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L'identification de l'acte de contrefaçon de marque en Tunisie

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par Kaïs Berrjab
Faculté des Sciences Juridiques, Ploitiques et Sociales de Tunis - DEA en Sciences Juridiques Fondamentales 2004
  

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Section 2 : La panoplie des actes de contrefaçon par « confusion »

La marque est protégée au sens de l'article 22 de certaines atteintes préjudiciables qui mettent en cause un emploi de la marque pour les mêmes objets qu'elle désigne suivant ce qui a été revendiqué lors de son dépôt. Il s'agit donc d'une protection qui se doit d'être rigoureuse car l'atteinte dans ce cas touche la marque dans sa spécialité au sens le plus strict.

Dans ce contexte, la condamnation des actes de contrefaçon selon l'article 23 de la loi n°36- 2001 doit être entendue dans le sens d'une protection nécessaire, de nature à compléter et à conforter celle prévue dans l'article 22.

Dans le point (a) de l'article 23, le législateur a aménagé certaines interdictions propres à protéger la marque des atteintes qui résultent de son emploi par un tiers non autorisé pour des objets similaires à ceux que cette dernière couvre, cet emploi de la marque par voie de reproduction, usage ou apposition risque s'il en résulte un risque de confusion dans l'esprit du public, de nuire gravement à la singularité de la marque ainsi qu'à son propriétaire qui ne saurait assumer la responsabilité qui découle de l'emploi d'une marque identique à la sienne et désignant, par la même, des objets similaires. (Paragraphe 1)

D'autre part, l'article 23 reconnaît, dans son point (b) au propriétaire une protection contre l'imitation de sa marque ainsi que l'usage d'une marque imitant la sienne.

1 (Affaire : KIRI c/ RIKI) : CA, Tunis, Arrêt n° 61799 du 27 novembre 1985. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence, publication de la Faculté de Droit de Sfax 1997, n°1. p. 148. La cour affirme qu' « afin d'être rassurée, la cour a procédé à la présentation des deux produits dans la salle d'audience à trois personnes différentes qui ont certifié unanimement qu'il n'y a pas de ressemblances entre les produits » ; Dans le même sens, (Affaire : JACQUES JONY c/ SOTALCO) : TPI, Tunis, JUGEMENT n°15847 du 20 avril 1985. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 140. Dans les deux cas, on ne peut reprocher aux personnes questionnées d'avoir comparé les produits et non pas les marques elles-mêmes.

Contrairement à l'indiscrétion de l'atteinte constitutive de contrefaçon au sens de l'article 22 et, à un moindre degré, l'article 23 (a), l'acte d'imitation de la marque se caractérise par une certaine subtilité qui n'implique pas le reprise ou l'accaparement de la marque en substance, il consiste minutieusement en l'emploi d'une marque qui, sans reprendre totalement ou même partiellement la marque d'autrui, s'en rapproche approximativement au point de créer un risque de confusion dans l'esprit du public concernant la véritable origine des objets qu'elle désigne par rapport à leurs identiques ou similaires couverts par la marque imitée. (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Les actes interdits pour des produits ou services similaires à ceux
désignés à l'enregistrement :

Selon la lettre de l'article 23 (a), « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il en peut résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».

Les actes de contrefaçon selon l'article 23 (a) se distinguent de ceux de l'article 22 (a) à deux niveaux. Le premier est celui de l'exigence d'un risque de confusion, quant au second il concerne le caractère similaire des objets pour lesquels l'usurpation de la marque a été consommée.

Nonobstant ces spécificités, les actes de contrefaçon de l'article 22 (a) et ceux de l'article 23 (a) se recoupent fondamentalement sur deux points essentiels.

En premier lieu et à l'image de l'article 22, la bonne foi du contrefacteur demeure pour les mêmes raisons un élément inopérant aux fins de l'appréciation du délit de contrefaçon qui résulte au sens de l'article 23 de « La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ». Ainsi, la contrefaçon sera retenue indépendamment de l'intention de celui qui commet les actes énumérés à titre limitatifs dans l'article 23.

En deuxième lieu, il est à préciser que la matérialité des actes de reproduction, usage, apposition d'une marque ainsi que celui de l'usage d'une marque reproduite, au sens de l'article 23 de la loi n°36-2001 ne se distingue en rien de celle de leurs semblables interdits dans l'article 22 de la même loi.

Ce sont les mêmes faits matériels qui constituent le délit de contrefaçon dans les deux cas, de même, il convient d'ajouter que les actes de reproduction, d'usage, d'apposition d'une marque ainsi que celui de l'usage d'une marque reproduite s'apprécient de la même manière et interviennent selon les mêmes modalités peu importe qu'il s'agisse de ceux interdits à l'article 22 ou de ceux prohibés dans l'article 23.

La seule différence réside donc dans le caractère similaire des produits et des services couverts par la marque contrefaite. Cette similarité a bien entendu poussé le législateur à exiger la survenance d'un risque de confusion dans l'esprit du public afin de s'assurer que la fonction distinctive de la marque ainsi que les intérêts légitimes de son propriétaire ont été atteints par

l'existence et l'emploi d'une marque, qui en raison de son caractère identique ou quasi-identique à la marque usurpée, risque de laisser à croire que les produits qu'elle désigne ont la même origine que ceux qui leurs sont similaires et qui se trouvent couverts par la marque antérieure.

Outre la sensibilité de l'appréciation du risque de confusion, c'est la détermination du caractère similaire des produits ou des services en cause qui pose véritablement un problème lors de l'appréciation du délit de contrefaçon dans tous les cas de figure de l `article 23 (a).

D'emblée, l'estimation de la similarité souffre d'une subjectivité accentuée, elle revêt par ailleurs une importance capitale car elle débouchera sur la détermination de l'étendue de la spécialité de la marque et par voie de conséquence sur l'étendue de sa protection.

Raisonnablement, le juge doit d'abord déterminer les produits qui figurent dans le dépôt de la marque peu importe qu'ils soient exploités ou non à moins qu'une décision de justice n'ait prononcé la déchéance des droits sur la marque concernant le produit ou le service en question.

Avant d'aller plus loin, il importe de rappeler que l'appartenance de deux produits à une même classe au sens du classement de l'arrangement de Nice, ne devra pas compter pour quelque chose dans la détermination de la similarité entre les produits car la loi des marques ne reconnaît à l'appartenance d'un produit à une classe donnée aucun effet de droit sur l'étendue de la protection de la marque, par ailleurs, ces « classifications sont plus ou moins arbitraires, et avec l'évolution des techniques se révèlent parfois artificielles ».1

Objectivement, on peut considérer deux produits comme similaires chaque fois que leur nature ainsi que leur usage se trouvent manifestement voisins. Par ailleurs, si l'on examine la similarité sous un angle économique, nécessairement plus souple, « on considérera comme similaires des produits dont le public a toutes raisons de croire qu'ils proviennent du même fabricant. On prendra aussi en considération la destination commune des produits ».2

Sur la base d'un tel raisonnement, ont été considérés comme similaires « les produits, qui en raison de leur nature et de leur destination, peuvent être attribués par les consommateurs à la même origine. Tel est le cas des chaussures, des produits chaussants et des vêtements, tous ces produits ayant une fonction commune qui est de vêtir l'homme ».3

Par ailleurs, il arrive qu'un produit soit similaire à un service.4 De même, outre la condition de l'emploi de signes identiques ou quasi-identiques, la similitude est envisageable entre l'objet d'un service rendu par l'animateur d'un nom de domaine sur Internet et des objets couverts par une marque de commerce, de fabrique ou de services appartenant à autrui.

Les éléments qui devront compter lors de l'appréciation de la similitude peuvent changer d'une espèce à l'autre eu égard aux circonstances de fait pertinentes.

1 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1017. p. 579. Concernant l'arrangement de Nice, voir supra. p. 62.

2 Ibid. n°1018. p. 580.

3 Paris, 19 janvier 1993, D. 1994. Somm. Com., p. 56.

4 CA, Paris, 30 mai 1969. Ann. 1970. p. 118. Selon MATHELY, la similarité a été retenue entre une marque de services et une marque de fabrique dans la mesure où l'activité de la marque de services porte sur l'organisation d'une distribution commerciale d'objets couverts par la marque de produit. Op. cit. p. 318.

Parmi ces éléments, on compte la complémentarité des produits, leur destination à la même clientèle ainsi que le caractère notoire de la marque contrefaite.

Quoi qu'il en soit, l'estimation de la similarité doit nécessairement s'opérer dans les limites du raisonnable tout en gardant sous les yeux deux impératifs sensiblement peu conciliables. En effet, sans aller jusqu'à provoquer l'éclatement de tout l'édifice construit autour du principe de la spécialité des marques en tenant pour semblables deux produits qui, manifestement, ne le sont pas, le juge doit se porter garant d'une protection efficace des intérêts du titulaire de la marque ainsi que du respect de la fonction religieusement distinctive de celle-ci.

Contrairement à une jurisprudence française abondante en matière d'appréciation de la similarité des produits et des services,1 à notre connaissance, le juge tunisien n'a pas encore été saisi d'une action en contrefaçon impliquant des produits similaires à l'exception d'une affaire, encore en instance, classée au greffe du Tribunal de Première Instance d'Ariana sous le n°12127.

Dans cette affaire, la société COCA-COLA COMPANY, propriétaire de la marque FANTA enregistrée pour des produits de boissons gazeuses, s'est opposée, sur la base des articles 23 et 24 de la loi n°36-2001, à l'utilisation par un tiers de la marque FANTA CHIPS appliquée à des produits alimentaires de pommes de terre frites.

En l'espèce, il semble difficile d'admettre que la contrefaçon soit retenue au sens de l'article 23 en raison du caractère apparemment non similaire des produits en question à moins que les juges ne soient d'un avis contraire.2

En définitive, il apparaît clair que la constitution du délit de contrefaçon au sens de l'article 23 de la loi n°36-2001 repose sur la réunion de trois conditions cumulatives. En premier lieu, il faut que la marque contrefaisante soit identique ou tout le moins quasi-identique à celle d'autrui, ensuite, il faut que l'acte matériel de contrefaçon, consommé par voie de reproduction, usage, apposition ou par l'usage d'une marque reproduite, soit appliqué à des produits ou services similaires à ceux qui figurent dans l'acte d'enregistrement de la marque usurpée. En dernier lieu, il est nécessaire aux fins de la condamnation de ces actes qu'il soit établit un risque de confusion dans l'esprit du public 3 concernant la véritable origine des produits ou des services en question.

La distinction entre produits et services similaires ou identiques perd son utilité concernant la constitution du délit d'imitation de marque au sens de l'article 23 (b).

1 Voir en ce sens la jurisprudence citée par MATHELY (P): op. cit. p. 315 et sui.

2 Dans sa requête introductive d'instance, le propriétaire de la marque FANTA a mentionné les articles 23, 24 et 44 de la loi n°36-2001 en tant que base légale de sa demande. Par ailleurs, il nous a été révélé que la stratégie de la demanderesse repose plutôt sur l'article 24 relatif à l'engagement de la responsabilité civile de l'auteur d'un emploi injustifié ou préjudiciable d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux pour lesquels cette dernière a été enregistrée.

Ce choix semble raisonnable dans la mesure où les juges reconnaîtront plus aisément le caractère notoire de la marque FANTA que la nature similaire des produits en question.

Toutefois, rien n'empêche le juge de retenir la contrefaçon au sens de l'article 23 (a) pour ces raisons, d'abord, il s'agit de deux produits alimentaires, de grande consommation, vendus généralement dans les mêmes rayons en grande surface et que les jeunes tendent de nos jours à consommer à des moments et en des circonstances pareilles surtout avec la nouvelle culture de consommation qui ne cesse de se rapprocher des standards américains en la matière.

A ces considérations s'ajoute l'influence probable du caractère notoire de la marque FANTA, ce caractère pourra être pris en considération lors de l'appréciation du risque de confusion dans l'esprit du public qui pourra raisonnablement voir en la marque FANTA CHIPS la désignation du nouveau produit de la marque mère FANTA.

3 Cf. CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1017. p. 579. Ces auteurs considèrent que le risque de confusion n'est pas fonction de la similarité des produits ou services mais uniquement fonction de l'identité des marques elles-mêmes.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault