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Approche pluridisciplinaire de l'absentéisme maladie, de l'accidentéisme et de l'externalisation des coûts de santé au travail : Le cas d'une entreprise de la grande distribution en France : CASINO

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par Daniel SANCHIS
Université Paris I - DEA Politiques sociales et société 2006
  

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c) Une évolution antagonique des cotisations sociales et de l'absentéisme qui montre l'externalisation des coûts de la santé des salariés

C'est en faisant le rapprochement entre la hausse de l'absentéisme au travail pour maladie ou accidentéisme et l'évolution des cotisations sociales payées par l'entreprise que l'on peut mettre en évidence l'externalisation des coûts de la santé au travail. La fig. 51, montre bien l'évolution divergente de ces deux indicateurs pendant la période étudiée à partir de 1994.

140

130

120

110

100

90

80

70

60

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Evolution comparée de l'absentéisme maladie et AT avec le
coût des cotisations sociales (1992-2005)

Absentéisme moyen (maladie + AT)

Cotisations sociales

Fig. 51

Evolution comparée

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2001

2002

2003

2004

2005

Cotisations sociales

100,0

94,1

90,1

83,9

76,5

75,8

80,0

80,2

67,3

71,4

70,7

69,2

71,1

Absentéisme moyen (maladie + AT)

100,0

99,4

86,1

91,1

85,7

86,6

92,5

97,6

113,8

123,1

129,6

129,0

122,4

 

Source : Bilans sociaux et financiers Casino 1992 - 2005 et calculs personnels

Bien évidemment, l'absentéisme a un coût. Celui-ci n'est pas simple à appréhender de manière formelle et exhaustive. En effet, il est constitué de nombreux éléments, et pour l'essentiel, il constitue l'un des meilleurs exemples de ce que l'appelle communément les « coûts cachés ».

Sans rentrer dans les détails d'un sujet qui mériterait de nombreuses recherches et qui a fait d'ores et déjà l'objet de nombreux travaux, on se contentera d'énumérer quelques unes des composantes les plus évidentes de ces coûts (apparents et cachés), dans le cas précis de l'absentéisme lié à la maladie et à l'accidentéisme :


· Les salaires directement supportés par l'entreprise sous forme de paiement des jours de carence ou de complément aux indemnités journalières versées par la sécurité sociale.

· Les salaires non perçus par les salariés qui sont soumis aux règles de la carence, soit parce qu'ils non pas d'ancienneté suffisante (c'est notamment le cas des contrats CDD), soit parce que leurs droits sont épuisés (en particulier, dans les cas de longues maladie).

· Les indemnités journalières versées par les caisses de Sécurité Sociale, dont il faut rappeler qu'elles ont progressé de 46% entre 1997 et 2002, alors que tous les constats convergent pour considérer une amélioration globale de la santé des français.

· Les compléments de salaires et les indemnités d'invalidité versés par les mutuelles, organismes de prévoyance et assurances privées qui donnent lieu à des hausses de cotisations régulières afin d'équilibrer leurs comptes. Il faut ajouter, dans ce registre, les fonds spéciaux créés pour indemniser les victimes pour des pathologies particulières, comme c'est le cas pour l'amiante.

· Les dépenses de soins (consultations, pharmacie,
hospitalisation) qui accompagnent les arrêts maladie et de travail. Ces dépenses sont supportées, à la fois par les caisses de Sécurité Sociale, les mutuelles et assurances et les salariés eux- mêmes, de plus en plus confrontés aux mesures récurrentes de déremboursement, de forfaits divers, etc. qu'ils doivent financer sur leurs revenus.

· Les dépenses liées aux remplacements indispensables, (intérim, etc.) même si les entreprises ont de moins en moins tendance à remplacer les absents et laissent le soin aux salariés présents, et notamment, à l'encadrement de proximité, de pallier, le plus souvent, de manière impromptue à ces situations qui ont tendance à se banaliser de plus en plus.

· Les manques à gagner en chiffre d'affaires perdu suite aux ventes manquées, aux retards de livraison, au retard des commandes dans des circuits de production de plus en plus marqués par une organisation en flux tendu sensible au moindre aléa. On peut ajouter, dans ce registre, les indemnités de retard et coûts de non qualité liés aux désorganisations causées par l'absentéisme non programmé.

· Etc.

Dans le cas de Casino, nous n'avons, bien entendu, pas la prétention de chiffrer ces dérives. Nous nous sommes contentés de chiffrer la masse salariale correspondant à l'absentéisme cumulé maladie plus accidentéisme et de son évolution.

Fig. 52 Fig. 53

50

45

40

35

30

25

20

15

10

5

0

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2001 2002 2003 2004 2005

Evolution du coût total des salaires correspondant à
l'absentéisme pour maladie et pour accidentéisme par
catégorie (1994-2005)

Maladie Cadres

Maladie Maîtrise

Maladie Employés-Ouvriers Maladie Total

20%

19%

18%

17%

16%

15%

14%

13%

12%

11%

10%

9%

8%

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2001 2002 2003 2004 2005

13,0%

8,4%

Evolution du coût en salaires de l'absentéisme maladie et
accidentéisme par rapport aux cotisations sociales

13,0%

12,7%

12,9%

18,0%

14,0%

19,2%

y = 0,0093x + 0,0947

18,7%

18,2%

17,8%

Coût salaires absences maladie et AT

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

(Millions € constants 2005)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2001

2002

2003

2004

2005

1994-2005

Maladie Cadres

1,5

1,9

1,5

1,4

1,4

1,8

1,5

1,5

1,5

1,6

1,6

8,0%

Maladie Maîtrise

6,2

6,6

6,4

5,6

6,3

6,7

6,3

7,1

7,7

7,7

7,2

17,0%

Maladie Employés-Ouvriers

18,0

28,2

26,6

26,7

28,9

31,2

31,7

34,6

36,2

35,0

32,4

79,9%

Maladie Total

25,6

36,7

34,5

33,7

36,6

39,7

39,4

43,2

45,4

44,2

41,2

60,7%

 

Source : Bilans sociaux et financiers Casino 1994 - 2005 et calculs personnels

Le graphique (fig. 52) montre une augmentation de 60,7% de ce coût en euros

constants avec une progression de près de 80% pour les employés-ouvriers.

Le graphique (fig. 53) montre un poids des salaires liés à l'absentéisme dans l'ensemble des cotisations sociales qui est passé de 8,4% à 17,8%. En première approche, nous pouvons considérer cet indicateur, en termes de tendance, comme une estimation du phénomène d'externalisation, en prenant comme hypothèse une évolution de l'ensemble des coûts externalisés parallèle à celle des salaires.

Ce constat, interpelle directement la responsabilité individuelle et collective des acteurs dans l'entreprise en matière de santé au travail, mais également, les politiques sociales et les mécanismes de régulation publique.

Il suggère une inefficacité de l'exonération des cotisations sociales qui ont contribué à une baisse importante du coût du travail, mais sans effet mesurable, ni sur la création d'emploi, ni sur l'accroissement de l'investissement. Par contre, l'effet de substitution entre les revenus du travail et ceux du capital semble patent.

**
*****
*

L'analyse des bilans sociaux et des bilans financiers de Casino montre une forte croissance des indicateurs de morbidité, dans un contexte de progression de la productivité apparente du travail. Cette progression est essentiellement liée à une intensification et à une densification du travail dans un cadre d'emploi soumis à une forte mobilité contrainte et bénéficiant d'une faible rémunération dont la hiérarchie est fortement resserrée au voisinage du SMIC. Cette évolution ne permet plus de différencier le niveau de qualification des salariés par leur classification.

Les salariés se plaignent à travers l'enquête, du manque de reconnaissance. Ils expriment leur incertitude face à l'avenir et leur mal vivre.

L'entreprise réalise, néanmoins, des performances économiques honorables et affiche des résultats et une rentabilité financière particulièrement élevés.

Ces résultats sont obtenus pour l'essentiel, grâce à une réduction significative du « coût du travail » dans ses composantes relevant du salaire (direct et indirect), malgré une progression des primes d'intéressement et de la participation. Cela traduit une flexibilité de la rémunération qui s'ajoute aux flexibilités temporelles et fonctionnelles.

On observe la baisse la plus importante pour le salaire indirect, que constituent les cotisations sociales. Cela confirme le caractère mythique du poids de celles-ci, mal nommées, «charges sociales». Cette baisse est liée à l'incidence des exonérations de cotisations sociales, devenues le principal levier utilisé par les pouvoirs publics en matière de politiques d'emploi. Cette évolution, ne montre pas d'efficacité en matière de création d'emploi dans l'entreprise. Par contre, elle contribue à amplifier la substitution entre le travail et le capital, en termes de revenus.

Par ailleurs, l'évolution antagonique des cotisations sociales et des indicateurs de morbidité met en évidence une externalisation des coûts de santé au travail, de plus en plus supportés par les salariés eux-mêmes, par les institutions sociales et par l'Etat, qui nous amènent à réinterroger les mécanismes du fonctionnement de l'assurance maladie, des politiques de soutien à l'emploi qui nous semblent ébranler les mécanismes de la solidarité nationale en relation avec les besoins de santé au travail.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King