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Compétence juridictionnelle en matière de voie de fait administrative

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par Ousmane Bakary KABA
Hassan II-Mohammedia - Licence Fondamentale en Droit Public 2009
  

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Section I : LE CAS DE LA FRANCE

Comme nous l'avons signalé ci-haut, depuis la consécration de la voie de fait, le Conseil d'Etat a opté pour la compétence exclusive du juge judiciaire dans la constatation, la cessation et la réparation des dommages éventuels pouvant résulter de la voie de fait, en raison de l'illégalité particulièrement grave de celle-ci. Toutefois, la pratique a montré que les juridictions administratives interviennent aussi pour statuer sur une demande relative à la voie de fait.

A- LA COMPETENCE DU JUGE JUDICIAIRE OU ORDINAIRE

Il est lieu d'abord de connaître l'origine de la compétence judiciaire avant d'analyser la compétence du juge de droit commun pour statuer sur les demandes de voie de fait.

1- Le fondement de la compétence judiciaire

La compétence du juge de droit commun en matière de voie de fait trouve son origine dans un procédé, imaginé par les juristes français, qui permet d'assurer une meilleure protection aux administrés lorsque leurs intérêts essentiels se trouvent gravement en danger ou menacés par les agissements de l'administration. En effet, le juge judiciaire est considéré comme le gardien des droits et libertés dans le souci d'une protection plus efficace des administrés, cela résulte de l'article 66 de la Constitution française du 4 octobre 195835(*). La doctrine aussi s'est inscrite dans cette même logique. Selon la doctrine, la théorie de la voie de fait repose sur deux fondements : le principe qui réserve au pouvoir judiciaire la protection contre les atteintes à la propriété et à la liberté, principe qui constitue l'infraction même de la voie de fait, et l'idée selon laquelle des vices graves dénaturent l'opération administrative incriminée et lui fait perdre son caractère administratif. A propos de ce dernier fondement, on considère que l'acte administratif qualifié de voie de fait est dénaturé à partir du moment que l'administration agit en vertu d'un pouvoir qui est insusceptible de lui appartenir. Ainsi cet acte perd le sceau d'un acte administratif régulier, et par conséquent le tribunal administratif n'est plus compétent pour connaître de cette espèce, c'est la juridiction de droit commun qui est compétente. Car on considère que l'autorité administrative ou la collectivité publique agit en dehors de son régime juridique, en l'occurrence le droit public, et se trouve dans la même situation qu'une personne privée qui se livre à des actes de violence. Par conséquent, il n'y a aucune raison de conserver à l'administration, en cas de voie de fait, son privilège de juridiction qui ne joue que pour le contentieux lié aux actes ou aux activités engendrés par l'exercice normal du pouvoir administratif36(*).

2- La compétence des juridictions judiciaires

En matière de voie de fait, la jurisprudence française a réservé la compétence aux juridictions judiciaires, que la voie de fait résulte d'une décision ou qu'elle résulte d'un agissement (ou d'une exécution matérielle). Cette compétence s'étend à tous les aspects de la voie de fait. Le juge dispose de ce fait plusieurs moyens pour statuer sur demande de voie de fait. En effet, le juge judiciaire procède à la constatation de la voie de fait, il lui appartient de relever les irrégularités donnant naissance à la voie de fait. A ce niveau, il dispose d'une compétence très étendue, car il peut même apprécier la légalité des décisions de l'administration, que celle-ci soient réglementaires ou individuelles. Le juge peut également intervenir pour faire cesser une mesure ou un agissement de l'administration qui constitue une voie de fait.

Le juge peut aussi adresser des injonctions aux autorités administratives ou aux collectivités publiques en vue de la cessation d'une situation irrégulière. On appelle injonction, un ordre adressé par une juridiction à l'administration ou à une personne publique de faire quelque chose. Cette mesure a longtemps été réservée uniquement aux juridictions administratives, et interdites aux juridictions ordinaires ; c'est tout récemment que les mesures d'injonction ont été reconnues au juge ordinaire. Il s'agit là d'un pouvoir considérable qui lui a été attribué en vertu duquel il peut prononcer l'expulsion de l'administration d'un local37(*), condamner l'administration à des astreintes et exiger l'interruption des travaux effectués par l'administration.

Le juge dispose par ailleurs de la possibilité de condamner l'administration à réparer les dommages causés par une mesure constitutive de la voie de fait38(*), et la condamner à payer des dommages intérêts, directs ou indirects, résultant de la voie de fait. Enfin, le juge dispose même de la possibilité d'ordonner la démolition d'un ouvrage public en cas d'existence de la voie de fait39(*). Cette dernière mesure constitue une grande évolution d'autant plus que la Cour de cassation, dans l'un de ses arrêts, avait estimé que le juge judiciaire ne pouvait pas ordonner la démolition d'un ouvrage public terminé40(*).

Il apparaît toutefois que le fondement donné à l'intervention du juge judiciaire est critiqué aujourd'hui puisque le juge administratif semble aussi apte à garantir les libertés publiques et le droit de propriété que le juge judiciaire, sans compter le fait que le juge administratif est aujourd'hui bien armé pour adresser des injonctions à l'administration et les assortir éventuellement d'astreintes41(*).

B- LA COMPETENCE DU JUGE ADMINISTRATIF

La compétence administrative pour statuer sur une demande de voie de fait résulte de la jurisprudence du Conseil d'Etat ; mais cette compétence administrative est toutefois limitée.

1- Le fondement de la compétence administrative

Dans le contentieux français de la voie de fait, l'intervention des juridictions administratives est très rare, voire même exclue au profit des juridictions judiciaires. Mais la jurisprudence du Conseil d'Etat s'est assouplie en permettant aux juridictions administratives d'intervenir dans la cessation de la voie de fait, lorsqu'elle résulte du caractère gravement irrégulier de la décision exécutée. Cette attitude du Conseil d'Etat vise à pallier certains inconvénients qui résultent de la compétence exclusive du juge judiciaire en matière de voie de fait. En effet, lorsque le juge administratif est saisi d'un recours contre des actions ayant le caractère de voies de fait, le renvoie systématique à l'ordre judiciaire entraîne un retard considérable dans le jugement des litiges. En d'autres termes, lorsque le requérant saisit le juge administratif d'une simple illégalité, celle-ci pourra être immédiatement sanctionnée par le juge ; s'il le saisit d'un acte dénaturé dont l'illégalité est manifestement plus grave (la voie de fait), le particulier verra sa demande rejetée et devra engager une longue procédure devant le juge judiciaire. Ce qui est véritablement défavorable à l'administré dans le processus de justice et de la protection de ses droits et libertés. Car la voie de fait implique l'intervention du juge pour sanctionner urgemment un comportement irrégulier de l'administration dont la continuité peut entraîner la perte d'un droit. C'est là toute la philosophie du fondement de la compétence du juge administratif dans la cessation de la voie de fait : la protection des droits et libertés de l'administré.

2- Les limites de la compétence administrative

Saisi d'une demande de cessation de la voie de fait, lorsque celle-ci résulte du caractère gravement irrégulier de la décision exécutée, le juge administratif peut intervenir pour déclarer la décision administrative « nulle et non avenue », lorsque l'irrégularité sera constatée42(*) et même déclarer que tel agissement constitue une voie de fait43(*). On peut donc dire qu'il y a compétence parallèle du juge administratif et du juge ordinaire.

Cependant, la juge administratif ne peut être saisi directement d'une action en indemnité fondée sur la voie de fait. Toutefois, dans un arrêt, le Conseil d'Etat s'est reconnu compétent pour allouer une indemnité dans une affaire de saisie de journaux qui avait bien les aspects de la voie de fait44(*). Mais il faut souligner dans cette affaire que la solution de compétence était implicite et il est possible que l'arrêt soit justifié par les circonstances particulières dans lesquelles l'affaire se situait45(*). Il est lieu de comprendre à ce niveau que l'attitude du Conseil d'Etat ne visait pas à reconnaître la compétence administrative dans l'allocation d'indemnité en réparation du préjudice causé par cette saisie de journaux. D'ailleurs le Conseil d'Etat n'a pas effectivement considéré cette saisie comme constitutive d'une voie de fait. Mais la doctrine estime qu'elle constituait une voie de fait étant donnée que toutes les conditions de la qualification de la voie de fait étaient réunies.

Quoiqu'il en soit, ces difficultés montrent que la voie de fait ne semble plus tout à fait adaptée. En effet, la suspension de la théorie a parfois été réclamée par les Commissaires du gouvernement et la doctrine46(*). Mais toutefois les juridictions ne semblent pas s'engager dans ce sens. Par ailleurs, une partie de la doctrine et même certains membres du Conseil d'Etat, tel que le Commissaire du gouvernement Ronny Abraham, souhaitent que la voie de fait soit rapatriée dans l'ordre juridictionnel administratif tant en ce qui concerne sa constatation et sa cessation qu'en matière de la responsabilité et la réparation des préjudices qui en résultent, dans le but de la simplification, de l'efficacité et de la rapidité de la justice rendue au justiciable47(*). Enfin, les recours abusifs par les requérants et par les juridictions judiciaires à la mise en oeuvre de la voie de fait pour des raisons de rapidité et d'efficacité, ont été l'une des raisons de la création du référé-liberté au profit des juridictions administratives par la loi du 30 juin 2000.

* 35 _ « L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

* 36 _ En France les tribunaux administratifs ont été créés dans le but de privilégier l'administration de bénéficier d'un juge qui est indépendant du juge judiciaire mais aussi de l'administration elle-même. Ce qui n'est pas le cas au Maroc, car comme nous le verrons plus bas, les tribunaux administratifs ont été créés pour la protection des administrés face aux abus de l'administration.

* 37 _ T.C, 17 mars 1949, Société Rivoli-Sébastopol.

* 38 _ Cass. Civ. 1re ch. 23 mai 2006, Cne de Vendres.

* 39 _ T.C, 6 mai 2002, M. et Mme Binet.

* 40 _ Cass. Civ, 17 février 1965, Cne de Monasque.

* 41 _ LACHAUME J-F et PAULIAT H. op. cit. p. 351.

* 42 _ T.C, 27 janvier 1966, Guigon, PEISER G. op. cit. p. 90

* 43 _ LACHAUME J-F, PAULIAT H, op. cit., p. 352.

* 44 _ C.E, 4 novembre 1966, Ministre de l'intérieur c. Société « Le Témoignage chrétien », GAJA, p. 306.

* 45 _ PEISER G, op. cit. p. 90.

* 46 _ Ibd.

* 47 _ ROUSSET M., Consécration et évolution de la notion de la voie de fait dans le contentieux administratif, RJPIC, n° 1-3, 1997, p. 18.

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