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La protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA

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par Narcisse Ekwelle Ekane
Université de Dschang-Cameroun - D.E.A. (Diplôme d'Etudes Approfondies) 2008
  

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A-L'annulation des actes préjudiciables

L'institution du système de nullités en droit OHADA constitue une mesure correctrice des crises juridiques au sein de la société commerciale, susceptibles de préjudicier les intérêts des actionnaires55. En effet, la nullité est la sanction d'une règle protectrice des intérêts propres à un actionnaire déterminé. Cette mesure, suffisamment grave aussi bien pour la société que pour les actionnaires, a été considérablement reprécisée. Aussi, à l'instar du droit français56, l'Acte uniforme a

55 Il y a crise juridique lorsque la décision prise par les organes sociaux n'est pas conforme aux lois et aux règlements. COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSY (FL.), Droit des sociétés, 12e éd., Litec, 1999, n° 510, p. 188

56 A travers la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales notamment.

adopté une solution plus radicale, n'admettant toute nullité qu'avec la plus grande circonspection.

Seulement, parce que la nullité du contrat de société est de nature à créer plus de tort aux actionnaires qu'elle ne les protège en réalité57 nous distinguerons pour notre part, l'annulation des actes modificatifs dont le domaine est très restreint (1) de celle fonction des irrégularités des actes non modificatifs, plus souples (2), ainsi que les conditions de leur exercice (3).

1- L'annulation timide des acte modificatifs faisant grief

Si la nullité de la société ne souffre d'aucune ambigüité terminologique, celle d'actes modificatifs par contre peut prêter à confusion. C'est pourquoi il est important de dégager le sens des actes pouvant être annulés. Dans une entreprise de définition de ceux-ci, l'Acte uniforme comporte un livre VIII, expressément consacré à la « nullité de la société et des actes sociaux » mais envisage dans son art. 242, les nullités de la société ou de tous actes, décisions ou délibérations modifiant les statuts. C'est dire que le terme acte sera utilisé pour désigner indifféremment les décisions, délibérations et les actes proprement dits.

Mais la question se pose de savoir quels sont les actes qui modifient les statuts, et partant, sont préjudiciables aux actionnaires. Pour y répondre, nous dirons qu'ils sont essentiellement constitués par les décisions des assemblées extraordinaires58.

Les précisions terminologiques étant apportées, reste à déterminer les causes de nullités qui affectent les actes modificatifs. Elles sont déterminées par l'art. 242 de l'AUSC, selon lequel, les nullités qui peuvent atteindre les actes modifiant les statuts, résultent soit de la violation d'une disposition expresse de l'Acte uniforme (a), soit, des textes régissant la nullité des contrats (b).

a) La nullité résultant de la violation d'une disposition expresse de l'Acte uniforme

L'évolution des annulations en matière de sociétés commerciales tend à coordonner, dans les législations des Etats membres de l'OHADA, les garanties exigées des sociétés pour protéger les intérêts des actionnaires. Ce souci se manifeste à propos de toutes les irrégularités. Les causes de nullité des actes modificatifs faisant

57 L'intérêt premier d'un actionnaire étant, en effet, la multiplication de ses placements, on voit mal comment la disparition de la société dans laquelle il a porté ses investissements serait de nature à lui plaire.

58 Transformation de la société, augmentation ou réduction du capital social.

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grief et résultant de la violation d'une disposition expresse de l'Acte uniforme sont ainsi déterminées en raison des fâcheuses conséquences qu'elles produisent au sein de la société.

En effet, la prise des actes destinés à modifier les statuts d'une société peut avoir de lourdes conséquences à la fois pour la société et pour les actionnaires, car elle est susceptible de conduire soit à augmenter les risques et engagements des actionnaires, soit à réduire leurs intérêts. Aussi, le législateur communautaire entend encadrer toute initiative de modification des statuts, en assortissant lesdits actes de la sanction de nullité.

Il convient de noter cependant que la nullité des actes modifiant les statuts d'une société commerciale peut être rapprochée de celle de la société elle-même ; ce qui explique qu'elle soit plus rare59compte tenu des conséquences graves qu'elle peut engendrer. En effet, l'art.242 de l'AUSC prévoit que, la nullité « ne peut résulter que d'une disposition expresse du présent Acte uniforme... ».

Ce sont essentiellement les décisions des assemblées générales extraordinaires60, et des décisions prises par d'autres organes de la société lorsque la loi les a habilités à modifier les statuts61, qui sont concernées.

A notre avis, l'on peut et doit d'ailleurs, à ce stade, assimiler aux décisions des assemblées générales extraordinaires, les décisions des assemblées spéciales, lorsqu'elles se rapportent à des modifications statutaires. En effet, ce n'est qu'après approbation de l'assemblée spéciale que la modification des statuts votée par l'assemblée générale extraordinaire est définitivement acquise. Il est donc indispensable, pour que la modification statutaire ne soit pas remise en question, en dehors des cas expressément prévus par l'Acte uniforme, que l'annulation de l'assemblée spéciale soit soumise au même régime que l'annulation des modifications statutaires.

On remarque que, si les législateurs français et africain sont tous deux hostiles à la nullité des actes modificatifs, le premier semble cependant quelque peu plus souple et prévoit un nombre assez important d'hypothèses pouvant conduire à la nullité de ces actes62. Le législateur OHADA préfère quant à lui la formule de

59 Contrairement aux causes de nullité des actes non modificatifs des statuts.

60 Car seules ces assemblées sont en principe compétentes pour modifier les statuts, et ce dans toutes leurs dispositions. Cf. art. 551 AUSC.

61 Cas, par exemple du conseil d'administration autorisé par l'assemblée à réaliser une augmentation de capital, ou
encore du conseil d'administration décidant le transfert du siège social dans les limites du territoire d'un même Etat

partie. D'après les arts. 451 et 568 AUSC.

62 Cf. par exemple pour nullité des actes modificatifs en droit français, la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, dans ses articles 72-1, 153, 156, 167, 173, 183 al.3, 186 al.1er, 194-8, 197-1, 198, 207 al.1er, 208, etc.

« réputée non écrite » de certains actes de la société, de telle sorte que, comme sus mentionné, la nullité n'intervient qu'à titre exceptionnel63.

La société et les actes modificatifs ne sont pas seulement soumis aux causes de nullité prévues expressément par l'Acte uniforme. S'y ajoutent celles tirées du droit des contrats.

b) La nullité tirée du droit des contrats

Le droit des sociétés entretient des relations importantes avec le droit commun des contrats. A ce titre, il est tout à fait logique et opportun que la nullité des actes modificatifs passés en violation des dispositions régissant ce droit puisse trouver application. En effet, bien que la référence au contrat en matière de délibérations soit un peu maladroite64, le caractère collectif de la décision sociale ne saurait suffire à l'abstraire des contingences du droit des obligations65 ; cette interprétation est particulièrement indispensable pour contenir dans des limites raisonnables les pouvoirs de l'assemblée extraordinaire. C'est donc par adaptation de ces principes qu'aux termes de l'art.242 de l'AUSC, la nullité des actes modifiant les statuts peut résulter non seulement d'une disposition expresse de l'Acte uniforme mais encore des « textes régissant la nullité des contrats en général et du contrat de société en particulier ».

Cette seconde catégorie de nullités affectant les modifications statutaires est beaucoup plus importante que la précédente66. Elle comprend au demeurant, deux séries de cas de nullité :

- D'une part, les cas de nullité provenant de la méconnaissance des règles générales de la validité des contrats, édictées par l'article 1108 du code civil (1) ;

- D'autre part, ceux résultant de la méconnaissance des règles particulières à la formation du contrat de société (2).

63 Cf. art. 552 AUSC, par exemple, pour les règles de réunion, de quorum et de majorité de l'Assemblée générale extraordinaire ; art. 572, à propos de la modification du capital. L'art. dispose, en effet : « Le capital doit être intégralement libéré avant toute émission d'actions nouvelles à libérer en numéraire, à peine de nullité de l'opération » ; art. 130, pour la nullité des décisions collectives en cas d'abus de majorité.

64Etant donné que les modifications statutaires sont généralement prises collectivement, les délibérations ne sont, en effet, pas des contrats. Ainsi, il faut adapter les décisions collectives aux principes régissant les contrats de droit commun. Cf. RIPERT (G.), ROBLOT (R.), op. cit. n°1596 p. 1172.

65 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.) : op. cit. 514 p. 190.

66 LAMY, Sociétés commerciales, 8e éd., LAMY S.A., paris, 1994, n° 2386, p.1017.

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i) Nullité provenant de la violation des règles générales de la validité des contrats

Aux termes de l'art. 1108 du code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention: le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation. Mais ces conditions de validité des contrats ne sont sanctionnées par la nullité que de façon exceptionnelle. Pour mesurer la portée du recul des causes de cette sanction en droit des sociétés commerciales, on examinera successivement les irrégularités pouvant affecter chacune de ces conditions et donc entraîner la nullité des actes modificatifs.

á - Vices de consentement et incapacités

L'art. 243 AUSC souligne de façon expresse que « dans les sociétés à responsabilité limitée et dans les sociétés anonymes, la nullité ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité d'un associé, à moins que celle-ci n'atteigne tous les associés fondateurs ». Etablissant une distinction entre d'une part la SARL et la SA, et d'autre part toutes les autres sociétés reconnues par l'Acte uniforme, cette disposition est la reproduction de la deuxième phrase de l'art. 360 de la loi française du 24 juillet 1966 précitée. C'est dire que les actionnaires ne pourront invoquer la nullité d'une délibération portant modification des statuts que lorsque ces irrégularités les affectent tous, ce qui est - nous l'avons souligné -, une hypothèse bien théorique et constitue une sorte de discrimination. En revanche, faute de disposition particulière de l'art. 243, on doit admettre que le défaut total de consentement67, ne concernerait-il qu'un actionnaire, entraîne la nullité de ladite délibération.

De même, pour ce qui est des vices de consentement, la demande en nullité peut être fondée sur le dol68, l'erreur69 ou même la violence70. S'agissant particulièrement du dol, la difficulté vient de ce qu'on se demande si comme en droit civil, il doit être le fait d'un seul actionnaire ou de tous les coactionnaires pour être sanctionné. La réponse est malaisée. Dans tous les cas, le juge devra peser l'impact de celui-ci et voir si la nullité peut être évitée ou pas.

La question se pose tout aussi de savoir si, dans les sociétés de capitaux, ils sont susceptibles de provoquer l'annulation d'un acte modifiant les statuts dès lors

67 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit., n°60, p.27.

68 V. Cass. Com. 26 avril 1971, J.C.P. 1972, 2 n°16986.

69 V. Cass. Com. 27 janvier 1982, op. cit.

70 V. C.A. Paris, 19 mars 1981, D. 1981. 405.

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qu'ils peuvent être invoqués par un seul des actionnaires. La jurisprudence française l'avait en tout cas admis sur la base de sa législation antérieure à 196671, et elle paraît bien avoir maintenu sa position sous l'empire de la loi actuelle 72.

Ainsi, les décisions des juridictions françaises révèlent bien implicitement que le vice de consentement pourrait être source de nullité de la délibération d'une assemblée extraordinaire, même s'il n'atteint pas la totalité des actionnaires. A notre sens, la jurisprudence africaine, en raison des lourdes conséquences que peut générer la limitation des vices de consentement dans les sociétés de capitaux pour les actionnaires, devrait donc s'inspirer de la position de la jurisprudence française.

Quant à la nullité pour incapacité, il semble qu'aucune restriction ne soit possible. L'incapacité n'entraîne la nullité que pour autant qu'elle affecte tous les associés fondateurs de la société par actions.

Il faut également souligner que par référence aux principes généraux du droit, la fraude constitue une cause de nullité des actes modifiant les statuts. En effet, la fraude corrompt tout, y compris les délibérations d'assemblées73

â- Illicéité ou défaut d'objet et absence ou illicéité de cause

Par application du droit commun des contrats, l'objet de la société, c'est-àdire l'ensemble des activités déterminées par le pacte social que la société entend exercer74, doit être à la fois déterminé, possible et licite. La sanction de ces différentes exigences sera la nullité de la société, une nullité d'ailleurs rigoureuse puisque, en cas, tout au moins, d'illicéité de l'objet, la traditionnelle faculté judiciaire de régularisation est ici exceptionnellement fermée75, et par ailleurs, l'action en nullité échappe à la prescription triennale de l'art. 251 AUSC.

En application des références faites ci-dessus, une délibération en assemblée extraordinaire doit également être déterminée, possible et licite. De la sorte, il sera possible de justifier l'annulation d'une délibération entachée d'excès de pouvoir en

71 Cass. Com., 26 avril 1971, JCP, 1972, II, n° 16986, note Bernard, rev. Soc. 1972, p. 248, pour un dol à l'occasion d'une augmentation de capital.

72 Ainsi, dans un arrêt du 19 mars 1981 (CA, Paris, 19 mars 1981, D., 1981, p. 405, concl. Jéal, JCP, 1982, II, n°19720, note Guyon) , la Cour de Paris n'a écarté le grief de violence invoqué par certains actionnaires pour obtenir l'annulation de la renonciation à un droit préférentiel de souscription que parce qu'elle a pu relever que « c'est en toute connaissance de cause et hors de toute « violence » au sens de l'art.1109 du code civil, mais seulement en raison de la nécessité de remédier à une situation catastrophique que les administrateurs d'abord, les actionnaires ensuite, se sont prononcés favorablement, à une large majorité, pour l'augmentation de capital ». V. également Cass. Com., 27 janvier 1982, Rev. Soc. 1982, p. 825, note Bouloc.

73 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), op. cit. (ibid.)

74 A distinguer du contrat de société, entendu comme les apports effectués.

75 Cf. art. 246 AUSC ; v. aussi LAMY, op. cit., n° 2390, p. 1018.

considérant qu'elle a un objet illicite. En particulier, lorsqu'une assemblée extraordinaire porte atteinte aux droits individuels des actionnaires76, elle fausse le mécanisme institué par la loi pour assurer le fonctionnement régulier de la société77.

Quant à la cause, l'application de l'article 1131 du code civil conduit à exiger que celle-ci soit à la fois réelle et licite. La sanction sera là encore la nullité de la délibération, encourue quelle que soit la forme sociale adoptée. Les droits et intérêts des actionnaires devraient donc se trouver dans ces hypothèses à l'abri des abus.

L'art. 242AUSC retient, en dehors des cas de nullité relevant du droit commun des contrats, ceux tirés du contrat de société.

ii- Nullité résultant de la violation des règles particulières à la formation du contrat
de société

La formule utilisée par l'art.242 AUSC conduit à retenir également comme cause de nullité de la société des violations des règles particulières à la formation du contrat de société. Il s'agit ici des éléments essentiels du contrat de société, à savoir : l'existence d'apports, la pluralité d'associés et l'affectio societatis. Mais l'avènement de l'OHADA et de son Acte uniforme conduit à écarter la nullité pour défaut de pluralité d'associés, en ce qui concerne la SARL et la SA78. Parce que la fictivité de l'apport vise exclusivement la société, seul le défaut d'affectio societatis retiendra notre attention.

S'agissant de l'affectio societatis, en effet, le contrat de société suppose, pour son existence même, non seulement un accord de volonté des parties mais encore une volonté durable de collaboration sur un pied d'égalité pour la réalisation de l'oeuvre commune. En son absence, la société n'est qu'une pure apparence, une fictivité dénuée de toute valeur. Cet élément ne figure malheureusement pas dans une disposition expresse de l'Acte uniforme. Toutefois, il peut s'en déduire de l'alinéa 2 de l'art. 4 dudit Acte uniforme, qui recommande que la société soit créée dans l'intérêt commun des associés79.

Au regard de ces analyses, la constance qui se dégage est qu'une délibération peut ne pas être annulée en application d'une disposition expresse du droit des sociétés, mais l'être conformément aux règles régissant les contrats en général.

76 Droit de faire partie de la société, droit de ne pas être contraint à une augmentation des engagements, droit de vote, droit aux bénéfices et aux réserves et droit de négociation des actions.

77 Voy. Paris co., 12juin 1972, R.D.C., 1972, 650, obs. HOUIN.

78 Les articles 309 pour la SARL et 385 pour la SA de l'AUSC consacrent la possibilité de créer une SARL avec un seul associé, de même que la SA, avec un seul actionnaire. On parle alors de SARL ou de SA unipersonnelle. L'art. 5 AUSC consacre expressément d'ailleurs la société unipersonnelle.

79 ANOUKAHA (F.), Cours de droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique OHADA, op. cit.

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On signalera que les fusions et scissions font l'objet d'un régime particulier, à l'aune des dispositions de l'art. 198 de l'AUSC. Selon les termes même de cet article, en effet, « A peine de nullité, les sociétés participant à une opération de fusion, scission, apport partiel d'actifs sont tenues de déposer au greffe une déclaration dans laquelle elles relatent tous les actes effectués en vue d'y procéder et par laquelle elles affirment que l'opération a été réalisée en conformité du présent Acte uniforme ».

La chasse aux nullités par le législateur OHADA semble cependant connaître un certain bémol lorsque celles-ci sont relatives aux actes sociaux ne modifiant pas les statuts mais portant atteinte ou susceptibles de porter préjudice aux droits des actionnaires.

2- L'annulation facile des actes non modificatifs faisant grief

Aux termes de l'art.244 de l'AUSC, « la nullité de tous actes, décisions ou délibérations ne modifiant pas les statuts de la société, ne peut résulter que d'une disposition impérative du présent Acte uniforme, des textes régissant les contrats ou les statuts de la société ». Cette formule révèle que les causes de nullité sont ici encore entendues de manière stricte. Cependant, elles ne le sont à un moindre degré que pour la société et les actes modificatifs de ses statuts. En effet, l'expression « violation d'une disposition impérative » laisse place, comme il sera loisible de le constater, à des hypothèses de nullités virtuelles, non expressément édictées par les textes80.

Il convient donc, dès l'abord, de bien déterminer le domaine visé par l'art. 244 AUSC. Sur cette base, on doit considérer que sont concernées toutes les décisions émanant d'organes délibérants de la société susceptibles de produire des effets de droit. Seules les décisions prises dans les cadres institutionnels sont donc visées.

Ce domaine précisé, il convient de s'intéresser à présent aux sources des nullités. L'art. 244 de l'Acte uniforme en cite trois : les dispositions de cet Acte, les textes régissant les contrats et les statuts. Signalons par ailleurs qu'en ce qui concerne les textes régissant les contrats, on peut transposer ici les développements effectués à propos des nullités de la société et des actes modificatifs81. Seules deux de ces

80 LAMY, op. cit., n° 2409, p.1022. 80 La nullité des actes non modificatifs des statuts provenant des textes régissant les contrats se rapprochent, en effet, de la nullité de la société et des actes modificatifs résultant des textes régissant la nullité des contrats de l'art. 242.

81 La nullité des actes non modificatifs des statuts provenant des textes régissant les contrats se rapprochent, en effet, de la nullité de la société et des actes modificatifs résultant des textes régissant la nullité des contrats de l'art. 242.

sources seront donc envisagées, à savoir, les nullités dues à la violation des dispositions impératives de l'Acte uniforme (A), et les nullités dues à la violation des dispositions statutaires (B).

a)Les nullités résultant de la violation des dispositions impératives de l'Acte uniforme

Les nullités résultant de la violation des dispositions impératives de l'Acte uniforme soulèvent dès l'abord des incertitudes. Quand peut-on considérer qu'une disposition est impérative? Une disposition impérative peut-elle s'entendre d'une disposition où la nullité n'est pas expressément édictée ? La réponse à cette question comporte elle-même une zone d'incertitude. C'est pourquoi, avant de déterminer l'application de l'art. 244 AUSC (2), nous nous attellerons à dégager le sens et la justification possibles de la formule «disposition impérative)) (1).

i- Sens et justification de la formule « disposition impérative »

Le problème naît du mutisme de l'art. 244 de l'AUSC, qui ne définit pas la notion de disposition impérative. Heureusement, doctrine et jurisprudence comblent cette lacune.

Au sens strict, est impérative toute disposition que le législateur qualifie expressément d'ordre public en interdisant toute pratique contraire. Mais la doctrine adopte une approche plus large de la notion et qui cadre avec nos préoccupations. Dès lors, cette expression est susceptible d'une double acception. D'une part, elle a été introduite dans la loi pour qu'existe une cause de nullité générale permettant au juge de suppléer aux oublis éventuels du législateur82. D'autre part, dans la théorie générale des nullités, la disposition impérative est celle qui édicte une prescription positive, par opposition à la disposition prohibitive qui contient une interdiction83.

On doit donc admettre, en confiant cette mission de qualification au juge, qu'une disposition doit être considérée comme impérative chaque fois qu' « elle est inspirée par une considération d'intérêt général qui se trouverait compromise si les particuliers étaient libres d'empêcher l'application de la loi ))84. De la même manière, on est amené à admettre que la nullité est susceptible d'être prononcée, en

82 Cette mission assignée au juge, nous l'avons souligné, conduira à coup sûr à créer des nullités sans textes et donc virtuelles, allant à l'encontre même de l'esprit général de l'Acte uniforme en la matière

83 Encyclopédie Dalloz, v. nullités n°25, citée par MERCADAL (B.) et JANIN (PH.), op. cit., n° 3747, p. 119583 Formule empruntée à Ghestin, Droit civil, les obligations, n° 93, citée par LAMY, op. cit., n° 2413, p. 1024.

84 Formule empruntée à Ghestin, Droit civil, les obligations, n° 93, citée par LAMY, op. cit., n° 2413, p. 1024.

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l'absence d'une disposition expresse la prévoyant, dès lors que l'irrégularité commise compromet un intérêt assez important que la disposition violée tendrait à protéger. C'est pourquoi, à notre avis, c'est au juge qu'il appartiendra de dire si telle ou telle disposition de l'Acte uniforme doit être considérée comme impérative au sens de l'art. 244.

A titre de droit comparé, la jurisprudence française a déjà eu à se prononcer en la matière. En ce qui concerne l'interdiction pour les commissaires aux comptes d'être nommés administrateurs, directeurs généraux ou membre du directoire des sociétés qu'ils contrôlent moins de cinq ans après la cessation de leurs fonctions, prévue à l'art. L 221 de la loi du 24 juillet 1966 précitée, la Cour de cassation a jugé que cette interdiction constitue une disposition impérative de la loi de 1966 dont la violation entraîne la nullité de la nomination du commissaire en qualité d'administrateur85. Il en est de même en ce qui concerne l'interdiction pour un administrateur en fonction d'obtenir un contrat de travail dans sa société.

Fort heureusement, il existe tout de même quelques cas de nullité des actes ou délibérations ne modifiant pas les statuts qui ne font aucun doute. Il s'agit de ceux qui sont expressément prévus par l'Acte uniforme et qui ont été exposés ci-dessus à propos des décisions modifiant les statuts86. A ces derniers, on ajoutera ceux prévus par le législateur OHADA et retenus par la jurisprudence africaine87.

Il faut tout de même signaler que la référence du législateur africain aux règles impératives nous semble à la fois surprenante et superfétatoire. Par application, en effet, de l'art. 2 de l'Acte uniforme, les dispositions dudit texte sont impératives, « sauf dans le cas où il autorise expressément l'associé unique ou les associés, soit à substituer les dispositions dont ils sont convenus à celles du présent Acte uniforme ». Et la question qui surgit dès lors est de savoir pourquoi l'art. 244 de l'AUSC a-t-il jugé nécessaire de rappeler que la transgression d'une « disposition impérative » de cet acte peut être cause de nullité. Pour KASSIA Bi Oula, - et nous partageons ce point de vue - cette attitude s'explique de la manière suivante : l'art. 242 de l'AUSC ayant adopté le principe des nullités textuelles, on pourrait légitimement croire qu'en dehors des cas de nullité édictés de façon expresse, aucune autre irrégularité n'est

85 Soc. 20 octobre 1976, Rev. Soc. 1977, 277, note J.G.

86 V. supra, note de bas de page n° 46, p. 13.

87 C'est par exemple l'hypothèse d'annulation des délibérations pour convocations irrégulières du conseil d'administration telle que visée à l'art. 453 al. 4 de l'AUSC et appliquée par la Cour d'appel d'Abidjan. C'est aussi le cas, par exemple de la nullité des actes pour irrégularité de la convocation d'une assemblée générale ordinaire tel que retenu par le tribunal de première instance de Bafoussam. CA, Abidjan-COTE D'IVOIRE, arrêt n° 688 du 25 juin 2004, Aff. Office ivoirien des chargeurs (OIC) et autres (SCPA SORO et BAKO) c/ BLEY ANONDO et autres, Juriscope 2007. CA, Ouest-CAMEROUN, TPI, Bafoussam, Aff. Polyclinique de Bafoussam S.A. c/ NZOGANG Didier.

87 A titre d'exemple, l'inobservation des règles de quorum et de majorité de l'assemblée générale des actionnaires (art. 548 et s. AUSC) n'est pas expressément sanctionnée par la nullité. Mais l'art. 244 permet d'y remédier.

sanctionnée par la nullité. C'est donc pour écarter cette incompréhension qu'a été adopté le texte de l'art. 244.

Il en résulte que, comme dans le droit français, la violation de n'importe qu'elle règle de l'Acte uniforme est de nature à entraîner l'annulation de l'acte88. Quid de l'application de la règle ?

ii- Application de l'art. 244 AUSC

Le sens et la justification de la formule «disposition impérative» apportés, l'application de l'art. 244 ne devrait pas poser de difficultés et d'analyses particulières. En effet, conformément aux solutions préconisées ci-dessus, les dispositions légales pouvant être considérées comme impératives - et partant susceptibles d'être sanctionnées par la nullité en cas de violation - ont été au fur et à mesure des développements se rapportant à des actes ou à des délibérations ne modifiant pas les statuts précisées.

Le législateur africain de l'OHADA n'a pas limité les sources de nullité des actes non modificatifs pouvant faire grief aux droits des actionnaires aux seules règles légales. Il y a également compris les dispositions statutaires.

b) Les nullités dues à la violation des dispositions statutaires

A la violation d'une disposition impérative de l'Acte uniforme, il faut assimiler la violation d'une disposition impérative des statuts. En retenant la violation des statuts comme cause de nullité dans son art. 244, l'Acte uniforme se démarque de la législation française de 1966 dont il s'est pourtant inspiré89. Cela n'a d'ailleurs rien de surprenant puisque, selon l'art. 1134 du code civil « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »90. Cette position paraît d'ailleurs bien avoir été adoptée par un arrêt de la chambre commerciale du 6 mai 197491 dans les circonstances suivantes.

88 A titre d'exemple, l'inobservation des règles de quorum et de majorité de l'assemblée générale des actionnaires (art. 548 et s. AUSC) n'est pas expressément sanctionnée par la nullité. Mais l'art. 244 permet d'y remédier.

89 En effet, la législation française, n'a pas prévu expressément ces causes de nullité dans son article 360, et l'on devait, pour son admission, se référer aux lois qui régissent les contrats de droit commun, car elles semblent l'englober implicitement mais nécessairement.

90 CHARTIER (Y.), Droit des affaires, sociétés commerciales, tome2 3e éd., coll. Thémis, 1992, n° 71, p. 16090 Com. 6 mai1974, D. 1975, p. 102, note GUYON.

91 Com. 6 mai1974, D. 1975, p. 102, note GUYON.

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Saisis d'une demande en nullité d'une assemblée générale, au motif qu'elle avait été irrégulièrement convoquée par un conseil d'administration dont certains membres n'étaient pas propriétaires d'actions d'un montant et d'un nombre exigés par les statuts, les juges du fond avaient rejeté l'action en observant que les administrateurs en cause étaient régulièrement en fonction, que si les anciennes actions dont ils étaient possesseurs faisaient l'objet d'un regroupement, la loi n° 64- 697 du 10 juillet 1964 permettait, pendant un délai de deux ans, de laisser coexister les actions anciennes et les actions nouvelles, et que les prérogatives attachées aux actions anciennes étaient ainsi demeurées intactes.

La chambre commerciale censure en ces termes : « ...en se bornant à statuer par ces motifs, alors qu'elle constatait que les statuts sociaux avaient été modifiés par l'assemblée générale extraordinaire (du 29 décembre1970), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

On peut comprendre l'attitude du législateur français en ne consacrant pas expressément cette cause de nullité, car à notre sens, elle est en parfaite cohérence avec son désir de réduire autant que possible les causes de nullité en général. Par la même occasion, la démarche adoptée par l'Acte uniforme pourrait a priori surprendre, puisque celui-ci est resté pour l'essentiel, dans la logique de la législation française. Toutefois, la différence entre les deux législations est purement formelle.

La solution préconisée ici par le législateur communautaire soulève le problème de la nature juridique de la société92. Cette dernière est-elle un contrat ou plutôt une Institution? La place accordée aux statuts accréditerait la thèse contractuelle. Mais l'hésitation est permise, en raison de la généralisation des règles impératives dans l'Acte uniforme, se situant dans la logique même des règles gouvernant le droit moderne des sociétés commerciales.

On relèvera que, contrairement au droit français où le concept de fraude permet d'obtenir l'annulation d'une société ou d'un acte modificatif des statuts93, quoique non expressément prévu, la lettre et l'esprit de l'art. 242 de l'Acte uniforme qui se réfère aux textes régissant la nullité des contrats, n'admettent pas une telle solution. A supposer même que la solution fût admise, la règle « Fraus omnia corrumpit » constitue en elle-même un principe général du droit largement pris en compte par l'art. 245 de l'AUSC.

92 KASSIA BI (O.), op. cit. ; p. 369.

93 CHARTIER (Y.), op. cit., n° 70, p. 158.

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2-Les conditions d'exercice de l'action en nullité

Lorsqu'une cause de nullité existe, le sort de la société ou de la délibération irrégulière est lié au droit d'agir en nullité (a). Sont également liés à ce sort le délai de prescription de l'action, la réparation éventuelle du vice et le pouvoir du juge de prononcer la nullité (b). Ce qui nous permettra de dégager les conséquences y afférentes (c).

a) Le droit d'agir en nullité

Il est question de savoir quand, comment et dans quelles hypothèses l'actionnaire met en mouvement son action en nullité. Pour y répondre, il nous semble opportun de distinguer selon que la nullité est absolue (i) ou relative (ii).

i- L'action en nullité absolue

Le législateur communautaire n'est pas explicite sur la question. Seule une lecture attentive des dispositions de l'art. 246 de l'Acte uniforme permet de dégager l'hypothèse d'une action en nullité absolue.

Ainsi, lorsque l'action sanctionne un vice de portée générale, elle doit être considérée comme absolue, et peut par conséquent être demandée par toute personne pouvant faire valoir « un intérêt légitime au succès de sa prétention »94. En mettant en exergue un intérêt légitime au sens de nos développements, l'action en nullité absolue ouvrirait la voie à une garantie accrue des droits des actionnaires, car celle-ci conduirait à considérer comme titulaires de l'action les actionnaires, à condition toutefois qu'ils aient déjà détenu des titres sociaux lors de l'adoption de la délibération qu'ils attaquent95 ; les créanciers de la société, les directeurs généraux, le Président-Directeur général et les commissaires aux comptes.

Cependant, la question se pose de savoir si en la matière, le Ministère public dont la fonction essentielle est d'assurer et de veiller au respect de l'application des lois, et partant, de l'ordre public, disposerait également de ce droit. Face au mutisme apparent et surprenant de la législation africaine, seule une analyse comparative d'avec la législation française autorise une réponse à la préoccupation. Ainsi, d'après les articles 422 et 423 de l'actuel Code de procédure civile français, le Ministère public n'est pas habilité à agir si la loi ne lui reconnaît pas expressément ce droit - ce

94 LAMY, op. cit., n° 2424, p.1031.

95 Cf. Trib. Com., Paris, 3 décembre 1975, Rev. Soc. 1976, p. 106, note CHARTIER.

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qui n'est pas le cas ici - à moins que l'ordre public ne soit intéressé96. Le législateur national camerounais, faut-il le souligner, va dans le même sens lorsqu'il exige dans l'article 36 alinéa 1 de son Code de procédure civile et commerciale que soient communiquées au Procureur de la République les causes concernant l'ordre public, l'Etat, le territoire, les domaines, les communes, les établissements publics, les dons et legs au profit des pauvres. En effet, l'ouverture de l'action à cette Institution atteste que le contrôle de la gestion d'une société peut intéresser la collectivité publique et non pas seulement les actionnaires. Il s'agirait, dans ces conditions, d'une nullité d'ordre public à la fois de protection et de direction. On peut néanmoins se poser la question de savoir si les motifs invoqués à l'appui de la demande d'expertise formulée par le Ministère public devront faire l'objet d'une appréciation originale tenant compte de l'identité du demandeur. En tout cas, le recours à cette modalité peut présenter un intérêt certain pour les actionnaires qui ne peuvent déclencher directement l'action en raison d'une participation trop faible ou d'une dispersion trop grande. Concrètement, le Ministère public devra saisir le juge par voie de requête.

L'exigence de l'intérêt légitime demeure cependant, indispensable à la recevabilité de l'action en nullité absolue qui se rapproche de ce fait de l'esprit de la nullité relative.

ii- L'action en nullité relative

A l'opposé de l'action en nullité absolue pouvant être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt légitime à agir, lorsque la nullité a seulement pour objet la protection d'intérêts particuliers d'une personne déterminée ou encore d'un groupe de personnes, elle doit être considérée comme relative, et donc ne peut être demandée que par la personne protégée par la loi. Il a ainsi été jugé que la nullité pour violation d'une formalité destinée à protéger les actionnaires anciens titulaires d'un droit préférentiel de souscription lors d'une augmentation de capital réservée ne pouvait être invoquée par les bénéficiaires de la renonciation97. On doit néanmoins adjoindre à cette dernière ses ayant cause universels et à titre universel, ses créanciers personnels agissant par la voie de l'action oblique et le liquidateur nommé en cas de liquidation judiciaire frappant la société98.

96 Par exemple à notre avis, en cas d'apports illicites, hors commerce ou contraires aux bonnes moeurs, ou encore en cas de cause immorale d'une constitution de société, voire d'une délibération sociale.

97 C.A., Pau, 2e ch., 9 juin 1987, JCP éd. N 1988, Pratique, n° 649, p. 454.

98 LAMY, op. cit., n° 2424, p . 1031.

Au total, la distinction entre nullité absolue et nullité relative reste fondamentale. On ne manquera pas de mentionner cependant qu'il est possible d'exercer autant d'actions en nullité qu'il y a de causes de nullité99. De même que le droit d'agir en nullité ne peut pas être écarté sous prétexte que le demandeur n'a pas émis une protestation dès la naissance du vice100. En outre, l'action en nullité est recevable même, si le nombre de voix dont dispose l'actionnaire qui l'exerce était insuffisant pour faire échec aux décisions contestées101. Toutefois, l'action en nullité doit être écartée lorsque celui qui l'exerce est censé avoir renoncé102. Elle le sera également si l'actionnaire ne l'exerce pas dans les délais impartis, d'autant qu'il est possible de procéder à une régularisation de la nullité.

b) Prescription de l'action en nullité et possibilité de régularisation

L'examen de la prescription de l'action en nullité (1) précèdera celui de la régularisation (2), mais il convient tout de suite de relever que ces mesures sont plutôt des obstacles au prononcé de la nullité de nature à amener l'actionnaire soit à être plus vigilant et diligent, soit à renoncer à son action selon la gravité de la menace et en fonction des intérêts en jeu.

i- Prescription de l'action en nuiité

Des dispositions de l'art. 251 de l'Acte uniforme, les actions en nullité de la société, se prescrivent par trois ans à compter de l'immatriculation de la société ou de la publication de l'acte modifiant les statuts sauf si la nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social et sous réserve de la forclusion prévue à l'article 248 du présent Acte uniforme. Et les actions en nullité des actes, décisions ou délibérations de la société, se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue sauf si la nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social et sous réserve de la forclusion prévue à l'art. 248 dudit Acte uniforme.

Toutefois, l'action en nullité d'une fusion ou d'une scission obéit à un régime particulier, la prescription étant fixée à six mois à compter de la date de la dernière

99 Par exemple, lorsqu'une demande en nullité d'une assemblée générale pour cause de dol a été rejetée, une autre demande invoquant la nullité pour défaut de la majorité requise au cours de la même assemblée peut être déclarée recevable. (com. 8 mars 1967, Bull.III n° 106).

100 A titre d'exemple, l'actionnaire qui ne s'est pas immédiatement opposé à une décision de l'assemblée peut néanmoins agir en nullité lorsqu'il constate par la suite que cette décision est illégale et qu'il lui cause un préjudice (Aix 13 janv. 1977, Bull. Joly 1977, 537 ) ; de même le fait d'avoir voté la résolution litigieuse n'interdit pas à un actionnaire d'en demander ultérieurement l'annulation (Paris 8 juil. 1982, BRDA 1982/21 p.12.°

101 Paris, 9 nov. 1983, BRDA 1984/1 p.12.

102 MERCADAL (B.) et JANIN (PH.), op. cit., n°3761, p. 1198.

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inscription au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) rendue nécessaire par l'opération de fusion ou de scission.

De ces dispositions, se trouvent à nouveau affirmée la volonté manifeste du législateur à n'admettre la nullité que de manière exceptionnelle, la marge temporelle d'action des actionnaires étant très réduite. Comment comprendre cela ? Il semble, pour y apporter des éléments de réponse, qu'un délai aussi long en matière de nullité de société ferait peser pendant longtemps bien d'incertitudes sur l'avenir de la société. Aussi, le droit des sociétés a-t-il adopté des délais de prescription assez souples.

A l'analyse donc, il se dégage en substance un régime général correspondant à la prescription triennale pour les actions en nullité de la société et des actes sociaux, et dont, le délai court soit à compter de l'immatriculation de la société, soit de la publication de la modification des statuts, ou du jour où la nullité est encourue. De même, l'on peut observer la présence de quelques régimes particuliers.

Les régimes particuliers sont, en effet, au nombre de deux. Le premier a trait à la nullité pour illicéité de l'objet. Aucun délai n'étant retenu par le législateur OHADA , quel délai doit-on retenir à son égard ? Ou encore, faut-il retenir face à ce mutisme la prescription trentenaire ? Ou bien, faut-il tout simplement considérer que l'action en nullité est ici imprescriptible ? On pourrait être tenté de dire qu'ici, le délai de prescription qui s'applique est celui de droit commun103, mais l'esprit du législateur nous le décommande fortement. Aussi et à notre sens, c'est la solution de l'imprescriptibilité de l'action en nullité pour illicéité de l'objet social qui doit être admise et qui est d'ailleurs généralement admise, en raison de la gravité de l'irrégularité104.

Le second régime est relatif quant lui, à l'action en nullité d'une fusion ou d'une scission et dont l'action se prescrit par six mois à compter de la date de la dernière inscription au registre du commerce et du crédit mobilier sus évoqué.

Il faut cependant rappeler que si en vertu du droit commun la nullité peut s'éteindre par la prescription abrégée, cette prescription laisse subsister l'exception de nullité qui elle, est perpétuelle. Autrement dit, celui à qui on demande d'exécuter un acte nul peut toujours refuser de le faire en vertu de cette exception105.

La prescription n'est pas la seule entrave à l'exercice de l'action en nullité ; s'y ajoute l'extinction de l'action par la régularisation.

103 C'est-à-dire le délai de trente ans.

104 POUGOUE (P.-G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit., n° 69, p. 30.

105 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), Droit des sociétés, op. cit. n° 226, p. 77.

ii-Régularisation spontanée et/ou forcée de la nullité

En principe, toutes les nullités peuvent être couvertes à l'exception de celles fondées sur l'illicéité de l'objet social106. La régulation peut être spontanée et/ou forcée selon la gravité de la nullité que l'on entend couvrir. En effet, en matière de nullité de la société, l'impossibilité de régulariser est très rare, voire exceptionnelle107 ; elle est même recommandée d'office au juge.

La régularisation de l'action en nullité fait donc l'objet d'une réglementation étoffée, consacrée par les articles 246 à 250 de l'Acte uniforme. Il est ainsi édicté à l'art. 246, par exemple, que « L'action en nullité est éteinte lorsque la cause de nullité a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur le caractère illicite de l'objet social ». La formulation du texte semble ne laisser aucune appréciation au juge. Quelle que soit la gravité de l'irrégularité, il est obligé de déclarer l'irrecevabilité de l'action en nullité, dès lors que la cause de nullité a disparu au jour où il statue sur le fond.

Dans une toute autre hypothèse, le législateur laisse la faculté au juge de décider de la couverture ou non de la nullité. Ainsi, lorsque l'action en nullité n'est pas éteinte faute de disparition du vice, l'art. 247 de l'AUSC invite le tribunal à «fixer, même d'office, un délai pour permettre de couvrir la nullité ». Il est pourtant permis de se demander s'il s'agit là d'une simple invitation, car la même faculté est mise en échec par l'interdiction qui lui est faite de prononcer la nullité moins de deux mois après l'exploit introductif d'instance108.

Dans le même sens, l'art. 247 sus cité dispose dans son alinéa 2 que « Si, pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée et s'il est justifié d'une convocation régulière de cette assemblée, le tribunal accorde, par jugement, le délai nécessaire pour que les associés puissent prendre une décision ».La réflexion que l'on peut faire est que l'initiative de la régularisation peut émaner aussi bien des actionnaires que du juge, de sorte que ce n'est que dans l'impossibilité avérée de couverture de la nullité que le juge peut se résoudre à se prononcer sur la nullité, avec toutes les conséquences qu'une telle décision peut entraîner sur la vie de la société commerciale.

De façon générale, le législateur OHADA prévoit une possibilité de régularisation globale démontrant sa volonté manifeste d'éviter au maximum

106 La régularisation est donc la couverture ou la réparation de l'irrégularité. Elle équivaut, en effet, à la suppression de la cause de nullité.

107 LAMY, Sociétés commerciales, op. cit. n° 2438 p. 1035. 107 Cf. art. 247 AUSC in extenso.

108 Cf. art. 247 AUSC in extenso.

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l'annulation de la société. En effet, si une formalité prescrite par l'Acte uniforme pour la constitution de la société a été omise ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé peut demander à la juridiction compétente dans le ressort de laquelle est situé le siège social, que soit ordonnée sous astreinte, la régularisation de la constitution, le Ministère public ayant la possibilité d'agir aux mêmes fins109.

Pour être complet sur la question, il faut aussi signaler que l'existence des voies de recours peut être considérée comme un obstacle à l'action en nullité car, les hautes juridictions peuvent toujours infirmer une annulation de la société110. Dans tous les cas, l'appel peut être interjeté dans les conditions de droit commun. Mais la véritable originalité dans les voies de recours réside dans la tierce opposition111. Et en droit commun, la tierce opposition n'est soumise à aucun délai particulier. Elle est donc recevable pendant toute la durée de la prescription trentenaire. Mais en matière de nullité de société, cette tierce opposition n'est recevable que pendant un délai de six mois à compter de la publication de la décision dans un journal d'annonces légales du siège de la juridiction112. Cette mesure vise à éviter les inconvénients que présenterait la remise en cause tardive d'une annulation de la société113.

c) Conséquences de la nullité

Il s'agit plus exactement de s'interroger sur les effets que déploie la nullité lorsqu'elle est finalement prononcée car, l'actionnaire agissant en nullité défend sans aucun doute ses intérêts. A l'évidence, il faudra distinguer selon que la nullité prononcée concerne la société ou les actes sociaux.

Dans la première hypothèse et formalisant ainsi la théorie doctrinale et jurisprudentielle de la « société de fait » qui avait tout intérêt d'éviter les inconvénients de la rétroactivité des effets de la nullité appliquée à la société114, l'art. 253 de l'AUSC pose le principe selon lequel lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin, sans rétroactivité, à l'exécution du contrat. Il est procédé à la dissolution et, pour ce qui concerne les sociétés pluripersonnelles, à leur liquidation.

A l'égard des tiers, l'art. 255 de l'AUSC précise que ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi115. Dans

109 Cf. art. 75 AUSC.

110 Elles peuvent également se prononcer en faveur du demandeur de la nullité.

111 Celle-ci est définie comme une voie de recours tendant à faire rétracter ou réformer un jugement au profit d'un tiers
qui n'a été ni appelé ni représenté lors du procès. Cf. art. 217 du Code de procédure civile et commerciale camerounais

112 Cf. art. 252 AUSC.

113 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n° 156 p. 164.

114 VIDAL (D.), Droit des sociétés, 4e éd., LGDJ, 2003, n° 277, p. 136.

115 On estime que sont dans ces conditions de bonne foi, les tiers qui ont cru à l'apparence de la régularité de la société.

la seconde hypothèse, l'acte ou la délibération ayant fait l'objet d'une décision d'annulation est anéanti. Il n'a donc pu produire aucun effet juridique. La délibération est censée ne pas avoir été prise; la modification des statuts est non avenue, et laisse subsister les précédentes dispositions statutaires, de sorte que l'actionnaire évincé se trouve rétabli dans ses droits. En application du droit commun des contrats, on doit admettre que sont également remis en cause tous les actes indivisiblement liés à celui qui se trouve annulé.

Sur les effets spécifiques de la nullité d'une fusion ou d'une scission, c'est l'art.254 de l'AUSC qui trouve à s'appliquer. Ainsi, la décision qui prononce la nullité d'une fusion ou d'une scission est sans effet sur les obligations nées à la charge ou au profit des sociétés auxquelles le ou les patrimoines sont transmis entre la date à laquelle prend effet la fusion ou la scission et celle de la publication de la décision prononçant la nullité. Dans le cas spécifique de la fusion, les sociétés ayant participé à l'opération sont solidairement responsables de l'exécution des obligations à la charge de la société absorbante. Il en est de même, dans le cas de la scission, de la société scindée, pour les obligations des sociétés auxquelles le patrimoine est transmis. En effet, chacune des sociétés auxquelles le patrimoine est transmis répond des obligations à sa charge nées entre la date de prise d'effet de la scission et celle de la publication de la décision prononçant la nullité.

On le voit bien, avec la nullité, la marge d'action des actionnaires est rigoureusement encadrée et limitée. Fort heureusement, il leur est reconnu une plus grande surface de manoeuvres pour exercer des actions en responsabilité en cas de besoin. La menace d'une responsabilité, même en cas de disparition de la cause de nullité, semble être la manière la plus efficace pour garantir la régularité des constitutions et des actes sociaux116, et partant, le respect des droits des actionnaires.

B- Les responsabilités découlant du déséquilibre des pouvoirs des actionnaires :
la responsabilité des coactionnaires fautifs

Les actionnaires peuvent être la cause même des difficultés de fonctionnement de la société par actions. Les sociétés de capitaux, la S.A. principalement, comprennent souvent des actionnaires qui se connaissent mal. Dans cette optique, elles sont peut être les plus exposées aux conflits entre actionnaires117 essentiellement

116 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 72, p. 31.

117 GUYON (Y.), Droit des affaires, droit commercial général et sociétés, 8e éd., tome1, Economica, 1994, p. 455.

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intéressés par la multiplication de leurs placements118. D'où la nécessité de protéger mutuellement ces derniers. Au regard de cette entreprise, il est important de déterminer les fautes des uns et des autres susceptibles de sanction. Tâche qui nous conduit à opérer une distinction entre l'abus de majorité (1) et l'abus de minorité (2), l'abus d'égalité non seulement n'étant pas expressément envisagé par le législateur africain, mais encore est très rare sinon inexistant dans les sociétés de capitaux. Il s'agit en réalité d'une variété d'abus de minorité119. C'est pourquoi il ne sera pas retenu dans le cadre de cette étude.

1- L'abus de majorité

Lorsqu'une personne décide d'entrer dans un groupe, on attend d'elle qu'elle se soumette à la loi du groupe sans pour autant abdiquer complètement à ses droits. Dans une société commerciale, comme dans une démocratie, les décisions se prennent à la majorité, devant laquelle la minorité doit s'incliner ; c'est un gage d'efficacité par rapport au droit commun des contrats ou de l'indivision, lequel ne connaît que la règle de l'unanimité. La minorité n'est cependant pas livrée pieds et poings liés aux caprices de la majorité.

Les actionnaires minoritaires, en effet, sont souvent considérés comme un fardeau inutile, « un poids mort » par les actionnaires majoritaires d'entreprises, alors même qu'ils peuvent jouer un rôle essentiel dans la gouvernance et dans le succès global d'une entreprise, ainsi que dans le développement et la durabilité des marchés financiers. Le législateur OHADA l'a en tout état de cause compris, et a entendu le matérialiser via la sanction de l'abus de majorité. Mais que faut-il entendre par abus de majorité ?

Alors que le législateur français n'a pas consacré expressément cette mesure, le législateur africain a le mérite à la fois de l'avoir fait et d'avoir défini la notion. Ainsi, d'après l'art. 130 al. 2 de l'AUSC, « il y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société ». L'abus de majorité implique donc la réunion de deux éléments : la violation de l'intérêt social et la rupture d'égalité entre actionnaires.

118 En effet, les actionnaires minoritaires reprochent fréquemment aux majoritaires d'abuser de leurs droits et de gérer la société non dans l'intérêt de la société elle-même, mais dans leur intérêt personnel. Il y aurait donc un détournement de pouvoirs ou de fonction de la part des majoritaires. Mais les minoritaires ne sont pas en reste. En effet, face à la superbe des forts, il faut compter avec la tyrannie des faibles.

119 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit., n° 177, p. 77.

L'intérêt social apparaît comme un fait justificatif des atteintes au principe d'égalité entre actionnaires120. Le législateur n'a pourtant pas donné une définition exacte de ce concept. C'est la doctrine et surtout la jurisprudence qui ont, au gré des besoins, tenté de préciser les contours de la notion. Dans cette perspective, la doctrine est unanime à dire que l'intérêt social est distinct des intérêts des actionnaires. La personne morale, en effet, a des intérêts qui transcendent ceux des actionnaires L'intérêt social ne serait donc pas que la somme de intérêts individuels de tous les actionnaires qu'ils soient majoritaires ou minoritaires. C'est dans ce sens que BISSARA Philippe121 a donné une définition de l'intérêt social qui reflète le droit positif : « L'intérêt social peut ainsi se définir comme l'intérêt supérieur de la personne morale, c'est-à-dire de l'entreprise considérée comme un agent économique autonome poursuivant ses fins propres, distinctes notamment de celles de ses actionnaires, de ses salariés, de ses créanciers dont le fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui est d'assurer la prospérité et la continuité de l'entreprise ».

Quant à la rupture d'égalité entre actionnaires, elle doit être recherchée dans l'objet des délibérations adoptées soit en assemblées ordinaires, soit en assemblées extraordinaires. Ainsi, il y a abus de majorité en cas de détournements de fonction, si la décision ne s'explique que par un intérêt égoïste contraire à l'intérêt social et aboutit à sacrifier les intérêts légitimes des minoritaires.

Signalons enfin qu'il ne saurait y avoir d'abus de majorité en dehors des décisions collectives. Cette dernière observation vaut pour l'abus de minorité.

2- L'abus de minorité

Il ressort, en effet, des dispositions de l'Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales que les actionnaires minoritaires peuvent engager leur responsabilité en cas d'abus de minorité. Il y a abus de minorité d'après l'art. 131 al. 2 de l'AUSC lorsqu'en exerçant leur vote, les actionnaires minoritaires s'opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt légitime.

Cet abus consiste donc en un blocage injustifié du fonctionnement social. A l'évidence, les conditions sont quasi-identiques à celles de l'abus de majorité. C'està-dire une abstention de la minorité à favoriser l'intérêt général et un avantage escompté. C'est généralement le cas d'un actionnaire qui, par son refus de voter,

120 TOZWEN TEUKWA (R.F.), « Le principe d'égalité entre les associés en droit OHADA », Mémoire de DEA, Droit Communautaire et Comparé CEMAC, Uds., octobre 2000, p. 42.

124 BISSARA (PH.), L'intérêt social, Rev. Soc. 2001, p. 5, cité par TOZWEN TEUKWA (R.F.), op. cit., p. 43.

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bloque la société dans la prise d'une décision importante. D'après la cour de cassation française par exemple, un minoritaire se rend coupable d'abus si « son attitude a été contraire à l'intérêt général de la société, en ce qu'il aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci et dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts, au détriment de l'ensemble des autres associés »122. Cela suppose donc une décision qui nécessite un quorum, que le groupe majoritaire ne peut atteindre tout seul.

La question se pose cependant de savoir s'il y a abus de minorité par le seul fait de l'opposition des minoritaires à l'adoption d'une mesure essentielle pour la société alors même que cette mesure a été adoptée en dépit de cette opposition. Le législateur n'en dit mot, seule la jurisprudence nous permet d'y répondre par la négative, l'opposition des actionnaires n'ayant produit aucun effet sur l'adoption de la délibération d'autant que l'action était postérieure à la délibération123.

Au total, l'abus de minorité pourrait être assimilé à un détournement de pouvoir commis par les actionnaires minoritaires.

Le déséquilibre des pouvoirs des actionnaires peut également s'étendre à leurs droits financiers. Il est, en effet, constant que la société commerciale est constituée dans l'intérêt commun des associés124. Cette prescription peut être violée par des actionnaires, ou par un groupe d'actionnaires. Les abus précédemment analysés ont des incidences sur les droits financiers de ces acteurs internes à la société. D'où la nécessité de s'attarder sur la nature de ces atteintes et sur leurs conséquences.

Tout d'abord, il ressort des articles 125, 283, 284, 288 de l'Acte uniforme que les décisions sont prises en assemblées à l'unanimité ou à la majorité, selon les cas, par tous les actionnaires réunis. Au cours de ces assemblées, les actionnaires majoritaires peuvent faire valoir leur poids démocratique dans l'unique dessein de s'octroyer l'essentiel des avantages financiers. Pourtant, la société est constituée dans l'intérêt commun des associés ; ces derniers sont tous supposés égaux en droits et obligations. Chacun des actionnaires doit participer au profit et aux pertes à hauteur de son apport, selon les termes même de l'art. 4 al. 2 de l'AUSC in fine. Constitue donc une faute, le déséquilibre de fait créé par ceux-ci.

122 Cass. com., 15 juill. 1992, Bull. civ. IV , n°279.

123 TGI du Mfoundi, jugement n° 205 du 12 janvier 2004, Aff. SNAC c/ MOUICHE. 127Cf. ici encore l'art. 4 AUSC.

Le bloc majoritaire représente une véritable menace pour les minoritaires. Cela est dû au fait qu'en vertu de l'art. 146 de l'AUSC les modalités de paiement des dividendes sont fixées par l'assemblée générale. Les décisions en assemblées générales faut-il le rappeler, obéissent à la formule majoritaire. La mauvaise foi avérée des majoritaires peut ainsi mettre en péril les intérêts financiers des minoritaires. Aussi, l'augmentation du capital social ne saurait entraîner une élévation des engagements de l'actionnaire sans son assentiment. De la même manière, le vote de la mise en réserve de tous les bénéfices ne saurait être fonction de la mauvaise foi des majoritaires mais bien de l'intérêt de la société.

Soulignons que les atteintes aux droits financiers sont très souvent l'oeuvre des majoritaires qui disposent de l'arme politique la plus importante, mais aussi la plus redoutable : le droit de vote. Les minoritaires dans ce contexte ne peuvent que recourir au juge pour le rétablissement du droit, ce qui n'est pas sans entraîner des conséquences.

En ce qui concerne les effets des atteintes aux droits financiers des actionnaires, il faut dire que la réaction des actionnaires minoritaires face à la mauvaise foi des majoritaires entraîne des répercussions négatives sur la société et l'environnement économique, notamment la dissolution de la société et/ou l'intervention accentuée du juge dans la société.

S'agissant de l'exercice de l'action en responsabilité contre les coactionnaires fautifs, ce dernier ne pose pas de difficultés majeures une fois que la faute est établie, étant donné que l'établissement de l'abus de majorité ou de minorité est généralement consécutif à un contrôle judiciaire par le biais d'une expertise de gestion.

L'annulation des actes faisant grief et la mise en cause des coactionnaires pour les fautes perpétrées en assemblées protègent ainsi les actionnaires de la mauvaise foi de leurs homologues, et lorsque ces mécanismes dits classiques ne parviennent pas à juguler la crise de sorte que la société puisse poursuivre son exploitation normale, d'autres sanctions entrent alors en jeu, notamment l'intervention d'un tiers.

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§2- LA SANCTION D'EXCEPTION OU LA MESURE DE GESTION DES
CRISES: L'INTERVENTION D'UN ADMINISTRATEUR PROVISOIRE

Les évènements qui peuvent perturber la vie d'une société, voire entraîner sa disparition, sont nombreux et variés125. Seuls seront envisagés ici, les incidents de fonctionnement internes, ayant le plus souvent à leur origine un conflit plus ou moins aigu entre actionnaires126.

Toutes les crises, heureusement, ne mènent pas à la solution extrême, c'est-àdire à la dissolution, et souvent l'intervention d'une tierce personne désignée par le juge entraîne une baisse des tensions et assure un retour à la sérénité127. La désignation d'un administrateur provisoire qui se substitue momentanément aux organes de direction est la mesure la plus radicale qui soit.

Mesure grave et exceptionnelle, elle n'est pas expressément prévue ni organisée par le droit de l'OHADA. Le législateur africain aurait pourtant trouvé là une occasion formidable pour innover et se démarquer de son homologue français, en matière de sécurisation des actionnaires128.

Cette institution suscite ainsi un abondant contentieux, concernant surtout les conditions (A) et la mission qui est confiée à l'administrateur provisoire (B).

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus