfant incombera à la commune dans les localités où les structures d'action sociales déconcentrées ne sont pas représentées.

Les centres de protection spécialisée, les services de protection spécialisée au sein du centre social et la commune devront assurer la prestation des services de la protection spécialisée.

S'agissant des centres de protection spécialisée, ils se substitueront aux centres d'éducation actuellement existants. Ces nouveaux centres spécialisés auront la mission d'organiser les services et actions de détection et d'assurer la gestion des cas d'abus, violations, violences et exploitation touchant les enfants, en collaboration avec les autres secteurs impliqués. Les actions de prévention seront confiées aux services chargés de l'action sociale de base au sein du centre social.

Quant aux services de protection spécialisée au sein du centre social1650, ils seront organisés au sein des centres sociaux isolés pour assurer l'assistance aux enfants victimes dans les localités où il n'existera pas de centre de protection spécialisée à l'intérieur du complexe socio-éducatif. Le service de protection spécialisée sera chargé de la détection et de l'assistance aux enfants victimes de violations, les fonctions de prévention demeurant la responsabilité des services de l'action sociale de base.

Enfin, dans les localités privées d'un centre social ou d'un complexe socio-éducatif chaque commune désignera un fonctionnaire de la Mairie ayant la responsabilité de représenter l'autorité administrative de protection de l'enfant. A ce titre, ces chargés communaux de la protection spécialisée seront chargés d'assurer l'assistance aux enfants victimes de toute forme de violence, en collaboration avec les services de la justice et les autres intervenants publics ou privés dans la protection de l'enfant.

Le maillage de la protection spécialisée sur le territoire devrait être aussi serré que possible. De plus, cette couverture territoriale devrait être équitable, prendre en compte des

1650 MILLERAND (P.), Garantir les missions d'un centre social tout en développant son offre de services, Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, 2012, 110p ;

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critères de densité populationnelle et ne pas pénaliser les régions les plus éloignées. Des infrastructures adaptées, des moyens de fonctionnement, de communication et de déplacement devront enfin être mis à la disposition des services de protection spécialisée. Par ailleurs, ils devront être dotés des budgets nécessaires à la mise en oeuvre des actions qui leur sont confiées. Ces mesures devraient s'étendre à toutes les autres structures de prestation de services tels que les brigades de mineurs , le parquet et les tribunaux, les structures de santé et les services sociaux des hôpitaux, les structures scolaires et de formation professionnelle, les associations agréées, les familles d'accueil et les centres d'accueil privés et publics.

Une autre mesure très souvent négligée en Côte d'Ivoire et dans bien d'autres pays africains nécessaire au bien-être des enfants consiste en la mise en place d'un système d'information, suivi et évaluation en matière de droits et de protection de l'enfant.

3. Une nécessaire mise en place d'un système d'information, suivi et évaluation en matière de droits et de protection de l'enfant

Ce système viserait à doter la Côte d'Ivoire de données fiables en matière de protection de l'enfant. A terme, on aboutirait à un système d'information, suivi1651 et évaluation1652 totalement opérationnel qui produira inéluctablement des données très utiles.

1651 Le suivi est l'examen continu, assuré par l'équipe multisectorielle, des actions de prévention et d'intervention afin de déterminer si elles se déroulent conformément au plan et aux exigences budgétaires et si des ajustements peuvent être nécessaires pour qu'elles atteignent les objectifs prévus. Un suivi efficace implique un système d'établissement des rapports coordonné.

1652 L'évaluation est une analyse de la pertinence, de l'efficacité et de l'efficience des stratégies de prévention et d'intervention de l'équipe multisectorielle. Elle s'applique systématiquement à l'impact, en matière de protection, des politiques, programmes, pratiques, partenariats et procédures sur les femmes, hommes, garçons et filles réfugiés. Ses critères peuvent inclure la durabilité des activités de prévention et d'intervention, leur coordination et leur cohérence, et l'efficacité des systèmes de suivi et d'établissement des rapports ; CONSEIL DE L'EUROPE, « Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur une justice adaptée aux enfants », Série Construire une Europe pour et avec les enfants, monographie n°5, Editions Conseil de l'Europe, octobre 2001, p.36 ; Cf. RANGEON (F.), « La notion d'évaluation », In. L'évaluation dans l'Administration, Paris, PUF, coll. « Travaux du CURAPP », Paris, 1993 ; THOENIG (J-C), L'évaluation source de connaissances applicables aux réformes de la gestion publique, RFAP, n°92/1999, p.685 : « dans certains pays, ce n'est pas un hasard si l'usage de pratiques d'évaluation par de hauts fonctionnaires et conseillers est en corrélation avec le fait que leur formation universitaire et professionnelle les a sensibilisés aux acquis des sciences sociales et du management moderne, en rupture avec une formation strictement juridique ou administrative » ; Voir aussi VIVERET (P.), Evaluation et démocratie, Esprit, octobre 1989, p.43. Il énonce de façon catégorique que : « L'évaluation des politiques publiques entraîne l'absolue nécessité de distinguer les formes de l'évaluation de celles du contrôle ».

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La nécessité de suivre les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des droits de l'enfant, de soutenir la planification des besoins du système de protection de l'enfant et d'asseoir des stratégies d'intervention sur les données précises, commande que soit défini prioritairement un système d'information, de suivi et d'évaluation de la protection de l'enfant. Ce système d'information sur la protection de l'enfant devrait être intégré au système sectoriel de l'action sociale. A cette fin, un cadre réglementaire adapté sera élaboré et des ressources humaines et matérielles suffisantes pour la gestion du système y seront affectées.

L'établissement d'un recueil systématique des données administratives encore inexistant, s'avère aussi nécessaire pour soutenir la collecte multisectorielle des données administratives en matière de protection et de respect de la mise en oeuvre des droits de l'enfant. Cela passe par l'établissement de plusieurs actions : un cadre méthodologique unifié, cohérent basé sur des définitions claires et précises, utilisables par les différents secteurs impliqués, assorti des outils pour la collecte des données administratives de chaque secteur ; des circuits et des délais de remontée des données sectorielles clairement défini ; un cadre institutionnel et réglementaire précis établissant le dispositif de centralisation des données ; des méthodes d'analyse, utilisation et divulgation des données administratives sectorielles.

En vue de soutenir la recherche scientifique dans ce domaine, il serait indispensable d'envisager des concepts et des indicateurs1653 qui soient, entre autres, utilisables par les chercheurs lors de l'élaboration de ce cadre.

Outre cela, un renforcement des données relatives à la protection de l'enfant dans les enquêtes d'envergure nationale s'impose. A cet égard, des efforts devraient être déployés pour intégrer davantage, des indicateurs relatifs à toute forme de violence touchant les enfants dans les enquêtes d'envergure nationale périodiques1654 ; Cela permettrait de mesurer utilement et efficacement l'impact direct et indirect des actions sur les enfants et la société dans son ensemble.

1653 OCDE, « Mesurer les droits de l'homme et la gouvernance démocratique, Expériences et enseignements de Métagora », In. Revue de l'OCDE sur le développement, 2009/2 (n°10) volume 10-2, p.400 ; EITAN (F.), « Mesurer les droits économiques et sociaux pour en demander compte aux gouvernements », In. Revue de l'OCDE sur le développement 2009/2 (n°10), p.207-228.

1654 Enquête démographique et de santé (EDS), autres enquêtes auprès des ménages, Multiple Indicator Cluster Survey ou enquête à indicateurs multiples (MICS).

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Dans la même veine, une intégration des données relatives à la protection de l'enfant dans les systèmes d'information sectoriels apparait importante. En fait, pour permettre de suivre l'impact des actions entreprises et les réorienter au besoin, les systèmes de suivi et évaluation des secteurs de la santé et de l'éducation devraient intégrer des indicateurs relatifs à la protection de l'enfant.

Outre la nécessaire adaptation du cadre juridique et fonctionnel de la protection de l'enfance, le renforcement des stratégies organisationnelles pour une effectivité des droits de l'enfant passera aussi par l'utilité d'une nouvelle et d'une meilleure mobilisation des financements.

§ 2. L'UTILITE D'UNE NOUVELLE COORDINATION ET D'UNE MEILLEURE MOBILISATION DES FINANCEMENTS

L'établissement d'un nouveau système efficace de coordination des actions (A), la mise en place de partenariats efficaces (B) et une meilleure mobilisation des financements (B) apparaissent comme trois fortes mesures nécessaires à la réalisation des droits de l'enfant. Ces trois aspects sont particulièrement importants et peuvent contribuer à donner une dimension plus effective à l'exercice des compétences de protection.

A. L'ETABLISSEMENT D'UN SYSTEME EFFICACE DE COORDINATION DES ACTIONS

Pour être efficace, l'établissement d'un système de coordination des actions s'avère nécessaire. Ici, l'objectif vise à assurer la coordination des actions afin que ce système de coordination soit effectivement opérationnel.

En un mot, les mesures suggérées se résumeraient en une suite d'actions transversales basées sur la collaboration entre plusieurs acteurs et secteurs. Par cela seul, elle défie les cloisonnements entre administrations centrales et locales1655, entre institutions, entre acteurs de terrain travaillant dans l'isolement sans grande concertation. Il est indispensable que tous les acteurs agissent ensemble sur des communautés qui leur sont communes, en mettant en commun idées et moyens, par le biais de procédures simples de concertation et de

1655 RUIVO FERNANDO, FRANCISCO DANIEL, « Entre centres et périphéries. Pour une esquisse des pouvoirs locaux au Portugal », Pôle Sud 1/2005 (n°22), p.115-125.

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coopération. Pour cela, il est indispensable de créer d'une part, une dynamique interministérielle par le biais de relations continues entre le ministère chef de file et les autres ministères et d'autre part, des partenariats avec les collectivités territoriales1656 et avec le secteur associatif1657. La coordination est un processus visant à l'élaboration d'une nouvelle cohérence de l'action. La poursuite de cet objectif fondamental orientera tous les efforts dans ce sens.

Primo, au niveau national, il faut une coordination multisectorielle : Le comité national de coordination et suivi de la mise en oeuvre du programme national de protection de l'enfant devrait être rapidement mis en place sur la base de la révision du cadre juridique de la coordination nationale de la protection de l'enfance (CNPE)1658. Ce comité assurera le leadership gouvernemental et la mobilisation des parties prenantes dans la mise en oeuvre des orientations contenues dans tout programme national d'actions en faveur de l'enfant et ses droits. Un projet de décret fixant la composition1659 et les attributions du comité national de protection de l'enfant devrait être prévu et adopté.

Ce comité se réunirait fréquemment et pourrait être présidé par le ministère en charge de la protection de l'enfance. Cette structure aura pour mission d'harmoniser les approches relatives à la protection de l'enfant, mettre en cohérence les initiatives des différents intervenants, favoriser l'élaboration de calendriers en phase les uns avec les autres,

1656 RAPHAEL DECHAUX, Alexandra LETURCQ et Alexis Le QUINIO, Compte rendu des discussions et débats à propos d'une table ronde portant sur « L'autonomie régionale et locale et constitutions », In. Annuaire international de justice Constitutionnelle, XXII-2006, pp.459-468. « (...) l'idée de collectivité locale ne me paraît pas en effet un critère suffisamment discriminant. Mieux vaut adopter une dénomination générique susceptible de s'appliquer à différents niveaux » p.462.

1657 TCHERNONOG (V.), VERCAMER (J.P.), Les associations entre mutations et crise économique. Etat des difficultés, Octobre 2012, Deloitte Conseil, 30p. ; STASI (B.), Vie associative et démocratie nouvelle, PUF, Paris, 1980, 157p.

1658 La CNPE est une plateforme d'échanges et de concertation qui a pour objet de renforcer la protection des enfants en Côte d'Ivoire en initiant un ensemble de mesures ou d'actions, sociales ou juridiques, de nature à garantir à l'enfant, le respect de ses droits, de sa dignité humaine et à lui assurer son complet épanouissement. 1659 Sa composition pourrait être prévu comme suit : ministre, cabinet, direction de la protection de l'enfance (DPE), direction de la protection sociale (DPS), direction de la lutte contre le travail des enfants (DLTE), sous-direction de la lutte contre le trafic d'enfant et la délinquance juvénile (S/DLTEDJ) du ministère de l'intérieur, la direction de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse (DPJEJ) du Ministère de la justice ;la direction des écoles, collèges et lycées (DELC) du ministère de l'éducation nationale (MEN) ; la direction générale de la santé (DGS) du ministère de la santé, les représentants des coalitions/réseaux des structures associatives qui oeuvrent dans le domaine de l'enfance en difficultés, les représentants des structures professionnelles (ordre des médecins, ordre des avocats, associations de journalistes, etc.) ; les représentants de structures de pouvoir local et les représentants des structures des autorités traditionnelles .

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mutualiser les bonnes pratiques1660, réduire les cloisonnements entre sous-secteurs, éviter les duplications d'actions et promouvoir le bilan participatif des activités réalisées et des résultats obtenus par les différents secteurs.

Un secrétariat exécutif permanent sera spécialement créé et chargé exclusivement du suivi des décisions prises par le comité national en matière de coordination. A cet égard, le secrétariat exécutif permanent de la protection de l'enfant veillera à établir des relations étroites entre les structures de coordination existantes : le Comité interministériel de lutte contre la traite des enfants( CIM), le comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l'exploitation et les pires formes de travail des enfants (CNS) et le comité national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants (CNLVFFE).

Il sera nécessaire d'élaborer des procédures claires de coordination entre les acteurs publics du niveau national avec le niveau régional et du niveau régional avec les niveaux départemental et communal. Des démembrements régionaux, départementaux et communaux du comité national de protection de l'enfance devraient voir le jour. Au niveau organisationnel, ces démembrements devraient avoir la même ossature que le comité national tant au niveau de la composition que de ses attributions compte tenu des acteurs présents à ces différents niveaux.

Secundo, les autres niveaux de coordination devront aussi être renforcés : Le ministère en charge de la coordination de la mise en oeuvre du plan national de protection et des droits de l'enfant veillera à mettre en place des structures légères de coordination avec tous les intervenants dans la protection de l'enfant, notamment avec : chaque ministère sectoriel ayant un rôle dans la protection de l'enfant 1661 ; les collectivités territoriales1662 ; les

1660 UNESCO, Secteur de l'Education, « Education pour le développement durable-Bonnes pratiques dans l'éducation de la petite enfance », Bonnes pratiques n°4-2012, 60p. ; Voir aussi BICE, Guide des bonnes pratiques pour la protection des mineurs en conflit avec la loi au Togo, 80p.

1661 Il s'agit des : Ministère en charge des affaires sociales, ministère en charge de la justice, ministère en charge de l'intérieur, ministère en charge de la santé, ministère en charge de l'éducation nationale, ministère en charge de la communication.

1662 V. notamment DOUENCE (J-C.), « Réflexions sur la vocation générale des collectivités locales à agir dans l'intérêt local », In. Quel avenir pour l'autonomie des collectivités locales ?, Les 2èmes entretiens de la Caisse des dépôts, éd. de l'Aube, Paris, 1999, p.746-752 ; V. aussi, CAILLOSSE (J.), « Repenser les responsabilités locales », In. Les cahiers de l'Institut de la Décentralisation, n°8/2006. ; VERPEAUX (M.), « Le rapport Balladur sur la réforme des collectivités locales, des raisons et des solutions » In., R.F.D.A., 2009, p.407-418.

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associations agréées de prestations de services et celles qui mettent en place des actions de prévention ; les partenaires techniques et financiers1663 (PTF) qui appuient la mise en oeuvre des politiques de protection de l'enfant ; les pays frontaliers1664 en particulier en ce qui concerne la traite transfrontalière des enfants.

Plus spécifiquement, un mécanisme de coordination interne aux différents ministères ayant un rôle dans la protection de l'enfant devrait être mis en place. Cela revient à dire que chaque ministère ayant un rôle dans la protection de l'enfant veillera à mettre en place une structure légère (groupe de travail) pour coordonner les actions de protection de l'enfant entre les différentes directions et services impliqués dans la protection de l'enfant, y compris avec les partenaires techniques financiers (PTF) sectoriels.

Tertio, les actions de protection de l'enfant au niveau régional doivent être bien coordonnées. Cela permettra de faciliter la collaboration entre les secteurs, d'échanger les informations entre les secteurs et de faire le bilan des activités des différents secteurs. La présidence de la coordination régionale pourrait être confiée au préfet de région1665 ; celui-ci aura les responsabilités suivantes : convoquer et diriger les réunions, rendre compte aux ministres chargés de la protection de l'enfant, représenter la coordination au niveau national, assurer que les interventions des différents secteurs contribuent au renforcement du système de protection de l'enfant.

Ce groupe de travail au niveau régional serait composé de personnes ayant un rôle important dans le domaine des droits et de la protection des enfants. Ainsi, sa composition pourrait être la suivante: un président (préfet de région), un vice-président (sous-préfet1666 ), un secrétaire exécutif (directeur en charge de la protection de l'enfant), un Directeur régional en charge des affaires sociales, juges des tutelles, préfets de police, directeurs régionaux en charge de l'éducation nationale (y compris enseignement technique et formation professionnelle ),

1663 Nous pensons particulièrement à l'Union Européenne, à l'Unicef et au PNUD, l'ambassade des USA... 1664 Le disant, nous pensons particulièrement au Burkina Faso, le Mali le Ghana, la Guinée et le Libéria. 1665 Voir Article 4 loi n° 2002643 du 25 /01 /2002 portant statut du corps préfectoral en Côte d'Ivoire ; Pour une meilleure connaissance des attributions du préfet de région et du préfet de département, voir Articles 6 à 22 de la loi n°2014-451 du 05 août 2014 portant orientation de l'organisation générale de l'administration territoriale.

1666 Article 6 Loi n° 2002643 DU 25 :01 :2002 portant statut du corps préfectoral en Côte d'Ivoire ; Pour une meilleure connaissance des attributions du sous-préfet, voir aussi 25 à 30 de la la loi n°2014-451 du 05 août 2014 portant orientation de l'organisation générale de l'administration territoriale.

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directeur régional de la santé, le commandant de légion, autorités traditionnelles et représentants des ONG.

Une fois installé, ce groupe de travail devrait se doter rapidement d'un cahier de charges. Le cahier de charges de ce groupe de travail régional pourrait consister entre autres à : la planification des activités, le partage des données sectorielles, l'appréciation des rapports d'activités, la réorientation des activités si nécessaire, le suivi de la mise en oeuvre et l'évaluation.

S'agissant de son mode de fonctionnement, le groupe de travail pourrait se réunir suivant les niveaux : réunion semestrielle au niveau de district, réunion semestrielle au niveau régional et réunion bimestrielle au niveau départemental.

Une fois établi, ce système efficace de coordination des actions devrait être soutenu par l'instauration de partenariats marqués au coin de l'efficacité.

B. LA MISE EN PLACE DE PARTENARIATS EFFICACES

Pourquoi s'arrêter sur la notion de partenariat alors qu'elle est l'une des manifestations emblématiques de la contractualisation de l'action publique ? C'est qu'elle est une forme bien particulière de l' « agir contractuel1667 » dans laquelle se loge la gouvernance1668 : les

1667 GAUDIN (J-P), « L'action publique contractuelle : beaucoup de bruit pour rien ? », In. Droit et société, 47/2001, p.285-293.

1668 Pour une meilleure compréhension du terme gouvernance, voir KAMTO (M.), Droit international de la gouvernance, ed. A. Pedone, pp.15-35. ; BARON (C.) « La gouvernance : débats autour d'un concept polysémique » en Droit et Société, Revue internationale de théorie du droit et de sociologie juridique (RITDSJ), n, 2003, pp.320-352 ; « La bonne gouvernance et les droits de l'homme sont complémentaires. Les principes relatifs aux droits de l'homme posent un ensemble de valeurs qui visent à 2 3 guider l'action des gouvernements et des autres intervenants sur la scène politiques et sociale. Ils posent également un ensemble de normes au regard desquelles la responsabilité de ces intervenants peut être mise en cause. Ces principes inspirent en outre la nature des efforts faits en matière de bonne gouvernance : ils peuvent être à la base de l'élaboration de cadres législatifs, de politiques, de programmes, de dotations budgétaires et d'autres mesures. Cependant, en l'absence de bonne gouvernance, les droits de l'homme ne peuvent être respectés et protégés durablement. La mise en oeuvre des droits de l'homme exige un cadre incitatif et favorable, entre autres des cadres juridiques et des institutions appropriés, ainsi que les processus politiques et administratifs nécessaires pour satisfaire aux droits et aux besoins de la population. Lorsqu'elles sont inspirées par les valeurs des droits de l'homme, les réformes qui se rapportent à la bonne gouvernance des institutions démocratiques mettent à la portée du public les moyens de participer à l'élaboration des politiques, que ce soit par le biais d'institutions formelles ou de consultations informelles. Elles créent également des mécanismes qui permettent d'intégrer des groupes sociaux multiples aux processus décisionnels, en particulier au niveau local. Enfin, elles peuvent encourager la société civile et les communautés locales à formuler et à faire connaître leur position sur des

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interactions public/privé qui en sont l'une des expressions privilégiées trouvent là un cadre juridique favorable à leur institutionnalisation. Certes, on admettra sans mal avec P. SADRAN que ce n'est pas le partenariat qui fait la bonne gouvernance1669, mais tel n'est pas le problème qui nous retient : il nous suffit de constater que l'usage, en cours de banalisation du partenariat fait partie de ces pratiques qui marquent le passage du gouvernement à la gouvernance1670. La mise en place de partenariats efficaces aura pour objectif d'assurer le concours des partenaires associatifs et partenaires techniques financiers à la mise en oeuvre effective du plan d'actions. Le travail en partenariat s'est développé à partir des lois de décentralisation, étant donné la complexité des situations rencontrées par les travailleurs sociaux, mais également des dispositifs d'action sociale qui recourent à de nombreux acteurs. C'est aujourd'hui un principe d'action nécessaire qui favorise la mise en oeuvre des politiques publiques. Il se définit de manière officielle comme la « coopération entre des personnes ou des institutions généralement différentes (financement, personnel...) permettant de réaliser un projet commun »1671.

La mise en place de partenariats efficaces et de réseaux1672 s'avère indispensable, compte tenu du fait que l'action publique dans le domaine de l'enfance est constituée de trois acteurs : l'Etat et ses institutions, la société civile1673 et ses formes organisationnelles et les partenaires techniques financiers.

sujets qu'elles jugent importants. Dans le domaine des services de l'État au public, les réformes qui se rapportent à la bonne gouvernance représentent une avancée pour les droits de l'homme quand elles rendent l'État plus à même d'assumer la responsabilité qui lui incombe de fournir des biens collectifs essentiels à la protection d'un certain nombre de droits de l'homme, tels que le droit à l'éducation, à la santé et à l'alimentation. Au nombre des initiatives prises en matière de réforme peuvent figurer des dispositifs régissant l'obligation de rendre des comptes et la transparence, des moyens politiques respectueux des cultures, afin de faire en sorte que les services soient accessibles à tous et acceptables par tous, ainsi que des moyens d'amener

le public à participer aux prises de décisions », disponible
sur : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GoodGovernance_fr.pdf (consulté le 08/10/2017). 1669 SADRAN (P.), « Le partenariat public-privé en France, catégorie polymorphe et inavouée de l'action publique », RISA, vol.70, juin 2004, p.253-270.

1670 Lire GAUDIN (J-P), Pourquoi la gouvernance ?, Presses de Sciences Po., coll. La bibliothèque du citoyen, 2002 ; STOCKER (G.), « Cinq propositions pour une théorie de la gouvernance », Revue internationale des sciences sociales n°155, mars 1998, p.19.

1671 LYET (P.), L'institution incertaine du partenariat, L'Harmattan, logiques sociales, 2012, p.19.

1672 DUMOULIN (P.), DUMONT (R.), BROSS (N.) MASCLET (G.), Travailler en réseau, méthodes et pratiques en intervention sociale, Dunod, Paris, 2006, p.30.

1673 KMF-CNOE et FES, Qu'est-ce que la société civile ? , Antananarivo, Octobre 2009, , pp.1-22 ; THIRIOT (C.), « Rôle de la société civile dans la transition et la consolidation démocratique en Afrique : éléments de réflexion à partir du cas du Mali », Revue internationale de politique comparée 2/2002 (Vol.9), p.277-295 ;

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Outre des partenariats de principe établis au niveau national1674, les administrations de terrain responsables de l'exécution des programmes nationaux de protection de l'enfance se doivent d'établir localement des partenariats avec les corps intermédiaires (associations, médias, syndicats, associations professionnelles) et avec les intervenants extérieurs (Ongs, partenaires techniques et financiers) sur la base d'une distribution concertée des tâches.

Le partenariat avec les associations1675 ayant des compétences en matière de prestation de services de la protection spécialisée fera l'objet d'une politique de contractualisation1676 avec les associations.

Par ailleurs, il faut compter avec les effets pervers du morcellement juridique des territoires administratifs dans un contexte de décentralisation1677. Du fait de leur propre montée en puissance, les collectivités et autres institutions locales sont vouées à s'organiser entre elles pour rendre plus performante l'offre de services publics. Il en résulte une situation favorable à la constitution contractuelle de réseaux1678.

L'établissement d'un système efficace de coordination des actions soutenu par l'instauration de partenariats serait vain si tous ces efforts ne sont pas suivis ou précédés d'un budget conséquent alloué au financement des actions de réalisation des droits et du bien-être de l'enfant ; ceci commande donc un renforcement quantitatif du montant alloué à la cause de l'enfant et ses droits.

1674 Nous entendons par là, par exemple, la conclusion de conventions entre l'Etat et les organisations onusiennes en vue du déploiement des activités de celles-ci sur le territoire national.

1675 FIALAIRE (J.), « La délégation du service public local aux associations », Les petites affiches, 22 Aout 1997, n°101-3, pp.3-9.

1676 RICHER (L.), « La contractualisation comme technique de gestion des affaires publiques », AJDA 19 mai 2003, pp.973-975. ; MATHIOT(P.), La politique de prévention de la délinquance de la ville : un exemple de contractualisation d'une politique publique, mémoire de maîtrise, 2001, pp74.

1677 BLEOU (M.), « Parti unique et décentralisation. L'exemple ivoirien », in La décentralisation. Etudes comparées des législations ivoiriennes et françaises. Actes du Colloque international organisé par la Faculté de droit de l'Université nationale de Côte d'Ivoire et l'Université des Sciences sociales de Toulouse I , Abidjan 9-12 mai 1988, pp.81-92.

1678 Dans une littérature spécialement abondante, v. La contribution d'O. GOHIN, « Loi et contrat dans les rapports entre collectivités publiques », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, 17/2004, Dalloz, p.95-102.

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C. L'AUGMENTATION DES FINANCEMENTS NECESSAIRES

L'augmentation des financements imposerait qu'il y ait une véritable politique permettant la mobilisation et la disponibilité de financements nécessaires à la mise en oeuvre d'un programme d'actions utiles pour une effectivité optimale des droits de l'enfant. Le secteur de la protection doit disposer de financement public alloué de manière conséquente au regard des objectifs fixés par ce plan ou programme d'actions en faveur des droits de l'enfant. La charge financière de la protection de l'enfance incombe essentiellement à l'Etat1679. L'Etat est chargé d'assurer les budgets de fonctionnement des services de protection administrative qui sont des services déconcentrés du Ministère en charge de l'action sociale et des services relevant du système judiciaire.

Pour y arriver, quelques actions données comme importantes doivent être menées : A l'initiative de l'Etat, des partenariats financiers devraient être mises en place entre l'Etat et les collectivités territoriales (les Mairies) des localités ne disposant pas des services de la protection spécialisée (complexes socio-éducatifs ou Centre social) pour le soutien aux chargés communaux de la protection spécialisée. Des rubriques spécialement affectées aux interventions et actions, y compris de formation, relatives à la protection de l'enfant devraient être prévues dans les lignes budgétaires des autres ministères en charge de la protection de l'enfance et ses droits.

Aussi, un cadre de concertation sera établi au niveau national pour obtenir l'adhésion et le soutien financier des partenaires techniques et financiers aux orientations de tout programme contenu dans le plan d'actions pour la mise en oeuvre effective des droits de l'enfant et de leur protection.

Par ailleurs, d'autres sources de financement seront à rechercher pour assurer ou renforcer les moyens nécessaires à la mise en oeuvre du programme national de mise en oeuvre des droits et de protection de l'enfant. Plus spécialement, des stratégies de partenariats financiers avec le secteur privé national et international devront être explorées. A titre d'illustration, au niveau national, un partenariat financier avec les coopératives de produits vivriers serait une

1679 Selon la Comité des droits de l'enfant, tout gouvernement qui prend au sérieux ses obligations à l'égard des enfants, devrait effectuer une analyse budgétaire adaptée pour déterminer la proportion des dépenses publiques consacrée aux enfants et garantir l'utilisation effective de toutes ces ressources, Voir HAMMARBERG (T.), Droits de l'Homme en Europe : la complaisance n'a pas sa place, Editions du Conseil de l'Europe, Octobre 2011, p.180.

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opportunité devant permettre de faire face aux questions liées à l'alimentation des enfants détenus ou enfants en institutions privées.

Des évènements ponctuels pourront aussi être organisés pour la levée de fonds1680 destinés à la lutte contre la violence qui touche les enfants. Ces évènements se baseront sur le renforcement de la solidarité nationale1681 et auront le double objectif de sensibiliser la population et de fonctionner en tant que dispositifs de collecte de fonds1682. Les fonds supplémentaires collectés au titre de la protection de l'enfant pourront alimenter un fonds exceptionnel destiné, par exemple, à financer les campagnes nationales et locales de sensibilisation.

Pour être utiles à l'atteinte d'une effectivité optimale des droits de l'enfant, toutes ces mesures de réforme profonde de la stratégie de prise en charge des enfants doivent être concomitamment accompagnées d'une plus grande priorité accordée aux actions de prévention des atteintes aux droits de l'enfant.

SECTION II. UNE PLUS GRANDE PRIORITE A DONNER AUX ACTIONS DE PREVENTION DES ATTEINTES AUX DROITS DE L'ENFANT

La prévention par des actions de plaidoyer et de sensibilisation des communautés (Paragraphe1) et la prévention de la violence institutionnelle et des comportements à risque sont à nos yeux, deux actions préventives déterminantes pour une meilleure effectivité des droits de l'enfant (Paragraphe 2).

§ 1. LA PREVENTION PAR DES ACTIONS DE PLAIDOYER ET DE SENSIBILISATION DES COMMUNAUTES

Seront mis en lumière à ce niveau de notre analyse, l'instauration d'une culture de débat sur les atteintes aux droits de l'enfant (A) et un appui renforcé aux structures communautaires de protection de l'enfant (B).

1680 GALLOUIN (J-F), Guide pratique de la levée de fonds, Groupe Eyrolles, 2007, p.5-6.

1681 KNESTSCH (J.), « La solidarité nationale, genèse et signification d'une notion juridique », Revue française des affaires sociales, 2014/1(n°1-2), pp.32-43. ; THOMAZEAU (A-M.), Aider les autres ? Paris, De La Martinière Jeunesse, 2008. 254p.

1682 LEFEVRE (S.), Collecte de fonds, militantisme et marketing : le programme Direct Dialogue à Greenpeace France, mémoire de DEA de Science Politique, Université Lille2, 2003.

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A. L'INSTAURATION D'UNE CULTURE DE DEBAT SUR LES ATTEINTES AUX DROITS DE L'ENFANT

Les problèmes de violence1683 et exploitation qui touchent les enfants sont méconnus de l'opinion publique ivoirienne. On observe la coexistence de différents niveaux d'appréhension et de conscience du problème de la violence affectant les enfants. En Côte d'Ivoire, certaines formes de violence1684 ne sont pas reconnues en tant que telles, notamment la maltraitance1685 et l'exploitation1686. Pour d'autres, notamment les punitions corporelles1687 et la violence sexuelle, la propension sera à en faire porter la responsabilité à l'enfant, pourtant victime : c'est par son comportement qu'il est considéré méritant ce qui lui arrive. On explique encore la violence contre les enfants par des considérations relatives aux « défaillances parentales1688 », aux « familles dysfonctionnelles ou recomposées1689 ». Bref, dans la majorité des cas, on n'est pas prêt à reconnaitre qu'il s'agit d'un problème véritablement collectif, enraciné dans des pratiques tolérées et répandues.

1683 FORTIN (A.) et CHAMBERLAND (C.) et LACHANGE (L.), « La justification de la violence envers l'enfant, un facteur de risque de violence », Revue Internationale d'éducation familiale, IV, (2), 2000, pp.5-34.

1684 MILLER (A.), C'est pour ton bien. Racines de la violence dans l'éducation de l'enfant. Réédition. Paris : Aubier, 2008, 320p ; LAPIERRE (S.) et DAMANT (D.), « Les mauvais traitements envers les enfants et les adolescents : le point de vue d'enfants et d'adolescents victimes. ». Service social, 51(1), 2004, pp.98-109. 1685 DURNING (P.), « L'évaluation des situations d'enfants maltraités : définitions, enjeux et méthodes », In. Evaluation (s) des maltraitances : rigueur et prudence, Editions Fleurus psycho-pédagogie, Paris, 2002, pp.15-47. ; DURNING (P.), L'enfance maltraitée : piège ou défi pour la recherche en éducation familiale », Revue française de pédagogie, 96, 1991, pp.33-42. ; DURNING (P.), La maltraitance : une notion floue, des réalités incontournables » in Revue du Haut Comité de Santé Publique, juin 2000, pp.57-59.

1686 JACQUEMIN (M.), « Travail domestique et travail des enfants, le cas d'Abidjan (Côte d'Ivoire) » in Tiers Monde.2002, tome 43, n°170.

1687 COMITE DES DROITS DE L'ENFANT DES NATIONS UNIES, « Observations générales n°8 du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies sur le droit de l'enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments ». CRC/C/GC/8, 2 juin 2006 ; CONSEIL DE L'EUROPE 2007, « L'abolition des châtiments corporels à l'encontre des enfants : Questions et réponses » In. Construire une Europe pour et avec les Enfants. Editions du Conseil de l'Europe. Bruxelles, 57p. ; CLEMENT (M-E), KARINE (C.) et ISA IASENZA, « Que retenir de l'implantation et de l'efficacité du programme Eduquons nos enfants sans corrections physiques ». Défi jeunesse : Revue professionnelle du Conseil multidisciplinaire du Centre Jeunesse de Montréal, vol. 11, n°1, novembre 2004, p.8-27.

1688 LESAGE (F), « Défaillance parentale. Et choc des cultures », Les Cahiers Dynamiques 3/2014 (n°61), pp.135-142.

1689 MARIE-CHISTINE (S.J.), « Familles recomposées : qu'avons-nous appris au fil des ans ? », Service social, vol.39, n°3, 1990, pp.7-37.

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Par conséquent, la violence à l'égard des enfants, bien que observable par tout un chacun, fait l'objet d'une visibilité limitée et apparait à un faible niveau des préoccupations relayées dans le débat public. Le refus de percevoir la violence contre les enfants comme une menace pour les valeurs et à terme, pour le développement harmonieux de la société génère l'apathie de l'opinion publique et la rend peu encline à se mobiliser.

Pour contrer cette situation et faire évoluer les mentalités, il est donc nécessaire de changer les perceptions du public sur les phénomènes de violence et partant augmenter la capacité d'indignation1690 face aux abus qui touchent les enfants. Sur cette base, il sera possible de promouvoir des actions de lutte contre la violence qui soient à la portée de tout citoyen.

En l'espèce, la communication sociale1691 apparait à nos yeux comme un véhicule puissant pour impulser ces changements. Ici, la communication sociale réfère à toute initiative de diffusion par les médias, de messages relatifs à la protection de l'enfant et de ses droits auprès de la population toute entière (campagnes nationales) ou de publics sélectionnés. La communication sociale en matière de protection de l'enfant viserait à faire évoluer les comportements par l'émergence et la généralisation de nouvelles idées et normes partagées qui soient résolument favorables à la protection de l'enfant.

L'introduction des questions de violence touchant les enfants dans l'agenda médiatique de masse et de proximité est une stratégie incontournable pour arriver à une appréhension de la violence envers les enfants en tant que problème sociétal qui appelle à la responsabilisation de tout un chacun et pour soutenir un dialogue social1692 ample et continu à ce sujet.

Le défi pour le secteur des médias est celui de la pertinence et de l'adéquation des messages à l'intention de l'opinion publique, pour éviter qu'elle ne bascule dans l'alarmisme qui appelle démesurément à la répression ou à l'opposé dans l'indifférence et l'immobilisme. Les médias devront aussi assurer qu'il y ait une certaine continuité entre les messages

1690 PIERRON (J.-P.), « L'indignation », Études, vol. Tome 416, no. 1, 2012, pp. 57-66.

1691 COLLET (H.), Communiquer : Pourquoi ? Comment ? Le guide de la communication sociale, Paris, CRIDEC Editions, 2004, 608 p. ; PACINI (M-C), Le rôle du digital dans la communication sociale, mémoire de fin d'études (MBA 2ème année), Ecole de Commerce de Lyon, 2015, pp.9-14.

1692 BIT, Dialogue social-Discussion récurrente en vertu de la Déclaration de l'OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, Conférence internationale du Travail, 102e session, 2013, ILC.102/VI.

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véhiculés et d'autres initiatives plus concrètes en appui au changement de comportement par rapport au problème abordé.

Les initiatives de communication sociale en tant que moyen de contribution à l'effectivité des droits de l'enfant, se donneront comme objectifs de :

- Dénoncer publiquement les diverses formes de violence qui affecte les enfants ;

- Faire la promotion de tous les droits de l'enfant et du droit à la protection contre la violence en particulier ;

- Faire la publicité des conséquences néfastes de la violence sur l'enfant, la famille et la communauté ;

- Soutenir le concept de la responsabilité individuelle et collective de s'abstenir de tout

comportement violent vis-à-vis des enfants ;

- Diffuser l'information sur les textes protégeant les enfants et sur les conséquences légales de tout acte de violence ;

- Divulguer l'obligation de signaler tout acte de violence pour que les enfants victimes puissent être assistés ;

- Faire la publicité sur les dispositifs existants en matière de signalement et assistance aux enfants victimes et donner des orientations claires quant à la procédure à suivre ;

- diffuser des informations visant à renforcer les capacités d'autoprotection des enfants, leur connaissance des droits et les informer sur les voies de secours et de recours, de préférence avec leur participation dans la production des messages.

Les initiatives de communication sociale rechercheront l'équilibre entre la notion de gravité de la situation et la communication positive valorisant la « bientraitance1693 », les valeurs et les pratiques positives dans les processus d'éducation et de protection des enfants.

Elles s'appuieront dans la mesure du possible sur la participation des leaders d'opinion, soient-ils des responsables politiques, des communicateurs, des artistes, des leaders traditionnels, etc., et sur la participation de groupes d'enfants et de jeunes.

1693 SELLENET (C.), « De la bientraitance des enfants à la bientraitance des familles ? », Spirale 1/2004(n°29), p.69-80 ; RAPOPORT (D.), « De la prévention de la maltraitance à la « bien-traitance » envers l'enfant », Informations sociales 4/2010 (n°160), pp.114-122.

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Pour assurer la réussite des efforts de communication, il serait nécessaire d'élaborer une stratégie de communication1694 en matière de protection de l'enfant et de ses droits, avec l'implication et la collaboration entre les responsables politiques, le parlement1695, les réseaux professionnels, les ONGs et les médias. Il sera nécessaire aussi d'assurer que les efforts de communication aillent de pair avec les efforts d'amélioration de l'efficacité des services d'assistance, de sécurité et services judiciaires dans la suite donnée aux signalements1696 de manière à améliorer la confiance de la population et leur propension au signalement.

Outre l'instauration d'une culture de débat sur les atteintes aux droits de l'enfant, notamment contre toute forme de violence, les structures communautaires de protection de l'enfant doivent aussi faire l'objet d'un appui renforcé.

B. UN APPUI RENFORCE AUX STRUCTURES COMMUNAUTAIRES

L'objectif visé ici est de renforcer les pratiques communautaires positives1697 en matière de protection et de défense des droits de l'enfant. Ce faisant, à terme, les pratiques communautaires en matière de violence affectant les enfants devraient être axées sur la considération de l'intérêt supérieur de l'enfant. En matière de protection de l'enfant, le rôle principal étant dévolu aux communautés, il importe que la priorité soit accordée aux actions tendant à renforcer les capacités des communautés afin que les enfants soient élevés ou éduqués à l'abri de toute forme de violence et que leur protection face aux risques soit assurée1698 . Les modes de vie qui se basent sur une cohésion sociale forte sont vivaces en

1694 PALMIERI (J.), E-change-Stratégies de communication des associations, ritimo, pp.1-14 ; LIBAERT (T.), Le plan de communication. Définir et organiser votre stratégie de communication, Paris, Dunod, 5è ed. 2017, 320p.

1695 UNICEF, La protection de l'enfant. Guide à l'usage des parlementaires n°7, Presses de SRO Kundig, Genève, 2004, pp.23-44.

1696 CIRCULAIRE N° DGCS/SD2A/2014/58 du 20 février 2014 relative au renforcement de la lutte contre la maltraitance et au développement de la bientraitance des personnes âgées et des personnes handicapées dans les établissements et services médico-sociaux relevant de la compétence des ARS, p.5-6 disponible sur www.circulaire.legifrance.gouv.fr (consulté le 21/08/2016).

1697 TERRE DES HOMMES, Les pratiques communautaires dans la protection des enfants-Les cas du Brésil, de la Colombie, du Pérou, de l'Equateur et du Nicaragua, 2011, pp.9-24.

1698 CARBONNIER J., « Vis famille, Législation et quelques autres », in J. CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 2001, p.275. ; Voir aussi, C. RIEUBERNET, « Les limites de la solidarité familiale », in C. NEIRINCK, Droits de l'enfant et pauvreté, Dalloz, 2010, p.55. ; FULCHIRON

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Côte d'Ivoire, notamment, dans le milieu rural. Il existe dans ces communautés des normes, à tout le moins, des règles intériorisées établissant des règles de la vie communautaire et les diverses formes de solidarité. Les parents sont les premiers responsables du bien-être de leurs enfants. Dans l'exercice de cette responsabilité et face à des difficultés majeures (décès et maladie, perte d'emploi et de revenus, difficultés relationnelles, etc.), les diverses formes de solidarité veulent que les membres de la communauté (famille élargie, voisinage, quartiers, cercles d'amis et personnes proches, autorités locales, etc.) viennent au secours des parents en difficulté. Les règles communautaires établissent les comportements admissibles ou souhaitables et ceux qui sont proscrits à l'égard des enfants. Ceci est vrai par exemple quant aux châtiments corporels, qui peuvent s'imposer aux parents par la force de ces mêmes normes. Les comportements déviants de ces normes font généralement l'objet d'une condamnation morale et en conséquence, fonctionnent comme des éléments de dissuasion de certains comportements de la part des parents. Les normes désignent les personnes qui peuvent éventuellement intervenir dans le milieu familial dans l'appréciation de la manière dont les parents s'acquittent de leurs responsabilités et à partir de quel seuil. Les mécanismes de règlement des conflits ethniques ou communautaires1699 en général sont confiés à la responsabilité des griots1700 ou chefferies traditionnelles1701 grâce au pouvoir1702 à eux confiés. Seulement et malheureusement, certains abus commis sur les enfants font l'objet de règlement traditionnel, à la demande des parents (par exemple, en cas d'abus sexuel commis par une personne extérieure à la famille). Toutefois, force est de reconnaitre que ces

H. (dir.), Les solidarités entre générations, Paris, Bruylant 2013, 1149p ; Lire aussi : MAISONNASSE (F.), L'articulation entre la solidarité familiale et la solidarité collective, LGDJ, 2016, 485p.

1699 HOBSBAWM (E.), « Qu'est-ce qu'un conflit ethnique ? », in Actes de la Recherche en Sciences sociales, n°100, Paris, Seuil, 1993, p.52. ; LABAKI T. GEORGES, Les conflits communautaires et ethniques dans le monde contemporain », in Encyclopaedia Universalis, Paris, Universalia, 1991, pp.111-116.

1700 SORY CAMARA, Gens de la parole. Essai sur la condition et le rôle des griots dans la société malinké, Paris, Karthala, 1992, 375p.

1701 HASSANE (B.), « Autorités coutumières et régulation des conflits en Afrique de l'Ouest francophone : entre l'informel et le formel » in La réforme des systèmes de sécurité et de justice en Afrique francophone, Organisation Internationale de la Francophonie, 2011, p.178. ; ADRIANN (B.) van ROUVEROY van NIEUWAAL, L'Etat en Afrique face à la chefferie : le cas du Togo, ASC-Karthala, Paris/Leyde, 2000, p.25. ; PERROT (C.-H.) et FAUVELLE-AYMAR (F.-X.) (dir.), Le retour des Rois : les autorités traditionnelles et l'Etat en Afrique contemporaine, Paris, Karthala, Paris, 2003, pp.249-266.

1702 BADIE (B.) et al., Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin, 2005, pp.265-266. ; LHOMME (J.), « La notion de pouvoir social », Revue économique, Volume 10, n°4, 1959, p.487.

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règlements privilégient le rétablissement de la cohésion communautaire1703, par l'application à l'auteur de l'abus, d'une forme de réparation informelle à la famille. L'enfant victime ne fait en général l'objet d'aucune attention particulière. Qui plus est, dans les communautés, souvent des actes et des situations sont tolérées, acceptés et même envisagés par les adultes, parce qu'elles ne sont pas perçues en tant que telles. La violence à l'encontre de l'enfant peut devenir tolérable ou banale aux yeux de ceux qui l'infligent ou qui en sont spectateurs. En conclusion, l'intérêt supérieur de l'enfant demeure soumis à l'intérêt des adultes et de la communauté1704.

Pour pouvoir prévenir les abus, la violence et l'exploitation à l'encontre de l'enfant en milieu communautaire, il est donc nécessaire que les membres de la communauté perçoivent clairement la maltraitance et l'exploitation en tant que telles, soient conscients de leurs conséquences sur le développement de l'enfant et sur la vie de la communauté, et finalement acceptent de changer d'attitudes et de comportements. La communication pour le changement de comportement1705 en matière de protection de l'enfant au niveau communautaire pourrait être un outil central pour assurer l'atteinte de ces objectifs. Cette forme de communication fait référence à des initiatives de communication sociale interpersonnelle. L'action consisterait à établir un dialogue de proximité entre les membres d'une communauté donnée et des professionnels de l'action sociale autour de questions

1703 On ne le dira jamais assez, en Afrique, le primat du groupe sur l'intérêt individuel reste prégnant au niveau traditionnel malgré la consécration des droits individuels. KAMTO (M.), « Charte africaine, instruments internationaux de protection des droits de l'homme, constitutions nationales : articulations respectives », in E. LAMBERT ABDELGAWAD, J-F FLAUSS (s-dir.), L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Bruylant, Nemesis, Bruxelles 2004, p.11. ; A contrario FULCHIRON H., « Existe-t-il un modèle familial européen ? », Défrenois 2005, 38239, pour qui « s'il n'existe pas de modèle familial européen, c'est donc bien parce que l'unité de mesure de toute chose n'est pas le groupe, mais l'individu ». 1704 Selon RICHARD MOLLARD (J.), « Le Nègre ne se conçoit pas seul. La cellule fondamentale des sociétés négro-africaines n'est nullement l'individu, mais un groupe. L'individu n'est à l'aise que s'il se saisit lui-même par rapport à une communauté. Il est une dent de rouage dans un complexe engrenage », RICHARD MOLLARD (J.), « Groupes ethniques et collectivités d'Afrique Noire », In. Cahiers d'Outre-Mer, 1952, cité par KOUASSIGNAN (G.), Quelle est ma loi ? Tradition et modernisme dans le droit privé de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pédone, 1974, p.14. ; Voir aussi ASSO (B.) selon lequel, « Dans les sociétés négro-africaines, la cellule essentielle de l'organisation sociale n'est pas l'individu considéré isolement. Tout homme constitue un chaînon vivant, actif et passif, rattaché par le haut à l'enchainement de sa lignée ascendante et soutenant sous lui sa lignée descendante », « De la sacralisation du pouvoir : essai sur l'Afrique noire animiste », Revue Méditerranéenne d'Histoire, 1976, p.97.

1705 FEDERATION INTERNATIONALE DES SOCIETES DE LA CROIX-ROUGE ET DU CROISSANT-ROUGE, La communication pour le changement de comportement à l'usage des volontaires de la communauté-Manuel du formateur, 2010, pp.19-66.

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relatives aux droits et à la protection de l'enfant. Pour être un complément des actions de communication sociale par les médias, la communication pour le changement de comportement permettrait d'en renforcer l'impact en instaurant un dialogue direct avec la population, en particulier celles pour qui l'accès aux média est plus difficile.

La communication pour le changement de comportement en milieu communautaire partirait d'un double postulat : d'une part, la violence à l'encontre des enfants provient souvent de la méconnaissance ou de l'incompréhension de la part d'adultes (qui ont pour la plupart subi les mêmes traitements)1706, des effets dommageables de la violence et de l'exploitation sur le développement de l'enfant tout comme sur les relations communautaires et le développement ; d'autre part, le changement de comportement des uns et des autres dans le sens d'une meilleure protection de l'enfant ne peut être que le fruit d'une prise de conscience, de décision éclairée et d'un engagement collectif de ceux qui sont concernés directement.

La communication pour le changement de comportement viserait aussi à soutenir l'acquisition de connaissances, aptitudes et comportements de protection et à renforcer les pratiques communautaires favorables au développement holistique de l'enfant. Le dialogue entre les intervenants extérieurs et la communauté portera sur la valorisation des pratiques positives (renforcement des compétences familiales, prise en charge communautaire) et sur la reconnaissance de ce qui constitue une violation du droit à la protection de l'enfant. Le but est de convenir avec les communautés de la nécessité d'une moindre tolérance envers des comportements violents à l'égard des enfants (corrections démesurées, maltraitance), un moindre recours aux stratégies économiques familiales qui pénalisent fortement les enfants (pires formes de travail des enfants, mariage forcé), un abandon des pratiques socioculturelles néfastes pour les enfants, telles que les mutilations génitales féminines, le mariage précoce.

Les processus de communication pour le changement de comportement en milieu communautaire se doivent d'être non seulement des processus collectifs (engageant un grand nombre d'acteurs des communautés), mais aussi progressifs (allant du développement de

1706Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, La communication pour le changement de comportement à l'usage des volontaires de la communauté- Manuel du formateur, 2010, pp.19-23.

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l'enfant aux problèmes des violences touchant les enfants) et inscrits dans une durée suffisante pour l'atteinte de résultats réels. Ils se donneront les objectifs qui suivent : informer et éduquer sur le développement physique et émotionnel de l'enfant1707, y compris la phase de l'adolescence1708; revisiter de manière critique ensemble avec les chefferies traditionnelles et les membres des communautés, les pratiques de résolution des conflits relatifs à la protection de l'enfant et apprécier leur adéquation à l'intérêt supérieur de l'enfant ; identifier les problèmes de protection de l'enfant et évaluer l'étendue de leur impact sur le développement de l'enfant ; reconnaitre et renforcer les pratiques positives ; reconnaitre et abandonner les pratiques nuisibles ; mener à la prise de conscience collective du devoir de protection vis-à-vis des enfants ; inciter les communautés à s'engager sur des initiatives mettant à profit les formes organisationnelles et les potentialités existantes dans la communauté au service d'une meilleure protection de l'enfant. Ces initiatives pourront se formaliser en tant que mécanismes de veille, détection, médiation1709 et référence ; assurer que les communautés disposent des informations nécessaires pour recourir aux services de protection de l'enfant dans les cas où la prise en charge psychosociale de l'enfant1710 et l'accompagnement de la famille soient nécessaires et/ou envisageables ; poser la question de la résolution communautaire des litiges relatifs aux infractions commises sur l'enfant en lieu et place du recours à la justice sous le prétexte du maintien de la cohésion sociale à l'appréciation des uns et des autres , et établir le consensus quant à la nécessité de recourir à la justice dans les cas prévus par la loi ; soutenir l'accès des communautés aux services d'aide juridique1711 et le recours à la justice1712 pour la poursuite de cas d'infractions pénales commises contre les enfants.

1707 DELFOS -MARTINE (F.) , « Le développement des enfants de 4 à 12 ans », In. De l'écoute au respect, communiquer avec les enfants, Toulouse, ERES, « Enfance et parentalité », 2007, pp.35-59.

1708 UNICEF, La situation des enfants dans le monde 2011- L'adolescence. L'âge de tous les possibles, pp.8-12.

1709 DE LARA (A.), DE LARA (P.), « L'enfant, objet transitionnel de la médiation familiale », Dialogue 2003/2 (n°160), p.69-87.

1710 PERRUSSON (O.), « Accompagnement psychologique des enfants maltraités », Laennec 1/2008 (Tome 56), pp.34-44. Disponible sur www.cairn.info/revue-laennec-2008-1-page-34.htm. (Consulté le 15/05 /2016). 1711 Pour plus d'informations sur les composantes fondamentales de l'assistance juridique adaptée aux enfants, voir, UNICEF, L'assistance juridique adaptée aux enfants en Afrique, Juin 2011, pp.10-21 ; Commission Internationale de Juristes- Fédération des juristes africains, Les services juridiques en milieu rural, rapport d'un séminaire tenu à Libreville du 1er au 5 février 1998, 152p.

1712 DIAGNE (P.), « Accès à la justice dans les quartiers urbains pauvres : Dakar, Abidjan, Niamey, Ouagadougou », in Pauvreté et accès à la justice en Afrique Impasses et Alternatives, L'Harmattan, 1995, p.27-

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Il apparait indispensable que toute institution ou association qui se propose de travailler le thème de la protection avec une communauté donnée utilise une approche adaptée. Il ne s'agit pas en fait que les communautés perçoivent l'approche comme une menace ou une sanction des modes de vie locales. Il est nécessaire au départ de bien connaitre et de respecter les traditions socio-culturelles locales. Cette condition est indispensable pour engager avec les membres de la communauté, un réexamen des pratiques locales au regard des droits de l'enfant. Il est clair que ce travail demande une durée suffisante pour établir une relation de confiance entre les personnes de la communauté et les intervenants extérieurs. Au fur et à mesure de la stabilisation de la relation, le travail de sensibilisation pourrait s'appuyer de manière croissante sur les membres de la communauté acquis au changement : en un mot, les propres membres de la communauté deviendraient à terme, des vecteurs de transmission des connaissances et comportements visant à renforcer l'effectivité des droits de l'enfant, son statut et sa protection au niveau local. Aussi, les interventions ayant comme objectif le changement des comportements seront couplées dans la mesure du possible avec des actions plus amples de développement local1713, des activités d'intérêt de la communauté (sports, loisirs, activités culturelles), des échanges sur les droits de l'enfant, etc.

Ces actions préventives doivent aussi s'étendre au niveau de la protection institutionnelle et des comportements à risque des enfants.

§ 2. LA PREVENTION DE LA VIOLENCE INSTITUTIONNELLE ET DES COMPORTEMENTS A RISQUE

Une protection particulièrement stricte des enfants dans les institutions d'accueil (A) et une attention accrue aux comportements à risque de la part des adolescents (B) pourraient contribuer à réduire le degré d'ineffectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

116 ; SAWADOGO (F.M), « L'accès à la justice en Afrique francophone : problèmes et perspectives. Le cas du Burkina Faso », in L'effectivité des droits fondamentaux dans la communauté francophone, éd. Aupel-Uref, 1994, p.295-313 ; NKOU MVONDO (P.), « La crise de la justice de l'Etat en Afrique noire francophone. Eudes des causes du divorce entre la justice et les justiciables », Penant, 1997, p.208-228. ; FRICERO (N.), « L'accès au juge » in Revue Annuelle des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation « justice et cassation », édition Dalloz, 2010, p.15.

1713 JAMBES (J-P), Territoires apprenants : esquisses pour le développement local du XXIème siècle, Paris, L'Harmattan, 2001, pp.16-17. ; BESSON (G.), Le développement social local : significations, complexité et exigences, Paris, L'Harmattan, 2008, p.191. ; PECQUEUR (B.), Le développement local. Pour une économie des territoires. Ed. : La découverte. Syros. 2000, 132p.

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A. UNE PROTECTION PARTICULIEREMENT STRICTE DES ENFANTS DANS LES INSTITUTIONS D'ACCUEIL

La protection des enfants dans les services et institutions1714 aura pour objectif la prévention et le contrôle de la violence institutionnelle1715.

Il faudrait à travers une politique claire, préciser davantage les mesures mises en place par l'institution pour assurer que les enfants qui y transitent ne soient l'objet d'une quelconque forme de violence. Elle devrait non seulement, mettre en exergue la politique de recrutement des personnels, mais aussi édicter des règlements auxquels les institutions et leur personnel sont soumis ; Aussi, devrait-elle établir des mécanismes indépendants de contrôle interne et de contrôle externe ; Pour effectuer le signalement ou l'avis à l'autorité judiciaire en vue de la transmission des allégations ou plaintes aux autorités compétentes en cas d'abus, des modalités claires devraient être précisées.

Les établissements scolaires1716 de tous les niveaux, les établissements sanitaires1717 et les structures de formation et de professionnalisation seront les institutions prioritairement visées par cette mesure. En concertation avec des ordres et associations professionnelles concernées, les ministères de tutelles de ces établissements privés ou publics, se doivent d'édicter des règlements de protection de l'enfant conformément aux termes ci devant précisés. Par la suite, il serait opportun de divulguer ces documents, d'engager des actions de formation, de développer des outils méthodologiques et, dans la mesure du possible, d'identifier des personnes relais de la protection de l'enfant au niveau des établissements.

Les institutions telles que les pouponnières, orphelinats, centres d'accueils, centres spécialisés pour les enfants porteurs de handicap, internats qui accueillent ou hébergent des enfants, sont soumises à des règles dictées par les autorités administratives de protection de

1714 ROSENCZVEIG (J.P.), Lettre ouverte aux directeurs d'établissements et autres intervenants en institution sur les réponses à apporter aux maltraitances à enfants et à personnes vulnérables, Publication de l'ANCE, 2000. ; CREOFF (M.), « Lutte contre les violences institutionnelles : un engagement de la puissance publique ».In. Journal du Droit des jeunes, Novembre 2001, n°209, pp.32-34.

1715 CORBET (E.), « Les concepts de violence et de maltraitance », adsp, n°31, juin 2000, p.20. ; TOMKIEWICZ (S.), VIVET (P.), Aimer mal, Châtier bien. Enquêtes sur les violences dans les institutions pour enfants et adolescents, Paris : Seuil, 1991.230 p.

1716 TOMKIEWICZ (S.), FABRE (M.), L'école et la violence, in Journal des jeunes, mai 1998, pp.13-25. 1717 AUFORT (C.), HOUDIN (J.), La peur dans les structures sanitaires et sociales, Management, Avril 2001, n°3, pp.3-15.

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l'enfant. Ces règles devraient de façon claire, définir les critères relatifs à l'ouverture et au fonctionnement de ces institutions, les standards de prise en charge et les mécanismes de surveillance externe et interne. Les dispositions devant être prises en cas de signalement d'une moindre indication de maltraitance infantile, notamment des attitudes à caractère sexuel devraient être prévues et précisées.

Par ailleurs, des codes de bonne conduite claires devant orienter les professionnels relativement aux modalités d'exercice de leurs prestations par rapport aux enfants, devraient être élaborés par les associations professionnelles. In fine, toutes ces mesures auraient pour résultat l'identification des cas de violences institutionnelles et l'application des dispositions prévues à cet effet. Il importe aussi que tous les services qui travaillent avec des enfants disposent d'un programme interne clair de protection de l'enfant.

De même, une attention doit être accordée aux comportements à risque des adolescents.

B. UNE ATTENTION ACCRUE AUX COMPORTEMENTS A RISQUE DE LA PART DES ADOLESCENTS

La période de l'adolescence peine à être reconnue comme une phase du développement qui a ses caractéristiques propres. Accédant à la puberté, l'enfant est à tort considéré parfois comme un adulte investi d'un certain nombre d'obligations ; ce faisant, son statut de personne en développement avec ses besoins spécifiques est nié. Or, selon les scientifiques, entre 12 et 15 ans, la personne humaine n'a pas encore fini son développement physique, cognitif, psychologique1718. Selon l'étude du processus de maturation cérébrale1719, le cortex préfrontal1720, partie du cerveau assurant le contrôle de conduites, et partant la capacité d'anticiper et de prévoir le raisonnement, l'auto contrôle, ne se développe pleinement qu'au début de l'âge adulte. Ainsi, tout adolescent se trouve dans une phase d'évolution

1718 FERNANDEZ (L.), Psychologie du développement, Editions. Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, 2002, 5p. ; MYERS (DG), « Développement de l'enfant » In. Myers DG éd. Psychologie, Paris : Medecine-Sciences Flammarion, 1997, pp.77-115 ; RICAUD-DROISY (H.), SAFONT-MOTTAY (C.) et OUBRAYIE-ROUSSEL (N.), « Psychologie du développement ». In Enfance et adolescence, Dunod, 45-70. 1719 JAY N. GIEDD, « Maturation du cerveau adolescent », In. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants,Janvier 2011, p.28-31.

1720 LANDMANN (C.), Le cortex préfrontal et la dopamine striatale dans l'apprentissage guidé par la récompense : conception et étude d'une tâche cognitive d'exploration par essais et erreurs en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle et en tomographie par émission de positions avec le 11C-raclopride. Neurosciences. Université Pierre et Marie Curie-Paris VI, 2007.pp-15-20.

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instinctuelle, émotionnelle et morale ne lui permettant pas d'appréhender de façon sérieuse, les risques des pratiques préjudiciables à sa santé et son développement tels que la consommation de tabac, de l'alcool, la drogue, les comportements sexuels à risque (précoce, non protégé et ou en échange de rémunération), agressivité entre pairs.

Les facteurs explicatifs des comportements à risque des adolescents sont mal connus. Cependant, il va de soi que les adolescents bénéficiaires d'un faible encadrement (vie familiale, exclusion scolaire) seraient davantage exposés que les adolescents jouissant d'un suivi parental attentif et adapté, fréquentant l'école, etc.

Une des missions fondamentales de tout processus d'action sociale est incontestablement l'encadrement et l'orientation des jeunes. Les actions ou interventions à l'endroit des adolescents à comportements à risque doivent permettre la création des opportunités pédagogiques ; lesquelles opportunités pédagogiques seraient un tremplin d'acquisition de savoir, de connaissances, compétences et valeurs par les adolescents. Ainsi, fort de ces acquis pluriels et divers, ils pourraient faire des choix responsables quant à leurs relations sociales, y compris sexuelles. Ils doivent être mis en mesure de mieux comprendre les risques auxquels ils sont confrontés, de s'auto-protéger, de savoir où trouver de l'aide et d'adhérer aux propositions de la part des éducateurs. Ces objectifs pourront être atteints par la mise en place d'actions éducatives de proximité dans les lieux fréquentés par les adolescents, par la création de centres d'information et conseil pluridisciplinaires, par l'organisation d'activités de quartier et communautaires récréatives, artistiques, culturelles et sportives, par le soutien aux associations de jeunes et la création de plates-formes d'échange pour leur permettre de s'exprimer véritablement.

Ces mesures viseraient à prévenir les comportements à risque de la part des adolescents. Le résultat escompté est la diminution sensible des comportements à risque des adolescents. Pour être fondamentales, ces stratégies contribueraient, notamment, à la prévention de la commission d'infractions et l'entrée des adolescents dans le système de l'administration de la justice des mineurs1721.

1721 GACUKO (L.), La mise en oeuvre de l'article 40 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au Burundi, thèse de doctorat, Université de Namur, 2012, 797p. ; TREMBLAY (A.), « Justice des mineurs : Quand la victime a voix au chapitre » In. Les cahiers de recherches criminologiques, cahier n°18, Université de Montréal-Centre international de criminologie comparée, 1994, 113p.

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Cependant, il peut arriver des situations où les mesures de prévention ne puissent empêcher la commission d'infractions à l'égard des enfants ainsi que des atteintes à leurs droits. Face à une telle hypothèse, le renforcement des mesures d'assistance aux enfants victimes s'avère nécessaire.

SECTION III. UN RENFORCEMENT BENEFIQUE DES MESURES D'ASSISTANCE AUX ENFANTS VICTIMES

Le renforcement des mesures d'assistance aux enfants victimes pourrait se décliner à trois niveaux : dans le cadre de la détection et la prise en charge des cas de violence ( Paragraphe1), la mise en place d'un système d'un système de substitution pour les enfants privés de protection parentale (Paragraphe 2) et le renforcement des conditions de lutte contre l'impunité (Paragraphe 3).

§ 1. DANS LE CADRE DE LA DETECTION ET LA PRISE EN CHARGE DES CAS DE VIOLENCE

Des méthodes de détection et de signalement plus perfectionnés des cas de violence(A) et une meilleure adaptation de la prise en charge par la création de systèmes locaux (B) contribueraient inéluctablement à une meilleure assistance des enfants victimes.

A. DES METHODES DE DETECTION ET DE SIGNALEMENT PLUS PERFECTIONNEES

La détection1722 et le signalement1723 des cas de violence affectant les enfants apparaissent indispensables pour des éventuels secours et assistance à l'enfant victime. L'efficacité du système de protection de l'enfant dépendrait en partie du renforcement de ces stratégies de détection et de signalement. Comment y arriver concrètement ?

1722 La détection est le fait de mettre en lumière un cas de violence touchant un enfant, de l'identifier en tant que cas quand existe des soupçons et/ou des preuves qu'un enfant est victime de maltraitance, négligence sévère, violence et/ou exploitation par un tiers et que par conséquent demande une intervention.

1723 Le signalement, comme entendu ici, est le fait de porter à la connaissance des autorités chargées de la protection de l'enfant des informations relatives à une détection , en vue d'une action de leur part. Il peut s'agir de faits observés directement, dont on est témoin, ou bien des propos entendus de personnes fiables et qui soulèvent des préoccupations quant aux dangers encourus par l'enfant.

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D'une part, il s'agira assurément d'opérer l'identification de tous les cas nécessitant une prise en charge et de réduire progressivement les risques de non détection. Pour ce faire, des stratégies multiples de détection et de signalement doivent être élaborées de façon à permettre l'intervention rapide des autorités ; cette intervention rapide des autorités aurait pour but l'évaluation de la situation et l'adoption de mesures appropriées. D'autre part, il apparait aussi nécessaire d'empêcher l'afflux de signalements non pertinents ou de signalements relatifs à des demandes ne pouvant être traitées ou satisfaites par les services de protection de l'enfant en termes de réponses appropriées ; car le contraire entrainerait un véritable engorgement des services administratifs ou judiciaires. A ce sujet, il apparait indispensable d'élaborer des guides clairs et précis orientant les différents acteurs chargés de la détection et du signalement1724.

La mise en place des différentes modalités de signalement commande de s'assurer que les services en charge du signalement soient véritablement opérationnels. Les personnes qui effectueront un signalement simple ou formel1725 ne transmettraient que des informations et ne devraient en aucun cas être tenue de rapporter la preuve des faits allégués.

Dans les localités situées à une distance acceptable des services administratifs en charge de la protection de l'enfant, les informations doivent être donnée de sorte que toute personne ayant détecté un cas de violence commis à l'égard d'un enfant puisse systématiquement avertir les autorités. Devrait être porté à la connaissance des autorités policières ou judiciaires, tout fait ou acte commis à l'égard d'un enfant et juridiquement qualifié d'infraction ou de violation.

Dans les localités n'abritant pas les autorités administratives et/ou judiciaires de protection de l'enfant, tout individu ayant identifié un cas de violation de droit ou de violence grave relatif à un enfant, se doit de transmettre immédiatement ces faits à la connaissance de l'autorité traditionnelle et s'assurer que celle-ci prenne rapidement une action corrective ; au cas où, les mesures prises par l'autorité traditionnelle s'avèrent insuffisantes, les autorités compétentes au niveau local et étatiques devraient être alertées afin de régler cette question.

1724 Réseau Wassila-Sos Villages d'Enfants Algérie, Le droit de l'enfant à la Protection : Plaidoyer pour le signalement des violences sexuelles sur enfant, 2010, 53p.

1725 Le signalement formel est un document écrit selon une formule convenue par lequel les services sociaux portent à la connaissance des autorités judiciaires (Procureur, Tribunal) un cas de violence touchant un enfant. Il décrit le cas et justifie le recours à la justice.

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Les Organisations nationales non gouvernementales (ONG) de protection de l'enfant pourraient, au besoin, servir de véritables relais entre la communauté et les autorités.

Dans l'hypothèse des cas jugés graves ou à défaut de présence de tout service social ou judiciaire, les représentants du préfet devraient rapidement être informés en vue de mettre en place une action rapide et efficace.

Par ailleurs, des dispositifs anonymes de signalement1726 se doivent d'être développés. Les dispositifs anonymes de signalement apparaissent plus que nécessaires dans les cas où l'anonymat pourrait encourager le signalement émanant de personnes souhaitant ne pas rendre publique leur identité en qualité d'auteurs du signalement et qui disposeraient des informations à transmettre aux services sociaux ou à la justice. Pour être utilisés par toute personne, ces dispositifs n'en sont pas moins des services de recours et de secours à la disposition des enfants eux-mêmes. Le signalement anonyme devrait être davantage possible grâce à la multiplication de services téléphoniques gratuits pour information, écoute, orientation, et dénonciation dénommée « Ligne verte ». La mise en place de ces services de signalement devrait être constamment portée à la connaissance de la population. Peuvent être aussi transmises directement aux autorités policières et judiciaires, quelques informations anonymes à toutes fins utiles.

Pour ce qui est de la détection et du signalement dans les services ou institutions au contact avec les enfants, les personnels de l'éducation, de la santé, de structures de sports, loisirs, culture doivent d'une part, avoir la maitrise d'une série d'indicateurs qui renseignent et alertent sur l'occurrence d'abus et qui réfèrent au comportement de l'enfant, et d'autre part, disposer de l'information afférente à la nécessité d'informer les autorités administratives de protection de l'enfant dans le cas d'un éventuel soupçon de violences commis à l'égard d'un enfant.

D'ailleurs, les fonctionnaires publics ont l'obligation de donner avis au Procureur dans tous les cas de connaissance d'un crime ou d'un délit1727. L'avis au Procureur est prôné pour tous les cas d'abus sexuel sans exception.

1726 Décret n°2008-1422 du 19 décembre 2008 organisant la transmission d'informations sous forme anonyme aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance et à l'Observatoire national de l'enfance en danger (J.O.27 décembre 2008) », Journal du droit des jeunes 2/2009 (N°282), pp.46-47.

1727 Article 40 Code de procédure pénale « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner

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De même, le renforcement d'un système de détection active au niveau des services chargés de la protection de l'enfant s'avère nécessaire.

La mise en place des stratégies et procédures de détection active de cas de violence affectant les enfants ressortit à la compétence de la police, de la gendarmerie et de l'inspection du travail. On le sait : dans l'exécution de leur mandat de prévention de la commission d'infractions à l'encontre de l'enfant, les services spécialisés de la police et de la gendarmerie ont la charge de contrôler les sites à risque pour les enfants ; cela passe généralement par le quadrillage et des rondes opérées sur ces sites que sont : maquis1728, boites de nuit, vidéoclub, jeux vidéo, marchés, gares routières, plages, bars climatisés, hôtels, sites de prostitution, cinémas. Après identification des cas à risque, ils devront immédiatement solliciter l'intervention des services sociaux ou passer à l'action en mettant l'enfant à l'abri car ce n'est toujours pas le cas en pratique.

En collaboration avec les forces de l'ordre, l'inspection du travail1729 et les services sociaux1730 chargés de la protection de l'enfant se chargeront de réaliser la détection active ; celle -ci devrait se réaliser par le biais de méthodes de surveillance des sites à risque pour les enfants (mines, plantations, carrières, transport, scieries, décharges, ports, abattoirs, chantiers de construction) où les enfants travaillent, souvent à la recherche de moyens de subsistance.

Les enfants vivant dans la rue et des adolescents ayant des comportements à risque doivent faire l'objet d'une approche singulière ; Comme déjà indiqué, les enfants en rupture familiale vivant dans la rue fuient souvent des foyers maltraitants et très démunis. De même, les adolescents qui de façon ostensible, s'adonnent à des comportements à risque sont des enfants en souffrance et leur comportement devrait être reçu et perçu comme un cri à l'aide. Partant, ces enfants méritent d'être approchés de manière appropriée par des travailleurs

avis sans délais au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

1728 Terme populaire usité en Côte d'Ivoire pour désigner les bars où se réunissent des personnes en vue de consommer l'alcool.

1729 L'inspection du travail est chargée de la surveillance de tout type d'entreprise formelle et/ou informelle, en particulier les lieux à risque pour les enfants (mines, plantations, carrières, transport, scieries, décharges, ports, abattoirs, chantiers de construction).

1730 Les services sociaux chargés de la protection de l'enfant (services de la protection spécialisée) sont responsables pour mettre en place des procédures de détection active des cas de violence, abus et exploitation concernant des enfants.

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sociaux dotés d'une expertise pédagogique adaptée à leur situation. En effet, le contact initial est extrêmement important en ce qu'il vise à instaurer les bases d'une relation de confiance et surtout mettre ces enfants en confiance. Cette relation de confiance désormais instituée entre le travailleur social et les enfants aura pour effet d'inciter ces enfants à recourir aux services de la protection spécialisée ou d'une association ayant des compétences dans le travail avec ces enfants. Cela serait un point de départ important pour engager un véritable processus de sortie de rue et de changement. Ce processus d'accompagnement des enfants vivant dans la rue, ne devrait se clôturer qu'avec la mise en place d'une solution définitive stable consistant, entre autres, à : un retour à la famille d'origine ou une intégration socio-économique autonome, ou encore, une intégration dans une structure éducative en vue d'un apprentissage ou d'une formation professionnelle.

Une forte contribution des organisations expertes en matière d'approche des enfants de la rue et développant des comportements à risque tels la prostitution ou la consommation de substances dangereuses, s'avèrent plus qu'utiles à la mise en place de ces approches spécifiques. En cela, ces organisations devraient être sollicitées par les pouvoirs publics à cette fin.

En vue d'améliorer la détection et le signalement des cas de violence, il apparait aussi pertinent que l'enfant et tout intéressé puisse directement solliciter une aide aux services sociaux. Pour ce faire, l'information nécessaire à la sollicitation directe d'une aide adaptée à chaque situation de violation de droits de l'enfant, auprès des services sociaux, devrait être mise à la disposition de l'enfant lui-même, des parents et autres adultes concernés. Pour une meilleure connaissance de ce type d'aide et en vue de son bénéfice par les enfants, les systèmes locaux de protection de l'enfant doivent procéder à la divulgation des informations précises et claires sur les différents services concernés, les conditions de recours à ces services et les services offerts aux enfants vivant dans leur localité.

Le processus de plainte1731 actionné par l'enfant victime ou ses parents, devrait aussi faire l'objet d'améliorations significatives. L'amélioration de l'accueil des victimes dans les services de police et de justice s'avère indispensable en vue de soutenir la plainte et limiter

1731 La plainte est l'acte par lequel la partie lésée par une infraction porte celle-ci à la connaissance du procureur de la République, directement ou par l'intermédiaire d'une autre autorité. Cf. GUINCHARD (S.) et DEBARD (T.), Lexique des termes juridiques, 23e édition, Dalloz, 2015, p.779. ; Voir aussi art.40. C.pr. pén. français.

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la double victimisation. Cet accueil comprendrait entre autres, un accueil physique adapté et l'assistance dans le dépôt de plainte et dans les démarches administratives. Dans la mesure du possible, les cas de protection de l'enfant directement portés à la connaissance de l'autorité policière par le biais d' une plainte devront être communiqués et référés par cette dernière aux services administratifs de protection de l'enfant ; Une fois saisis, ces services administratifs devront mettre en place un processus d'accompagnement de l'enfant et de la famille, et ce, parallèlement, avec l'éventuel processus de poursuite de l'auteur. Les actes de dénonciation1732 par les tiers devraient obéir au même régime que celui de la plainte.

Par ailleurs, une rationalisation du signalement formel1733 s'avère nécessaire dans les cas où, il existe la nécessité d'une intervention de l'autorité judiciaire, notamment dans les hypothèses suivantes :

- non adhésion de la famille au processus d'accompagnement et de changement proposé par le service administratif ;

- nécessité de soustraire l'enfant de la situation d'abus ou de son milieu de vie ;

- l'enfant est trouvé sur la voie publique, a été placé d'urgence et il est nécessaire de régulariser le placement d'urgence1734 par une ordonnance de placement1735.

Il est important que les services de protection spécialisée de l'enfant demeurent les destinataires préférentiels, voire exclusifs du signalement. Cette mesure viserait à assurer l'efficacité du système dans son ensemble. Les services administratifs de protection de

1732 En matière de procédure pénale, la dénonciation est l'acte par lequel un citoyen signale aux autorités policières, judiciaires ou administratives une infraction commise par autrui. La dénonciation est, dans certains cas, ordonnée par la loi. En France voir, C.pr. pén., art.91, 337 et 451. Cf. GUINCHARD (S.) et DEBARD (T.), Lexique des termes juridiques, 23e édition, Dalloz, 2015, p.351.

1733 Le signalement formel est une communication selon une formule convenue et par écrit de la part des services administratifs de la protection de l'enfant à l'autorité judiciaire (Procureur et/ou Juge) dans les cas où il existe la nécessité d'une intervention de sa part, notamment : non adhésion de la famille au processus d'accompagnement et de changement proposé par le service administratif ; nécessité de soustraire l'enfant de la situation d'abus et/ou de son milieu de vie (situation de danger décrite dans la législation ) ; l'enfant est trouvé sur la voie publique, a été placé d'urgence et il est nécessaire de régulariser le placement d'urgence par une ordonnance de placement.

1734 MIGNAVAL (A.), Comprendre les spécificités de l'accueil en urgence dans un foyer de l'enfance à travers l'étude de la temporalité, Mémoire de l'Ecole Nationale de la Santé Publique, 2005, 82p.

1735 GEBLER (L.), « L'enfant et ses juges », AJ Famille, 2007, p.390 et s. LAURENT (C.), « Le placement de l'enfant et le droit au respect de la vie familiale », JDJ n°233, mars 2004, p.19-25. ; RAYNAL F.), « Le juge des enfants sous tension », ASH n°2695 du 04/02/2001, pp.36-39.

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l'enfant se doivent d'avoir l'obligation désormais de donner une suite aux signalements. Ils doivent également s'efforcer de prendre des mesures adaptées afin de vérifier et évaluer attentivement in situ, tout cas signalé ; Cela pourrait ressortir à la compétence de ces services administratifs, ou une autorité locale, voire, une personne digne de confiance, le cas échéant. La suite de la prise en charge par les services eux-mêmes et/ou d'un signalement formel à l'autorité judiciaire sera décidée après un minutieux examen au cas par cas.

A côté de cela, l'instauration d'un système local efficace de prise en charge des enfants victimes de violence apparaît également comme une mesure importante à mettre en oeuvre.

B. UNE MEILLEURE ADAPTATION DE LA PRISE EN CHARGE PAR LA CREATION DE SYSTEMES LOCAUX

Pour être une mesure nécessaire, ce système s'il est mis en place devrait pouvoir assurer une assistance adéquate aux enfants victimes et à leurs familles. La prise en charge des enfants victimes de toute forme de violence, abus et exploitation vise à assurer la mise en oeuvre du droit de l'enfant au rétablissement1736.

L'assistance aux enfants exposés ou sujets à une violation est une responsabilité que l'Etat doit assumer sur toute l'étendue de son territoire1737, sous peine de commettre une omission grave en référence à sa mission de protection des citoyens et renoncer à l'Etat de droit1738.

Les services de protection de l'enfant devraient intervenir en soutien aux parents et à la communauté lorsqu'ils se déparent avec des difficultés majeures difficilement gérables au niveau local ou que la gravité de la situation impose une intervention à l'autorité de l'Etat.

Devrait faire l'objet d'évaluation rapide en vue d'une prise en charge réalisée par ou sous la supervision des services chargés de la protection de l'enfant, chaque cas identifié ou porté à la connaissance des autorités compétentes par le signalement, la plainte, la dénonciation.

1736 Droit à la réhabilitation psycho physique et sociale- CDE, art. 39.

1737 Sur la question du territoire de l'Etat, voir CANAL-FORGUES (E.), et RAMBAUD (P.), Droit international public, 2e édition, Champs Université, Paris, 2011, pp.156-159.

1738 MILLARD (E.), « L'Etat de droit : Idéologie contemporaine de la démocratie. » J.M. Février & P. Cabanel. Question de démocratie, Presses universitaires du Mirail, 2001, pp.415-443.

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Une pluralité d'objectifs devrait s'attacher à tout processus de prise en charge : la sécurisation et la récupération physique et émotionnelle de l'enfant, le rétablissement d'une dynamique familiale saine et la stabilisation de la situation sociale de l'enfant et de la famille.

La prise en charge de l'enfant tiendra constamment compte du contexte environnemental, surtout familial de l'enfant afin d'y apporter la réponse la plus adéquate. Cette prise en charge loin de sacrifier l'intérêt supérieur de l'enfant, se doit de sauvegarder et renforcer les liens familiaux et communautaires. En un mot, toute action relative à la protection de l'enfant ne devrait jamais aboutir au relâchement des liens familiaux ou à la démission parentale1739.

Pour être un système efficient et local de prise en charge, il est primordial que l'entrée dans le système de prise en charge, le processus de prise en charge, les prestations minimum, le recours à l'autorité judiciaire pour l'application de mesures de protection ainsi que le système de prise en charge fassent l'objet de définitions ou de clarifications précises.

L'entrée dans le système de prise en charge devrait être ouverte, aux cas de violence affectant les enfants identifiés par les institutions suivantes: les services de santé qui accueillent l'enfant aux fins de dispense de soins médicaux; les services de sécurité et justice qui accueillent la plainte ou la dénonciation émanant des parents, tuteurs ou des tiers ; les services administratifs de protection de l'enfant qui accueillent directement la/les personne(s) concernée(s), qui reçoivent le signalement ou qui constatent des cas par les modalités de détection ; les établissements scolaires qui constatent les signes de maltraitance, abus et exploitation et alertent les autorités administratives, sécuritaires et judiciaires compétentes de protection de l'enfant ; puis tout autre service et modalité efficaces de détection et signalement.

Dans tous les cas de figure et autant que faire se peut, les cas détectés par les différentes modalités d'entrée dans le système de prise en charge, devraient dans les brefs délais, être portés à la connaissance des autorités administratives de protection de l'enfant. Les services de la protection spécialisée auront en charge la mise en place et la supervision de l'ensemble du processus de prise en charge de l'enfant et d'accompagnement de la famille.

1739 MUCCHIELLI, « La démission parentale en question : un bilan des recherches », Questions pénales, septembre 2000, XIII-4, p.3. ; GIOVANNONI L., « La démission parentale facteur majeur de délinquance : mythe ou réalité ? », In. Sociétés et jeunesses en difficulté, n°5, Printemps 2008, disponible sur http://sejed.revues.org/3133 (consulté le 21/08/2016).

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La responsabilité de l'autorité administrative de protection de l'enfant demeure entière y compris quand elle s'appuie sur des services non publics pour l'exécution des diverses tâches de gestion du cas. Les cas particuliers non assujettis au recours à l'autorité judiciaire en raison de leurs spécificités devront être totalement placés sous la supervision de l'autorité administrative.

Quant aux cas transférés à l'autorité judiciaire, les services administratifs demeurent responsables du suivi de la mise en oeuvre effective des décisions du juge des enfants.

Dans les localités marquées par l'absence d'autorité administrative de protection de l'enfant, les autorités coutumières, en collaboration avec les membres de la communauté, devront assurer des règlements pris dans l'intérêt supérieur de l'enfant ; Mieux, ces autorités coutumières devraient accompagner l'enfant et sa famille, jusqu'à une transformation favorable à l'enfant. Elles devront en référer aux autorités les plus proches dans les cas qui exigent une intervention extérieure de par leur gravité ou complexité.

Pour ce qui est du processus, les services administratifs en charge des enfants très exposés et/ou ayant subi une violation sont les services de la protection spécialisée. Les services de protection spécialisée cibleront en même temps les enfants exposés et/ou victimes de violences physiques ou psychologiques, violences sexuelles, abandon, en situation d'isolement et précarité extrêmes suite à la rupture des liens familiaux et communautaires. Au sein des services de protection spécialisée, la priorité sera accordée à ces enfants.

Le processus de prise en charge visera à mettre à l'abri des victimes et leur permettre de retrouver un état suffisant de bien-être physique et psychologique par la mise en place d'une assistance adéquate.

Tout cas de violation détecté de quelque forme que ce soit induit la responsabilité de l'autorité de protection de l'enfant par rapport à la prise en charge du cas jusqu'à sa résolution. A la suite de la détection ou du signalement simple, les services chargés de la protection de l'enfant, auront l'obligation de s'occuper du cas jusqu'à l'obtention d'un résultat positif pour l'enfant et sa famille. Le responsable du service répondra aux autorités supérieures quant à l'attente de ce résultat.

Le processus de prise en charge, d'accompagnement peut être long et laborieux, dépendant de la profondeur du traumatisme et des dynamiques familiales en place. La prise

en charge ne parviendra à son terme qu'avec la mise hors danger, la stabilisation émotionnelle et la normalisation des conditions de vie de l'enfant au sein de son milieu familial.

Le processus de prise en charge doit être individualisé et personnalisé. En effet, tout cas nécessitant une mesure de protection met en évidence une situation particulière de l'enfant affecté au regard de plusieurs critères : son âge, la relation avec l'auteur, le type et la durée de la situation de violence, abus et/ou exploitation, l'entourage familial et communautaire et sa résilience. Le cas devrait être d'abord reconnu en tant que cas singulier et traité de manière individualisée et personnalisée. L'appui psycho-social1740 à la victime et la reconstitution de dynamiques familiales et communautaires positives seront au centre du processus de prise en charge. L'outil central de la gestion des cas de protection spécialisée pourrait être la médiation familiale1741, qui se propose de reconstituer les liens et de rétablir une dynamique familiale saine.

En sus, l'autorité administrative se doit d'organiser les services de manière à assurer que les prestations minimum de prise en charge soient disponibles et fonctionnelles. Elles seront dispensées directement par les services sociaux avec, au besoin, le concours de leurs partenaires agréés. Les prestations minimum devraient être bien définies et précisées ; elles devraient comporter à titre indicatif les éléments suivants : l'accueil, l'écoute1742, l'ouverture de dossier, la référence et le suivi de l'hébergement d'urgence en cas de nécessité, la référence et le suivi de la référence des soins d'urgence, si nécessaire ; la recherche de la famille, au besoin, en collaboration avec la Police ou la Gendarmerie et toute autre institution appropriée ; l'étude personnelle et sociale de l'enfant ; la détermination d'un plan de prise en charge ou de gestion du cas en concertation avec l'enfant et ses responsables, comprenant

1740 CENTRE DE REFERENCE DE LA FEDERATION INTERNATIONALE POUR LE SOUTIEN PSYCHOSOCIAL, « Les interventions psychosociales ». In. Manuel, Paramedia , Danemark 2010, pp.23-52. ; A titre d'exemple, voir MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE- REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE- UNICEF, Guide de formation de base sur l'appui psychosocial en milieu scolaire, 2011, 48p. 1741 La médiation est un mode pacifique de règlement des conflits qui a pour but de faire intervenir une tierce personne dans un différend opposant des individus ou des groupes. Il s'agit pour la médiatrice d'aider les protagonistes à régler par eux-mêmes leur litige, en rétablissant au préalable entre eux la communication

1742 Commission Fédérale pour l'enfance et la jeunesse (CFEJ)-Confédération Suisse, A l'écoute de l'enfant. Le droit de l'enfant d'exprimer son opinion et d'être entendu. Rapport de la Commission Fédérale pour l'enfance et la jeunesse (CFEJ), CFEJ, Berne, novembre 2011 pp.33-57, DELFOS Martine F., De l'écoute au respect, communiquer avec les enfants, Toulouse, ERES, « Enfance et parentalité Su», 2007, pp.61-153.

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des actions précises (accompagnement médical et pour la réalisation d'expertises, prise en charge psycho-sociale, médiation familiale, placement provisoire de l'enfant, conseil juridique ; prise en charge psychothérapeutique, psychiatrique, de santé mentale, services d'assistance juridique) ; la mise en oeuvre des mesures ou actions prévues dans le plan de prise en charge ou de gestion du cas ; le suivi et l'évaluation puis la clôture du dossier.

Le recours à l'autorité judiciaire pour l'application de mesures de protection s'avère aussi indispensable pour assurer l'effectivité. En matière de protection de l'enfant, la priorité devrait toujours être accordée à la responsabilité des parents et au maintien de l'enfant dans son environnement familial. Cette tâche, comme il a déjà été dit, incombe aux services administratifs de protection de l'enfant ayant l'expertise appropriée à la réalisation de l'accompagnement des enfants et des familles vers une normalisation des relations et une mise à l'abri de l'enfant des dangers.

La protection judiciaire joue un rôle subsidiaire par rapport à l'autorité administrative1743. Ce rôle se définit par la prise des décisions judiciaires qui s'imposent aux parents et qui sont non négociables. La justice fonctionne pourtant comme un recours pour les services de protection spécialisée. En effet, le processus de résolution de certains cas de protection de l'enfant se solde parfois par un échec ponctué par l'épuisement de toute possibilité de médiation familiale ; ce faisant, les autorités administratives se trouvent dans l'incapacité de régler ces cas. Il en va ainsi dans les hypothèses où les parents n'adhèreraient pas au processus d'accompagnement et de changement suggéré par le service administratif. L'enfant se retrouve dans une situation mettant en danger son intégrité physique et psychologique et en conséquence, il serait nécessaire de le soustraire de la situation d'abus par tout moyen.

Il sera nécessaire de changer la garde de l'enfant1744 lorsque le travail d'accompagnement de la famille n'aboutit pas à un résultat. Dans ces circonstances, les travailleurs sociaux doivent transmettre le cas directement aux autorités judiciaires1745 par le truchement d'un

1743 CAISSE NATIONALE D'ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF), « Entre la prise en charge judiciaire et administrative. Deux points de vue différenciés », Informations sociales 4/2007 (n°140), pp.96-103. 1744 GUIAVARCH (J.), La place des parents dans le cadre de la protection de l'enfance, Mémoire professionnel 2012, p.32-44 ; MALAURIE (P.). et FULCHIRON (H.), Droit civil. Droit de la famille, 5e édition, L.D.D.J., 2016, pp. 694-699.

1745 Par autorités judiciaires, nous entendons ici, le Juge des enfants, le parquet ou le Commissariat

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signalement formel pour la prise de mesures adéquates. Dans les cas où le juge prononcerait une décision relative au retrait de l'enfant et à son placement provisoire1746, il serait indiqué que la mise en oeuvre de la décision de placement soit confiée aux services de protection spécialisée qui se chargeraient de trouver le placement le plus adapté.

Dans les cas où l'enfant est trouvé sur la voie publique et nécessite un placement d'urgence, le recours dans les plus brefs délais à l'autorité judiciaire devrait aussi s'imposer comme une règle en la matière. Le recours à l'autorité judiciaire s'imposerait aussi dans le cas où l'enfant a perdu de facto la protection parentale et nécessite un placement.

Au cours du processus de prise en charge de l'enfant, on observe l'intervention d'une pluralité d'acteurs dans la prestation de services : le système de santé, le système de la protection spécialisée et le système judiciaire. En effet, la protection de l'enfant relève concomitamment des professionnels de santé pour les examens et les soins médicaux, des services sociaux en charge de l'accompagnement de l'enfant et de sa famille, de la police pour une éventuelle enquête criminelle, du parquet chargé de décider d'une éventuelle inculpation, du système judiciaire enfin appelé, dans certains cas, à appliquer des mesures protectrices à l'égard de l'enfant d'une part, et à statuer sur la culpabilité ou l'innocence de l'auteur présumé, d'autre part.

Le système de prise en charge mériterait d'être modélisé et formalisé de manière à assurer que les rôles et responsabilités de chaque structure soient bien définies, que les relations de référence et de contre-référence entre elles soient claires et que chaque structure fonctionne de manière complémentaire avec les autres. Ce système devrait également se baser sur un partenariat institutionnel efficace, capable de favoriser la coordination et la complémentarité des différents intervenants et de garantir la continuité dans l'accompagnement de l'enfant et de sa famille, jusqu'à la résolution du cas. Chaque institution n'est pas seulement chargée de collaborer avec les autres structures, mais fait partie intégrante d'un système. La finalité du système de prise en charge est de répondre à l'impératif de protection et de récupération de l'enfant victime et d'éviter la double victimisation des enfants qui serait engendrée par l'absence de coordination entre les institutions concernées : ce n'est pas l'enfant qui doit

1746 GUIAVARCH (J.), La place des parents dans le cadre de la protection de l'enfance, Mémoire professionnel 2012, p.14, (Pour elle, le placement provisoire constitue une atteinte aux droits parentaux dans le but de protéger l'enfant.).

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s'adapter aux exigences des diverses institutions mais il appartient à celles-ci de mettre au coeur de leurs actions, l'intérêt supérieur de l'enfant par une véritable prise en compte de ses besoins. Basé sur une coordination efficace, le travail en réseau1747 apparait ainsi fondamental dans tout processus de prise en charge et d'accompagnement au titre de la protection spécialisée.

En sus, les enfants privés de protection parentale devraient bénéficier d'un système de protection de remplacement mis en place pour leur bien-être.

§ 2. LA MISE EN PLACE D'UN SYSTEME DE SUBSTITUTION POUR LES ENFANTS PRIVES DE PROTECTION PARENTALE

La protection de remplacement est une mesure visant à assurer la protection temporaire des enfants et à faciliter le retour des enfants au sein de leur famille quand cela est possible1748. Dans l'idéal, il s'agit donc d'une mesure temporaire. Il peut s'agir d'une mesure de protection dans l'attente d'un regroupement familial1749, par exemple pour des enfants migrants non accompagnés ou séparés de leur famille1750. Ici, l'objectif spécifique serait

1747 MERINI (C.), « Le partenariat en formation. » In. BRODEUR (C.) et ROUSSEAU (R.), L'intervention de réseaux, une pratique nouvelle, Montréal, Edition France-Amérique, 1984. (Il y définit le réseau comme une connexion non stabilisée d'opérations unies dans un système d'action ayant trait à la question éducative et au problème commun que les partenaires cherchent à résoudre) ; MERINI (C.), Le partenariat en formation : de la modélisation à une application, L'Harmattan, 1999. (Quant à M.C. GUEDON, il distingue le réseau primaire et le réseau secondaire. Les réseaux primaires sont « une entité collective, et non un enchainement de relations focalisées sur un individu donné, tous les membres d'un même réseau se connaissent les uns et les autres ; il s'agit d'un groupement « naturel » d'individus, les liens unissant ces derniers étant de nature affective, positive ou pas, plutôt que fonctionnels » ; Il ajoute que les institutions sociales peuvent être définies comme des réseaux secondaires basés sur des liens entre les individus mais des liens uniquement fonctionnels. Ce type de réseau est construit par les institutions en vue de répondre à des exigences de nature fonctionnelle. Elle précise que ces réseaux sont de type formel. Voir COMPAN (C.), Le partenariat dans la protection de l'enfance : des enjeux identitaires et organisationnels, Mémoire DEIS, Université Toulouse-Le Mirail, 2012 p.27.

1748 ONU, Assemblée Générale (2010), Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, A/RES/64/142, 24 février 2010, points 48 à 51. ; ONU, Comité des droits de l'enfant (2013), Observation générale n°14 (2013) sur le droit de l'enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale (art.3, para.1), CRC/C/GC/14, points 58 à 70.

1749 Sur le regroupement familial, voir BAUDET (V.), « Regroupement familial : l'acharnement », Plein droit 1/2008 (n°76) p.366. ; DOLLAT (P.), Le droit de vivre en famille et le regroupement familial en droit international et européen, RFDA 2009, p.698 s. SAROLEA (S.), Quelles vies privée et familiale pour les étrangers ? R.Q.D.I., 2000, pp.247-285.

1750 ONU, Assemblée Générale, Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989, art.22 ; ONU, Comité des droits de l'enfant, Observation générale n°6 (2005), Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d'origine, CRC/GC/2005/6, 1er septembre 2005, points 81 à 83.

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d'assurer que les enfants privés de protection parentale vivent dans un environnement familial et communautaire devant leur permettre d'oublier l'absence de protection de remplacement. Mieux, cela permettrait d'aboutir à une diminution sensible du nombre d'enfants ne vivant pas dans un cadre familial.

On ne le dira jamais assez : tous les enfants ont le droit fondamental de grandir dans leur famille d'origine, d'être élevés par leurs parents et de n'être séparés de leur famille qu'exceptionnellement dans les cas où cela soit absolument nécessaire1751. Pour assurer ce droit fondamental, il serait indiqué d'envisager tout d'abord, la mise en place de stratégies de prévention de la séparation des enfants de leur famille. Les interventions cibleront les mères et les familles à risque de séparation ; elles porteront sur des actions de soutien, y compris financier1752, aux parents pour qu'ils soient en mesure d'assumer pleinement la responsabilité d'élever leur enfants.

Des mesures devraient être prises afin de permettre aux enfants privés de protection parentale1753 de pouvoir jouir du droit de vivre dans un environnement familial.

Il importe de recourir à différentes formes de protection de remplacement qui se substitueraient à celles qui n'existent plus (A) ; mais cette protection de substitution devrait être conditionnée par une meilleure implication des autorités administratives et judiciaires (B).

1751 Art. 5 et 9 de la CIDE, « Les Etats parties respectent la responsabilité, le droit et le devoir qu'ont les parents (...) de donner à l'enfant ; ONU, Conseil des droits de l'homme (2009), Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, A/HRC/11/L.13, 15 juin 2009.

1752 CENTRE D'ANALYSE STRATEGIQUE, Rapport « Aider les parents à être parents »- Septembre 2002, pp.156-160, disponible sur : www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000489.pdf (Consulté le 05/06/2017); Une première série de dispositifs de soutien à la parentalité fondé sur le principe des incitations financières peut être identifiée au sein des programmes de « transferts monétaires conditionnels » ou (Conditional cash Transfers). Selon la banque mondiale, ces derniers peuvent se définir comme « des subventions aux ménages à condition qu'ils effectuent certains types d'investissements prédéterminés dans le capital humain de leurs enfants » (Cf. BANQUE MONDIALE, Conditional Cash Transfers : Reducing Present and Future Poverty, Policy Research Report. 2009.

1753 Les enfants privés de protection parentale sont : Les enfants ayant perdu de facto la prise en charge familiale, les enfants victimes d'abandon anonyme, les enfants dont l'intégrité physique et psychologique est en danger et ceux retirés de la famille par l'Autorité judiciaire, les enfants séparés non accompagnés de la famille du fait des conflits et autres calamités naturelles.

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A. LES DIFFERENTES FORMES DE SUBSTITUTION SUSCEPETIBLES D'ETRE ENVISAGEES

Tenant compte de l'intérêt supérieur des enfants privés de protection parentale, la priorité sera accordée aux solutions temporaires dans un premier temps avant de rechercher les solutions de nature définitive, et ce, suivant chaque cas ; en d'autres termes, non sans négliger les solutions définitives, la priorité devrait être donnée aux solutions de type familial.

Le placement temporaire1754 de l'enfant est une mesure prise par l'autorité judicaire et mise en oeuvre avec le concours de l'autorité administrative de protection de l'enfant. Elle vise à organiser temporairement l'existence de l'enfant en prenant soin de tous ses besoins et en préparant progressivement son retour dans sa famille d'origine, nucléaire ou élargie.

Conscient que toute séparation de l'enfant d'avec ses parents pose un problème de dynamique familiale, distension, sinon, rupture des liens, démission parentale, le placement temporaire sera le plus bref possible et se fera de préférence par des solutions de proximité, soutenues par les règles coutumières de solidarité communautaire1755 ponctuées par le placement informel1756.

Dans l'attente de la réunion des conditions pour un retour de l'enfant dans sa famille d'origine, des familles d'accueil formelles seront organisées pour recevoir l'enfant. Le droit international confirme que la prise en charge dans le cadre familial comme un placement dans une famille d'accueil apparait être la forme la plus adaptée de protection de remplacement garantissant la protection et le développement de l'enfant. Ceci est confirmé par les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants de l'ONU et la Convention de l'Onu relative aux droits des personnes handicapées dont la Côte

1754 MESSAN (A.), « Le placement des enfants dans un contexte de crise au Togo » In. Enfants d'aujourd'hui-diversité-pluralité des parcours, colloque international de Dakar (10-13 décembre 2002), n°11, Tome1, PUF, 2006, pp.195-203.

1755 A NTOINE (P.) et GUILLAUME (A.), « Une expression de la solidarité familiale à Abidjan : enfants du couple et enfants confiés », in : Familles d'aujourd'hui : démographie et évolution récente des comportements familiaux, Paris, 1986, pp.289-297. ; DELPECH (B.), « La solidarité populaire abidjanaise en chiffres et en dires », Cahiers de l'ORSTOM, Série Sciences Humaines, vol XIX, N°4, pp.551-566. ; JONCKERS D., « Les enfants confiés » in Mélanges et Familles en Afrique : Approches des dynamiques contemporaines, Les Etudes de CEPED n°15, CEPED, ENSEA, ORSTOM, URD, 408p.

1756 Les lignes directrices des Nations Unies relatives à la protection de remplacement pour les enfants traitent du placement informel aux § 75 à 79 : https://www.sosve.org/wp-media/uploads/2015/10/101012-UN-Guidelines-fr-WEB.pdf(consulté le 22/08/2016).

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d'Ivoire est signataire1757. D'ailleurs, s'agissant de la situation de l'enfant handicapé, la CPRD déclare expressément que « Les Etats parties s'engagent, lorsque la famille immédiate n'est pas en mesure de s'occuper d'un enfant handicapé, à ne négliger aucun effort pour assurer la prise en charge de l'enfant par la famille élargie, et si cela n'est pas possible, dans un cadre familial au sein de la communauté »1758

Le placement temporaire de l'enfant dans un centre d'accueil privé ou public ne devrait être envisagé que comme solution de dernier recours, si et seulement si, cette mesure correspond à l'intérêt supérieur de l'enfant et/ou que d'autres solutions alternatives de nature familiale ne sont pas disponibles et/ou adaptées. En effet, le placement en dehors du foyer parental, comme un éventuel placement en institution « devrait être limité aux cas où cette solution est particulièrement appropriée, nécessaire et constructive pour l'enfant concerné et répond à son intérêt supérieur »1759. Mieux, des efforts devraient être consentis en vue d'éviter le placement des enfants en bas âge en centre d'accueil.

Toutefois, dans toutes les hypothèses de séparation et si cela s'avère nécessaire, il serait opportun de garantir la continuité du contact entre les enfants et leurs parents et de soutenir la réunification familiale dès que possible.

Dans les cas où le retour de l'enfant dans la famille d'origine s'avèrerait impossible, ce dernier serait placé définitivement dans un cadre familial stable de substitution à travers l'adoption qui constitue un moyen de protection important mais subsidiaire de l'enfant privé de famille1760. Mieux, selon le droit international, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être la considération primordiale dans les affaires d'adoption1761. L'observation générale n°14 du

1757 ONU, Assemblée Générale (2010), Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, A/RES/64/142, 24 février2010, points 20 à 22 ; ONU, Comité des droits de l'enfant (2006), Observation générale n°7 (2005), Mise en oeuvre des droits de l'enfant dans la petite enfance, CRC/C/GC/7/Rev.136 (b), 20 septembre 2006, point 18. ONU, Convention relative aux droits des personnes handicapées (CPRD), 13 décembre 2006, art.23 (5) (voir également art.7).

1758 ONU, Convention relative aux droits des personnes handicapées (CPRD), 13 décembre 2006, art.23 (5). 1759 ONU, Assemblée Générale (2010), Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, A/RES/64/142, 24 février 2010, point 21.

1760 LAMMERANT (I.), « L'évolution et les enjeux de l'adoption nationale et internationale » , journées de formation pluridisciplinaire-Fondation Charles-Coderre 5,6 et 7 mai 2004, R.D.U.S.n°35, 2005, pp.327-353. ; voir aussi LAMMERANT (I.), L'adoption et les droits de l'homme en droit comparé, L.G.D.J., Paris et Bruylant, Bruxelles, 2001, n°s 75-76.

1761 Conférence de la Haye de droit international privé, Convention de la Haye sur la Protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, 29 mai 1993, art. 1(a).

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Comité des droits de l'enfant est à cet égard pertinente car elle évoque le « droit de l'enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale »1762. L'adoption plénière d'un enfant est une solution subsidiaire à laquelle on ne saurait avoir recours que lorsque celui-ci est définitivement privé de son milieu familial1763. Le recours exceptionnel à l'adoption explique le fait que cette mesure doit avoir comme finalité d'offrir une famille à l'enfant et non pas l'inverse. En effet, la CIDE comme la Convention de la Haye du 29 mai 1993 relative à la coopération en matière d'adoption internationale pose très clairement le principe de subsidiarité de l'adoption par rapport au maintien de l'enfant dans sa famille d'origine1764.

Ce faisant, l'adoption nationale1765 sera priorisée, l'adoption internationale1766 devant rester une solution de dernier recours, une fois épuisées toutes les possibilités de faire adopter l'enfant par une famille ivoirienne.

Pour les enfants qui ne peuvent pas retourner dans la famille d'origine et ne sont pas adoptables et/ou adoptés, l'Etat disposera d'un réseau de centres d'accueil de petite taille, s'approchant dans leur composition et leur fonctionnement le plus possible d'une famille, pour des placements de longue durée.

Toutefois, pour atteindre les objectifs escomptés, le rôle des autorités administratives et judiciaires se doit d'être renforcé dans la mise en oeuvre de ces différentes formes de protection de remplacement.

1762 ONU, Comité des droits de l'enfant (2013), Observation générale n°14 (2013) sur le droit de l'enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale (art.3, para.1), CRC/C/GC/14, art.3, para.1. 1763 MURRAT (P.), « L'évolution du droit de l'adoption en Europe », in Le statut juridique de l'enfant dans l'espace européen, 2004, Bruylant, p.119 et s. spéc. p. 125 et s.

1764 Article 4b de la Convention de la Haye. Pour la CIDE, voir le préambule, les articles 7, 20-2 et 20-3 et 21-b.

1765 SERVICE SOCIAL INTERNATIONAL, Evaluation du système d'adoption nationale et internationale en Côte d'Ivoire, mai 2010, 33p.

1766 CANTWELL (N.), « Adoption internationale-Commentaire du nombre d'enfants adoptables et du nombre de personnes qui cherchent à adopter au niveau international », Protection internationale de l'enfant. La lettre des juges publiée par la Conférence de la Haye de droit international privé, t. V., printemps 2003 aux pp.69-73. ; PARA-ARANGUREN (G.), Rapport explicatif à la Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Bureau permanent de la Conférence, La Haye, 1994, n°s 6-7. Pour les travaux préparatoires, voyez aussi H. Van LOON, « Rapport sur l'adoption d'enfants originaires de l'étranger » dans Conférence de la Haye en droit international privé. Actes et documents de la Dix-septième session 10 au 29 mai 1993, tome II, Bureau permanent de la Conférence, La Haye, 1994 aux pp.10-119.

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B. UNE PROTECTION DE SUBSTITUTION CONDITIONNEE PAR UNE MEILLEURE IMPLICATION DES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES

Dans le domaine de la protection de remplacement, les autorités administratives chargées de la protection de l'enfant exercent plusieurs missions de façon exclusive. Pour l'essentiel, ces missions sont : le suivi permanent des services et institutions hébergeant des enfants ; la mise en place des procédures rigoureuses pour l'abri d'urgence, l'identification, la localisation et le retour en famille des enfants trouvés sur la voie publique ; l'organisation et la fourniture des ressources suffisantes pour la mise en place des différentes options pour l'abri d'urgence, le placement temporaire et le placement de longue durée, en donnant la préférence à la mise en place de réseaux de familles d'accueil et en utilisant le placement institutionnel comme dernier recours ; la sélection, la formation et la supervision des familles d'accueil ; la vérification de l'existence d'une ordonnance formelle de placement pour tout enfant placé en dehors de sa famille ; l'élaboration des normes et standards pour les différentes modalités de protection de remplacement (familles d'accueil , centres d'accueil ) ; l'organisation des processus d'adoption1767 par la mise en place d'une autorité centrale1768 comme le fait le Mali1769, pour les adoptions nationales et internationales et relatifs aux mécanismes de surveillance ; la définition d'un système de sanctions administratives pour les institutions publiques ou privées qui fonctionneraient sans disposer d'agrément1770 et/ou sans respect des normes et standards de prise en charge ; la supervision de la sécurité, le

1767 LAVALLEE (C.), « L'adoption coutumière et l'adoption québécoise : vers l'émergence d'une interface entre les deux cultures ? », Revue générale de droit, vol.41. n°2, pp.655-702. ;

1768 Actuellement, deux procédures d'adoption coexistent en Côte d'Ivoire : les adoptions réalisées sous le contrôle de la DPS et les adoptions « indépendantes » qui sont un véritable système parallèle d'adoption. La DPS a été créée en 2006 et l'adoption est entrée dans la compétence de la DPS car elle est en charge des structures sociales qui accueillent et protègent les enfants vulnérables, parmi lesquels les enfants abandonnés. Or dans la mesure où ces derniers ne devraient pas passer toute leur vie en institution, le Ministère a décidé dans leur intérêt supérieur, de leur trouver des familles adoptives. Cette décision s'est traduite par un arrêté portant création d'un Comité de placement familial logé à la DPS.

1769 Au Mali, la Protection et la promotion de l'adoption internationale est assurée par la Direction nationale pour la Promotion de l'Enfant et de la Famille (DNPEF) prise en sa qualité d'Autorité Centrale. Il existe également une série d'institutions publiques et privées d'accueil et de placement des enfants qui peuvent faire l'objet d'une adoption filiation. Peuvent être citées entre autres, la Commission nationale de l'adoption internationale, le Centre d'accueil et de placement familial de Bamako (Institution publique) et l'Association pour la Survie de la Mère et de l'enfant (ASSUREME).

1770 On note malheureusement nombre de centre d'accueil pour enfants qui fonctionnent sans un agrément dûment délivré par les autorités compétentes

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bien-être et le développement de tout enfant privé de protection parentale et bénéficiant à ce titre d'une protection de remplacement par la mise en place , d'une part, de mécanismes de suivi et d'évaluation périodique du cas pour les enfants placés dans les familles d'accueil et dans les centres d'accueil , et d'autre part, de mécanismes de contrôle périodiques des institutions accueillant des enfants.

Au plan local, les services en charge de la protection de l'enfant disposeront de l'expertise nécessaire à la gestion de la protection de remplacement. Ils travailleront en étroite collaboration avec les services de placement, publics et/ou privés, avec l'autorité policière (recueil de l'enfant, recherche des parents) et l'autorité judiciaire. Ils veilleront à établir des liens de collaboration avec tous les autres services devant apporter leur contribution à la prise en charge temporaire et de longue durée des enfants (services de santé et nutrition, services de réhabilitation pour les enfants porteurs de handicap et autres).

Le concours des associations serait sollicité dans la prévention de toutes formes de séparation familiale et dans l'élaboration de perspectives de solutions, et ce, en parfaite collaboration avec les autorités chargées de la protection de l'enfant. Ces associations contribueraient ainsi à l'instauration d'interventions en vue de :

- la sensibilisation des communautés et des parents sur le droit de l'enfant à la vie familiale et communautaire, sur les risques inhérents à la pratique du placement des enfants, sur les conséquences néfastes de la vie en institution pour l'enfant et la famille et sur la possibilité de fonctionner comme famille d'accueil ;

- l'identification et le soutien des familles à risque de séparation et ;

- la facilitation de l'accueil temporaire de tout enfant, y compris l'abri d'urgence, sous l'ordre et la supervision des autorités de protection de l'enfant.

Les associations s'abstiendront de proposer toute forme d'accueil avec hébergement des enfants en dehors des plans issus des systèmes locaux de prise en charge des enfants élaborés par les autorités compétentes.

Outre l'autorité administrative, le rôle de l'autorité judiciaire dans la protection de remplacement devrait être renforcé.

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L'autorité judiciaire en charge de la protection de l'enfant est la seule habilitée à décider et formaliser le placement provisoire et le placement de longue durée et à rendre définitive l'adoption d'un enfant à travers une décision de justice1771. Pour ce faire, il convient de veiller à ce que les services de protection spécialisée mettent à la disposition de l'autorité judiciaire, toutes les informations pouvant contribuer à la prise de décision du Juge. Le rôle de l'autorité judiciaire devrait aussi s'étendre aussi au niveau du contrôle des institutions qui hébergent des enfants à la suite d'un placement.

Une autre mesure non moins importante passerait par l'adoption de conditions plus efficaces de lutte contre l'impunité dans le cadre des infractions commises à l'égard des enfants.

§ 3. DES CONDITIONS EFFICACES DE LUTTE CONTRE L'IMPUNITE

Le renforcement de la lutte contre l'impunité1772 se fera via une incitation au recours systématique à la justice pour les infractions commises à l'égard des mineurs (A) et la soumission des enfants à des mesures de protection lors des poursuites des auteurs d'infractions à leur égard (B).

A. UNE INCITATION AU RECOURS SYSTEMATIQUE A LA JUSTICE

Pour remédier à cette justice en panne, cette mesure aurait pour objectif de soutenir le recours à la justice1773 en matière d'infractions commises à l'égard de l'enfant afin que les infractions pénales commises à l'encontre de ceux-ci fassent l'objet de poursuite.

La répression pénale des infractions commises à l'égard des enfants apparait inéluctablement comme un aspect important de la lutte contre la violence ou les atteintes aux droits de l'enfant. En l'absence de toute sanction appropriée, les comportements abusifs aux

1771 CAPELETTI (D.), Accès à la justice et Etat providence, Economica, 1984, p.48 et s.

1772 FIDH-LIDHO-MIDH, Côte d'Ivoire : La lutte contre l'impunité à la croisée des chemins, 2013, 32p. ; KAPIAMBA (G.), « Le rôle des organisations non gouvernementales dans la lutte contre l'impunité », In. FONDATION KONRAD ADENAUER, La justice nationale et internationale dans la lutte contre l'impunité en République démocratique du Congo, Kinshasa, Fondation konrad Adenauer, décembre 2007, pp.101-104. ; Résolution sur la lutte contre l'impunité-CADHP/Rés.344 (LVIII).

1773 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 2011, p.590 ; FRICERO (N.), Les institutions judiciaires, les principes fondamentaux de la justice : les organes de la justice-les acteurs de la justice, Mémentos LMD, 2e édition Lextenso, 2012, p.15.

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antipodes des règles morales ou juridiques, en arrivent à pervertir durablement les relations familiales et sociales et risquent de perdurer et de se répandre.

Aujourd'hui, force est de reconnaitre que la plupart des infractions commises contre les enfants aussi bien en période de guerre qu'en période de paix ne font pas l'objet de poursuites. Cette absence de sanctions judiciaires se doit à une multitude de facteurs. D'une part, le droit coutumier1774 et les mécanismes informels de résolution des conflits (justice des anciens)1775 prédominent souvent en milieu communautaire, car jugés plus adaptés au maintien de la cohésion sociale. D'autre part, la loi pénale reste ambiguë sur certains comportements abusifs vis-à-vis de l'enfant, les justiciables ne font pas régulièrement recours aux autorités judiciaires par manque d'information, de moyens, de confiance et finalement le système de justice ne traite pas systématiquement les cas de violence touchant les enfants, sur la base de considérations d'opportunité et/ou de pression communautaire.

Pour être un phénomène complexe et très grave, l'impunité1776 mine l'objectivité du droit. Elle ne peut être ni moralement ni juridiquement acceptable. L'enjeu de la lutte contre l'impunité est la propre existence de l'Etat de droit qui implique une application réelle des règles de droit sans aucune exception, et le sentiment de sécurité des populations. Que vaudraient les droits de l'enfant sans l'Etat de droit, entendu dans son aspect concret, ou opérationnel ? Au-delà de la proclamation des droits fondamentaux dans les ordres juridiques nationaux, « le véritable test de l'Etat de droit se trouve dans l'existence d'une panoplie de procédures et de recours, appuyée sur des institutions, permettant à la victime d'une violation d'obtenir qu'il y soit mis fin et qu'il obtienne une indemnisation le cas

1774 LE ROY (E), « La coutume et la réception des droits romanistes en Afrique noire », In. Bulletin de la société Jean Bodin pour l'histoire comparative des institutions, Bruxelles, De Boeck université, tome 51 : « La coutume », 1990, p.117-150. Droit et Société 51/52, 2002 ; LE ROY (E.), « La formation du droit coutumier », in LE ROY (E.) et WANE (M.) « La formation des droits non étatiques », Encyclopédie juridique de l'Afrique, Tome 1 L'Etat et le Droit, chap. XV, 1982, p.371.

1775 BINET (J.), Afrique en question. Paris. Mame, 1965, p.156 et GONIDEC (P.F), « La place des traditions dans l'appareil d'Etat » in Encyclopédie Juridique, Tome 1, L'Etat et le Droit, 1982, p.233.

1776 JOINET (L.) (dir.), Lutter contre l'impunité. Dix questions pour comprendre et pour agir. Ed. La découverte sur le vif, mars 2002, 144p. ; MARIA DOS REMEDIOS FONTES SILVA, « La question de l'impunité des auteurs de violations des droits de l'homme », Principios V.6 (1998) : 139-145. ; ANDREU-GUZMAN FEDERICO, « Impunité et droit international. Quelques réflexions historico-juridiques sur la lutte contre l'impunité », Mouvements 1/2008 (n°53), p.54-60.

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échéant »1777. Sous la diversité des expressions, l'idée maitresse est que le droit pour un citoyen d'obtenir d'un juge la défense de ses droits, constitue le noyau de l'Etat de droit, la condition de son effectivité. Il est l'outil qui permet à l'Etat de droit, à la fois, d'exister et de fonctionner car « la dimension procédurale de l'Etat de droit a permis d'optimiser la protection des droits et libertés et elle a logiquement eu pour conséquence de revaloriser l'office du juge »1778. Pour l'enfant victime, l'impunité traduit une absence de points de repère et induit l'impossibilité de se structurer par rapport aux évènements. De plus, il est prouvé qu'en dépit de son caractère éprouvant, une procédure judiciaire répondant aux attentes de la victime, achève d'avoir une influence positive dans son processus de reconstruction et notamment en ce qui concerne l'estime de soi.

Ainsi, en vue d'une lutte efficace contre l'impunité aux fins de faire régner un véritable Etat de droit, plusieurs conditions cumulatives et indispensables doivent être réunies : la définition claire et précise des infractions commises contre l'enfant, l'accès des justiciables à la justice1779 et un meilleur fonctionnement de l'Institution judiciaire. L'atteinte de ces objectifs fondamentaux doit être constamment au coeur des politiques sectorielles de sécurité et de la justice en Côte d'Ivoire.

Les acteurs de la protection de l'enfant doivent jouer leur partition dans l'atteinte de ces objectifs ; Concrètement, ils doivent faciliter la compréhension par les populations, de la nécessité de recourir aux institutions judiciaires et d'exiger des procédures efficaces en matière de justice. Pour ce faire, les acteurs doivent renforcer leur contribution à la vulgarisation et à la diffusion1780 des textes de loi en vigueur, à la sensibilisation des autorités

1777 MORIN (J-Y), « l'Etat de droit : émergence d'un principe du droit international », In. Recueil des Cours de l'Académie de Droit international (RCADI), 1995, p.28.

1778 CAPPELLETI (M.), Le pouvoir des juges, Economica, collection Droit public positif, 1990, p.397. Voir aussi GARAPON (A.), La question du juge, Pouvoirs, 1995, n°74, p.13-26.

1779 Pour le Professeur J. MORAND-DEVILLERS, Le droit d'accès au juge indique « la place de l'Etat de droit au sein d'une société », voir, son ouvrage, MORAND-DEVILLERS (J.), Cours de droit administratif, Motehres Tien, Paris, 2005, pp.706-709. ; GUIMDO DOGMO (B-R), « Le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution à l'étude d'un droit fondamental », In. Revue africaine des sciences juridiques (RASJ), vol 4, n°1, 2007, p.171. ; SAWADOGO (F.M.), « L'accès à la justice en Afrique francophone : Problèmes et perspectives. Le cas du Burkina Faso ». RJPIC, n°2, 1995, p.168.

1780 TAGODOE (A.), « Diffusion du droit et Internet en Afrique de l'Ouest », Lex Electronica, vol.11, n°1(Printemps/Spring 2006, disponible http://www.lex-electronica.org/articles/v11-1/tagodoe.htm ( Consulté le 21/06/2017).

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traditionnelles et des communautés aux objectifs poursuivis par le droit positif1781, à soutenir et appuyer les familles dans leurs démarches auprès des organes de justice, par le biais du conseil juridique et de l'assistance psychosociale.

Bien que la répression apparaisse comme un aspect fondamental de la question, tout cas de protection de l'enfant consécutif à une violation ou une violence à son égard ne saurait se limiter à l'application d'une sanction à l'auteur de l'acte incriminé. Qui plus est, peuvent être aussi dévastateurs pour l'enfant que la commission de l'infraction elle-même, des actes préparatoires ou des comportements antérieurs à la commission. Cette mise en garde apparait plus qu'opportune afin de faire primer l'intérêt en toute circonstance et que la priorité soit pareillement accordée à la prise en charge du traumatisme de l'enfant.

Déclinée dans les conditions sus-évoquées, la sensibilisation au recours à la justice pour les infractions commises à l'égard des mineurs contribuerait à la lutte contre l'impunité. Cette lutte devrait aussi prendre en compte la protection des enfants au cours des procédures de poursuite des auteurs.

B. LA SOUMISSION DES ENFANTS A DES MESURES DE PROTECTION LORS DES POURSUITES

Il s'agira ici de protéger les enfants participant à des procédures judiciaires en qualité de victimes contre l'effet dévastateur de la double victimisation.

Le recours à la justice et le droit à une procédure judiciaire respectueuse des besoins de l'enfant doivent être véritablement des voies de droit ouvertes et disponibles1782 pour tout

1781 HENRI CAPITANT définit le droit positif comme étant « le droit qui est en vigueur » (CAPITANT (H.), Introduction à l'étude du droit civil, 4e édit., Paris, 1925, p.32. ; JULLIOT DE LA MORANDIERE le définit comme « le droit appliqué en fait », « l'ensemble des faits qui gouvernent en fait à une époque donnée une société humaine déterminée » (Introduction à l'étude du droit civil français, Paris, 1951, p.173). ; Carbonnier le définit comme « le droit effectivement appliqué dans l'Etat et dans le moment où l'on se trouve »( Droit civil, 1935, p.24.) ; Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD le définissent aussi comme l' « Ensemble des règles juridiques en vigueur dans un Etat ou dans la communauté internationale, à un moment donné, quelle que soit leur source. C'est le droit « posé », le droit tel qu'il existe réellement ». Cf. GUINCHARD (S.) et DEBARD (T.), Lexique des termes juridiques, 23e édition, Dalloz, 2015, p.402-403.

1782 Selon la jurisprudence Anuak Justice Council c. Ethiopie ( Com./299/2005), la Commission considère qu'un recours est disponible « si le requérant peut le poursuivre sans empêchement ou s'il peut l'utiliser dans les circonstances entourant son cas » En un mot, il s'agit de s'assurer que le recours est sans entrave, qu'il est actuel et comporte en son sein les éléments de son opérationnalité.

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enfant victime. En un mot, la justice pénale doit aussi protéger et respecter les enfants en leur qualité de victimes.

Pour assurer la protection judiciaire des enfants victimes, l'institution d'un système juridique global et cohérent s'avère fondamentale. En effet, les procédures judiciaires doivent être engagées dans des conditions propices au respect de la dignité de l'enfant. Elles doivent être déployées de sorte à éviter d'infliger une expérience grave et traumatisante à l'enfant victime. Dans ces procédures, devront être prises sérieusement en compte, le traumatisme1783 résultant de l'abus1784, l'état de stress de la victime et de ses parents ainsi que la nécessité de protéger la sécurité et la vie privée1785 des victimes et de leurs familles. En effet, l'absence ou la non application de procédures policières et judiciaires spécialisées et appropriées entrainerait une double victimisation de l'enfant et l'intensification de son traumatisme. Dans cette perspective, il apparait impérieux que le système juridique national inclut ou incorpore des dispositions procédurales visant à protéger la dignité, la vie privée et la sécurité de l'enfant victime. En particulier, les procédures d'audition1786 de l'enfant devront non seulement être réduites au maximum, mais aussi préserver les conditions de confidentialité et être pilotées par des professionnels spécialement formés à cette fin et assurer qu'il n'y ait pas de contact de l'enfant avec l'auteur présumé.

1783 OQUENDO, Maria A., MILLER, Jeffrey, M., SUBLETTE, Elizabeth, « Neuroanatomical Correlates of Childhood sexual abuse: identifying biological substrates for Environmental effects on clinical phenotypes » in The American Journal of Psychiatry, 2013, Vol. 170, Issue 6, p.574-577.

1784 PUTNAM (F.), « Ten-Year research update review : child sexual abuse », in Journal of the American Academy of child and adolescent psychiatry, Mars 2003, vol.42, Issue 3, p.269-278. ; TERR, LENORE (C.), « Childhood traumas: an outline and overview » in America Journal of Psychiatry, Janvier 1991, Vol. 148, Issue 1, p.10-20.

1785 Article 10 : « Aucun enfant ne peut être soumis à une ingérence arbitraire ou illégale dans sa vie privée, sa famille, son foyer ou sa correspondance, ni à des atteintes à son honneur ou à sa réputation, étant entendu que les parents gardent le droit d'exercer un contrôle raisonnable sur la réputation, étant entendu que les parents gardent le droit à la protection de la loi contre de telles ingérences ou atteintes ». Sur la notion de vie privée, lire IVANA ROAGNA, « La protection du droit au respect de la vie privée et familiale par la Convention européenne des droits de l'homme », Série des précis sur les droits de l'homme, n°1 Direction générale des droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2012, 116p.

1786 BERTHET (G.), MONNOT (C.), « L'audition du mineur victime. Recueil de la parole de l'enfant par la police », Enfances & Psy 3/2007 (n°36), p.80-92 disponible sur www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2007-3-page-80.htm. (Consulté le 21/03/2017); CREMIERE (M.), L'audition de l'enfant victime, in Journal du droit des jeunes, 2013/7 (n°327), pp.40-51.

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CONCLUSION DU TITRE 2

A l'état actuel, deux éléments majeurs font obstacle à une appréciation objective des phénomènes de violations et de violences touchant les enfants.

D'une part, les pesanteurs socioculturelles qui s'imposent aux acteurs font que des nombreuses formes de violations à l'égard de l'enfant ne sont pas perçues en tant que telles et font l'objet de déni. La plupart des formes de violences contre l'enfant, en particulier les châtiments corporels et l'exploitation dans le travail, continuent d'être considérées comme légitimes, les mutilations génitales féminines, comme nécessaires, la violence sexuelle comme inexistante. Il s'agit ici d'amener les acteurs à une considération exacte de la nocivité des actes et comportements abusifs, des mobiles et intentions de ces actes et de leur impact sur le développement de l'enfant, sur les relations familiales et sociales et, en dernière instance, sur le capital humain, l'état de droit et le développement.

D'autre part, l'absence d'analyses quantitatives et qualitatives approfondies de l'ampleur et de la nature des violations à l'encontre des enfants ne nous permet pas de connaître l'incidence et la prévalence réelles de la violence qui touche les enfants ni d'appréhender en profondeur ses diverses manifestations. Les études nationales dans ce domaine sont extrêmement limitées et fragmentaires, soit pour ce qui est de la description de la nature diversifiée des phénomènes qui s'y rattachent que de leur ampleur. Un système complet de suivi des phénomènes de violations touchant les enfants et leurs droits n'est pas encore en place. Les taux de signalement aux organes chargés de l'application de la loi et /ou aux services sociaux est de toute évidence extrêmement faible. Par conséquent, les cas recensés par les services de police, de justice et les services sociaux sont très limités et non systématisés. Qui plus est, parmi les comportements constitutifs de maltraitance de l'enfant, ce sont seulement les plus extrêmes qui sont portés à la connaissance des autorités, en particulier les abus sexuels perpétrés par des adultes extérieurs à la famille et à la communauté.

Malgré cette situation, les quelques études disponibles et l'observation des praticiens de l'action sociale, de la sécurité et de la justice, tout comme des associations qui travaillent dans la protection de l'enfant démontrent que les phénomènes de maltraitance, abus sexuel et exploitation des enfants sont alarmants et répandus.

631

Partant des multiples facteurs juridiques, institutionnels, socio-économiques et culturels qui déterminent l'occurrence des atteintes aux droits de l'enfant, expression d'une importante ineffectivité de ces droits, les propositions qui ont été exposées s'efforcent d'apporter une réponse aux facteurs directs et immédiats qui expliquent l'occurrence des atteintes aux divers droits de l'enfant. Ces propositions de réponse s'articulent autour des actions de prévention, de détection, d'assistance et de protection judiciaire à tout enfant victime de ces violations et abus.

Ces propositions indiquent clairement les orientations fondamentales pour continuer à construire un système de protection adapté aux réalités juridiques, économiques, sociales et culturelles de la Côte d'Ivoire, tout en respectant les engagements internationaux. Elles proposent des solutions pour dépasser les défis et les difficultés actuels. Partant des défis posés par la question de l'effectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, Elles indiquent des solutions innovantes, réalistes et potentiellement efficaces. Ces propositions s'inscrivent dans la logique de complémentarité des politiques et stratégies sectorielles devant intervenir dans le cadre d'une stratégie globale de protection sociale. Mais la formulation de propositions n'est pas une solution miracle. Elle est un instrument de travail et nécessite désormais de procéder résolument à son appropriation, voir son adoption par les pouvoirs publics, les acteurs non étatiques oeuvrant pour la cause des droits de l'enfant, ainsi que la population ivoirienne dans son ensemble. Toutes les parties intéressées au mieux-être de l'enfant devront assumer effectivement les tâches qui leur reviennent, tout en renonçant à certaines actions irresponsables qui minent parfois la réalisation des objectifs communs. En mettant en oeuvre de façon efficace les diverses mesures législatives et administratives contenues dans cette analyse, la Côte d'Ivoire avancera vers un pays où la famille, la communauté et l'Etat assument leur devoir de protection vis-à-vis de l'enfant sans ambiguïtés.

633

CONCLUSION GENERALE

Cette étude a permis de renouveler le débat autour de la trop controversée notion de droits de l'enfant à cette époque où les droits de l'homme connaissent un regain d'intérêt. Elle a abouti à l'appréhension de son sens et de son contenu aussi bien théorique qu'empirique.

Tels que définis et encadrés par les instruments internationaux les concernant et précisés par les textes nationaux, les droits de l'enfant ont fait l'objet d'une adaptation nationale à la suite de leur ratification ou de l'adhésion de la Côte d'Ivoire à ces instruments.

L'architecture actuelle de la protection de ces droits telle qu'elle est élaborée par les autorités nationales permet d'en donner une vision formelle susceptible de rendre crédible l'exercice d'une telle protection. Des mécanismes de garantie prescrits par les normes internationales mises en oeuvre à travers un dispositif institutionnel complexe et souvent fort éloignée de la dimension concrète de ces droits , renforce le formalisme de cette protection. La recherche tente de montrer que, par le simple effet de la participation de la Côte d'ivoire à ces normes et de leur réception nationale selon les procédures requises et au moyen de garanties appropriées, l'effectivité des droits de l'enfant pourrait être considéré comme réalisée.

Il n'en est rien. Certes, l'un des grands enjeux de la question de l'effectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire réside d'abord dans la reconnaissance nationale de l'ensemble des normes proclamant ces droits et assurant leur protection. Les analyses qui viennent d'être développées se sont dès lors attachées à suivre le « fil d'Ariane » que représente la question fondamentale de l'intégration dans le droit national ivoirien de ces normes internationales de protection.

Les deux moments essentiels de cette intégration qui constituent autant de « cailloux blancs » pour le petit poucet observateur ressortent clairement de ce qui vient d'être dit, à savoir : une phase de participation internationale de la Côte d'Ivoire aux divers instruments internationaux, universels et régionaux, et une seconde dite de détermination nationale, au cours de laquelle les

634

droits internationaux font l'objet d'une transcription nationale, placée sous le respect des exigences constitutionnelles du pays. De même, des mesures nationales d'accompagnement, notamment d'un point de vue juridique et institutionnel sont prises pour traduire la réalité juridique de l'existence de ces droits dans le droit ivoirien.

Il n'est pas contestable pour autant que cette « image juridique » qui peut attirer le respect devant l'importance des engagements et la volonté de leur concrétisation n'est pas des plus nette. Ne permettant qu'une présentation théorique, elle est marquée par d'importantes limites quant à l'impact de ce système juridique des droits de l'enfant sur la réalité de leur respect.

L'analyse par l'étude du jeu des divers acteurs de la protection, étatiques et non étatiques, le contexte de crise qui a profondément et probablement, durablement marqué le pays au cours des dernières années, conduisent dès lors à soumettre cette approche formelle aux constatations du terrain. A cet égard, les manifestations diverses des atteintes multiformes aux droits de l'enfant, que celles-ci soient d'ordre général comme la banalité du quotidien le montre souvent, ou qu'il s'agisse plus gravement des violations envers des droits particulièrement protégés, c'est le constat d'ineffectivité qui tente à s'imposer. Il est vrai que pour une catégorie vulnérable du droit telle que l'est celle des enfants, tous les droits qui leurs sont reconnus, soit directement, soit par la voie d'obligations à la charge des Etats, tous les droits doivent être considérés comme protégés. Néanmoins, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication des enfants dans les conflits armés, envisage une protection spéciale soumise au contrôle international et qui devrait à ce titre être respecté. L'on est cependant en cette matière, au vu de l'histoire récente de la Côte d'Ivoire et des soubresauts sociopolitiques d'une grande partie de l'Afrique de l'ouest, très loin de la réalité concrète. Il en est de même de la situation évoquée au plan régional par la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant qui prévoit également une protection spéciale élargie aux cas très divers d'enfants en conflit avec la loi, enfants des rues ou enfants dans les rues selon les conceptions, enfants subjugués par des situations décrites dans l'étude, à l'extérieur ou à l'intérieur des institutions d'encadrement et en tant que tels susceptibles d'être en danger, devraient conduire à une protection renforcée.

635

Or, cette réalité d'ineffectivité traduit le fait que des lacunes importantes existent toujours dans la prise en charge des enfants en Côte d'Ivoire, dans le cadre de leur famille relativement instable ou démunies, dans le cadre des établissements d'accueil, dans la rue, et même lorsque l'Unicef intervient dans certaines circonstances, dans le centre de transit et de réinsertion qui sont mises en place. Les scandales d'agression sexuelle d'enfants ou d'enlèvement et assassinats d'enfants continuent de défrayer la chronique et l'on ne peut faire que le constat de l'impuissance de l'ensemble de la société à agir.

Le second enjeu de la question étudiée apparait donc ici clairement dans la mesure où elle conduit à apprécier l'effectivité des droits de l'enfant à l'épreuve des réalités locales. Les manifestations que décrit la recherche montrent les limites de cette effectivité mais, elles conduisent également au crible du concret de préconiser un certain nombre de mesures qui pourraient renforcer l'application efficace des règles de protection et renverser ainsi le prisme négatif de l'ineffectivité.

Le « fil d'Ariane » qui aura servi de fil conducteur de l'analyse débouche ainsi, à la manière du théâtre d'ombre que constitue le « mythe de la caverne » de Platon à une nouvelle étape qui marquerait, dans le cadre de nouvelles institutions politiques et sociales de la Côte d'Ivoire, un nouveau départ pour les droits de l'enfant. Du moins, peut-on l'espérer !

636

ANNEXES :

(Extraits de : BUREAU INTERNATIONAL DES DROITS DE L'ENFANT, L'état des lieux de la formation des Forces de sécurité aux droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, Rapport final décembre 2012, p.90 ( Annexe1) et p.34 ( annexe2).).

Annexe 1 : Processus de résolution de conflit ou de problème au niveau communautaire

FAMILLE

[soins médicaux, médiation et négociation]

FAMILLE ÉLARGIE/VOISINS

CHEF COMMUNAUTAIRE

CHEF DE CANTON

[délibération]

Abus sur l'enfant

POLICE

[enquête, conseils, arrangement6 à l'amiable, ouverture d'un dossier ?]

si la crise continue/grave

si la crise continue/grave

Promesse de changer

Procédure pénale (rare)

Résultats possibles: Enfant guéri

Promesse de changer Séparation temporaire

[soins médicaux, médiation et négociation]

mère et enfants

Engagement publique
Sanction officielle

(Seulement des cas très sérieux
arrivent aux chefs, y compris,
mais pas toujours, les viols)

Plainte de la victime

partie

Constat par les FS

Plainte la victime

et Police Nationale SDLTEDJ

auditions et PV)

Gendarmerie

OPJ

par les FS

638

Annexe 2 : Protection des enfants victimes au contact des forces de sécurité

Réquisition

Soins médicaux et

Communauté ONG

médico-légal

639

Annexe 3 : Questionnaire adressé aux populations et acteurs de la
protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire

Questions introductives/ questions générales

1. Une étude sur l'effectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire vous parait-elle opportune ? Dans l'affirmative, quel est selon vous l'intérêt d'une telle étude ?

2. Quelles sont selon vous les progrès accomplis par l'Etat de Côte d'Ivoire pour se conformer à la Convention relative aux droits de l'enfant et aux textes pertinents relatifs aux droits de l'enfant?

3. Connaissez-vous le cadre juridique et institutionnel de reconnaissance et de protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire ? Si oui, citez nous les instruments internationaux ou nationaux ainsi que les institutions de protection de l'enfance que vous connaissez ?

4. Existe-t-il des juridictions spécialisées en charge des questions de l'enfance en Côte d'Ivoire ? Si oui, décrivez nous leur composition et fonctionnement ?

5. Quel est l'état des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire ?

6. Quelles sont les lacunes principales constatées au niveau du système ivoirien de de protection des droits de l'enfant ?

7. Quel est l'état des droits civils et politiques de l'enfant en Côte d'Ivoire ?

8. Quel est l'état des droits économiques, sociaux et culturels de l'enfant en Côte d'Ivoire ?

9. Quelles sont les causes de l'ineffectivité des droits civils et politiques de l'enfant en Côte d'Ivoire ? Considérer individuellement chaque droit.

10. Quelles sont les causes de l'ineffectivité des droits économiques et sociaux et culturels de l'enfant en Côte d'Ivoire ? Considérer individuellement chaque droit.

11. Quels sont les défis en matière de protection effective des mineurs en Côte d'Ivoire ?

12. Quelles sont selon vous, les recommandations utiles pour une effectivité réelle des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire ?

13. Depuis 1991, année de ratification par l'Etat de Côte d'Ivoire de la CIDE, le juge interne ivoirien a-t-il prononcé une décision faisant expressément mention de violation des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire ?

14. Quelles sont les différentes formes de violations de droits de l'enfant observées en Côte d'Ivoire tant en période normale qu'en période de conflit armé ?

15. Selon vous, la protection des civils englobe-t-elle la protection de l'enfant ou la protection de l'enfance devrait-elle être un mandat autonome?

16. Les forces de sécurité ont-elles une stratégie de protection de l'enfance pour l'intégration de la protection des enfants dans l'accomplissement de leur mandat ? Si tel est le cas, quelles sont les fonctions opérationnelles et les actions que l'on attend d'elles à l'appui de la protection de l'enfance?

17. Quels sont, selon vous, les principaux défis politiques dans la hiérarchisation de la protection des enfants, compte tenu des contraintes de ressources et de l'élargissement des mandats des forces déployées?

18. Quelles sont les normes minimales en matière de protection de l'enfance auxquelles les Etats doivent se conformer?

19. Quel type de formation centrée sur la protection de l'enfant est proposée aux acteurs étatiques en charge de la protection de l'enfance et les forces armées (militaires, police, gendarme) dans le cadre de leur formation préalable à leur entrée en fonction et dans le cadre de leur formation continue?

20. Comment les autorités compétentes vérifient-t-elles si une telle formation a été effectuée, répond aux normes et, plus important encore, si le personnel est capable d'appliquer les concepts de manière substantielle?

21. Quelle est la feuille de route pour opérationnaliser et consolider l'architecture de protection de l'enfance au niveau du Gouvernement ?

640

Mandat d'influence

22.

641

Qui conçoit le mandat d'une mission de protection de l'enfant au niveau de la Côte d'Ivoire ?

23. Le ministère en charge des droits de l'enfant dispose-t-il d'une équipe de planification multidisciplinaire et intégrée? A t-il des politiques et des directives opérationnelles et des directives pour l'aider dans la phase de planification?

24. Quel est le processus actuel de planification de la mission et quels sont les acteurs clés?

25. Existe-t-il un système d'alerte rapide en matière de violations des droits de l'enfant ? Comment fonctionne le système d'alerte rapide ? Quel type d'information sur les problèmes de protection de l'enfant inclut-il?

26. Quel est le processus de collecte de données sur les atteintes aux droits de l'enfant?

27. Y a-t-il des préoccupations en matière de protection de l'enfance?

Diligence raisonnable et vérification

28. La direction de la protection de l'enfance a-t-elle ses propres politiques de diligence raisonnable et de vérification? Sinon, s'appuie-t-elle sur la politique de diligence raisonnable du Gouvernement ivoirien ?

29. Existe-t-il des politiques / directives normalisées à suivre par l'Etat pour vérifier les acteurs de la protection de l'enfance dans chaque région ?

30. Quel rôle joue la Direction de la protection de l'enfance pour s'assurer que les processus de diligence raisonnable et de vérification au niveau des acteurs de la protection de l'enfance sont menés et comment vérifie-t-il s'ils ont été entrepris?

Reddition des comptes et responsabilité des acteurs déployés

31. Quels sont les facteurs pris en compte par l'Etat dans l'élaboration du contenu des accords sur le statut des acteurs de protection de l'enfance et le statut de leurs missions?

32. Quel type d'accord / de documentation existe-t-il pour lier les acteurs de la protection de l'enfance à l'Etat ? Quelles sont les dispositions disciplinaires et de conduite, le cas échéant, dans les protocoles d'accord? Que couvrent-ils et qu'est-ce qu'ils excluent?

33. Quels mécanismes existent au niveau de l'Etat ivoirien pour surveiller de manière proactive la discipline et la conduite des acteurs de la protection de l'enfance sur le terrain ?

34. Existe-t-il un mécanisme au niveau de la Côte d'Ivoire pour suivre les rapports des Ongs et agir en conséquence?

35. Dans une situation où un acteur de la protection de l'enfance est auteur d'une violation grave aux droits d'un enfant sous sa responsabilité ou en raison d'une mauvaise conduite condamnable à l'égard de l'enfant, quel rôle joue les autorités compétentes pour s'assurer que ces personnes sont tenues responsables de leur conduite? Existe-t-il un mécanisme au niveau de l'Etat pour assurer le suivi de ces cas jusqu'à leur finalisation?

36. Existe-t-il des politiques qui interdisent aux acteurs fournisseurs de services de fournir des services si ces acteurs ne sont pas disposés à poursuivre les membres de leur personnel impliqués dans des abus pendant leur mission? Si oui, quels sont-ils?

37. Le Ministère de l'enfance tient-il une base de données du personnel étatique ou non étatique déployé par les différents acteurs et qui serait impliqué dans des atteintes aux droits humains de l'enfant alors qu'il était en service?

38. Comment l'Etat interagit-il avec les Ongs disposant de cellule de suivi, d'analyse et de réponse des enfants victimes de diverses atteintes ?

642

Ministère de la justice ; Ministère de la défense

39.

643

Quelle est la politique de votre ministère en matière d'assistance aux enfants victimes en période normale ou en période de conflits armés?

40. Quelles sont les politiques et procédures à suivre en cas de violation des droits de l'enfant dans le pays d'origine?

41. Quels sont les mécanismes en place pour aider les plaignants? Les plaignants peuvent-ils déposer de telles plaintes de manière anonyme par peur de représailles? Existe-t-il des mécanismes spéciaux mis à la disposition du public pour aider les enfants qui pourraient être des plaignants (assistance juridique, protection des témoins, accès à un soutien psychosocial, etc.)? Si oui, pouvez-vous les décrire?

42. Quelles sont les politiques et procédures à suivre si la violation a eu lieu dans un autre pays mais que le pays a compétence sur l'auteur de l'infraction?

43. Le personnel du ministère de la Justice a-t-il déjà fait partie d'équipes d'enquêtes nationales envoyées en mission pour enquêter sur des allégations de pratiques ou de conduites attentatoires aux droits de l'enfant ? Si oui, veuillez décrire qui a été déployé et les activités entreprises ?

44. Les mécanismes existant ont-ils déjà été utilisés pour poursuivre un membre des forces armées pour une violation contre un enfant (ou même une violation de l'exploitation et des abus sexuels)?

45. Existe-t-il un système d'aide juridique fournie par l'État ivoirien aux enfants étrangers qui n'ont pas les moyens ou l'accès à une telle assistance juridique?

46. Le ministère de la Justice tient-il un registre des membres des forces armées, de la police et des civils reconnus coupables de crimes liés aux enfants ou susceptibles d'infliger des dommages aux enfants afin de contrôler les futurs déplacés?

État-major des armées

47. L'armée dispose-t-elle d'un code de conduite qui traite explicitement des questions de protection de l'enfance?

48. Si un tel devoir existe, pensez-vous que cela est effectué avec diligence par les commandants de la force ou les chefs de contingents militaires nationaux déployés? Quels facteurs peuvent interférer avec cette obligation?

49.

644

À quelle fréquence les chefs de contingents militaires doivent-ils informer les autorités nationales de l'évolution d'une mission donnée? Que contiennent ces rapports?

50. Quelles sont les violations communément signalées qui ont été perpétrées contre des enfants (hommes et femmes) par des membres des forces armées nationales, tant dans le pays d'origine que dans les opérations de soutien de la paix?

51. En cas d'allégations de violations commises par des membres des forces armées à l'encontre d'enfants dans le cadre d'opérations de soutien de la paix, quelle est la procédure suivie par le Ministère pour traiter cette affaire?

52. Comment le processus de signalement et d'enquête est-il axé sur le respect des besoins des enfants en tant que plaignants et victimes? Cette approche garantit que les besoins de l'enfant et les règles de preuve et le processus équitable requis dans toute enquête et poursuite sont satisfaits.

53. Des violations des droits de l'enfant commises par des militaires lors de conflits armés relèvent-elles du Code militaire? Dans la négative, quelles sont les violations dont les membres pourraient être poursuivis en vertu du Code militaire en ce qui concerne les enfants?

54. Selon vous, l'armée est-elle politiquement disposée à s'acquitter de ses rôles et responsabilités en ce qui concerne les auteurs de violations à l'égard des enfants? Veuillez donner des exemples concrets de cas où des membres des forces armées ont été tenus responsables de violations contre des enfants dans les conflits armés (que ce soit dans le pays ou en tant que membres d'une force déployée).

55. L'armée tient-elle un registre des membres qui ont été reconnus coupables de crimes liés à l'enfance ou qui ont le potentiel d'infliger des dommages aux enfants en vue d'examiner les futurs déplacés?

56. Quel type de formation centrée sur la protection de l'enfant est proposée aux militaires dans le cadre de leur formation continue (c'est-à-dire non pré-déploiement)? Est-il intégré à la formation des cadets? (à la fois théorique et en termes d'exercices de simulation)

57.

645

Quel type de formation centrée sur la protection de l'enfant est offerte aux militaires dans le cadre de leur formation préalable au déploiement? Qu'est-ce que l'entraînement implique? (à la fois théorique et en termes d'exercices de simulation)

58. Quels types de formation sur la protection de l'enfance les membres des contingents en mission reçoivent-ils? Qui effectue cette formation et qu'est-ce que cela implique?

Au niveau national - Enquête

59. Quelle est la procédure suivie par l'Etat ivoirien lorsqu'il est informé d'une violation présumée à l'égard d'un enfant par un membre des institutions étatiques en charge de la protection de l'enfant ou d'un contingent militaire national déployé?

60. Qui décide des actions provisoires contre ce membre?

61. Si une enquête doit être menée, qui sont les enquêteurs nationaux ayant compétence pour le faire?

62. Quelle formation ces enquêteurs nationaux reçoivent-ils pour leur permettre de mener les enquêtes?

63. Quelle procédure suivent-ils dans leurs enquêtes?

64. À qui et à quelle fréquence doivent-ils informer les autorités nationales des progrès de l'enquête une fois qu'ils ont été déployés?

65. À qui le résultat de l'enquête est-il présenté?

66. Qui décide s'il existe des preuves suffisantes pour poursuivre un membre?

67. Quelles sont les normes de preuve à respecter pour qu'une transgression soit fondée et poursuivie?

68. Si les témoins du lieu de commission de la violation alléguée sont tenus d'étayer leurs allégations, leur présence dans le lieu abritant le tribunal compétent est-elle facilitée?

69. Normes de preuve - Faut-il d'autres preuves corroborantes indépendantes dans le cas où un enfant fait une allégation?

70. Si un État membre refuse d'enquêter et que l'ONU ou une ONG mène sa propre enquête et trouve des preuves suffisantes établissant la culpabilité du suspect, l'État de Côte d'Ivoire reconnaît-il cette conclusion?

71.

646

En cas d'inconduite de la part de certains membres du personnel étatique en charge de la protection de l'enfance, le supérieur hiérarchique peut-il être tenu pour responsable, de même que le membre accusé?

Media - publication

72. Existe-t-il au sein de votre ministère/direction/ institution, une base de données des auteurs d'infractions à l'égard des enfants ?

Cas actuels

73. Travaillez-vous actuellement des cas de violations des droits de l'enfant dont vous avez été saisis ou tenu informé ? À quel niveau l'enquête est-elle

74. Existe-t-il un protocole d'accord pour s'engager à enquêter sur des allégations?

75. Quelles sont les difficultés rencontrées dans les enquêtes actuelles relatives aux cas de violations des droits de l'enfant ? Par exemple, des facteurs tels que la langue, la distance, la capacité d'enquête, l'enquêteur, peu familier avec le contexte.

76. Existe-t-il un protocole particulier pour s'engager à enquêter sur des allégations?

Ministère de l'intérieur (police)

77. La police a-t-elle un code de conduite qui traite explicitement des questions de protection de l'enfance?

78. Les chefs de contingents de la police nationale sont-ils déployés dans des missions habilitées, en termes de législation, de politiques ou de directives nationales, à agir sur les violations commises contre des enfants par des membres de leurs unités en mission?

79. Si un tel devoir existe, pensez-vous que cela est effectué avec diligence par les chefs de contingents de la police nationale déployés? Quels facteurs peuvent interférer avec cette obligation?

80. Quelles sont les violations communément signalées qui ont été perpétrées contre des enfants (hommes et femmes) par des membres de la police nationale?

81.

647

Dans le cas où des membres de la police auraient commis des violations des droits de l'enfant, quelle est la procédure suivie par le Ministère pour traiter cette affaire?

82. Comment le processus de signalement et d'enquête est-il axé sur le respect des besoins des enfants en tant que plaignants et victimes?

83. Comment les procédures préventives et disciplinaires protègent-elles l'identité de la personne (victimes et autres témoins) en rapportant des allégations ou des préoccupations à l'encontre d'un membre?

84. Les infractions commises par des membres de la police à l'encontre d'enfants victimes de conflits armés relèvent-elles de la loi sur la police ou du code pénal? Dans la négative, quelles sont les violations pour lesquelles les membres pourraient être poursuivis, en vertu de ces codes en ce qui concerne les enfants?

85. Selon vous, la police est-elle disposée à assumer ses rôles et responsabilités lorsqu'il s'agit de demander des comptes aux auteurs de violations à l'encontre d'enfants? Veuillez donner des exemples concrets de cas où des membres de la police ont été tenus pour responsables d'infractions commises contre des enfants dans les conflits armés.

86. La police tient-elle un registre des membres qui ont été reconnus coupables de crimes liés aux enfants ou qui ont le potentiel d'infliger des dommages aux enfants afin de contrôler les futurs déplacements?

87. Quel type de formation centrée sur la protection de l'enfant est proposée aux membres de la police dans le cadre de leur formation continue (c'est-à-dire non pré-déploiement)? Est-il incorporé dans le cadre de leur formation académique? (à la fois théorique et en termes d'exercices de simulation)

88. Quel type de formation axée sur la protection de l'enfant est proposé aux membres de la police dans le cadre de leur formation préalable au déploiement? Qu'est-ce que l'entraînement implique? (à la fois théorique et en termes d'exercices de simulation)

89. Quels types de formation sur la protection de l'enfance les membres des contingents de police en mission reçoivent-ils? Qui effectue cette formation et qu'est-ce que cela implique?

90. La police dispose-t-elle d'un mécanisme adapté aux enfants pour permettre aux enfants victimes de violations dans le pays de les signaler facilement ?

OSC, institutions nationales des droits de l'homme et organes internationaux des droits de l'enfant

91. Travaillez-vous dans le domaine des enfants et des adolescents dans les conflits armés ?

92. Pouvez-vous s'il vous plaît décrire le travail que vous faites dans ce domaine?

93. Quels sont vos partenaires clés?

94. Quelles sont les violations des droits de l'homme auxquelles sont soumis les enfants dans le pays?

95. Quels sont les développements positifs et les défis rencontrés en matière de protection de l'enfance dans le pays?

96. Quels mécanismes nationaux existent pour coordonner le travail du secteur des droits de l'enfant?

97. Comment décririez-vous la culture de la responsabilité des forces armées et de sécurité dans le pays? (c'est-à-dire la corruption, l'impunité)

98. Selon votre expérience, les forces armées et de sécurité nationales respectent-elles les lois et normes pertinentes (y compris le droit international humanitaire, le droit relatif aux droits de l'homme, les normes de protection de l'enfant et les dispositions pertinentes du droit national)?

99. Pouvez-vous identifier des cas où des forces armées et de sécurité ont été tenues responsables de violations contre des enfants?

100. Pouvez-vous identifier des cas où des forces rebelles ou des milices ont été
tenues responsables de violations contre des enfants?

101. Des membres des forces armées ou de sécurité nationales déployés en mission
ont-ils déjà été accusés d'avoir commis des violations contre des enfants? Y a-t-il une couverture de tels cas dans les médias?

648

Accès des enfants aux mécanismes de plainte / signalement des violations

102.

649

Quels mécanismes existent pour que les enfants victimes de violations de
leurs droits les signalent? Y a-t-il des variations par région dans le pays?

103. Existe-t-il une culture du signalement des violations ou abus contre les
enfants perpétrées sur le territoire ivoirien ?

104. Les enfants se sentent-ils en sécurité pour signaler des violations commises
par l'armée et les forces de sécurité ou des abus commis par des particuliers ou entreprises ?

105. Votre organisation fournit-elle un soutien pour aider les enfants qui pourraient
avoir été victimes ou témoins de violations dans le signalement de telles violations?

106. La police dispose-t-elle d'un mécanisme adapté aux enfants pour permettre
aux enfants victimes de violations de les signaler?

107. À votre avis, les gens ont-ils une estime et une confiance élevées dans les
processus judiciaires du pays?

108. Comment les données sont-elles été collectées pour déterminer les violations
contre les enfants? A quel point le processus a-t-il été participatif? Existe-t-il un mécanisme de plainte défini pour que les victimes de violations se manifestent?

Accès à la justice / Soutien aux victimes

109. Le pays a-t-il un système de justice pour mineurs accessible? De quoi s'agit-
il? Qui sont les acteurs clés?

110. Existe-t-il des tribunaux pour enfants ou des tribunaux pour mineurs pour
traiter les violations contre les enfants?

111. Les acteurs clés (police, procureurs, juges) sont-ils formés pour traiter avec
les enfants? (c.-à-d. techniques d'entretien, soutien aux enfants, etc.)

112. Existe-t-il des mesures pour protéger l'identité des enfants (victimes et autres
témoins)?

113. L'enquête et les procédures judiciaires sont-elles menées de manière centrée
sur l'enfant? Cette approche garantit que les besoins de l'enfant et les règles de preuve et le processus équitable requis dans toute enquête et poursuite sont satisfaits.

114. Quel type d'assistance juridique est fournie aux enfants qui sont des plaignants et qui n'en ont pas les moyens? L'Etat fournit-il une assistance juridique et une représentation juridique?

115. D'autres acteurs (forces armées nationales, organisations de défense des droits de l'homme, institutions nationales de défense des droits de l'homme, organismes internationaux, communautés locales, par exemple) remplissent-ils leurs rôles et responsabilités respectifs en matière de responsabilité des auteurs de violations à l'égard des enfants?

116. Le processus de justice pour mineurs est-il centré sur l'enfant? Quel est l'accès à l'assistance juridique, à la traduction, au soutien psychosocial, au soutien économique des victimes de violations?

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IV- THESES ET MEMOIRES

A/ LES THESES

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+ AIVO (G.), Le statut de combattant dans les conflits armés non internationaux. Etude critique de droit international humanitaire, Thèse de doctorat droit international et relations internationales, Université Jean Moulin 3, 2011, 585p.

+ AKONO (F.T.), Le discours de la baule et les processus démocratiques en Afrique. Contribution à une problématique de la démocratie et du développement dans les pays d'Afrique noire francophone, Thèse de doctorat en science politique, Université de Clermont-Ferrand 1, 1995, 644p.

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+ BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, Dissertation, zur Erlangung des Grades eines Doktors der Rechte der Rechts- und Wirtschaftswissenschaftlichen Fakultät der Universität Bayr, 2013, 425p.

+ BERTOL (D.), Famille et responsabilité, Thèse de doctorat, Droit, Bordeaux 4 : 2006, 449 p.

+ BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, 767p.

+ CHERIF (A.), L'effectivité des droits fondamentaux dans l'ordre juridique ivoirien: étude à la lumière du droit international et comparé. Thèse de doctorat, Université de Genève. Thèse, 2014. 577p.

+ CISSE (L),La problématique de l'État de droit en Afrique de l'ouest : analyse comparée de la situation de la Côte d'Ivoire, du Libéria et de la Sierra Léone, Thèse

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de droit, Université de Paris XII Val de Marne, 2009, sous la direction de Pierre-Henri Chalvidan, 552 p.

+ COULIBALY (K.), La protection sanitaire internationale de l'enfant .
· contribution à l'étude du droit de l'enfant à la santé
, Thèse de doctorat, Droit, Bordeaux, 1990, 543 p.

+ DASSE (F. O.), Les instruments de protection des droits de l'homme en Afrique subsaharienne, Thèse unique de doctorat de droit, Faculté de droit et de sciences politiques de l'Université de Nantes, Octobre 2001, 480p.

+ DE DINECHIN (P.), La réinterprétation en droit interne des conventions internationales sur les droits de l'homme. Le cas de l'intégration de la Convention des droits de l'enfant dans les droits nationaux en Amérique latine. Droit. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2006, 516p.

+ DEGNI-SEGUI (A.), L'Administration locale ivoirienne, Thèse pour le doctorat d'Etat en droit, Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix Marseille, 1982, 520p.

+ DIALLO (Y.), Les enfants et leur participation au marché du travail en Côte d'Ivoire, Thèse de Doctorat ès Sciences économiques, Université Montesquieu Bordeaux IV, 355p.

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+ DUMERCQ (M.M), Mise en perspective des ambiguïtés de la communication des organisations intergouvernementales humanitaires .
· le cas de l'UNICEF dans les stratégies de recherche de fonds
, Université Bordeaux 3- Michel Montaigne, Thèse de doctorat, 2009, 322 p.

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+ GAMBARAZA (M), Le statut juridique de la Déclaration universelle des droits de l'homme, Thèse de droit, Université Panthéon Assas, sous la direction d'Emmanuel Decaux, 612 p

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+ HEUSCHLING (L), État de droit, Rechtstaat, Rule of law, Étude comparative, Thèse de droit public, Université Paris I, 2000, sous la direction de Françoise Dreyfus, 739 p.

+ KANE (A.F.), La protection des droits de l'enfant pendant les conflits armés en droit international, doctorat en droit international, Université de Lorraine, 2014, 498p.

+ KOBO (P. C.), Droit et ville en Afrique. Essai sur le droit de l'urbanisme en Côte d'Ivoire, Thèse pour le Doctorat d'Etat en Droit, Faculté de Droit et des Sciences économiques de Nice, Octobre 1984, 446p.

+ KOFFI (K.E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Thèse unique de droit public, Université de Cocody-Abidjan, UFR-SJAP, 2008, 903p.

+ KONDE MBOM (J-B), Le contrôle international de l'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Thèse de doctorat de droit, Université Grenoble 2, 1996. 413p.

+ KOUDE (R.K.), La pertinence opératoire des droits de l'homme : de l'affirmation universaliste à l'universalité récusée, Thèse de doctorat en Philosophie, Université Jean Moulin Lyon 3, 2009, 343p.

+ MARRION (B.), Le mineur, son corps et le droit criminel, Thèse, Nancy 2, 2010, 459p.

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+ MBALA MBALA (F.), La notion philosophique de dignité à l'épreuve de sa consécration juridique, Université du Droit et de la Santé - Lille II, 2007, 466p

+ MBANDJI MBENA (E.), Les droits fondamentaux de l'enfant en droit camerounais, Thèse de doctorat en Droit et Science Politique -Toulouse, 2013, 667p

+ MELEDJE (D.-F.), La contribution des organisations non gouvernementales à la sauvegarde des droits de l'homme, Thèse pour le doctorat en droit public, Université d'Amiens, 1987, 553p.

+ MEYER-BISCH (P.), Le corps des droits de l'homme : L'indivisibilité comme principe d'interprétation et de mise en oeuvre des droits de l'homme, Editions universitaires de Fribourg, 1992, 401p.

+ KONDE (M. J-B), Le contrôle international de l'application de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, Thèse de doctorat, université Pierre Mendes Grenoble II, Droit public, Lille, ANRT, 2003, 413 p.

+ NEIRINCK (C.), La protection de la personne de l'enfant contre ses parents, Thèse de doctorat, Montpellier, 1984, 453p.

+ NGOUMBANGO KOHETTO (J.), L'accès au droit et à la justice des citoyens en République centrafricaine, Thèse de doctorat, Université de Bourgogne, 2013, 589p.

+ OURAGA (O. B.), L'Etat et les libertés publiques en Côte d'Ivoire, essai de théorie générale, Thèse de doctorat d'Etat en Droit, Faculté de Droit et des Sciences économiques de Nice, Décembre 1986, 694p.

+ SADEK (S.), Contribution à l'étude des facteurs de la délinquance des jeunes issus de l'immigration maghrébine, Le cas du Grand Mirail à Toulouse, Thèse, Toulouse, 2004, 656p.

+ SANGHARE (E.H.M.), La réception du droit international des droits de l'homme au Sénégal. Droit. Université de Grenoble, 2014. Français. 366p.

+ SOMA (A.), Droit de l'homme à l'alimentation et sécurité alimentaire en Afrique. Genève, Zurich, Bâle : Schulthess, 2010, 561p.

+ SORO ( P.S-G.), L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone (Bénin-Côte d'Ivoire-

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Sénégal) à la lumière des grandes démocraties contemporaines (Allemagne-France), Thèse de doctorat en droit public, Université de Bordeaux, 2016, 535p.

B/ LES MEMOIRES

+ ASSI Brou (R. D.), Le juge ivoirien et les traités internationaux, UFR des Sciences juridique, administrative et politique, Université de Cocody-Abidjan, Novembre 2003, 192p.

+ BOULESTIN (A.), La protection des femmes et des enfants dans les conflits armés, Mémoire II Recherche, Bordeaux IV, 2007, 112p.

+ BOUTROS ABDEL-NOUR (M.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, élaboration et inspiration, Mémoire de Master 2 de droit international public, Université Jean Moulin Lyon 3, 2009, 111p.

+ BOSSER (M.), La convention internationale des droits de L'enfant : les droits de l'enfant, utopie d'une liberté ? , Bordeaux, IEP, 1998, 92 p.

+ COULIBALY (H.), Le contrôle de constitutionnalité des lois en Côte d'Ivoire, Mémoire de DEA de droit public général, UFR des Sciences juridique, administrative et politique, Université de Cocody-Abidjan, 2003, 195p.

+ DJIBO (J.), La responsabilité civile du mineur non émancipé, Mémoire de DEA de Droit privé fondamental, UFR des Sciences juridique, administrative et politique, Université de Cocody-Abidjan, 2001, 85p.

+ DIOP (R.), Secteur informel et exploitation du travail des enfants : une étude de deux réseaux pourvoyeurs d'enfants loués à Abidjan, Abidjan, Université d'Abidjan, Département de sociologie, mémoire de maitrise, 1987, 99p.

+ GARCIA (L.), La traite des femmes pour les fins de prostitution : les conventions internationales et la législation canadienne sur le sujet, mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en droit international, Université de Québec à Montréal, Octobre 2009, pp.44-48.

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+ GOABIN CHANCOCO (G.), La problématique de l'effectivité du droit de l'enfant à la santé et à l'éducation dans les situations de conflit armé interne en Afrique : réflexions à la lumière de la crise en Côte d'Ivoire, Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales en vue de l'obtention du grade de Maître en droit, Août, 2014, 200p.

+ IBO (L. N.), La loi dans le système constitutionnel ivoirien, Mémoire de DEA de droit public général, UFR des Sciences juridique, administrative et politique, Université de Cocody-Abidjan, 1996, 81p.

+ IRITIE (N.D.), Echec scolaire et devenir comportemental des adolescentes vivant dans les quartiers précaires à Abidjan : Le cas de YAHOSEI dans la commune de Yopougon, Mémoire de maitrise criminologie 2005, Université de Cocody-UFR de criminologie, 2005, 90p.

+ KRA (K. J. A.), L'internationalisation des conflits armés internes en Afrique, Mémoire, de DEA de droit public général, UFR des Sciences juridique, administrative et politique, Université de Cocody-Abidjan, 2003, 110p.

+ LA ROSA (A.), La protection de l'enfant en Droit International Pénal, Mémoire de Master Recherche, Université de Lille 2, 2004, 171p.

+ MOUHAMADOU (N.), La protection des droits de l'homme par la Cour de justice de la CEDEAO, Université de Bordeaux, Mémoire de Master 2, 2014, 122p.

+ MESMES (E.), OMS et la protection de l'enfant et de la femme dans le système de santé africain, Bordeaux, Université Montesquieu - Bordeaux IV, 2001, 161 p.

+ NCHO (M. A.), La deuxième République : son apport à la démocratie et aux droits de l'homme, Mémoire de DEA de Droit public général, UFR des Sciences juridique, administrative et politique, Université de Cocody-Abidjan, 2002, 94p.

+ NIZIGIYIMANA (P.C.), L'amélioration des conditions sanitaires dans les prisons du Burundi, Mémoire Master of Advanced Studies en Action Humanitaire, Juin 2012, 79p.

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+ ROBERT (L), Les clauses relatives aux droits de l'homme dans les accords internationaux conclus par la Communauté européenne. Ambitions et réalités, Mémoire de Master 2, Université Jean-Moulin Lyon 3, 2008, 109p.

+ SAKAMOTO (N.), L'enregistrement des enfants à la naissance, Bordeaux, Mémoire Sciences Politiques, 2006, 89 p.

+ SOSSOUKPE (S.L.), La protection de l'enfance dans les pays africains sortant d'une crise armée : cas de la Côte d'Ivoire, mémoire de recherche Master 2, Université de Nantes, 2009,115p.

+ TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, Mémoire de Master 2 en éthique et gouvernance, Centre de recherche et d'action pour la paix (CERAP) 2010, 97p.

V - ARTICLES, Chroniques, observations, Notes

+ ABI-SAAB (G), « Droits de l'homme et juridictions pénales internationales. Convergences et tensions » in Mélanges en l'honneur de Nicolas Valticos. « Droit et justice », sous la direction de DUPUY (J-R), Paris, Editions A. Pedone, 1999, pp. 245-253.

+ ACKA (S. F.), « Une survivance de la tradition dans la République : l'exemple des Chefs et des Rois », in Actualités juridiques, AIDD, Abidjan, 2004, pp.24-39

+ AGGREY (A.), « L'enfant victime d'infraction dans le projet du code pénal ivoirien », Rev. Jur. Pol. Ind. Et coop., n°2, 1977, p. 296.

+ AHANHANZO (M. G.), « Introduction à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Organisation de l'Unité africaine) », in Etudes offertes à Claude-Albert COLLIARD, Editions PEDONE, Paris, 1984, pp.511-537.

+ AHONTO (L.), « Mineurs en prisons. Des conditions de vie déplorables », L'autre Afrique, 14 au 21 juillet 1998, p. 33.

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+ AIVO (G), « Convergences entre droit international humanitaire et droit international des droits de l'homme : vers une assimilation des deux corps de règles ? », RTDH, 2010, n°82, pp. 341-370.

+ AJAVON, Ata, « La protection des droits de l'Homme dans les constitutions des Etats de l'Afrique noire francophone », RJPIC, n°1, mars 1992, pp.79-87.

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+ ALVAREZ (J.), « La réinsertion ou les réinsertions ? », A.P.C., Ed. A. Pedone, n°22, Paris, 2000, p. 697.

+ ANCEL (M.), « Pour une étude systématique des problèmes de politique criminelle », A.P.C, Ed. A. Pedone, n°1, 1975, pp. 15-42.

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+ APATI-BASSAH, « Justice et authenticité », Penant, n°784, 1984, pp. 193-198.

+ ATANGANA AMOUGOU (J-L.), « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : la naissance de la Cour africaine des droits de

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+ ATANGANA-MALONGUE (T), « Mutilations sexuelles et droit à l'intégrité physique de l'enfant en Afrique : l'exemple du Cameroun », C.R.D.F., 2005, n°4, pp. 183-197.

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+ AUBY (J. M.), « Droits de l'homme et droit de la santé. En particulier dans le régime juridique des services publics sanitaires », in Mélanges offerts au Professeur Robert-Edouard CHARLIER, Editions Emile- Paul, 1981, pp.673-685.

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+ HCDH, Guide pratique pour la société civile. Examen Périodique Universel, Genève, Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, 17 p.

+ HCDH, Guide pratique pour la société civile. Le Forum social du Conseil des droits de l'homme, Nations Unies, Droits de l'homme, 13 p.

+ HCDH, Travailler avec le programme des Nations Unies pour les droits de l'homme : un manuel pour la société civile, New-York et Genève, Droits de l'homme, 2008, 192 p.

+ HCDH, Droits de l'homme et application des lois. Guide de formation aux droits de l'homme à l'intention des services de police, Série sur la formation professionnelle n°5, Genève et New-York, Nations Unies, 2003, 223 p.

+ HCDH, Protocole d'Istanbul. Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Série sur la formation professionnelle n°8, New-York et Genève, Nations Unies, 2005, 25 p.

+ HCDH, Les droits de l'homme et les prisons. Répertoire de poche sur les normes internationales relatives aux droits de l'homme à l'usage des agents pénitentiaires, Série sur la formation professionnelle n°11, New-York et Genève, Nations Unies, Droits de l'homme, 2004, 20 p.

704

+ HCDH, Droits économiques, sociaux et culturels. Manuel destiné aux institutions nationales des droits de l'homme, Série sur la formation professionnelle n°12, New-York et Genève, Nations Unies, Droits de l'homme, 2004, 144 p.

+ HCDH, Évaluer les activités de formation aux droits de l'homme. Manuel destiné aux éducateurs dans le domaine des droits de l'homme, Série sur la formation professionnelle n°18, Genève et Montréal, 2011, 139 p.

+ HCDH, La protection juridique internationale des droits de l'homme dans les conflits armés, New-York et Genève, Nations Unies, Droits de l'homme, 2011, 128p.

+ Nations unies A/CONF.157/24 (Part I) 13 octobre 1993, portant « Rapport de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme ».

+ Nations Unies et UIP, Droits de l'Homme. Guide pour parlementaires, n°8 2005, 202 p.

+ Nations Unies, Fiche d'information n°7, Procédures d'examen des requêtes ,54 p.

+ Nations Unies, Déclaration et programme d'action de Vienne, 1993.

+ Nations Unies, A/RES/66/138, Assemblée générale du 27 janvier 2012.

+ Nations Unies, Assemblée Générale, A/6/583 du 20 novembre 2006.

+ Nations Unies, CRC/C/15/Add.106 du 24 août 1999.

+ Nations Unies, CRC/C/3/Add.25 du 4 juillet 1997.

+ Nations Unies, CRC/C/5 du 30 octobre 1991.

+ Nations Unies, CRC/C/58 du 20 novembre 1996.

+ Nations Unies, CRC/GC/2003/5 du 27 novembre 2003.

+ Nations Unies, CRC/GC/2003/5 du 27 novembre 2003.

+ Nations Unies, CRC/GC/2003/5 du 27 novembre 2003, portant Observations générale N°5 (2003), Mesures d'application générales de la Convention relative aux droits de l'enfant.

+ Nations Unies, Procédure d'examen des requêtes, Fiche d'information n°7 (Rev.1), Genève, 2003, 54.

705

+ Nations Unies, Résolution A/RES/63/117.

+ Nations Unies, Résolution A/RES/66/138 l'Assemblé Générale des Nations Unies. + OIT, Intensifier la lutte contre le travail des enfants, 2010, 112 p.

+ UNICEF, La situation des enfants dans le monde 2008 : La survie de l'enfant, Décembre 2007, 155 p.

+ UNICEF, Une approche de l'éducation pour tous, fondée sur les droits de l'homme. Cadre pour la réalisation du droit des enfants à l'éducation et de leurs droits au sein de l'éducation, Paris, UNESCO, février 2008, 164 p.

+ UNICEF, La situation des enfants dans le monde 2009 : La santé maternelle et néonatale, Décembre 2008, 160p.

+ UNICEF, Fiche d'information sur la protection de l'enfant : La traite d'enfants, Mai 2006, 2p ;

+ UNESCO, Déclaration et cadre d'action intégré concernant l'Éducation pour la Paix, les Droits de l'homme et la Démocratie, Paris, novembre 1995, 14 p.

+ Rapport du Secrétaire général de l'ONU, Rétablissement de l'État de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit , S/2004/616, 23 août 2004, 30 p.

+ Rapport du Secrétaire général, Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique, A/52/871-S/1998/318, 13/04/1998.

+ Résolution de l'Assemblée générale de l'ONU relative au Programme mondial d'éducation dans le domaine des droits de l'homme, adoptée le 10 décembre 2004, A/RES/59/113, 2 p.

+ Rapport de l'Assemblée générale des Nations Unies, Renforcement et coordination de l'action des Nations Unies dans le domaine de l'État de droit, A/68/213, 29 juillet 2013, 68ème session, 23 p.

+ Résolution de l'Assemblée générale, L'Etat de droit aux niveaux national et international, 10 décembre 2014, 69/123, 1p.

706

+ Nations Unies, Traités multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général. Etat au 31 décembre 1997, New-York, Publication des Nations Unies, 1998, 1060 p.

VIII - DOCUMENTS DE L'UNION AFRICAINE

+ Union Africaine, Critères d'octroi du statut d'observateur auprès du Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant aux Organisations Non Gouvernementales(ONG) et Associations.

+ Union Africaine, Directives pour l'établissement des premiers rapports des Etats parties.

+ Union Africaine, Directives relatives à la conduite des enquêtes du Comité Africain d'Experts sur les droits et le bien-être de l'enfant en vertu de l'article 45 de la Charte africaine et de l'article 74 de son règlement intérieur.

+ Union Africaine, Procédure d'examen des rapports des Etats parties, 8 p.

+ Union Africaine, Doc.0003 « Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Liste des pays qui ont signé, ratifié/adhéré », en ligne sur le site de l'organisation : www.africa-union.org.

+ Union Africaine, Règlement Intérieur du CAE.

+ Doc. UA/Conférence de l'Union, Décision sur l'élection des membres de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, Assembly/AU/Dec.100 (VI) , 6e session ordinaire de la Conférence de l'Union, 23-24 janvier 2006, Khartoum (Soudan).

+ Doc. UA/Conf. De l'Union, « Activity report of the court for 2006, Assembly/AU/8 (VIII) », 8e session de la conférence de l'Union, 29-30 janvier 2007, Addis-Abeba, Ethiopie, 9 p.

+ Doc.UA/CE, « Rapport provisoire de la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples. EX.CL/363 (XI) » 11e sesion ordinaire du Conseil exécutif, 25-29 juin 2007 Accra, Ghana, 6p., voy. Spéc.§§ 14-28, pp.2-5.

707

+ Doc.UA/CE, « Rapport d'activités de la cour africaine des droits de l'homme et des peuples pour l'année 2008, Ex.CL/489 (XIV) », 14e session ordinaire du conseil exécutif, 26-30 janvier 2009, Addis-Abeba, Ethiopie, spéc. §§ 42-44.

IX - TEXTES OFFICIELS

A/ Les textes nationaux

1 - Les textes constitutionnels

+ Loi n°59-1 du 26 mars 1959 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire (JORCI n°21 (NS), du 28/03/1959).

+ Loi n°60-356 du 03 novembre 1960 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire (JORCI n°50 (NS), du 4/11/1960), modifiée par les lois : n°63-01, du 11/01/1963 ; n°75-365, du 31/05/1975 ; n°75-747 du 22/10/1975 ; n°80-1038 du 1er /09/1980 ; n°80-1232 du 26/11/1980 ; n°85-1072 du 12/10/1985 ; n°86-90 du 31/01/1986 ; n°90-1529 du 06/11/1990 ; n° 94-438 du 16/08/1994 ; n°95-492 du 26/06 /1995 ; n°98-387 du 2 juillet 1998.

+ Loi n° 2000-513, du 1er août 2000 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire (JORCI n°30, du 3 août 2000).

+ Loi n° 2012-1134 du 13 décembre 2012 insérant au titre VI de la Constitution un article 85 bis et relative à la Cour pénale internationale, publiée par décret n° 20121135 du 13 décembre 2012.

+ Loi n° 2016-886, du 08 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire (JORCI, n°16, du 9 novembre 2016).

2 - Les textes législatifs a) Les lois

708

+ Loi n°. 64-374, 1964 portant enregistrement des naissances modifiées par la Loi n° 83-799, 1983.

+ Loi n° 70-483 du 3 aout 1970, sur la minorité.

+ Loi n°88-651 du 7 juillet 1988 portant protection de la santé publique et de l'environnement contre les effets des déchets industriels, toxiques, et nucléaires et des substances nocives (JORCI n°27, du jeudi 7 juillet 1988).

+ Loi n°95-15, du 12 Janvier 1995 portant Code du Travail (JORCI n°8, du Jeudi 23 février 1995, p.153 et s.).

+ Loi n° 95-685 Education, 1995.

+ Loi n° 97-613 contre l'enlèvement de mineurs 1996.

+ Loi n° 97-613 portant création et organisation d'une commission nationale pluridisciplinaire de lutte contre le phénomène des enfants de la rue, 1997.

+ Loi No 98-756 modifiant et complètent la loi 81-640 (juillet1981) instituant un code pénal, 1998.

+ Loi n°98-387, du 2 juillet 1998 portant révision de la Constitution (JORCI n°29, du jeudi 16 Juillet 1998, pp.694-699).

+ Loi n°98-757 du 23 décembre 1998 portant répression de certaines violences à l'égard des femmes (JORCI n°2, du Jeudi 14 janvier 1999, p.25.).

+ Loi n° 2004-302 portant création de la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (JORCI n°33, du jeudi 12 août 2004, p.502 et s.).

b) Les ordonnances

+ Ordonnance n° 2000-308, du 26 avril 2000 abrogeant la loi n°92-464 du 30 juillet 1992 portant répression de certaines formes de violences (JORCI n°4 (NS), du jeudi 4 mai 2000, p.219).

+ Ordonnance n°2000-551, du 1er Aout 2000 portant Statut du Corps Préfectoral (JORCI n°46, du jeudi 23 novembre 2000, p.907.).

709

+ Ordonnance n° 2007-06 du 17 janvier 2007 portant dispositions spéciales en vue de la reconstitution des Registres de l'Etat Civil disparus ou détruits entièrement ou partiellement.

+ Ordonnance n° 2011-258 du 28 septembre 2011 relative à l'enregistrement des

naissances et des décès survenus durant la crise c) Les textes réglementaires

+ Décret n°61-425, du 29 décembre 1961 portant application du Code de la nationalité ivoirienne (JORCI 1962, 53).

+ Décret n°69-356, du 31 juillet 1969, déterminant les contraventions de simple police et les peines qui leur sont applicables (JORCI n°35, du 7 août 1969).

+ Décret n°90-1162, du 28 septembre 1990 portant ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (JORCI n°41, du 25 octobre 1990).

+ Décret n° 91-884, du 27 décembre 1991 portant adhésion de la République de Côte d'Ivoire aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme (JORCI, n°19, du 07 mai 1992).

+ Décret n°91-887, du 27 décembre 1991 portant adhésion de la République de Côte d'Ivoire à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, adoptée à Nairobi (Kenya) en juin 1981 (JORCI n°20, du jeudi 14 mai 1992).

+ Décret n°96-853 du 25 octobre 1996 portant création de la Commission interministérielle nationale pour la mise en oeuvre du Droit international humanitaire (JORCI n°46, du jeudi 14 novembre 1996).

+ Décret n°2000-830, du 22 novembre portant création de la direction des droits de l'homme et des libertés publiques au sein du ministère de la justice et des libertés publiques (JORCI n°1, du jeudi 4 janvier 2001).

+ Décret n°2000-848, du 4 décembre 2000 portant déclaration de l'état d'urgence et instauration du couvre-feu (JORCI n°48, du jeudi 7 décembre 2000).

710

+ Décret n°2001-365, du 27 juin 201 portant création d'un comité de suivi de l'application des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme (JORCI n°35, du jeudi 30 août 2001).

+ Décret No 2001-467, du 25 juillet 2001, portant la création du comite National de Lutte contre le Trafic et L'exploitation des enfants.

+ Décret 2004-206 du 11 mars 2004, portant création du comité Directeur du Programme IPEC/Cote d'ivoire (MFPE).

+ Décret 2006-70 du 26 avril 2006 portant l'organisation du Ministère de la Justice et Droit de l'Homme.

+ Décret N° 2007-569, du 10 Aout 2007, portant organisation du ministère de la famille, de la femme et des affaires sociales.

+ Décret n° 2007-650 du 20 décembre 2007 portant modalités d'application de l'ordonnance n° 2007-06 du 17 janvier 2007 portant dispositions spéciales en vue de la reconstitution des Registres de l'Etat Civil disparus ou détruits entièrement ou partiellement.

+ Décret n°2011-364, portant création du Comité Interministériel de Lutte contre la

traite, l'exploitation et le travail des enfants (CIM), le 3 novembre 2011.

d) Les arrêtés

+ Arrêté n°01 MJLP. DDHLP portant nomination des membres du Comité de Suivi de l'application des instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme (JORCI n°30, du jeudi 25 juillet 2002).

+ Arrêté 191/MFFAS/DPS, 2008 rendant obligatoire l'agrément des pouponnières, orphelinats, centres d'accueil et d'hébergement prives pour enfants.

+ Arrêté 189/MFFAS/CNLTEE, 2008 portant attributions, organisation et fonctionnement du Comité National de Lutte contre la Traite et L'Exploitation des enfants.

+ Arrêté 188/MFFAS/DPS, 2008 portant la création du Comité de placement Familial d'enfants abandonnés en vue d'adoption.

711

712

B) Les textes internationaux et étrangers

1 - Les Constitutions étrangères

+ La Constitution française du 27 Octobre 1946.

+ La Constitution française du 4 Octobre 1958.

+ La Constitution du Burkina Faso du 02 juin 1991.

+ La Constitution béninoise du 11 décembre 1990.

+ La Constitution du Mali du 25 février 1992.

+ La Constitution du Niger du 28 juin 1999.

+ La Constitution du Sénégal du 7 Janvier 2001.

2 - Textes internationaux

+ Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Rés. A.G. 39/46, 1465 R.T.N.U.85.

+ Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 Aout 1949, 75 R.T.N.U. 288.

+ Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, 15 novembre 2000, 2225 R.T.N.U. 209.

+ Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, 1155 R.T.N.U. 331.

+ Convention internationale pour la répression de la circulation et du trafic des publications obscènes, 12 septembre 1923, 27 R.T.S.N. 213.

+ Convention internationale relative à la répression de la traite des blanches, 4 mai 1910 à Paris, et amendée par le Protocole signé et Lake Success (New York), 4 mai 1949, 98 R.T.N.U. 101.

+ Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 7 mars 1966, 660 R.T.N.U. 195.

713

+ Convention (n° 138) concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, 26 juin 1973, 1015 R.T.N.U. 297.

+ Convention (n° 182) concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, 17 juin 1999, R.T.N.U. 271.

+ Convention relative à l'esclavage, 25 septembre 1926, amendée par le Protocole du 7 décembre 1953, 212 R.T.U.N. 17.

+ Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989 Rés. A.G. 44/25, 1577 R.T.N.U. 3.

+ Convention relative aux droits des personnes handicapées, 13 décembre 2006, 2515 R.T.N.U. 3, R.T.Can. n°8.

+ Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes 18 décembre 1979, Rés A.G. 34/180, 1249 R.T.U.N. 13.

+ Déclaration de l'Organisation mondiale du tourisme sur la prévention du tourisme sexuel organisé, A.G., 11° sess., Doc. N.U. A/RES/338 (1995).

+ Déclaration et Programme d'action de Vienne, Doc. off. A.G.N.U., 48° sess., Doc. N.U.A/Conf.157/23 (12 juillet 1993).

+ Déclaration sur le droit au développement, Rés A 41/128, Doc. off. A.G.N.U., 41° sess , supp. n° 53, p. 196, Doc. N.U. A/41/53 (4 décembre 1986).

+ Déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicable à la protection et au bien-être de l'enfant, envisagés surtout sous l'angle des pratiques en matière d'adoption et de placement familial sur les plans national et international, Doc. off. A.G.N.U., 41° sess., Doc. N.U. A/RES/41/85 (3 décembre 1986).

+ Déclaration universelle des droits de l'enfant, Rés. 1386 (XIV), Doc. off.A.G.N.U., 14° sess., Doc. N.U. A/4354 (20 novembre 1959).

+ Déclaration universelle des droits de l'homme, Rés. 217 A (III), Doc. off. A.G.N.U., 3° sess. suppl. n°13, p. 17, Doc. N.U. A/810 (10 décembre 1948).

714

+ Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, 15 décembre 1989, 1642 R.T.U.N. 414.

+ Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171.

+ Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 R.T.N.U. 3.

+ Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes,

en particulier des femmes et des enfants, 15 novembre 2000, 2237 R.T.N.U. 319.

+ Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 Aout 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977, 1125 R.T.N.U. 271.

+ Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 Aout 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), 8 juin 1977, 1125 R.T.N.U. 649.

+ Protocole amendant la Convention pour la répression de la circulation et du trafic des publications obscènes, 12 septembre 1923, 46 R.T.N.U. 201.

+ Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, 25 mai 2000, 2171 R.T.U.N. 227.

+ Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication des enfants dans les conflits armés, 25 mai 2000, 2173 R.T.U.N. 222.

+ Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant établissant une procédure de présentation de communication, Doc. off. A.G.N.U., 66° sess., Doc N.U.A/RES/66/138 (2011).

+ Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171.

715

+ Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, Doc. off. 63°sess., Doc. N.U. A/RES/63/117, A/RES/63/435 (10 décembre 2008).

+ Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, 2187 R.T.N.U. 3.

3 - Textes européens

+ Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 7 décembre 2000 (entrée en

vigueur le 1° décembre 2009), in JOCE, 2000/C 364/01, 18 décembre 2000.

+ Charte sociale européenne, 18 octobre 1961, S.T.E. n° 35, adoptée lors de la Conférence à haut-niveau sur la Charte sociale européenne tenue à Turin.

+ Charte sociale européenne (révisée), 3 mai 1996, S.T.E. n°163.

+ Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, S.T.E. n°5.

+ Convention européenne en matière d'adoption des enfants, 24 avril 1967, S.T.C.E.

n° 58.

+ Convention européenne en matière d'adoption des enfants (révisée), 27 novembre 2008, S.T.C.E. n°202.

+ Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants, 25 janvier 1996, S.T.E. n° 160.

+ Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales tel qu'amendé par le Protocole n° 11, 20 mars 1952, S.T.E. n° 9, art. 2.

4 - Textes américains

+ Charte de l'Organisation des Etats américains, 30 avril 1948, O.A.S. (A-41), adoptée lors de la neuvième Conférence Internationale Américaine à Bogota, Colombie.

716

+ Charte internationale américaine relative au trafic international de mineurs, 15 juillet 1989, O.A.S -(B-57), adoptée lors de la cinquième Conférence spécialisée interaméricaine sur le droit privée, Mexico.

+ Déclaration américaine des droits et des devoirs de l'homme, 30 avril 1948, adoptée lors de la neuvième Conférence Internationale Américaine à Bogota, Colombie, O.A.S.Rés. XXX, Doc. OEA/Ser.L V/II.82 doc.6 rev. 1 (1992).

+ Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels « Protocole de San Salvador », 7 novembre 1988, O.A.S. (B-52), adopté lors de la dix-huitième session ordinaire de l'Assemblée de la Commission interaméricaine des Droits de l'homme à San Salvador, El Salvador.

5 - Textes africains

+ Acte constitutif de l'Union africaine, Doc. OUA CAB/LEG/23.15 (11 juillet 2000).

+ Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Doc. OUA CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58 (1982) (27 juin 1981).

+ Charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant, adoptée lors de la conférence constitutive de l'OUA du 22 au 25 mai 1963 à Addis-Abeba, Ethiopie.

+ Déclaration africaine des droits et du bien-être de l'enfant, adoptée lors de la seizième session ordinaire du 17 au 20 juillet 1979 par l'Assemblée des Chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OUA à Monrovia, Libéria, Doc.AHG/ST.4 (XVI) Rv.1 (1979).

+ Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, 11 juillet 2003, adoptée lors de la deuxième session ordinaire la Conférence de l'UA à Maputo.

+ Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, 1er juillet 2008, adopté lors du onzième Sommet de l'UA à Charm el-Cheikh, Egypte.

X - JURISPRUDENCE

A - Jurisprudence Ivoirienne

v TPI Bouaflé jugt n°140 du 24/11/2005, inédit.

v TPI DALOA, jugt n°86 du 11/11/2005, inédit.

v TPI Gagnoa, jugt n°139 du 10/08/2005, inédit.

v TPI Bouaflé ,jugt n°84 du 16/06/2005, inédit.

v CS ch jud form civ arrêt n°344 du 16 /06/2005.

v TPI Bouaflé, jugt n°78 du 09/06/2005, inédit.

v TPI Gagnoa, jugt n°12 du 20/04/2005, inédit.

v TPI Gagnoa jugt n°83 du 08/12/2004, inédit.

v TPI Gagnoa, jugt n°3 du 02/06/2004, inédit.

v Sect Trib Sassandra, jugt n°183 du 03 /09/2003, inédit.

v Section de trib Dabou, jugt n°100 du 25/07/2000, inédit.

v Section de Trib de Dabou, jugt n°05 du 18/01/2000, inédit.

v TPI Daloa,jugt n°109 du 13/08/1997.

v Section Trib Dimbokro, jugt n° 15 du 05/02/1997.

v TPI Gagnoa, jugt n°44 du 25/10/ 1996 : cndj/REC JP CATBX 1996 n° 1 p 5.

v Section de trib Bouaflé, jugt n°46 du 24 /04/1996.

v Section de Trib de Sassandra, jugt n°08 du 17/01/1996.

v TPI Bouaké jugt n° 1248 du 22/10/1996, CNDJ /Rec CATBX 1998 n°2 p225.

v Section de tribunal de Bongouanou, jugement n°825 du 27/07/1996 : CNDJ/ Rec

CATBX 1996 n°2 p.134.

v TPI Abengourou, jugt n°226 du 26/07/1995

v 717

CA Daloa arrêt n°111 du 27/06/1995.

718

+ TPI Daloa, jugt n°191 du 16/12/1994.

+ TPI Man jugt n°160 du 28 /10 /1994.

+ TPI GAGNOA, jugt n°46 du 06/05/1994 : CNDJ/rec CATBX 1999 n°4 p 194).

+ TPI Man, jugt n°64 du 22/04/1994 : CNDJ/rec CATBX 1997 n°1p101.

+ Section Trib Gagnoa, jugt n°12 du 29/01/1993 : Rec CATBX/cndj 1999 n°i p227.

+ Section de trib de Katiola, jugt n°29 du 11/02/1993 ; cndj/Rec CATBX 1997 n°2,

P.57.

+ TPI Bouaké jugt n°165 du 27/07/1992 : CNDJ/Rec CATBX 1998 n3 p87.

+ TPI Bouaké jugt n°190 du 10/04 /1992 : cndj/Rec CATBX 1998, n°4 p 67.

+ Section Trib Katiola, jugt n°6 du 5/03/1987, in cndj/Rec CATBX 1996 n°2 p4.

+ C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n° 698 du 6 avril 1982, Ministère Public c/E.D.

+ C.A. d'Abidjan, 2 mars 1982, Ministère public c/M.D.

+ C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°1524 du 11 novembre 1981, Ministère public

c/L.A.

+ C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n° 722 du 20 mars 1980, Ministère public c/ Y.E.G., R.I.D., n°3-4/1986, Jurisp.3.2, Pp. 170-171.

+ C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n°875 du 24 avril 1979, Ministère public c/K.O. + CAA arrêt n°108 du 18 février 1977 : RID 1978 n° 3-4, p 5.

+ C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°542 du 15 avril 1975, Ministère public c/K.Y.J. + C.A d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°244 du 3 mars 1975, Ministère public c/Y.D.E.

B - Jurisprudence Française

(Conseil Constitutionnel, CE, Cour de Cassation, CA)

+ Décision du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971 sur la liberté d'association + Tribunal civ Seine 18 janvier 1965 J.C.P, 1965, II , 14 421.

+ civ.10 mai 1989.D.1989, IR.171.

v

719

civ.21 mai1990. J.C.P 1990, II, 21.588.

v Civ. 27 mai 1952.

v Civ, 21 mai 1990.

v Civ. 04 nov 1970.D.1971.186.

v civ. 18 juin 1844.

v Cass civ 24/04/1989 bull civ n°89.

v Cass. Civ. 2ème ,18 juin 1975, Yamani, arrêt n°462.

v Cass. Civ. 1re, 10 mai 1977, Ballesteros arrêt n°386.

v Cass.Fr.1ere Civ., 15 juillet 1993 XC. A.S.E du val de Marne.

v Cass. Crim.2 juin 1977.

v Cass. Crim., 3 septembre 1985 : Bull. crim. 1985, n°283.

v Cass. Crim., 13 octobre 1986 : Bull. crim. 1986, n° 282.

v Cass. Crim. 13 octobre 1986.

v Cass. Crim. 9 mars 1973 .

v Cass. Crim. 15 novembre 1951: Bull. crim. 1951, n°289.

v Cass. Crim.5 Avril 1954 : Bull. crim.1954, n° 142,n°246.

v Cass. Crim. 8 décembre 1971 : Bull. crim. 1971, n°344.

v Cass. Crim. 7 août 1851.

v Cass. Crim.23 janvier 1989 : Bull. crim., n°26

v Cass. Crim. 9 février 1956.

v Cass.crim.21 mars 1957 :Bull. crim. 1957, n°281.

v Cass.crim.29 novembre 1963 : Bull. crim.1963, n°268.

v Cass.crim. 5 juillet 1832 : Bull.crim.1832, n°24, p.541.

v Cour cass. Chambre civ. N° 02-16336 du 18 mai 2005.

v Cour cass.,Chambre soc. N°05-40876 du 16 décembre 2008.

v C.E. fr. 23 novembre 1984, Roujansky.

720

+ CE Sect., 11 mai 1951, Consorts Baud, Rec.265, S 1952.3.13.

+ CE 18 avr. 1951, Elections commune de Nolay. + CE du 12 février 1960, Arrêt société Eky.

+ TC, 7 juin 1951, Dame Noualek, Rec.636. + TC, 5 décembre 1977, Demoiselle Motsch.

C - Jurisprudence américaine

+ Cour d'appel, 10th circuit, Etats-Unis, 9 juillet 1981, Rodriguez-Fernandez v. Wilkinson, 654 F.2d 1382 (1981).

+ Cour d'appel, 2nd circuit, Etats-Unis, 30 juin 1980, Filartiya v. Pena-Irala, 630 F.2d 876.

D - Jurisprudence Internationale (Universelle et régionale)

+ CPJI, Affaire relative à la compétence des tribunaux de Dantzig (Pays-Bas c. Etats-Unis d'Amérique), avis consultatif du 3 mars 1928, CPJI Série B n°15 p.4.

+ CPJI, Affaire relative aux décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, Avis consultatif sur les décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, 1923, CPJI Série B n°4 p.7.

+ CIJ, Affaire de l'Interhandel, (Suisse c. Etats-Unis d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 21 mars 1959, Recueil, CIJ 1959 p.6.

+ C.I.J, « Réserves à la convention sur la présentation et la répression du crime de génocide» Avis consultatif du 28 mai 1951, Recueil 1951, pp.15 et ss.

+ CIJ, Affaire relative à la réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif du 11 avril 1949, Recueil CIJ 1949 p.174.

+ CIJ, « Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé» , avis consultatif du 09 juillet 2004, Recueil CIJ 2004 p.136.

721

+ CIJ, « Affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo v. Ouganda) », arrêt du 19 décembre 2005, Recueil CIJ 2005 p.168.

+ CIJ, Affaire relative à la licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil CIJ 1996 p.66 (Requête de l'OMS) et Affaire relative à la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 08 juillet 1996, Recueil CIJ 1996 p. 226 (requête de l'AG de l'ONU).

+ CIJ, Affaire Nottebohm, (Lichtenstein C. Guatemala), Arrêt du 06 avril, 1955, Recueil CIJ 1955 p.20.

+ TPIY, Affaire le Procureur C.TIHOMIR Blaskic (Affaire n° IT-95-14-T3, mars 2000). + TPIY, Affaire le Procureur C. Kupreskic et consorts (Affaire IT-95-16, 14 janvier 2000).

+ Comité dr. h., T.K. c. France, décision d'irrecevabilité du 8 novembre 1989, communication n°220/1987, §8.3.

+ CCPR/C/50/D/488/1992 (31 Mars 1994) Toonen c. Australia, Communication N°. 488/1992.

+ CADBE, Décision du 22 Mars 2011 relative à la Communication n°.com/002/2009. + CADBE, Décision No 003/Com/001/2012.

+ Cour CEDEAO, arrêt Afolabi c/ République du Nigéria, 2004. + Cour CEDEAO, Arrêt n°ECW/CCJ/JUD/06/08.

+ Cour CEDEAO, décision ECWCCJ/JUD/06/08 Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger du 27 octobre 2008.

+ CEDH, Dudgeon v. UK (1983) App n° 7525/76, ECHR, séries A, n° 45.

+ C.E.D.H., (GC), Demopoulos et autres c. Turquie, décision d'irrecevabilité du 1er

mars 2010, req. n°46113/99 et al., §69.

+ CEDH, 1er Février 2000, Mazurek, requête n°34406/97.

+ C.E.D.H., Salguero da Silva Mouta (1999) App n° 33290/96.

+ Cour interaméricaine des droits de l'homme dans l'affaire Villagran Morales c/ Guatemala, 19 novembre 1999.

722

+ Cour interam. Dr. h., avis consultatif OC- 10/89, interprétation de la déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme en vertu de l'article 64 de la convention américaine relative aux droits de l'homme, 14 juillet 1989.

+ Cour interam. Dr. h., Velasquez Rodriguez c. Honduras, arrêt du 29 juillet 1988, fond, Série C n°4, §61.

+ Commission interaméricaine des droits de l'homme, James Terry Roach et Jay Pinkerton c. Etats-Unis, affaire 9647, résolution 3/87,22 septembre 1987, §§ 46-49, Rafael-Mazorra et consorts c. Etats-Unis, affaire 9903.

+ Commission Européenne des Droits de l'Homme, « décision du 11 janvier 1961, Autriche c. Italie », Annuaire CEDH, vol, 4 p. 139 s.

XI - JOURNAUX ET PERIODIQUES
A - JOURNAUX

+ Fraternité-Matin n° 11388, du jeudi 21 octobre 2002.

+ Fraternité-Matin n°11532, du 16 avril 2003.

+ Fraternité-Matin n° 11547, du mardi 6 mai 2003.

+ Fraternité-Matin n° 11493, des samedi 1er et dimanche 02 mars 2003.

+ Fraternité-Matin n°11651, du mercredi 10 septembre 2003.

+ Fraternité-Matin n°12549, du mardi 05 septembre 2006.

+ Fraternité-Matin n°12556, du mercredi 13 septembre 2006.

+ La Bombe n°705, des samedi 10 et dimanche 11 mai 2003.

+ Le Front n°003, Hors-série, du 29 novembre 2004.

+ Le Jour n°2244, des samedi 5 et dimanche 6 octobre 2002.

+ Le Nouveau Réveil n°369, du Samedi 8 février 2003.

+ Le Patriote n°986, du Lundi 9 décembre 2002.

+ Le Patriote n°974, du mercredi 30 novembre 2002.

v

723

L'Inter n°1375, des samedi 7 et dimanche 8 décembre 2002.

v L'Inter n°1442, du Jeudi 27 février 2003.

v L'Inter n°1563, du Jeudi 24 juillet 2003.

v L'oeil du peuple n°337, du lundi 16 juin 2003.

v Soir Info n°2449, du mercredi 22 octobre 2002.

v Soir Info n°2626, des mercredi 28 et jeudi 29 mai 2003.

v Soir Info n°2531, des Samedi 1er et dimanche 2 Février 2003.

v Soir Info n°2749, du Jeudi 23 Octobre 2003.

v 24 heures n° 188, du mercredi 16 Octobre 2002.

v 24 heures n° 253, du jeudi 9 janvier 2003.

v 24 heures n°260, du vendredi 17 Janvier 2003.

B - PERIODIQUES

v Actualités juridiques n°18-19, Août-Septembre 2001.

v Cahiers africains-Africa Studies n°23-24, 1996.

v Débats-Courriers d'Afrique de l'Ouest n°22, Février 2005.

v Débats-Courrier d'Afrique de l'Ouest n°36-37, Juillet-Août 2006.

v Jeune Afrique n°2384, du 17 au 23 septembre 2006.

v Jeune Afrique n°2385, du 24 au 30 septembre 2006.

v J.A. L'Intelligent n°2293, du 19 au 25 décembre 2004.

v J.A. L'Intelligent n°2351, du 19 Janvier au 4 Février 2006.

v Reflets Nations Unies n°4, Juin 2006.

v Revue Juridique et politique des Etats francophones n°3, Juillet-Septembre 2003.

724

XII - SITES INSTITUTIONNELS

Académie de droit international de la Haye : https://www.hagueacademy.nl/?lang=fr Académie de droit international humanitaire et de droits humains : https://www.geneva-

academy.ch/

Cour internationale de Justice : http://www.icj-cij.org/fr

Child rights international network : http://crin.org/

Comité international de la Croix-Rouge : https://www.icrc.org/fr

Conseil de l'Europe : www.coe.int

Comité africain des experts et du bien-être de l'enfant :www.acerwc.org

Cour Africaine : www.african-court.org

Cour de Justice de la CEDEAO : http://www.ecowas.int/institutions-2/court-de-justice-

communautaire/?lang=fr

Cour pénale internationale : https://www.icc-cpi.int/about?ln=fr

Documentation française : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/

HURIDOCS : www.huridocs.org

Organisation des Nations Unies :www.un.org

Société Française pour le Droit international : http://www.sfdi.org/

Unicef: https://www.unicef.org/

Union Africaine : www.africa-union.org

Union Européenne : https://europa.eu/european-union/index fr

INDEX

725

726

Actes de naissance, 172, 174, 175, 176, 177

Adoption, 32, 39,

95,

96, 97, 99,

100,

105,

113,

115,

116,

119,

122,

123,

124,

126,

145,

169,

183,

194,

201,

204,

214,

238,

280,

301,

315,

334,

335,

338,

373,

395,

415,

433,

520,

521,

543,

597,

598,

600,

601,

632,

647,

648,

649,

650,

657,

703,

707,

712,

714,

727,

729

 
 
 

Adoption plénière, 647

Apatridie, 324, 370, 372, 376, 377

Application, 18, 19, 24, 36, 42, 43, 44, 48,

49, 50, 62, 63, 66, 67, 88, 89, 96, 105, 106,

112,

118,

126,

129,

133,

135,

141,

149,

151,

164,

165,

168,

171,

175,

185,

201,

205,

208,

209,

210,

211,

218,

220,

222,

223,

224,

226,

248,

249,

259,

261,

262,

274,

283,

284,

290,

299,

301,

311,

312,

320,

325,

326,

329,

330,

332,

337,

338,

348,

358,

364,

389,

399,

400,

403,

458,

467,

471,

518,

584,

600,

605,

623,

624,

629,

638,

641,

643,

652,

654,

655,

656,

680,

686,

693,

697,

718,

719,

723,

724,

725

 
 
 
 
 
 
 

assistance judiciaire, 230

bien-être, 7, 322, 378, 387, 399

capacité juridique, 368

Comité des droits de l'enfant, 42, 584

cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 105, 334, 335, 678, 690, 699, 702, 708, 709

Cour de Justice de la CEDEAO, 340, 341, 738

Cour pénale internationale, 344

crimes de guerre, 121, 344, 345, 355, 356,

487, 490, 499, 505

déchets toxiques, 383, 385, 386, 542

déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 160, 161, 215, 441, 566, 671

727

délinquance juvénile, 232, 240, 241, 251,

 

252,

260,

589,

590,

611,

691, 693, 698,

699,

700,

709,

711

 
 

détention, 92, 94,

98,

112,

137, 208, 209,

210,

235,

346,

370,

411,

441, 442, 450,

451,

454,

458,

460,

461,

465, 467, 469,

470,

471,

514,

590,

599

 

détention provisoire, 235, 454 devoirs de l'enfant, 36, 40

devoirs de l'Etat, 107

 
 
 
 

dignité, 304

 
 
 
 

droit à l'éducation, 17,

40,

59, 91, 98, 99,

112, 130, 156, 195,

196,

214,

293,

295,

296, 308, 325, 367,

386,

387,

389,

391,

392, 396, 507, 508,

509,

523,

551,

558,

563, 566, 614, 678

 
 
 
 

droit à la nationalité, 112, 323, 324, 370, 371

droit à la santé, 17, 39, 90, 130, 377, 378,

379, 381, 382, 386, 462, 465, 523, 566, 717

droit à la vie, 37, 98, 116, 179, 212, 213, 377,

378, 386, 399, 486, 497, 500, 505, 530, 531, 534, 544

droit à un environnement sain, 103, 379, 386

droit international humanitaire, 117, 118,

343, 442, 473, 474, 483, 486, 503, 505,

507, 680, 683, 690, 738

droits civils et politiques, 33, 64, 90, 95, 96,

98, 99, 107, 111, 147, 152, 407, 442, 473,

474, 519, 520, 521, 522, 667, 677, 728

728

droits de l'enfant, 13, 14, 15, 26, 28, 29, 30,

31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 40, 41, 42, 43, 45, 48, 49, 50, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 70, 71, 72, 75, 79, 82, 83, 85, 86, 88, 89, 90, 94, 98, 99, 107, 111, 112, 114, 115, 116, 117,

118,

119,

120,

122,

123,

124,

129,

134,

143,

144,

145,

146,

147,

152,

154,

156,

157,

158,

165,

166,

167,

169,

171,

172,

174,

181,

195,

200,

204,

205,

207,

210,

211,

212,

213,

214,

218,

219,

220,

222,

223,

224,

225,

230,

234,

236,

240,

244,

255,

266,

278,

279,

280,

281,

283,

284,

285,

296,

299,

300,

301,

302,

303,

304,

305,

307,

308,

309,

310,

311,

312,

313,

314,

315,

316,

317,

318,

319,

322,

323,

324,

325,

326,

327,

328,

329,

330,

331,

332,

333,

343,

346,

348,

349,

350,

351,

353,

354,

355,

357,

358,

359,

362,

364,

366,

367,

368,

378,

387,

388,

392,

394,

395,

396,

402,

403,

406,

413,

415,

422,

425,

428,

430,

432,

441,

442,

448,

450,

454,

455,

457,

459,

467,

476,

477,

486,

498,

499,

500,

501,

509,

511,

512,

513,

514,

516,

518,

519,

520,

522,

523,

524,

525,

527,

530,

531,

566,

575,

583,

584,

585,

591,

593,

594,

597,

598,

604,

608,

609,

612,

616,

617,

618,

620,

622,

627,

630,

635,

644,

646,

647,

651,

652,

656,

657,

659,

660,

669,

673,

675,

679,

680,

681,

682,

683,

684,

687,

691,

693,

694,

695,

696,

697,

700,

701,

703,

704,

705,

706,

709,

710,

714,

715,

716,

717,

719,

724,

727,

728

 
 
 
 
 

729

droits de l'homme, 7, 13,

 

14,

16,

19,

20,

21,

22,

23,

24,

25,

30,

31,

32,

33,

36,

37,

38,

40,

41,

43,

44,

46,

49,

54,

55,

56,

57,

58,

59,

60,

62,

64,

65,

70,

82,

85,

86,

87,

88,

89,

92,

94,

95,

96,

98,

99,

100, 101, 102,

103,

104,

105,

106,

107,

108,

109,

111,

113,

116,

130,

131,

144,

146,

147,

148,

149,

150,

152,

153,

154,

158,

160,

161,

163,

165,

166,

167,

168,

171,

179,

214,

215,

216,

218,

230,

236,

238,

239,

240,

248,

284,

294,

295,

299,

300,

301,

305,

306,

307,

311,

328,

329,

334,

335,

336,

338,

339,

340,

343,

348,

349,

350,

352,

364,

365,

367,

371,

378,

382,

387,

391,

399,

400,

425,

430,

437,

441,

451,

454,

456,

461,

462,

463,

464,

465,

468,

471,

473,

474,

477,

482,

488,

490,

494,

495,

496,

507,

511,

514,

520,

521,

566,

583,

592,

593,

597,

608,

614,

615,

623,

644,

647,

652,

655,

659,

665,

667,

668,

669,

670,

671,

672,

673,

674,

676,

677,

678,

679,

680,

681,

684,

685,

686,

689,

690,

691,

692,

693,

694,

695,

696,

697,

698,

699,

700,

701,

702,

703,

705,

706,

707,

708,

709,

711,

712,

713,

714,

716,

717,

718,

719,

720,

724,

727,

730,

735,

736

 

droits économiques et sociaux, 37, 90, 364, 521, 523, 527, 608

droits fondamentaux, 7, 19, 21,

37, 43, 63, 69, 71, 75, 83, 86,

23, 33, 34,

90, 94, 98,

149,

150,

152,

158,

160,

161,

164,

165,

166,

168,

241,

288,

386,

422,

423,

428,

455,

456,

486,

500,

501,

511,

522,

523,

585,

626,

652,

665,

668,

672,

675,

680,

686,

690,

693,

698,

699,

703,

705,

708,

 

710,

715,

729

 
 
 
 
 

Effectivité, 46, 392, 705

730

enfant, 13, 14, 15, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,

33, 34, 35, 36, 44, 45, 48, 49, 58, 59, 60, 61, 69, 70, 71, 72, 89, 90, 94, 98,

37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 50, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 75, 79, 82, 83, 85, 86, 88, 99, 101, 104, 107, 108, 109,

111,

112,

113,

114,

115,

116,

117,

118,

119,

122,

123,

124,

127,

128,

129,

130,

131,

132,

133,

134,

135,

136,

138,

140,

143,

144,

145,

146,

147,

149,

151,

152,

154,

155,

157,

158,

161,

165,

166,

167,

169,

171,

172,

173,

174,

177,

180,

181,

182,

183,

184,

185,

186,

187,

188,

189,

192,

193,

194,

195,

196,

197,

198,

200,

202,

203,

204,

205,

206,

207,

210,

211,

212,

213,

214,

215,

216,

218,

219,

220,

221,

222,

223,

224,

225,

226,

227,

228,

229,

230,

232,

234,

235,

236,

240,

241,

242,

243,

244,

245,

246,

247,

252,

255,

256,

260,

264,

266,

276,

278,

279,

280,

281,

282,

283,

284,

285,

296,

299,

300,

301,

302,

303,

304,

305,

307,

308,

309,

310,

311,

312,

313,

314,

315,

316,

317,

318,

319,

321,

322,

323,

324,

325,

326,

327,

328,

329,

330,

331,

332,

333,

335,

342,

343,

346,

348,

349,

350,

351,

353,

354,

355,

357,

358,

359,

362,

364,

366,

367,

368,

369,

370,

373,

374,

377,

378,

381,

387,

388,

391,

392,

393,

394,

395,

396,

399,

400,

402,

403,

404,

405,

406,

407,

411,

412,

413,

414,

415,

416,

417,

418,

419,

421,

422,

423,

425,

428,

429,

430,

431,

432,

434,

437,

440,

441,

442,

443,

448,

450,

452,

454,

455,

456,

457,

459,

467,

468,

469,

470,

475,

476,

477,

480,

481,

483,

484,

485,

486,

498,

499,

500,

501,

505,

508,

509,

511,

512,

513,

514,

516,

517,

518,

519,

520,

521,

522,

523,

524,

525,

527,

530,

531,

532,

533,

534,

535,

536,

537,

540,

541,

542,

544,

546,

547,

548,

549,

551,

552,

554,

558,

560,

566,

570,

572,

575,

578,

579,

581,

582,

583,

584,

585,

587,

589,

590,

591,

593,

594,

597,

598,

599,

600,

601,

602,

603,

604,

605,

606,

607,

608,

609,

610,

611,

612,

613,

616,

617,

618,

619,

620,

731

621,

 

622,

624,

625,

626,

627,

628,

629,

630,

631,

632,

633,

634,

635,

636,

637,

638,

639,

640,

641,

642,

643,

644,

645,

646,

647,

648,

649,

650,

651,

652,

653,

654,

655,

656,

657,

659,

660,

666,

669,

673,

674,

675,

677,

678,

679,

680,

681,

682,

683,

684,

686,

687,

688,

690,

691,

693,

694,

695,

696,

697,

698,

699,

700,

701,

702,

703,

704,

705,

706,

707,

708,

709,

710,

712,

713,

714,

715,

716,

717,

719,

720,

721,

724,

727,

728,

730,

738

enfant délinquant, 204

enfant en conflit avec la loi, 205, 234, 264

enfants soldats, 119, 346, 362, 443, 476, 478,

479, 480, 481, 485, 486, 493, 503, 680, 691, 703, 706

enregistrement des naissances, 172, 174, 176, 177, 325, 367, 369

Etat civil, 545

Famille, 223, 225, 232, 234, 245, 284, 552,

561, 637, 649, 683, 698

filiation adoptive, 699

garde à vue, 210, 237, 452, 453, 454, 455, 456, 457, 694

garde d'enfant, 415

infanticide, 213

instruments internationaux, 41, 43, 44, 54,

61, 85, 101, 102, 109, 200, 214, 255, 329,

381, 396, 407, 442, 455, 483, 623, 724, 725

instruments nationaux, 214, 425

intérêt supérieur de l'enfant, 35, 114, 119, 130, 135, 138, 181, 187, 189, 194, 198, 207, 403, 404, 413, 415, 428, 429, 622, 626, 638, 639, 643, 647

Juge des enfants, 642

juge des tutelles, 192, 193, 194,

233

 

732

juridiction, 17, 18, 19,

 

99,

163,

207,

219,

231,

252,

253,

256,

258,

259,

260,

265,

267,

270,

272,

273,

274,

275,

316,

340,

343,

344,

348,

349,

350,

353,

355,

357,

446,

457,

499

 
 
 
 
 

justice des mineurs, 255, 256, 266, 448, 455,

630, 695, 711 liberté, 695

mineur, 27, 30, 44, 99,

113, 116, 181, 182,

183,

184,

185,

186,

187,

192,

193,

197,

205,

206,

207,

208,

209,

210,

213,

233,

253,

254,

255,

256,

258,

259,

260,

261,

262,

263,

264,

265,

266,

267,

268,

269,

270,

271,

272,

273,

274,

275,

373,

387,

396,

400,

442,

445,

448,

450,

451,

452,

454,

455,

456,

457,

462,

464,

466,

469,

514,

563,

600,

601,

655,

683,

686,

687,

692,

694

 
 
 
 
 
 

minorité, 27, 30,

181,

182,

185,

186,

187,

192,

193,

205,

206,

207,

209,

232,

233,

253,

255,

258,

260,

263,

270,

274,

420,

442,

702

 
 
 
 
 
 
 

naissance, 26, 37,

38,

48, 99, 126, 129, 132,

172,

173,

174,

175,

176,

177,

178,

179,

180,

259,

260,

261,

262,

324,

325,

365,

 

367,

368,

369,

370,

373,

375,

376,

377,

439,

531,

535,

545,

689,

690,

704

 
 

nationalité, 21, 38, 62, 90, 99, 112, 130, 173,

200, 236, 304, 323,

324, 340,

367,

368,

370, 371, 372, 373,

374, 375,

376,

377,

 

398, 419, 427, 438,

584, 714,

723

 

norme, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 53, 92,

128,

129, 130, 151, 155,

364, 522,

525,

552

officier d'état civil, 177, 260

paix, 44, 81, 86, 88, 97, 103, 109, 121, 161,

202,

293,

295,

357,

386,

442,

471,

473,

475,

478,

503,

508,

509,

511,

514,

592,

593,

651,

665,

714,

720

 
 
 

733

pauvreté, 42, 58, 125, 204, 220, 235, 286, 305, 306, 389, 397, 438, 477, 501, 526, 538, 550, 573, 580, 583, 585, 586, 591, 674, 707

placement familial, 649, 727

226,

428,

560,

594,

228, 434, 563, 622,

préambule, 14, 36, 38, 57, 86, 97, 98,

103,

104, 129,

130,

138,

151,

152,

158,

159,

160, 161,

162,

163,

165,

172,

377,

525,

648

 
 
 
 
 
 

prison, 213,

303,

437,

441,

459,

460,

462,

463, 464,

466,

467,

468,

469,

470,

471,

550, 676,

694,

713

 
 
 
 
 

protection spéciale, 39, 118, 171, 229, 370, 473

rebelles, 277, 381, 478, 480, 481, 486, 487,

488, 489, 490, 493, 494, 495, 496, 499, 502, 508

rebellion, 381, 474, 480, 489, 496, 498, 555

sujet de droit, 368

témoin, 346

torture, 708

trafic d'enfant, 138, 241, 430, 611

traite d'enfant, 138, 367, 432, 437, 577, 582, 583, 584, 720

travail des enfants, 34, 41, 43, 124, 125, 126,

127,

128,

131,

197,

198,

199,

221,

223,

240,

247,

248,

249,

250,

251,

286,

288,

289,

290,

291,

292,

293,

295,

296,

302,

370,

414,

416,

417,

418,

428,

429,

545,

547,

578,

579,

580,

582,

583,

584,

611,

619,

625,

681,

688,

692,

716,

719,

727

tueries, 493, 498,

499,

501

 
 
 

Union Africaine, 9, 237, 318, 322, 375, 720, 721, 738

Union européenne, 227, 523, 600, 729

734

victime, 136, 140,

 

200,

202,

204,

212,

213,

234,

236,

243,

244,

245,

246,

247,

319,

333,

335,

342,

349,

356,

424,

426,

431,

432,

433,

454,

457,

488,

604,

619,

624,

630,

631,

636,

640,

643,

652,

654,

655,

656,

675,

690

 
 
 
 
 
 

violations, 24, 48, 71, 94, 111, 122, 204, 211,

212,

214,

236,

237,

283,

301,

304,

315,

316,

318,

322,

324,

326,

327,

331,

335,

336,

340,

343,

344,

345,

346,

348,

349,

 

354,

357,

364,

365,

366,

367,

443,

459,

473,

474,

486,

487,

490,

496,

497,

498,

499,

500,

506,

512,

513,

514,

534,

571,

593,

594,

606,

652,

655,

656,

679,

692

viols, 426, 427, 443, 486, 487, 488, 489, 490

735

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE 13

PREMIÈRE PARTIE : L'INTEGRATION EN DROIT IVOIRIEN DES NORMES

INTERNATIONALES DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT 55

Titre I : UN DISPOSITIF JURIDIQUE AU CONTENU REEL 59

Chapitre I : UNE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DES INSTRUMENTS

PROTEGEANT LES DROITS DE L'ENFANT 62

Section I : UNE RECONNAISSANCE INDIRECTE A TRAVERS LES

INSTRUMENTS GENERAUX DES DROITS DE L'HOMME 67

§ 1. AU NIVEAU UNIVERSEL 67

A. L'ADHESION DE LA COTE D'IVOIRE A LA CHARTE DES NATIONS

UNIES ET LA DUDH 68

1. La Charte des Nations Unies 68

2. La déclaration universelle des droits de l'homme 71

B. L'ADHESION DE LA COTE D'IVOIRE AUX PACTES INTERNATIONAUX

DE 1966 77

1. Présentation des pactes de 1966 77

2. Les enjeux des pactes pour les droits de l'enfant 80

§ 2. AU NIVEAU AFRICAIN : LE CAS DE LA CHARTE AFRICAINE DES

DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES 82

A. LES ELEMENTS DE RESSEMBLANCE ENTRE LA CHARTE ET LES

AUTRES INSTRUMENTS DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME 83

B. DES SPECIFICITES DE LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE

L'HOMME ET DES PEUPLES 85

C. LES ENJEUX DE LA CADHP POUR LES ENFANTS 89

Section II. UNE RECONNAISSANCE DIRECTE A TRAVERS DES INSTRUMENTS

SPECIFIQUES AUX DROITS DE L'ENFANT 93

§ 1. AU NIVEAU UNIVERSEL 93

A. LA RATIFICATION DE LA CONVENTION INTERNATIONALE DES

DROITS DE L'ENFANT (CIDE) 93

1. Des droits au profit des enfants 93

2. Des obligations à la charge des Etats 96

B. LA RATIFICATION DES DEUX PROTOCOLES FACULTATIFS A LA

CIDE ET DU PROTOCOLE DE PALERME 99

C. LA RATIFICATION DES CONVENTIONS N°138 et 182 de l'OIT 106

§ 2. AU NIVEAU AFRICAIN 111

A. LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ETRE DE L'ENFANT

112

1.

736

Le contenu de la Charte 112

2. Portée juridique de la CADBE 116

B. A TRAVERS LA SIGNATURE D'ACCORDS REGIONAUX ET BILATERAUX EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LA TRAITE DES

ENFANTS 117

1. Les accords régionaux de protection des enfants contre la traite 117

2. Les accords bilatéraux contre le trafic transfrontalier d'enfants 120

Chapitre II : LA RECEPTION NATIONALE DES DROITS INTERNATIONAUX DE

L'ENFANT 125

Section I : UNE PROGRESSIVE CONSTITUTIONNALISATION DES DROITS DE

L'ENFANT 127

§ 1. UNE EVOLUTION DES FORMES DE RECONNAISSANCE DES DROITS DE

L'ENFANT 127

A. LE STATUT DE LA CONSTITUTION DANS LE DROIT DES DROITS DE

L'ENFANT 127

B. UNE RECONNAISSANCE IMPLICITE DES DROITS DE L'ENFANT SOUS LE PRISME DE LA PROTECTION GENERALE DES DROITS DE L'HOMME DANS LA CONSTITUTION DE 1960 : UN RENVOI AUX GRANDES

DECLARATIONS DE DROITS 130

C. UNE RECONNAISSANCE EXPRESSE DE LA PROTECTION SPECIFIQUE

DE L'ENFANT EN TANT QUE PERSONNE VULNERABLE 137

§ 2. UNE EVOLUTION DES TECHNIQUES DE CONSECRATION DES DROITS

DE L'ENFANT 140

A. AU NIVEAU DU PREAMBULE 141

B. UNE CONSECRATION PLUS CIRCONSTANCIEE DES DROITS AU NIVEAU DU CORPUS DE LA CONSTITUTION SOUS LES CONSTITUTIONS

DE 2000 ET DE 2016 148

Section II : LES MESURES D'APPLICATION LEGISLATIVE ET

REGLEMENTAIRE DES DROITS DE L'ENFANT 153

§ 1. UNE IMPORTANTE RECONNAISSANCE DES DROITS DE L'ENFANT AU

NIVEAU CIVIL 154

A. UN ENCADREMENT JURIDIQUE DES REGLES DE DECLARATION DES

NAISSANCES FONDEES SUR L'INTERET DES ENFANTS 154

1. L'obligation légale de déclaration et d'établissement d'actes de naissances,

moyens d'individualisation et de protection des enfants 154

2. Les règles de suppléance en cas de perte de registre ou de défaut d'actes de

naissance 156

3. Les sanctions de l'inobservation des règles d'établissement des actes de

naissances 158

B. UN ENCADREMENT JURIDIQUE RIGOUREUX DE L'INCAPACITE DU

MINEUR DANS L'INTERET DE L'ENFANT 163

1. L'étendue de l'incapacité du mineur 163

2. Les sanctions de l'incapacité du mineur, un régime juridique favorable à

l'enfant 168

737

C. LE REGIME DE PROTECTION DU MINEUR NON EMANCIPE, UN MOYEN DE CONTROLE DES DROITS PARENTAUX A L'EGARD DE LEURS

ENFANTS 169

1. La substitution de l'autorité parentale à la puissance paternelle 170

2. Du contrôle à la déchéance de l'autorité parentale, une mesure de protection

de l'enfant 174

§ 2. UNE DIVERSITE DE LOIS SOCIALES PROTECTRICES DE L'INTERET DE

L'ENFANT 176

A. UNE RECONNAISSANCE LEGISLATIVE DU DROIT A L'EDUCATION 177

B. UN ENCADREMENT JURIDIQUE CONSTANT DU TRAVAIL DES

ENFANTS 179

C. LA LOI DEFINISSANT LE STATUT DE PUPILLE DE LA NATION 183

D. AUTRES LOIS PERTINENTES EN MATIERE DE PROTECTION SOCIALE

DES ENFANTS 185

§ 3. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES ENFANTS PAR

L'ADOPTION D'UNE DIVERSITE DE LOIS PENALES 186

A. UN CADRE PENAL HYBRIDE APPLICABLE AUX MINEURS

DELINQUANTS 186

1. Une responsabilité pénale des mineurs peu ou prou conforme aux normes

internationales 187

2. Une application de règles de droit commun aux mineurs dans le cadre de

l'enquête préliminaire 189

B. UNE REPRESSION PENALE DES AUTEURS DE VIOLATIONS DES

DROITS DE L'ENFANT 193

CONCLUSION DU TITRE 1 195

Titre II : DES MECANISMES INSTITUTIONNELS DE GARANTIE A EFFECTIVITE

LIMITEE 199

Chapitre I : LE ROLE LIMITE DES MECANISMES GOUVERNEMENTAUX 201

SECTION I. LES ORGANES ADMINISTRATIFS A CARACTERE POLITIQUE ET

TECHNIQUE 202

§ 1. LES ORGANES DE PROTECTION A CARACTERE GENERAL 202

A. AU NIVEAU DU MINISTERE DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITE

NATIONALE 204

1. La direction de la protection de l'enfance (DPE) 205

2. Direction régionale de la Famille et de l'enfant et ses démembrements 207

B. AU NIVEAU DU MINISTERE D'ETAT, MINISTERE DE LA JUSTICE ET

DES DROITS DE L'HOMME 212

1. La Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse

(DPJEJ) 213

2. De l'apport de la Commission nationale des droits de l'homme dans la

protection des enfants 218

§ 2. LES ORGANES SPECIFIQUES DE PROTECTION 222

738

A. LA SOUS-DIRECTION DE LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES

ENFANTS ET LA DELINQUANCE JUVENILE (S/D-LTEDJ) 223

1. Composition et attributions de la sous-direction de la lutte contre la traite des

enfants et la délinquance juvénile 223

2. Le centre d'accueil et de transit des enfants de la SD/LTEDJ 227

B. LA CREATION RECENTE DE DEUX COMITES DE LUTTE CONTRE LA

TRAITE, L'EXPLOITATION ET LE TRAVAIL DES ENFANTS 229

SECTION II. LES JURIDICTIONS SPECIALISEES POUR ENFANTS 234

§ 1. LES JURIDICTIONS COMPETENTES EN MATIERE

CONTRAVENTIONNELLE ET DELICTUELLE 234

A. LE TRIBUNAL DE SIMPLE POLICE 234

B. LE TRIBUNAL POUR ENFANTS 236

C. LE JUGE DES ENFANTS 246

§ 2. LA COUR D'ASSISES DES MINEURS, UNE JURIDICTION SPECIALE

COMPETENTE EN MATIERE CRIMINELLE 248

A. LA COMPOSITION DE LA COUR D'ASSISES DES MINEURS 249

B. LA COMPETENCE DE LA COUR D'ASSISES DES MINEURS 252

1. La Compétence ratione loci 253

2. La compétence ratione personae 253

3. La compétence ratione materiae 255

Chapitre II : L'IMPORTANCE VARIABLE DES INSTITUTIONS D'APPUI ET DE

CONTROLE 259

SECTION I. LE ROLE D'APPUI DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET

PRIVEES 260

§ 1. LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES COMPETENTES EN MATIERE

DE DROITS DE L'ENFANT 260

A. LE ROLE ESSENTIEL DE L'UNICEF 261

1. Présentation du rôle de l'UNICEF dans la protection des droits de l'enfant 261

2. Les actions de l'Unicef en Côte d'Ivoire 265

B. L'ACTION COMPLEMENTAIRE DES AUTRES INSTITUTIONS INTERNATIONALES : CAS DE L'ORGANISATION INTERNATIONALE DU

TRAVAIL ET DE L'UNESCO 267

1. L'OIT, une structure de coopération efficace dans le domaine du travail des

enfants 267

2. L'Unesco, une structure de coopération efficace au niveau du droit à

l'éducation 275

§ 2. LES INSTITUTIONS DE LA SOCIETE CIVILE 280

A. UN ROLE INDISPENSABLE DES ONG 282

1. La sensibilisation 283

2. L'assistance juridique 284

3. L'assistance psychologique et matérielle 285

B. LES LIMITES DE CES ACTIONS 286

1.

739

Des organisations pauvres et dépendantes 286

2. Des associations à organisation administrative et financière aléatoire 287

3. Des structures non spécialisées et cacophoniques manquant de coordination

288

4. De l'insuffisance du personnel qualifié à une forte concentration des activités

des ONGs à Abidjan 289

SECTION II. LE ROLE MITIGE DES ORGANES DE CONTROLE 291

§ 1. DES GARANTIES QUASI-JURIDICTIONNELLES PEU SOLLICITEES 291

A. L'IRREGULARITE DES RECOURS 292

1. La quasi inexistence du recours universel 293

2. L'inertie du recours régional 300

B. L'INEFFICACITE DES RECOURS 309

1. Une inefficacité tenant à la nature des organes de contrôle 309

2. Une inefficacité tenant à la portée de ses décisions 313

§ 2. DES GARANTIES JUDICIAIRES PEU EXPLOITEES 315

A. LA SEULE OPTION DES ORGANES JUDICIAIRES A COMPETENCE

GENERALE : UNE VOIE PEU SOLLICITEE 315

1. Une opportunité au regard de leurs compétences 315

2. Une opportunité au regard de leurs décisions à caractère contraignant 328

B. DES RECOURS DIFFICILEMENT ACCESSIBLES 329

1. Les obstacles aux communications individuelles devant la Cour africaine 329

2. Les obstacles liés à la recevabilité : l'épuisement des voies de recours internes

331

3. Les handicaps propres à la CPI inhibant son efficacité 335

CONCLUSION DU TITRE 2 339

SECONDE PARTIE : L'EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DES DROITS DE

L'ENFANT A L'EPREUVE DES REALITES LOCALES 341

Titre I : DES MANIFESTATIONS PREOCCUPANTES DE L'INEFFECTIVITE 343

Chapitre I : LES ATTEINTES AUX DROITS DE L'ENFANT EN PERIODE DE PAIX

346

SECTION I. DES ATTEINTES LIEES A LA VIE ET AU DEVELOPPEMENT

PERSONNEL DE L'ENFANT 347

§ 1. DES MANIFESTATIONS DES VIOLATIONS AFFECTANT L'EXISTENCE

ET LA SURVIE DE L'ENFANT 347

A. LES ATTEINTES AU DROIT A L'IDENTITE ET A LA NATIONALITE DES

ENFANTS, UNE NEGATION DU DROIT A L'EXISTENCE JURIDIQUE 347

1. Des enfants non déclarés 347

2. Des enfants apatrides 350

B. LES ATTEINTES AU DROIT A LA SANTE ET A UN ENVIRONNEMENT

SAIN DE L'ENFANT 357

§ 2. LES ATTEINTES AU DROIT A L'EDUCATION ET AU DEVELOPPEMENT

PERSONNEL DE L'ENFANT 366

A.

740

LES ATTEINTES AU DROIT A L'EDUCATION 366

B. UN FAIBLE DEVELOPPEMENT DES ACTIVITES D'EVEIL 372

C. LE MARIAGE FORCE ET/OU PRECOCE : UNE PRATIQUE

TRADITIONNELLE NEFASTE 373

§ 3. DES ATTEINTES AUX FORMES DE PARTICIPATION DE L'ENFANT 381

A. LA QUASI INEXISTENCE DU DROIT A LA PARTICIPATION AU NIVEAU

FAMILIAL ET SCOLAIRE 382

1. Un faible niveau de participation à la vie familiale 382

2. Un faible niveau de participation à la vie scolaire 383

B. L'EXCLUSION DE TOUTE PARTIPATION A LA VIE PUBLIQUE ET

SOCIO-ECONOMIQUE 385

1. Une faible participation à la vie publique politique et associative 385

2. Une participation à la vie économique comme obligation familiale 387

3. Une faible participation aux services sociaux de base 387

SECTION II. LA PROTECTION DES ENFANTS CONTRE TOUTES FORMES

D'ABUS 391

§ 1. LES ABUS TOUCHANT LES ENFANTS DES RUES 391

A. DEFINITION DE LA NOTION D'ENFANTS DES RUES 392

B. LES DIVERS ABUS PORTES AUX ENFANTS DANS LES RUES 393

§ 2. LES PIRES FORMES DE TRAVAIL DES ENFANTS : UN TRAITEMENT

INHUMAIN DE L'ENFANT 396

1. Les formes classiques de travail des enfants 396

2. Le cas particulier de l'exploitation sexuelle des enfants 400

§ 3. LA TRAITE DES ENFANTS, UN DENI DE LA NATURE D'ETRE HUMAIN

DE L'ENFANT 409

A. DEFINITION DE LA NOTION DE TRAITE DES ENFANTS 409

B. LES DIFFERENTES FORMES DE TRAITE DES ENFANTS 412

1. Existence d'une traite interne d'enfants 413

2. La traite transfrontalière d'enfants vers la Côte d'Ivoire 415

Chapitre II : DES ATTEINTES D'UNE GRAVITE PARTICULIERE EN SITUATION

DE GUERRE OU D'URGENCE 420

SECTION I. LA VIOLATION DES DROITS DU MINEUR EN CONFLIT AVEC LA

LOI 423

§ 1. UNE PROTECTION INSUFFISANTE DU MINEUR LORS DE L'EXERCICE

DES MISSIONS DE POLICE NATIONALE DE L'ETAT 423

A. DANS LE CADRE DES RETENTIONS ADMINISTRATIVES 423

B. DANS LE CADRE DES RETENTIONS JUDICIAIRES 430

§ 2. LA SITUATION DU MINEUR INCARCERE 435

A. DES CONDITIONS CARCERALES GENERALEMENT PRECAIRES ET

DIFFICILES 436

1. La surpopulation 437

2. La question de l'insalubrité des locaux d'emprisonnement 438

741

3. De la malnutrition à la permanence des maladies 441

B. LE CAS PARTICULIER DES JEUNES FILLES INCARCEREES 445

SECTION II. LES ATTEINTES GRAVES AUX DROITS DE L'ENFANT EN

PERIODE DE CONFLIT ARME 451

§ 1. L'EXPLOITATION MILITAIRE DE L'ENFANT DURANT LE CONFLIT

ARME IVOIRIEN 453

A. L'ENROLEMENT DES ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMES 453

1. L'embrigadement ou endoctrinement idéologique et le recrutement volontaire

des enfants 454

2. Le recrutement forcé ou obligatoire des enfants 458

B. LA NATURE ET LES CONSEQUENCES DES ACTIVITES DE L'ENFANT

RECRUTE 461

1. Les différentes formes de participation 461

2. L'impact sur l'intégrité physique et morale de l'enfant 462

§ 2. LES ATTEINTES GRAVES AUX DROITS FONDAMENTAUX DE

L'ENFANT DURANT LE CONFLIT IVOIRIEN 464

A. EN ZONE SOUS CONTROLE DES FORCES REBELLES 464

1. Des viols massifs 464

2. Des enfants victimes de traitements inhumains et d'exécutions sommaires 468

3. La découverte de charniers d'enfants 475

B. EN ZONE SOUS CONTROLE GOUVERNEMENTALE 477

1. Des atteintes aux droits de l'enfant imputables aux milices privées 479

CONCLUSION DU TITRE 1 491

Titre II : LES CONDITIONS D'UNE EFFECTIVITE AMELIOREE 492

Chapitre I : L'IDENTIFICATION DES CAUSES D'INEFFECTIVITE DES DROITS

FONDAMENTAUX DE L'ENFANT 494

SECTION I. LES CAUSES TENANT A LA COMPLEXITE DES REGLES INTERNATIONALES DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT ET A LA

CONCLUSION TARDIVE DES CONVENTIONS INTERNATIONALES 495

§ 1. ANALYSE DE L'ARTICLE 4 DE LA CIDE COMME FACTEUR EXPLICATIF

DE L'INEFFECTIVITE DES DROITS DE L'ENFANT 496

§ 2. DES CAUSES D'INEFFECTIVITE TENANT AUX RETICENCES DE LA COTE D'IVOIRE A L'EGARD DES CONVENTIONS INTERNATIONALES DE

PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT 504

SECTION II. LES CAUSES DE L'INEFFECTIVITE DU DROIT A LA SURVIE, AU

DEVELOPPEMENT ET A LA PARTICIPATION DES ENFANTS 507

§ 1. LES CAUSES DE L'INEFFECTIVITE DU DROIT A LA VIE ET A LA

SURVIE DE L'ENFANT 507

A. LES RESISTANCES TENANT AUX PANDEMIES ACCABLANTES : LE DEVELOPPEMENT DES MALADIES INFECTIEUSES ET PARASITAIRES 507

1. Les maladies courantes 508

742

2. Les autres maladies attentatoires à la survie de l'enfant (l'anémie, la

malnutrition, les maladies évitables, les maladies diarrhéiques) 509

B. LES OBSTACLES SOUS-JACENTS A LA REALISATION DU DROIT A LA

VIE ET A LA SURVIE DE L'ENFANT 511

1. Les résistances liées aux comportements de la mère 511

2. Les difficultés d'accès aux services sociaux de base 515

C. LES RESISTANCES STRUCTURELLES 519

1. Les facteurs liés à la gestion et à l'inadaptation des politiques sanitaires et à

des contraintes économiques 519

2. Les pesanteurs socio-culturelles 520

§ 2. LES CAUSES DE L'INEFFECTIVITE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT DE

L'ENFANT 521

A. LES CAUSES INTRAFAMILIALES DE L'INEFFECTIVITE DU DROIT AU

DEVELOPPEMENT 521

1. Les causes liées à l'environnement familial et scolaire 521

2. Les autres causes imputables à la famille 522

3. Les causes imputables aux enfants 525

B. LES CAUSES EXTRA FAMILIALES 526

1. Les causes directes imputables à la communauté 526

2. Les causes tenant à l'insuffisance des services sociaux de base 531

3. Les causes tenant à l'inadéquation des services sociaux de base 535

4. Les contraintes socio-économiques et culturelles affectant le développement

optimal de l'enfant 536

§ 3. LES CAUSES LIEES A LA FAIBLE PARTICIPATION DES ENFANTS 541

A. LES CAUSES IMMEDIATES 541

1. Une faible implication communautaire 541

2. L'ignorance des enfants de leurs droits 542

3. De l'absence de prise de conscience des enfants de leur rôle à la crise de

confiance et la recherche du gain immédiat 543

B. LES CAUSES SOUS-JACENTES 543

1. Le faible niveau d'éducation des parents et une faible collaboration entre

parents et enseignants 544

2. Un accès limité et une faible implication à la diffusion de l'information 545

3. La faiblesse des réseaux d'association d'enfants 545

C. LES CAUSES STRUCTURELLES 546

1. L'influence des structures traditionnelles d'éducation 546

2. La faiblesse du cadre institutionnel 547

SECTION III. LES CAUSES DES ABUS CONTRE TOUTES FORMES DE

PROTECTION DES ENFANTS 547

§ 1. LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA DESHERENCE DES ENFANTS 547

A. LA RUPTURE AVEC LA FAMILLE ET LES MAUVAIS TRAITEMENTS

DES ENFANTS 548

B. 743

LES MAUVAISES CONDITIONS DE VIE ET LA SOUS-SCOLARISATION

DES ENFANTS 549

C. LES MULTIPLES RESISTANCES DE NATURE STRUCTURELLE 549

§ 2. LES CAUSES DE L'EXPLOITATION ECONOMIQUE ET SEXUELLE DES

ENFANTS 553

A. LES CAUSES DU TRAVAIL ET DE LA TRAITE DES ENFANTS 553

1. Les résistances d'ordre immédiat 553

2. Les causes sous-jacentes de la persistance du travail des enfants 556

3. Les résistances structurelles à la lutte contre le travail des enfants 559

B. LES RESISTANCES TENANT A LA PERSISTANCE DES SEVICES ET

EXPLOITATIONS SEXUELS 561

1. Les mauvaises conditions de vie et une sexualité précoce et non maitrisée 561

2. Les dysfonctionnements familiaux et le travail domestique des enfants 562

3. Les résistances d'ordre structurel 562

§ 3. LES CAUSES DE LA PERSISTANCE DU PHENOMENE DES ENFANTS EN CONFLIT AVEC LA LOI OU DES ATTEINTES AUX DROITS DES ENFANTS EN

PERIODE DE CONFLIT ARME 564

A. LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA PERSISTANCE DU PHENOMENE

DES ENFANTS EN CONFLIT AVEC LA LOI 564

1. Les facteurs immédiats 564

2. Les causes lointaines de la pérennisation des enfants en conflit avec la loi 566

B. LES CAUSES DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANT EN

PERIODE DE CONFLIT ARME 567

Chapitre II : LES MESURES PRECONISEES EN FAVEUR D'UNE EFFECTIVITE

AMELIOREE 570

SECTION I. UNE REFORME PROFONDE DE LA STRATEGIE DE PRISE EN

CHARGE DES ENFANTS 572

§ 1. UNE ADAPTATION NECESSAIRE DU CADRE JURIDIQUE ET

FONCTIONNEL 572

A. UN CADRE JURIDIQUE PLUS RENFORCE 572

1. La mise en conformité du cadre législatif avec les normes et standards

internationaux 573

2. La mise en conformité du cadre réglementaire national avec les normes et

standards internationaux 577

B. UN FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL PLUS EFFICACE 578

1. Le renforcement des compétences par les formations initiale et continue 578

2. La nécessaire amélioration du système de prestation de services 581

3. Une nécessaire mise en place d'un système d'information, suivi et évaluation

en matière de droits et de protection de l'enfant 583

§ 2. L'UTILITE D'UNE NOUVELLE COORDINATION ET D'UNE MEILLEURE

MOBILISATION DES FINANCEMENTS 585

A. L'ETABLISSEMENT D'UN SYSTEME EFFICACE DE COORDINATION

DES ACTIONS 585

B.

744

LA MISE EN PLACE DE PARTENARIATS EFFICACES 589

C. L'AUGMENTATION DES FINANCEMENTS NECESSAIRES 592

SECTION II. UNE PLUS GRANDE PRIORITE A DONNER AUX ACTIONS DE

PREVENTION DES ATTEINTES AUX DROITS DE L'ENFANT 593

§ 1. LA PREVENTION PAR DES ACTIONS DE PLAIDOYER ET DE

SENSIBILISATION DES COMMUNAUTES 593

A. L'INSTAURATION D'UNE CULTURE DE DEBAT SUR LES ATTEINTES

AUX DROITS DE L'ENFANT 594

B. UN APPUI RENFORCE AUX STRUCTURES COMMUNAUTAIRES 597

§ 2. LA PREVENTION DE LA VIOLENCE INSTITUTIONNELLE ET DES

COMPORTEMENTS A RISQUE 602

A. UNE PROTECTION PARTICULIEREMENT STRICTE DES ENFANTS

DANS LES INSTITUTIONS D'ACCUEIL 603

B. UNE ATTENTION ACCRUE AUX COMPORTEMENTS A RISQUE DE LA

PART DES ADOLESCENTS 604

SECTION III. UN RENFORCEMENT BENEFIQUE DES MESURES D'ASSISTANCE

AUX ENFANTS VICTIMES 606

§ 1. DANS LE CADRE DE LA DETECTION ET LA PRISE EN CHARGE DES

CAS DE VIOLENCE 606

A. DES METHODES DE DETECTION ET DE SIGNALEMENT PLUS

PERFECTIONNEES 606

B. UNE MEILLEURE ADAPTATION DE LA PRISE EN CHARGE PAR LA

CREATION DE SYSTEMES LOCAUX 612

§ 2. LA MISE EN PLACE D'UN SYSTEME DE SUBSTITUTION POUR LES

ENFANTS PRIVES DE PROTECTION PARENTALE 618

A. LES DIFFERENTES FORMES DE SUBSTITUTION SUSCEPETIBLES

D'ETRE ENVISAGEES 620

B. UNE PROTECTION DE SUBSTITUTION CONDITIONNEE PAR UNE MEILLEURE IMPLICATION DES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET

JUDICIAIRES 623

§ 3. DES CONDITIONS EFFICACES DE LUTTE CONTRE L'IMPUNITE 625

A. UNE INCITATION AU RECOURS SYSTEMATIQUE A LA JUSTICE 625

B. LA SOUMISSION DES ENFANTS A DES MESURES DE PROTECTION

LORS DES POURSUITES 628

CONCLUSION DU TITRE 2 630

CONCLUSION GENERALE 633

ANNEXES : 637

Annexe 1 : Processus de résolution de conflit ou de problème au niveau

communautaire 637
Annexe 2 : Protection des enfants victimes au contact des forces de

sécurité 638

ANNEXE 3 : QUESTIONNAIRE ADRESSÉ AUX POPULATIONS ET ACTEURS

DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT EN CÔTE D'IVOIRE 639

BIBLIOGRAPHIE 650

I-

745

DICTIONNAIRES ET LEXIQUES 650

II- OUVRAGES GENERAUX 652

III- OUVRAGES SPECIALISES 660

IV- THESES ET MEMOIRES 669

V - ARTICLES, Chroniques, observations, Notes 675

VI - ACTES DE COLLOQUES ET SEMINAIRES 700

VII - DOCUMENTS DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES 701

VIII - DOCUMENTS DE L'UNION AFRICAINE 706

IX - TEXTES OFFICIELS 707

X - JURISPRUDENCE 717

XI - JOURNAUX ET PERIODIQUES 722

XII - SITES INSTITUTIONNELS 724

INDEX 725

LES DROITS DE L'ENFANT EN COTE D'IVOIRE : ENTRE NORMES
INTERNATIONALES ET REALITES LOCALES

Les droits de l'enfant en Côte d'Ivoire sont soumises à une tension constante et fragile entre les normes internationales qui proclament ces droits et assurent leur garantie et les réalités locales qui sont celles d'un pays en développement. De surcroît, la Côte d'Ivoire a rencontré depuis plus de dix ans de graves problèmes d'instabilité politique et sociale à cause d'une crise armée qui a déstabilisé les régimes de protection dans tous les domaines où ceux-ci existaient auparavant. La situation de la protection des droits de l'enfant, essentiellement d'origine internationale et placée à ce titre, sous un contrôle international pouvait-elle échapper à ce contexte ?

La thèse montre que l'intégration dans le droit national ivoirien des normes internationales de protection à travers une large participation de la Côte d'Ivoire à la plupart des instruments protégeant tant les droits de l'Homme en général que les droits de l'enfant en particulier, de même que la traduction nationale de ces droits selon les exigences constitutionnelles dans une importante législation pourraient donner une image d'effectivité. Cette image est cependant fausse. L'effectivité de ces droits, lorsqu'elle est mise à l'épreuve des réalités du pays, tombe sous le poids des manifestations des violations aussi diverses qu'inacceptables. C'est pourquoi des mesures pour une effectivité améliorée sont préconisées. Leur mise en oeuvre pourrait garantir un meilleur avenir à tous les enfants de la Côte d'Ivoire.

Mots clés : droits de l'enfant, santé, effectivité, éducation, conflit armé, violations, responsabilité, dignité, droits fondamentaux, égalité, enfant, existence, instruments juridiques, intérêt supérieur de l'enfant, justice des mineurs, protection, Adoption, comité international des droits de l'enfant, parole de l'enfant, normes internationales, réalités locales, détention, dignité, garde à vue, privation de liberté.

CHILDREN RIGHTS IN IVORY COAST : BETWEEN INTERNATIONAL

STANDARDS AND LOCAL REALITIES

Children's rights in Ivory Coast is subject to a constant and fragile tension between the international standards that proclaim these rights and guarantee them and the local realities that are those of a developing country. In addition, for more than ten years, Ivory Coast has faced serious problems of political and social instability because of an armed crisis that has destabilized protection regimes in all areas where they previously existed. Could the situation of the protection of the rights of the child, mainly from international origin and placed under international control, escape this context?

The thesis shows that the integration into Ivorian national law of international standards of protection through a wide participation of Ivory Coast in most instruments protecting both human rights in general and the rights of the child in particular, just as the national translation of these rights according to constitutional requirements into important legislation could give a sense of effectiveness. However, this feeling is fake. The effectiveness of these rights, when challenged by the realities of the country, falls under the weight of manifestations of violations as diverse as unacceptable. This is why measures for improved effectiveness are recommended. Their implementation could guarantee a better future for all children in Ivory Coast.

Key words : Children's rights, health, Effectiveness, education, armed conflict, violations, accountability, dignity, fundamental rights, equality, child, existence, legal instruments, best interest of the child, juvenile justice, protection, privacy, adoption, committee on the rights of the children, views of the child, international standards, local realities, arrest, dignity, police custody, deprivation of liberty.






La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme