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La protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA

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par Narcisse Ekwelle Ekane
Université de Dschang-Cameroun - D.E.A. (Diplôme d'Etudes Approfondies) 2008
  

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C- Le droit de révocation des dirigeants

Il ressort des articles 469 et 492 de l'AUSC que le président-directeur et le directeur général peuvent être révoqués à tout moment par le conseil d'administration. Il s'agit d'une révocation ad nutum constituant une particularité des sociétés anonymes, comparées aux sociétés à responsabilité limitée pour lesquelles la révocation est subordonnée à des justes motifs282. C

C'est dire que sans justes motifs les dirigeants d'une société peuvent être mis à l'écart par le conseil d'administration dans les sociétés anonymes, même si à cette égard, doctrine et jurisprudence s'accordent de plus en plus sur le fait qu'une telle mesure ne puisse être justifiée que par l'intérêt social, c'est-à-dire qu'il y ait à la base une raison légitime et suffisamment grave.

281 Cf. art. 164, 170, et 727 AUSC.

282 Cf. art. 326 AUSC.

En vérité cependant, la solution retenue par les articles susvisés ne correspond pas à la règle, apparemment symétrique, d'après laquelle la nomination du directeur général est l'oeuvre d'une volonté commune : pour rester fidèle à cette conception, le législateur aurait dû admettre que ni le conseil d'administration, ni le président, ne peuvent se voir imposer le maintien d'un directeur général ou d'un présidentdirecteur général dont ils ne veulent plus. En pratique, on peut penser que le refus du conseil de révoquer un directeur ou un président-directeur général qui n'aurait plus sa confiance ou celle du président selon le cas, entraîne habituellement la démission de ces dirigeants sans préjudice de leur responsabilité.

Le législateur est cependant allé jusqu'à admettre le cumul des actions individuelle et sociale exercée ut singuli283 et la poursuite de personnes non dirigeantes. En effet, les responsables sociaux ne sont pas les seuls de la société de capitaux pouvant poser des actes préjudiciables pour les actionnaires. Le danger peut tout aussi bien provenir de personnes non dirigeantes, notamment celles en charge de la transparence même de la société, à savoir le commissaire aux comptes.

§2- La responsabilité des tiers : le cas du commissaire aux comptes

La prospérité d'une société est tributaire de la transparence dans la gestion de celle-ci. Et pour cela, il faut bien qu'elle soit contrôlée. A cet égard le contrôle est exercé dans chaque société commerciale par un ou plusieurs commissaires aux comptes assistés de suppléants284. La désignation de ces derniers est un impératif dans les sociétés anonymes.

Ainsi, il ressort de l'art. 725 de l'AUSC que le commissaire aux comptes est civilement responsable, tant à l'égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions. Mais il n'est pas responsable des dommages causés par les infractions commises par les membres du conseil d'administration ou par l'administrateur général, sauf si, en ayant eu connaissance, il ne les a pas révélées dans son rapport à l'assemblée générale285. Par ailleurs, sa responsabilité ne peut être engagée pour les informations ou divulgations des faits auxquels il procède en exécution de sa mission, notamment dans le cadre de la procédure d'alerte, ce qui est fort compréhensible. En revanche, il reste évident que l'importance de la mission qui lui est ainsi impartie,

283 Cf. art. 163 et 172 AUSC.

284 Cf. art. 694 et 702 AUSC.

285 Cf. art. 726 AUSC.

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comme mode de protection des actionnaires, implique que sa responsabilité puisse être engagée s'il omet, par myopie ou par complaisance, de déclencher cette procédure286.

La responsabilité du commissaire aux comptes prend donc sa source dans la faute commise par lui dans l'exercice de ses fonctions. Aussi, il est admis que , sauf pour certaines missions accessoires précises telles la vérification de l'existence des actions des dirigeants et la certification du montant des rémunérations versées aux personnes les mieux payées de la société, l'obligation qui incombe au commissaire aux comptes est une obligation de moyens, non de résultat287. De même, sa faute, à l'instar de celle du dirigeant, doit être appréciée par référence à la conduite d'un commissaire diligent et actif, placé dans la même situation288 et donc in abstracto. Elle doit en outre être prouvée289.

S'agissant de l'exercice de l'action en responsabilité contre le commissaire aux comptes, il convient de dire que la juridiction compétente en la matière contre ce contrôleur, doit nécessairement être saisie eu égard à la nature de la profession exercée, le tribunal de grande instance, y compris, en principe, dans le cas où la société contrôlée fait l'objet d'une procédure collective290.

En ce qui concerne la compétence territoriale, selon les règles de droit commun, c'est, en principe le tribunal dans le ressort duquel le commissaire a son domicile professionnel ou du siège de la société291. Mais à notre avis, l'actionnaire demandeur doit pouvoir intenter son action au lieu du fait dommageable ou au lieu où le dommage est subi, en raison d'une aisance de preuve.

Le résultat recherché par l'actionnaire est la condamnation du commissaire aux comptes fautif à réparer le dommage subi. Et cette condamnation ne peut prendre qu'une forme pécuniaire. Il n'est pas, en effet, concevable qu'une réparation en

286 POUGOUE (P.G.), op. cit., p. 115.

287 Rev. Soc., 1979, 92, note DUPONTAVICE. Aix, 7 juin, Bull. cons. nat. 1986, 487 ; Bordeaux, 7 mars 1990, Journ. agréées, 1991, 215, obs. GOYET.

288 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit., n° 1357, p. 1034. V. aussi Cass. com., 6 oct. 1992, Dr. des soc., 1992, n° 242, obs. BONNEAU.

289 Ont ainsi par exemple été jugés fautifs :

- L'absence d'une effective vérification des comptes, le commissaire s'étant borné à entériner les chiffres qui lui étaient présentés ;

- Le défaut de rapport spécial sur une convention réglementée dont le commissaire avait été avisé289, ou même l'insuffisance des informations données ;

- Le fait de n'avoir jamais vérifié les relevés de banque, permettant ainsi au comptable qui avait la signature bancaire de commettre des détournements ;

- Le fait de ne procéder à aucun contrôle, et de donner, dans son rapport, purement et simplement crédit aux évaluations inexactes du P.-GD et du commissaire aux apports ;

290 LAMY, op. cit. n° 1139, p. 467.

291 VIDAL (D.), Les Commissaires aux comptes dans la société anonyme ; Evolution du contrôle légal, aspects théoriques et pratiques, LGDJ, 1985, n°624, p. 69.

nature puisse être prononcée. De même, la condamnation peut être personnelle ou in solidum292, c'est-à-dire s'étendre aux auteurs d'autres fautes ayant concouru à la réalisation du dommage293.

Il faut cependant souligner que l'exercice de l'action civile contre le commissaire aux comptes n'est pas sans risque, car lorsque la demande n'aboutit pas, ce dernier peut faire valoir ses droits à l'indemnisation contre l'actionnaire.

Les actions en responsabilité contre le commissaire aux comptes, à l'image de celles des dirigeants sociaux en faute, sont soumises au respect des délais impartis par le législateur, faute de quoi les intéressés se retrouveraient forclos.

Assurément, le législateur africain de l'OHADA ne lésine par sur la protection des actionnaires lorsque leurs prérogatives peuvent être sous la menace de n'importe quel acteur de la société. Il utilise à cette fin des moyens aussi bien en vigueur avant son avènement, que ceux dont il a lui-même contribué à dégager les contours essentiels. De la sorte, le législateur communautaire a repris à son compte les mécanismes de protection des actionnaires ci-dessus développés et dits ordinaires ou classiques et les a simplement revisités. La nullité est, en effet, la sanction d'une règle protectrice des intérêts propres à un actionnaire déterminé ; la responsabilité civile quant à elle, vise à renforcer cette protection, au regard de l'hostilité du législateur envers la sanction de la nullité. Seulement, la responsabilité civile des intervenants sociaux est perçue comme une mesure subsidiaire ; -selon l'expression du Pr Yves GUYON -« l'ultime remède auquel les associés et les tiers n'ont recours que lorsque d'autres sanctions ou d'autres procédés de réparation plus spécifiques ne peuvent pas jouer ». D'où la faiblesse du dispositif de protection.

292 La condamnation est personnelle, car elle tient à la faute commise par le commissaire directement ou à raison des
personnes qui engagent sa responsabilité personnelle, tels ses collaborateurs ou l'expert qu'il a choisi pour l'assister en application des règles de droit commun sur la responsabilité du fait d'autrui.

293 Ce sera souvent le cas lorsqu'il est difficile de quantifier la part du dommage lié à la faute propre de l'un ou l'autre des auteurs des fautes ayant créé le préjudice.

CHAPITRE II :
LA FAIBLESSE DES MOYENS DE PROTECTION EN PLACE
ET LES IMPERATIFS DE REFORMES

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Il sera question pour nous de mettre en évidence les écueils que rencontrent les actionnaires dans l'entreprise de sécurisation de leurs droits sur un terrain civil dans un premier mouvement face aux actes de gestions courants par les administrateurs et les contrôles approximatifs effectués par le commissaire aux comptes, nonobstant la volonté indéniable du législateur africain d'assurer une protection efficace (Section 1), avant de nous lancer dans un chantier de construction de quelques pistes de réflexion pouvant contribuer à l'amélioration des conditions de l'actionnaire au sein de la société (Section 2).

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote