WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le rôle de l'Eglise dans le processus de démocratisation en République Démocratique du Congo (1990-2006) Nécessité et Perspectives

( Télécharger le fichier original )
par Jimmy MUNGALA FETA
Abomey-Calavi/ Chaire Unesco pour les droits de la personne et de la démocratie - Diplôme d'Etudes Appronfondies (DEA) 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2. La reprise en main de la situation par le pouvoir du Maréchal MOBUTU

L'impasse politique intervenue au lendemain de la clôture précipitée de la CNS fut l'oeuvre de la plupart d'acteurs politiques imbus d'esprit égoïste, d'un sens étroit et mesquin de responsabilité. Après un long et vain processus politique pour amener le Maréchal-président MOBUTU à adhérer à la volonté populaire de voir la démocratie s'installer, le pays s'est retrouvé dans un tournant de tous les dangers.

Pourtant, le peuple avait formé tous les espoirs légitimes dans la réussite de la CNS, considérée comme une victoire politique arrachée sous la direction du gouvernement d'un homme politique devenu le symbole de l'Opposition, M. Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA. En effet, ne voulant point comprendre, le régime mobutiste résista à la poussée pluraliste en réussissant « une parfaite transmutation politique »47(*) comme le note le professeur AIVO. De plus, c'était mal connaître `'l'homme à la canne et à la toque du léopard''48(*) qui, en fin stratège politique, réussira à reprendre l'initiative politique.

Précédemment, nous avons eu à évoquer le modèle exemplaire de sortie de crise du Bénin qui avait le mérite d'avoir jeté les bases d'une démocratisation même si tout le mal béninois n'était pas résorbé en un clin d'oeil. Mais, connu pour sa ruse politique, le Maréchal-président avait provoqué la stupeur et la colère dans la population. Dans son intransigeance, il refusa de s'en inspirer et ne s'empêcha pas de paralyser les institutions issues de la CNS (§1) à travers son poids dans le processus de démocratisation (§2).

Paragraphe 1: La paralysie des Institutions issues de la Conférence Nationale Souveraine

S'il est vrai que la loi est l'expression concrète de la volonté politique, il est également vrai que la référence en est le projet de société dont les institutions constituent le cadre, et l'instrument de réalisation. Mais, cette dynamique portant sur la revalorisation des institutions nationales issues de la CNS n'a pas rencontré l'adhésion du Chef de l'Etat. Il les neutralisa.

Cela dit, nous tenterons de rechercher les motivations cachées à travers, respectivement le flou entretenu sur la convocation de cet important forum(A), et, à l'occasion de la grande marche pacifique du 16 février 1992(B).

A. Le flou dans la convocation de la Conférence Nationale Souveraine

Déjà, le 20 mai 1990, au lendemain du discours historique du 24 Avril 1990 précité, les Evêques catholiques joignaient leur voix à celle majoritaire du peuple pour appeler à la tenue de cette Table Ronde qualifiée de « débat public nécessaire et incontournable à l'échelon national, afin que toutes les institutions soient soumises à une évaluation sans complaisance et à un nouvel examen (...) »49(*). Mais, au lieu de se soumettre au verdict de l'histoire, seule et unique voie de sortie qui s'imposait face à l'évidence de la faillite totale, le pouvoir multiplia des situations de blocage des travaux de la Conférence Nationale Souveraine.

Un des moments forts, pour essayer de gagner du temps, fut le flou entretenu sur la prise des ''ordonnances présidentielles'' portant convocation de ladite conférence, en ne mentionnant pas la vraie nature du forum convoqué, quant à ses compétences et à son autorité. Ces ordonnances portaient donc tantôt convocation d'une conférence constitutionnelle (cf. le texte de l'ordonnance présidentielle n°91-010 du 06 Mars 1991), tantôt d'une conférence nationale (cf. le texte de l'ordonnance présidentielle n° 91-097 du 11 Avril 1991). A la suite de ce premier essai de blocage qui donna lieu à de fortes pressions internes/externes et réactions hostiles des forces vives, sociales et politiques dont l'Opposition radicale, le Chef de l'Etat fera amende honorable en signant une autre ordonnance portant clairement `'convocation d'une conférence Nationale''50(*).

Sous la conduite de son bureau, Celle-ci-se proclama souveraine et eût mandat de produire :

- des déclarations de politique générale pour faire l'état des lieux de la Nation ;

- des dossiers sur le détournement des deniers publics et les enrichissements illicites ;

- des dossiers sur les assassinats politiques ;

- un projet de Constitution de la Troisième république ;

- un calendrier électoral.

Par ailleurs, il est important de mentionner le fait qu'à l'instar de la fronde sociopolitique qui montait déjà, celle religieuse fut également déterminante dans la délégitimation morale du pouvoir en place, au travers du nouvel espace trouvé pour accabler le régime. En effet, dans son communiqué de presse le 20 septembre 1991, Mgr Laurent MONSENGWO PASINYA dénonçait la deuxième tentative de blocage entretenu à dessein lors de la désignation des membres du Bureau provisoire et la direction des débats.

L'Eglise catholique condamnera l'usage de ces manoeuvres dilatoires avant de suspendre sa participation, la justifiant par le fait que `'l'organisation et la direction des travaux de la Conférence Nationale ne reflètent ni ne favorisent l'instauration d'une véritable démocratie''51(*). Cependant, fidèle à sa tradition de non-violence, l'Eglise, par la voix de Mgr MONSENGWO, exhorta le peuple et les hommes de bonne volonté à surmonter la crise en évitant d'imposer «des solutions politiques en dehors des voies pacifiques et démocratiques»52(*).

Après plusieurs tentatives politiques et religieuses infructueuses, l'Eglise participa à la pression politique exercée par la Société civile sur le régime. Et, dans un élan général bien orchestré par la Société civile et les politiques qui soutenaient la candidature du prélat au perchoir de la CNS, l'Eglise, forte de son influence, réussira à infléchir le pouvoir qui s'obstinait à tout prix à maintenir le statu quo d'un régime des privilèges exorbitants en perte de vitesse et luttant désespérément contre le vent du changement.

Comme dans certains Etats où un Evêque a joué un rôle prépondérant, la RD Congo, en la personne de Mgr Laurent MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kisangani, après tant d'embuches marcha sur les mêmes pas. Ainsi, au bout d'un marathon politique, le consensus a finalement triomphé et permit l'accession du Prélat, un homme connu de la scène politique nationale et internationale, un témoin et acteur attitré, à la tête de la Conférence. C'est le lieu de saluer la valeur de cet homme averti, pasteur et passionné de science qui a donné le meilleur de lui-même grâce à l'appui de toutes les forces acquises au changement pour éviter en ce temps difficile, l'irréparable qui, hélas, arrivera avec les deux guerres de libération de 1996-1997 et d'agression doublée d'une autre occupation de 1998-2003.

Dans leur ouvrage en trois tomes intitulé : « 25 ans d'épiscopat au service de la Vérité, de la Justice et la Paix. »53(*), le Père Roger GAISE et le professeur Isidore NDAYWEL ès NZIEM, historien et linguiste congolais ont consacré des pages entières sur le haut sens de responsabilité de Mgr Laurent MONSENGWO PASINYA. Pour ces auteurs, il ne peut, non seulement ignorer ces problèmes, mais il ne doit pas non plus réduire son engagement et son message à des appels génériques : Bien au contraire, il est appelé à pénétrer dans l'enchevêtrement complexe et si confus des questions sociopolitiques, en faisant toujours resplendir les grandes valeurs humaines et évangéliques de la paix, de la justice, de la solidarité, de la dignité de la personne et de la liberté.

En dépit de ses capacités notoires, doublées des talents de fin diplomate, à conduire la CNS, la crédibilité du prélat fut dans une certaine mesure entachée aux yeux de l'opinion publique (qui pourtant le soutenait) suite aux obstacles à haut risque rencontrés. En effet, dans sa stratégie de résolution des problèmes qui naissaient en plein parcours, Mgr le président de la CNS a subi très souvent des tirs croisés, affronté ennuis et blocages venant de la classe politique en général, dont les plus virulents sortaient du camp de la mouvance présidentielle et tendaient à saper son image et son travail.

Devant les enjeux ténébreux de la démarche politique du pouvoir qu'exerçait Mgr le président, d'aucuns n'ont pas craint le pire, l'attribuant à sa lourde charge, d'autres par contre, confiants mais réalistes, ont préféré mettre au grand jour leurs critiques. C'est le cas du Professeur KÄ MANA qui a clairement déclaré qu'il était happé dans « les tourbillons de la géopolitique régionaliste et tribaliste, envoûté par les sirènes de la visibilité vaniteuse que confère l'action publique, enchaîné aux tractations contradictoires où l'opportunisme des uns se module à l'aune de la mauvaise foi des autres, le prince de l'Eglise donna l'impression de danser « entre les eaux »54(*). Et, le Professeur MUDIMBE VUMBI YOKA d'ajouter de « tanguer entre les forces mobutistes sans lesquelles rien ne pouvait se faire et l'opposition, dont l'ambition était de s'emparer pour elle seule les rênes du pays »55(*). Telle fut la rude épreuve d'une diplomatie qui avait caractérisé l'exercice des fonctions de Mgr le président du Bureau de la CNS.

Ce qui expliquera notamment le fait que cet engagement de servir la cause nationale au nom de l'Eglise finira par lui faire payer le prix fort lors de la grande marche pacifique à l'appel des mouvements associatifs chrétiens catholiques pour exiger la réouverture des travaux de la CNS.

* 47 AIVO (FJ), op cit. p.365

* 48 Cette expression signifie que l'homme aimait se promener muni d'une canne et coiffé d'un chapeau à la toque du Léopard, attributs du pouvoir mobutien.

* 49COMITE PERMANENT DE LA CONFERENCE EPISCOPALE DU ZAIRE : Mémorandum au chef de l'Etat, le mal est à la racine et non en surface, in DC n°2006 du 20 mai 1990, p.511-515

* 50Cf. L'ordonnance n°61-205 du 15 juillet 1991 portant convocation de la CNS, modifiant et complétant celle n° 91-097 du 11 avril 199, version électronique, Journal officiel de la RDC, Cabinet du Président de la République, www.presidentrdc.cd

* 51Mgr Laurent MONSENGWO PASINYA, Communiqué de presse, 20 Septembre 1991, in Secrétariat Général de la Conférence épiscopale du Zaïre, le processus de démocratisation au Zaïre, Editions du Secrétariat Général CEZ, Kinshasa, 1996, p.9

* 52Déclaration radiodiffusée de Mgr MONSENGWO, in Documentation et Informations Africaines (23octobre1991), 2pages spéciales, p. 721, repris dans Zaïre-Afrique (1991) n° 259, p. 469-470, Kinshasa, 22 oct. 1991

* 53 Isidore NDAYWELL ès NZIEM & Roger GAISE NGANZIEM: 25 ANS D'EPISCOPAT AU SERVICE DE LA VERITE, LA JUSTICE ET DE LA PAIX (1980-2005), Tome I : Mgr Laurent MONSENGWO Pasteur Infatigable 604 pages, Tome II : Mgr Laurent MONSENGWO Artisan de Justice et de Paix 408 pages et Tome III : Mgr Laurent MONSENGWO Passionné de la Science 628 pages, les Editions Karthala/Paris et Mediaspaul/Kinshasa, 2008

* 54Godefroid KÄ MANA, Hommes de Dieu et gestion des élections: les Eglises appelées à sauver le Congo, in le Potentiel n° Edition 3725 du Vendredi 12 Mai 2006, www.lepotentiel.com/archives

* 55KÄ MANA, ibidem

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984