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L'identification de l'acte de contrefaçon de marque en Tunisie

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par Kaïs Berrjab
Faculté des Sciences Juridiques, Ploitiques et Sociales de Tunis - DEA en Sciences Juridiques Fondamentales 2004
  

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-b- Le caractère disponible de la marque :

En règle générale, pour qu'un signe puisse être valablement distinctif, il faut qu'il soit nouveau par rapport à ceux utilisés par des concurrents opérant dans le même secteur d'activité.

Concrètement, la nouveauté du signe se traduit en terme de disponibilité. En effet, s'agissant d'un droit d'occupation, il suffit que le signe soit disponible à l'appropriation au moment de son dépôt à titre de marque. Dès lors, on entend par signe disponible, celui qui ne fait pas l'objet d'un droit antérieur et opposable, d'ailleurs, c'est dans le droit fil de cette affirmation que s'inscrit le rejet, à titre de marque, du « signe portant atteinte à des droits antérieurs » conformément à l'article 5.

A l'image de la solution admise en droit français,1 l'article 5 de la loi sur les marques, admet, à titre indicatif, huit sortes de signes constitutifs d'antériorités opposables que l'on peut classer en deux catégories, la première concerne des droits sur des signes distinctifs à savoir les marques y compris les marques notoires, les dénominations ou les raisons sociales, les noms commerciaux et les enseignes et enfin les appellations d'origines protégées.

Quant à la deuxième catégorie, elle renferme successivement, les droits d'auteur, les droits résultants des dessins et modèles industriels, les droits rattachés à la personnalité d'un tiers et enfin le droit au nom ou à l'image d'une collectivité locale.

De toutes ces antériorités, c'est le droit sur une marque antérieure qui se trouve le plus souvent invoqué pour s'opposer à l'enregistrement d'une marque identique ou similaire pour désigner des objets couverts par la marque antérieure. C'est pourquoi, avant de déposer sa marque, il serait prudent de consulter le registre national des marques afin d'effectuer une recherche d'antériorité.2

Malheureusement, cette recherche est très limitée,3 du moment qu'elle ne couvre que les marques à l'exclusion des autres droits de propriété industrielle.

En survolant l'énumération de l'article 5, on s'aperçoit que la portée de l'interdiction - qui entoure l'adoption d'un signe qui fait l'objet d'une antériorité- n'est pas aussi absolue, car

1 On note que l'article 5 de la loi du 17 avril 2001 ne fait que reprendre l'article 711-4 du C.P.I français.

2 La recherche des antériorités s'effectue auprès de l'I.NNORPI sur la base du registre national des marques moyennant une redevance fixe conformément au décret n°2001-1934 du 14 août 2001, fixant le montant des redevances afférentes aux marques de fabriques, de commerce et de services.

3 Même la recherche des antériorités constituées par des marques manque de fiabilité, car l'I.NNORPI se limite à une recherche suivant les paramètres qui lui sont suggérés par le demandeur de la recherche.

« la marque ne protège que les produits ou services pour lesquels elle a été déposée. Pour les activités totalement différentes, le même signe pourrait être valablement choisi » .1

Pour qu'il y ait donc antériorité opposable à l'enregistrement d'une marque identique ou similaire, deux conditions doivent se réunir. En premier lieu, il faut que le droit invoqué soit déjà existant au moment de la constitution du droit sur la marque, cette condition s'impose d'elle-même car la prohibition dans l'article 5 de la loi n°36-2001 porte précisément sur un signe faisant l'objet d'un droit antérieur.

En deuxième lieu, étant donné que la marque n'a de sens et d'utilité que dans son application, dans le commerce, aux produits et services qu'elle désigne, il s'ensuit que l'on doit raisonnablement exiger que l'antériorité invoquée « existe dans le même secteur d'activité commerciale que celui où l'on veut déposer la marque. Il importe donc peu que le même signe soit déjà utilisé dans d'autres branches commerciales pour des produits ou services différents ».2

Ainsi et en règle générale, l'opposabilité de toute antériorité trouve ses limites propres dans la sphère de la branche d'activité économique à laquelle elle se rattache strictement.

Ceci étant, une exception, qui bénéficie à l'appellation d'origine protégée, est apportée à la règle de la spécialité ou de la relativité des antériorités. En tant que signe distinctif, l'appellation d'origine protégée certifie le lieu de fabrication d'un produit, sa qualité certaine et sa fabrication ou son obtention selon une méthode originale impliquant un savoir-faire confirmé. En raison de ces facteurs réunis, l'appellation d'origine évoque généralement une renommée universelle.3

Le droit d'utiliser une appellation d'origine protégée fait l'objet d'une autorisation spéciale accordée par les autorités compétentes de chaque Etat. C'est pourquoi, nul ne peut avoir droit à employer une appellation d'origine protégée sans qu'il ne remplisse les conditions légales et réglementaires strictes requises à son utilisation.

En effet, elle est indisponible à titre de droit antérieur même pour des produits similaires à ceux qu'elle couvre. La rigueur de la réglementation des appellations d'origine protégée, et surtout celles contrôlées,4 a permis à certains d'estimer qu'elles « occupaient le sommet de la hiérarchie en matière de signes distinctifs ».5

Du reste, si un même signe ne peut constituer une marque s'il reprend une appellation d'origine à protégée à laquelle le déposant de la marque n'a pas droit, 6 la solution est tout autre concernant les dénominations et les raisons sociales.

1 CHRISTINE-LABASTIE DAHDOUH & HABIB DAHDOUH : op. cit. p. 510.

2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1016, p. 578.

3 C'est le cas des vins de Champagne, de Bordeaux ou du fromage de Camembert provenant de ces localités françaises.

4 Sur la réglementation stricte des appellations d'origine contrôlée des produits agricoles, voir la loi n°99-57 du 28 juin 1999. J.O.R.T 1999, n°2. p. 1088. L'article 20 de cette loi frappe le signe constitutif de l'appellation d'origine contrôlée d'une indisponibilité absolue à titre de droit antérieur opposable au dépôt d'une marque postérieure et similaire.

5 Le TALLEC (G): « La primauté des appellations d'origine contrôlée sur les marques » Mélanges Paul Mathély, Litec 1990. p. 249. Voir aussi, PIATTI (M-CH): « L'appellation d'origine » R.T.D com 1999. N° 3. p. 557.

6 Dans le sens de l'indisponibilité de l'appellation d'origine, voir : CA, Paris, 15 décembre 1993. PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTE (P-J): op. cit. n°140. p 186. En l'espèce, le dépôt de la marque Champagne entrepris par YVES SAINT LAURENT, pour un parfum, a été annulé dans la mesure où il reprenait l'appellation d'origine Champagne absolument indisponible et à laquelle le titulaire du dépôt n'avait pas droit. Voir notamment sur l'affaire du Champagne : LAMPRE (C) : « Le Champagne ou le parfum de la renommée » D. 1994, n°27, Chron. p. 213.

En effet, ces deux signes ne sont opposables à l'enregistrement d'une marque identique qu'en la présence d'un risque de confusion. De même, outre le risque de confusion, les noms commerciaux et les enseignes ne peuvent être utilement opposables à l'adoption du même signe par un tiers comme marque que dans la mesure où ils sont « connus sur l'ensemble du territoire tunisien » conformément à l'article 5 (c).

Par ailleurs, rien n'empêche l'utilisation d'un signe indisponible avec l'autorisation du titulaire du droit en question, qu'il s'agisse d'un dessin ou d'un modèle industriel, d'un droit d'auteur, d'un droit de la personnalité d'un tiers et enfin de l'image ou du droit au nom d'une collectivité locale dont la super-protection semble un peu excessive.1

Le caractère relatif des antériorités au sens de l'article 5 de la loi n°36-200 1 se confirme aussi sur le plan procédural car, au sens de l'article 33 alinéa 2 de la même loi, « Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article 5 de la présente loi. Toutefois son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a toléré l'usage pendant cinq ans ».

Etant précédée par l'adverbe notamment, l'énumération de l'article 5 n'empêche pas l'admission d'autres antériorités. En France, la jurisprudence a pu retenir comme opposable, sur la base de l'article 711-4 du C.P.I -équivalent à l'article 5 de la loi n°36-2001- l'antériorité constituée par le nom d'un établissement public français.2

Une nouvelle sorte d'antériorité, issue de la confrontation de plus en plus sensible entre le droit des marques et la nouvelle réalité technologique de l'Internet, semble poser des problèmes auxquels la solution n'est pas encore fournie en droit positif ni en jurisprudence. En effet, on peut se demander si un nom de domaine 3 sur Internet peut être qualifié de signe distinctif et par la même, constituer une antériorité opposable à une marque postérieure.

En l'absence d'un cadre juridique qui définit les noms de domaine et permet de cerner leur rapport avec la marque, la réponse dépendra de la nature juridique du nom de domaine qui se présente, en fait, comme le nouvel attribut de la personnalité dans la société de l'information.

1 POLLAUD- DULIAN (F) : op. Cit. N°1193. p. 558. L'auteur dénonce, à juste titre, cette super protection.

2 Paris, 18 septembre 1998, RTD com 1998, n°4. p.848, obs. J. AZEMA.

3 Marie-Hélène Deschamps-Marquis : « Les noms de domaine : au-delà du mystère » disponible à l'adresse : http://www.robic.ca. Selon l'auteur « Les noms de domaine sont ces noms qui identifient l'adresse d'un ordinateur relié au réseau Internet. Cette adresse peut mener à différents modes de communications dont notamment un site web ».

L'adresse électronique se divise principalement en deux parties : l'adresse IP (Internet Protocole) et le nom de domaine. La partie numérique, l'adresse IP, est l'information constituée d'une suite de quatre chiffres inférieurs à 256, qui est utilisée par l'ordinateur pour comprendre l'adresse. Il est possible d'accéder à l'endroit voulu en entrant simplement ces numéros. Cependant, l'adresse IP est difficile à mémoriser pour l'humain, c'est pourquoi on y accole un nom de domaine.

Le nom de domaine contient des lettres qui sont habituellement alignées de façon à leur donner une signification, par exemple, www.juripole.fr. Il est composé de trois parties. La première partie établit le protocole de communication choisi; par exemple, www est l'acronyme de World Wide Web, ce qui signifie que cette adresse correspond à une page web. La deuxième partie du nom de domaine est son principal élément distinctif. Elle est composée d'un ensemble de lettres ayant préférablement une signification.

La troisième partie est le Top Level Domain (TLD). Ce diminutif sert à catégoriser l'utilisateur de l'adresse tel que le : (.Com) pour les sites commerciaux ou privés, (.Org) pour les organisation internationales. Il existe aussi d'autres types de TLD identifiant le pays d'origine du nom de domaine tel que le (.tn) pour la Tunisie, le (.fr) pour la France. Chaque nom de domaine réfère à une seule adresse numérique et chaque adresse numérique correspond à une seule source d'information.

Selon Me Alain Bensoussan,1 la marque, signe distinctif dont on connaît la nature juridique, l'emporte toujours sur le nom de domaine surtout lorsque ce dernier n'est pas utilisé.

Cependant, la jurisprudence française semble donner au droit sur le nom de domaine une nature de « droit d'occupation »2 qui serait opposable dans les limites de sa spécialité 3 à l'enregistrement, de bonne foi, d'une marque identique 4 et postérieure.

Si, en France, une telle construction jurisprudentielle tend à se confirmer, il est difficile d'admettre sa transposition en Tunisie surtout qu'en l'état actuel du droit et de la jurisprudence, les noms de domaine ne peuvent faire le poids face à la marque. Néanmoins, il semble équitable d'admettre la possibilité d'annuler l'enregistrement d'une marque s'il est démontré que celui-ci a été obtenu frauduleusement afin de désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels un nom de domaine antérieur a été enregistré.

En l'état actuel du droit tunisien, une protection efficace du nom de domaine reposera certainement sur l'existence d'une marque antérieure car le nom de domaine enregistré n'est pas opposable du moment qu'il ne fait pas l'objet d'une publication officielle, du reste, on se demande si la notification du dépôt d'un nom de domaine le rend opposable, dans sa spécialité, à titre de droit acquis au futur déposant d'une marque identique.5

La marque qui porte atteinte à une antériorité au sens de l'article 5 encoure, selon l'article 32 al. 2 et 3, une nullité absolue peu importe que la nullité touche la marque pour tout ou partie des objets qu'elle couvre, toutefois, la nullité ne peut être invoquée que par le titulaire du droit antérieur en question.6 Par ailleurs, la nullité d'une marque opère de plein droit sa radiation du registre des marques sans qu'il soit nécessaire que le juge le précise dans le jugement.

Une fois que le signe choisi répond à toutes ces conditions relatives au fond, il pourra alors être acquis à titre de marque conformément aux modalités et aux procédures prescrites à cet effet par la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 et ses décrets d'application..

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire