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La CEDEAO et les crises socio-politiques dans les pays membres: cas du Liberia et de la Côte d'Ivoire

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par Winnie TSHILOBO MATANDA
Université officielle de Bukavu - Licence en relations internationales 2011
  

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CHAPITRE II : DES CONFLITS « LIBERO-IVOIRIENS » ET LA NECESSITE DE LEUR RESOLUTION PAR LA CEDEAO

La fin de la guerre froide n'a pas marqué le terme ni des guerres interétatiques ni des guerres civiles en Afrique. Dans bien des cas, ces guerres inter ou transétatiques sont intimement liées à des conflits civils, avec lesquels elles forment un système. Si elle n'en était pas épargnée et l'insécurité n'y constitue pas un phénomène nouveau, l'Afrique de l'Ouest n'a pas toutefois connu de guerres interétatiques d'une réelle gravité. Au niveau interne par contre, le Liberia et la Côte d'Ivoire, deux pays de la sous-région, ont connus des troubles très graves avec des violations graves et massives de droits humains. Ces dernières ont entrainé des déplacements des populations à l'intérieur comme à l'extérieur de leurs pays respectifs et ont déstabilisé l'ensemble de la région.

Dans cette partie, nous nous proposons de faire une étude des conflits armés qui se sont déroulés dans ces deux pays en dégageant les stratégies mises sur pied par la CEDEAO pour leur résolution.

Section I. DES CONFLITS « LIBERO-IVOIRIENS »

Les conflits « libéro-ivoiriens » ont été considérés par beaucoup comme les plus meurtriers dans la zone ouest-africaine. Nous nous proposons de faire au travers de cette section, une analyse succincte de ces deux cas de conflits.

§1. DES CONFLITS LIBERIENS

Le Liberia a été secoué par des conflits considérés comme faisant partie des plus meurtriers de la sous-région. En effet, fondé en 1822 par la Société Américaine de Colonisation (ACS), organisation philanthropique dont la mission était d'aider les esclaves américains victimes de la traite transatlantique à revenir sur leur continent d'origine, le Libéria est d'abord gouverné par les colons Américano-Libériens et leur descendance. Cette gouvernance l'était au détriment de la majorité autochtone. Une fois l'indépendance déclarée en 1847, les Américano-Libériens conservent le pouvoir pendant plus d'un siècle, jusqu'en 1980, notamment à travers le True Whigs party (TWP). La majorité autochtone n'obtiendra le statut de citoyen qu'en 1904, et la politique menée envers les autochtones tout au long de cette période est caractérisée par leur asservissement à un régime de travail obligatoire, notamment dans les grandes plantations. Il ressort alors que les conflits libériens ont principalement pour origine profonde l'histoire complexe des relations entre la communauté des descendants des colons (américano-libériens) et la communauté autochtone (native). A cela s'ajoutent le faible taux d'alphabétisation de cette dernière, la pauvreté massive qui existe dans les régions rurales et le sentiment que les fruits du labeur national vont essentiellement à la population de Monrovia.59(*)

La première guerre civile (1989-1997) est le résultat de l'accumulation d'un certain nombre d'injustices et de malversations créées et entretenues par les divers régimes qui se sont succédé à la tête de l'Etat depuis sa création par les esclaves afro-américains affranchis. Ces différentes pratiques sont contenues dans la constitution du 26 juillet 1847 qui instaure officiellement un système ségrégationniste appelé « apartheid libérien »60(*). Ce système a favorisé la suprématie des afro-américains, pourtant très minoritaires (1% de la population libérienne), dans tous les domaines (secteurs économiques et socio-politiques).61(*) Sur le plan socio-politique, en effet, la constitution n'a réservé la citoyenneté libérienne qu'aux « seuls noirs et descendants de noirs ».62(*) Ceux-ci deviennent, du coup, les seuls bénéficiaires des différents avantages en découlant socialement. Ils sont les seuls à avoir droit à la prospérité, à l'habitation, à la propriété qui subordonne le droit de vote ou celui de participer à toutes activités politique ou administratives.63(*)

Dans le domaine économique, les afro-américains détiennent aussi tous les leviers du pouvoir et grâce à leur mainmise sur les terres, le commerce et sur les autres secteurs clés de l'économie, ils se sont constitués en haute bourgeoisie et effectuaient leurs échanges dans les centres urbains avec le dollar américain étant la monnaie locale. Les autochtones, de leur coté, sont encore à l'étape primitive caractérisée par la vie sauvage qu'ils mènent à l'intérieur du pays. Le troc étant leur mode d'échange.64(*) Les conséquences de ces discriminations créent des fossés énormes dans le chef de ces deux communautés qui composent le Libéria et, face à ces injustices, la majorité autochtone a multiplié des contestations et des révoltes de toutes sortes pour sortir du joug afro-américain.

En 1980, le sergent Samuel Doe, issu de l'ethnie Krahn, mène un coup d'État contre le régime de William Tolbert à la suite des émeutes contre la hausse du prix de la nourriture. M. Tolbert est exécuté avec 13 de ses ministres. Il s'en suit dix années d'un régime autoritaire sous lequel la situation économique et démocratique du pays se détériore significativement.65(*) Pourtant, à l'accession au pouvoir, les nouvelles autorités se sont fixé une mission de « rédemption » qui consistait, dans un premier temps, à réduire le fossé qui existait entre les afro-américains et les autochtones et, dans un second temps, à lutter contre la corruption qui minait les 19 précédents régimes. Malheureusement, la mise en application de ce programme s'est soldée par une fureur vengeresse doublée d'une chasse aux afro-américains. L'espoir suscité par l'arrivée au pouvoir d'un Krhan chez les autochtones n'a pas duré longtemps. Le désenchantement est devenu total en ce sens que le président a privilégié les siens en les nommant à des postes clés dans tous les secteurs. La corruption est devenue le fondement même du pouvoir.66(*) L'opposition n'existe plus pour critiquer et contrebalancer le pouvoir. Le pays va alors connaitre une instabilité totale avec toutes les formes de violations des droits de l'homme. Le bilan socio-politique voire économique des dix années de règne du régime de Samuel Doe est comparable à celui d'un siècle des afro-américains. En fait, le Liberia est devenu « tributaire de background ».67(*) Il est devenu « Etat-individu ». Le président se confond désormais à l'Etat. On assiste à une impossible dissociation de la puissance publique du rôle - émanant de la volonté de la collectivité principalement autochtone -, du mode de vie individuel du Chef de l'Etat. Tout cela a causé le désastre libérien qui conduit au premier conflit ouvert en 1989.

En effet, le conflit commence lorsqu'un commando armé inconnu attaque, le 24 décembre 1989, un poste de douane à Buato, un petit village situé dans le comté de Nimba, région minière, au Nord près de la frontière avec la Côte d'Ivoire68(*). La guerre civile oppose les soldats gouvernementaux, composés de Khrans, ethnie de Doe, installés dans la région, aux combattants du NPFL de Charles Taylor69(*) estimés à quelques 5000 hommes, tous des Manos et des Ghios. Très vite, elle a pris une tournure ethnique avec pour conséquences beaucoup d'exactions commises dans les deux camps.70(*) Le conflit évolue à l'avantage des freedoms fighters (les combattants de la liberté), les hommes de Charles Taylor, qui contrôlent 90 % du territoire en dehors de la capitale Monrovia, après six mois de combat.

La capitale est sauvée par le déploiement, sous impulsion du Nigéria, d'une force d'interposition de la CEDEAO dénommée Groupe d'Observation de la CEDEAO (ECOMOG). Si elle empêche le NPFL de prendre la capitale, cette intervention crée une division entre pays anglophones et francophones au sein de l'organisation. En conséquence, on assiste à un prolongement du conflit71(*). Il faut noter également que les troupes rebelles n'étaient pas en mesure de prendre la capitale malgré la supériorité de la capacité militaire du NPFL par rapport à l'armée nationale (AFL) à cause de la dispute entre Taylor et le Prince Johnson, un ancien membre de l'AFL, qui forma l'INPFL. Cette dissension fut couteuse pour le NPFL puisque Johnson entraina avec lui une grande partie des membres de l'unité des forces spéciales qu'il dirigeait. Toutefois, ce sont les rebelles du NPFL qui occupent la quasi-totalité du territoire libérien et assurent le contrôle des différents secteurs économiques clés du pays. La persistance du conflit est une occasion pour les différentes factions de tirer le maximum de profit des ressources minières. Chacune d'elles n'hésite pas à « s'associer avec une ou plusieurs multinationales pour exploiter les richesses naturelles que recèle son territoire ».72(*) Pour Taylor, cette guerre est un moyen de parvenir au pouvoir alors que pour le régime Doe, une occasion pour réprimer à jamais les opposants de la région de Nimba afin d'assurer la sécurité du régime. La satisfaction des objectifs contradictoires de ces deux antagonistes sera à la base des massacres, pillages et atrocités de tous genres. L'on comptait, du jour au lendemain, des dizaines de milliers des victimes déplacées internes et des refugiés73(*).

En août 1990, lors d'une réunion en Gambie - boycottée par le NPFL -, la CEDEAO facilite la nomination d'Amos Sawyer à la tête d'un gouvernement d'union nationale. M. Taylor et plusieurs autres factions refusent de collaborer avec ce gouvernement transitoire et les combats entre les forces armées du Libéria et l'INPFL continuent. Samuel Doe est finalement capturé, torturé puis exécuté en septembre 1990 par Prince Yormie Johnson, qui s'auto-déclare par la suite Chef d'État. En novembre de la même année, lors d'une réunion des chefs d'États de la CEDEAO, l'accord de cessez-le-feu de Bamako est tout de même signé entre les forces armées du Libéria, l'INPFL et le NPFL. Le gouvernement d'union nationale d'Amos Sawyer est formellement mis en place à Monrovia. La période qui suit cet accord est ponctuée de plusieurs accords de cessez-le-feu aussitôt violés par l'une ou l'autre partie. Un autre groupe, l'ULIMO, apparait en 1991 en Sierra Leone et combat dans le nord-ouest du Libéria contre le NPFL de Taylor. Un accord de paix signé en octobre 1991 à Yamoussoukro amène toutefois à la reddition de l'INPFL, qui sera dissout en septembre 199274(*).

Les mêmes enjeux furent à la base de la seconde guerre civile qui a secoué le pays de 2000 à 2003. Malgré les efforts de consolidation de la paix du BANUL75(*), le gouvernement et les dirigeants de l'opposition se révèlent incapables de surmonter leurs différends. Les efforts de réconciliation nationale sont sapés par des violations systématiques des droits humains, le non respect des droits de l'opposition et l'absence de réformes dans le secteur de la sécurité. En outre, plutôt que de s'atteler à la tâche de reconstruire le pays, le président Taylor appuie la rébellion du RUF au Sierra Leone. En effet, éclaté en 2000 dans le comté de Loffa suite aux attaques du « Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie » (LURD), le conflit a véritablement pris de l'ampleur en 2002 et surtout en 2003 avec la naissance du Mouvement pour la Démocratie au Liberia (MODEL). Ces deux se battaient contre les troupes gouvernementales de Charles Taylor.76(*) Comme pour la première guerre, le but poursuivi par les deux parties sont précis. Pour les rebelles du LURD et du MODEL, Charles Taylor doit quitter le pouvoir. Pour les troupes gouvernementales, le régime de Taylor doit être sauvé à tout prix. L'intransigeance des uns et des autres a donné lieu à d'intenses combats dans la capitale toujours épargnée par les actes de violences jusqu'à la signature le 17 juin 2003 par les protagonistes, sous l'égide de la CEDEAO, d'un accord de cessez-le-feu à Akossombo, au Ghana. Cet accord a été aussitôt violé et le LURD et le MODEL qui ont poursuivi leur avancée dans la capitale jusqu'au mois d'août avec toutes les conséquences qui en découlent.

En terme des conséquences, les deux conflits qui ont secoué le Liberia de par leurs ampleurs, ont occasionné beaucoup de dégâts sur le plan humanitaire avec des nombreuses victimes (estimées à 150000 pour seulement la première guerre civile77(*)) et ont pris des dimensions sous-régionales avec parfois des tensions dans les Etats frontaliers.

Pour le cas de la Guinée Conakry par exemple, les villages frontaliers subissent régulièrement les assauts des combattants qui n'hésitent pas à y établir leurs bases. Selon une enquête d'Amnesty International publiée en 1995, « les combattants de l'ULIMO ont massacré en janvier 1995, vingt huit civils lors d'une double attaque contre des villes situées du côté guinéen de la frontière ».78(*) En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, la force ouest africaine ECOMOG, voulant frapper les positions des hommes de Charles Taylor, a à deux reprises (le 27 février et le 27 mai 1993) bombardé des villages ivoiriens situés près de la frontière libérienne. En juin 1995, des affrontements avaient eu lieu entre réfugiés libériens et autochtones ivoiriens toujours en Côte d'Ivoire. Le bilan de ces violences faisait état de trente personnes tuées dont une vingtaine d'Ivoiriens.79(*)

Outre les armes qui circulent facilement et de façon très illicite dans la sous-région ouest africaine du fait de la guerre civile libérienne, la partie occidentale du continent est aussi confrontée à d'autres trafics notamment, le trafic d'enfants et de la drogue. Plusieurs enfants sont soit enlevés soit trafiqués par les parties en conflit. Tous drogués, ils sont envoyés sur les différents fronts pour combattre. D'autres par contre, notamment les jeunes filles sont utilisées comme des objets sexuels. 80(*)

Du côté ivoirien, le conflit a connu plusieurs phases entre autre, celle de 2002 et de 2010.

* 59DOUKA, A.M., Le rôle des acteurs sous-régionaux dans l'intégration économique et politique : l'étude de cas de la CEDEAO, institut d'études politiques de Toulouse, 2006.

* 60 Ce système d'apartheid est considéré comme une colonisation des « noirs sur noirs » et parait très difficile du fait que la minorité organisée en classe dirigeante , exploite la majorité en utilisant tous les appareils idéologiques, militaires, juridiques et religieux et les dispositifs de contrôle à sa disposition. Et n'a qu'un seul objectif : traiter les autochtones comme des colonies ou plus précisément comme des sous-hommes. Lire à ce sujet NYONGO, P.A., Afrique : la longue marche vers la démocratie, éd. Publisud- FTM-ONUP, 1988, p. 62.

* 61 MAHOUNON, M., la CEDEAO dans les crises et conflits ouest africain, Sans Papier, Cornell university, Thèse de doctorat en sciences politiques soutenue à l'IRERIE (Institut de Recherches et d'Etudes en Relations Internationales et Européennes), Avril 2009, p.12

* 62 Article 5 section 13 de la constitution de juillet 1847

* 63 NYONGO, P.A., op.cit., p. 62.

* 64 Ibidem

* 65 BARGUES, J-G., « Historique sur l'opération de la MINUL », Réseau Francophone de recherche sur les Opérations de Paix(ROP), Université de Montréal, 30 septembre 2011, p.1.

* 66 Pendant ses dix années de pouvoir, il avait reçu « un demi milliard de dollars des Etats-Unis qu'il avait en grande partie détourné à son profit et cinquante deux millions en aide militaires » CF BRITTAIN V., le Libéria, de l'implosion au chaos, in Monde Diplomatique, 1990, p.21.

* 67 KADONY, N.K., op. cit., p.20.

* 68 FOREST, D., causes et motivations de la guerre civile au Liberia (1989-1997), Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval, Avril 2004, p.29.

* 69 Chef du groupe rebelle qui occupa le poste de directeur de l'Agence des services généraux du gouvernement de Samuel Doe entre 1980 et 1983. Toutefois à la suite des accusations de détournement de fonds portées contre lui, Charles Taylor s'exila aux Etats Unis où il fut tout de même emprisonné par les autorités américaines. Il réussit cependant à s'échapper d'une maison de détention située à Boston en 1985. Il retourna ensuite en Afrique et s'installa en Sierra Leone afin de récolter des appuis nécessaires à la création du NPFL.

* 70 BALENCIE, J M.et DE LA GRANGE, A., Mondes rebelles, version réactualisée, éd. MICHALON PAIS, 1999, p.21.

* 71 MAHOUNON M., op. cit., p.16.

* 72 BALENCIE, J M.et DE LA GRANGE, A., op. cit., p.21.

* 73 Ibidem

* 74 BARGUES, J-G., op. cit., p.2.

* 75 Bureau d'appui des Nations unies pour la consolidation de la paix au Liberia créé en septembre 1997 par l'ONU avec comme principale tache d'aider le gouvernement à consolider la paix après la victoire de Charles Taylor aux élections de 1997.

* 76 BARGUES, J-G., op. cit., p.2.

* 77 Human Rights Watch (HRW), Youth, Poverty and Blood: The Lethal Legacy of West Africa's Regional Warriors, mars 2005.

* 78 AMNESTY INTERNATIONAL, Rapports annuels de 1999 et 2000, Editions francophones EFAI

* 79 MAHOUNON, M., op. cit., p.18.

* 80 Ibidem

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