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Reflexions sur la fonction consultative de la cour internationale de justice (CIJ)

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par Kpatcha Lazare EWAROU
Université de Lomé -Togo - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA), Droit public 2012
  

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B- L'évolution du principe de spécialité

L'évolution du principe de spécialité est marquée, à la lumière des avis consultatifs, par deux éléments essentiels. Il s'agit tout d'abord de l'émergence commandée de la théorie des pouvoirs ou compétences implicites et, ensuite, au plan international de la nécessité pour les Organisations internationales de sortir de leur carcan de textes, qui les réduit en un état d'inaction face aux faits assez bouleversants, au nom de leur responsabilité internationale.

S'agissant d'abord de la théorie dite des compétences implicites, il est question d'une interprétation extensive du principe de spécialité. D'origine jurisprudentielle52, les compétences implicites, opposées aux compétences d'attribution limitées aux textes fondateurs de l'organisation, ne résultent d'aucun acte juridique pertinent mais se déduisent des dispositions des textes constitutifs.

Le but visé en réalité par la théorie des compétences implicites est de permettre justement l'effectivité institutionnelle de l'organisation c'est-à-dire permettre à l'organisation d'accomplir sa finalité53 lorsqu'il parait exister des handicaps d'ordre textuel, du fait du mutisme de son acte constitutif, pour son action dans une situation donnée. L'exemple de la pratique des institutions financières est assez éloquent lorsque celles-ci subordonnent à l'octroi de leurs aides aux Etats le respect scrupuleux des droits de l'homme et les principes de la démocratie et de la bonne gouvernance54.

51KPODAR (A.), Op. cit., p. 60 - 61.

52 Les compétences implicites d'origine jurisprudentielle (cf. Affaire Mc Culloc V/ Maryland de 1819 relative à la répartition des compétences entre l'Etat fédéral et les Etats fédérés), sous-tendent l'existence de compétences au profit de l'organisation même si elles ne figurent pas expressément dans les compétences à elle attribuées dans l'acte constitutif. Leur déduction nécessite une interprétation extensive des textes constitutifs. Voir dans ce sens, Responsabilité pour les Etats des dommages subis au service des NU, AC, 11 avril 1949, Recueil CIJ 1949, p. 182 ; Certaines dépenses des NU, AC, 20 juillet 1962, Recueil CIJ 1962, p. 151.

53ROUSSEAU (Ch.), Droit international public, Tome II, Paris, Sirey, 1974, pp. 453, 461.

54FIERENS (J.), « La violation des droits civils et politiques comme conséquence de la violation des droits économiques, sociaux, culturels », RBDI, 1999, p. 46-57.

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La Cour a dans plusieurs de ses avis consultatifs reconnu au profit de certains organes des Nations Unies l'existence de compétences implicites. Dans son avis de 194955 s'agissant de la capacité de l'ONU à présenter une réclamation internationale, la Cour a relevé dans un premier temps que cette compétence appartient initialement aux Etats et que même si la Charte n'a pas reconnu cette compétence explicitement à l'organisation, étant donné que la question de la personnalité juridique n'est pas tranchée par les termes de la Charte, il s'est avéré utile de considérer les caractères que celle-ci a entendu donner à l'organisation. Dans cette démarche, la Cour passant en revue les missions assignées à l'Organisation par les Etats (article 1 p4 ; article 2 p5), retient « Qu'on doit admettre que ses membres, en lui assignant certaines fonctions, avec des devoirs et les responsabilités qui les accompagnent, l'ont revêtu de la compétence nécessaire pour lui permettre de s'acquitter directement de cette fonction » et conclu que « La compétence de l'organisation à assurer une protection de ses membres est nécessairement impliquée par la Charte »56.

Pour répondre à la question qui lui était posée à savoir si certaines dépenses autorisées par l'Assemblée générale étaient des dépenses de l'organisation au sens du Paragraphe 2 de l'article 17 de la Charte des Nations-Unies, et sans se cantonner dans la définition des concepts (il était question du sens des dépenses, de certaines dépenses, du budget etc.), la Cour a examiné le problème général de l'interprétation de l'article litigieux à la lumière de la structure d'ensemble de la Charte et des fonctions assignées à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité57 et est parvenue à la conclusion selon laquelle « les dépenses doivent être appréciées d'après leurs rapports avec les buts des Nations-Unies, en ce sens que si une dépense a été faite dans un but qui n'était pas l'un des buts des Nations-Unies, elle ne saurait être considérée comme une dépense de l'organisation »58. Etant donc donné que ces buts tels

55Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, AC, 11 avril 1949, Recueil CIJ 1949.

56DISTEFANO (G.) et BUZZINE (P. G.), Bréviaire de jurisprudence internationale, les fondamentaux du droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 236-237. « Comme la commission européenne n'est pas un Etat, mais une institution internationale pourvue d'un objet spécial, elle n'a que les attributions que lui confère le Statut définitif, pour lui permettre de remplir cet objet ; mais elle a compétence pour exercer ces fonctions dans leur plénitude, pour autant que le Statut ne lui impose pas de restriction » compétence de la Commission européenne de Danube, AC, 1927, CPJI, Série B N° 14, p. 64.

57 Il a été soutenu devant la Cour que dans les circonstances où il s'agit du maintien de la paix et de la sécurité internationales, seul le Conseil est autorisé à prendre une décision prescrivant une action et le pouvoir de l'Assemblée Générale se bornant à discuter, examiner, étudier et recommander, celle-ci ne peut pas imposer l'obligation de couvrir des dépenses qui résultent de la mise en oeuvre de ses propres recommandations.

58Certaines dépenses des Nations Unies, AC, 20 juillet 1962, Recueil CIJ 1962 ; DISTEFANO (G.) et BUZZINE (P. G), Op. cit., p. 374-390.

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que énoncés dans la Charte sont très larges et illimités, il va s'en dire que les pouvoirs conférés pour les atteindre revêtent également ce caractère.

La Cour n'a pas manqué de relever l'existence de compétences implicites dans l'affaire « Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie nonobstant la résolution 270 du Conseil de sécurité »59 lorsqu'il a été soutenu en l'espèce que le pacte de la SDN (article 22) ne conférait pas au Conseil le pouvoir de mettre fin à un mandat en raison d'une faute du mandataire et que les Nations Unies ne sauraient donc exercer un tel pouvoir puisqu'elles n'ont pu hériter de la SDN de pouvoirs étendus que celle-ci n'en avait. Elle retient qu'il «faut voir avant tout dans l'ONU, successeur de la SDN, agissant par l'intermédiaire de ses organes compétents, l'institution de surveillance qui a compétence pour se prononcer, en sa qualité, sur le comportement du mandataire à l'égard de ses obligations internationales et pour agir en conséquence ».

La Cour a aussi et très souvent, face à l'objection faite à sa compétence pour se prononcer sur des questions et affaires qui lui sont soumises, évoqué cette théorie de compétences implicites pour fonder sa compétence.60

Mais, la théorie des compétences implicites n'a pas été toujours retenue. L'espèce relative à la menace ou à l'utilisation des armes nucléaires en est une illustration. La Cour affirme que «Reconnaitre la compétence de l'OMS de traiter de la question de la licéité de l'utilisation d'armes nucléaires, équivaudrait à une négation du principe de spécialité et une telle compétence ne saurait en effet être considérée comme nécessairement impliquée à la constitution de l'organisation au vu des buts qui ont été assignés à cette dernière par les Etats»61.

59 AC, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, 21 juin 1971, Recueil CIJ 1971.

60 En effet le caractère permissif de l'article 65 permet à la Cour d'apprécier discrétionnairement sa compétence à se prononcer par avis sur certaines questions. Dans la plupart des cas, la Cour a toujours soutenu qu'entend qu'organe judiciaire des NU, elle ne peut se refuser de se prononcer sur des questions qui lui sont posées même si celles-ci n'ont directement pas un aspect juridique, son avis peut concourir à résoudre des aspects typiquement juridiques de certaines situations complexes. Cf. Affaire du Statut de la Carélie Orientale, 23 juillet 1923, CPJI, Série B, n°5, p. 29 ; AC, interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, 1950, p. 72.

61Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat lors d'un conflit armé, AC, 08 juillet 1996, Recueil CIJ, 1996.

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Le principe de spécialité a été largement influencé par la nécessité faite aux organisations internationales de mener certaines actions sur le plan international sous peine de voir leur responsabilité engagée (du fait de leur action ou même de leur inaction) à la lumière des obligations du droit international. Si dans la première hypothèse, il s'est agi d'une interprétation extensive du principe de la spécialité, dans ce second aspect, la rupture se révèle être beaucoup plus brutale62.

Les missions des organisations internationales issues de leur acte créateur ou soit expressément ou simplement impliquées induisent à leur profit la capacité à être sujet de droit laquelle reste distincte de celle des Etats fondateurs.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams