WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Approche pluridisciplinaire de l'absentéisme maladie, de l'accidentéisme et de l'externalisation des coûts de santé au travail : Le cas d'une entreprise de la grande distribution en France : CASINO

( Télécharger le fichier original )
par Daniel SANCHIS
Université Paris I - DEA Politiques sociales et société 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre II - Cadre théorique : Une démarche pluridisciplinaire

« Changer le travail », tel était le slogan à la mode dans les années 1990, à l'initiative du gouvernement de l'époque et de Martine AUBRY, Ministre du travail qui avait obtenu un certain consensus sur ce thème avec les organisations syndicales et le patronat. Les vicissitudes de la mise en place des 35 heures ont, notamment, montré les effets pervers d'une démarche qui confond travail avec les conditions de son exécution. Le travail change au gré de l'évolution des connaissances scientifiques et techniques et surtout, de leur mise en oeuvre. Les institutions n'ont pas de prise sur son évolution. C'est l'affaire des opérateurs et de leur professionnalisme. Par contre le travail change dans un cadre managérial, organisationnel et institutionnel qui rend plus ou moins difficiles les conditions de son exécution. C'est là qu'intervient la gestion du rapport santé-travail et la responsabilité des acteurs en matière de santé au travail. Investir ce terrain de recherche nous semble malaisé et réducteur sans une vision globale des enjeux de ce rapport. C'est pourquoi, nous avons tenté d'explorer les fondements d'une approche pluridisciplinaire avant de préciser les concepts que nous souhaitons utiliser d'un point de vue sociologique, économique et psychodynamique.

A. Acteurs et facteurs d'interactions entre situation de travail et santé : Une analyse pluridisciplinaire nécessaire.

Les relations entre activités de travail et santé sont complexes, tout d'abord, parce que si « le travail c'est la santé », comme le dit la chanson populaire, il participe tout à la fois aux aspects positifs et négatifs de l'état de santé des salariés12 (HODEBOURG, 1993). Il devient, ainsi, indispensable, de comprendre les interactions entre travail et santé, lorsqu'on souhaite contribuer à l'amélioration des conditions de santé physique et psychique des salariés. Mais leur complexité, tient également, et surtout à une multiplicité d'acteurs intervenant de manière spécifique dans les champs en question et par voie de conséquence, à des représentations différenciées et souvent contradictoires plus ou moins formalisées, voire même institutionnalisées dont les nombreuses interactions rendent difficile une analyse précise.

Nous avons tenté de schématiser les facteurs et les acteurs d'interaction dans un contexte descriptif (fig. 2 ci contre), qui nous permet de replacer notre problématique dans son cadre plus général. Le schéma met en évidence, l'importance d'une approche pluridisciplinaire pour comprendre les mécanismes de ces interactions.

A partir de la relation fondamentale de tension que les salariés doivent gérer (réguler et arbitrer), entre santé et exigences du travail, nous pouvons distinguer plusieurs sphères qui vont relever d'une ou de plusieurs disciplines :

12 Jean HODEBOURG a écrit des pages émouvantes dans son ouvrage « Le travail c'est la santé, perspectives d'un syndicaliste ». Il a, ainsi, participé à un retour salutaire du monde du travail sur les questions des conditions de travail et de l'activité.


· Les jeux d'acteurs à partir de leurs représentations dont l'analyse va plutôt relever d'une approche sociologique.

· La situation de travail, ses caractéristiques et les facteurs de régulation dans la tension efficacité / santé qui vont intéresser, plus particulièrement l'ergonomie, la médecine et la psychodynamique du travail.

· La rationalité des choix des individus, la création de valeur, la nature, les processus et l'efficience des organisations ou encore la relation avantages-coûts constituent, parmi d'autres, quelques terrains de prédilection de la gestion et de l'économie, notamment, de l'économie du travail.

Cette énumération n'est, bien entendu, pas exhaustive. D'autres disciplines, telle l'épidémiologie, le droit, etc. peuvent intervenir dans ce modèle. De plus, les champs de recherche sont suffisamment vastes pour donner à chacune des raisons de s'investir de manière autonome.

René PASSET montre l'intérêt de ce qu'il appelle l'analyse « multidisciplinaire, multidimensionnelle ou transdisciplinaire », pour l'analyse de systèmes complexes dans ses différents travaux et en particulier dans la définition et l'étude de « l'homme total » (PASSET R. 1996).

Les réflexions d'Edgar MORIN dans son entretien avec Michel RANDOM sur la transdisciplinarité, nous paraissent également particulièrement stimulantes (RANDOM M. 1996). En parlant de l'évolution des sciences, il écrit : « Les sciences progressent, dans la mesure où elles brisent leur cloisonnement, mais ce cloisonnement se reforme toujours ». Ce cloisonnement a sa légitimité, parce qu'il correspond à une démarche analytique et que la dimension « solitaire » du travail de recherche est incontournable. Il a également ses limites et, en particulier, une double limite :

· Celle d'une dialectique nécessaire (MORIN parle de « dialogique ») entre analyse et synthèse, entre le « tout » et « la partie », qui nécessite de constants allers-retours entre ces deux dimensions.

· Celle, également, d'une confrontation nécessaire du travail solitaire, des
problématiques et des résultats, à partir de méthodologies différentes.

Cela implique, de sortir du cadre de la légitimité stricte des pairs, pour dépasser «les chapelles» disciplinaires et oser, ainsi, l'indiscipline revendiquée par Edgar MORIN !

Si le problème se pose pour toutes les sciences, il est particulièrement aigu pour l'économie et la gestion et même, pour être plus précis, pour l'économie du travail et la gestion.

En effet, comment peut-on s'ignorer superbement et réciproquement, alors que les objets de chacun s'inscrivent dans un champ commun ?

Il est vrai, que l'économie du travail ne s'intéresse plus guère au travail qu'au travers de l'emploi, tandis que la gestion considère le travail, au mieux, comme une ressource dont il importe de minimiser le coût, en ignorant sa fonction sociale de création de valeur. Faut-il rappeler, que TAYLOR13 a donné un statut scientifique à l'organisation du travail, avec ses travaux sur la division

13 L'organisation scientifique du travail

sociale du travail en utilisant des techniques d'observation et d'analyse des activités de travail, outils méthodologiques des ergonomes, aujourd'hui. De la même manière Adam SMITH et MARX ont utilisé l'observation des situations de travail14 pour étayer leur raisonnement.

Le travail n'est pas l'emploi. Cela peut paraître évident et il convient de le souligner, tant la prégnance des problèmes du chômage et par voie de conséquence celle de l'emploi a occupé le devant de la scène dans les dernières années. (ZARIFIAN, 2003, p 7).

Cependant traditionnellement, le travail est analysé de manière souvent réductrice selon deux types d'approches :

· Une, structurelle et fonctionnelle à partir du concept de division sociale du travail qui renvoie aux notions de prescription, de reproduction et de performances.

· L'autre, sous un angle stratégique renvoie aux concepts de domination et d'exploitation et aux rapports de forces créées selon le modèle résistance / soumission.

Ces approches, négligent le sens premier du travail qui réside dans la capacité à pouvoir agir, à donner du sens et de l'engagement de la subjectivité pour les salariés. C'est l'exercice concret de la puissance de pensée et d'action des individus à la fois dans leur singularité et dans leur interdépendance.

Dans ce sens, l'exercice du pouvoir est irréductible même dans les travaux les plus taylorisés. Paradoxalement, la résistance est première et l'oppression seconde. La Résistance ne signifie pas réaction mais affirmation de sa puissance d'action sur le mode de son initiative et de sa force d'invention.

Si les sciences économiques, tout comme la gestion, ont délaissé ce type de démarche, la reprise et le perfectionnement par l'ergonomie ou la psychopathologie du travail15, nous amènent à fonder des espoirs sur la fécondité d'une nouvelle approche pluridisciplinaire pour renouveler les fondements théoriques de la place et du rôle du travail dans le fonctionnement de nos sociétés modernes.

Enfin, pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas la prétention d'une pluridisciplinarité dominant chacune des disciplines, ni encore moins, celle d'une connaissance universelle. Notre démarche s'appuie, plus simplement, sur le pragmatisme de la pratique d'une équipe pluridisciplinaire au service des institutions représentatives des salariés, avec les apports de l'expérience d'un militant syndical teintée par la curiosité d'explorer les travaux de la communauté scientifique s'intéressant au travail.

Cette démarche, nous paraît indispensable pour faire le lien entre les différents indicateurs disponibles et, en particulier, l'absentéisme maladie et l'accidentéisme au travail et les concepts utiles à leur explication.

14 Comme, par exemple, celles de la manufacture d'épingles. (Smith, 1776, livre premier, chapitres 1 à 3).

15 Christophe DEJOURS et Yves Clot, notamment, ont contribué à donner des bases théoriques à la psychodynamique à partir de leurs travaux sur la psychopathologie du travail.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote