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L'identification de l'acte de contrefaçon de marque en Tunisie

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par Kaïs Berrjab
Faculté des Sciences Juridiques, Ploitiques et Sociales de Tunis - DEA en Sciences Juridiques Fondamentales 2004
  

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-2- Les signes descriptifs :

Par application de l'article 3 (b), la loi sur les marques exclut de la sphère de la distinctivité « Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service »

La marque a pour fonction de distinguer des produits ou services par référence à leur origine. Alors si, pour ce faire, la marque ne fait que décrire une ou plusieurs caractéristiques du produit, il s'ensuit qu'elle ne saura, de la sorte, poursuivre sa fonction distinctive du moment qu'elle reprend ce qui est commun à tous les produits ou les services semblables.

Il est donc normal qu'une telle marque soit nulle car on ne peut tolérer l'appropriation par un commerçant de termes indispensables à tous les concurrents pour définir la composition ou les qualités essentielles de leurs produits.

A la différence du point (a) de l'article 3, on relève que l'absence de l'adverbe exclusivement dans le point (b) du même article, peut créer une dissymétrie injustifiée entre les deux alinéas

1 Civ.,16 février 1936, cité par PIOTRAUT( J-L ) & DECHRISTE ( P-J ): op. cit. n°173 ; Tout en admettant le caractère générique la marque « Crème de Gruyère », la Cour de Cassation française, laisse entendre, a contrario, qu'elle aurait pu reconnaître la validité de cette marque s'il y a eu « adjonction d'un nom ou d'un signe distinctif quelconque ».

et finir par invalider certaines « marques complexes dont certains éléments descriptifs s'inscrivent pourtant dans un ensemble qui, lui, est arbitraire » .1

Quant à la jurisprudence tunisienne concernant les marques descriptives, elle semble, du moins, incohérente. C'est d'ailleurs le cas d'un jugement,2 qui a ordonné la radiation d'une marque complexe composée par le terme BRILLANCE, la dénomination sociale SCHWARZKOPF et un élément figuratif. Cette marque a été annulée car elle portait atteinte à la marque antérieure BRILLANCE enregistrée pour le même produit, en l'occurrence, un shampoing.

Les juges ont considéré que le terme brillance pour un shampoing n'est en rien descriptif du produit marqué. Quoique fondée sur le terrain de l'indisponibilité du signe en question, cette solution orthodoxe serait tout autre si le terme BRILLANCE aurait pu être considéré comme descriptif du résultat attendu de l'utilisation de ce genre de produit, il semble donc que la protection du-dit signe l'a emporté sur sa validité douteuse comme marque.

Dans un autre jugement, cette fois rendu après l'entrée en vigueur de la loi n°36-2001, le Tribunal de Première Instance de Ben Arous,3 a rejeté la demande intentée par la société DERBIGUM pour contrefaçon 4 de ses marques (DERBIGUM P2; SP4 et GC5). Les juges ont vu dans ces signes des termes scientifiques et descriptifs de la qualité et de l'épaisseur des produits d'étanchéité en question. En appel, la solution a été confirmée, la cour 5 a considéré les signes précités comme descriptifs, communs à tous les concurrents et indignes d'une protection spéciale.

Ces décisions reflètent à plus d'un titre l'incohérence de la démarche de la jurisprudence ne serait-ce qu'en raison de la fâcheuse tendance des juges à ignorer le rapport de l'expertise,6 pour conclure souverainement au caractère descriptif et scientifique de ces signes, alors qu'il n'y avait aucune preuve attestant ces caractères en question.

A travers les deux espèces, on constate que sur la base d'une appréciation un peu spéculative les signes P2, SP4 et GC5 ont été dénués du caractère distinctif, alors que la marque BRILLANCE pour un shampoing a été validée malgré son caractère descriptif plus ou moins évident.

En définitive, il serait difficile de prévoir à l'avance dans quel sens ira le juge de fond lors de l'appréciation du caractère descriptif d'une marque. C'est pourquoi, il est opportun d'adopter une marque qui soit aussi arbitraire, que possible par rapport au produit qu'elle désigne sans, pour autant, avoir à recourir systématiquement à des néologismes car le droit des marques n'exige guère du signe constitutif de la marque une originalité absolue.

Par ailleurs, on note qu'une marque descriptive peut, selon l'article 3 in fine, acquérir le caractère distinctif par l'usage.7

1 POLLAUD- DULIAN (F) : op. cit. n°1160. p. 538.

2 AFFAIRE: « SCHWARZKOPF / JASMINAL » T.P.I SFAX, n° 970 du 14 mars 2000. voir annexe n°1.

3 Jugement n°9918 du 21 novembre 2001, (Affaire: DERBIGUM / COMMET) voir annexe n°2.

4 Les marques arguées de contrefaçon sont : BITUPLAST P2 ; BITUPLAST HP4 et BITUPLAST GC5.

5 C A, Tunis n°546 du 3 décembre 2003, (Affaire: DERBIGUM / COMMET), voir annexe n°3.

6 En se référant à l'article 112 C.P.C.C selon lequel l'avis de l'expert ne lie pas le tribunal.

7 L'article 6 quinquiès C de la convention d'Union de Paris prévoit une telle faculté, toutefois, il ne s'agit pas d'une validation de plein droit, c'est juste une possibilité de sauvetage laissée à l'appréciation du juge et c'est d'ailleurs l'un des rares cas où la loi n°36-200 1 tient compte de l'usage d'une marque.

Si l'usage prolongé dans le temps est admis à purger la marque de vices tels que les caractères générique et descriptif, il convient de noter que cette mesure de g âce ne bénéfice pas aux signes

r

visés dans l'article 3 (c), pour lesquels un usage aussi long soit-il n'est pas admis à les valider.

-3- Les signes visés dans l'article 3 alinéa (c) :

Si les signes descriptifs et génériques ont pu bénéficier des faveurs du législateur, la solution n'est pas aussi heureuse pour la dernière catégorie de signes qui fait l'objet de l'article 3 (c). En effet, sont absolument nuls, « les signes constitués exclusivement par la forme imposée, La nature ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle ».

Alors que la volonté du législateur est claire à propos de l'invalidation de tels signes, il est évident que l'exclusion ne concerne pas toutes les formes car l'article 2 al. 2, compte les formes parmi les signes qui pourraient valablement constituer une marque.

A vrai dire, l'article 3 n'interdit que les signes qui soient exclusivement dictés par la forme ou la fonction pratique ou technique du produit ou du service, il serait, par exemple, inadmissible de concevoir une marque constituée exclusivement de la forme circulaire pour désigner des pneus alors que la forme se trouve nécessairement imposée par la nature du produit.

Ainsi, l'exclusion de ces signes de la sphère des signes distinctifs se fonde assurément sur leur carence en caractère arbitraire et fantaisiste. Par ailleurs, on note que le rejet des formes nécessaires et fonctionnelles par le droit des marques s'inscrit dans une logique de délimitation de son champ d'action par rapport au droit des dessins et modèles industriels.

En effet, le droit des dessins et modèles industriels a été conçu spécifiquement pour protéger les formes fonctionnelles et les dessins faisant preuve d'originalité pour une durée limitée à la fin de laquelle ils tombent dans le domaine public, alors que la protection de telles formes à titre de marque, reviendra à accorder à son titulaire un avantage concurrentiel indu et un droit de propriété qui a vocation à la pérennité sur une marque constituée d'une forme fonctionnelle.1

Dans la même logique que celle du rejet des formes fonctionnelles et nécessaires, l'article 3 (c) dénue les formes conférant au produit sa valeur substantielle de tout caractère distinctif. Certes, l'interdiction ne porte pas sur le conditionnement du produit ou de son emballage qui peuvent être valablement admis comme marques conformément à l'article 2 al.2 (b), « Seules donc sont concernées les marques constituées par la forme du produit [...] et à condition que cette forme ait une influence sur la valeur intrinsèque du produit ».2

Du reste, on note que l'emploi de l'adverbe exclusivement par le législateur laisse la voie de la validité ouverte pour les marques complexes qui revêtent un caractère distinctif certain malgré qu'elles soient constituées en partie par une forme fonctionnelle ou imposée.

En définitive, s'agissant d'un droit d'occupation et non de création, le droit des marques admet valablement la marque constituée par une forme, pourvu qu'elle soit suffisamment

1 Voir en ce sens, CJCE 18 juin 2002, aff. Philips c./ Remington. RTD com 2003, n°3. p. 500. obs. J. Azéma. Il a été jugé que l'enregistrement d'une marque ne doit pas être utilisé pour obtenir ou perpétuer des droits exclusifs sur des solutions techniques nonobstant l'existence d'autres formes permettant la réalisation du même résultat. Ainsi, la cour a rejeté la demande de la société Philips tendant à perpétuer un droit de marque ayant pour objet la forme d'un produit à savoir un rasoir électrique composé de trois têtes circulaires à lames rotatives disposées dans un triangle équilatéral.

2 POLLAUD- DULIAN (F) : op. cit. n°1163. p. 540.

distinctive et non usuelle, sans pour autant requérir de la dite forme, la nouveauté ou l'originalité qu'impliqueraient sa protection au titre des dessins et modèles industriels.

A l'image des signes interdits au sens de l'article 4, sont frappées de nullité, les marques non conformes aux dispositions de l'article 3. Cette nullité ne joue pas de plein droit, selon l'article 32 al.2, elle doit être déclarée par le juge. C'est là une affirmation implicite de la présomption de validité de toute marque jusqu'à preuve du contraire.

Le caractère distinctif de la marque se réalise à un double point de vue, car outre la condition de l'originalité, la marque doit être disponible conformément à l'article 5 de la loi n°36-2001.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon