WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA

( Télécharger le fichier original )
par Narcisse Ekwelle Ekane
Université de Dschang-Cameroun - D.E.A. (Diplôme d'Etudes Approfondies) 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

ABSTRACT

Holder of a share in a public limited company and reflecting as such the idea of an entrepreneur, of an economic partner, a shareholder constitute the lender of last resort to the enterprise hence favours it economic development. He takes the ultimate risk of the enterprise but finds himself more often at the centre of a conflict of interest found within commercial companies. Whence the necessity to create a frame of protection for this promoter of development. But of which protection are we talking about? At the moment we assist at a debate on the opportunity of decriminalizing within the business domain, our task was to highlight as much as possible all the legal instruments placed at the disposal of the shareholders permitting them to assure the sovereignty of their rights and prerogatives at the civil field where ever its may be, precisely during general meetings and against suspicious management and control acts. On this sense, there is need to define the civil protection as a body of legal means permitting the acknowledgement, the defense or the safe guard of rights, individual or collective by means of an action in justice in non repressive matters. A series of affluent major matters flows. Where should shareholders rights be protected? How does the OHADA legislation ensures the interest of these economic partners on the civil plan? At times issued of crisis of trust orchestrated by financial scandals the protective regulations, are they really efficient? To be more precise, it's about appreciating if these measures can have an influence on the choice of investing or not in a company situated in the OHADA space and in what sense an increase or a reduction of this protection can be necessary.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1

Le regroupement des Etats africains dans le cadre des politiques concertées est désormais le gage de leur essor économique dans un contexte fortement marqué par la mondialisation de l'économie. L'Afrique, en effet, a beaucoup de difficultés à amorcer son développement. L'image qu'elle projette d'elle-même sur ce plan n'est pas du tout reluisante : ((continent en détresse » ; ((continent sous perfusion»; (( faillite et naufrage » d'un continent 1; bref, les images sombres sont si nombreuses que certains observateurs anglo-saxons2 ont pu suggérer une nouvelle représentation de la terre en quatre continents.

Ces difficultés ne sont pas une fatalité heureusement, et c'est alors qu'un certains nombre d'Etats africains multiplient sans cesse les moyens susceptibles d'assurer le développement du continent. Aussi ont-ils, dans cette optique, choisi comme cadre d'action la concertation, appelant aux mouvements d'intégration régionale3. Les efforts d'intégration économique, depuis les indépendances4, ont donc été faits à l'aune de la recherche d'une véritable compétitivité. Mais il semble que, pour pousser à l'extrême point de son raffinement l'intégration économique, elle doive être nécessairement accompagnée d'une véritable intégration juridique, matérialisée par une oeuvre préalable d'uniformisation ou d'harmonisation juridique voire judiciaire.

Ainsi, et à l'instar des Etats occidentaux, l'Afrique s'aligne aux tendances actuelles de rapprochement des législations -provoquées par la mondialisation de l'économie - à l'effet de conforter cette intégration économique. Yves GUYON le disait déjà, (( Ce n'est en effet un secret pour personne que si le droit n'est pas une condition suffisante du développement, il en est une condition nécessaire ».5Il faut souligner cependant que l'idée même de création d'un cadre juridique commun des Etats africains, notamment ceux de la zone franc n'a rien de contemporain. Tout juste après les indépendances, en effet, des tentatives d'intégration juridique initiées par

1 ZADI KESSY (M.), Culture africaine et gestion de l'entreprise moderne, édition CEDA, 1998, p.5.

2 Notamment des observateurs américains et certains du Japon.

3 TIGER (PH.), Le droit des affaires en Afrique, PUF, p.3.

4 La plupart des Etats africains accèdent à la souveraineté nationale et internationale à partir des années 1960, et leur gouvernement tente déjà de trouver quelques actions concertées de développement. 4 GUYON (Y.), <<Conclusion », in Petites affiches, 13 octobre 2004, n°205, p.59.

5 GUYON (Y.), <<Conclusion », in Petites affiches, 13 octobre 2004, n°205, p.59.

lesdits États n'ont malheureusement pas connu un succès retentissant à la hauteur des attentes6.

La création en 1993 de l'OHADA7 matérialise sans aucun doute l'intégration juridique la plus significative en Afrique des temps modernes. L'Organisation, expression d'une politique décidée 8 par les Etats africains de la zone franc à Port-Louis le 17 octobre 1993, constitue une avancée formidable pour le droit africain et le développement du continent9. Elle présente de prime abord un double intérêt ; elle est un regroupement de 16 pays principalement d'Afrique francophone10, d'une part et d'autre part, elle est aussi un traité conclu entre ces pays. Elle vise ainsi à renforcer l'attractivité des pays membres, à favoriser l'émergence d'une Communauté économique africaine et à soutenir le progrès économique et social dans un contexte où la globalisation des marchés appelle audace, dynamisme, sécurisation et amélioration du climat d'investissement.

Véritable révolution, le traité OHADA réalise une avancée certaine dans les efforts d'intégration juridique des pays de la zone franc naguère sous l'influence des législations étrangères.

Droit du bon sens11, le traité OHADA a de nobles objectifs qui, au surplus, ont vocation à offrir aux entrepreneurs de la zone franc une sécurité juridique et judiciaire pour un environnement propice à la pratique des affaires. Le traité ambitionne de renforcer 12 le système juridique des Etats membres en créant un cadre juridique commun, simple, moderne et adapté à la conduite des affaires, essentiel pour le développement économique et social du continent dans son ensemble 13. Il faut préciser que, droit conquérant14, en constante évolution, l'OHADA transcende les frontières étatiques et ne s'adresse pas exclusivement aux pays de la zone franc, mais bien à « un cadre africain plus large », selon l'expression même du traité.

6 Ce fut précisément le cas de l'Union africaine et malgache (UAM) dissoute en 1964, et remplacée par l'Organisation commune et malgache (OCAM). On a pu expliquer cet échec par la taille de ces mouvements d'intégration indéfiniment plus étroites, confinées pour la plupart soit à la création d'une plate forme juridique dans un secteur précis (banques, assurances...), soit à la création de cette plate forme dans un domaine restreint à une région ou sous-région ( UDEAC, UEMOA...).

7 Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.

8 POUGOUE (P.-G), ANOUKAHA (F.), NGEUBOU TOUKAM (J.), CISSE (A.), DIOUF (N.), SAMB (M.) , Le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique OHADA. Bruylant, Bruxelles, 2002, avant propos de Jacques David.

9 MARTOR (B.), et THOUVENOT (S.), << L'uniformisation du droit des affaires en Afrique par l'OHADA », in Semaine Juridique n°44, 28 octobre 2004, n°1, p.5

10 PAILLUSSEAU (J.), << Le droit de l'OHADA -un droit très important et original », in Semaine Juridique n°44, 28 octobre 2004, n°1, p.1

11 GUYON (Y.), <<conclusion », in Petites affiches, Op. Cit. , n°4, p.60.

12 Article 1er du traité OHADA.

13 MARTOR (B.), et THOUVENOT (B.), Op. Cit., n°1, p.5.

14 ANOUKAHA (F.), << L'OHADA en marche », in Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Tome 6, PUA, 2002, n°3, p.2.

3

L'Institution vise ainsi à harmoniser le droit des pays membres. Mais plus qu'une harmonisation, il s'agit en réalité d'une unification 15du droit des affaires desdits pays, qui se traduit par l'adoption concertée des textes appelés « Actes Uniformes »16, lesquels s'imposent aux législations nationales antérieures et postérieures des Etats membres. L'étendue du traité justifie dans ces conditions l'importance des Actes Uniformes consacrés17, eux-mêmes embrassant plusieurs domaines18du droit des affaires au rang desquels se trouve en bonne place le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique.

Le dessein primordial du législateur OHADA étant de favoriser l'investissement, il n'est guère permis de douter que le moyen le plus approprié pour le réaliser est la société commerciale, indépendamment de sa forme. Mais quelle forme sociétaire sied à l'activité économique envisagée ? Le législateur communautaire met à la disposition de l'entrepreneur, via l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, une mosaïque de formes sociétaires oscillant entre les sociétés de personnes, les sociétés de capitaux et, une forme hybride appelée société à responsabilité limitée19. Les sociétés de capitaux, néanmoins fortement conseillées lorsque les investissements sont d'une importance considérable et, la société anonyme restée l'unique société de capitaux après la disparition de la société en commandite par actions 20, est considérée par une doctrine majoritaire comme un « merveilleux instrument de capitalisme moderne » 21. C'est pourquoi nous limiterons notre étude à ses acteurs.

Mais la succession des crises financières et les incertitudes que reflète le débat récurrent sur la pertinence des normes comptables, et surtout la recherche du mode idéal de gouvernance des sociétés placent l'actionnaire au centre d'un débat économique et juridique fondamental. Ce dernier, dans une société cotée, est en effet

15 PAILLUSSEAU (J.), Op. Cit. n°4, p.2.

16 TIGER (PH.), Op. cit., p.5.

17 Acte Uniforme relatif au droit commercial général ; Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ; Acte Uniforme portant organisation des sûretés ; Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ; Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ...

18 Droit commercial général ; droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ; droit des sûretés ; procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ; procédures collectives d'apurement du passif ; droit de l'arbitrage ; l'organisation et l'harmonisation de la comptabilité des entreprises ; les contrats de transport de marchandises par route.

19 Il s'agit là des sociétés dites légales, auxquelles il faut ajouter celle dites anormales ou illégales, telles que la Société en participation, la Société de fait et la Société créée de fait.

20 Sous l'ancienne législation sur les sociétés commerciales, il existait deux sociétés par actions: la S.A et la SCA. L'avènement de l'OHADA vient mettre un terme à la vie des SCA et ne consacre que la SA comme l'unique société de capitaux.

21 RIPERT (G.), Aspects juridiques du capitalisme moderne, Paris LGDJ, 1951, réédition LGDJ 1992, N°42, P.98 et S. / repris par GUYON (Y.), NGOMO (Fl.), POUGOUE (P.-G.), ANOUKAHA (F.), NGUEBOU (J.) et bien d'autres.

en droit de savoir de quelles protections il dispose lorsqu'il investit. Ce qui n'est pas toujours le cas, compte tenu de la complexité croissante du droit applicable. D'où la nécessité d'une évolution vers plus de transparence, la rentabilité de la société commerciale étant largement fonction de sa crédibilité parce que sa gestion est ((saine, transparente, et responsable »22. Qui plus est, la vie en (( société », en raison sans doute des immenses capitaux qui y sont investis, et de la pléthore d'intérêts en présence -qui se posent en s'opposant-, se révèle n'être pas une sinécure. Par voie de conséquence, la société ne sera réellement attrayante que si les différents protagonistes, précisément les opérateurs économiques, sont persuadés de la sauvegarde de leurs intérêts. Le droit OHADA s'efforce donc de les protéger.

C'est précisément à ce niveau que l'Acte Uniforme, entré en vigueur le 1er janvier 1998 et abrogeant un texte qui a plus d'un siècle23 , trouve la plénitude de sa consécration, en s'inscrivant ainsi dans la philosophie de l'OHADA. Ce texte contient ainsi des dispositions destinées à renforcer les droits et pouvoirs des actionnaires sans cesse sous le coup d'une menace. Pour se faire, il a retenu à l'actif de ses importantes innovations, un ensemble de mesures protectrices d'intérêts apparaissant disséminées, variées et nombreuses dans le nouveau droit24 , mais qui procèdent somme toute d'un même objectif : le maintien, à tout le moins, le rétablissement de l'équilibre rompu ou susceptible de l'être au sein de la société commerciale. Plus récemment, un vent soufflant de l'atlantique a fait pénétrer en Afrique la notion de (( corporate governance » c'est- à- dire le gouvernement d'entreprise, dont le but est de restaurer l'actionnaire dans son pouvoir suprême au détriment du management, par un droit de regard accentué.

Il s'agit en clair pour le législateur OHADA, au moment où on assiste à un débat sur l'opportunité d'une dépénalisation dans le domaine des affaires, de mettre à la disposition des actionnaires des instruments juridiques leur permettant d'assurer le respect de leurs droits25 et prérogatives sur un terrain purement civil, à l'aune des incartades souvent observées dans la société anonyme. Et, c'est avec une profusion de détails que l'Acte Uniforme réglemente les différentes actions susceptibles d'être mises en exergue par les actionnaires au nombre desquelles, les actions de nature civile et dans une certaine mesure les actions civiles. D'où le choix de notre

22 POUGOUE (P.-G.), « L'impact de l'Acte Uniforme de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE sur le contrôle et le développement des entreprises locales. », in Juridis Périodique, N°66, Avril- mai-juin 2006, p.107.s.

23 Loi française du 24 juillet 1867 sur les sociétés par actions.

24 MEUKE (Y.B), « L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : réflexion sur l'expertise de gestion. », w.w.w.ohada.com. 25 Aux titres d'actionnaires, l'Acte uniforme attache divers droits dits pécuniaires et extra pécuniaires. V. POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 151-161, p. 66-71

25 Aux titres d'actionnaires, l'Acte uniforme attache divers droits dits pécuniaires et extra pécuniaires. V. POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 151-161, p. 66-71

5

thème : << La protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA. >>. Des précisions importantes méritent d'être apportées sur les termes de ce thème afin d'éviter tout imbroglio.

Tout d'abord, l'expression <<protection>> renvoie à la sécurisation, à la régularisation, à l'assainissement des intérêts patrimoniaux ou extrapatrimoniaux des associés, des actionnaires. Elle désigne selon un vocabulaire juridique26, une précaution qui, répondant au besoin de celui ou de ce qu'elle couvre et correspondant en général à un devoir pour celui qui l'assure, consiste à prémunir une personne ou un bien contre un risque, à garantir sa sécurité, son intégrité par des moyens juridiques ou matériels. Par <<protection >>, il faut donc entendre la protection juridique, soit l'ensemble des moyens de droit permettant la reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits individuels ou collectifs.

Ensuite, le terme <<civil>> du latin civilis et, dans son acception large, est synonyme de privé par opposition à pénal, ou à public27.

Enfin et quant au terme << actionnaires >>, il désigne le titulaire d'une action de capitaux28, et reflète l'idée d'entrepreneur, de partenaire économique. De façon générale, c'est un associé29, c'est -à -dire un participant à la société qui prend le nom d'actionnaire 30 dans la société anonyme bien que les avis soient partagés en la matière31. Il est donc celui qui a fait un apport, 32et qui manifeste la volonté de s'unir, c'est -à -dire de satisfaire aux exigences du critère normal déterminé par la doctrine: l'affectio societatis. Bref, l'actionnaire est celui au profit de qui est créée la société commerciale.

Dans ce sens, il convient de définir la <<protection civile >> comme l'ensemble des moyens de droit permettant la reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits individuels ou collectifs par le truchement d'une action en justice en matière non répressive.

26 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, quatrige, PUF, 1987.

27 Exemple : les juridictions civiles englobent les juridictions commerciales et/ou prud'homales par opposition aux juridictions répressives et administratives.

28 GUILLIEN (R.), VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, 13e édition, Paris, Dalloz, 2001.p.20.

29 HOUIN (R.), RODIERE (R.), Droit commercial, cours élémentaire -droit - économie, Tome 1, 5e édition, n°299, p.181.

30 ANOUKAHA (F.), Cours de droit des sociétés commerciales et G.I.E OHADA, Uds, année universitaire 2004/2005, inédit.

31 Une partie de la doctrine (RIPERT et ROBLOT) s'insurge en effet contre l'assimilation de l'actionnaire à l'associé car n'étant pas lié à la société par un contrat mais par la détention d'un titre négociable ; en revanche une autre partie (MERLE) affirme qu'il s'agit bel et bien d'un associé ; D'autres encore (VIANDIER) estiment que l'actionnaire est à la fois un associé à part entière et un associé entièrement à part. Nous retenons pour notre part qu'il s'agit bien d'un associé.

32 Art. 4 AUSC.

Nous ne pouvons passer sous silence la notion de « société anonyme » qui dans ce contexte, fait référence à cette forme sociétaire dans laquelle les associés disparaissent derrière les capitaux qu'ils mettent à la disposition de la société. Ce qui justifie de plus en plus l'idée de leur sécurisation. Seule nous intéressera la société anonyme pluripersonnelle dans le cadre de cette étude.

Ainsi précisé et délimité, une série d'interrogations majeures affluent. faut-il assurer les droits des actionnaires ? Comment le législateur OHADA, par

l'entremise du droit des sociétés commerciales parvient-il à sauvegarder les intérêts des actionnaires au regard des immenses capitaux investis dans la société commerciale sur le terrain civil ? Souvent issues de crises de confiance engendrées par des scandales financiers, les réglementations protectrices sont-elles vraiment efficaces ? Plus précisément, il s'agira d'apprécier si ces mesures peuvent avoir une influence sur le choix d'investir ou non dans une société située dans l'espace OHADA et dans quelle optique un accroissement ou une réduction de la protection peut être nécessaire.

Eu égard à l'ancienne législation et à la mondialisation de l'économie, les instruments juridiques sécurisateurs des actionnaires ont été foncièrement aménagés. Pour assurer l'effectivité de ces différentes mesures, il a fallu les assortir de sanctions diverses. Sur le plan civil, plusieurs mesures ont progressivement gagné du terrain en matière de sociétés : inopposabilité de certains actes aux actionnaires mais surtout, nullités diverses et responsabilité civile des dirigeants, des associés et des tiers. Le législateur communautaire a ainsi apporté d'importants réaménagements et innovations. Le régime des nullités a été reprécisé33 ; les responsabilités ont été renforcées et de nouvelles mesures consacrées. Ce qui est de nature à donner plus de confiance aux actionnaires. Dans ces conditions, on comprend tout l'intérêt qu'il y a à traiter ce sujet.

Il peut sembler assez naïf de consacrer un travail à la protection des actionnaires dans l'espace OHADA: l'ensemble du droit des sociétés commerciales n'est-il pas essentiellement consacré à cette fin? La réponse est évidemment positive. Il peut sembler intéressant, pourtant d'examiner spécialement un certain nombre de règles et d'institutions qui répondent plus directement encore, et presqu'exclusivement, au désir de protection des intéressés par le législateur communautaire. La question de la protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA peut donc regorger divers intérêts, scientifiques et pratiques, riches et enrichissants.

33 Pour une étude générale des nullités en droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, voir mémoire de DEA, option droit des affaires de KALLA BILLE Ernest, Université de Douala, année académique 2005- 2006.

7

Tout d'abord sur le plan théorique, l'étude nous permettra d'apporter une contribution à l'appréciation des dispositions légales dans l'espace OHADA, au sujet de la protection des actionnaires sur le plan civil, question de parvenir à une amélioration éventuelle du système de sécurité des intéressés. Il s'agit de leur assurer une certaine garantie et engouement afin de vaincre leur passivité dans la défense de leurs intérêts en proie de plus en plus à la superbe des forts, mais aussi à la tyrannie

des faibles, dans un contexte de capitalisme et de libéralisme économique et social la recherche du profit reste la préoccupation majeure quelque soit le moyen

employé . Il est enfin question de mener une étude dont les développements pourront favoriser l'implantation des notions de bonne gouvernance et de transparence dans la gestion des sociétés.

Sur le plan pratique, cette protection est nécessaire dans la mesure où, par les insuffisances et mérites qui seront relevés au terme de notre étude, le regard des investisseurs aussi bien de la zone OHADA que d'autres espaces va profondément changer dans un sens favorable. Car, ces derniers sont à la recherche de structures juridiques qui assurent la pérennité de l'entreprise et sa fiabilité. De la sorte, le législateur communautaire trouvera sans doute matière à réforme pour une plus grande protection des actionnaires ; à tout le moins, parce que protéger les actionnaires, c'est protéger l'épargne. Aussi, une sécurisation efficace de l'épargne entraîne-t-elle inéluctablement la compétitivité par l'arrivée des investisseurs34 et son corollaire le développement.

L'étude intéresse aussi les dirigeants de sociétés qui verront, face à leurs importants pouvoirs, un sérieux contrepoids, sinon un certain bémol appelant à plus de diligence et de bon sens dans la gestion.

Elle intéresse enfin les commissaires aux comptes qui, par un contrôle effectif et efficace des opérations de la société, contribueront à rendre cette dernière transparente, fiable et par voie de conséquence attrayante pour les investisseurs, la responsabilité des commissaires devant y jouer un rôle déterminant.

L'objet de la présente étude est donc précisément d'identifier les forces et les faiblesses du dispositif de protection des actionnaires de sociétés de capitaux en droit OHADA.

Du point de vue méthodologique, nous emprunterons une démarche à la fois comparative et analytique, notre étude voulant être une contribution modeste au droit comparé. En raison de la méthode comparative qui nous guidera tout au long de notre travail, notre procédé consistera bien souvent en une confrontation du droit OHADA et du droit français. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons judicieusement apprécier

34 Cf. Préambule du Traité OHADA.

les dispositions de la législation communautaire ; n'oublions pas que celle-ci est encore jeune.

Au demeurant et eu égard à la diversité des intérêts en présence dans la société commerciale, le législateur OHADA s'est efforcé de protéger les actionnaires dès lors que leurs prérogatives -pécuniaires et/ou extra pécuniaires - sont en péril ou susceptibles de l'être en mettant à leur disposition des instruments juridiques leur permettant de diligenter des actions judiciaires sur le terrain civil, en vue de rétablir le droit.

Aussi, l'étude qui suit mettra essentiellement en relief les niveaux de protection des actionnaires sur le terrain civil en droit OHADA relatifs aussi bien à leurs droits en assemblées (Première partie) qu'à ceux tributaires de la gestion de la société commerciale (Deuxième partie), ce qui nous permettra de relever au fur et à mesure les limites et mérites d'une telle sécurité juridique.

PREMIÈRE PARTIE :

LA SAUVEGARDE DES DROITS DES ACTIONNAIRES EN
ASSEMBLEES

9

Cellule du tissu économique local, national et régional, outil indispensable au développement économique et social, la société commerciale, principalement celle par actions, brasse et mobilise d'énormes capitaux, et comprend très souvent de nombreux actionnaires, qui se connaissent mal ; ce qui rend les conflits inévitables. En effet, comme un organisme vivant, l'entreprise naît, vit, et peut être le siège de désordres et d'abus divers, dont les plus graves sont susceptibles de provoquer sa disparition, par arrêt du crédit et des flux financiers.

C'est pour briser cet engrenage et promouvoir l'entreprise sociétaire en accordant la plus grande attention à la sécurité juridique des actionnaires, piliers de la société de capitaux, que le législateur OHADA est intervenu. Une lecture cursive de l'Acte uniforme montre que ce législateur a voulu faire de la protection des actionnaires, l'un des aspects essentiels de la vie sociale des sociétés commerciales. Et une plus grande application indique l'immensité des innovations ayant permis la réalisation de ce dessein35

D'une certaine façon, l'actionnaire est le pilier de la société anonyme parce qu'il a contribué par son apport à constituer le mécanisme juridique perfectionné qui a été mis en place36. A ce titre, il a des droits individuels qu'on ne saurait lui enlever contre sa volonté. Il devient alors intéressant de s'attarder sur l'expression même de ces droits (Chapitre I), laquelle n'est pas à l'abri des incartades de certains acteurs sociaux (Chapitre II).

35 POUGOUE (P.-G.), op. cit., p. 107.

36 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : Traité de droit commercial, 15e éd. L.G.D.J. 1993, n°1145, p. 862.

CHAPITRE I :
L'EXPRESSION DES DROITS DES ACTIONNAIRES

10

Les étapes de la naissance et de la vie de la société sont importantes pour les tiers, potentiels partenaires de cette personne morale, mais surtout pour les actionnaires. La société va ainsi faire naître entre les actionnaires d'une part, entre les actionnaires et les autres acteurs sociaux d'autre part, des rapports étroits de collaboration, et d'inévitables conflits d'intérêts37. C'est précisément cet enchevêtrement d'intérêts qui explique en partie la complexité des règles de construction et de fonctionnement des sociétés. En effet, soucieux de protéger et de concilier la confluence d'intérêts qui se rencontrent au sein d'une société, le législateur OHADA, consacre - comme nous venons de le souligner - les droits et pouvoirs des actionnaires par le biais de divers mécanismes (Section I).

Toutefois, ce sont les sanctions qui assurent l'efficacité d'une législation. D'oüla consécration de nombreuses sanctions destinées à assurer le respect des droits des actionnaires (Section II).

SECTION I : LES MOYENS D'ACTION DES ACTIONNAIRES EN
ASSEMBLEES

Un actionnaire quel qu'il soit doit jouir d'un minimum de droits et de pouvoirs qui témoignent de sa qualité de créancier de la société, qu'il est un membre du groupement né du fait du pacte social. En effet, la qualité d'actionnaire confère à leurs titulaires des titres sociaux en vertu desquels un ensemble de droits et de prérogatives leur est reconnu dans la société. C'est dans cette optique que la collectivité des actionnaires est un organe fondamental dans la vie de la société38. Pour ce faire, l'actionnaire dispose à la fois des droits dits politiques (§1) et de ceux dits pécuniaires (§2).

37 KASSIA BI (O.), « Le recul de la nullité dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique », Penant, n° 848, juill-sept 2004, p. 352

38 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 143, p. 64.

§1- L'EXERCICE DES DROITS POLITIQUES : MANIFESTATION DU
PRINCIPE D'EGALITE ENTRE LES ACTIONNAIRES

Dans l'optique de permettre aux actionnaires de pouvoir exercer une influence sur la gestion de la société, le législateur OHADA leur a consacré des droits propres et individuels, lesquels ne sont que le corollaire de l'affectio societatis devant animer tout actionnaire au sein d'une société commerciale. A ce titre, chaque titulaire d'actions compte pour un actionnaire quelle que soit sa qualité ou sa fonction dans la société. Il s'agit là de la manifestation du principe d'égalité entre les actionnaires39. Toutefois, il ne s'agit pas d'une égalité au sens politique stricto sensu, car la société est créée par la mise en commun d'actions, et celles-ci n'étant pas nécessairement égales. Mais cette relativité n'enlève rien au principe posé, à savoir que chaque membre de la société doit jouir et exercer ses droits d'actionnaires. De la sorte, tout avantage particulier stipulé au profit d'un actionnaire doit être approuvé par les autres actionnaires. Pour une orientation globale néanmoins de la société, les actionnaires jouissent d'un certain nombre de droits: droit de faire partie de la société, droit de participer aux assemblées (A), droit de vote et droit d'information (B).

A- Le droit de faire partie de la société et de participer aux assemblées

Par son action, l'actionnaire va désormais se retrouver en relation avec d'autres acteurs sociaux et il est important qu'il s'intéresse à la structure à laquelle il fait désormais partie (1), en se rendant notamment aux assemblées qui s'y tiennent (2).

1- Le droit de faire partie de la société

L'actionnaire, souscripteur d'une action, est tenu de verser son apport40. Une fois que cette formalité est observée, il ne peut être exclu de la société. C'est dire que l'exclusion d'un actionnaire n'est admise qu'exceptionnellement, et notamment en cas de défaut de libération totale des actions souscrites, de réduction par suite de pertes du capital par la procédure de réduction du nombre des actions41, et aussi

39 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 157, p. 68.

40 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : op.cit., n°1163, p. 879.

41 Car dans ce cas, les actionnaires qui ne possèdent pas le nombre minimum d'actions requises sont éliminés.

12

lorsque la société étant à capital variable, la menace d'exclusion permet d'assurer la discipline entre actionnaires : l'exclusion est alors possible pour motifs graves.

Dans les mêmes conditions, l'exclusion de l'actionnaire est si exceptionnelle que même en cas de mésentente entre actionnaires pouvant conduire à la dissolution de la société, jurisprudence et doctrine sont partagées sur la question42. Aussi, d'une part, certains estiment que la survie de la société doit primer sur l'intérêt égoïste de l'actionnaire en l'excluant de celle-ci, tandis que d'autres recommandent que cette solution ne soit retenue que pour autant que l'actionnaire soit à l'origine de la discorde dans la société. Autrement, lorsque l'actionnaire est étranger à la crise, il ne saurait faire l'objet d'une exclusion et pourrait ainsi demander la dissolution de la société en tant que moyen de sauvegarde de ses intérêts. A notre sens, la disparition de la société doit être évitée le plus souvent possible, même si, pour cela, l'un des membres du groupement doit être exclu43. Tel n'est souvent pas le cas, et de la sorte, l'actionnaire conserve son droit de participer aux assemblées.

2- Le droit de participer aux assemblées

Les assemblées constituent le lieu d'exercice de la souveraineté des actionnaires. C'est l'instance suprême d'expression des actionnaires dans la société. D'après l'art. 125 de l'AUSC, en effet, sauf disposition contraire, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite.

Il est tout à fait indispensable d'avoir consacré les assemblées comme l'organe supérieur de la société, car c'est elles qui prennent les décisions dépassant la gestion quotidienne ; c'est elles qui ont seules compétences pour modifier les statuts ; c'est encore elles qui désignent des organes sociaux et qui mettent fin à leurs fonctions ; c'est aussi au sein de ces assemblées que les décisions concernant l'orientation générale de la société sont prises.

Selon l'art.133 de l'AUSC, les décisions collectives peuvent être prises en assemblée générale ou par correspondance. L'assemblée générale est un organe souverain dont le rôle est de nommer et de révoquer les autres organes sociaux ; elle doit cependant agir en conformité avec l'intérêt social. Par ailleurs, il lui est interdit d'intervenir dans le domaine de compétence des autres organes et notamment des

42 PASCUAL (I.) « La prise en considération de la personne physique dans le droit des sociétés », in Revue de droit social et de droit économique. Agence universitaire de la francophonie.

43 Pourquoi, en effet, vouloir la mort de la société, avec toutes les conséquences économiques et sociales qu'elle comporte, lorsqu'un seul actionnaire manifeste son désaccord et désire mettre un terme à la collaboration sociétaire

organes de direction. Il ne faut pas, en effet, porter atteinte au principe de la séparation des fonctions des différents organes gouvernant le fonctionnement des sociétés anonymes44.

En ce qui concerne les modalités de représentation et les formalités de délibérations, il convient de se référer aux dispositions des articles126 et 127, et 134 à 136 de l'Acte Uniforme susvisé. Dans ces conditions, il ressort des dispositions de articles 126 et 127 que tout associé peut se faire représenter par un mandataire de son choix, et qu'à défaut de disposition contraire, le mandat ne peut être donné qu'ç un autre associé. En outre, l'Acte Uniforme ou les statuts peuvent cependant limiter le nombre d'associés et le nombre de voix qu'un mandataire peut représenter.

Quand aux formalités des délibérations, il en résulte pour l'essentiel que celles-ci doivent être constatées par procès-verbal, sans doute dans le but d'éviter des fraudes. Toute autre est alors de savoir de quelle manière s'exprime l'actionnaire en assemblées, ainsi que les informations auxquelles il a droit.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille