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Figure de l'autre et construction de l'identité de la victime à  travers l'association des étudiants et élèves rescapés du génocide, (AERG).

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par Eric Ndushabandi
Université Nationale du Rwanda et Facultés Universitaires Saint Louis- Bruxelles - PhD Student 2010
  

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I.4. De l'objectif de s'organiser en « familles »

L'AERG n'est pas seulement un produit d'un compromis sur des intérêts objectifs partagés au sens de la « sociation », l'AERG se structure également autour des petits noyaux appelés « familles » formés chacun d'une dizaine de personnes par familles. Une dynamique de « communalisation » tendant à la production et à l'entretien chez l'individu d'un sentiment subjectif d'appartenance à un « nous »24(*).

En effet, « tout génocide, écrit Régine Waintrater, est une catastrophe de la filiation : il est l'anéantissement simultané de trois générations, celles qui sont nécessaires à l'établissement de toute filiation, pour permettre que chacun puisse se situer dans un ensemble de sujets et se reconnaître comme ayant été engendré et capable d'engendrer 25(*)». Cette destruction ontologique entraîne un vide fondamental chez le rescapé. Si le génocide a emporté des parents, frères et soeurs, il n'emporte pas ce que Régine Waintrater appelle « l'ethos » de la famille, Il s'agit de cet amour, ce besoin que personne ne peut lui enlever ; besoin de réactiver ce qui lui a été transmis comme valeurs familiales. Les rescapés se disent qu' « à travers ces familles, chaque membre de l'AERG se retrouve dans un cercle restreint, pour leur permettre de vivre normalement comme toutes les autres personnes qui vivent en famille »26(*).

Par ces familles, le rescapé se crée un cercle et des valeurs symboliques qui lui permettent de survivre, au milieu des conditions difficiles. Dans ce sens la survie psychique devient importante pour permettre la survie physique et la reconstruction matérielle.

Les rescapés tentent de reconstituer cette humanité familiale détruite par le génocide en se regroupant dans des familles « surnaturelles »27(*) dont les noms se rapportent toujours à un ensemble de valeurs.

BUGWABARI Nicodème, montre dans une enquête réalisée en 200928(*), que les différentes familles ont des noms qui reflètent chacun un idéal, une valeur particulière. Par exemple, la famille d'Issa Nkurunziza s'appelle « Imboneza ». Ce nom signifie « celui qui marche aux devant des autre et servant d'exemple aux autres. D'autres familles portent des noms comme « Amarebe » et « Tata ». Le sens du premier se rapporte aux herbes du lac qui perdurent. Ce sens renvoi à une valeur de la « longévité » souhaitée aux porteurs de ce nom.  Le nom « Teta » invite les porteurs de celui-ci à se laisser gâter.

Ces quelques exemples suffisent pour se rendre compte de l'engouement pour la vie normale, une nostalgie d'un amour familial perdu. Les « jeux des rôles » sont pleinement assumés parmi les égaux. « Comment ton égal ou un inconnu devient-il ton « Papa » ou ta « Maman » ?

« Primus inter pares » ?

Comment devient-on Papa ou Maman dans l'AERG? Cette expression latine traduisant « le premier parmi les égaux » se vérifie dans les propos de nos enquêtés : « On choisit souvent le plus âgé et celui qui est vu comme intègre et qui est capable d'être porte-parole compétent des membres de sa famille et surtout celui qui sera capable d'offrir un soutien moral et psychologique aux membres qui en ont plus besoin ».

Au fait, il est réellement difficile d'appeler Maman ou Papa une copine ou un copain avec lequel on étudie ou avec qui on partage un lit. Mais, comme il est élu après discernement par les membres de l'AERG, il n'ya rien à faire. Mais aussi, on s'entraîne à cette culture ou cette habitude de voir dans l'autre ton parent. On nous inculque cet esprit de confiance en l'autre. A son tour, il se légitime par son comportement et son soutien accordé aux membres dont il a la charge, même si en réalité il n'est pas vraiment le vrai et réel parent. La légitimité donc tient au fait d'être élu et accepté par les membres. Les statuts prévoient également l'autorité symbolique dont devra jouir celui qui, désormais, est élu Papa ou Maman dans une famille. Il veille à la vie commune et partagée. Il est l'interlocuteur, il est le garant de l'unité et porte-parole du groupe auprès des instances de l'AERG, de l'Université et des autres partenaires. Ces valeurs deviennent plus visibles en période de deuil national.

D'une part, les familles sont attentives à la situation psychologique de chacun des membres et d'autre part la distribution des rôles dans l'encadrement et l'organisation des activités de commémoration se font par familles.

Comment comprendre ce grand investissement de l'AERG dans l'organisation de la commémoration du génocide de chaque année au sein de l'Université Nationale du Rwanda ? Quelle est la place du non rescapé dans ces activités ?

Dans les lignes suivantes, nous revenons sur les acteurs en présence en vue de saisir les motifs profonds de cet engagement de l'AERG dans la commémoration du génocide.

II. La commémoration : Quels acteurs ? Quelles attentes ?

Comment et sous quelle autorité le chercheur peut-il parler de l'autre et lui accoler les différentes figures ? Selon Denise Jodelet,

« Parler de l'autre en général ne permet pas de voir à partir de quoi et de qui il est construit, pourquoi il l'est, quelles figures il prend et quelles positions lui sont accordées dans l'espace social. Parler de l'altérité concerne une caractéristique affectée à un personnage social, (individu ou groupe) et permet donc de centrer l'attention sur une étude des processus de cette affectation et du produit qui en résulte, en prenant en considération les contextes de son déploiement, les acteurs et les types d'interaction ou d'interdépendance mis en jeux »29(*).

* 24 Lire WEBER M., Economie et société, Paris, Plon « Agora », T.1., 1995.

* 25 WAINTRATER R., Sortir du génocide. Témoigner pour réapprendre à vivre, Paris, Payot, 2003, p.19.

* 26 Notre entretien, Mai, 2010.

* 27 Par opposition aux familles biologiques et naturelles.

* 28 BUGWABARI N., « Jeunesse et commémoration du génocide au Rwanda : le cas de l'Association des Etudiants et Elèves Rescapés du génocide, (AERG), section Université Nationale du Rwanda en Avril 2009 », inédit, Butare, 2010.p.13-14.

* 29 JODELET D., Op.Cit.,p. 26.

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