2.2. Analyse théorique de la perception des
élèves
Je vais leur soumettre un questionnaire (Annexe
2) et un entretien (Annexe 3). D'abord, mon objectif sera de
connaître les savoirs ethnoculturels (religion) des élèves.
Après cela, je dois qualifier la perception territoriale des
élèves. L'intérêt est de savoir si les
élèves ont la même connaissance de la région
savanicole et de la région forestière.
L'entretien se fera en fonction des réponses
données par les élèves lors du questionnaire. Par exemple
:
J'ai vu que tu as choisi la religion (chrétienne,
musulmane ou animiste) comme la religion la plus pratiquée en Côte
d'Ivoire.
Dis-moi, pourquoi penses-tu que cette religion est la plus
pratiquée ? ou encore Où as-tu appris cela ?
PARTIE III. RÉSULTATS DE LA RECHERCHE ET
ANALYSES
52
Dans cette étude, je m'intéresse essentiellement
aux identités relevant de la population ivoirienne. Même, si
parfois il arrive que je m'intéresse à des leçons ne
traitant pas de la Côte d'Ivoire, c'est que de manière indirecte
l'iconographie est liée à la question identitaire ivoirienne.
I. UNE IDENTITÉ RELIGIEUSE FAVORISÉE DANS LA
GÉOGRAPHIE
SCOLAIRE
1. L'identité religieuse Baoulé
mobilisée au service du tourisme
Certains auteurs se sont inscrits dans cette analyse
réductrice de la Basilique en mettant au premier plan sa
monumentalité dont l'aspect religieux est relégué au
second plan. On pourrait dire que selon Bénédicte Tratnjek, la
basilique est un marqueur spatial qui permet la construction de
l'identité nationale ivoirienne. Car l'auteure affirme que :
« ...Pour les Ivoiriens, l'édifice ne
reflète pas seulement une appartenance religieuse, ni même
seulement un lieu. C'est un espace géosymbolique chargé de
valeurs identitaires et de connotations nationales auxquelles tous les
Ivoiriens (chrétiens ou musulmans) se réfèrent. La
basilique est également, dans leurs coeurs, l'inscription spatiale du
pouvoir du premier président de la Côte d'Ivoire
indépendante. La monumentalité est ici mise au service de
l'identité nationale. L'architecture et le politique sont intimement
liés : la basilique est un marqueur du pouvoir dans l'espace, qui forge
et reflète une identité ivoirienne » (Tratnjek, 2011, p.
5).
Il faut rappeler que la construction de la basilique fit objet
de sévère critique par la population. Dans un pays comme la
Côte d'Ivoire qui est multiethnique et pluriconfessionnel, quelle que
soit l'ampleur d'un tel édifice religieux, elle ne peut pas être
un référent commun dans une société
multiculturelle. Par conséquent, la basilique est un géosymbole
religieux uniquement que pour la communauté catholique. C'est un «
réfèrent identitaire religieux-catholique » (Dan, 2020, p.
205) pour la majorité des Baoulés. Raison pour laquelle, en
Côte d'Ivoire, dans les manuels scolaires de géographie, pour
aborder la notion d'identité, les auteurs ont usé d'une politique
qui consiste à faire passer les paysages identitaires comme des atouts
touristiques. Les paysages identitaires sont mobilisés au profit du
tourisme. Ainsi, officiellement ces paysages sont vus comme des atouts
touristiques. Mais selon Ahmadou Kourouma et Gilles Carpentier (2004, p. 91),
« Houphouët-Boigny se battit pour sauver sa basilique de Yamoussoukro
» parce
53
qu'elle « avait une mission importante. Elle devait
arrêter l'expansion de l'islam, bloquer son avancée vers le Sud
chrétien de la Côte d'Ivoire. » La géographie scolaire
est aussi le creuset de la construction des identités. Les
autorités publiques ont pu utiliser la Basilique Notre Dame de la Paix
de Yamoussoukro et la Cathédrale Saint-Paul d'Abidjan comme des atouts
touristiques dans les différents manuels scolaires de géographie
pour construire l'identité catholique. En utilisant ces édifices
religieux comme des atouts touristiques, cela permettait à l'État
d'éviter « les questions sensibles » (Avon, 2015) dans un pays
pluriconfessionnel comme la Côte d'Ivoire. Ces images sont
présentées à travers les figures suivantes :

Figure 12 : extrait de la page 112 du manuel de 3ème
Hatier/CEDA, Hors collection, 1999

54
Figure 13: extrait de la page 126 du manuel 3ème
Hatier/CEDA, L'Afrique et le Monde, 1999
La fonction première de ces deux édifices est
une fonction religieuse et non touristique. Et, c'est cette fonction
première que les auteurs vont essayer de faire véhiculer en
utilisant ces paysages religieux comme des attraits touristiques. Bien qu'ayant
évoqué d'autres atouts touristiques, il faut noter que ces
paysages religieux sont omniprésents dans les collections des manuels
scolaires. Il faut rappeler que les deux présidents de la Côte
d'Ivoire sont des Baoulés et de confession religieuse catholique comme
la plupart des Baoulés. Officiellement, « l'action religieuse du
gouvernement ivoirien est protéiforme » (Simonet, 2010, p. 409).
Pourtant, le discours politique est différent du discours spatial. La
démonstration de l'attachement de l'État à la religion
catholique s'est faite aussi à travers des marqueurs spatiaux. Comme le
disait Marie Miran-Guyon (2013, p. 8) : « Les signes les plus visibles en
ont été la construction du sanctuaire marial de Yopougon, de la
cathédrale St Paul du Plateau et surtout de la monumentale basilique
Notre Dame de la Paix à Yamoussoukro, réplique grandeur nature de
Saint Pierre de Rome. » Un autre fait marquant, aucune mosquée
n'est utilisée pour une quelconque illustration même pas la
mosquée centenaire de Kong qui est inscrite au patrimoine mondial de
l'UNESCO, construite en 1751. Pourtant, cet édifice compte tenu de son
originalité fera un atout touristique important si elle était
valorisée au même titre que la Basilique. Ces paysages religieux,
insérés dans les contenus des manuels scolaires, étaient
de nature à développer l'image d'une Côte d'Ivoire
chrétienne et catholique. Le paysage de la Basilique et de la
Cathédrale Saint-Paul
55
d'Abidjan a donc été introduit de nombreuses
fois dans les manuels scolaires de géographie. À
l'évocation de Yamoussoukro comme une ville secondaire pour
décongestionner Abidjan, c'est bien le paysage de la Basilique qui est
utilisé pour faire l'illustration.

Figure 14 : extrait à la page 143 du manuel de
4ème, CEDA/HATIER, L'Afrique et le Monde
D'aucuns considèrent que « L'instrumentalisation
politique du religieux faite par l'État ivoirien et le manque de
politique véritable de gestion des pratiques religieuses rend compte de
cette situation » (Dan, 2020, p. 220). Il est vrai que ces édifices
sont souvent présentés comme des atouts touristiques, ainsi que
nous allons le voir dans la section 2. La Côte d'Ivoire est
présentée, en effet, telle un pays catholique aux
élèves.
56
|