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Gestion locale des marchés public et service public local: le cas communal

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par Ikram El Qaouti
Université Mohammed V des sciences juridiques économiques et sociales , (Maroc) Rabat Agdal - DESA en droit public 2009
  

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Section deuxième :

Théorie de la commande publique communale : effets sur le fonctionnement du service public

Une bonne prestation du service public communal géré directement par la commune, dépend, dans une large mesure, des achats publics qui lui sont destinés. De ce fait, la prestation, objet du marché public conclu par la commune, doit être utile et profitable, c'est-à-dire ; être une « bonne » prestation:

· Une bonne prestation est celle qui répond au meilleur rapport coût/qualité.

· Une bonne prestation est celle qui est fournie au moment opportun.

· Une bonne prestation est le résultat d'une décision prise par un agent ou un organe responsable et responsabilisé.

· Au sens de la décentralisation, dans le « local », une bonne prestation est celle qui résulte d'une décision prise selon le procédé délibératif par des agents ou des organes autonomes qui représentent la population de laquelle ils tiennent leur mandat.

L'objet de la présente section est d'analyser comment la tutelle directe et indirecte peuvent-elles agir sur la qualité de l'achat public communal ; cette qualité qui agit, de la manière la plus directe, sur celle de la capacité du service public communal à répondre convenablement à la demande sociale.

Sous-section première :

Incidences de La tutelle d'opportunité :

L'exercice d'une tutelle d'opportunité sur les marchés communaux n'est pas sans conséquences sur les facteurs déterminant la « bonne » ou la « mauvaise » qualité de la prestation destinée au service public communal, qui, à son tour, détermine la qualité de la prestation qu'attend l'usager dudit service.

A. Les incidences sur le facteur temps :

Pour qu'un marché public communal, préfectoral ou provincial, régional, lancé par un établissement public ou par un ministère...passe à l'étape de son exécution, il doit nécessairement passer par un ensemble d'étapes procédurales ; ce qui fait que la procédure de sa passation est déjà longue. Quand cette longueur de la procédure s'associe au temps qu'il faut pour contrôler l'opportunité de l'acte, il n'est plus seulement question d'une procédure longue, mais la lenteur et la lourdeur s'y associent.

Le service public est une activité par définition ; une activité par principe égalitariste, neutre, continue, et adaptée aux besoins des citoyens ; ainsi qu'aux mutations que connaît la société. La continuité et l'adaptabilité du service public exigent la fourniture de la bonne prestation au bon moment :

· Une bonne prestation en termes de temps est une prestation complète qui évite à l'usager du service public des va et vient.

· le bon moment c'est le moment da sa demande (mises à part les prestations qui en raison de leur nature ou de leur contenu nécessitent des procédures particulières).

- Exemple : Supposant qu'une commune lance un marché d'étude pour la réalisation d'un projet d'informatisation des données dans un service public qu'elle gère directement, et que ce marché constitue une nécessité absolue dans la mesure ou l'informatisation de ces données ; fera gagner au citoyen local du temps et de l'argent.

Ce marché étant passé par des étapes procédurales indispensables à sa passation pendant des semaines, le titulaire est choisi, c'est lui qui propose la meilleure offre, celle qui est économiquement la plus avantageuse et qui correspond le plus au besoin exprimé par le maitre d'ouvrage. Les parties au contrat sont donc en accord sur le contenu du contrat, suite aux délibérations du conseil, l'exécutif communal procède à la signature.

L'aboutissement du processus de la passation du marché à la signature contrat donne lieu au déclenchement de la procédure de contrôle qui commence par le contrôle de la régularité par le receveur, ce contrôle dure cinq jours180(*). Si le receveur refuse de donner son visa, et mis à part le cas d'indisponibilité de crédit, l'acte du marché public fera l'objet de toute une procédure qui prendra tout le temps qui lui faut (aucun délai n'est fixé par le législateur).

Ainsi, l'ordonnateur devra adresser une demande au ministre de l'intérieur, celui-ci décide de la « proposition de l'engagement » (comme le stipule clairement le législateur dans l'article 5 du décret relatif au contrôle des engagements de dépenses des collectivités locales précité), et ce, après visa du deuxième tuteur des finances des collectivités locales du royaume, notamment le ministre des finances. Si ce dernier refuse de donner son visa, l'acte doit être soumis au premier ministre.

Une fois l'acte est arrivée entre les mains du ministre de l'intérieur, une question d'extrême importance se pose ; existe-il un délai ?

Ni la charte communale, ni les textes régissant les finances des collectivités locales ne fixent un délai pour l'exercice de ce contrôle d'opportunité par le ministre de l'intérieur, le seul délai qui existe est celui qui concerne les arrêtés réglementaires181(*) (le délai est de 30 jours pour le visa central (les communes urbaines) et de 15 jours pour le visa préfectoral ou provincial (les communes rurales). A défaut de décision dans ces délais l'arrêté est réputé approuvé.

Donc, l'informatisation des données dans le service public communal qui ne peut être faite que suite à un marché d'étude préalable ne verra le jour que dans les mois à venir. Une fois l'étude réalisée, la commune lancera l'appel d'offres en vue d'attribuer le marché d'informatisation au soumissionnaire qui présente la meilleure offre, et bien évidemment le marché fera l'objet d'un contrôle d'opportunité avant qu'il soit valable et exécutoire.

De ce fait, un marché conclu dans une perspective de gain de temps pourrait bien faire perdre du temps, à la commune et au service public et à l'usager, voire même au cocontractant de la personne publique.

Le retard qu'engendre le procédé du contrôle d'opportunité affecte considérablement l'esprit d'entreprise qu'a le cocontractant de la collectivité décentralisée, celui-ci vit dans les milieux d'affaires ; des milieux où le temps coûte de l'argent, des milieux d'action ; et qui dit action dit simplicité et utilisation de moyens et procédés pratiques.

Quand l'entrepreneur, le fournisseur ou le prestataire de services conclut un marché public avec la commune, sans que ce contrat ait la force exécutoire des actes administratifs dès sa conclusion, c'est qu'il doit attendre son approbation, ou son annulation le cas échéant.

Cet intervalle de temps qui existe entre la conclusion du marché par l'autorité communale et son exécution ; est un temps perdu pour le cocontractant, celui-ci se voit titulaire d'un marché sans pour autant avoir le doit de procéder à l'exécution. Il a donc la charge de veiller sur la prestation qui est à ses risques et périls.

Le retard causé par la tutelle d'opportunité peut engendrer de grands risques pour les petites et moyennes entreprises qui cherchent à s'intégrer dans les marchés de l'Etat. Avec des ressources et des moyens limités, ces entreprises ont besoin de la continuité associé à un rapport équilibré entre l'investissement temporel dans les charges et les rentrées d'argent.

B. Les incidences sur le facteur qualité (de la décision):

Les relations de fins et de moyens qu'entretient la prestation offerte par le service public avec celle qui lui est destinée pour assurer son fonctionnement ; fait que les rapports tant juridiques, que pratiques qui les lient ne sont pas de simples rapports d'un besoin prouvé avec le moyen matériel qui le satisfait. Un marché public qui offre une bonne prestation au service public permet à celui-ci de fournir, à son tour une bonne prestation au citoyen, et l'Etat marocain n'a décentraliser la gestion de l'affaire locale que pour servir convenablement, et avec efficacité les intérêts du citoyen local.

Donc, ce sont les intérêts locaux et conséquemment la qualité de vie du citoyen local qui est affectée si le service public local produit une prestation de mauvaise qualité à cause d'une décision de marché public qui n'est pas « la bonne ». 

La qualité d'une décision de marché public peut être affectée par le détournement des fonds, par le manque de connaissances techniques des intervenants..., mais quand sa qualité risque d'être affectée par le même régime institué, en principe, pour que l'achat public soit le moyen d'avoir un service public capable de répondre convenablement aux demandes de ses bénéficiaires ; la situation s'avère délicate.

Le contrôle d'opportunité peut agir sur la qualité de la décision du marché public communal, et selon différentes manières, les plus marquantes peuvent être regroupées comme suit :

- Il s'agit d'abord des aléas que portent la tutelle d'opportunité et leurs conséquences. Il est question de savoir comment la tutelle peut agir sur le psychique de l'élu communal durant le processus de l'élaboration de la décision ; depuis la définition préalable des besoins jusqu'à l'attribution du marché.

- Un autre point marquant dans l'élaboration psychologique de la décision, il s'agit de la problématique de responsabilisation et son corollaire la confiance et ses agissements sur le mental de l'élu communal.

- Tout aussi important la tutelle d'opportunité risque même d'agir sur le cout de l'achat public.

1. Les aléas de la tutelle et leurs conséquences :

Le marché communal ne peut avoir la force exécutoire qu'après son approbation par le ministre de l'intérieur ou son délégué, son exécution reste donc aléatoire jusqu'à ce que l'autorité de tutelle prenne sa décision. Si le ministre de l'intérieur désapprouve le marché et rend nulle la décision de l'autorité communale, c'est qu'il décide de ne pas fournir au service public la prestation dont il a besoin.

Le problème qui se pose est que non seulement cette annulation entrave le bon fonctionnement du service public communal ; en décidant à la place de l'élu ce qui sert l'intérêt local de ce qui ne le sert pas. La tutelle et les aléas qu'elle porte vont plus loin ; et agissent sur le psychique de l'élu, et ce, tout au long du processus de l'élaboration de la décision.

L'élu local qui participe à chacune des étapes procédurales par laquelle passe un marché public ; sait parfaitement bien que le marché risque de ne pas être exécutoire parce qu'une autorité supérieure détient le pouvoir de l'annuler.

Quand il prend ou participe à la prise de décision dont il connaît le caractère aléatoire, douteux et incertain de son exécution : Fournira-t-il l'effort psychique de réflexion et de raisonnement ? L'effort physique de déplacement et d'investigation, ou encore l'effort de s'intéresser aux nouveautés de la sphère économique comme s'il était sûr de la force exécutoire de la décision ?

Surement pas, un étudiant qui prépare un examen qu'il risque de ne pas passer ; ne va certainement pas fournir le même effort comme s'il était sûr de le passer. Il en est de même pour un responsable dans une entreprise qui prend une décision relevant normalement de sa compétence ; mais conditionnée à l'approbation par une autorité supérieure, la qualité de la décision serait certainement affectée ; les théoriciens et praticiens du management le confirment.

2. La non responsabilisation de l'élu et ses conséquences :

Toujours dans le cadre de l'élaboration psychologique de la décision, la qualité de celle-ci peut être affectée par un autre facteur qu'est la question de responsabilisation  et son corollaire la confiance.

La tutelle d'opportunité traite l'élu communal comme étant un agent incapable de prendre la bonne décision, cette incapacité rappelle la tutelle sur l'incapable en matière civile ; qui, en raison de d'âge ou de démence... ne dispose pas des facultés mentales qui lui permettent de décider de son sort. Donc les raisons sont valables pour le considérer juridiquement et socialement incapable.

Alors que dans le cas dans l'élu communal, déjà son statut en tant qu'élu présume qu'il est juridiquement et socialement capable de gérer la localité qu'il représente ; et donc apte à décider de la conclusion de marchés publics pour le compte des services publics destinés à servir les intérêts de la population de laquelle il tient son mandat.

Quand le législateur soumet les décisions communales à l'autorité de tutelle, c'est qu'il y'a un paradoxe ; ce représentant est élu parce que la population locale a confiance en ses capacités, et le fait que la loi conditionne l'exécution des actes qu'il conclu à la volonté du ministre de l'intérieur donne à réfléchir :

Soit le législateur n'a pas confiance en lui et donc dans le principe de représentativité dans son ensemble, soit qu'il ne le considère pas assez responsable pour décider du « bon » placement des deniers publics. Ou peut-être qu'il estime que les autorités élues ne disposent pas des moyens psychiques, intellectuels et techniques pour savoir si le marché présente un intérêt certain pour le fonctionnement du service public communal.

A ce propos, le sénateur français Lionel de Tinguy s'est prononcé en 1979 « parler de tutelle à l'égard des collectivités locales, c'est dire qu'on les regarde comme des mineurs juridiquement incapables de prendre par elles-mêmes des décisions définitives. Seul l'accord d'une personne qui leur est étrangère, qui est supposée avoir un jugement plus sûr que le mineur, valide leurs décisions. »182(*)

C. Les incidences sur le coût de la prestation:

La tutelle affecte la qualité de la décision du marché public communal, le temps de son exécution, mais ce n'est pas tout, la prestation pourrait aussi se voire subir les conséquences de ce procédé de contrôle du point de vue « coût ».

L'entrepreneur, fournisseur ou prestataire de services qui propose son offre, est conscient qu'il peut être engagé dans une procédure longue, lente et lourde. Pour éviter l'atteinte à ses intérêts que le retard dans l'exécution du marché ou son annulation risquent d'engendrer, le candidat pourrait inclure ces considérations dans la formulation de l'offre ; il peut ainsi proposer un prix excessif. De ce fait, le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse serait le choix de l'offre qui réalise un minimum d'équilibre entre la qualité et le coût de la prestation.

Sous-section deuxième :

La tutelle indirecte : quelles répercussions ?

Comme la tutelle directe, les interventions indirectes des autorités centrales dans la passation des marchés publics communaux risquent de se répercuter négativement sur la prestation destinée au service public communal.

* 180 « L'agent chargé du contrôle dispose d'un délai de cinq jours ouvrables francs, à compter du dépôt de la proposition d'engagement pour donner son visa, le refuser ou faire connaître ses observations. Article 4 du décret n°2-76-577 du 5 chaoual 1396 (30 septembre 1976) relatif au contrôle des engagements de dépenses des collectivités locales et de leurs groupements. (B.O n° 3335-bis du 1er octobre 1976.P. 1070)

* 181 Il s'agit des arrêtés fixant les taux des taxes, les tarifs des redevances et droits ainsi que les arrêtés pris en matière de police administrative (article 47, al 2 et l'article 50 de la charte communale)

* 182 Rapport sur le projet de loi pour le développement des responsabilités locales, JO, Sénat, n°4006, t. I, p.39. Cité in F. Luchaire, Y. Luchaire, le droit de la décentralisation, op-cite .P.187.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus