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La problématique de la détention provisoire

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par Oumar KONE
Université Nancy II - Diplome de criminologie 2008
  

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CHAPITRE II :

La durée raisonnable et les effets de la détention provisoire

Puisque la loi fixe la durée maximum de la détention provisoire selon la peine encourue, de la matière ou encore du passé du délinquant, quelle soit la situation, le calcul se fait de quantième en quantième80(*). Cependant, malgré les réformes entreprises pour adapter les textes à la réalité sociale, la détention provisoire n'est pas sans effets, plus ou moins remarquables. Notre nous conduira à étudier ce délai dit raisonnable (section I) et ensuite nous nous pencherons sur les effets de la détention (section II).

SECTION I : LA DUREE RAISONNABLE

L'article 144-1, al. 1, code de procédure pénale dispose que la détention provisoire ne peut excéder une durée « raisonnable », au regard de la gravité des faits et de la complexité des investigations. Mais la durée peut s'expliquer par les nombreux incidents procéduraux dont l'intéressé est pour partie responsable. De cet exposé bref, il convient d'analyser la durée raisonnable par rapport à la Convention européenne des droits de l'homme (Paragraphe I) et ensuite, la jurisprudence des juridictions de fond sur ce délai (Paragraphe II).

Paragraphe I : Le délai raisonnable par rapport à la Convention européenne des droits de l'homme

S'appuyant sur la CEDH (Convention européenne des droits de l'homme), la cour a condamné la France plusieurs fois pour des durées de détention trop longues.

En effet, la convention prévoit que « toute personne arrêtée ou détenue a droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure »81(*). Dans ses décisions, la Cour de Strasbourg considère que les « raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d'avoir commis une infraction constituent une condition sine qua non du maintien en détention, mais au bout d'un certain temps, cela ne suffit plus ». La Cour apprécie si les motifs invoqués pour le maintien en détention continuent à légitimer la privation de liberté. Ces motifs doivent être « suffisants », « pertinents » et justifiés par une « diligence particulière » des autorités nationales compétentes pour la poursuite de la procédure.

Dans chaque arrêt, la Cour européenne examine l'ensemble des conditions de placement en détention provisoire (risque de pression sur les témoins, le risque de fuite, l'insuffisance du contrôle judiciaire etc .) et apprécie à partir de quand le maintien en détention ne répond plus à ces critères. C'est pourquoi, les modifications législatives intervenues en 2000 ont eu pour objet de soumettre la procédure française à ces exigences. Il n'en reste pas moins que toutes les prolongations exceptionnelles risquent encore, dans bien des cas de poser problème au regard de la jurisprudence de la Cour européenne. Son texte qui consacre le mieux la matière est l'article 5-1c selon lequel : « nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : c) lorsqu'il a été arrêté ou détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ». Si l'on élimine les soupçons qui pèsent sur la personne mise en examen, l'article 5-1c CEDH énumère deux motifs de détention, le risque de réitération de l'infraction et le risque de fuite82(*). La liste des privations de liberté (l'article 5-1) énumérée revêt un caractère exhaustif dont témoignent les mots « sauf dans les cas suivants ». Ainsi, la Cour examine la régularité et la légalité de la mesure privative de liberté. Son adoption comme son exécution doivent être conformes à la législation nationale et au but des restrictions admises par l'article 5-1 CEDH, ce qui apporte une garantie du respect au droit à la sûreté.

Bien entendu, ce texte énumère un certain nombre de cas dans lesquels la détention peut être décidée ou maintenue. De plus, l'article 5 § 3 de la convention affirme en substance le droit pour le détenu « d'être jugé dans un délai raisonnable ». Selon la Cour, la durée de la détention provisoire ne doit pas dépasser « les limites du raisonnable »83(*). L'applicabilité de la convention a conduit la chambre criminelle de la Cour de cassation à affirmer que les juridictions devaient veiller au respect de ce délai. En effet, par la loi du 30 décembre 1996, le législateur a introduit sur le modèle de la convention, l'exigence d'une détention de durée raisonnable au « regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité »84(*).

Pour une meilleure application de la procédure, la Cour de Strasbourg n'hésite pas à contrôler la durée de la détention. C'est pourquoi, dans l'affaire Wemhoff85(*), la Cour européenne justifie une détention de trois ans et demi « en raison de la nature des infractions......., et de l'extrême complexité de l'affaire ». Mais dans l'affaire Neumeister, où la détention avait durée deux ans et deux mois, la Cour a considéré que le maintien en détention a violé l'article 5 § 3, en indiquant que le danger de fuite invoqué doit s'apprécier au regard de divers éléments (gravité des faits, caractère, ressources et domicile de l'inculpé).86(*)

Cependant, au regard de la convention européenne, il faut le rappeler, l'article 144-1 CPP a été inséré par la loi du 30 décembre 1996. Cet article reprend le critère européen tel la complexité de l'affaire. En pratique l'article 144-1 précité conduit les juges à adopter une motivation plus précise que par le passé. Bien sûr, si le détenu provisoire est responsable de l'allongement de la durée de la détention, parce qu'il multiplie les incidences procéduraux, l'article 144-1 CPP ne lui sera d'aucun secours87(*). La Cour de cassation n'entend pas contrôler si la persistance de la détention provisoire est raisonnable au sens de l'article 5-3 CEDH. Elle se contente de vérifier si les décisions sont correctement motivées par référence aux dispositions de l'article 144 du code de procédure pénale. La jurisprudence de la Cour de cassation se borne, le plus souvent, à censurer les décisions qui n'ont répondu aux conclusions en ce sens du mis en examen sur le fond. Elle a tendance à dire que les moyens tirés du caractère excessif soit de pur fait soit au mieux, mélangés de fait et de droit88(*).

En revanche, la Cour européenne se montre très soucieuse. Elle a ainsi jugé que la persistance de soupçons plausibles à l'encontre du détenu ne suffit plus, à elle seule, à justifier la détention « au bout d'un certain temps » et qu'alors, le seul souci de préserver l'ordre public et d'éviter le renouvellement de l'infraction ne peut y suppléer89(*).

Quant à la procédure de saisine de la Cour européenne, on recourt à l'article 5-4 CEDH selon lequel « toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détenue a le droit d'introduire un recours devant le tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention ».

Le mis en examen n'a pas à patienter jusqu'à la fin de la détention provisoire pour saisir la Cour européenne. Il doit cependant avoir préalablement présenté des demandes de mise en liberté aux juridictions compétentes. Il est indispensable qu'il ait tenté tous les recours prévus par la loi Française à l'encontre des refus de libération provisoire. La Cour doit être saisie au plus tard dans les six mois de la cassation de la détention provisoire, qu'elle résulte d'une remise en liberté ou de la condamnation par la juridiction de jugement. Enfin, la détention provisoire d'une personne condamnée qui a fait l'appel de la sentence n'est pas prise en compte par la cour. Il convient de noter que la procédure suivie devant la Cour européenne n'entraîne pas la libération immédiate de celui qui subit une détention excessive. La Cour ne fera que condamner l'Etat fautif à des dommages intérêts. Il appartient aux autorités nationales de prendre les mesures individuelles adéquates propres à mettre un terme à la violation constatée et d'en effacer les conséquences.

En définitive, on peut dire que la situation des prévenus est anormale et inégale, en ce sens qu'une personne exécute de fait une peine qui n'a pas été prononcée.

La personne mise en détention est cependant incapable d'assurer sa défense, car elle est mise en opposition frontale et violente avec l'institution. Parce qu'elle est déjà considérée comme coupable, mais surtout, parce qu'elle n'est pas encore coupable, elle est victime.

Avec les prévenus, il est impossible de gérer la peine ni rien entreprendre, d'autant que les inscriptions scolaires, les formations professionnelles ou le travail ne sont pas possibles, puisque les détenus sont en situation d'attente et se rendent régulièrement à l'instruction.

Tout ce que la prison génère comme rupture est pour eux injuste et rien, par conséquent, ne peut se construire90(*).

La Cour européenne nous réaffirme et nous rassure que « l'existence d'indices graves de culpabilité à l'égard de l'inculpé ne justifie, à elle seule, le maintien en détention provisoire »91(*).

Si la pratique de la détention provisoire en France suscite régulièrement des critiques notamment dans ces dernières années, il est permis de penser que sa réglementation au regard du droit positif interne n'est pas moins favorable au respect de la présomption d'innocence, à la prévention de la détention et à la limitation de sa durée. Il conviendrait d'analyser la jurisprudence des juridictions de fond sur le délai raisonnable.

* 80 - Crim. 23 février 1961, B. n°119 ; crim., 30 mars 1989, B. n°154 ; crim., 8 juillet 1992, B. n°270. En cas de mandat d'amener, le point de départ de la détention est fixé à la date de l'ordonnance d'incarcération : Crim., 8 avril 1986, B. n°117, en cas de mandat d'arrêt, c'est à la date de son exécution (crim, 20 nov. 1990, B. n°393).

* 81 - Article 5-3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

* 82 -Pour la Cour de Strasbourg, cette énumération est limitative de sorte que l'article 5-1c ne saurait justifier l'arrestation et la détention provisoire d'une personne uniquement « pour se procurer auprès d'elle des renseignements sur des tiers », arrêt de Jong, Babjet et Van der Brink, 22 mai 1984, série A, n°77, P.21-22, §44 ; add. RSC. 1985, P.181 et note PETTITI.

* 83 - CEDH Letellier c/ France, 26 juin 1991, JCP 1992. 1931, note Jouve.

* 84 - Article 144-1 CPP, crim, 22 juillet 1997, 2 arrêts, B. n°277 ; 2 sept 1997, B. n°291 ; 17 sept 1997, Dr. Pén. 1997.163.

* 85 }- Arrêt du 27 juin 1968

* 86 - Arrêt du 27 juin 1968, Neumeister c/ Autruche. Dans cette affaire, la Cour européenne s'est livrée à une appréciation in concreto en mettant à la charge des autorités nationales de « veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention ne dépasse pas la limite du raisonnable ».

* 87 - Crim, 12 juin 1997, Bull. crim, n°233.

* 88 - Crim, 18 février 1986, D.1986.IR.305, obs. Pradel

* 89 - CEDH, Debboud c/ France du 9 nov. 1999, D. 2000. Somm. 180.

* 90 - Frize Nicolas : Ligue des droits de l'Homme, audition du 23 mars 2000, commission d'enquête de l'Assemblée nationale, juillet 2000.

* 91 - Arrêt Daugy c/ France du 23 mars 1999 et Richard c/ France du 12 Octobre 1999.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld