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La poursuite des crimes internationaux devant les juridictions militaires congolaises: analyse des garanties procédurales

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par Jean Paul MUSHAGALUSA RWABASHI
Université catholique de Bukavu - Licence en droit 2011
  

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§2. De la saisine des juridictions militaires et de la comparution des victimes et des témoins

S'agissant de la saisine, les juridictions militaires ne devraient connaître des affaires leur soumises que dans la mesure où elles sont régulièrement saisies à l'égard de toutes les parties intéressées162(*).

Il en va de soi que les droits de la défense sont gravement menacés lorsque les procès se déroulent sans que les personnes en cause aient été informées au préalable.

Cependant, il est regrettable que ces garanties procédurales élémentaires pour un procès équitable soient souvent violées devant les juridictions militaires congolaises.

A titre illustratif, le tribunal militaire de garnison de Bukavu, siégeant en chambre foraine à Kindu, a jugé dans l'affaire KALONGA KATAMISI alors que les co-prévenus de ce dernier n'étaient pas identifiés. En conséquence, les décisions de renvoi les concernant n'ont pas été signifiées.

Le tribunal s'est pourtant déclaré saisi à leur égard et pire encore, il est allé plus loin en les condamnant à la peine capitale.

La RDC, civilement responsable, a vu également ses droits de la défense bafoués parce qu'elle a été appelée en garantie en cours d'audience et sans en avoir reçu notification préalable163(*).

A notre avis, dans cette affaire, le tribunal a violé l'art 215 al 2 du CJM qui exige la notification immédiate164(*) de la traduction directe ou de renvoi.

De même, cette décision viole les art. 216 et 218 sur la comparution volontaire165(*).

Quant à la comparution des victimes et des témoins, l'analyse des jugements fait voir qu'il arrive que les témoins, voire les avocats de victimes ne participent pas à la procédure du fait de l'éloignement des juridictions des lieux où se sont perpétrés les crimes.

Ainsi, dans l'affaire EKEMBE et consorts, cette violation flagrante du droit à la défense a été à la base de la banalisation des crimes internationaux par leur disqualification en une infraction de droit commun, en l'occurrence la non assistance à des personnes en dangers.

Ici, l'absence des victimes et des témoins ainsi que le rejet de la demande de descente sur les lieux introduite auprès de la Cour par les avocats des victimes ont privé l'accusation des preuves susceptibles d'asseoir la thèse de la commission des crimes internationaux166(*).

§3. De l'égalité des armes et du droit d'être jugé dans un délai raisonnable

Il convient de savoir qu'en Droit congolais, le ministère public exerce à la fois les fonctions de poursuites et d'instruction.

Or en matière pénale, le ministère public (auditeur militaire) est la partie principale au procès et à notre avis, l'exercice de cette double mission n'est pas loin de compromettre les garanties procédurales.

Faisant notre l'idée du Prof BAYONA-BA-MEYA, « les conséquences de cette double mission confiée au ministère public sont les suivantes : partagé entre la mission d'instruire à charge et à décharge ; tâche qui est inconciliable avec la mission de poursuite qui lui demande de préparer le dossier d'accusation, le ministère public va imprimer à sa mission d'instruction une allure unilatérale, c'est-à-dire il va privilégier la mission d'accusateur public, de partie poursuivante ; pour ce faire, il va essentiellement poursuivre à charge : car il s'agit pour lui de préparer le dossier de l'accusation, violant gravement le principe constitutionnel de la présomption d'innocence167(*).

Ce caractère inquisitorial de l'instruction préparatoire limite donc l'accès du prévenu au dossier de l'accusation avant le procès, dont l'inconvénient le place dans une situation désavantageuse quant à la préparation des preuves. C'est le cas lorsqu'il s'agit de constituer les témoins à décharge.

La loi, en effet, impose de communiquer la liste des témoins « avant le débat sur le fond »168(*), c'est-à-dire dès la première audience de jugement, ce qui suppose que la personne poursuivie a suffisamment pris connaissance du dossier de l'accusation avant la première audience du procès. Cela n'est évidemment pas le cas car les affaires que nous avons analysées démontrent que les avocats des personnes poursuivies sont généralement désignés ou constitués seulement la veille de la première audience, voire au cours du procès.

En effet, cette garantie de l'égalité des armes a été violée devant le tribunal de garnison de Bunia lors des poursuites contre le capitaine Bongi.

D'après son avocat, pour que Blaise Bongi respecte l'exigence de communication de la liste des témoins à la première audience il faut « qu'il ait eu d'abord en temps utile connaissance des éléments de preuve avancés par l'auditeur ».

Le tribunal a rejeté cet argument au double motif que le « conseil du prévenu n'a pas pris soin de définir le concept de « temps utile » et qu'en outre, l'exigence de la communication de la liste des témoins avant le débat au fond ne « vise que le principe de célérité censé caractériser les juridictions militaires169(*).

Une autre atteinte qui massacre cette garantie résulte des pouvoirs discrétionnaires reconnus au président de la juridiction militaire tirés de l'article 249 du CJM170(*).

Nous pensons, comme le démontre les affaires Blaise Bongi et Songo Mboyo, que l'exercice par les juges militaires des pouvoirs discrétionnaires n'est pas toujours compatible avec le respect des droits de la défense. En effet, dans le 1er cas, le capitaine Blaise NONGI avait sollicité en cours du procès l'audition de 18 témoins à décharge, dont seulement huit avaient pu être notifiés dont deux avaient seulement comparu et témoigné. Pour les 16 autres témoins, le tribunal a décidé de faire usage de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 3 de l'article 249 précité « pour ne pas les entendre, justifiant sa décision par le principe de célérité censé caractériser les juridictions militaires171(*).

En second lieu, dans l'affaire Songo Mboyo, l'avocat des prévenus avait objecté à l'audition de 3 témoins à charge dont l'auditeur militaire avait déposé la liste en cours de procès. Après avoir constaté que la liste des témoins à charges n'avait pas été notifiée aux prévenues lors de la signature de leur citation à comparaître, le tribunal a néanmoins usé de son pouvoir discrétionnaire « pour la direction des débats et la découverte de la vérité » pour décider que ces témoins «  seront entendus à titre de simples renseignements au cours de l'instance172(*).

Nous sommes loin de partager les décisions des juges pour des faits aussi gravissimes que sont les crimes internationaux. Les législateurs ayant attaché à ces faits de sanctions graves, les juges devraient scrupuleusement respecter les garanties reconnues aux accusés car ils jouissent de la présomption d'innocence.

Nous regrettons fortement que les juges aient décidé à la place du prévenu dans la première affaire et dans la seconde, ils n'ont pas pu protéger les prévenus de l'effet de surprise créé par l'auditeur en faisant appeler des témoins à charge non communiqués à la défense, violant manifestement l'art 242 du CJM.

Quant au droit d'être jugé dans un délai raisonnable, notre constat est plus énervant. Garanti par la constitution et la charte africaine des droits de l'homme et des peuples173(*) ; son contenu n'est pas défini174(*). L'analyse des jurisprudences révèle que cette garantie est indéniablement violée devant les juridictions militaires congolaises.

En effet, les procédures devant ces dernières oscillent entre deux extrêmes : soit elles sont sommaires et expéditives, soit elles trainent indéfiniment.

Dans le premier extrême, l'affaire KOLONGA KATAMASI illustre mieux.

En une journée soit le 26 octobre 2000, elle a été instruite, plaidée et jugée par le TMG de Bukavu siégeant en chambre foraine à Kindu175(*). Ce qui nous étonne, c'est la gravité des infractions pour lesquelles les prévenus étaient poursuivis (crimes de guerre) et ont été condamnés à la peine de mort nonobstant cette procédure.

S'agissant du deuxième extrême (lenteur frappante), l'affaire Gédéon est une illustration concluante. Dans cette affaire, plus de 3 ans se sont écoulés entre la reddition de Gédéon KYUNGU MUTANGA en mai 2006 et le prononcé de l'arrêt du tribunal militaire du Haut Katanga176(*).

* 162 J.I. KAMBALA MUKENDI, Op.cit, p. 158.

* 163 TMG de Kindu, Auditeur Militaire contre Kalonga Katamasi et consort, R.P. 011/05 du 26 octobre 2005.

* 164 Lire l'art 267 du CJM : l'Officier du Ministère Public est chargé de poursuivre les prévenus traduits directement ou renvoyés devant la juridiction militaire. Il leur notifié directement la décision de traduction directe ou de renvoi.

* 165 Art 168 de CJM.

* 166 Cour militaire du Katanga, Auditeur militaire C/Ekembe Mongayamba André et consort, RP 011/2005, 26

avril 2007, cité par M. WETSH'OKONDA KOSO, Op.cit., p. 81.

* 167 BAYONA-BA-MEYA « Regard estimatif sur les problèmes saillants du fonctionnement de la justice congolaise », 1999, p. 36.

* 168 Articles 242 et 243 du Code Judiciaire militaire.

* 169 Tribunal de Garnison de l'Ituri, Auditeur Militaire c/ Capitaine Blaise Bongi, RP 018/2006, 24 mars 2006, publié par ASF, Op.cit., pp. 400-417.

* 170 L'art. 249 al 1 du CJM : Le président est investi d'un pouvoir discrétionnaire pour la découverte de la vérité, ... il décide si de nouveaux témoins peuvent être entendus (alinéa 3).

* 171 Tribunal de Garnison de l'Ituri, Auditeur militaire c/ Capitaine Bongi, RP 018/2006, 24 mars 2006.

* 172 TMG de Mbandaka, jugement « avant dire droit » du 26 octobre 2005, Auditeur militaire c/Elizo Ngoy et consorts, RP 048/2005.

* 173 Art 19 de la constitution du 18 février 2006 et art 7(1) CADHP.

* 174 M. WETH'OKONDA KOSO, Op.cit., p.89.

* 175 Ibidem.

* 176 TMG du Haut Katanga, Auditeur Militaire c/ Gédéon KYUNGU et consort, affaire publiée par A.S.F, Op.cit., pp. 7 à 192.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld