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Le régime juridique des engins navigant dans les eaux intérieurs de la République Démocratique du Congo, cas de la rivière Kwilupar Aron MATALA Université de Kikwit - Licence (Bac+5) Droit 2023 |
A. Le régime juridique du bateauLe régime juridique du bateau issu de l'ordonnance-loi n°66-96 est constitué du statut civil et administratif (1.), du jaugeage (2.), du recensement (3.) et de l'immatriculation (4.). 1. Le statut civil et administratif du bateau En droit positif congolais, le bateau est défini comme : « les bâtiments de 10 tonnes métriques de jauge brute ou plus, qui font ou sont destinés à faire habituellement dans les eaux territoriales le transport de personnes ou des choses, la pêche, le remorquage, le dragage ou toute autre opération lucrative de navigation ; les bâtiments de moins de 25 tonneaux de jauge brute qui font habituellement en mer de semblables opérations117. » Le bateau est meuble. Toutefois, les bateaux immatriculés à la conservation des hypothèques maritimes et fluviales ne sont pas soumis à la règle selon laquelle en fait de meubles possession vaut titre. Nonobstant toute convention contraire, la vente des mêmes bateaux ne donne pas ouverture au droit de résolution prévu à l'article 331 du Code civil congolais Livre III intitulé « des contrats ou des obligations conventionnelles118 ». Par bâtiment, il faut entendre tant les bateaux que les embarcations tels qu'ils sont définis à l'article 1 de ladite ordonnance. 117 Article 1, alinéa 1, point 1 et 2 du code de la navigation fluviale et lacustre 118 Article 3
Le recensement consiste à l'inscription des engins navigants dans les eaux intérieures ou territoriales de la RDC au registre de recensement du commissaire fluvial. Tout bâtiment ayant son port d'attache en RDC doit être recensé dans le mois de sa mise en service. Le recensement est opéré par le commissaire fluvial ayant juridiction au lieu choisi comme port d'attache. Il est opéré sur requête du propriétaire pour un bâtiment non immatriculé, et d'office, sur information du conservateur des hypothèques maritimes et fluviales, pour tout bâtiment immatriculé. Le commissaire fluvial donne connaissance sans délai au conservateur des hypothèques maritimes et fluviales, des marques et numéros 119 Article 5 du code de la navigation fluviale et lacustre 120 Article 6 50 recognitifs attribués aux bâtiments immatriculés, à l'effet de lui permettre de compléter les inscriptions de leur immatriculation121. La requête appuyée des pièces justificatives porte les indications ci-après122 : - Le nom ou la devise du bâtiment ; - Les matériaux de construction et le type du bâtiment, l'année et le lieu de construction et, pour les bateaux à propulsion mécanique - même auxiliaire - la nature et la puissance du moteur ; - La jauge nette et la jauge brute d'après le certificat de jauge, ainsi que le numéro et la date de certificat ; - Les noms, les prénoms, profession et résidence du ou des propriétaires, ces indications étant remplacées pour les personnes morales par l'indication de leur nature, leur dénomination et leur siège ; en outre, en cas de copropriété, la part de chacun des copropriétaires ; il y a constitution de mandataire, ses nom, prénoms, profession et résidence ; - La mention du port d'attache. Avant de procéder au recensement, le commissaire fluvial s'assure de l'exactitude des énonciations de la requête. Il peut à cette fin procéder à la visite du bâtiment et exiger la production des documents utiles (art. 9 du code fluvial et lacustre). Dans chaque commissariat fluvial, les bâtiments sont côtés, selon une numérotation continue, précédée d'une lettre majuscule recognitive du territoire, suivie, si le commissaire fluvial le juge utile, d'une ou de plusieurs lettres minuscules indiquant la circonscription administrative territoriales et ses subdivisions. Les lettres recognitives sont déterminées par le Ministre des Transports (article 10 du code de navigation fluviale et lacustre). Les marques et numéros de recensement sont affichés sur le bordé métallique, soit brûlés au fer rouge sur les bordages en bois ou marqués de manière indélébile sur une plaque métallique incorporée de façon permanente. Cette opération est faite gratuitement par les soins de l'Administration123. Les propriétaires à leur tour sont tenus de reproduire en noir sur fond blanc, dans deux carrés de 0,20 m sur les parois de tribord avant et de bord arrière les lettres ou chiffres. 121 Article 7 du code de navigation fluviale et lacustre 122 Article 8 123 Article 11 51 Par conséquent, toute mutation de propriété, tout changement de port d'attache, toute perte, destruction, ou mise hors d'usage d'un bâtiment non immatriculé doit être dénoncé au commissaire fluvial du lieu de recensement dans les trente jours de sa survenance. La mutation de propriété, la perte, la destruction ou la mise hors d'usage doivent être prouvées à la satisfaction de l'Administration (article 12 du code de navigation fluviale). Le commissaire fluvial porte sur le certificat de jaugeage la relation du recensement, son numéro et sa date, signe cette apostille et la revêt du sceau de son service (article 13 du code fluvial et lacustre). La mutation de propriété, le changement de port d'attache et le cas échéant la prise par l'ennemi font l'objet d'une inscription marginale ; pertes, destructions, mises hors d'usage entrainent la radiation de l'inscription124. 4. L'immatriculation L'immatriculation consiste à attribuer à un bateau un numéro d'identification. Ce numéro fait partie des marques d'identification et doit être opposé à l'intérieur et à l'extérieure du bateau. La demande de l'immatriculation est réalisée par l'acquéreur125. En droit fluvial et lacustre congolais, les engins qui sont obligatoirement soumis à l'immatriculation sont : - Tout bateau à coque métallique ayant son port d'attache en RDC déplaçant plus de 20 tonnes métriques à l'enfoncement maximum autorisé et appartenant à des personnes physiques résidant en RDC ou à des personnes morales qui y sont légalement établies ; - Tout bateau qui n'ayant pas ce déplacement, réunit les autres conditions énumérées ci-dessus et possède une force motrice de plus de 50 C.V. Peut-être immatriculé (l'immatriculation des engins ci-dessous est facultative) : - Tout bateau en construction ou en montage en RDC, destiné à y avoir son port d'attache et dont les caractéristiques répondent aux prescriptions ci-dessus ; 124 Article 15 du code de navigation fluviale et lacustre 125 https://www.bretagne-info-nautisme.fr/fr/infos-pratiques/regres-pratiques-nautiques-materiels/comment-immatriculer-mon-bateau, consulté le 20 septembre 2023 52 - Avec l'autorisation expresse et motivée du Ministre des Transports, tout bateau ne répondant pas aux conditions prévues ci-dessus et qui est affecté à la navigation sur les eaux territoriales126. L'immatriculation des bateaux en RDC se fait au bureau de la conservation des hypothèques maritimes et fluviales à Kinshasa. Elle est opérée sur requête, établie en deux exemplaires, adressée par le propriétaire au conservateur des hypothèques maritimes et fluviales. Le certificat de jaugeage et le titre de propriété sont annexés127. La requête doit être introduite dans les trente jours de l'acquisition de tout bateau soumis à l'immatriculation obligatoire. Elle porte les indications prescrites à l'article 8 (article 18 du code de navigation fluviale et lacustre). Après cette requête, le propriétaire est tenu de notifier, dans les trente jours au conservateur des hypothèques toutes les modifications affectant l'état ou la propriété d'un bateau immatriculé. Le conservateur en fait mention au registre matricule et en donne connaissance au commissaire fluvial ainsi que toute radiation ou modification fondée sur d'autres causes128. L'immatriculation à l'étranger d'un bateau déjà inscrit au registre matricule en RDC est nulle, c'est le même cas aussi pour le bateau déjà immatriculé à l'étranger ; le propriétaire est tenu de faire radier antérieurement à l'inscription au registre matricule toute immatriculation qui existerait à l»étranger (article 21 du code fluvial et lacustre). Tout document relatif au bateau ou à son équipage, délivré par les autorités fluviales, portera le numéro d'immatriculation. L'immatriculation obligatoire prend fin par sa radiation pour les causes ci-après129 : - Lorsque le bateau est rayé des registres de recensement ; - En cas de prise par l'ennemi. De surcroît, toute cause de radiation obligatoire doit être notifiée au conservateur des hypothèques maritimes et fluviales par le propriétaire du bateau immatriculé et ce, dans les trente jours de la date à laquelle il a eu connaissance. Ladite notification vaut requête de radiation. 126 Article 16 du code de navigation fluviale et lacustre 127 Article 17 128 Article 19 129 Article 25 53 L'immatriculation facultative des bateaux par contre peut être radiée en tout temps, moyennant autorisant du Ministre des Transports, à la demande du propriétaire ou des copropriétaires de plus de moitié130. Eu égard de tout ce qui précède, nous notons que le bac est un bateau, cette nature juridique relève de sa qualification en droit fluvial et lacustre ; ce faisant, on l'applique le régime juridique des bateaux. B. Le régime juridique des embarcations Par embarcations, il faut entendre en droit positif congolais « tous bâtiments de moins de 10 tonnes métriques de jauge brute, affectés ou destinés à faire habituellement dans les eaux territoriales le transport de personne ou des choses, la pêche, le remorquage, le dragage ou toute autre opération lucrative de navigation131 ». Toutefois, elles sont meubles et, peuvent par conséquent être soumises à la règle selon laquelle en fait de meubles possession vaut titre132 en dépit du fait qu'elles ne sont pas soumises à la procédure particulière de l'immatriculation auprès de conservateur des hypothèques maritimes et fluviales. Contrairement aux bateaux qui font objet de l'immatriculation comme nous l'avons dit tantôt, les embarcations n'en font pas. Elles sont cependant concernées que par le jaugeage et le recensement. A cet effet, les points relatifs au jaugeage et au recensement abordés ci-haut sur le régime juridique des bateaux s'appliquent de même aux embarcations. Disons cependant que le législateur congolais ne prévoit pas une classification des embarcations, il se limite simplement à donner la définition de ce qu'on peut comprendre par embarcation. Pour répondre à cet impératif, nous proposons trois critères (deux tirés de la définition du législateur, l'autre proposé par nous-même) de détermination d'une embarcation dont : l'objet de l'engin qui doit être celui de faire habituellement dans les eaux territoriales le transport de personnes ou de choses, la pêche, le remorquage, le dragage ou toute autre opération lucrative de navigation ; la force motrice qui est calculé en chevaux (CV) et, la capacité de transporter moins de 10 tonnes de jauge. Ce faisant, ce point examine le régime juridique des embarcations navigant dans la rivière Kwilu ci-après : la baleinière (1), la coque 130 Article 26 du code de navigation fluviale et lacustre 131 Article 1, alinéa 2 132 Déduction faite de l'article 3, alinéa 2 du code de navigation fluviale et lacustre. 54 motorisée (2) et la pirogue motorisée (3). Il propose en outre une catégorisation d'embarcations que le législateur peut bien vouloir s'inspirer pour changer la donne. 1. La Baleinière Visiblement, le concept « baleinière » n'est pas défini par le législateur congolais de l'ordonnance loi n°66-96 du 14 mars 1966 portant code de navigation fluviale et lacustre ; ce dernier ne cite pas expressément ledit concept dans le corps de ce texte. Cela veut dire en d'autre terme que ce concept n'a pas de soubassement juridique en droit fluvial et lacustre congolais. Fort est de constater que la navigation dans les eaux intérieurs et/ou territoriales de la RDC, en l'occurrence dans la rivière Kwilu est caractérisées par la présence élevée des baleinières. Il y a lieu de confirmer que la baleinière est le principal engin caractérisant toutes les autres catégories des embarcations. Son omniprésence mérite un chapitre prévoyant certaines règles spécifique dans le code de navigation fluviale et lacustre. Généralement, ledit législateur utilise le concept « bâtiment non immatriculé » pour désigner la baleinière et d'autres embarcations. Ce manque de définition propre à la baleinière fait en sorte qu'on l'applique la définition générique des embarcations qui est prévue aux termes de l'article 1er alinéa 2 de ladite ordonnance-loi. Pour pallier cette carence de définition juridique propre à la baleinière, nous proposons que la baleinière soit juridiquement définie comme « un engin en bois à fond plat, de 15 à 30 mètres de long sur 2 à 6 mètres de large, pouvant transporter moins de 10 tonnes métriques de jauge brute, affectée ou destinée à faire habituellement dans les eaux territoriales le transport de personne ou des choses, la pêche, le remorquage, le dragage ou toute autre opération lucrative de navigation ». Comme nous l'avons dit tantôt, les embarcations ne sont pas immatriculées ; la pratique courante du commissaire fluvial du port de Kikwit démontre que la circulation des baleinières dans les eaux intérieures, en l'occurrence la rivière kwilu est soumise à l'achat et/ou à la détention des documents ci-après : - L'autorisation de construction d'engin qui n'est rien d'autre qu'un document administratif qu'obtienne un futur propriétaire de baleinière pour construire son bâtiment. Ce document est octroyé par l'inspection de la navigation (commissaire fluvial) ; - Le certificat de navigabilité provisoire qui est un document administratif qui autorise la première navigation à une baleinière qui vient d'être fabriquée ; Elle est une embarcation comme toutes les autres, contrairement à la coque et à la baleinière, la pratique habituelle observée renseigne que cet engin ne peut pas faire objet de 55 - Le rôle d'équipage, c'est l'engagement fluvial ou le contrat de travail qui lie le personnel navigant avec l'armateur ou l'employeur ; - L'autorisation de transport des biens, c'est une mesure administrative donnée par le commissaire fluviale au propriétaire d'un engin à l'issue d'un contrôle obligatoire de jaugeage ; - L'autorisation de transporter les personnes, elle est comme l'autorisa des biens mais ici, l'autorisation porte seulement sur les personnes ; - La première mise à flot, c'est l'autorisation de la mise à l'eau pour la première d'un engin qui vient d'être construit ; - Le certificat de navigabilité, c'est la pièce maitresse que doit avoir les engins avant de naviguer, il n'est rien d'autre que le titre de constat établit par le service d'inspection fluviale sur l'état de sécurité des bâtiments et/ou engin ayant leur port d'attache en RDC. Hormis les documents ci-dessus, les membres d'équipage doivent obtenir les documents ci-dessous : - Le permis de naviguer pour les membres d'équipages, ce document est pour le capitaine ou le conducteur ; - Le permis de sortie pour les engins les engins qui quittent la ville de Kikwit pour ailleurs ; - Le certificat de capacité pour les barreurs et les matelos (c'est le certificat d'aptitude physique ou d'aptitude au travail) ; - Le permis de naviguer pour le mécanicien.
56 l'autorisation de construction. A cet effet, étant une embarcation, on leur applique naturellement le régime juridique des embarcations.
Celle-ci n'est réputée ni bateaux, ni embarcations136. Elle n'a pas de régime juridique. Elle est à usage non professionnel. La bonne question qui mérite d'être posée est celle de savoir 133 Article 2, point 2 du code de navigation fluviale et lacustre 134 Article 33, point 2 135 Interview du 14 août 2023 avec le commissaire fluvial du port de Kikwit 136 Article 1 alinéa 3 du code de navigation fluviale et lacustre A cet effet, l'ordonnance n°72-225 du 26 avril 1972 institue une taxe de navigation à charge des armateurs ou des propriétaires des bâtiments qui font ou qui sont destinés à faire des 57 sur quoi se fonde les droits et taxes que paient les propriétaires de ces pirogues ? Il est impératif que le législateur intervienne dans ce secteur pour actualiser ce code de navigation fluviale et lacustre aux réalités purement congolaises afin de légiférer les pirogues en bois et les radeaux. E. la pirogue en bois non motorisée à usage professionnel Elle n'a pas également de régime juridique car l'inspection fluviale assure le contrôle en vertu de sa plénitude de compétence en matière de navigation fluviale et lacustre en vertu de l'ordonnance-loi n°66-96 du 14 mars 1966. Le commissaire fluvial du port de Kikwit laisse entendre sans fondement juridique que les pirogues en bois non motorisées relèvent de l'attribution des entités territoriales décentralisées. Nous avons évoqué cette ordonnance-loi dans le cadre de ces trois derniers engins pour confirmer le pouvoir de contrôle dans le secteur de navigation fluviale et lacustre qu'a l'inspection de navigation fluviale sur ces engins. L'absence des règles relatives à ces trois engins qui devaient être prévues par ledit code laisse la place à des pratiques illicites de l'inspection de navigation. §3. Le régime juridique spécifique des engins navigant dans les eaux intérieures de la RDC : cas de la rivière Kwilu Ce paragraphe examine essentiellement le régime juridique fiscal des propriétaires d'engin navigant dans la rivière Kwilu (A) d'une part et leur régime des assurances (B) d'autre part. |
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