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Le discours religieux en Tunisie: L'exemple de la communauté juive

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par Sadek MTIMET
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis ( Université Al-Manar) - Master en sciences poltiques 2007
  

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B - La naturalisation française

Au cours de la période coloniale , surtout l'entre deux guerres, la Communauté juive en Tunisie a oscillé, à maintes reprises, entre l'unité et l'éclatement , en dedans ou en dehors de l'Etat colonial , entre l'impératif de la cohésion face aux éléments déstabilisants et la logique des tensions internes

Parmi les schismes importants qui ont fragilisé la Communauté juive fut celui relatif au religieux . La question du statut personnel liée à la naturalisation a été le lieu de la turbulence qui a secoué les juifs en Tunisie et a engendré des tensions au sein de la Communauté . Dans cette "marche vers l'Occident" qui a commencé par les patentes de protection, puis par l'enthousiasme suscité par l'établissement du protectorat française jusqu'au déclenchement du processus d'élaboration de la législation sur la naturalisation française entamé depuis le décret présidentiel français de 1899 jusqu'à la loi de 1923 , l'adaptation du discours religieux a été, à maintes reprises, posée avec insistance. La naturalisation touche de plein fouet un des éléments de ce discours : le statut personnel. Une autre tension interne éclate , après la promulgation de la loi du 20 décembre 1923 relative à

(1)Chalom J., op cit p 30. (2) Chalom J., op cit p. 31. (3) Chalom J., op cit p. 31

la naturalisation, c'est la question de la tunisification ou de la francisation du Grand-rabbinat. Cette tension , s'ajoutant à celle du statut personnel, reflète les crises de cette Communauté déchirée et tiraillée par une conception critique des valeurs , de la fin de l'enracinement dans l'univers théologique , de la gestion du religieux dans l'espace public et une conception holistique où le judaïsme est celui qui assure le lien entre les juifs (1)

Un débat houleux et fructif s'est engagé au sein même de la Communauté juive. Il dénote de l'existence de plusieurs discours parcourant cette collectivité . Tous s'accordaient sur le lien de connexion entre la naturalisation et le statut personnel mais se différenciaient quant à son degré et sa nature . La résolution de cette question aura des effets sur l'administration du cultuel : le grand rabbinat .

1 - La naturalisation et le statut personnel

A la question de l'adoption de la nationalité française équivaut à l'abandon du statut personnel épine dorsale de toute religion, vu que le naturalisé français sera régie dans ses rapports de statut personnel ( mariage, succession , divorce, etc.) par le droit civil français , laïc par essence, à cette question, trois discours, au sein de la Communauté juive, se sont cristallisés : un discours libéral, un discours conciliateur et un discours conservateur

a - Le discours libéral est un discours assimilationniste qui a mené en parallèle la campagne pour la naturalisation et la revendication pour l'adoption des règles du Code civil français en matière de statut personnel sur la base d'une critique de la "loi de Moïse" relative au mariage, au divorce, au lévirat et à la succession qui sont des prescriptions religieuses immuables et incapables de cohabiter avec la naturalisation .

En réalité, si le courant laïc appelle à la séparation du religieux d'avec le politique et à l'abandon du statut personnel mosaïque par l'adoption du Code civil français suite au mouvement de naturalisation, il s'ensuit nécessairement un appel à la suppression du Tribunal rabbinique . Alors , une campagne était déjà menée contre cette juridiction au lendemain de sa réorganisation par le décret beylical du 28 novembre 1898, complété par le décret du 28 mars 1922.(2)

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(1)Allagui A., "Les juifs face à la naturalisation dans le Tunis colonial", in Histoire communautaire , histoire plurielle ( la Communauté juive en Tunisie ), Actes du colloque de Tunis, Faculté des lettres de Manouba, C.P.U., 1999, p. 214. (2) J.O.T. n°27 du 5 avril 1922

Ce discours juif libéral dénonce les inconvénients de cette institution et sa raison d'être . Il propose d'échapper à toutes les justices confessionnelles (musulmane ou juive ) - car les juges ( Cadhi ou Rebbi) ignorent le droit moderne - et prône une justice laïque, capable d'appliquer le statut personnel avec impartialité et indépendance. Seules les juridictions françaises sont qualifiées pour atteindre ce but

Mais la réaction des conservateurs ne se fit pas attendre . Elle prend même le caractère de polémique, d'injure voire d'outrage de personne

b - Le discours conservateur : La frange traditionaliste de la Communauté juive en Tunisie accuse les libéraux de tous les adjectifs : " assimilés, assimilateurs, juifs honteux, renégats, intellectuels ignorants, etc. " (1). Elle accuse le groupe laïcisant de mettre en dérision la loi mosaïque , d'inquiéter les consciences et de troubler la paix religieuse

A travers son journal "L'Egalité" ( Istioua ), porte-parole de ce courant, elle s'indignait contre la levée de bouclier contre les croyances , les usages religieux et le fondement de la famille .

Les tenants du discours conservateur rappellent, tout d'abord, que personne n'est qualifié pour modifier le statut personnel mosaïque . Ils considèrent "l'adoption des règles du Code civil français , en matière de statut personnel , dangereux car la loi civile s'altère et se modifie au moindre accident alors que la loi religieuse reste d'essence intangible" (2).

Entre ces deux discours extrémistes, il existe des jugements nuancés à travers le discours réformateur qui, tout en critiquant les imperfections du tribunal rabbinique , réclamait la réorganisation et le remaniement de cette institution .

c - Le discours réformateur : Il n'était pas aussi tendre dans sa critique de la juridiction rabbinique, considérée comme archaïque. Il suggère des remèdes à l'intérieur de cette juridiction reflétant sa conception de fond du statut personnel . Il n'est pas question de rompre avec l'esprit du statut personnel mosaïque et avec le judaïsme mais d'introduire des dispositions de nature à l'adapter aux conditions nouvelles . Il part du constat que le statut personnel juif avait été conçu alors que la famille était patriarcale et que le régime de la propriété correspondait à cet état social (3) . Partant de ce constat , le régime successoral favorisant les mâles et excluant plus

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(1) Journal La Justice du 21 sep. 1923 et 21 déc. 1923 (voir les titres des éditoriaux ) cité par Allagui A., op cit p. 212 . (2) Editorial intitulé "La Digue infranchissable" de Sir Eliacher in Journal L'Egalité (Tunis) du 15 août 1923. (3) Editorial intitulé " Erreurs d'appréciation des adversaires du statut personnel " , in Journal L'Egalité Tunis du 22 octobre 1923

souvent les femmes se comprend facilement . Or, "rien dans les principes mosaïques ni dans la tradition ne s'opposait à la transformation du statut personnel" (1) . Les transformations à travers des siècles des moeurs, des mentalités et des structures socio-économiques devaient avoir pour conséquence des modifications dans les lois. La loi mosaïque, qui ne saurait échapper à cette règle d'évolution, subira naturellement les transformations adéquates à la conception du droit moderne. Le statut personnel n'a rien d'intangible et d'immuable car la loi rabbinique a un caractère évolutif et il faut qu'il "devienne matière purement civile entrant dans les possibilités humaines de la modifier à l'image de l'état social qu'elle a pour fin de réglementer". Cette réforme est " oeuvre d'évolution et non pas de révolution" (2).

Enfin, les tenants de ce discours, s'adressant aux chefs religieux, demandaient d'employer leurs efforts à introduire certains remaniements dans quelques branches parmi celles qui ne portent aucune atteinte aux principes de la religion . Il cite plusieurs exemples à savoir la Kétouba , le lévirat, etc. (3)

L'enjeu de la liaison entre la naturalisation et le statut personnel n'est pas la seule source de tension , le titulaire du grand rabbinat doit-il être indigène ou français?

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard