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La compatibilité entre le concept de propriété intellectuelle et la shari'a

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par Léo Fradet
Université de Poitiers - Master 2 professionnel en droit des affaires mention techniques de l'information et de la communication 2011
  

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Chapitre I. La justification du droit de propriété intellectuelle par les règles régissant le droit de la propriété de la Shari'a.

La question posée dans ce chapitre est la suivante : y a-t-il dans la Shari'a des règles qui puissent justifier que l'on octroie un droit de propriété sur un actif intangible ?

Pour répondre à cette question il est tout d'abord nécessaire de présenter le droit de la propriété en droit musulman. L'Islam autorise les croyants à s'enrichir et ne fait pas l'apologie de la pauvreté. Par contre le comportement de celui qui a fait fortune se doit d'être vertueux. Par exemple, il doit payer l'impôt religieux et faire l'aumône aux pauvres. Pour Heba Raslan52, l'accumulation des biens est possible sans limite de quantité. Par contre, elle est conditionnée à la licéité de cette accumulation ce qui nécessite la légalité des sources de l'enrichissement. Abraheem Abdulla Muhmmed Al-Marzouqi 53 présente les deux méthodes licites d'enrichissement qui sont le travail et le commerce. Les prêts à intérêt, ou al-Ribd, par exemple, sont interdits par la Shari'a :

« Al-Ribd is defined by the Holy Quran as a squandering of others' property in vanity, wrong; and it is an unjust practice which, if people do not give it up, they are warned of war against them from Allah and His Messenger. » 54

Ainsi, l'enrichissement personnel est autorisé par l'Islam. Mais il faut respecter les règles qui encadrent cet enrichissement. Dans le présent chapitre seront étudiés les biens susceptibles d'appropriation dans une section I, puis, dans une Section II, les méthodes d'acquisition des biens autorisés par la Shari'a.

Section I. Le droit de propriété en droit musulman.

Le droit de propriété est donc défini et conditionné par le droit musulman. C'est un droit sacré auquel il ne faut pas porter atteinte, même dans l'hypothèse où le bien appartiendrait à un non musulman. En effet, la propriété n'existe pas vraiment

52

Voir supra, note 25.

53

Voir note supra 35.

54

Voir note supra 35.

Page 301, dernier §.

Traduction : « l' Al-Ribd est considéré dans le Coran comme la dilapidation des biens d'autrui par vanité, et donc comme étant mauvais ; c'est une méthode injuste et, si elle n'est pas abandonnée, ceux qui la pratiquent subiront les foudres de Dieu et de son messager ».

au sens de la Shari'a. Le bien est plutôt donné en usufruit à la personne qui en a la jouissance. Pour Abraheem Abdulla Muhmmed Al-Marzouqi55, la personne est le « trustee » 56 de Dieu, et reçoit ses biens directement d'Allah :

« According to the Holy Quran people are considered to be Allah's trustees in His wealth ". . spend of that where He hath made you trustees"; H.Q.LVII.7; in order to satisfy their needs and, on the other hand, to maintain social justice both in gaining and spending wealth according to His Law. » 57

Ainsi, l'homme (en général et pas seulement les croyants58) reçoit ses biens de Dieu qui en est le propriétaire et qui place sa confiance en lui. L'homme doit ensuite en faire un usage conforme aux règles divines afin que la société dans son ensemble en bénéficie.

Cependant, toutes les choses ne sont susceptibles de faire l'objet d'un droit de propriété, et il est important pour la question qui nous occupe que les oeuvres de l'esprit le soient. Ainsi, en (I), il sera étudié dans quelle mesure un bien incorporel peut faire l'objet d'un droit de propriété intellectuelle. Ensuite, en (II), il sera entrepris une démonstration a contrario grâce à l'analogie entre le vol et la contrefaçon en droit musulman.

55

Voir note supra 35.

56 Le trust est un contrat anglais dans lequel une personne cède des biens à une autre, le « trustee », qui doit les gérer au bénéfice d'une troisième personne, le bénéficiaire.

57 Page 290, §1.

Traduction : « En conformité avec le Saint Coran, les hommes sont considérés comme étant les

« trustee » de ce qui appartient à Dieu « use de ce qu'Il a mis en ta possession » ; H.Q.LVII.7;dans le but de satisfaire leurs besoins mais aussi de maintenir la justice sociale en s'enrichissant et en dépensant en accord avec Sa Loi ».

58

Voir supra, note 25.

Page 522: « in Islam, property rights are acknowledged to Muslims and non-Muslims without discrimination. »; Traduction : « dans l'Islam, le droit de propriété est reconnu aux musulmans et aux non musulmans sans discrimination ».

I. Le debat sur le caractère physique ou non des biens appropriables au sens de la Shari'a.

Il existe un desaccord entre les differentes ecoles doctrinales concernant ce qui est appropriable ou non en droit musulman. Il existe quatre grandes ecoles sunnites : les Hanafites, les Mâlekites, les Chafiite, et les Hanbalite59.

Seule la première ecole, les Hanafites, s'oppose à ce qu'il puisse exister un droit de propriete sur des choses intangibles. Pour cette ecole doctrinale, seul ce qui est tangible, perceptible par les cinq sens, peut faire l'objet d'un droit de propriété. Heba A. Raslan explique60 leur opinion et leur vision de ce qui peut être « Mal », autrement dit ce qui peut faire l'objet d'un droit de propriété :

« This is primarily the result of a disagreement about the proper criterion for what could be considered mal or money. One school, the Hanafis, consider «physical possession,» or Heiaza, as the only acceptable criterion for Mal. They accept only tangibles as Mal and eventually property, and admit intangibles, or Manfa'a, as Mal only if they become the subject of a contract. » 61

Le Mufti Taqi Usmani, membre de « l'International Shariah Standard Council », explique ce refus de l'intangible dans son Fiqh62 du 5 novembre 200963 par l'absence de précédent dans la Shari'a.

59 Ces quatre écoles juridiques font partie de la branche Sunnite de l'Islam. Les zones d'influence des differentes ecoles sont les suivantes.

Les Hanafites : dans les Balkans, en Turquie, dans les republiques Caucasiennes, en Afghanistan, au Pakistan et dans le sous-continent Indien.

Les Mâlekites : au Maghreb, en Afrique de l'Ouest et autour du golfe du Niger.

Les Chafiites : en Afrique de l'Est, dans la région des grands lacs, en Syrie, au Yemen, dans les Emirats Arabes Unis, en Malaisie, en Indonesie, au Brunei et aux Philippines.

Les Hanbalites : en Arabie Saoudite.

Ces quatre ecoles coexistent avec les six ecoles juridiques du Chiisme : Duodecimain, Ismaelien, Alaouite, Druze, Alevi, Zaydite.

Source : Buresi, Pascal. Histoire de l'Islam. La documentation Française, dossier n°8058, juillet août 2007.

60 Voir supra, note 25.

61 Page 516, dernier §.

Traduction : « C'est à l'origine le résultat d'un désaccord concernant le bon critère déterminant ce qui appartient au Mal, ou argent. Une école, les Hanafites, considèrent que « la possession physique », ou Heiaza, comme le seul critère acceptable pour le Mal. Ils acceptent uniquement ce qui est tangible en tant que Mal et éventuellement en tant que bien, et ils n'admettent ce qui est intangible, ou Manfa'a, comme Mal seulement s'il a été l'objet d'un contrat ».

62 Le Fiqh est un avis juridique.

« They contend that there is no precedent in the Holy Qur'an, in Sunna or in the juristic views of the Muslim jurists where an intangible object has been subjected to private ownership or to sale and purchase. » 64

Cependant, son avis est au contraire qu'il n'y a rien dans la Shari'a qui s'oppose à ce qu'une chose intangible soit l'objet d'un droit de propriété, et même des droits sur des choses intangibles existent dans la Shari'a et peuvent faire l'objet de transactions financières65.

Heba A. Raslan partage elle aussi l'avis des trois autres écoles sunnites, qui elles acceptent le concept de propriété intellectuelle. Leur raisonnement prend en compte l'utilité et la valeur des actifs incorporels. La population trouvant une utilité dans les actifs incorporels, ces derniers acquièrent ainsi une valeur marchande et deviennent donc Mal. Dans son article sur la propriété intellectuelle et la Shari'a elle l'explique ainsi :

« The three remaining schools, the Malki, the Shafie, and the Hanbali all agree that the proper criterion should be «usefulness.» Thus, these schools accept both tangibles and intangibles as property. They believe that anything that is useful for people will become of value for them and will become the subject of their dealings. They refer to the importance of resorting to prevailing customs or Urf to determine what is considered useful and valuable in society. It follows then, that the majority of scholars accept intangibles as property. » 66

63

Mufti Taqi Usmani. Copyright according to Shari'a. Site central-mosque.com [en ligne] URL:

http://www.central-mosque.com/fiqh/Copyright.htm

64 Traduction: « Ils affirment qu'il n'y a aucun précèdent dans le Saint Coran, dans la Sunna ou dans la doctrine des juristes musulmans où une chose intangible a été l'objet de propriété privée, de vente ou d'achat ».

65« |T]here is no express provision in the Holy Qur'an or in the Sunna which restricts the ownership to the tangible objects only.

There are several intangible rights accepted and maintained by the Shariah, and there are several instances where such intangible rights have been transferred to others for some monetary considerations. »

Traduction: «Il n'y a aucune disposition expresse du Saint Coran ou dans la Sunna qui restreigne la propriété aux seules choses tangibles.

Il y a plusieurs droits incorporels acceptés et maintenus par la Shari'a, et il y a plusieurs cas dans lesquels de tels droits incorporels ont été transférés à d'autres avec une contrepartie financière ». 66 Page 517, §1.

Traduction: « Les trois autres écoles, les Malki, les Shafie, et les Hanbali, sont toutes d'accord pour que le critère pris en compte devrait être « l'utilité ». Ainsi, ces écoles reconnaissent un droit de

Ainsi, la majorité des auteurs considère que les biens incorporels peuvent être soumis à un droit de propriété car ils acquièrent de la valeur du fait de leur utilité. Il est donc bénéfique pour la société qu'il y ait un droit de propriété sur ces actifs car ils seront l'objet d'échanges au sein de la population. Néanmoins, ce droit de propriété ne devra en aucune manière mener à un acte proscrit par la Shari'a.

Ce droit de propriété pourrait aussi être démontré a contrario par une analogie entre le vol et la contrefaçon. Cependant ce rapprochement semble être moins évident.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault