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La dignité de l'enfant

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par Pierre Leon André DIENG
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - Maà®trise en Droit 2003
  

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TITRE II - LES OBSTACLES A LA PROMOTION DE LA DIGNITE DE

L'ENFANT

Les obstacles à la pérennité de la dignité de l'enfant restent liés à des raisons dues à la précarité même de la protection (CHAPITRE I). Toutefois, l'espoir n'est pas éteint et des perspectives sont toujours trouvées ou recommandées en vue du maintien et de l'amélioration de la dignité de l'enfant (CHAPITRE II).

CHAPITRE I - LES RAISONS LIEES A LA PRECARITE DE LA

PROTECTION

Elles tiennent exclusivement à l'insuffisance des garanties internes (SECTION I) et à la portée réduite des garanties internationales (SECTION II).

SECTION I - L'INSUFFISANCE DES GARANTIES INTERNES

La société étatique peut être hiérarchisée en deux structures concernant les gouvernants et les gouvernés. Pour dire que les failles observées découlent du système politique, c'est-à-dire de la volonté politique, elle-même (Paragraphe 1) mais aussi inévitablement de l'action parallèle de la population qui réagit par un réflexe de blocage à certains actes initiés par l'Etat (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Les failles dans la volonté politique

Les pouvoirs publics ont une réaction limitée dans leur action d'élévation de la dignité de l'enfant (A). Ce qui a pour conséquence dans leur démarche, un retard dans l'uniformisation de la législation nationale aux normes internationales (B).

A - Une action limitée des pouvoirs publics

L'évolution de la situation de l'enfant au Sénégal peut être considérée, à certains égards, comme un indicateur de la politique mise en oeuvre par les autorités politiques.

La situation de l'enfant est difficile en raison de l'acuité des problèmes d'environnement. Il en découle des enjeux de lobbies. En effet sur la base d'une économie en perfusion, l'Etat s'oblige à asseoir un cadre attrayant de captation des investissements.

Or, précisément cette politique de défense des intérêts du capital amène l'Etat, non pas à réviser sa législation relative à l'enfance travailleuse mais à s'enfermer dans une politique de libération (flexibilité de l'emploi) et donc une déprotection des droits acquis de haute lutte. Le travail des enfants est une réalité au Sénégal. Pour la plupart du temps, il prend l'allure d'un apprentissage pour les enfants apprentis du secteur informel (tailleurs, aides dans les gargotes, menuisiers, mécaniciens, agriculteurs, vendeurs à la sauvette, travailleurs domestiques et la ·professionnalisation· de la mendicité des talibés).

Or, nous l'avons déjà vu, la formation professionnelle et l'apprentissage sont régis par les articles L 73 et L 76 du nouveau code du travail sénégalais. Une réglementation que bafouent les employeurs de maison ou des micro-entreprises à taille réduite du secteur informel. Pour leur défense à l'accusation d'exploitation de la main-d'oeuvre fragile enfantine, ils avancent que le principe veut que celui qui postule à être formé consente également à prendre en charge les frais de sa formation.

Or, tel n'est pas le cas pour les enfants apprenants à qui ils assurent la gratuité de la formation pour diverses raisons. Par conséquent, la rémunération faible et modeste est amplement justifiée par une sorte de système de compensation. Plus encore, ils invoquent les moyens réduits de l'Etat qui ne peut satisfaire à toutes les demandes en formation. Il semble que cet argument ne soit pas aussi faux d'autant que l'Etat manifeste peu d'empressement à mettre un terme à cette situation. La réaction de l'Etat irait même dans le sens de compromettre la politique d'attrait des investissements étrangers qui cherchent à s'implanter pour maximiser ses profits dans les pays où la main-d'oeuvre servile est corvéable, déprotégée et faiblement syndiquée.

En outre d'autres causes liées à la faiblesse de la réaction de l'Etat recoupent les phénomènes sociaux de paupérisation, de déperdition scolaire, la non scolarisation, la démission des parents et les résistances de certaines mentalités qui considèrent que ·l'obligation· de l'enfant est d'obéir et d'assurer la relève pour le bien-être commun de la famille, comme lui-même a eu à en bénéficier. Ainsi, les raisons qui mènent les enfants sur les chemins du labeur sont multiples. La crise économique et son corollaire la pauvreté font leur lit et déclenchent les formes les plus extrêmes et perverses de désoeuvrement pour les enfants sans revenus ou laissés à eux-mêmes. C'est le début de la prostitution enfantine qui se modernise avec l'outil informatique et le téléphone portable. Cette prostitution déguisée et clandestine prend des proportions inquiétantes d'autant que la population juvénile reste la couche la plus touchée par le VIH-SIDA au Sénégal.

A côté, on assiste, fréquemment à des mariages forcés dont certains cachent mal leur caractère de pédophilie (surtout en zones rurales et religieuses), d'autres pour étouffer les cas de grossesses indésirables ou pour taire des actes d'inceste. Le nombre inquiétant de filles-mères abandonnées ou poussées à l'avortement clandestin ou acculées à l'infanticide est en nette recrudescence. Leur arrestation et incarcération les conduisent à la découverte de l'univers carcéral. Très souvent à leur élargissement, elles peinent à se trouver un travail et c'est le cycle du proxénétisme et de la prostitution.

Pour ce qui relève de l'enfance délinquante, le législateur démontre son inconséquence dans la logique d'assurer une protection judiciaire à l'enfant.

En effet, il est inconcevable que l'enfant puisse être placé dans les liens de la prévention, de la garde à vue provisoire dans une maison d'arrêt en cas de crime présumé et à la suite d'une audition du juge d'instruction. Or, il ne fait plus de doute que la personne de l'enfant est, et demeure, considérée comme pénalement irresponsable conformément à l'article 40-3 de la CIDE. Malheureusement dans la pratique, durant l'instruction et les poursuites, les contacts avec les structures chargées de faire respecter la loi sont émaillées de privations, menaces, bastonnades, brimades, vexations et tortures.

Par ailleurs contrairement au but de la réforme initiée par la loi n° 77-64 du 26 mai 1977 9(*) qui ajoute un 3ème alinéa à l'article 121 COCC, le législateur a engagé, systématiquement, la responsabilité civile de l'enfant. Or, la volonté première était l'indemnisation de la victime de l'enfant et la mise en oeuvre des articles 130 et 139 COCC. Mais pour le législateur sénégalais, l'art de mal légiférer et de rester statique dans l'erreur a été consacré en règle de vertu et en principe. Une conséquence imprévisible en résulte. L'enfant, pour qui on prétendait vouloir faire bénéficier un régime de protection plus favorable, voit en définitive sa responsabilité civile beaucoup plus facilement engagée que celle du majeur. En effet de l'adulte on exige la commission d'un acte moral et d'un acte matériel qui consomment la faute et réalise le dommage. A l'égard de l'enfant, il n'est retenu, pour l'avenir, que la faute objective tirée de l'accomplissement d'un fait matériel illicite.

Et si ses parents sont insolvables, il risque de se retrouver criblé de dettes à sa majorité pour un acte dont il n'aura, certainement, plus aucun souvenir.

Le personnel spécialisé dans l'enfance ne bénéficie pas souvent d'une formation pointue et d'une assistance lui permettant de faire face dans tous les milieux où l'enfant est menacé. A cela s'ajoutent des sources de démotivation légitimes du personnel judiciaire, des structures d'éducation ou de rééducation surveillée du fait que l'Etat rechigne à octroyer les moyens subséquents pour une bonne prise en charge pérenne de la dignité de l'enfant, même si l'article 607 CPP pose la mise sur pied d'une brigade spéciale de protection des enfants en danger avec pour mission préventive supplémentaire, le dépistage de tous les endroits réputés dangereux pour l'enfant.

Les failles dans l'action des pouvoirs publics sont complétées par le retard dans l'uniformisation de la législation nationale avec les normes internationales.

B - Un retard dans l'uniformisation des textes

Le Sénégal a ratifié la plupart des textes internationaux sur les droits de l'enfant. Si l'acte, en lui-même, est louable pour l'effort diligenté par rapport à certains pays, il n'en reste pas moins qu'il est insuffisamment lacunaire.

En effet, des distorsions et inadaptations existent entre les conventions internationales et la législation nationale relative à l'enfant.

On peut relever qu'en matière de filiation, tous les enfants ne jouissent pas des mêmes droits. On trouve une parfaite illustration dans le mode d'établissement de la filiation naturelle paternelle qui doit nécessairement se faire par une reconnaissance du père. L'article 196 CF interdit la recherche de paternité naturelle, laquelle n'est admise, suivant l'article 211 CF, que si le présumé père a procédé ou fait procéder au baptême de l'enfant ou lui a donné un prénom. Ce qui équivaut à une reconnaissance implicite du père naturel de sa paternité. Mais l'enfant qui n'est pas reconnu est privé de tous les droits attachés à la filiation paternelle naturelle et son acte d'état-civil portera la mention ·père inconnu·. C'est le sort identique qui est réservé à l'enfant issu d'un inceste, dont interdiction expresse est faite à son père de le reconnaître.

L'illogisme du législateur est à son comble car, paradoxalement, il concède à l'enfant le droit de disposer d'une action alimentaire : l'action en indication de paternité lui permet juste d'obtenir de celui qui sera indiqué comme son père mais ne lui permet nullement d'établir la filiation paternelle (art. 215 CF).

Par conséquent, il est grand temps que la législation familiale du Sénégal se conforme aux articles 7 et 8 de la CIDE en établissant judiciairement la paternité naturelle à la suite d'une recherche de paternité.

Dans ce même registre en France, l'enfant né de la technique de la procréation médicalement assistée est contraint à subir une fausse paternité ou une fausse maternité(don d'ovules) car il lui est imposé l'anonymat de son véritable auteur. Ainsi l'enfant, dans l'ignorance de son véritable auteur, est privé du droit prévu à l'article 7 de la CIDE. Sa dignité s'en ressent dans sa vie psychique et psycho-émotionnelle.

On ne peut comprendre pourquoi le législateur fait repose sur les enfants l'irresponsabilité des adultes en leur refusant une même égalité dans les droits qui leur sont reconnus. C'est à ce propos qu'il faut lire le régime discriminatoire des successions.

En matière successorale, un traitement de privilège de masculinité est réservé à l'enfant légitime de sexe masculin au détriment de la fille et de l'enfant naturel (article 637 CF). Cette disposition est en déphasage avec le principe même d'égalité de tous les citoyens posé dans la constitution sénégalaise, a fortiori elle viole les textes internationaux signés et ratifiés par le Sénégal.

D'un autre côté, l'enfant naturel subit cette même ségrégation discriminatoire vis-à-vis de l'enfant légitime. Il convient de rappeler que ses droits successoraux sont, en théorie, égaux avec ceux de l'enfant légitime (art. 533 CF). Mais cette proclamation est réduite à sa plus simple expression par l'article 534 CF qui exige, en premier lieu, que la vocation héréditaire de l'enfant naturel est subordonnée à l'établissement de la preuve de sa filiation.

En second lieu, il faut que la filiation maternelle naturelle fasse l'objet d'une indication du nom de la mère sur l'acte de naissance ( art. 190 CF). Le droit français ne connaît pas cette exigence d'indication du nom de la mère sur l'acte de naissance. Cette seconde exigence explique la raison pour laquelle l'article 533 alinéa 1er parle de « filiation maternelle juridiquement établie ».

En troisième lieu, le montant et la quotité des droits successoraux dépendent de l'acquiescement de la ou des épouses de l'auteur de la reconnaissance de l'enfant naturel (art. 534 CF). Si l'épouse de l'auteur consent, l'enfant naturel aura les mêmes droits que l'enfant légitime. Comment demander à une épouse trompée ou non d'accorder à l'enfant extra-conjugal de son mari les mêmes droits successoraux que son propre enfant né dans le mariage ?

Le législateur semble attiser et affectionner particulièrement les rivalités féminines. A défaut d'acquiescement, l'enfant naturel ne recueille que la moitié de la part successorale d'un enfant légitime, le surplus étant dévolu aux héritiers légitimes. Il est prévisible que le non acquiescement du conjoint de l'auteur de la reconnaissance accroît la part successorale de ses enfants légitimes. Par suite, le principe de l'égalité successorale est une belle preuve d'hypocrisie du législateur sénégalais, discrimination qui heurte l'article 2 de la CIDE. On sanctionne l'enfant naturel pour le seul fait de son existence hors des normes du mariage.

Cette attitude du législateur est une remarque que lui a admonesté le droit musulman avec lequel il s'est complu dans de larges compromissions, au détriment de la dignité de l'enfant. Le législateur a consacré une inégalité flagrante entre les enfants sur la base du droit musulman. Or, la référence à la religion est interdite par la constitution (art. 4 alinéa 1er) et le principe laïc des lois de la République. Et de surcroît, l'enfant naturel ne peut succéder comme héritier à son père ; il n'est qu'un légataire (art. 220 alinéa 2 CF). Le légataire est le bénéficiaire d'un legs. Le legs est une transmission de tout ou partie des biens du testateur ; et la condition pour que l'enfant naturel soit déclaré légataire, il faut une reconnaissance par écrit de son père. Même la reconnaissance implicite de l'article 211 CF ne change pas son statut d'enfant naturel. Ses droits en tant que légataire sont limités : il ne peut pas exercer l'action à fin d'égalité ou l'action à fin de réduction qui lui permettraient de recouvrer la part successorale que la loi lui attribue. Il ne pourra pas non plus demander le maintien dans l'indivision (art. 462 CF), ni l'attribution préférentielle des biens (art. 476 CF). L'article 521 alinéa 1er CF lui refuse la possibilité de représenter ses père ou mère et l'article 533 CF interdit à l'enfant naturel d'hériter de ses frères et soeurs légitimes, pas plus des autres parents. Cette discrimination a fait dire à Madame le Professeur Amsatou Sow SIDIBE que : « Il en est ainsi de la situation de l'enfant naturel qui n'a pas à choisir à naître et ne saurait être condamné à subir les tares d'une situation qu'il n'a pas créée. Il est inadmissible que l'homme qui a conçu l'enfant hors mariage ne supporte pas les conséquences de son acte » 1(*)0. Elle est confortée par les Professeurs Ndiaw DIOUF et Isaac Yankhoba NDIAYE qui n'ont pas manqué de servir un piquant persiflage au législateur sénégalais en affirmant : « L'article 534 consacre une responsabilité bien singulière : celle de l'enfant du fait de son père » 1(*)1.

Au pénal, il est proclamé que l'enfant âgé de 13 ans ne peut, en aucune façon, être condamné à une peine par le tribunal pour enfants (art. 583 CPP). Mais on sait que la peine de l'enfant est la moitié de celle prévue pour les adultes (articles 52 et 53 CP), ce qui est en porte à faux avec l'esprit de l'article 40 in fine de la CIDE. Cette disposition stipule que l'Etat doit établir un âge minimum à partir duquel les enfants sont présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale et étant entendu qu'il serait souhaitable de ne pas recourir à la procédure judiciaire à leur égard.

La même situation prévaut aussi dans le cas des enfants handicapés. Il n'existe, en réalité, aucune législation d'ensemble consacrée aux enfants handicapés. Les autorités publiques ne semblent pas avoir une politique globale en la matière mais plutôt une action de pis aller qui trahit manifestement l'esprit et la lettre de l'article 23 de la CIDE.

Il y a également lieu de souligner que si le législateur a prévu une réhabilitation judiciaire de l'enfant, celle-ci n'intervient que d'office ou à la requête du ministère public après l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la décision frappant l'enfant, même si entretemps, ce dernier atteint la majorité.

De ce point de vue, il serait de bonne justice de réviser les textes et d'offrir à l'enfant ou à ses représentants légaux la possibilité d'introduire l'action en réhabilitation et de ne plus la décerner à l'appréciation souveraine du seul ministère public.

Tout aussi est contestable l'exclusion de l'enfant du champ politique en violation de la loi constitutionnelle (art. 3 alinéa 3) alors qu'on lui reconnaît, parallèlement, le libre arbitre de consentir à certains actes, notamment de délivrer son opinion dès l'âge de 15 ans sur tout projet d'adoption émis sur sa personne (art. 231 CF) et pour son mariage par l'effet d'émancipation (art. 108 CF). Et même, il peut être entendu par le juge ou le conseil de famille à titre consultatif dans une affaire le concernant. Dans le même temps, on l'utilise pour des parades médiatisées dans des manifestations politiques, notamment la journée du parlement des enfants. On ne comprend pas dès lors la déclaration d'inaptitude à participer à l'action politique qui le frappe, même si l'interdiction de l'exercice de responsabilités politiques est compréhensible. Il n'en demeure pas pour autant que c'est une violation des articles 12 et 13 de la CIDE.

Ces quelques éléments, loin d'être exhaustifs, nous permettent d'apprécier le degré d'incohérence du législateur sénégalais dans sa politique en faveur de l'enfance.

En partie cette incohérence recoupe et s'explique par les pesanteurs sociologiques qui sont autant de blocages intrinsèques à la population, elle-même.

* 9 J.O.R.S. 18 juin 1977. 736.

* 10 A. S. SIDIBE · Le pluralisme juridique en Afrique, l'exemple du droit successoral sénégalais·, NEA, 1991, p. 92.

* 11 Ndiaw DIOUF et Isaac Yankhoba NDIAYE « Législation comparée, Sénégal, Fascicule 2 : Régimes matrimoniaux, successions, libéralités », 8, 1996.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand