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La protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA

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par Narcisse Ekwelle Ekane
Université de Dschang-Cameroun - D.E.A. (Diplôme d'Etudes Approfondies) 2008
  

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B- L'exercice des actions en responsabilité contre les dirigeants fautifs

Traditionnellement, la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants exige que certaines conditions soient réunies. Elles relèvent essentiellement du droit commun, à savoir, le demandeur doit prouver une faute du dirigeant, un dommage et le lien de causalité entre la faute et le dommage269. Ce n'est qu'une fois ces conditions réunies que l'Acte uniforme offre plusieurs actions aux actionnaires pour la défense de leurs droits. Aussi, les arts. 161 à 172 de L'AUSC organisent-ils de manière générale l'action en responsabilité civile contre les dirigeants de sociétés, prenant le soin de distinguer entre l'action individuelle (1) et l'action sociale (2). Toutes ces actions étant rigoureusement encadrées dans le temps, il revient aux actionnaires de toujours être aguerris, diligents, vigilants et agir ainsi dans les délais indiqués afin de ne pas tomber sous le coup d'une prescription malencontreuse (3).

1- L'exercice de l'action individuelle ou personnelle

L'art. 162 de l'AUSC définit l'action individuelle comme l'action en réparation du dommage subi par un tiers ou par un associé, lorsque celui-ci subit un dommage distinct du dommage que pourrait subir la société, du fait de la faute

265 Tout d'abord, la mesure frappe les dirigeants qui ont commis des fautes graves autres que celles visées à l'article

précité ou ont fait preuve d'une incompétence manifeste ; elle s'applique ensuite aux dirigeants qui n'ont pas déclaré
dans les 3O jours, la cessation des paiements de la société ; et enfin ceux qui n'ont pas acquitté la partie du passif social.

266 Cf. art. 203 AUPC, pour les effets de la faillite personnelle.

267 Cf. art. 203 in fine de l'AUPC pour la fixation de la durée de la sanction. V. aussi les art.204 à 215 AUPC pour la réglementation de la réhabilitation. A noter aussi que la jurisprudence admet ici beaucoup plus facilement l'existence d'une faute de gestion.

268 La jurisprudence admet ici beaucoup plus facilement l'existence d'une faute de gestion.

269 CARBONNIER (J.), Droit civil, les obligations, Tome 4, 21e éd. PUF, 1998, n° 200 et s., p. 34 et s.

commise individuellement ou collectivement par les dirigeants sociaux dans l'exercice de leurs fonctions. L'article ajoute que cette action appartient à l'actionnaire et ne peut être intentée que dans la mesure où celui-ci subit un dommage.

Dans la mesure où les actionnaires peuvent souffrir des conséquences des décisions prises dans l'exercice des fonctions sociales, il est logique qu'une action indépendante leur soit reconnue. De la sorte, pris individuellement, les actionnaires ont le droit d'agir en responsabilité contre les dirigeants sociaux afin qu'ils répondent de leurs actes, lorsqu'ils s'estiment victimes des fautes de ces derniers270. C'est dire que lorsqu'un acte irrégulier d'un dirigeant a causé à l'actionnaire un préjudice qui lui soit direct et personnel, c'est-à-dire un préjudice propre qui ne se confonde pas avec le préjudice subi par la société, il dispose de l'action individuelle pour demander réparation.

Il s'agit là donc bien d'une action intentée par l'actionnaire qui agit seul. Toutefois, la question se pose de savoir si les actionnaires qui entendent demander réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi peuvent donner à un ou plusieurs d'entre eux le mandat d'agir en leur nom devant les juridictions civiles.

L'Acte uniforme n'en souffle mot, mais il ne semble non plus l'interdire. Aussi, de l'esprit même du législateur qui est de sécuriser les investissements, il nous est autorisé de répondre par l'affirmative, d'autant que le droit français dont s'est une fois de plus inspirée la législation OHADA l'admettait déjà271, à la condition cependant qu'il s'agisse d'un dommage de même nature et que ledit mandat soit écrit et mentionne expressément qu'il donne aux mandataires le pouvoir d'accomplir au nom des mandants les actes de procédure.

En ce qui concerne la procédure d'engagement proprement dite, elle se fera par le biais traditionnel de la saisine des tribunaux en matière civile, c'est-à -dire ici au moyen d'une assignation délivrée du ministère d'un huissier de justice et signifiée par ses soins au dirigeant social en cause. Evidemment, la juridiction ayant compétence d'attribution sera déterminée en fonction du montant de la demande en justice, faute de quoi, la demande sera considérée comme étant sans objet et donc déclarée irrecevable, tout au moins par référence au droit civil processuel tel qu'actuellement applicable au Cameroun272. Sur la compétence rationae loci, c'est la juridiction du lieu de situation du siège social qui est compétente d'après les articles 164 et 170 de l'Acte uniforme.

270 NJEUFACK TEMGWA (R.), Mémoire de DEA, op. cit. p. 17.

271 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n°462 ? P. 477.

272 Cf. Code de procédure civile et commerciale camerounais ensemble avec les articles 14 à 18 de la loi camerounaise n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

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Si l'exercice de l'action individuelle par les actionnaires facilite la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants sociaux, il reste que de manière habituelle, les fautes de ces derniers causent un dommage à la société toute entière, n'ouvrant donc pas droit à l'action individuelle. Dans ces conditions, c'est par la voie de l'action sociale que l'actionnaire contrôlera de manière efficace la gestion de la société.

2- L'exercice de l'action sociale : action ut singuli

L'action sociale ut singuli est, au sens même des dispositions pertinentes de l'art. 166 de l'AUSC, une action d'inspiration actionnariale et à finalité sociale273. En d'autres termes, il s'agit de l'action en responsabilité dirigée par les actionnaires contre les dirigeants sociaux, et dont le but est de poursuivre la réparation du préjudice subi par l'entreprise en raison des fautes de gestion commises par ces derniers, exercée soit par un actionnaire, soit par un groupe d'actionnaires.

C'est une action qui a donc pour vocation la réparation du préjudice subi par la société de par l'acte fautif du dirigeant.

C'est l'action la plus commune, car le dommage a généralement un caractère collectif. Le patrimoine tout entier souffre des fautes commises par les dirigeants. C'est la raison pour laquelle cette action échoit prioritairement à la société. Et à ce titre, ce sont ses représentants qui doivent l'exercer d'après les dispositions de l'art. 166 de l'AUSC précité. On parle alors d'action sociale ut universi. Mais parce qu'il existe un certain risque que les administrateurs y mettent une mauvaise volonté, l'action tendant à établir leur propre responsabilité ou celle de leurs prédécesseurs ou encore celle d'un d'entre eux. C'est donc afin d'éviter la paralysie de l'action sociale que le législateur a conféré aux actionnaires la possibilité de se substituer aux organes sociaux défaillants en exerçant l'action sociale à leur place274. On parle dans ce cas d'action sociale exercée ut singuli. Et l'exercice de cette action postule une substitution organique qui s'éprouve et se réalise au travers d'une suppléance technique.

On peut néanmoins se questionner sur l'intérêt qu'ont les actionnaires à agir pour le compte de la société ? De même, de quel préjudice s'agit-il en réalité ? Car, ou bien l'actionnaire agissant invoque un préjudice personnel et on serait plus pertinemment en présence d'une action individuelle en réparation, ou bien il invoque un préjudice indirect, et dans ce cas il serait privé de l'intérêt à agir. Il en résulte que

273 OUSMANOU Sadjo, op. cit. p. 95.

274 AMEIL (C.), op. cit. p. 9.

le préjudice qui doit fonder l'action ut singuli est corollaire du dommage subi par la société275.

Quant à l'intérêt, l'action ut singuli traduit de façon concrète la marque d'une tension entre un intérêt abandonné - celui que l'actionnaire abandonne à la société - et un intérêt non défendu -celui de la société que les dirigeants n'ont pu défendre-.

Il convient de souligner que l'action sociale ut singuli peut être exercée par un ou plusieurs actionnaires. Dans ce sens, l'art. 167 de l'AUSC commande au préalable une mise en demeure des organes compétents non suivie d'effet dans le délai de trente jours. En outre, d'après les dispositions de l'art 168 du même Acte, est réputée non écrite toute clause de statuts subordonnant l'exercice de l'action sociale à un avis préalable ou à une autorisation des organes sociaux. Mais la disposition ne s'oppose pas à ce que l'actionnaire ou les actionnaires qui ont intenté une action puissent conclure une transaction avec la ou les personnes contre laquelle ou contre lesquelles l'action est intentée pour mettre fin au litige276.

Dans le même sens, aucune décision de l'assemblée des actionnaires, d'un organe de gestion, d'administration ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les dirigeants sociaux pour la faute commise dans l'accomplissement de leurs fonctions277. D'ailleurs, le désistement d'un des actionnaires intéressés, ou la perte de sa qualité d'actionnaire en cours d'instance, est sans effet sur la poursuite de l'instance278. A noter que la possibilité laissée à un actionnaire ou à un groupe d'actionnaires d'agir au nom et pour le compte de la société constitue également une exception remarquable à l'adage processuel « nul ne plaide par procureur ».

Quant à la juridiction territoriale auprès de laquelle la demande doit être introduite, il s'agit de celle dans le ressort de laquelle est situé le siège de la société279 ; la juridiction ayant compétence d'attribution étant celle visée dans nos précédents développements280.

Au demeurant, la multiplicité de ces actions témoigne, à n'en point douter, de cette volonté ferme du législateur à assurer la quiétude des actionnaires dans l'entreprise. Toutefois, les actionnaires doivent être particulièrement diligents pour ne pas tomber sous le coup de la forclusion.

275 Tel serait, par exemple, le cas où la faute des dirigeants cause un dommage à l'ensemble du patrimoine de la société. V. aussi OUSMANOU Sadjo, op. cit. p. 95.

276 Cet article est d'ailleurs strictement appliqué par les tribunaux. V. en ce sens Cotonou, n° 256/2000, 17 août 2000, Affaire Société Continentale des Pétroles et d'Investissements, M. Séfou FAGBOHOUN, SONACOP, M. Cyr KOTY c/ Etat béninois.

277 Cf. art. 169 AUSC.

278 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, op. cit. n° 1374, p. 1050.

279 Cf. art. 164 et 170 AUSC précités.

280 V. supra p. 86.s

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3- Prescription des actions en responsabiité

D'une manière générale, qu'il s'agisse de l'action individuelle ou de l'action sociale dirigée contre les dirigeants sociaux ou contre les commissaires aux comptes, les textes281prévoient que le délai de prescription est de trois ans, « à compter du fait dommageable, ou s'il a été dissimulé, de sa révélation ».

D'après ces mêmes textes, d'autres délais de prescription peuvent cependant prolonger le droit d'agir en responsabilité. Ainsi, selon les articles 164, 170 et 727 de l'AUSC, lorsqu'il s'agit d'un crime, la prescription n'est acquise qu'au bout de dix années. C'est dire en définitive que le régime de la prescription suit celui applicable aux fautes commises par les dirigeants et les commissaires aux comptes. L'actionnaire qui entend donc assigner ces derniers doit agir une fois de plus avec diligence. Mais de toute évidence, l'actionnaire n'est pas toujours en mesure de savoir exactement quand la faute a été commise, ni ne peut déterminer aisément le point de départ de la prescription.

On comprend toute la gène que peut éprouver un actionnaire qui entend défendre ses droits en cas de faute de la part des dirigeants sociaux, des commissaires aux comptes, et même de ses coactionnaires. Mais il ne s'agit là que de signes avantcoureurs des nombreux obstacles qui jonchent le chemin des actionnaires dans leur entreprise de défense de leurs intérêts. Cependant, rien ne les oblige à supporter les caprices ou les incartades d'un dirigeant, car disposant du droit de le révoquer.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe