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La souveraineté de l'Etat au début du vingtième siècle,l'exemple du Congo-Brazzaville


par Aymar KIMBEMBE-LEMBA
Université de Poitiers - Master recherche 2006
  

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§ 2 : LA CONSECRATION DE LA SOUVERAINETE AU CONGO

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La volonté de l'Etat, symbole de la souveraineté étatique, est encadrée par un processus de décision. En effet, le pouvoir dévolu à un parti et exercé par un seul individu a exigé une organisation de l'Etat par un principe de trilogie60(*) en vertu des auteurs de décisions. Ce principe consacré pendant l'ère du marxisme-léninisme, appelé par le « socialisme scientifique », détermine l'association de trois couches de la société pour la prise des décisions de la Nation : les gouvernants, le syndicat et la représentation de masse populaire. La volonté de l'Etat est donc celle de ce trio.

En revanche, cette situation diffère pour ce qui relève de la politique extérieure. Les gouvernants associent le trio pour la gestion nationale dans l'Etat. Concernant celle-ci, le peuple est conscient de la réalité et apte à faire valoir son point de vue par rapport à la vie quotidienne. Il en est différent des questions internationales, domaine réservé du président de la République pour ne pas parler de l'Etat ; il exerce la souveraineté sur ce terrain animé par la « reconnaissance » et l'« effectivité ».

La théorie de la souveraineté serait illusoire si l'autorité de l'Etat n'est pas effective. Dans un Etat où ne compte que la volonté des gouvernants, on ne saurait parler de souveraineté. Cette dernière, associée à la notion de norme, signifierait que la souveraineté de l'Etat est l'expression du respect du droit. Les gouvernants agiraient conformément au droit car le rôle de celui-ci est d'être au service des hommes qui composent la collectivité61(*). Un droit au service des besoins de la population. Toutes les constitutions congolaises ont toujours consacré la sociabilité de l'Etat ; elles seraient en ce sens au service du bien être de la population. C'est donc un objectif que cet Etat est loin d'atteindre.

L'accession à la souveraineté internationale de cet Etat62(*) est le fruit d'un processus motivé par la politique des années 196063(*). La souveraineté est affirmée d'une façon négative à l'égard de l'ancienne puissance coloniale : l'ébranlement de la communauté ampute la souveraineté à la métropole en matière internationale64(*). Le président du nouvel Etat hérite tous les attributs du président de la communauté65(*). La souveraineté est affirmée depuis l'indépendance dans toutes les constitutions66(*) : un Etat souverain, indivisible, laïc et social. Mais, nous ne devons pas rester dans une perspective de la doctrine internationale sur la souveraineté qui se contente seulement de l'aspect externe de celle-ci. Cet aspect n'est en principe que le corollaire de l'aspect interne de la souveraineté67(*). Nous pouvons remarquer sur le plan interne de la souveraineté l'existence d'une dégradation de trois éléments68(*) qui expliquent la faiblesse de l'Etat ; une raison de la remise en cause de la souveraineté interne et la souveraineté externe. Mais une distinction pareille constitue la souveraineté car cette division a seulement une valeur pédagogique pour un juriste69(*).

Dans cet Etat, c'est le peuple qui est souverain. Cette souveraineté reconnue au peuple par le biais de la Nation est fictive70(*). Le peuple ne possède pas des conditions d'exercice de cette puissance71(*). En effet, ce n'est pas la volonté du peuple qui s'exprime dans le processus de prise de décision. Le referendum est souvent utilisé au cas où les gouvernants ne semblent pas s'accorder sur un point. Ils ont recours à l'arbitrage du peuple. Même avec le système de « trilogie », le peuple n'a pas de voix car seul le parti unique qui dicte sa règle. Le peuple est donc marginalisé par des gouvernants.

En se référant aux éléments constitutifs de la souveraineté dans l'Etat, nous en déduirons l'atténuation de la souveraineté dont la faiblesse relève non seulement du procédé d'organisation administrative72(*) mais aussi de la fidélité d'appartenance départementale primant sur celle de l'Etat73(*). Le pouvoir central est non assujetti à l'autorité de la loi. Les liens entre les agents de l'Etat et les gouvernants se fondent sur une logique de propriété privée, une attitude d'encouragement à la corruption74(*). Il y a une défaillance de l'Etat, même sur ses prérogatives prétoriennes. Le service de la justice en est un exemple. Dès lors que les magistrats se trouvent dans une situation trilogique et ont pour chef hiérarchique le chef de l'Etat assisté par un ministre de la justice, l'équilibre des pouvoirs en subit les conséquences. Cette trilogie est constituée autour de trois termes : espoir, crainte et affinité. Par conséquent, ils jugent contra legem.

Les juges ont peur des gouvernants et espèrent d'eux une promotion dont l'appartenance soit ethnique, soit partisane est non seulement le noyau dur mais également primordial. Ils sont victimes de beaucoup de critiques après qu'ils aient dit le droit sur une affaire donnée. D'une part, ces critiques proviennent des acteurs politiques. D'autre part, la population ne voient pas en eux des professionnels du droit, représentant de la justice et par conséquent, des personnes en marge de la société disposant d'une neutralité. Tous les considèrent toujours comme des subalternes d'un groupe à partir des critères dépourvus de valeur objective. Par exemple, le lieu de résidence ou l'origine ethnique du juge peut en soi constituer la base de contestation de son impartialité ou neutralité. Les polémiques sur l'affaire des disparus du Beach75(*) peuvent nous servir d'exemple. D'ailleurs, cela résulte des liens que les juges ont entretenus avec le parti unique.

Il se pose un problème d'effectivité de l'autorité de l'Etat. En effet, l'administration centrale est mal représentée sur toute l'étendue du territoire76(*). Cela provient d'une inégalité de déploiement des agents publics sur le territoire. Il y a plus de la moitié de ceux-ci dans la capitale politique. Cette dernière ainsi que la deuxième ville, Pointe-Noire, se répartissent presque tout l'effectif de la fonction publique. L'Etat a du mal à faire exécuter ses décisions sur l'ensemble du territoire à défaut d'agents de relais. Ainsi, l'entité étatique fonctionne par intuitu personae.

Cette situation crée une nouvelle forme de légalité. Le contrôle de la légalité fondé sur la loi est dépourvu de signification. La loi reste étrangère à une collectivité territoriale qui se fie plus sur l'individu que sur la loi. Cette dernière est réservée aux initiés. Les membres de la collectivité jugent la valeur de leurs actes en fonction des individus, de nouvelles normes naissent du seul fait des comportements des individus77(*). Tous croient que ces normes constituent le droit positif. Il y a donc le contrôle de la légalité intuitu personae.

La question de la souveraineté, soulevée ici, concerne le dépositaire de l'autorité étatique. En effet, l'Etat a des organes qui reflètent sa puissance. Il convient de dégager l'organe de la puissance étatique entre le gouvernement, le parlement et l'autorité judiciaire d'un côté et les conseils départementaux d'un autre côté. Cette question avait déjà été tranchée. Il s'agit d'en reproduire la solution : le gouvernement est l'incarnation de cette autorité78(*). Le gouvernement a une machine administrative à sa disposition dont le but consiste à mettre en oeuvre une politique de satisfaction des besoins collectifs. Il doit exercer ses buts pour refléter cette puissance. Il y a une corrélation entre la puissance de l'Etat et ses buts79(*).

Le gouvernement a du mal à faire asseoir son autorité. En effet, il lui manque une institutionnalisation administrative. Les normes régissant l'Etat sont inconnues non seulement des agents de l'Etat mais aussi de toute la population. La publication difficile80(*) par exemple du journal officiel ne permet pas que ses informations soient à la portée de tous. Même pour les arrêtés de nomination, les concernés sont dans l'obligation de se rendre à la direction des archives nationale dès lors qu'ils sont devant un fait exigeant un tel acte. L'absence de centre de documentation notamment la bibliothèque nationale rend davantage difficile l'accès à l'information ; le non-regroupement des normes dans un recueil ou bien l'absence de mise à jour des documents existants débouche sur une confusion causant l'ignorance des normes voire le risque de l'application d'une norme déjà abrogée.

La crise politico-militaire de 199781(*) a aggravé cette situation. L'Etat est devenu un village grandiose dans lequel seul le chef par sa personne représente la loi, une volonté de tous les occupants de son village. Une telle hypothèse ne reflète pas la réalité historique des bantous. Déjà, le village est un ensemble d'individus fixés sur un territoire avec des liens de sang. Le chef d'une telle communauté est à la fois chef de famille, du village et le représentant des mânes. Il administre son village avec humanité et sagesse. Il est au service de ses parents pour assurer leur bien-être. En considérant l'Etat d'une façon différente de cette tradition, il perd sa souveraineté au profit d'un individu qui règne en maître absolu. Ce maître se voit au-dessus de toute chose et toute personne qui est proche de lui, est ipso facto dépositaire de l'autorité de l'Etat vis-à-vis de la population.

Par conséquent, une telle situation ouverte à la portée des acteurs internationaux de la société internationale dont leur différente nature produit des impacts non négligeables pour l'Etat entretenant des relations dans ladite société. L'Etat se confronte à cette nouvelle réalité.

* 60 BRETON J-M., article précité, il parle de « trois co » : il s'agit de la répartition du pouvoir de décision entre le syndicat, le parti unique et les organisations de masse, p 255.

* 61 TRAVERS E., « Volonté et puissance étatiques », in RRJ 2004- 4, p 1712.

* 62 Après les accords bilatéraux de transfert de compétence entre la France et le Congo conclus au début d'août et en juillet, le Congo est devenu indépendant le 15 août 1960 et fut admis à l'ONU le 20 septembre 1960 par rés. (XV) 1486 après recommandation du conseil de sécurité par rés.152 du 23 août 1960.

* 63 Les Etats-Unis d'Amérique et l'URSS mènent une politique anticolonialiste et affirment avec acuité le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dès la fin de la grande guerre en 1945.

* 64 Titre XIII de la constitution de 1958 (rédaction originelle avant son abrogation par une loi constitutionnelle de 1995 puis sa consécration à la nouvelle Calédonie par une loi constitutionnelle de 1998).

* 65 Art. 80 et ss., constitution du 4 octobre 1958 avant la modification d'août 1995.

* 66 Depuis 1961, le titre I des constitutions congolaises est intitulé « de l'Etat et de la souveraineté ».

* 67 CHARPENTIER J., colloque déjà cité, p 23.

* 68 Pour CHARPENTIER J., op.cit., ce sont : une autorité centrale concentrant entre ses mains la totalité du pouvoir, la soumission de la population à cette autorité et la séparation entre l'exercice de prérogatives de puissance publique et la société civile, article op.cit., pp 25 et ss.

* 69 MOUTON J-D., « L'Etat selon le droit international », in colloque de Nancy, op.cit., p 88.

* 70 DUGUIT L., op.cit., et BACOT G., Carré de Malberg et l'origine de la distinction entre la souveraineté du peuple et la souveraineté nationale, Editions du CNRS, 1985, introduction, p 8.

* 71 LEFORT C., « Nation et souveraineté », in Temps Modernes, vol 610, 2000, p 39.

* 72 MOUTSOUKA K-M., Thèse : Les disparités d'encadrement administratif en république populaire du Congo, Paris V, 1987, pp 156 et s.

* 73 Voir dans ce sens, LISSOUBA P., Conscience du développement et démocratie, Nouvelle Edition africaine, 1976 ; LOPEZ H., Tripaliques, éd. Clé, 1971.

* 74 MOUDOUDOU P., Droit administratif congolais, Flammarion, 2003, p 52.

* 75 Suite à une instruction judiciaire ouverte à Meaux et la portée médiatique que prenait cette affaire des disparus du Beach après la crise de 1998, le gouvernement exprima sa volonté de démontrer qu'il n'y a jamais eu des disparus. C'est ce point de vue que la décision de la Cour criminelle de Brazzaville rendue en avril 2005 confirme car il n'y a pas eu des disparus sinon des martyrs  tels sont les propos par lesquels elle tire sa conclusion.

* 76 MOUTSOUKA K-M., Thèse, op.cit., p 161 et s.

* 77 KUYU MWISSA C., « La production des normes juridiques par les enfants des rues des métropoles africaines : Kinshasa », La création du droit en Afrique, Karthala, 1997, pp 82 et 86.

* 78 Voir en ce sens : CARRE DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l'Etat, op.cit., pp 79 et 87.

* 79 J. PORTALIS, Thèse, op.cit. Introduction, p VI ; voir aussi DUGUIT dans l'ouvrage précité, et CARRE DE MALBERG, op.cit., p 265.

* 80 Le journal officiel est vendu entre 1500 et 2500 francs CFA (environ 2 et 3.5 euros) en fonction de son volume mais le gouvernement a du mal à assurer sa publication périodique. Bien que l'Etat soit fortement alphabétisé, la population ne lit plus les journaux sinon les titres. Payer un journal de 500 francs est un acte de gaspillage car il ne fera qu'un « griotisme » fatigué à être écouté.

* 81 Il s'agit d'un conflit interne opposant les forces des armées congolaises à la milice du général SASSOU- NGUESSO du 5 juin au 10 octobre 1997. Elle prit fin par la victoire de ce dernier. Cette crise a plongé l'Etat dans un chaos dont le redressement est encore loin à être atteint.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand