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Reflexions sur la fonction consultative de la cour internationale de justice (CIJ)

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par Kpatcha Lazare EWAROU
Université de Lomé -Togo - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA), Droit public 2012
  

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B- La fiction utile de la compétence discrétionnaire de la Cour

La notion de discrétion exprime d'une manière générale l'idée que l'agent ou l'organe intéressé apprécie, à sa guise, l'opportunité et les modalités de l'exercice d'une faculté ou d'une action. Cette approche générale de la notion de discrétion a connu une véritable mutation en raison des déviations qui découlent de sa mise en oeuvre. En effet, certains doctrinaires ont estimé qu'il était scandaleux d'envisager une certaine discrétion sans aucune limitation. Or, encadrer l'exercice de cette liberté reviendrait à nier son existence même119. L'encadrement de la compétence discrétionnaire soit par des normes commande de distinguer entre la compétence discrétionnaire libérée de toutes contraintes du pouvoir d'appréciation qui reste contrôlable au plan juridique.

La doctrine n'est non plus unanime s'agissant de la compétence discrétionnaire de la Cour à donner ou non un avis malgré le fait que celle-ci n'a jamais cessé de la réclamer et de l'affirmer (même si dans la pratique il en va autrement).

L'article 65 du statut de la Cour précise qu'elle « peut » donner un avis consultatif sur toute question juridique. La Cour a, à plusieurs reprises cité cette disposition du statut de la Cour qui lui reconnait le pouvoir discrétionnaire à donner ou pas un avis. Dans l'affaire relative à la licéité de la menace ou de l'emploi de l'arme nucléaire introduite par l'Assemblée générale en 1996, la Cour relève « Qu'elle peut donner un avis consultatif (...) comme..., son statut lui laisse aussi le pouvoir discrétionnaire de décider si elle a établi sa compétence pour ce faire ». Il s'agit là d'une affirmation constante de la Cour120. Il faut relever que dans l'Avis relatif à l'interprétation des traités de paix conclus entre la Bulgarie, la Hongrie et le Roumanie (première phase 1950), la Cour, en évoquant l'Article 65 de son Statut, a précisé qu'elle « A

119 Avec l'avènement de l'Etat de droit, la doctrine, surtout germanophone, a contesté le caractère absolu du pouvoir discrétionnaire. On a estimé que la compétence discrétionnaire doit être encadrée soit par des normes ou guidée par l'objet ou le but (la finalité) de l'ordre juridique. Le pouvoir discrétionnaire devient dès lors un pouvoir-devoir.

120 Voir les affaires : Certaines dépenses des Nations Unies (1962) ; Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité (1971) ; Sahara Occidental (1975) ; Demande de reformulation du jugement n° 333 du TANU (Yakimetz) (1987)

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le pouvoir d'apprécier si les circonstances de l'espèce sont telles qu'elles doivent déterminer à ne pas répondre à une demande d'avis ». C'est en 1962 que la Cour va affirmer le caractère large de sa compétence discrétionnaire, « Le pouvoir qu'a la Cour de donner un avis consultatif procède de l'article 65 du Statut. Ce pouvoir ainsi attribué a un caractère discrétionnaire ».

Cette discrétion affirmée par la Cour est diversement appréciée par la doctrine. Tandis que, le premier courant estime que la compétence discrétionnaire de la Cour est large et presque illimité121, le second courant trouve certaines limites à cette compétence discrétionnaire tout comme la Cour elle-même l'a fait. Il évoque en occurrence les raisons décisives pour limiter la compétence de la Cour122. Le troisième courant quant à lui, nie catégoriquement l'existence d'un quelconque pouvoir discrétionnaire au profit de la Cour estimant, qu'une fois que sont réunies les conditions définies par la Charte et le Statut de la Cour, il ne revient pas à celle-ci, organe judiciaire, de juger de la recevabilité de la requête. Selon Scelle (G.), « La Cour étant un organe judiciaire, elle ne peut se refuser de donner un avis quand une requête tombe dans un domaine de sa compétence »123.

La Cour elle-même relance les débats lorsqu'elle, en même temps qu'elle affirme sa compétence discrétionnaire, relève que la réponse à une requête d'avis constituant sa participation à l'action de l'Organisation, elle ne devrait pas en principe être refusée124.

La Cour indique que seules les raisons décisives (copellingreasons) pouvaient justifier son refus à donner un avis. La notion de copellingreasons évoquée par la Cour qui renvoie à la protection de son intégrité judiciaire couvre plusieurs aspects. D'abord l'incompétence de la Cour pour des raisons dites décisives peut être relative à son incompétence personnelle,

121 Pour Kelsen, «Under Article 65 of the statue the Court is only authorized, not obliged, to give an advisory opinions. The Court may, for reasons completely within its discretion, refuse to give advisory opinion requested in conformity with the Charter and the Statute», Kelsen (H.), the Law of United Nations, Londres, 1950, p. 549.

122 Voir, Nguyen Quoc Dinh, Daillier (P.), Pellet (A.), Droit international Public, 5éd., Paris, 1994, p. 857 ; Daillier(P.), dans : Cot (J.P.), Pellet (A.), La Charte des Nations Unies, 5éd., Paris, 2002, p. 1292-1296.

123 Pour Abi-Saab (G.) « Si elle est compétente, la Cour ne peut refuser de donner un avis que pour des raisons qui touchent à la recevabilité général, c'est-à-dire à la protection de son intégrité judiciaire. Il n'y a donc pas de discrétion parce que l'appréciation de la Cour ne peut porter que sur les limites de la fonction judiciaire » in Observations de Abi-Saab (G.), Avis relatif à la Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé (OMS), Audience publique du 1 novembre 1995, Compte rendu, CR 95/23, p. 18-29.

124 Cette position a été affirmée dans les affaires : Certaines dépenses des NU (1962) ; Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité (1971) ; Sahara Occidental (1975) ; Applicabilité de la section 22 de l'article VI de la Convention sur les privilèges et immunités des NU (1989).

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matérielle ou temporelle. L'incompétence de la Cour peut être due à l'incompétence de l'organe qui la saisit125. Le refus de donner un avis sur la base d'une incompétence matérielle a été relevé par la Cour dans l'affaire relative à la Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat lors d'un conflit armé126. En l'espèce la Cour est arrivée à la conclusion qu'il n'existe pas de rapport entre l'objet de la question et l'activité de l'organisation requérante aux termes des dispositions de l'article 96 de la Charte.

D'autres raisons qui peuvent justifier le refus de la Cour à donner un avis sont liées non à la compétence mais à la recevabilité de la demande. Il est question ici des « limites qui s'imposent lorsque la Cour est appelée à agir d'une manière qui dépasse ou qui est incompatible avec ses pouvoirs tels qu'ils sont tracés par le Statut et le Règlement et par la notion même de la fonction judiciaire »127. On range dans ces raisons liées à la recevabilité de la demande les affaires relevant essentiellement de la compétence nationale des Etats, les affaires qui conduiraient la Cour à trancher au fond un litige pendant.

Il apparait, de tout ce qui précède, qu'il ne s'agit que d'une fiction-utile la prétendue discrétion de la Cour à donner un avis. En effet, et comme le souligne Kolb (Robert), « la discrétion suppose un résidu de libre choix qui ne se laisse pas à des considérations de droit. Il y a dans toute discrétion un irréductible élément d'opportunité impossible à enserrer dans des conditions objectives »128. Or, il est évident que, d'abord, en matière consultative, une fois que la Cour est saisie, elle doit appliquer la norme selon laquelle elle peut refuser de donner suite favorable à la demande. Ensuite, des considérations objectives relatives à la sauvegarde de l'intégrité judiciaire de la Cour dictent l'attitude à adopter face à une demande d'avis.

Somme toute, l'intégrité judiciaire de la Cour que vise la prétendue « compétence discrétionnaire » pouvait être garantie par des raisons spécifiques conjuguées avec la finalité objective de la Cour.

125 C'est le cas dans l'Affaire du Statut de la Carélie orientale où il était question de la position de la Russie qui n'était pas encore membre de la SDN et n'avait pas donné son accord pour que le différend sois traité par le Conseil. On peut relever qu'il s'agissait en l'espèce d'une incompétence mixte (personae et materiae).

126 Voir, Avis, Armes nucléaires (1996 OMS).

127 Voir, Abi-Saab (G.), ibid. p. 147.

128Kolb (R.), « Prétendue discrétion de la CIJ de refuser de donner un avis consultatif », RADIC, décembre 2000, Tome 12, N°4, p. 810.

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La moindre utilisation de la fonction consultative de la Cour se trouve être encore accentuée par d'une part la grande importance accordée à la concurrente fonction contentieuse et d'autre part par la prolifération des autres moyens et institutions de règlement pacifique des litiges.

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