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La protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA

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par Narcisse Ekwelle Ekane
Université de Dschang-Cameroun - D.E.A. (Diplôme d'Etudes Approfondies) 2008
  

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B- L'exercice de l'expertise de gestion

L'expertise de gestion est conduite selon une procédure judiciaire. Le législateur a ainsi encadré la nomination d'un expert de gestion par des conditions

184 MEUKE (B.Y.), op. cit. p. 9.

185 DE JUGLART (M.) et IPPOLITO (B.), Traité de droit commercial, 2e voll., 3e éd., Montchrestien, n° 759-6 et s. V. également CONTIN (R.), et DUPICHOT, « L'expertise de minorité dans les sociétés par actions », cités par MEUKE (B.Y.)

186 V. en ce sens, CA d'Abidjan, civ. com., 25 février 2000, aff. Société Négoce Afrique COTE D'IVOIRE (NACI-SA) c/ Société WIN SARL, Juriscope 2006 ; CA de Cotonou, n° 256/2000, 17 août 2000, aff. Société Continentale des Pétroles et d'Investissements c/ Etat béninois, Juriscope 2006 ; CA d'Abidjan, 5e ch. A., n° 10, 2 janvier 2001, www.ohada.com (ohadata- J- 02-113).

strictes, relatives à la qualité requise (1), aux opérations susceptibles d'être expertisées187. Il faut également s'intéresser au bien fondé et au résultat de l'action (2), pour se rendre compte des limites qui entourent un tel contrôle (3).

1- La qualité requise

La demande d'expertise de gestion est soumise à des conditions de recevabilité strictes compte tenu du risque de perturbation de la vie sociale qu'entraîne l'arrivée, dans la société, d'un expert indépendant chargé de recueillir des informations que les dirigeants auraient dû fournir aux actionnaires. Action prioritairement minoritaire (a), l'Acte uniforme l'a étendue à tout autre actionnaire, même au groupement d'actionnaires (b).

a)Une action prioritairement minoritaire

Solliciter la justice dans le but d'obtenir des renseignements approfondis sur la gestion conduite par les dirigeants démontre que la circulation de l'information entre les différents organes sociaux est déficiente, voire délibérément entravée188. L'expertise de gestion s'inscrit dans un contexte de crise. Et, comme les actionnaires dits minoritaires ne disposent pas d'un nombre d'actions pouvant leur permettre d'avoir un accès facile aux informations concernant la gestion de la société, il est, à notre avis, logique que le législateur leur ait reconnu en priorité l'exercice d'une action aux fins d'une expertise de gestion, bien que l'action en désignation de l'expert ne soit ouverte qu'aux actionnaires qui justifient de la détention d'un pourcentage minimal de capital social. Aux termes, en effet, de l'art. 159 de l'AUSC, « Un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au président de la juridiction compétente du siège social, la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ».

Selon les termes mêmes du texte, cette condition est impérative et la demande qui n'y satisfait pas doit être déclarée irrecevable189. Il faut tout de même souligner que si le seuil retenu par l'Acte uniforme traduit une volonté univoque d'amélioration du contrôle de la société par les actionnaires minoritaires à rebours de la législation française en la matière, on ne peut s'empêcher de regretter qu'il n'est pas fait montre

187 Vr. Supra p.42 et 43 sur le domaine de l'expertise de gestion.

188 Encyclopédie Juridique, Répertoire des sociétés, Entreprises du secteur public à Infractions pénales, «Expertise de gestion », Tome 3, Dalloz, 2003, p. 2.

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de plus d'audace en supprimant tout simplement ce seuil. Evidemment, on pourrait rétorquer que pour y remédier, le législateur offre la possibilité aux intéressés de se regrouper. Mais là encore, il nous est permis d'observer qu'il n'est pas toujours aisé de regrouper des personnes qui ne se connaissent pas et qui ne se rencontrent qu'à de très rares occasions. Le problème reste donc posé.

La législation communautaire donne qualité toutefois à d'autres requérants pour agir en justice à l'effet de solliciter l'intervention d'un expert de gestion.

b) Action ouverte à d'autres requérants

A la différence de la législation française qui donne qualité pour agir à d'autres acteurs sociaux comme le Ministère public, le Comité d'entreprise ou encore la Commission des opérations de bourse190, le législateur africain ne leur a pas reconnu cette prérogative. Il l'a ouverte à d'autres requérants, notamment à tout actionnaire même majoritaire (1), et admet des regroupements (2).

i- Faculté offerte aux actionnaires majoritaires

Bien qu'ouverte en priorité à la minorité191, rien n'interdirait en principe à un majoritaire et même à un membre de l'équipe dirigeante, de se renseigner sur la nature, la portée et les conséquences de certaines opérations de gestion, sauf si sa qualité de mandataire social lui permettait d'obtenir une information suffisante192. Des termes de l'art.159 précité, un ou plusieurs associés représentants au moins le cinquième du capital social peuvent demander la désignation d'un expert. Dans ces conditions, la restriction ne concerne que la réunion d'un certain seuil du capital social - 20% - et non la qualité de l'actionnaire.

On peut cependant déplorer le fait que le législateur de l'OHADA ne permette pas la mise en oeuvre de la procédure dans les groupes de sociétés. En n'admettant pas que puissent faire l'objet d'une expertise, les opérations de gestion des sociétés contrôlées, il ferme la porte de l'Institution à cet acteur social appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans le paysage juridique africain, même si on peut lui concéder le mérite d'admettre des regroupements.

189 Le juge français a d'ailleurs déjà eu l'occasion de se prononcer dans ce sens ; Cass. Com. 12 janv. 1976, JCP 1976 . IV. 80, Rev. Soc. 1976. p. 330 et s., note P. MERLE.

190 Devenue, avec la loi n° 2003-706 DU 1er août 2003 de Sécurité financière, l'Autorité des Marchés Financiers.

191 Car c'est très souvent elle qui est mal informée sur la gestion et qui a le plus intérêt à la critiquer.

ii- Action reconnue au groupement d'actionnaires

En France et ce depuis la loi du 1er mars 1984, les associés ou actionnaires sont autorisés à se grouper, «sous quelque forme que ce soit », pour atteindre les seuils de recevabilité de l'action193. Le législateur africain a repris à son compte cette disposition dans son article 159 de l'AUSC précité. Une fois de plus cependant, on pourrait reprocher à ce dernier de n'avoir pas déterminé la nature de la forme de regroupement ; sans doute mû par un souci de liberté favorable à une massive participation et représentation des actionnaires.

En tout état de cause, on ne peut remettre en question l'utilité de cette faculté de regroupement. En effet, celui-ci facilite l'exercice des droits des actionnaires minoritaires qui auraient la fâcheuse tendance à demeurer dans la passivité ou l'isolement. Le regroupement pourrait ainsi prendre la forme d'une association de défense, ou encore d'une association d'actionnaires194.

Il faut observer néanmoins qu'en ce qui concerne cette faculté, on peut envisager deux (02) approches du regroupement. Soit le regroupement n'agit que comme mandataire des actionnaires et la règle « nul ne plaide par procureur » oblige chacun de ceux-ci à figurer nominativement dans la procédure, avec l'inconvénient que tous les actionnaires seront présents et qu'aucun désistement ne se produira ; soit le regroupement agit en son nom propre et le problème est alors de savoir s'il serait autorisé à exercer collectivement un droit que chacun de ses membres pourrait exercer individuellement, ou encore qu'il puisse détenir le minimum de pourcentage requis, ce qui peut entraîner un risque de cession massif de droits sociaux au profit du groupement. Sur la question, MEUKE (Y.B.) soutient qu'il faudrait voir dans cette autorisation donnée au groupement des minoritaires, un simple moyen pour le législateur, de faciliter l'exercice de l'action et non un mécanisme visant à opérer un regroupement quelconque des actionnaires minoritaires195. La position de l'auteur rencontre notre approbation dans la mesure où comme sus développé, le législateur OHADA n'a pas prévu expressément la possibilité de regroupement des actionnaires en associations.

Pour le législateur de l'OHADA donc, il s'agit de confirmer sa volonté d'assurer aux « petits » actionnaires les moyens de se défendre, parce que si l'on entend encourager l'actionnariat populaire et, par conséquent, pousser vers la bourse

192 MEUKE (Y.B.), « L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : « réflexion sur l'expertise de gestion », op. cit., p.7.

193 Encyclopédie Juridique, op. cit., p.5.

194 Vr. Supra, p. 66 et 67.

195 MEUKE (Y.B.), op. cit.p.8.

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ceux qui n'ont que des moyens modestes et qui seront nécessairement des «petits)) actionnaires minoritaires, il faut dans la conjoncture africaine actuelle leur donner une sécurité satisfaisante.

Pour que la demande d'expertise prospère définitivement, encore faut-il qu'elle soit fondée. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle aboutira à la désignation d'un expert.

2- Bien fondé de la demande et résultat de l'action

Le résultat d'une action en demande d'expertise (b) est tributaire de son bien fondé (a).

a) Le bien fondé de la demande

C'est au niveau de l'information qu'il faut surtout situer le critère essentiel d'admission de l'expertise de gestion. Comme l'écrivait CHARTIER, « les demandeurs se sont vus reprocher, tantôt de n'en avoir pas su assez, tantôt d'en avoir su trop long ))196. Mais comment ces actionnaires qui pour la plupart du temps ne disposent que d'une information incomplète, seraient en mesure de ne pas se fourvoyer dans leur action s'ils ne sont pas éclairés par les personnes les plus indiquées ? On ne devrait pas, dans ces conditions, exiger de l'actionnaire qu'il établisse une atteinte à l'intérêt social, car là se trouve le but même de la procédure engagée. Par conséquent, comme l'a très justement souligné le Pr. Le CANNU, « L'expertise de gestion n'est pas une sanction de la gestion ; en revanche, elle sanctionne une information insuffisante ))197. C'est ainsi que, dans une décision du Tribunal régional de Niamey le juge des référés a retenu que, « l'expertise de gestion doit être ordonnée, dès lors qu'elle a été demandée par un associé (...), qui se plaint de n'être pas informé de la vie sociale et doute de la sincérité et du sérieux des résolutions prises en assemblée ))198.

La procédure est donc une mesure grave qui implique une intrusion du juge dans la vie sociale. Dès lors, ce dernier ne peut l'ordonner qu'après avoir apprécié le bien fondé de la demande. Et on voit mal comment il pourrait y parvenir sans mettre en relief la question de l'appréciation de l'opportunité des opérations de gestion. Quoiqu'il en soit, l'octroi de la désignation d'un expert de gestion est laissé à

196 CHARTIER (Y.), << L'expertise de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 », JCP 1972, cité par MEUKE (Y.B.), op. cit., p. 10.

197 (P.) Le CANNU, <<Eléments de réflexion sur la nature de l'expertise judiciaire de gestion », Bull. Joly 1988, 553, cité par MEUKE (Y.B.), op. cit., ibidem.

198 Tribunal régional de Niamey, Ordonnance de référé n° 245 du 22 octobre 2002. Aff. Abbas HAMMOUD c/ Jacques Claude LACOUR et dame Evelyne Dorothée FLAMBARD ; www.ohada.com ( ohadata J-04-489).

l'appréciation souveraine du juge qui connaît de l'affaire. Par ailleurs, le législateur fait expressément mention du caractère facultatif de cette mesure lorsqu'il indique dans l'art. 160 de l'Acte uniforme que cette opération ne sera ordonnée que « s'il est fait droit à la demande» du requérant. En le précisant ainsi, le législateur entend bien donner un caractère facultatif à la procédure, avec cette crainte cependant que cela se fasse au détriment de l'actionnaire ayant sollicité la mesure.

b) Résultat positif de l'action : la désignation d'un expert

Il ressort des dispositions de l'art. 159 précité que la juridiction compétente est celle du président du Tribunal du siège social et la procédure civile, vraisemblablement celle d'une assignation en référé dans le souci de maintenir le caractère contradictoire de l'expertise.

Le juge ainsi saisi, peut désigner un ou plusieurs experts. Il faut observer cependant que, nonobstant la terminologie utilisée, la personne chargée de présenter le rapport en question n'est pas, à notre sens, un véritable expert. Le juge reste libre dans son choix et peut s'adresser à un expert judiciaire, un expert-comptable, un commissaire aux comptes, un dirigeant de société spécialement averti des problèmes de gestion, ou toute personne qu'il estime compétente199.

Le législateur ne précise non plus le régime procédural de l'Institution. Le laconisme du texte conduit à se demander s'il est possible d'appliquer à titre subsidiaire les principes régissant les expertises judiciaires des différents Etats parties au Traité OHADA. En attendant la position du juge africain sur la question, il nous est permis de raisonner comme en droit français en optant pour l'affirmative.

La décision désignant l'expert fixe sa mission et la réalisation de l'expertise, afin d'éviter toute immixtion de ce dernier dans celle d'autres experts.

Mais le statut de l'expert souffre en l'état actuel de la législation OHADA, d'une absence de réglementation. Ce qui, à l'instar d'autres lacunes susmentionnées, pourrait nuire gravement aux intérêts des actionnaires.

199 Toutefois, il faut préciser qu'il serait moins conforme aux textes que le commissaire aux comptes en fonction dans la société soit désigné en qualité d'expert de gestion, car le seul fait que les actionnaires aient initié une action en désignation d'un expert judiciaire traduit à suffisance une déficience dans ses fonctions.

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§2- LA PROCEDURE NON JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE :
L'ALERTE

Cette procédure, élaborée pour faire réagir la direction d'une société lorsque la continuité de l'exploitation est compromise, constitue, tout comme l'expertise de gestion, une innovation pour la plupart des Etats membres de l'OHADA200. Malgré sa dénomination, la procédure d'alerte ne tend pas seulement à avertir les dirigeants, car ceux-ci sont généralement conscients des difficultés traversées par leur entreprise. Elle a aussi pour finalité de les mettre en face de leurs responsabilités, en les incitant à prendre des mesures de redressement201. Ainsi, quelqu'un va crier (( Au feu ! », de plus en plus fort, jusqu'à ce que tous les intéressés aient entendu, dans le but de provoquer une discussion au sein de l'entreprise et, le cas échéant, une réaction, toujours facultative202. En réalité et selon la formule du professeur Mestre203 (( C'est vers la voie des médecines naturelles, des thérapies douces que le législateur veut entraîner les dirigeants et les partenaires de l'entreprise ».

Il convient alors de déterminer ses détenteurs (A) avant de nous intéresser à son déploiement par ces acteurs sociaux (B).

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire