WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'ordre public pénal et les pouvoirs privés économiques

( Télécharger le fichier original )
par Joseph KAMGA
Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 recherche en droit économique 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2- La protection d'acteurs faibles.

Les pouvoirs privés économiques s'adressent aux divers acteurs de taille et d'importances variées. Ils s'adressent en premiers aux destinataires de leurs prestations : les consommateurs (§1). Ils s'adressent en second lieu aux divers investisseurs (§2).

§1- La protection des consommateurs.

Les consommateurs sont pour les pouvoirs privés économiques ce que sont les contribuables pour les pouvoirs publics. Le postulat économique est celui de la « souveraineté du consommateur », ce qui en substance n'est que de l'affichage51. Mais ne disposant pas formellement de prérogatives de prélèvement autoritaire que l'on attache aux caractères de l'impôt, les pouvoirs privés économiques vont avoir recours aux mécanismes d'incitation à la consommation. C'est ainsi que l'essentiel de leur budget est consacré à la publicité et au marketing en tout genre destinés à susciter l'adhésion des consommateurs à leurs produits. En un mot, ils créent des besoins de consommation.

Mais ces procédés sont régulés pour éviter toute dérive, tout abus. Car les abus ne manquent pas. Le consommateur étant un acteur fragile et faible du droit économique, il n'est pas excessif de le comparer à un enfant émerveillé par tout ce qui lui est proposé, étourdi par la multitude des produits et la rutilance de leur présentation, anesthésié par l'envie de posséder tout ce qui lui est offert52. Mal ou non informé, le consommateur se procurera des denrées ou des services inadéquats, voire complètement inutiles. Le meilleur moyen de lui faire garder raison est de l'informer correctement : il n'y a de vrai consentement que parfaitement éclairé. À cet effet, le droit pénal vient au secours du Code de la consommation en sanctionnant les abus portant atteinte à l'obligation positive d'informer et surtout l'obligation négative de ne pas mal informer.

Cette obligation d'informer est d'autant plus importante que le cadre contractuel tel que le voulaient les rédacteurs du Code civil n'est plus substantiellement le mrme. Les contrats de consommation ont de nos jours tous les caractères d'un règlement administratif. Véritables contrats d'adhésion, les consommateurs ne font qu'adhérer aux conditions préfixées par les prestataires sans aucun pouvoir de renégociation des clauses. C'est pour

52 W. JEANDIDIER, op. cit., p 471.

prévenir tout abus que le droit pénal punit d'amendes dissuasives les pratiques de nature à vicier le consentement du consommateur53. C'est le mrme souci qui anime le législateur quand il sanctionne l'inobservation de l'obligation de ne pas mal informer. Car ce n'est pas tout d'informer le consommateur, il faut en outre le faire correctement et surtout ne pas lui nuire.

C'est par une loi du 3 janvier 2008 « pour le développement de la concurrence au service des consommateurs», dite loi Chatel, transposant la directive 2005/29/ CE du 11 mai 2005, modifiant ainsi les articles L 121-1 et suivants du Code de la consommation que le législateur a sévi pour assainir les pratiques publicitaires des pouvoirs privés économiques. Aussi dans la même logique, la loi du 4 Août 2008 dite « loi LME » vient de créer une série de pratiques commerciales trompeuses. Ces deux textes ont pour conséquence d'élargir le champ de la répression pénale et constitue une protection accrue pour le consommateur contre les pratiques abusives.

Le résultat de ces deux textes en est que le délit de publicité mensongère disparaît au profit d'une incrimination plus vaste. L'expression « publicité fausse ou de nature à induire en erreur » disparaît pour une incrimination plus vaste : les « pratiques commerciales trompeuses». La loi nouvelle opère une distinction entre deux manières de tromper : celle résultant d'une action (article L121-1, I) et celle consécutive à une omission (article L121-1, II).

Dans la première catégorie on retrouve trois types d'infractions trompeuses : celles qui créent une confusion avec un autre bien ou service, celles qui reposent sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et celles où la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable. La seconde est constituée par l'omission ou la dissimulation d'informations essentielles. Autrement dit, aujourd'hui comme par le passé, l'acte incriminé continue de pouvoir être constitué, au premier chef, par une publicité, même si, en outre, l'incrimination peut s'étendre à d'autres pratiques. Le délit de pratiques commerciales trompeuses reste une infraction non intentionnelle, constituée par une imprudence ou négligence, sans qu'une volonté de tromper soit requise. À la suite de l'article L. 121-1 du Code de la consommation qui définit les pratiques commerciales trompeuses, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a créé un article L. 121-1-1 du Code de la consommation décrivant vingt-deux situations constituant des présomptions de telles pratiques. Sont visés, notamment, le fait

53 Art. L.214-2, al.1 du Code de consommation

d'afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire, le fait de déclarer faussement qu'un produit ou un service ne sera disponible que pendant une période très limitée ou qu'il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une période très limitée afin d'obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d'une possibilité ou d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause, le fait d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard ou encore le fait d'affirmer, dans le cadre d'une pratique commerciale, qu'un concours est organisé ou qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable. Toutes ces interdictions visent à restaurer la morale et le sens de la responsabilité dans l'activité spéculative en tant que celle-ci a comme levier le consommateur.

Dans la même logique protectrice du consommateur, l'incrimination de l'abus de faiblesse a pour objectif de protéger le consommateur des abus des pouvoirs privés économiques. Ainsi, s'appropriant l'incrimination de l'article 223-15-2 du Code pénal54, le code de la consommation punit sévèrement l'abus de faiblesse : « Quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 9 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement , lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte »55.

On constate que la répression pénale par des peines d'emprisonnement est à la mesure de l'ampleur des abus dont se rendent régulièrement coupables certains pouvoirs privés économiques. La répression pénale de ces abus est l'expression, à n'en point douter, d'un

54Cf., (Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 art. 20 Journal Officiel du 13 juin 2001)

Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables. Lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750000 euros d'amende..

55 Pour une application jurisprudentielle, Crim., 1er Fév. 2000, Gaz. Pal. N° 217, pp. 18-19

encadrement répressif des pouvoirs privés économiques. Même si la portée territoriale de l'incrimination est un signe de l'essoufflement du droit pénal dans une économie de plus en plus mondialisée. Mais la loi pénale reste le dernier rempart contre les atteintes à la confiance, plate-forme sur laquelle repose le marché et en particulier l'investissement.

§ 2- La protection des investisseurs.

Les personnes morales sont des instruments privilégiés de l'économie en ce sens qu'elles mobilisent l'épargne et l'investissement. L'importance du phénomène de mobilisation du capital, qui semble irréversible au regard de la concentration croissante des entreprises, est l'emblème même des pouvoirs privés économiques. En effet, la liberté de constitution et de fonctionnement des sociétés a permis de mobiliser l'épargne des particuliers au service de la grande entreprise56. L'épargne ainsi mobilisée a permis la croissance des entreprises et provoqué des changements tant qualitatifs que quantitatifs dans la gestion des entreprises. C'est ainsi que certains actionnaires, contrôlaires, ont accaparés la gestion de l'entreprise disposant de toutes les prérogatives de propriétaire. C'est pour cela qu'on a pu parler de véritables pouvoirs privés économiques disposant d'un pouvoir de décision unilatéral comparable à celui de la puissance publique.

Gestionnaires attitrés du patrimoine d'autrui, les pouvoirs privés économiques représentent un risque réel pour les épargnants. C'est pour cela que le droit pénal s'est intéressé à eux, notamment en réprimant les abus de marché. En effet, la prolifération des entreprises sous forme de réseau et la propension des sociétés autonomes à s'intégrer dans les groupes de sociétés ne facilitent pas la protection des épargnants par le droit commun du marché. C'est à cette fin que le législateur a entendu doter de sanctions répressives les règles de formation, de fonctionnement, de financement et de dissolution du droit des sociétés, mais surtout la diffusion de fausses informations aux investisseurs et la manipulation des cours boursiers par les initiés. Bien que décrié par une doctrine dominante et les milieux d'affaires, il ne faudrait pas perdre de vue l'objectif de ces incriminations. Le législateur a entendu parer par la dissuasion pénale toute tentative de fraude préjudiciable aux épargnants, ici apporteurs en sociétés ou obligataires.

56 L. Boy, Droit économique, 1ère éd.2002. L'Hermès, p. 101

Le législateur américain a eu recourir pendant longtemps à la sanction pénale pour répondre à la tromperie des investisseurs57. De même, en 2002, afin de restaurer la confiance des investisseurs après la débkcle d'Enron, le Congrès des Etats-Unis a adopté la loi Sarbanex-Oxley (SOX) qui s'applique à toutes les sociétés cotées en bourse aux États-Unis. Cette loi punit de lourdes peines de prison la présentation de comptes frauduleux en prévoyant jusqu'à 20 ans d'emprisonnement dans certains cas.

C'est ainsi qu'en garantissant la transparence dans la constitution, le fonctionnement, le financement et même la dissolution des entreprises, le droit pénal se présente comme le gage de la confiance58 et l'instrument ultime dont disposent les pouvoirs publics pour faire en sorte que le marché ne soit pas une jungle. Au cours des dernières années, de nombreux crimes à col blanc ont eu lieu dans le monde des affaires et les montants des fraudes se sont avérés très importants, se chiffrant en termes de milliards de dollars. Tous ces crimes nuisent à l'efficacité des marchés financiers et rendent les investisseurs plus craintifs. À un certain moment, on croyait que les fraudes dans le cadre des entreprises d'envergure internationale étaient limitées à l'Amérique du Nord, avec d'énormes scandales tels qu'Enron, Worldcom et Nortel. Certains dirigeants obnubilés par le pouvoir et la richesse manipulent les chiffres comptables pour embellir les états financiers de leurs entreprises, sans penser aux conséquences désastreuses à long terme pour les investisseurs. Sans une dissuasion répressive, les épargnants ne seraient jamais à l'abri de tels scandales dont le plus récent est celui du financier Bernard MADOFF59.

Ces développements attestent que les pouvoirs privés économiques, quelles que soient leurs formes, groupes de sociétés ou entreprises multinationales représentent des risques potentiels pour les investisseurs. La preuve en est donnée par le comportement de certains dirigeants qui se rendent coupables des délits d'initié en utilisant les informations privilégiées

57 C'est ainsi qu'en réponse au crash boursier de 1929 et à la grande crise qui s'ensuivait, le congrès américain a adopté la première loi relative aux titres immobiliers : le securities act de 1935

58C. FRIED, Libéralisme et droit pénal, In « Les enjeux de la pénalisation de la vie économique » sous la direction d'A.-M. FRISON-ROCHE, Dalloz 1997, p. 101. Pour le professeur de la Harvard Law school, la confiance est le sol fertile sur lequel le marché prospère, permet l'accumulation de la richesse et assure la promotion des conditions de son échange. La loi garantit la confiance parce qu'elle est la plate-forme sur laquelle repose le marché. Et l'utilisation de la coercition, afin d'assurer les conditions de la liberté ne contrevient pas à la liberté, mais le sert en mrme temps qu'elle est requise par elle.

59 L'escroquerie dont le financier Bernard MADOFF est accusé aurait coûté entre 25 et 50 milliards de dollars à ses clients. Des investisseurs parmi les plus riches et puissants de la planète auraient été dupés, pendant des années parfois, par le gérant financier le plus en vue de New York, est accusé d'avoir mis en place une gigantesque fraude pyramidale. Il a été condamné à 150 ans d'emprisonnement ferme en instance le 29 juin 2009. Il a écopé de la peine maximale.

pour faire prévaloir leurs intérêts personnels sur ceux des épargnants60. L'article L. 465-3 du Code monétaire et financier stipule que les personnes morales peuvent être aussi déclarées responsables pénalement de délit d'initié dans les conditions prévues par l'article 12 1-2 du Code pénal. Les affaires en cours tout comme celles définitivement jugées témoignent de l'importance de la protection pénale des épargnants61. Le droit pénal est une fois de plus l'ultime voire l'unique gage de la transparence et de la confiance dans les marchés financiers et de OE mobilisation de l'épargne populaire au service de la grande entreprise.

Ces enjeux justifient à suffisance que le domaine d'encadrement répressif des pouvoirs privés économiques soit judicieusement défini.

60 Voir art. L. 465-1 du Code monétaire et financier « est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 500 000 € dont le montant peut rtre porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement réalisé sans que l'amende puisse rtre inférieure à ce mrme profit pour les dirigeants d'une société mentionnée à l'article L 225-109 du Code de commerce, et pour les autres personnes disposant à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions d'informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations... »

61 Un exemple d'affaire en cours, celle dans laquelle certains dirigeants de AEDS sont poursuivis pour « délit d'initié recel de délit d'initié et diffusion d'informations fausses trompeuses au marchés financiers ». Il convient aussi de citer l'affaire Péchiney pour illustrer ce risque pour les investisseurs.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry