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Approche pluridisciplinaire de l'absentéisme maladie, de l'accidentéisme et de l'externalisation des coûts de santé au travail : Le cas d'une entreprise de la grande distribution en France : CASINO

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par Daniel SANCHIS
Université Paris I - DEA Politiques sociales et société 2006
  

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B. Absentéisme maladie et accidentéisme au travail : entre construction sociale et indice de l'état de santé.

L'absentéisme pour maladie et pour
accidentéisme : définitions

Dénombrement de l'absence (en nombre de jours de travail « perdus ») des salariés à leur poste de travail, ayant pour cause une incapacité temporaire de travail liée à la maladie et ou à un accident du travail.

Le mot utilisé présente plusieurs synonymes dont chacun garde la préférence de chacun des acteurs du système social.

C'est ainsi qu' « absentéisme » est plutôt utilisé par les employeurs et les services de gestion des ressources humaines, mais également par les institutions, telles, la sécurité sociale. Le médecin va plutôt préférer le terme plus neutre « d'arrêt de travail » ou « d'arrêt maladie », tandis que les salariés vont parler de « congé maladie ».

Ces pratiques de langage ne sont bien
entendu pas neutres, elles correspondent
chacune aux représentations du concept

L'absentéisme, en tant que fait social, reflète des comportements, des pratiques et des conceptions différentes, qu'elles soient sociales (individuelles et collectives), médicales ou institutionnelles.

Le dénombrement des causes, des caractéristiques des absences maladies et de leur évolution intéresse la recherche épidémiologique (Chevalier, Goldberg, 1992) et, d'une autre façon, les employeurs et gestionnaires d'entreprises. Or, il est un indicateur encore peu utilisé par l'ensemble des intervenants dans le domaine de la santé au travail. Les chercheurs s'intéressent aux motifs médicaux qui provoquent ces absences, à la durée et à la fréquence par individu en fonction du sexe, de l'âge, de caractéristiques professionnelles et de vie. Pour les gestionnaires, ce décompte est un indicateur qui permet un contrôle de la disponibilité du travail engagé, avec un transfert des charges aux régimes d'assurance adéquats, et au mieux, en guise de prévention, il permet l'observation des différentes causes en lien avec le contenu du travail et la qualité de personnes.

Or, l'existence de ces décomptes est peu connue, et lorsqu'elle l'est, l'accès n'en est pas aisé. Dans les entreprises, ils conservent un caractère interne, sauf pour les entreprises de plus de 300 salariés, pour lesquelles, la communication aux comités d'entreprise de certains indicateurs est obligatoire une fois par an (IGALENS et PERETTI, 2001). De plus, comme pour tout indicateur, leur utilisation est soumise à certaines limites.

a) Intérêt et limites de l'absentéisme et de l'accidentéisme comme indicateurs de santé au travail :

Déjà, à la fin du 19ème siècle, la progression inquiétante de l'absentéisme à la Manufacture des allumettes a contribué à reconnaître le caractère professionnel du phosphorisme et à interdire l'utilisation du phosphore dans la fabrication des allumettes (DUZZI S., DEVINCK J.C., ROSENTAL P.A. 2006).

Plus récemment, les résultats des études réalisées dans la cohorte « Gazel »
(salariés EDF-GDF)16 démontrent l'intérêt de suivre le dénombrement, la durée

16 En janvier 1989, Electricité de France (EDF), Gaz de France (GDF) et l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) s'associaient pour lancer un des plus importants projets français de recherche épidémiologique : la cohorte Gazel. Le partenariat entre ces grandes entreprises vouées au service public et le plus important organisme de recherche médicale français a pour but de mettre en place un véritable laboratoire humain

et la fréquence des absences prescrites par un acte médical. CHEVALIER et GOLDBERG (1987, p. 6 et 863-880) soulignent l'intérêt de suivre ces arrêts sur une longue période pour surveiller les pathologies lourdes, la durée éliminant de fait les autres causes, moins bien contrôlées du point de vue du niveau de morbidité. Les indicateurs préconisés sont ceux qui détaillent les trois caractéristiques de survenue, durée et fréquence de l'absence. Les survenues d'absence sont comptées en distinguant les motifs.

La dernière enquête Sumer (DARES) Décembre 2004 n° 52-1) réalisée en 2003 auprès de 50 000 salariés, a posé pour la première fois la question du nombre d'arrêts pour maladie, hors accidents du travail ou maternité, les douze derniers mois et du nombre de jours total de ces arrêts. La même question sur le nombre de jours d'arrêt est posée en lien avec des accidents du travail survenus pendant les douze derniers mois.

Par ailleurs, l'enquête annuelle de l'Insee, EPCV17 (enquête permanente sur les conditions de vie des ménages), comporte, une question sur les « congés- maladie » durant les douze derniers mois, en distinguant, la réponse selon la durée. Elle pourrait informer sur le sens des évolutions.

On peut également rapporter le nombre de jours (ou d'heures) d'arrêt au nombre total de jours travaillés (ou d'heures travaillées). C'est le taux d'absentéisme - rapport des durées d'absences d'un groupe au total des durées normalement travaillées par le groupe - qui est l'indicateur le plus pertinent, bien qu'approximatif, puisqu'il n'individualise pas la mesure de l'absence, ni le nombre de jours d'arrêt par travailleur arrêté.

Or, à l'heure actuelle, la CNAMTS décompte le nombre d'indemnités journalières (I.J.), par région, sans autre distinction qu'entre les ayants droit et les assurés, et les motifs : maternité, accident du travail, maladie professionnelle, autre maladie.

La sommation de la maladie et de la maternité pose un premier problème de pertinence, dans la mesure où il s'agit de deux situations très différentes dont le cumul n'a pas de sens, ni sur un plan épidémiologique, ni même, sur celui de l'analyse des coûts pour l'entreprise et pour les institutions.

Par ailleurs, l'individu n'étant pas identifié, les notions de fréquence individuelle et d'absence par motif n'existent pas. De ce fait, ces statistiques ne permettent de faire que le seul décompte du taux d'absentéisme global englobant la maternité dont le caractère ne nous paraît pas compatible avec les autres causes. Par ailleurs, seul est publié le rapport de la somme des Indemnités journalières pour les accidents du travail au nombre d'heures travaillées, appelé «taux de gravité» 18 des accidents du travail indemnisés. La typologie retenue par grand secteur, refondue en neuf groupes et ses subdivisions depuis 1998, ne permet que des correspondances très imparfaites avec les secteurs NAF de l'Insee, communément utilisés sur des données sociales et

épidémiologique, instrument scientifique au service de la recherche médicale. La responsabilité scientifique et technique de ce projet a été confiée à l'Unité 88 de l'INSERM, en coopération avec les services médicaux d'EDF et GDF, les CMCAS et la CCAS.

17 INSEE, Enquête annuelle. Il convient de souligner la petite taille de l'échantillon (moins de 5 000 actifs) qui limite le croisement possible par profession et grand secteur.

18 Le « taux de gravité » ne doit pas s'entendre au sens de la gravité des accidents. Il mesure la durée moyenne par agent des arrêts provoqués par les accidents du travail et de ce fait ne constitue qu'un indicateur de leur durée moyenne.

économiques.

Une classification sommaire et anonyme des arrêts de travail par maladie, âge, sexe et secteur d'activité ou/et profession donnerait un indicateur d'alerte pertinent.

Il convient, cependant, d'adopter une démarche d'analyse et d'interprétation prudente des données quantitatives, malgré toutes les améliorations que l'on peut apporter à leur recueil. De nombreux biais peuvent, ainsi, intervenir :

· La prescription du repos, partie intégrante de la thérapie, ressort de pratiques médicales non homogènes, du point de vue de son opportunité, de la durée prescrite, comme des médications elles mêmes et de leurs modalités.

· Le salarié lui-même, dans son rapport avec l'institution médicale, apprécie et arbitre en fonction de son contexte de vie et de travail et des représentations qu'il en a. C'est, notamment l'incidence de ce repos sur sa situation professionnelle, au regard de sa hiérarchie, de son insertion, de ses marges de manoeuvre du point de vue de son contrat et de son collectif de travail. En effet, la non déclaration des accidents bénins ou le refus des arrêts de travail, tendent à s'amplifier, là où la crainte d'être licencié est présente, ou encore lorsque le salarié est embauché sous un statut précaire et souhaite le transformer en statut stable (CRISTOFARI, 2001, p. 28 et 29). En outre, les campagnes de prévention peuvent s'accompagner de pressions avec affichage des résultats et objectifs (« zéro accident ») et (ou) d'incitations financières19 qui dissuadent la hiérarchie intermédiaire, voire les victimes elles- mêmes, de déclarer la totalité des accidents (Cour des Comptes, 2002, p. 35 et suivantes).

· Les politiques publiques, enfin, peuvent également interférer dans les évolutions constatées des indicateurs d'absentéisme ou
d'accidentéisme. C'est le cas des décisions récentes du gouvernement (Loi Fillon 2004) et de l'assurance maladie (depuis 2003) qui, suivant les recommandations de L'ANAES, ont mis en place une série de mesures de contrôle des patients et des médecins, dont les effets semblent se faire sentir, par une moindre progression en 2003 et 2004 des indemnités journalières comptabilisés par la CNAM. Ce type de mesure n'a, cependant en général, que des effets conjoncturels, dans la mesure où elles ne relèvent que d'une politique répressive, ignorant ou tout du moins, sous-estimant, les causes profondes du problème.

Nous retiendrons, au-delà des biais existants, l'intérêt de suites de données relativement homogènes sur la période considérée, dont les évolutions apparaissent comme significatives.

b) Une construction sociale complexe à partir de représentations contradictoires

« Les conditions de travail ne sont pas des objets naturels qu'il suffirait
d'observer et qui seraient justiciables d'un traitement objectif. Il s'agit d'une
construction sociale
.» (CURIE, 2000). A fortiori, l'absentéisme, en tant qu'indice

19 Primes de présentéisme, critère intégré dans le calcul des primes d'intéressement, etc.

des conditions de travail, est un des révélateurs à la fois objectif et subjectif de cette construction sociale. La mise en lumière du travail réel est une longue entreprise, notamment menée par des chercheurs en ergonomie, présents sur les lieux de travail (TEIGER, LAVILLE, 1991). Elle est à la source des interrelations établies entre le travail et la construction de la santé.

Le terme même d' « absentéisme », présente une connotation négative significative de la représentation médiatisée par les employeurs et les institutions. Connotation, sur le mode culpabilisateur de comportements abusifs vis-à-vis, à la fois, des collègues de travail et de la solidarité nationale. C'est ainsi que l'on a tendance à valoriser le présentéisme. On dit d'ailleurs souvent : « C'est un bon employé, il ne s'arrête jamais », ou bien alors, « j'avais de la fièvre, mais je me suis quand même rendu au travail ». Ce type de représentation dominant révèle, par ailleurs, un type de management dans les entreprises, fondé sur une mobilisation « complète » des capacités physiques, cognitives et psychiques des salariés qui pose la question du risque d'une nouvelle aliénation dont les conséquences ne sont pas évaluées.

A côté de cette représentation dominante, celle de « l'arrêt ou congé maladie », historique et institutionnalisée dans le système de l'assurance maladie est partie intégrante du modèle d'Etat social en vigueur. Elle a du mal à garder sa légitimité historiquement liée à celle d'acquis sociaux obtenus dans des périodes symboliques de notre histoire sociale (1936 et le Front Populaire, 1945 et la Libération, etc.). Il s'agit d'une représentation relayée par l'autorité médicale qui lui confère les vertus thérapeutiques et à ce titre, constitue un des fondements du traitement prescrit.

· Sur un plan sémantique, on peut souligner une utilisation généraliste du terme, précisée, par les différents motifs possibles (maladie, accidents du travail et du trajet, maternité, convenance personnelle, etc.), alors même qu'implicitement, le terme d'absentéisme seul s'applique dans le langage habituel aux arrêts maladie. On soulignera également, sur ce plan du langage, l'ambiguïté du terme « congé » utilisé en association à celui de maladie pour caractériser le droit acquis lors de son instauration.

· Sur un plan institutionnel, le concept recouvre des situations très différentes qui mettent en jeu, dans le cadre d'une relation contractuelle salarié-employeur, des procédures et un cadre législatif ou règlementaire distincts. On peut citer ainsi, par exemple, l'absence consécutive à la maladie, la maternité ou l'arrêt de travail, validée par une autorité médicale, l'absence autorisée par l'employeur validée par la hiérarchie, l'absence institutionnelle (congé paternité, etc.) validée par le Code du travail ou / et les accords conventionnels.

On peut citer, dans un registre similaire, la construction sociale de l'aptitude au travail dont la responsabilité de sa reconnaissance relève des services de Santé au travail (anciennement Médecine du travail20). Ce concept sous entend, comme une évidence, un jugement par le médecin au fil d'une vie de travail, sur le degré d'adéquation des capacités physiques et intellectuelles des salariés à leur poste de travail. Ce qui reste discutable, n'est pas tant la

20 La réforme de la médecine du travail a défini des Services de Santé au Travail dont le but est d'adjoindre aux médecins du travail des intervenants en prévention des risques professionnels qui peuvent être des toxicologies, des ergonomes ou des ingénieurs en hygiène et sécurité.

recherche louable du niveau d'adéquation entre l'homme et son travail, mais le sens implicite et univoque des contraintes du travail auxquelles il va de soi, que c'est à l'individu de s'y adapter.

On pourrait s'interroger sur une inversion du sens de l'adéquation débouchant sur le degré d'aptitude d'une situation de travail à l'individu consacrant enfin le principe ergonomique de l'adaptation du travail à l'homme (KERBAL, 2003).

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle