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Approche pluridisciplinaire de l'absentéisme maladie, de l'accidentéisme et de l'externalisation des coûts de santé au travail : Le cas d'une entreprise de la grande distribution en France : CASINO

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par Daniel SANCHIS
Université Paris I - DEA Politiques sociales et société 2006
  

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Chapitre V - Des enseignements qui réinterrogent l'efficacité des performances de gestion dans les entreprises et les institutions sociales et appellent une approche et des critères pluriels pour les définir et les évaluer

Ainsi, les résultats qui se dégagent de l'analyse du cas Casino font émerger plusieurs séries de questions :

· Est-il possible de cerner et de traiter les causes profondes des problèmes de santé que révèle l'augmentation de l'absentéisme maladie et de l'accidentéisme ? Quelles sont les responsabilités de chacun des acteurs ? Comment les inciter à oeuvrer pour se doter des outils nécessaires à un état des lieux partagé dont le suivi, permette une amélioration de la situation et surtout, la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention ?

· Est-il efficace de diminuer les cotisations sociales ? Comment est pris en compte le lien entre état de santé et dépenses de santé ? Quels problèmes de financement de la Sécurité Sociale cela induit ?

· Qui sont les acteurs de la solidarité nationale, en matière de santé et comment pourrait-elle mieux jouer son rôle ? Les questions de l'intégrité physique et psychique de l'homme au travail ne sont-elles pas traitées sur le seul mode de la norme et de la réparation et ne participent-elles pas peu ou prou à masquer les échecs de la prévention ?

A. Une nécessaire remise en question des critères dominants dans l'approche de la gestion et de l'organisation du travail dans les entreprises

La progression de l'absentéisme lié à la maladie et à l'accidentéisme, en tant que faits sociaux, résulte de multiples ruptures intervenues dans le rapport salarial marqué, notamment, par l'émergence et le développement de nouvelles politiques d'emploi associées à de nouvelles formes d'organisation du travail et de son statut. Elles ont contribué à la déstructuration de ce rapport et eu pour effet la fragilisation des salariés.

Cette fragilisation est alimentée par une dégradation des conditions d'emploi et de travail qui contribue à un affaiblissement des identités professionnelles construites jusqu'alors, sur des représentations collectives et partagées. Celles-ci ont perdu de leur force avec les nouvelles logiques d'organisation et de gestion des entreprises, dominées par les marchés financiers et la rentabilité à court terme.

Nous avons pu constater dans notre travail de recherche, que ces risques ne sont pas virtuels. Leurs conséquences sur le « coût du travail » sont considérables, (GIRAULT-LIDVAN et LIDVAN, 1999). et il n'est pas concevable d'en dédouaner les entreprises, en laissant à la société le soin d'en financer les écarts et les dérives et en particulier, les dégâts sur la santé.

La grande distribution a joué un rôle déterminant dans ce processus, à partir de

sa naissance dans les années 1960, époque paradoxale de l'apogée du statut salarial, en introduisant de nouvelles organisations du travail tayloriennes visant à ajuster l'emploi par son morcellement aux rythmes minutés de l'activité et surtout des impératifs de rentabilité dictés par le marché. C'est le début, non pas de « la fin du travail » ou « la fin de l'emploi stable », mais d'une phase de déréglementation tous azimuts, facilitée par l'explosion du chômage.

L'analyse des données de l'emploi dans les 40 dernières années, met en évidence une forte corrélation entre les niveaux du chômage et le caractère choisi ou subi de la mobilité. La peur du chômage met les salariés dans l'obligation « d'accepter » une mobilité interne et externe contrainte, caractéristique des horaires et des emplois atypiques. C'est l'insécurité de cette contrainte qui tisse les ressorts de la « métamorphose de la question sociale » (CASTEL R. 1995), dont les problèmes resurgissent sur le devant de la scène des débats sur les enjeux de société.

Pour autant, la précision et la justesse du diagnostic, exigent l'intelligence de ne pas noircir un tableau suffisamment préoccupant, au risque de favoriser le sentiment de fatalité, au lieu d'ouvrir les perspectives du champ des possibles et la crédibilité de réponses alternatives à ce tableau.

D'autant que dans le même temps, l'intensification et la densification du travail du travail se poursuivent et constituent l'essentiel de la progression de sa productivité apparente. Sans que ni les managers, ni les institutions sociales ne s'intéressent suffisamment à leurs conséquences sur la santé au point d'oublier que les contraintes physiques et organisationnelles non seulement ne se réduisent pas, dans la majorité des cas, mais, au contraire ont tendance à progresser et à se cumuler, augmentant, ainsi les facteurs de risques et les atteintes à la santé (affections péri-articulaires, accidents cardiovasculaires, troubles psycho-sociaux, etc.).

a) Un système d'assurance maladie qui marginalise la santé au travail et néglige le concept de « veille sanitaire » dans ce domaine

Le cas de Casino n'est pas singulier dans la grande distribution du point de vue des résultats que nous avons mis en évidence. On peut relever des faits similaires dans les autres grandes entreprises, comme Carrefour ou Auchan. Les résultats de l'enquête que nous avons présentés en témoignent. Ces résultats traduisent les dysfonctionnements d'un système qui cloisonne les différents aspects du travail et marginalise les questions de la santé induite par les conditions concrètes de l'exécution du travail.

La loi dite de modernisation sociale de janvier 2002 a introduit des innovations dans l'approche des questions relatives à la santé au travail. On relève, entre autres que la loi a rajouté les termes de « physique » et « mentale » et introduit la notion de « veille sanitaire » au bénéfice des travailleurs.

Ces modifications apparaissent comme des ruptures importantes pour les perspectives d'une meilleure prise en charge des enjeux de la santé dans l'environnement professionnel. Mais elles ne garantissent pas pour autant, une amélioration de la santé si les besoins de santé au travail ne sont pas réellement identifiés afin de mieux définir et mettre en oeuvre des politiques de prévention où chaque salarié accède à la maîtrise des enjeux de la gestion de sa santé tout au long de sa vie et dans le cadre d'un contrôle social qui ne se limite pas à la seule sphère des institutions fussent-elles compétentes et

indépendantes.

« Les besoins de santé s'expriment à travers le besoin de vivre, d'avoir un emploi stable, bien rémunéré, de disposer du temps libre pour sa vie familiale et sociale, d'être respecté dans sa dignité, de reconnaître l'utilité sociale de son travail, de développer sa créativité et son potentiel, de donner du sens à ses actes et à son existence ». (KERBAL A. 2003).

« La santé est un état de complet bien être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ».

Constitution de l'Organisation mondiale de la santé signée le 22 juillet 1947.

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »

Art. L. 122-49 du Code du travail modifié par la loi de modernisation sociale L'article L. 230-2 du code du travail est ainsi modifié :

Dans la première phrase du premier alinéa du I, après les mots : « protéger la santé », sont insérés les mots : « physique et mentale »

 

Cette définition, que nous reprenons volontiers, montre les interactions multiples qui interviennent pour atteindre et maintenir un état de santé au sens de la définition de l'OMS (voir encadré).

C'est précisément ce processus qui nous semble sous-estimé dans le système actuel du fonctionnement de l'assurance maladie.

Le rapport de la Cour des Comptes publié en février 2002 sur la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles dresse un tableau particulièrement sévère des pratiques actuelles. Elle qualifie le dispositif juridique actuel de couverture « obsolète, complexe, discriminatoire, inéquitable (et) juridiquement fragile », parallèlement d'ailleurs à des critiques très vives portées sur le système de tarification, l'efficience de la prévention, mais aussi le fonctionnement général de la branche.

Parmi les conclusions de son diagnostic, elle met en cause le fonctionnement défectueux de la commission maladies professionnelles chargée d'adapter les tableaux des maladies professionnelles à l'évolution des connaissances et des risques, les connaissances lacunaires de ces risques, la sous-estimation du nombre de victimes, etc. Elle ajoute que la fonction de « veille sanitaire » n'existe encore que de manière très limitée et la fonction d'alerte n'est réellement remplie par aucune des instances existantes. Ce constat inquiétant a le mérite de montrer l'étendue du chemin à parcourir pour sortir des vieilles logiques de gestion des risques au travail.

L'épisode douloureux des effets de la canicule, pendant l'été 2003, est venu malheureusement, confirmer ce constat. Et si des mesures ont été prises pour prévenir les conséquences sanitaires de ce genre d'évènement, il nous semble, que le concept de « veille sanitaire », va largement au-delà de ce type de problème et recouvre, en particulier, le champ du travail, comme le dit la Cour des Comptes. Au-delà des mesures ponctuelles et le plus souvent répressives

qui sont prises dans les entreprises, tout comme au niveau des pouvoirs publics (loi du 13 août 2004) et des caisses maladie, à l'encontre des salariés (contrôles, entretien de reprise avec la hiérarchie, primes de présentéisme, etc.), c'est au coeur de l'organisation du travail et du rapport social, qu'il nous semble nécessaire de remettre à plat les problématiques de la santé au travail.

Gilles Arnaud (Le Monde 2004), secrétaire général adjoint du Syndicat national professionnel des médecins du travail, nous livre un diagnostic sans appel :

« Certes, il existe des tricheurs, des salariés mais aussi des médecins identifiés qui prescrivent abusivement. Mais la cause essentielle de ce déficit provient des pathologies liées au travail. Nous enregistrons des phénomènes visibles qui, en fait, relèvent des maladies professionnelles. C'est particulièrement le cas des troubles musculo-squelettiques, qui fournissent une bonne part des arrêts-maladie. Les pathologies liées à l'amiante sont aussi de plus en plus perceptibles. Depuis quelques années, nous enregistrons aussi un fort accroissement de pathologies moins visibles, liées au stress et à la souffrance au travail. Les salariés n'arrivent plus à suivre l'intensification des charges. Ils s'accrochent pour tenir, avant de présenter les signes d'un syndrome dépressif... Enfin, un certain nombre de troubles (asthme, cancers non reconnus...) ont une origine professionnelle indéniable. Comme ils ne sont pas reconnus comme maladies professionnelles, la charge est imputée au régime général de l'assurance-maladie. Il s'agit là d'un transfert incontestable.

A contrario, nous constatons un "présentéisme" préjudiciable parmi les précaires, en CDD ou en intérim : de crainte de perdre leur emploi, ils cachent leur maladie. »

Si la question des conditions de travail liées aux organisations est fondamentale dans l'étude des problématiques de santé, on ne peut la dissocier des nombreuses questions que pose la reconnaissance sociale des femmes et des hommes au travail. En premier lieu, dans les termes utilisés. On a remplacé les services du personnel, par ceux des « Ressources Humaines », ce qui a permis d'imposer dans le langage courant, l'abréviation « RH ». Au- delà du caractère anecdotique de cette pratique, elle révèle une relégation des « personnels » en tant que personnes au rang de simple ressource au sens du facteur de production travail. L'ajout de l'adjectif « humain » n'est là que pour masquer la froide considération d'une ressource dont l'objectif premier fixé aux DRH est d'en minimiser le coût.

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